Le protocole OSTA en soin courant (Organisation d’un Suivi Thérapeutique adapté) Intérêt des rappels téléphoniques et d’un travail en réseau dans la prise en charge des suicidants INTRODUCTION Le protocole est issu d’une étude qui a eu cours d'octobre 2009 à octobre 2011 (en ce qui concerne les inclusions). Il est passé en soins courants depuis novembre 2012. Suite à un entretien psychothérapeutique aux urgences, un service de rappels téléphoniques est proposé à la sortie des patients non hospitalisés après une tentative de suicide. L'entretien des patients aux urgences Population concernée Patients non hospitalisés, plus de 18 ans. Ayant réalisés un geste contre eux-même, quelque soit la gravité de ce geste et l’intentionnalité suicidaire (y compris les automutilations): la gravité du geste n’est pas toujours représentative de la gravité de la souffrance morale du patient. L’entretien d'inclusion dans le protocole ● Après un bilan somatique et un entretien infirmier, l'entretien d'évaluation psychiatrique détermine si la personne est en danger imminent. Le protocole de rappels est proposé aux patients orientés en suivi ambulatoire: au CMP ou vers leur psychiatre ou médecin traitant. Lorsque cela est adapté, le patient peut être orienté vers la psychologue des urgences pour un suivi de la crise suicidaire à court terme. ● L'entretien d'inclusion dans le protocole est réalisé par l'un des membre OSTA de permanence (psychiatre ou psychologue), il consiste en: 1. Un entretien semi-directif qui permet le recueil de données initiales: -coordonnées du patient, d'une personne de confiance, du médecin traitant, du psychiatre traitant. -données socio-démographiques. -diagnostic CIM-10 -caractérisation des conduites suicidaires actuelles et passées. -évaluation de l’intentionnalité suicidaire (échelle SIS de Beck) 2. Un entretien de type psychothérapeutique pour permettre au patient d'adhérer aux soins à la sortie des urgences: -Psychoéducation sur certains troubles dont peut souffrir le patient. -Reconnaissance de la gravité du geste, recherche conjointe de solutions alternatives à la gestion de l'angoisse, identification de signes annonciateurs de la crise suicidaire. -Mise en évidence de la manière biaisée dont le patient peut analyser son/sa situation et les réactions de son entourage, recontextualisation de son mal être dans son histoire personnelle, information sur les possibilités d'évolution. =>Le patient apprend à identifier ses failles et comprend ce qu'il va travailler avec le professionnel soignant en ambulatoire; cela le motive à aller consulter, lui donne espoir pour changer, soulager son mal être et trouver une solution adaptée à son angoisse. Statistiques 2013: Description de la population 63 patients inclus au cours de l'année 2013. 33 primosuicidants et 30 récidivistes. 43 (68%) femmes et 20 hommes (32%). Patients âgés de 18 à 82 ans, moyenne d'âge= 38 ans. Le travail de réseau Maillage d'un réseau autour du patient Une fois le patient inclus dans le protocole, les liens d'un réseau interprofessionnel sont tissés autour de lui: – Un courrier lui est envoyé lui rappelant les possibilités de joindre 24H/24 le psychiatre des urgences ou en se déplaçant. – Le patient à la possibilité d'adhérer au réseau RAVMO-DEPSUD: une association de ville non médicalisée, proposant notamment différents groupes d'initiation à la gestion du stress. La coordination interprofessionnelle Des courriers sont envoyés au médecin traitant du patient et au soignant psy vers lequel il a été adressé, comprenant: -à l’inclusion du patient: le compte-rendu d'hospitalisation du patient, et la proposition d’un support téléphonique assuré par les coordonateurs de soins OSTA. - après l’appel M1: les informant du déroulement des appels patients et leur proposant un échange téléphonique au sujet de leur patient. La coordination interprofessionnelle vise à assurer une prise en charge des patients suicidants en réseau, fondée sur le partage d’information, la concertation et la mise en commun des compétences. Statistiques 2013: travail de réseau En plus des courriers de liaison vers les professionnels en charge des 63 patients inclus dans le protocole en 2013, – une concertation supplémentaire par téléphone ou par courrier a été nécessaire auprès du/des soignant référent pour 5 patients. – 19 appels ont été effectués à des personnes de confiance. Réception d'appels ou de SMS: – Réception de 3 appels de professionnels: 1 médecin généraliste, 1 psychiatre hospitalier, 1 psychiatre de CMP. – Réception de 10 appels de patients, 1 mail, 4 SMS. – Réception d'un appel d'une personne de confiance. Les rappels téléphoniques Nous proposons au suicidant de soutenir sa démarche de soins par : 3 rappels téléphoniques (8 à 15 jours après la TS, à 1 mois, à 3 mois) Fonctions des Rappels Téléphoniques: - évaluation : recueil des données (recherche), mais aussi évaluation de l’état psychologique du patient (situation de détresse ?), du risque suicidaire, de son adhésion au projet de soins, de l’adaptation du protocole de soins. - fonction psychothérapique : psychothérapie de soutien, entretiens motivationnels en vue d’une meilleure adhésion au suivi … - fonction de conseil et de « prescription » : en vue d’une réorientation thérapeutique, par exemple - fonction de lien : démarche où nous allons vers le patient (inverse à celle habituelle de la thérapie), travail de réseau: possibilité d'appeler une personne de confiance et le soignant référent si nécessaire. Statistiques 2013 appels téléphoniques Nombre des appels: -20 patients ont été appelés moins de 3 fois -23 patients ont bénéficiés des 3 appels -18 patients ont été appelés plus de 3 fois. -2 patients ont été perdus de vue. La moyenne du nombre d'appels est de: 3,1. Fonction des appels: -80% de soutien psychologique (51 patients), dont 32% de gestion de détresse aigüe (20 patients). -5 patients n'avaient pas besoin de soutien. -5 patients auraient eu besoin d'un soutien mais n'adhéraient pas au protocole. Contenu des appels: -Entretien motivationnel, dédramatisation du soin psychique:43% -Psychoéducation, prévention, information sur les troubles psy: 33% -Orientations complémentaire, envoie de coordonnées de professionnels ou d'associations: 50% Statistiques 2013 Initiation d'un suivi adapté 16 patients (25%) avaient déjà un suivi psy antérieur à la TS; tous ont repris un suivi régulier: 8 avec un psychiatre libéral, 3 avec un psychiatre de CMP, 2 avec un psychiatre hospitalier, et 3 avec un suivi conjoint psychiatre + psychologue. Pour les 47 patients qui n'avaient pas de suivi (75%): -15 personnes n'ont pas initié de suivi. -13 personnes ont bénéficié d'un soutien ponctuel inférieur à 2 mois. -20 personnes ont initié un suivi régulier: 6 avec un psychiatre de CMP, 5 avec un autre psychiatre (libéral ou hospitalier), 4 avec un psychologue, 5 avec leur médecin généraliste. -dont 6 patients ont initiés un suivi adapté suite à une réorientation mise en place lors des appels téléphoniques. 6 patients ont récidivés durant le protocole. Intérêt particulier pour les troubles de la personnalité Les troubles de la personnalités • • • • Représentent une grande proportion des patients concernés par le protocole. Pas de pathologie psychiatrique, ni de traitement médicamenteux préconisé, souvent l’hospitalisation n’est pas nécessaire. Patients avec une grande impulsivité, difficultés à gérer leurs émotions, angoisse d’abandon qui les rend incapables à surmonter certaines frustrations ou difficultés de vie, notamment dans les relations interpersonnelles. Récidives suicidaires fréquentes: le passage à l’acte est le seul moyen qu'ils aient trouvé pour évacuer leurs émotions négatives, décharger leur angoisse et apaiser une insécurité interne insupportable. Présentation des troubles de la personnalité aux urgences • Pas de signe extérieur de détresse morale, pas de symptômes psychiatriques, contact ambivalent: => Contre-transfert négatif de la part de l’équipe soignante: « ne veut pas vraiment se soigner » , « ne va pas si mal », « est déjà passé X fois pour la même chose » => Sentiment d'immuabilité, sentiment d'impuissance de l'équipe soignante, banalisation du geste, non reconnaissance de la souffrance du patient, difficulté à établir une alliance thérapeutique. Freins pour une prise en charge adaptée -Nécessité d'une thérapie longue et/ou d'une approche psychothérapeutique spécifique. -Pénurie de lieux proposant des suivis psychologiques/psychothérapeutiques par la parole gratuits (6 mois à 1 an d'attente pour une consultation psychologique en CMP). -Recherche de solutions complémentaires: Création d'un groupe de gestion des émotions au sein du réseau RAVMO-DEPSUD où les patients peuvent apprendre à gérer leur impulsivité par une approche d'auto-hypnose. Vignettes cliniques