N° 1041 • 24 octobre 2011 5 L A L E T T R E D E S J U R I S T E S D ’A F F A I R E S L’œil sur… DS Avocats fête ses 25 ans chinois DS Avocats a été le premier cabinet français à s’implanter dans l’Empire du Milieu en novembre 1986. Retour sur cette présence avec Anne Severin, Claude Le Ganoach-Bret et Olivier Monange, associés en charge du droit des affaires en Asie. Quel bilan dressez-vous de ces 25 années d’implantation en Asie ? Anne Severin, Claude Le Ganoach-Bret et Olivier Monange : Si l’Asie est devenue aujourd’hui incontournable en sa qualité de locomotive de la croissance mondiale, le choix s’avérait moins évident et plus aventureux il y a 25 ans. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de notre implantation sur ce continent. Par ailleurs, alors que nous avons d’abord commencé à travailler sur les investissements européens en Asie, nous sommes de plus en plus impliqués sur le flux inverse, notamment du fait de l’internationalisation des sociétés chinoises. Ainsi, l’Asie représente maintenant 25 % de notre chiffre d’affaires, ce pourcentage devant continuer à croître. De combien de bureaux disposez-vous aujourd’hui ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : Aujourd’hui, DS Avocats dispose de six bureaux sur le continent Asiatique (Pékin, Shanghai, Canton, Ho-Chi-Minh Ville, Hanoï et Singapour) et d’une présence en Inde. Nous avons sur place une cinquantaine d’avocats, associés et collaborateurs, européens et asiatiques. Vous avez été le premier cabinet français à vous implanter en Asie. A partir de quand avez-vous vu arriver vos concurrents ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : En effet, DS Avocats a été en 1986 le premier cabinet français à s’implanter en Chine où nous restons aujourd’hui le seul cabinet étranger (en dehors des cabinets hongkongais) à détenir trois licences délivrées par le ministère de la Justice chinois, pour nos trois bureaux de Pékin, Shanghai et Canton. La concurrence a commencé à arriver au milieu des années 90, avec la confirmation de l’ouverture de la Chine aux investissements étrangers et le premier vrai décollage économique qui en est résulté. Nous avons été aussi parmi les tous premiers cabinets français à ouvrir au Vietnam en 1993 : si ce pays a rapidement attiré les cabinets français, en revanche peu sont restés. A quelles grandes mutations du marché avez-vous assisté ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : En Chine et au Vietnam, nous avons accompagné la mutation de ces pays vers une économie de marché et l’affirmation progressive de l’état de droit. Si, à notre arrivée, les gens pouvaient s’interroger sur l’utilité de recourir à un avocat dans un pays de quasi non droit, l’avocat est devenu indispensable pour sécuriser les transactions. Le droit est en effet devenu compliqué du fait de la multiplicité des sources du droit, du foisonnement réglementaire et de l’application parfois variable de la règle de droit. L’absence d’un contrôle systématique de légalité demeure également une difficulté. Quels changements avez-vous constaté après l’entrée de la Chine dans l’OMC il y a 10 ans ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : L’entrée de la Chine à l’OMC marque à la fois l’aboutissement des efforts des autorités chinoises pour ouvrir et libéraliser leur économie et le début de la "normalisation" de l’environnement juridique : de plus en plus, le droit économique chinois adopte des règles qui s’inspirent et se rapprochent de celles des économies occidentales. En entrant à l’OMC, la Chine a continué un processus d’ouverture qui avait été initié depuis le début des années 80 mais ce processus est devenu engageant et opposable aux autres pays membres de l’OMC. L’évolution majeure a été la libéralisation du secteur de la distribution, ouvrant de nouvelles opportunités aux investisseurs étrangers de ce secteur mais aussi du secteur de l’industrie. Ces dix années ont aussi révélé l’idée que la Chine se faisait de sa place sur la scène économique internationale. Après plusieurs années pendant lesquelles la Chine a adopté une position d’observateur et s’est attachée à ne pas décevoir ses partenaires économiques (elle n’a par exemple déposé que 2 plaintes auprès de l’Organisme de Règlement des Différends au cours des 8 premières années), depuis 2008, elle a démontré qu’elle disposait aussi des moyens de se faire respecter sur la scène internationale. Quels autres marchés votre implantation asiatique vous permet-elle de pénétrer ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : Notre expérience asiatique nous a conduits à nous intéresser à l’Inde : en effet, après s’être implantés en Chine et en Asie du Sud Est, de plus en plus de nos clients regardent ce pays comme leur prochaine destination d’investissement. Notre présence sur place repose sur deux piliers : un desk indien composé de plusieurs avocats européens qui se rendent régulièrement en Inde et un partenariat avec un cabinet local fort d’une trentaine d’avocats à New Delhi, Mumbai, Bengalore et Calcutta. En effet, la réglementation locale ne nous permet pas encore d’ouvrir de bureaux comme nous l’avons fait dans les autres pays. Les Chinois investissent massivement en Europe actuellement. En quoi votre présence en Chine est-elle un atout pour vous ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : Les entreprises chinoises découvrent l’international et font leur apprentissage à cet égard. Notre présence en Chine depuis 25 ans les sécurise car ils savent que nous comprendrons mieux leurs difficultés et pourrons les aider à les anticiper. Nous sommes réellement bi-culturels et, de la même façon que nous pouvons aider les entreprises européennes à comprendre le caractère toujours mouvant de la réalité chinoise, nous sommes en mesure d’expliquer aux chinois les contraintes d’un environnement européen beaucoup plus rigide. Quels développements souhaitez-vous désormais mener sur le continent asiatique ? A. S., C. L. G-B., et O. M. : Notre objectif est de renforcer notre positionnement de leader en Chine, de poursuivre notre développement en Asie du Sud Est à partir de nos positions au Vietnam et à Singapour, et d’accroître notre visibilité en Inde dans la limite des contraintes posées par la réglementation locale. Propos recueillis par Laurence Garnerie