Effets non linéaires Me3.0 ONDES SCELERATES OPTIQUES Kamal Hammani1, Christophe Finot1, Stéphane Pitois1, John M. Dudley2 et Guy Millot1 1 2 Institut Carnot Bourgogne, UMR 5209 CNRS-Université de Bourgogne, Dijon Institut FEMTO-ST, UMR 6174 CNRS-Université de Franche-Comté, Besançon [email protected] RESUME Nous montrons que les systèmes fibrés présentent des caractéristiques remarquables pour la génération et le contrôle d'impulsions rares et intenses similaires aux vagues scélérates océaniques. En particulier, l'amplificateur Raman faiblement dispersif pompé par une onde incohérente a permis de mettre en évidence l'apparition d'ondes scélérates optiques. Un bon accord théorie - expérience est observé. MOTS-CLEFS : Ondes scélérates ; amplification Raman ; optique incohérente. 1. INTRODUCTION Les phénomènes extrêmes ont un impact si fort sur la société que de nombreux chercheurs les étudient dans des domaines aussi variés que la géophysique, la biologie, la science du climat ou bien encore l'économie. En hydrodynamique, un exemple saisissant est connu sous le nom de vague scélérate : cet événement dont la rareté n’a d’égal que la violence, peut anéantir des navires ou des plateformes pétrolières. Les scientifiques aimeraient donc bien comprendre les mécanismes de formation de ces phénomènes extrêmes et rares, et surtout prédire leur apparition. La nature intrinsèquement rare de ces ondes océaniques complique foncièrement leur étude, limitant radicalement les occasions naturelles d’observation. Il est donc du plus grand intérêt de disposer d’un système de laboratoire pouvant reproduire des comportements statistiques similaires mais à une échelle de temps beaucoup plus brève. C’est dans ce contexte qu’il a été proposé de mettre à profit l’analogie existant entre les mondes de l’hydrodynamique et de l’optique. La fibre optique constitue alors un milieu de propagation idéal capable de simuler l’interaction complexe entre les effets dispersifs et nonlinéaires. Ainsi, les années 80 avaient déjà jeté un pont entre ces deux mondes en démontrant la propagation d’un soliton, analogue optique du mascaret hydrodynamique. Nous rappellerons tout d’abord dans cette contribution les travaux récents menés dans le cadre de la génération de supercontinuums optiques avant de décrire un nouveau système fibré permettant d’observer des statistiques optiques extrêmes : un amplificateur Raman. 2. GENERATION DANS UN SYSTEME SUPERCONTINUUM La génération de supercontinuum optique est un sujet qui a stimulé de nombreuses recherches, aussi bien théoriques qu’appliquées. L’utilisation de fibres microstructurées a contribué à améliorer significativement les performances, permettant l’injection d’impulsions intenses à une longueur d’onde voisine du zéro de dispersion. La combinaison entre non-linéarité exacerbée et dispersion anormale est alors propice à l’obtention de spectres s’étalant sur plus d’une décade. La fission des impulsions initiales couplée à des effets d’instabilité et à l’auto-décalage fréquentiel Raman sont parmi les mécanismes à l’origine d’un tel élargissement spectral. Dans ce contexte, il a été montré que toute fluctuation initiale peut se retrouver considérablement amplifiée et provoquer l’apparition d’évènements extrêmes. L’équivalent hydrodynamique de l’instabitilité modulationnelle étant l’instabilité de Benjamin-Feir, il est donc 138 JNOG, Lannion 2008 Effets non linéaires Me3.0 possible d’établir un lien avec les vagues scélérates, d’où l’appellation d’ondes scélérates optiques. Les statistiques enregistrées expérimentalement, appuyées par des études numériques ont confirmé l’existence de structures lumineuses intenses ayant une probabilité d’apparition extrêmement faible [1-3]. Il a été également proposé d’isoler ces impulsions par un filtrage adéquat aux hautes longueurs d’ondes. 3. GENERATION DANS UN AMPLIFICATEUR RAMAN A FIBRE Si l’étude dans un système supercontinuum en régime anormal est un succès, il reste essentiel d’élargir ces travaux à d’autres systèmes optiques afin de mieux déterminer l’origine des ces comportements et de montrer leur universalité. Nous avons donc mené à bien la première étude, non-basée sur la génération d’un supercontinuum, utilisant l’amplification Raman à partir d’une pompe partiellement cohérente [4,5]. Nous avons alors pu observer l’émergence de structures rares et puissantes en utilisant exclusivement du matériel usuel adapté aux télécommunications optiques. Une partie de notre étude est illustrée Fig. 1a. Des impulsions picosecondes générées par un laser modelocké sont amplifiées dans une fibre hautement non-linéaire. Le pompage Raman est basé sur un laser Raman générant une onde continue partiellement cohérente. En sortie de l’amplificateur, nous pouvons observer sur le diagramme de l’œil de très larges fluctuations de la puissance crête des impulsions. La distribution de probabilité correspondante (Fig. 1b) est assez bien reproduite par un ajustement exponentiel en échelle semi-log ce qui en échelle log-log nous donnerait une droite typique des processus à valeurs extrêmes. FIG. 1 : (a) Montage expérimental et diagrammes de l’œil de l’impulsion à l’entrée et en sortie. (b) Probabilité des puissances crêtes (ligne continu) avec ajustement exponentiel (pointillés). 139 JNOG, Lannion 2008 Effets non linéaires Me3.0 Nous avons pu clairement identifier l’origine de ces ondes scélérates Raman comme étant le transfert exponentiel des fluctuations d’intensité de la pompe vers le signal amplifié. Ce transfert est exacerbé par le pompage copropagatif utilisé et la faible dispersion des vitesses de groupe de la fibre. Nos résultats expérimentaux sont reproduits numériquement à partir d’un système d’équations de Schrödinger non-linéaires couplées. CONCLUSION Nous montrons que les fibres optiques constituent un banc d’essais formidable pour la compréhension des mécanismes qui régissent les vagues scélérates. Nous avons mis en évidence expérimentalement l’apparition d’évènements optiques extrêmes de type « onde scélérate » dans un amplificateur Raman à fibre à dispersion normale. Nous avons pu vérifier que leur distribution de probabilité est caractéristique des phénomènes extrêmes. L’étude temporelle a été complétée par une analyse spectrale, le tout confirmé par des résultats numériques. Ainsi ces avancées théoriques et expérimentales nous permettent d’espérer une meilleure compréhension et un meilleur contrôle des phénomènes scélérats. L’optique, où les expériences sont plus faciles à réaliser, permettra d’apprendre beaucoup plus sur ces phénomènes rares dans des domaines où les expériences de laboratoires sont plus difficiles à mettre en oeuvre. REFERENCES [1] [2] [3] [4] [5] D.R. Solli, et al., Nature, 2007, vol 450, p. 1054. J.M. Dudley, et al., Opt. Express, 2008, vol 16, p. 3644-3651. A. Mussot, et al. in Journées Nationales d'Optique Guidée (JNOG). 2008. K. Hammani, et al. in Journées Nationales d'Optique Guidée (JNOG). 2008. K. Hammani, et al., Opt. Express, 2008. 140 JNOG, Lannion 2008