Topologie (version préliminaire)

publicité
Topologie (version préliminaire)
1. Quatre affirmations
On travaille pour commencer dans l’espace vectoriel R n munie de sa norme Euclidienne
standard. Soit D la boule fermée de centre 0 et de rayon 1, et soit S sont bord, c’est à dire la
sphère de rayon 1.
Commençons par énoncer quelques affirmations. On montrera au cours de ce chapitre
qu’elles sont équivalentes entre elles, et, surtout, qu’elles sont vraies. C’est le Théorème de
Brouwer.
(1) Soit f : D −→ Rn une application telle que f|S = Id, alors D ⊂ Im(f ).
(2) Il n’existe pas d’application continue f : D −→ S telle que f |S = Id.
(3) Tout application continue f : D −→ D admet un point fixe.
(4) L’application Id : S −→ S n’est pas homotope à une constante.
Si X et Y sont des espaces métriques (par exemple X = S = Y ), et si f, g : X −→ Y sont
des applications continues, on dit que f est homotope à g si il existe une application continue
F : [0, 1] × X −→ Y
telle que F (0, x) = f (x) pour tout x ∈ X et telle que F (1, x) = g(x) pour tout x. On dit alors
que F est une homotopie entre f et g.
La relation ”f est homotope à g” est une relation d’équivalence, c’est à dire que
– Toute application est homotope à elle-même,
– f est homotope à g si et seulement si g est homotope à f ,
– Si f est homotope à g, et si g est homotope à h, alors f est homotope à h.
Pour vérifier que f est homotope à elle même, il suffit de considérer l’homotopie ”triviale”
F (t, x) = f (x). Pour vérifier que g est homotope à f si f est homotope à g, il suffit de
”retourner l’homotopie”, c’est à dire de considérer l’homotopie F̃ (t, x) = F (1 − t, x), où F est
une homotopie entre f et g. Montrons pour finir le dernier point. Soit F : [0, 1] × X −→ X
une homotopie entre f et g, et soit G : [0, 1] × X −→ X une homotopie entre g et h. Alors
on constuit une homotopie H entre f et h en posant H(t, x) = F (2t, x) pour t ∈ [0, 1/2] et
H(t, x) = F (2t − 1, x) pour t ∈ [1/2, 1].
Dans la notion d’homotopie, l’espace d’arrivée est très important. L’affirmation (4), par
exemple, énonce qu’il n’existe pas d’application F : [0, 1] × S −→ S telle que F (0, .) est une
constante et telle que F (1, x) = x pour tout x ∈ S. Par contre, il est facile de construire une
application G : [0, 1] × S −→ Rn telle que G(0, .) est une constante et telle que G(1, x) = x
pour tout x ∈ S. Il suffit de poser G(t, x) = tx + (1 − t)a, avec a ∈ S. On voit par cette
méthode que deux applications à valeurs dans R n sont toujours homotopes, c’est à dire que,
pour tout espace X, l’ensemble des classes d’homotopies d’applications de X dans R n contient
un seul élément.
1
2
TOPOLOGIE (VERSION PRÉLIMINAIRE)
1.1. Équivalence entre les affirmations. Nous allons montrer dans un premier temps
que les affirmations (1). . .(4) sont équivalentes entre elles. Cette démonstration est basée sur
le Lemme suivant :
Lemme 1.1. Soit X ⊂ D × Rn l’ensemble des points (x, y) tels que x 6= y. Il existe une
application continue
p : X −→ S
◦
telle que p(x, y) = y pour tout y ∈ S, et qui de plus est C 1 sur X ∩ D × Rn .
Démonstration. On peut prendre pour p(x, y) l’unique intersection entre la demi-droite
issue de x et passant par y et la sphère S, faire un dessin. Montrons que cette application est
bien définie et qu’elle est C 1 . On a
p(x, y) = x + t(x, y)(y − x)
où t(x, y) est l’unique réel positif tel que kx + t(x, y)(y − x)k 2 = 1. Pour monter que p ainsi
définie est C 1 , il suffit de montrer que l’application t(x, y) l’est. L’équation déterminant t(x, y)
se développe en
t(x, y)2 ky − xk2 + 2t(x, y)hx, y − xi + kxk2 − 1 = 0.
On a
∆(x, y) = hx, y − xi2 + ky − xk2 (1 − kxk2 ) > 0,
et l’application
p
∆(x, y) − hx, y − xi
t(x, y) =
ky − xk2
est donc continue et même C 1 sur l’ouvert ∆ > 0, qui contient les couples (x, y) tels que
◦
x ∈ D.
Nous sommes maintenant en mesure de prouver l’équivalence voulue.
Il est clair que (1) ⇒ (2).
Montrons que (2) ⇒ (1). Si il existe une application continue f : D −→ D qui fixe le bord
◦
et n’est pas surjective, alors elle évite un point x 0 ∈ D et on peut définir une application
continue g : D −→ S par g(x) = p(x0 , f (x)). Comme f (x) = x pour x ∈ S, on a g(x) = x
pour x ∈ S.
Montrons que (2) ⇒ (3). Si il existait une application continue f : D −→ D sans point
fixe, alors on pourrait définir l’application continue g(x) = p(f (x), x), qui vérifie g(x) = x si
s ∈ S.
Montrons que (3) ⇒ (2). Si il existait une application f : D −→ S qui fixe S, alors
l’application x 7−→ −f (x) n’aurait pas de point fixe.
Montrons que (2) ⇔ (4). Il y a une bijection entre les applications f : D −→ S qui fixent
S les les homotopies F (t, x) : [0, 1] × S −→ S entre l’identité et une constante. Elle est donnée
par
f (tx) = F (t, x)
pour tout x ∈ S et t ∈ [0, 1]. Il est clair que, si f : D −→ S est continue, alors la formule
ci-dessus donne une homotopie F entre la constante x −
7 → f (0) et l’application x 7−→ f (x).
on a montré la proposition suivante :
2. LE CAS n = 2
3
Proposition 1. Soit f : D n −→ D n une application continue telle que f (S) ⊂ S et
telle que la restriction f|S : S −→ S de f à S n’est pas homotope à une constante. Alors
f : D n −→ D n est surjective.
1.2. Notion de degré topologique. Discutons pour commencer l’affirmation (4). Prour
prouver cette affirmation, il suffit de comprendre quelles sont les classes d’homotopies d’applications de S dans S. Cette question est entièrement résolue :
Théorème 1. (Hopf) L’ensemble des classes d’homotopies d’applications de S n−1 dans
est en bijection avec Z. Plus présisément, il existe une application d : C(S, S) −→ Z, le
degré topologique, qui vérifie les propriétés suivantes :
– d(Id) = 1
– d(f ) = 0 si f est une application constante
– d(f ◦ g) = d(f )d(g).
Deux applications f et g : Z −→ Z sont homotopes si et seulement si d(f ) = d(g). Autrement dit, le degré induit une bijection entre l’ensemble des classes d’homotopies d’applications
continues de S et Z.
S n−1
Bien sur, ce théorème implique l’affirmation (4). En effet, l’identité et les constantes n’ont
pas le même degré, et donc ne sont pas homotopes. Construire le degré topologique n’est pas
facile. Nous le ferons uniquement en dimension 2. Une conséquence de l’existence du degré
est que, si f0 est homotope à f0 et si g0 est homotope à g1 , alors f1 ◦ g1 est homotope à f0 ◦ g0 .
On peut le vérifier directement. En effet, si f t est une homotopie entre f0 et f1 (c’est à dire
que ft est l’application x 7−→ f (t, x), où f (t, x) : [0, 1] × S −→ S est une homotopie entre f 0
et f1 ) et si gt est une homotopie entre g0 et g1 , alors ft ◦ gt est une homotopie entre f0 ◦ g0
et f1 ◦ g1 . Une conséquence de cette remarque est que la composition passe au quotient : Si
[f ] est la classe d’homotopie de f et si [g] est la classe d’homotopie de g, alors la la classe
d’homotopie [f ◦ g] de leur composée ne dépend que de [f ] et de [g], il est donc naturel de la
noter [f ] ◦ [g]. Si l’on note [S : S] l’ensemble des classes d’homotopie d’applications de S dans
S, on vient de voir que [S : S] est muni d’une opération, notée ◦, et les propriété que nous
avons énumérées sur le degré peuvent se résumer en disant que d : ([S, S], ◦) −→ (Z, .) est un
isomorphisme, c’est à dire qu’elle envoit l’opération ◦ de [S : S] sur la multiplication.
2. Le cas n = 2
2.1. Construction du degré sur le cercle. On montre le théorème de Hopf, et donc
les affirmations (1)..(4), lorsque n = 2. On travaille dans le plan complexe R 2 = C, et comme
ci-dessus, on note D l’ensemble des nombres complexe de module inférieur ou égal à 1 et S
l’ensemble des nombres complexes de module 1. On va chercher à représenter les points du
cercle S par leur argument. Pour ceci, on considère l’application
e : R −→ S
donnée par e(θ) = exp(2iπθ). On se propose pour commencer à manipuler les concepts de
prouver la propriété suivante :
Propriété 1. Toute application continue f : S −→ S qui n’est pas surjective est homotope
à une constante.
On utilisera pour ceci la :
4
TOPOLOGIE (VERSION PRÉLIMINAIRE)
Propriété 2. Soit I une partie connexe et compacte de S, telle que I 6= S. Alors il existe
un intervalle A de R tel que e(A) = I et tel que e |A : A −→ I est un homéomorphisme. On a
alors e−1 (I) = ∪n∈Z (A + k), et la réunion est disointe.
Démonstration de la propriété 1. Soit I l’image de f . C’est une partie connexe et
compacte de S. Soit alors A un intervalle donné par la Propriété 2. Soit g : I −→ A la
réciproque de l’application e. L’application g ◦ f : S −→ A est bien définie et continue. Elle
est homotope à une constante. En effet, si b est un point de A, on a une homotopie
F (t, x) = tb + (1 − t)g ◦ f
entre F0 = g ◦ f et la constante b. Mais alors, l’application
F̃ (t, x) = e ◦ F (t, x)
est une homotopie entre F̃0 = f et e(b).
Démonstration de la propriété 2. Soit z un point de S − I, et a ∈ R un point tel que
e(a) = z. Alors, e−1 (I) ∩ (a + Z) = ∅. Définissons A par A = e −1 (I)∩]a, a + 1[. L’application
e induit une bijection continue entre ]a, a + 1[ et S − {z}, et donc elle induit une bijection
continue entre A et I. De plus, on a A = e −1 (I) ∩ [a, a + 1], et donc A est fermé, puisque
e est continue et I est fermé. L’ensemble A est donc compact, et l’application e |A est donc
un homéomorphisme. Comme I est connexe, on conclut que A est connexe, c’est donc un
intervalle. Il est clair que les differents translatés A + k, k ∈ Z de A sont disjoints et, puisque
e est périodique de période 1, on a e −1 (I) = ∪n∈Z (A + k).
Soit f : S −→ S une application continue. On dit que F : R −→ R est un relèvement de
f si c’est une application continue telle que e(F (x)) = f (e(x)) pour tout x ∈ R. On dit aussi
que le diagramme suivant est commutatif.
F
R −−−−→ R




ey
ey
f
S −−−−→ S
Théorème 2. Toute application continue f : S −→ S admet un relèvement F : R −→ R.
Si F et F̃ sont deux relèvements de l’application f , alors il existe un entier k ∈ Z tel que
F = F̃ + k.
Démonstration. Commençons par montrer la seconde partie de l’énoncé. Pour chaque x ∈
R, on a e(F (x)) = f (e(x)) = e(F̃ (x)), et donc il existe un entier k(x) tel que F (x) =
G(x) + k(x). Comme les fonctions F et G sont continues, l’entier k(x) dépend continument
de x, et donc il ne dépend pas de x.
Pour montrer l’existence d’un relèvement F , posons I = e([1/4, 1]) et I 0 = e([3/4, 3/2])
(faire un dessin). Rappelons que e engendre un homéomorphisme entre [1/4, 1] et I et aussi
entre [3/4, 3/2] et I 0 . Il existe δ > 0 tel que l’image par f ◦ e d’un intervalle de longueur 2δ
est contenue dans I ou dans I 0 . Ceci vient du fait que l’application f ◦ e est uniformément
continue.
Considérons deux réels a et b tels que e(b) = f (e(a)). Si f ◦ e([a − δ, a + δ]) ⊂ I, alors
c’est qu’il existe un entier k tel que b ∈ [k + 1/4, k + 1], et on note g a,b la réciproque de
l’homéomorphisme e : [k + 1/4, k + 1] −→ I.
2. LE CAS n = 2
5
Sinon, c’est que f ◦e([a−δ, a+δ]) ⊂ I 0 , et qu’il existe un entier k tel que b ∈ [k+3/4, k+3/2].
On note alors ga,b la réciproque de l’homéomorphisme e : [k + 3/4, k + 3/2] −→ I 0 .
Dans tous les cas, l’application ga,b est définie sur un voisinage de f (e(a)), prend ses
valeurs dans R, et vérifie e ◦ ga,b (x) = x et ga,b (e(a))) = b.
Montrons alors par récurrence que, pour chaque n ∈ N, il existe une application
Fn : [−nδ, nδ] −→ R
qui relève f et telle que Fn prolonge Fn−1 . On choisit un réel b tel que e(b) = f (1). On définit
la fonction F1 par l’expression
F1 = g0,b ◦ f ◦ e.
Il faut remarquer que f ◦ e([−δ, δ]) est effectivement contenu dans le domaine de définition
de g0,b , ce qui est une conséquence immédiate de la définition. Supposons maintenant que
l’application Fn ait été construite. On la prolonge par les expressions
Fn+1 (x) = gnδ,Fn (nδ) ◦ f ◦ e(x)
pour x ∈]nδ, (n + 1)δ] et
Fn+1 (x) = g−nδ,Fn (−nδ) ◦ f ◦ e(x)
pour x ∈ [−(n + 1)δ, −nδ[. Il est clair que la fonction F n+1 ainsi définie prolonge Fn et qu’elle
relève f . La seule chose à vérifier est qu’elle est continue en nδ et en −nδ. Mais ceci vient du
fait que la fonction gnδ,Fn (nδ) ◦ f ◦ e est continue au point nδ et vérifie
gnδ,Fn (nδ) ◦ f ◦ e(nδ) = Fn (nδ).
Ce théorème permet de donner une définition du degré topologique :
Définition 2.1. Soit f : S −→ S une application continue. On définit le degré d(f ) de f
par
d(f ) = F (1) − F (0),
où F est un relèvement de f .
Remarquons dès maintenant que, si F est un relèvement de f , alors e(F (1)) = f (e(1)) =
f (e(0)) = e(F (0)), donc F (1) − F (0) est effectivement un entier. De plus, comme deux
relèvements de f diffèrent d’une constante additive, la différence F (1) − F (0) ne dépend pas
du choix du relèvement F . Le nombre d(f ) ne dépend donc effectivement que de l’application
f . Remarquons aussi que, si F est un relèvement de f , alors on a
F (x + k) − F (x) = kd(f )
pour tout x ∈ R et k ∈ Z.
Propriété 3. On a :
– d(Id) = 1
– Le degré des applications constantes est nul.
– d(f ◦ g) = d(f )d(g).
Démonstration. Soit f : z 7−→ z l’application identité de S. Il est clair que l’application
identité F : x 7−→ x est un relèvement de f . On a donc d(f ) = F (1) − F (0) = 1.
6
TOPOLOGIE (VERSION PRÉLIMINAIRE)
De la même façon, si f : z 7−→ a est une application constante, et si b ∈ R est tel
que e(b) = a, alors l’application constante F : x 7−→ b est un relèvement de f . On a donc
d(f ) = b − b = 0.
Pour démontrer la troisième affirmation, considérons un relèvement F de f et un relèvement
G de g. Alors, F ◦ G est un relèvement de f ◦ g.
G
F
g
f
R −−−−→ R −−−−→ R






ey
ey
ey
S −−−−→ S −−−−→ S
En effet, comme on le voit sur le diagramme, on a
e ◦ F ◦ G = f ◦ e ◦ G = f ◦ g ◦ e.
On a donc
d(f ◦ g) = F (G(1)) − F (G(0)) = F (G(0) + d(g)) − F (G(0)) = d(g)d(f ).
Il reste à montrer que le degré est invariant par homotopie, c’est à dire que d(f ) = d(g)
si f et g sont homotopes. Ceci est une conséquence du :
Théorème 3. (Relèvement des homotopies) Soit f (t, x) : [0, 1] × S −→ S une homotopie.
Alors il existe une homotopie Ft : [0, 1] × R −→ R qui relève f c’est à dire telle que F t relève
ft pour tout t ∈ [0, 1].
On a alors d(ft ) = F (t, 1) − F (t, 0). Donc la fonction t 7−→ d(f t ) est continue, donc elle
est contante (car elle prend des valeurs entières).
démonstration du Théorème 3 : On conserve les notations du Théorème 2. Cette
fois, on choisit δ = 1/N, N ∈ N assez petit pour que l’image par f d’un carré de coté 2δ soit
toujours contenue dans I ou dans I 0 . Soit F0 un relèvement de f0 .
Pour chaque x ∈ R, il existe une unique fonction continue [0, 1] 3 t 7−→ F (t, x) ∈ S 1 telle
que e ◦ F (t, x) = f (t, e(x)).
On montre par récurrence sur n que, pour tout n 6 N , il existe une unique application
Fn (t, x) : [0, n/N ] × R −→ R
qui relève f et telle que Fn (0, x) = F0 . Pour ceci, il suffit de poser
Fn+1 (t, x) = g ◦ f (t, e(x))
où g est
– La bijection réciproque de l’application e : [k+1/4, k+1] −→ I si I contient f ([n/N, (n+
1)/N ] × [x − δ, x + δ], où k ∈ Z est choisi pour que F n (n/N, x) ∈ [k + 1/4, k + 1].
– Si I ne contient pas f ([n/N, n + 1/N ] × [x − δ, x + δ], alors c’est que I 0 le contient, donc
il existe k ∈ Z tel que Fn (n/N, x) ∈ [k + 3/4, k + 3/2], et g est alors la réciproque de
l’application e : [k + 3/4, k + 3/2] −→ I 0 .
Exercices:
(1) Montrer que le degré de l’application z 7−→ z n est n (n ∈ Z).
(2) Calculer le degré de l’application z 7−→ −z, celui de l’application z 7−→ z̄.
2. LE CAS n = 2
7
(3) Soit f : S 1 −→ S 1 une application continue dont le degré n’est pas nul, montrer que
f est surjective.
(4) Soit f : S 1 −→ S 1 une application continue dont le degré est différent de 1, montrer
que f admet un point fixe.
(5) Plus généralement, soient f et g deux applications continues de S 1 qui n’ont pas le
même degré. Montrer que l’équation f (z) = g(z) a au moins une solution dans S 1 .
(6) Soit f : S 1 −→ S 1 une application continue, monter que l’équation f (z) = 1 admet
au moins |d(f )| solutions.
Théorème 4. Soient f et g des applications continues de S 1 . Alors f et g sont homotopes
si et seulement si d(f ) = d(g).
Démonstration. Nous avons déja vu que d(f ) = d(g) si f et g sont homotopes. Pour la
réciproque, supposons que d(f ) = d(g) et considérons des relèvements F et G de f et g.
Considérons l’homotopie F (t, x) = tF (x) + (1 − t)G(x). On a F t (x + 1) = Ft (x) + d(f ). On
définit alors une homotopie f (t, x) : [0, 1]×S 1 −→ S 1 de la façon suivante : f (t, z) = e◦F (t, x)
où x est n’importe quel réel vérifiant e(x) = z. On vérifie que l’expression de f (t, z) ne dépend
pas du choix de x. Pour montrer que l’application f (t, z) ainsi définie est effectivement continue, on fixe un point (t0 , z0 ) et une réel x0 tel que e(x0 ) = z0 . Alors, comme on l’a déjà vu,
il existe un voisinage I de z0 dans S 1 et une unique application continue s : I −→ R telle
que e ◦ s(x) = x et telle que s(z0 ) = x0 . On a alors f (t, z) = e(F (t, s(z))) pour z ∈ I, ce qui
montre que l’application f (t, x) est continue en (t 0 , x0 ).
2.2. Racines des polynomes complexes. Voici quelques variantes des énoncés :
Lemme 2.1. Soit g : S −→ Rn une application qui ne s’annule pas. Alors, g est homotope
à une constante en tant qu’application g : S −→ R n − 0 si et seulement si l’application
G(x) = g(x)/kg(x)k : S −→ S est homotope à une constante.
Démonstration. Si il existe un homotopie g(t, x) entre g et une constante qui ne s’annule pas, alors G(t, x) = g(t, x)/kg(t, x)k est une homotopie entre G et une constante.
Réciproquement, si G(t, x) est une homotopie entre G et une constante, alors g(t, x) =
kg(x)kG(t, x)k est une homotopie entre g et une constante.
Proposition 2. Soit g : S −→ Rn une application continue qui ne s’annule pas. Supposons que g n’est pas homotope à une constante en tant qu’application de S dans R n − {0},
ou de manière équivalente que G(x) = g(x)/kg(x)k : S −→ S n’est pas homotope à une
constante. Si f : D −→ Rn est un prolongement continu de g, c’est à dire si f (x) = g(x) pour
tout x ∈ S, alors g s’annule sur D.
Démonstration. Si f ne s’annulait pas, on pourrait définir F (x) = f (x)/kf (x)k : D −→ S.
Mais l’existence d’une telle application implique que F |S = G est homotope à une constante,
ce qui contredit l’hypothèse.
Théorème 5. Tout polynome complexe admet une racine complexe.
Démonstration. Quitte à diviser par le coefficient dominant, il suffit de montrer le résulat
pour les polynomes du type P (z) = z d + Q(z), où Q(z) est un polynome de degré au plus
8
TOPOLOGIE (VERSION PRÉLIMINAIRE)
n − 1. On considère alors l’homotopie P t (z) = td P (z/t) pour t ∈]0, 1] et P0 (z) = z d . Il n’est
pas difficile de vérifier la continuité en t = 0. Pour montrer que P admet une racine, il suffit
de vérifier que l’un des polynômes P t , t > 0 admet une racine. Comme le polynôme P 0 = z d
ne s’annule pas sur S, Il existe > 0 tel que P t ne s’annule pas sur S pour t ∈ [0, ]. Les
applications (Pt )|S : S −→ Rn − 0, t ∈ [0, ] sont alors toutes homotopes entre elles, et donc
ne sont pas homotopes à une constante car l’application P 0 = z d : S −→ S est de degé d, et
donc n’est pas homotope à une constante. On conclut par la proposition précédente.
2.3. Champs de vecteurs sur la sphère. Présentons une autre conséquence géométrique
des affirmations démontrées. Soit S 2 ⊂ R3 la sphère, c’est à dire l’ensemble des points
(x1 , x2 , x3 ) ⊂ R3 tels que x21 + x22 + x23 = 1. On appelle champ de vecteurs tangent à S 2
une application continue X : S 2 −→ R3 telle que hX(x), xi = 0 pour tout x ∈ S 2 .
Théorème 6. Tout champ de vecteurs tangent à S 2 s’annule. On dit que l’on ne peut pas
peigner une sphère.
Démonstration. Supposons qu’il existe un champ de vecteurs X(x) tangent à S 2 et qui ne
s’annule pas. Soit N = (0, 0, 1) le pole nord et S = (0, 0, −1) le pole sud de la sphère. Nous
allons utiliser les projections stéréographiques
PN : R3 − {N } −→ R2
x2
x1
,
(x1 , x2 , x3 ) 7−→
1 − x3 1 − x3
et
PS : R3 − {S} −→ R2
x1
x2
(x1 , x2 , x3 ) 7−→
,
.
1 + x3 1 + x3
Faire un dessin, et remarquer que PN est un difféomorphisme entre S 2 −{N } et R2 , tandis que
PS est un difféomorphisme entre S 2 − {S} et R2 . On considère alors les champs de vecteurs
XN et XS sur R2 définis, pour z = (x1 , x2 ) ∈ R2 par
XN (z) = dPN (PN−1 (z)) · X(PN−1 (z))
et
XS (z) = dPS (PS−1 (z)) · X(PS−1 (z)).
Explicitons un peu les calculs pour z ∈ S 1 . On a alors PN−1 (z) = PS−1 (z) = (z, 0). Les vecteurs
V = (0, 0, 1) et Y (z) = (x2 , −x1 , 0) forment une base de l’espace tangent à la sphère au
point z, c’est a dire au plan orthogonal à z. On a dP N (z) · V = z, dPS (z) · V = −z, et
dPN (z) · (Y (z)) = dPS (z) · (Y (z)) = Y (z). Cela s’ignifie que les coordonnées du vecteur
XN (z) dans la base (z, iz) sont les mêmes que celles du vecteur X P (z) dans la base (−z, iz).
Soient
x1 x2
−x1 x2
A(z) =
et B(z) =
x2 −x1
−x2 −x1
les matrices exprimant les bases (z, Y (z)) et (−z, Y (z)) dans la base standard, et
2
x2 − x21 −2x1 x2
−x1 −x2
x1 x2
−1
.
=
O(z) = A(z).B(z) =
−2x1 x2 x21 − x22
x2 −x1
x2 −x1
3. PREUVE DES AFFIRMATIONS EN DIMENSION QUELCONQUE
9
la matrice de passage entre ces bases. On a donc X N (z) = O(z).XS (z). Comme XS (z) est
homotope au vecteur constant (1, 0), X N (z) est donc homotope à W (z) = (x22 − x21 , −2x1 x2 ).
En notation complexe, on reconnait que W (z) = z̄ 2 . Nous avons calculé que le degré d’une
telle application est −2.
3. Preuve des affirmations en dimension quelconque
Nous donnons une preuve astucieuse due a John Milnor. Elle est basée sur le Lemme
suivant :
Lemme 3.1. Soit f : Rn −→ Rn une application C 1 telle que f (x) =
Alors, il existe un point x ∈ D n tel que df (x) est inversible.
x
kxk
pour tout x ∈
/ Dn.
Démonstration. Introduisons l’application f t : Rn −→ Rn qui est définie par ft (x) =
tf (x) + (1 − t)x. Les applications ft constituent une homotopie entre l’identité et notre application f . Montrons d’abord que, pour t petit, l’application f t induit un difféomorphisme de
◦
D, c’est à dire que
◦
◦
(ft ) ◦ : D → D
|D
est un difféomorphisme. Pour ceci, on fixe un point y ∈ R n et on étudie l’équation ft (x) = y,
qui s’écrit
1
t
tf (x) + (1 − t)x = y ⇐⇒ x =
y−
f (x).
1−t
1−t
La differentielle df (x) est nulle en dehors de D n , donc elle est bornée. L’application f est
donc Lipschitzienne, ce qui entreine que l’application
1
t
y−
f (x)
x 7−→
1−t
1−t
est contractante, quel que soit y, lorsque t est assez petit. Par le théorème du point fixe de
Picard, on conclut donc que l’équation f t (x) = y admet une unique solution, qui dépend
continument du paramètre y. On a démontré que f t est un homeomorphisme lorsque t est
assez petit. Il est facile de vérifier que, si kxk > 1, alors kf t (x)k > 1, donc ft induit un
◦
homeomorphisme de D.
Considérons maintenant la differentielle df t = tdf (x) + (1 − t)Id. comme la fonction
x 7−→ df (x) est bornée sur D, les différentielles df t (x) sont inversibles pour tout x ∈ D
lorsque t est assez petit. Par le théorème d’inversion locale, on conclut que f t induit alors un
◦
difféomorphisme de D.
La formule de changement de variable dans les intégrales multiples donne alors l’égalité
Z
Z
dy = vol(D n )
det(dft (x))dx =
Dn
Dn
lorsque t est assez petit. Comme la fonction
Z
t 7−→
det(dft (x))dx
Dn
est un polynôme de degré n, qui est constant sur un intervalle, on en conclut que cette fonction
est constante, et donc que
Z
det(df (x))dx = vol(D n ) > 0.
Dn
10
TOPOLOGIE (VERSION PRÉLIMINAIRE)
Il y a donc nécessairement un point de D n où det(df (x)) est non nul, et donc où df (x) est
inversible.
On termine maintenant la preuve de (2) grâce au Lemme suivant :
Lemme 3.2. Si il existe une application continue g : D n −→ S n−1 qui fixe le bord, alors
x
pour tout x ∈
/ D n , et
il existe une application f : Rn −→ Rn qui est C 1 , telle que f (x) = kxk
telle que f (Rn ) ⊂ S n−1 .
Avant de prouver ce Lemme, expliquons comment il implique (2). Si il existait une application g : D n −→ S n−1 qui fixe le bord, alors on pourrait appliquer le Lemme 3.1 à l’application
f construite ci-dessus. Il existerait donc un point x tel que df (x) est inversible. Mais alors,
par le théorème d’inversion locale, le point f (x) serait dans l’intérieur de l’image de f , ce qui
est en contradiction avec le fait que f (R n ) ⊂ S n−1 .
Démonstration. Soit r un réel tel que kg(x) − xk 6 1/2 lorsque kxk ∈ [r, 1]. On peut
approcher g uniformément sur D par des fonctions C 1 , et donc il existe une fonction G :
◦
D −→ Rn qui est C 1 et telle que kG(x) − g(x)k 6 1/2. Considérons maintenant une fonction
φ : R −→ [0, 1] telle que φ(t) = 1 lorsque t 6 r et φ(t) = 0 lorsque t > 1. On pose alors
φ(kxk)G(x) + (1 − φ(kxk)x
.
f (x) = φ(kxk)G(x) + (1 − φ(kxk)x
Pour vérifier que cette fonction est C 1 , il suffit de vérifier que φ(kxk)G(x) + (1 − φ(kxk)x
ne s’annule pas. C’est clair pour kxk > 1, ainsi que pour kxk 6 r. Lorsque kxk ∈]r, 1[, on a
kG(x) − g(x)k 6 1/2, et kg(x) − xk 6 1/2 donc les points x et G(x) sont tous deux dans la
boule de centre g(x) et de rayon 1/2. Comme kg(x)k = 1, cette boule ne contient pas l’origine.
Comme elle est convexe, elle contient φ(kxk)G(x) + (1 − φ(kxk)x qui est donc non nul.
Téléchargement