La pollution particulaire, INERIS magazine n°23

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dossier
SOMMAIRE
 Les spécialistes réunis à Paris | Page 6
 Focus : Laurence Rouïl, Pôle Modélisation 
environnementale et Décision | Page 7
 La prévision des épisodes particulaires | Page 7
 Réduction de l’espérance de vie | Page 8
 Focus : Frédérik Meleux, Pôle Modélisation 
environnementale et Décision | Page 9
 Qualité de l’air, climat et développement urbain | Page 9
 Des particules nombreuses, complexes et variées | Page 10
 Focus : Bertrand Bessagnet, Unité Modélisation atmosphérique 
et cartographie environnementale | Page 11
INERIS | Le magazine | JUIN 2009 | #23 | 5
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la pollution particulaire
V
endredi 3 avril 2009. La concentration moyenne journalière des particules
de type PM 10 (dont le diamètre est
inférieur à 10 µm) dans l’air ambiant
atteint 70 à 80 µg/m3 dans le Nord, le
Bassin parisien, le Centre, le Poitou-Charentes et le
Bordelais. Le seuil réglementaire de 50 µg/m3 est
largement dépassé. En janvier 2009, un précédent
épisode de pollution particulaire de plus grande
ampleur encore par les concentrations observées
avait concerné les grandes villes de l’Europe de
l’Ouest. Dans les deux cas, les équipes de l’INERIS
se sont mobilisées pour le suivi et l’analyse de
ces évènements, en appui aux pouvoirs publics.
Avec les problématiques liées à l’ozone et aux gaz
à effet de serre, la pollution particulaire focalise
de manière croissante l’attention des pouvoirs
publics et de la communauté scientifique. Les
travaux des chercheurs ont confirmé les effets
pathogènes des aérosols sur les systèmes respiratoires, et cardiovasculaires, l’ensemble de ces
effets se traduisant par une réduction potentielle
de l’espérance de vie (voir p. 8). Selon le rapport
2008 de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) sur le
programme de surveillance air et santé, une étude
réalisée entre 2000* et 2004 dans 9 villes françaises
(Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon, Marseille, Paris,
Rouen, Strasbourg, Toulouse) fait état d’un risque
de décès aggravé de 2,2 % pour une augmentation
de 10 µg/m3 des niveaux de particules PM 2.5 et
PM 10 (+ 0,9 % pour l’ozone). Rendue publique
en mars dernier, l’expertise commandée en août
2007 à l’AFSSET par les ministères en charge de
l’Écologie et de la Santé affirme, de son côté, que
ce sont « les expositions fréquentes à des niveaux
modérés de pollution qui sont responsables de
l’essentiel des impacts sanitaires et non les pics de
pollution ». Cependant, ajoutent les experts réunis
par l’AFSSET, « il n’est pas possible d’observer un
seuil de concentration en particules en deçà duquel
aucun effet sanitaire ne serait constaté ». Aussi, le
dispositif mis en place en France depuis octobre
2007** dans le cadre d’un arrêté du ministère en
charge de l’Écologie, prévoit la diffusion d’une
information par les préfectures, dans le cas du
dépassement d’un seuil en moyenne journalière
de 80 µg/m3.
Les particules fines : un enjeu
majeur en France et en Europe
Estimant à plusieurs dizaines de milliers le
nombre de décès prématurés dans les Étatsmembres imputables chaque année aux particules les plus fines PM 2.5 (dont le diamètre est
inférieur à 2,5 μm), des dispositions relatives
à ces dernières ont été introduites dans la
nouvelle directive « concernant la qualité de
l’air ambiant et un air pur pour l’Europe » (dite
Directive CAFE ; 2008/50/CE) du 21 mai 2008.
Ce texte fusionne la plupart des dispositions
législatives adoptées entre 1996 et 2002. Ainsi,
il maintient les normes existantes pour les
particules PM 10. Celles-ci fixent à 40 µg/m3 le
seuil maximal pour la concentration moyenne
annuelle et à 50 µg/m3 le seuil à ne pas dépasser sur 24 h plus de 35 fois par an. En revanche il
fixe pour les particules PM 2.5 une valeur limite
pour les concentrations moyennes annuelles à
25 µg m3 à respecter d’ici le 1er janvier 2015
sur l’ensemble du territoire, et à 20 µg/m3 à
respecter d’ici 2020. Un indicateur d’exposition
relatif aux concentrations moyennes annuelles
de PM 2.5 dans les zones urbaines est également défini et soumis à réglementation. Les
seuils associés impliquent une réduction de
l’exposition aux PM 2.5 de 20 % en moyenne en
2020, par rapport aux chiffres relevés en 2010.
Les États-membres devront avoir transposé
cette directive avant le 11 juin 2010.
En France, conformément aux recommandations
du Grenelle de l’Environnement, des objectifs
plus ambitieux ont été fixés dans le cadre du
second Plan National Santé-Environnement.
Dans le rapport remis au gouvernement le
14 avril dernier, le groupe d’experts - parmi
lesquels Philippe Hubert, responsable de la
Direction des Risques chroniques de l’INERIS - 
préconise qu’« en 2010, les concentrations dans
l’air en particules PM 2.5 devront tendre vers
une teneur de 15 µg/m3, cette valeur-cible
devenant obligatoire en 2015, ce qui représente une réduction de 30 % par rapport au
niveau actuel. À terme, l’objectif sera d’atteindre la recommandation de l’OMS de 10 µg/m3
de particules fines dans l’air ». Le rapport
suggère que la même réduction soit retenue
pour les particules PM 10. Pour atteindre cet
objectif, le rapport propose des actions visant
à réduire les émissions de particules du secteur
résidentiel (chauffage au bois), des installations
industrielles et agricoles (renforcement de la
réglementation des installations de combustion…) et des véhicules (zones à bas niveau
d’émissions dans les villes, éco-redevance pour
les poids lourds…). Ces actions feront l’objet d’un
« Plan particules » qui préconisera également 
d’ « améliorer la connaissance physico-chimique des particules, leur granulométrie et leur
impact sanitaire, en particulier l’impact à long
terme sur la santé de l’exposition chronique
aux particules en suspension, et leur transfert
au-delà des frontières ».
Les travaux de l’INERIS dans les domaines métrologiques, numériques ou économiques visent précisément à développer les outils pour définir, mettre
en œuvre et évaluer des politiques de gestion de
la pollution particulaire. Mais l’intérêt de l’Institut
ne s’arrête pas là : « La pollution atmosphérique
particulaire représentait un enjeu majeur au regard
de ses impacts sanitaires et environnementaux.
Elle a pris une dimension accrue en raison de la
mise en exergue de ses liens complexes avec
l’évolution climatique de notre planète, souligne
Laurence Rouïl, responsable du Pôle Modélisation
environnementale et Décision (Direction des Risques chroniques) de l’INERIS. La compréhension et
la prévision à moyen et long termes des facteurs
générateurs de cette pollution atmosphérique
spécifique constituent donc un axe prioritaire de
recherche pour notre équipe. Notre objectif est de
mieux comprendre les processus de formation de
la pollution particulaire, les phénomènes d’érosion
et de remise en suspension de particules comme
ceux liés à la production des aérosols organiques
secondaires, les AOS, qui contribuent à augmenter
les concentrations totales de particules. L’étude
quantitative de ces phénomènes, combinée à
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| Les spécialistes réunis à Paris |
L
es experts se sont réunis à Paris du 17 au 19 juin 2009 dans le cadre de
la Convention de l’ONU sur la pollution atmosphérique transfrontalière
à longue distance. Co-organisée par la Commission européenne, l’EPA
(Agence américaine de protection de l’environnement) et l’INERIS, cette
rencontre s’adressait aux membres de deux des équipes spéciales d’experts
constituées dans le cadre de la convention : la task force of mesurement and
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modeling, que co-préside Laurence Rouïl, responsable du Pôle Modélisation
environnementale et Décision de l’INERIS, et la task force on hemispheric
transport of Air Pollution. Quelque deux cents spécialistes représentant une
trentaine de pays ont pu échanger sur le lien entre pollution à l’échelle
globale et pollution à l’échelle des continents et les liens entre pollution
atmosphérique et changement climatique.
Laurence Rouïl, responsable
du Pôle Modélisation environnementale et Décision
« Participation à l’élaboration
du futur service européen de surveillance
de l’atmosphère, le GMES Atmospheric Service »
L
e programme GMES (Global Monitoring for Environment and Security, 
www.gmes.info)* lancé à la fin des
années 1990 par la Commission européenne
et l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a pour
objectif de développer des services intégrés
de surveillance de l’état de l’environnement
en Europe. La composante « surveillance de
l’atmosphère » de ce système s’appelle le GAS
(GMES Atmospheric Service). Le GAS doit être
opérationnel en 2012/2013.
L’expérience et les compétences acquises à la
faveur du développement et de la maintenance
de PREV’AIR, la plate-forme nationale de modélisation de la qualité de l’air, ont permis à la France
de se voir attribuer le leadership du volet qualité
de l’air développé au sein du projet MACC (Monitoring Atmospheric Composition and Climate)
financé par le 7e PCRDT européen, et destiné à
préfigurer le futur GAS. Entre autres services, le
GAS devra fournir des prévisions quotidiennes
sur les concentrations de polluants atmosphériques dans l’Union européenne, à l’instar de
PREV’AIR en France. « Cette participation traduit
la reconnaissance des compétences françaises
dans le domaine de la prévision de la qualité
de l’air, se félicite Laurence Rouïl. J’en veux pour
preuve la conception, fortement inspirée par
PREV’AIR, de la composante « qualité de l’air »
du GMES Atmospheric Service. »
Le GAS fournira des services de « base » agissant
au niveau de l’Europe (fournitures d’observations
brutes ou analysées sous forme de cartes, prévisions, analyses de tendances) financés par la
puissance publique et librement accessibles pour
tous les utilisateurs. En particulier, ces services
alimenteront en données d’entrée les services
« avals » qui constitueront des déclinaisons locales ou spécifiques des services de base élaborés
par des sociétés commerciales se finançant sur
la vente de ces produits. Le périmètre du GAS
englobera, outre la qualité de l’air, l’ozone stratosphérique et les UV, la composition chimique
de l’atmosphère à l’échelle globale (gaz à effet
de serre, gaz réactifs, aérosols).
Le projet MACC est donc la première étape du processus de développement et de mise en œuvre
du GAS. Il est coordonné par le Centre Météorologique Européen (ECMWF). Associé à MétéoFrance, l’INERIS aura la charge de fournir des
prévisions quotidiennes sur la
qualité de l’air
établies par les
modèles CHIMERE et MOCAGE qu’utilise PREV’AIR.
Les deux partenaires français auront également
pour mission d’intégrer les contributions de cinq
autres plates-formes de modélisation développées par d’autres pays européens (Allemagne,
Norvège, Pays-Bas, Suède). La combinaison d’informations provenant de différents modèles
garantira la robustesse des résultats et permettra
de mieux en appréhender l’incertitude. De plus,
l’utilisation de méthodes d’assimilations de données combinant modèles et observations sera
développée afin de proposer des cartographies
de champs de pollution les plus réalistes possibles. Les travaux réalisés dans le cadre du projet
MACC doivent ainsi démontrer la faisabilité et le
caractère opérationnel des services européens
dédiés à la surveillance de l’atmosphère.
* Le programme GMES couvre les thématiques de surveillance
de l’environnement atmosphérique, des territoires, de l’environnement marin, l’appui aux situations d’urgence et l’appui
dans le domaine des risques.
| La prévision des épisodes particulaires : des progrès constants |
L
a prévision des épisodes de pollution particulaire constitue un enjeu opérationnel pour la mise en œuvre de stratégies de contrôle de la pollution. Il s’agit
également d’un challenge scientifique auquel se mesurent régulièrement les
équipes impliquées dans PREV’AIR. Le système national de prévision de la qualité
de l’air, PREV’AIR a été développé en 2003 par l’INERIS, Météo-France, l’ADEME et
le CNRS pour le compte du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement
durable et de l’Aménagement du Territoire. Il repose sur l’exploitation des modèles
de chimie-transport CHIMERE (développé conjointement par l’INERIS et le CNRS)
et MOCAGE (Météo-France). Des prévisions à trois jours (jour même, lendemain,
surlendemain) et des cartographies de concentrations pour la veille portant
sur l’ozone, le dioxyde d’azote et les particules fines sont fournies de manière
opérationnelle par le système. Outre les cartes en accès libre sur Internet
(www.prevair.org), PREV’AIR met ses données à la disposition des utilisateurs,
parmi lesquels les AASQA, pour leur permettre d’établir leurs propres prévisions et
cartographies de l’air à l’échelle régionale. Les modèles qui sous-tendent PREV’AIR
font l’objet de mises à jours régulières qui intègrent les résultats des travaux de
recherche des équipes de modélisation. L’évaluation et l’amélioration de leurs
performances est un sujet de vigilance. Les nombreux projets européens dédiés
à l’évaluation et à l’intercomparaison de modèles auxquels l’INERIS participe avec
CHIMERE ont permis de s’assurer de la qualité des résultats fournis par le modèle
en regard de l’état actuel des connaissances. Cela n’empêche pas l’Institut de toujours rechercher l’amélioration des performances de son outil, en particulier dans
les zones où l’exposition est la plus importante : les villes. Ainsi l’INERIS participe
au projet CITAIR 2* (Common Information To european AIR) lancé fin 2008 et
coordonné par AIRPARIF. L’objet de ce projet est de diffuser quotidiennement une
information sur la qualité de l’air des principales villes européennes, basée sur des
outils et des indicateurs communs au sein de l’Union. L’INERIS est en charge de
fournir une prévision basée sur PREV’AIR mais affinée à l’échelle urbaine, sur les
grandes villes européennes. Cette mission implique un développement méthodologique. « Il s’agit d’affiner la résolution à partir d’une simulation brute de PREV’AIR
afin d’obtenir l’information souhaitée, indique Frédérik Meleux, coordinateur de
PREV’AIR à l’INERIS. Les prévisions actuelles sont établies avec une résolution de
50 km sur l’Europe. L’année prochaine cette résolution sera réduite de moitié, ce
qui constituera une avancée technique importante. »
* CITAIR 2 est soutenu par l’UE dans le cadre du programme INTERREG 4. Les programmes
INTERREG ont pour but de favoriser les ententes régionales entre pays européens.
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la pollution particulaire
Si la modélisation de la formation et du transport
des particules dans l’atmosphère constitue une
priorité du Pôle Modélisation environnementale
et Décision, dans un contexte de recherche, ses
travaux s’inscrivent également dans un cadre plus
opérationnel avec le développement du système
national de prévision et de cartographie de la qualité, PREV’AIR (voir p. 7). La prévision constitue un
outil essentiel dans la gestion des pics de pollution
tant pour anticiper l’information du public que pour
mieux appréhender les conditions de formation
des phénomènes. L’analyse quotidienne des performances du système de prévision renseigne
sur la nature même des origines des épisodes de
pollution, qui peuvent être locales, transfrontalières,
météorologiques, accidentelles… Trois facteurs
essentiels conditionnent l’apparition de concentrations élevées de polluants atmosphériques : la
situation géographique, les niveaux d’émissions
de polluants et les conditions météorologiques.
Un système de prévision de la qualité de l’air tel
que PREV’AIR opère avec une résolution de l’ordre
de 10 km sur la France. Il permet ainsi d’anticiper
de manière satisfaisante ou avec des incertitudes connues, l’apparition d’épisodes de pollution
caractérisés par des prévisions météorologiques de
résolution comparable et des émissions moyennes
recensées dans des inventaires généralement mis à
jour annuellement. Les incertitudes du système sont
beaucoup plus importantes en présence de phénomènes météorologiques très locaux ou lorsque
les émissions s’écartent de la situation moyenne
connue. L’analyse de ces erreurs, combinée avec
l’analyse de données d’observation donnant accès
à la composition des polluants atmosphériques,
permet de comprendre l’origine des épisodes
de pollution particulaire. Tel a été le cas en 2007
lorsque le système n’a pu annoncer ni reproduire
des concentrations particulièrement élevées dont
l’origine a été identifiée a posteriori en s’appuyant
Pollution particulaire
et réchauffement climatique :
des priorités stratégiques
Le débat sur le réchauffement climatique a, par
ailleurs, mis en lumière le rôle des aérosols atmos-
Moyenne journalière de PM 10
le 15 avril 2007.
Concentrations en µg.m-3
Prévoir pour mieux comprendre
sur des analyses physico-chimiques effectuées à
l’initiative de l’INERIS sur la base des mesures et
prélèvements fournis par les Associations Agréées
de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA). Ces
analyses ont révélé des quantités exceptionnelles de
nitrate d’ammonium, qui se forme à partir d’émissions d’oxydes d’azote et d’ammoniac. En cette
période de l’année ces polluants sont émis par les
activités d’épandages de fertilisants agricoles. En
2007, les températures particulièrement élevées
pour la saison (près de 30 °C au mois d’avril) ont
favorisé une évaporation massive de ces composés
à partir des sols entraînant ainsi les concentrations
exceptionnelles observées. « On s’est donc aperçu
que PREV’AIR sous-estimait le flux de particules correspondant à l’épandage des engrais à un moment
où l’élévation des températures favorise l’évaporation de ces produits », souligne Bertrand Bessagnet,
responsable de l’unité Modélisation atmosphérique
et cartographie environnementale. Cette unité a,
depuis, lancé un nouveau programme de recherche
avec l’INRA destiné à mieux comprendre et décrire
les émissions d’origine agricole de composés azotés,
pour une amélioration future des performances de
PREV’AIR sur ce registre.
De plus, cette étude a montré l’intérêt de mettre en
place un dispositif de caractérisation de la composition des particules à activer en situation d’épisode.
Un tel dispositif est aujourd’hui opérationnel, piloté
par l’INERIS dans le cadre de ses actions au sein du
Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité
de l’Air (LCSQA) et mis en œuvre sur la base des
mesures effectuées par les AASQA. Cette initiative
est unique en Europe, et vient compléter certaines
dispositions de la Directive du 21 mai 2008, qui
prévoient la mesure des composés majoritaires des
PM 2.5 sur des sites de fond : carbone (organique
et élémentaire) et substances inorganiques solubles
(nitrates, chlorures, sulfates, ammonium, sodium,
potassium, magnésium, calcium).
Concentrations en µg.m-3
une connaissance accrue des sources d’émission,
permettra d’élaborer des mesures et des stratégies de réduction de cette pollution, pour les pics
comme pour la pollution de fond. »
Séries temporelles de PM 10 à Caen et Lyon
entre le 1er février et 30 avril 2007 simulées
par le modèle CHIMERE et observées par 
le réseau de mesure national.
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| Réduction de l’espérance de vie |
S
elon l’étude réalisée en 2002 par l’IIASA (International Institute for
Applied Systems Analysis), l’exposition aux particules PM 2.5 était à
l’origine d’une réduction de l’espérance de vie de 473 jours en 1990
en raison du niveau de pollution de l’époque. Dans un rapport sur l’impact
sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine publié en 2005, l’AFSSET
estime que cette réduction pourrait être de 259 jours en 2010 si les émissions
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diminuent de manière à respecter la législation actuelle et de 209 jours si
tous les moyens techniques disponibles de contrôle des émissions étaient
entièrement mis en application. Autrement dit, la réduction des émissions
engendrerait un gain d’espérance de vie compris entre 214 et 264 jours
suivant le scénario considéré.
Frédérik Meleux, ingénieur,
Pôle Modélisation environnementale et Décision
« Couplage de la modélisation et des observations
satellitaires pour améliorer la prévision des
épisodes de pollution particulaire »
P
our améliorer la représentation cartographique de la qualité de l’air, les méthodes
d’assimilation de données permettent de
combiner résultats de simulations et observations,
de façon à avoir un écart moindre entre les deux
aux points de mesure. Ces travaux sur lesquels
l’INERIS s’est investi depuis plusieurs années
sont essentiellement basés sur des réseaux
d’observation in situ répartis à la surface du sol.
Plus récemment, des études sur le couplage
de la modélisation numérique et des observations d’origine satellitaire ont été engagées
par l’Institut dans le but d’améliorer les calculs
par la prise en compte d’une spatialisation de
l’observation au-delà du réseau des stations de
surface gérées par les AASQA ou les laboratoires
de recherche. Les rares études sur le sujet ont
montré la pertinence de l’utilisation des données transmises par les capteurs des satellites
d’observation de la Terre pour pallier certaines
insuffisances des réseaux au sol, en particulier
le manque d’information tridimensionnelle, ou
l’observation en des zones non couvertes par les
mesures in situ (les océans par exemple). En ce
qui concerne les particules, la principale difficulté
provient du fait que les satellites ne mesurent
pas réellement une concentration, mais plutôt un
coefficient d’extinction et une épaisseur optique
atmosphérique. Ces travaux de recherche visent
à comprendre le comportement des modèles sur
l’ensemble de la troposphère via la conversion
des épaisseurs optiques atmosphériques fournies
Q
par les satellites en concentration intégrée de
telle sorte qu’ils
polluants particulaires. L’information spatiale
observent les
2D sert également à corriger les modèles en
mêmes points
intégrant dans les simulations l’information transterrestres à
mise par le satellite afin d’inclure, dans la chaîne
quelques minutes d’écart (15 secondes seude modélisation, des émissions imprévisibles
lement entre CALIPSO et PARASOL).
de polluants telles que celles liées aux feux de
De surcroît, CALIPSO – dont les produits de visuabiomasse (citons le cas de l’été 2007 en Grèce…)
lisation ont été mis à la disposition de l’INERIS par
très bien détectés par des capteurs embarqués
le Pôle ICARE – est équipé d’un LIDAR, technolosur des satellites. À l’issue de ces études qui
gie métrologique permettant d’obtenir un profil
conservent un caractère prospectif, l’INERIS avait
vertical des teneurs de l’atmosphère en aérosols.
identifié certains problèmes posés par les limites
Ces indications, relatives à l’altitude des polluants,
de la ressource satellite : observations inexploitacomplètent les données 2D (longitude, latitude)
bles par temps nuageux, fréquence insuffisante
transmises par les autres satellites pour délivrer
des informations (1 à 2 passages par jour sur la
une image 3D du contenu en matière particulaire
de l’atmosphère dans les zones ciblées.
France) pour suivre dans la journée l’évolution
d’un épisode de pollution.
Initiés en 2006, ces travaux ont
bénéficié du partenariat entre
l’INERIS, le CNES et le Laboratoire
d’optique atmosphérique, une unité
mixte CNRS/Université des Sciences
et Technologies de Lille. Cette collaboration a permis d’exploiter les
données des missions PARASOL,
TERRA (capteur MODIS) et CALIPSO.
Ces satellites dédiés à l’étude de
l’évolution du climat ont la particularité d’être intégrés dans une
constellation de six engins (A-Train),
qui se succèdent sur une orbite Satellite CALIPSO développé en partenariat par le
polaire héliosynchrone identique, de CNES et la NASA.
| Qualité de l’air, climat et développement urbain |
uel est l’impact des mégacités sur la qualité de l’air et le climat ? Comment cet impact évoluera dans le temps et dans l’espace ? Telles sont
les questions auxquelles devront répondre les partenaires du projet
CITIZEN lancé en novembre 2008 dans le cadre du 7e PCRDT (Programme-Cadre
de Recherche et de Développement Technologique) de l’Union européenne.
L’étude porte sur plusieurs zones : la plaine du Pô, le Benelux, Athènes, Istanbul,
Le Caire et la Pearl Valley, en Chine. « Pour sa part, l’INERIS va travailler sur
la Plaine du Pô, le Benelux, et les villes du pourtour méditerranéen, révèle
Frédérik Meleux, en couplant le modèle CHIMERE avec un modèle global
de l’Université d’Oslo. Dans un premier temps, nous réaliserons une étude
portant sur la décade 1999-2008 qui servira de base de référence pour la
qualité de l’air dans ces zones géographiques. Des projections de niveaux de
pollution atmosphérique seront ensuite effectuées pour les années 2020 et
2050 sur la base des scénarios d’émission élaborés par l’IIASA*. Ces scénarios
prendront en compte des variables telles que la démographie, les modes
de vie, différentes stratégies de réduction des émissions polluantes, afin
d’imaginer l’impact du développement des villes de demain sur la qualité
de l’air et le climat. »
* International Institute on Applied Systems Analysis (Vienne, Autriche).
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la pollution particulaire
phériques auprès d’un large public jusque-là focalisé
sur l’impact de l’ozone et plus généralement des
gaz perturbateurs de l’effet de serre. Les études
ont montré qu’en fonction de leur composition,
les particules fines et ultrafines peuvent avoir des
influences antagonistes sur le bilan radiatif terrestre
(c’est-à-dire sur les capacités réchauffantes ou
refroidissantes de l’atmosphère), en fonction de leur
composition. Une certaine catégorie de particules
a ainsi un « effet parasol » et filtre le rayonnement solaire, provoquant une diminution de la
température au sol. À l’inverse, d’autres composés
d’aérosols peuvent polariser le rayonnement solaire
et contribuer au réchauffement terrestre. Les suies
entrent dans cette catégorie. Le réchauffement peut
également être provoqué de façon indirecte par
la présence de particules dans l’atmosphère qui
modifie les propriétés réfléchissantes des nuages
ou de la surface du sol (albédo). Cela peut-être
particulièrement sensible dans certaines régions
du globe, comme l’Arctique, où le dépôt de particules carbonées entraîne la perte du pouvoir
réfléchissant de la banquise et la fonte des glaces.
« Dans le domaine de l’interaction climat-pollution
particulaire, nos travaux portent, d’une part, sur
l’impact des aérosols sur le changement climatique et, d’autre part, sur l’effet du changement
climatique sur le comportement des particules »,
précise Frédérik Meleux, ingénieur au sein du Pôle
Modélisation environnementale et Décision. Ainsi,
l’INERIS travaille au développement d’un module
intégrable au modèle de chimie-transport CHIMERE
qui permettra de calculer l’impact des concentrations particulaires sur le bilan énergétique solaire en
fonction de la charge de l’atmosphère en différents
polluants, dont les aérosols.
« À partir de ce bilan radiatif, on pourra déduire
les évolutions de paramètres météorologiques
tels que les champs de vent, les températures
et les précipitations, poursuit Frédérik Meleux.
Ces travaux s’effectuent dans le cadre d’une thèse
conduite en collaboration avec le Laboratoire
d’aérologie, une unité mixte de recherche CNRS/
Université Paul-Sabatier de Toulouse. »
Réciproquement, l’Institut mène des travaux
d’étude visant à identifier l’influence de l’évolution de différents paramètres climatiques sur
les concentrations atmosphériques de particules :
elles peuvent s’accumuler localement à cause
de vitesses de vent plus faibles (conditions anticycloniques) et de la raréfaction des pluies ; les
émissions de poussières telluriques auront tendance à augmenter en raison de l’accroissement
de l’érodabilité des sols qu’engendre l’augmentation de la température et l’assèchement de
la surface terrestre ; les émissions de polluants
d’origine biotique (émis par la végétation selon
la chaleur ambiante, tels l’isoprène ou les monoterpènes) précurseurs à la formation d’aérosols
secondaires organiques devraient s’accroître du
fait des hausses de température qui favoriseront aussi la volatilisation de certains composés polluants. Cette connaissance des relations
complexes entre la pollution atmosphérique et
Changement des concentrations estivales
de PM 10 (µg/m3) simulées par CHIMERE
pour la fin du siècle par rapport 
à leur niveau actuel.
le réchauffement climatique est un préalable à
l’élaboration de mesures de gestion efficaces.
« Toute la difficulté, et c’est à cela que l’on s’attelle dans l’équipe, est de trouver des mesures
de réduction des émissions qui puissent agir sur
les deux phénomènes, ajoute Laurence Rouïl.
Cela passe par une modélisation qui prendra
en compte la composition et les conditions
de formation des particules, sous différentes
hypothèses d’évolution du climat. »
* « Analyse des liens à court terme entre pollution atmosphérique
urbaine et mortalité dans neuf villes françaises », Institut de veille
sanitaire, Paris, 2008, 41 p. Disponible sur : www.invs.sante.fr
** Ce dispositif fixe des seuils d’information et d’alerte du public
à respectivement 80 µg/m3 et 125 µg/m3 en moyenne sur
24 heures.
| Des particules nombreuses, complexes et variées |
P
oussières désertiques, cendres minérales, carbones imbrûlés, ammoniac,
composés organiques. Les sources des 3 milliards de tonnes de particules
microniques (ou aérosols) émises chaque année dans l’atmosphère sont
nombreuses. On en distingue deux types : les particules primaires et les particules
secondaires.
● Les particules primaires proviennent des sources naturelles et anthropiques.
Parmi les sources naturelles figurent principalement l’érosion éolienne des
sols (dont les aérosols désertiques, première source mondiale), les éruptions
volcaniques, les embruns océaniques, les feux de forêt et la combustion de biomasse... Les sources anthropiques comprennent les installations de combustions
industrielles (30 %), l’agriculture (30 %), le chauffage domestique (27 %), la
circulation routière (11 %). Les aérosols primaires sont émis directement sous
forme de particules, d’une taille supérieure au micron lorsqu’ils sont produits
mécaniquement et inférieure au micron lorsqu’ils sont issus de processus de
combustion.
● Les particules secondaires sont formées dans l’air par des processus chimiques
complexes, notamment à partir de précurseurs gazeux tels que les oxydes de
soufre et d’azote, l’ammoniac et les composés organiques. Les aérosols organiques
secondaires (AOS) sont d’une taille généralement submicronique.
Sur le plan chimique, on distingue plusieurs types d’aérosols :
● Les espèces inorganiques secondaires : le sulfate, le nitrate et l’ammonium issus
de l’oxydation dans l’atmosphère des oxydes de soufre et d’azote combinés
avec l’ammoniac.
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Le carbone élémentaire (EC), ou carbone suie ou Black Carbon (BC) qui est un
résidu de combustion.
● Le carbone organique (OC) présent dans des composés organiques issus notamment de combustions incomplètes ou formé par oxydation (AOS) dans l’atmosphère. Cette classe chimique comprend plusieurs centaines de composés
organiques différents, comme les Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques
(HAP).
● Les composés minéraux et les sels issus de phénomènes d’abrasion et d’envols
de poussières (chantiers, gravières, travail des sols en agriculture, érosion des
routes et des sols, poussières désertiques, embruns, etc.).
● Les métaux provenant de processus d’abrasion (envolées de poussières, freinage des véhicules, etc.), d’émissions liées à des processus industriels et aux
combustions (chauffages, incinérations, etc.).
● Les composés d’origine biogène : pollens, spores et divers micro-organismes
constitués en général de grosses particules.
La réglementation distingue les PM 10 (diamètre inférieur à 10 µm) et les
PM 2.5 (diamètre inférieur à 2,5 µm). Dans l’Union européenne, les PM 10 sont
réglementées depuis 1996 (Directive cadre sur la qualité de l’air) et les PM 2.5
ont été intégrées à la nouvelle directive unifiée du 21 mai 2008. Leur temps de
séjour dans l’atmosphère varie de quelques semaines (dans la troposphère) à
quelques années (dans la stratosphère). Les différents types d’aérosols influent
différemment sur les rayonnements traversant l’atmosphère et ont donc des
impacts différents sur le climat.
●
Bertrand Bessagnet, ingénieur, responsable
de l’Unité Modélisation atmosphérique
et cartographie environnementale
« Nous travaillons à améliorer
les performances du modèle CHIMERE »
A
Évolution du panache de poussières
Ukrainiennes (concentrations en µg m3)
du 23 mars au 25 mars 2007.
L’événement a débuté en fin de
matinée le 23 mars 2007 en Ukraine.
cteur reconnu par la communauté scientifique dans le domaine de la qualité
de l’air, l’INERIS s’attache aujourd’hui à
faire progresser l’état des connaissances qui
permettra d’améliorer les performances de la
modélisation particulaire.
« Un des enjeux majeurs de la modélisation des
particules est de parvenir à mieux comprendre
et à prévoir de manière fiable la formation des
aérosols organiques secondaires (AOS) dont la
taille est en général inférieure à 2,5 µm, afin
d’élaborer des stratégies de réduction de cette
pollution à la source, souligne Bertrand Bessagnet. Cette difficulté constitue actuellement
le point faible de nos modèles. Les aérosols
secondaires sont formés par l’oxydation de composés organiques volatiles, donc gazeux, émis
par la végétation et les activités humaines. Une
partie de nos travaux est ainsi particulièrement
centrée sur la caractérisation des émissions
d’ammoniac ».
L’INERIS et l’Institut Pierre-Simon-Laplace (IPSLCNRS) développent le modèle CHIMERE, l’un
des modèles de chimie-transport sur lesquels
s’appuie le système PREV’AIR, afin d’en améliorer
les capacités prévisionnelles. Alors que l’IPSL
travaille plus particulièrement sur la modélisation
en phase gazeuse et sur la dynamique et le
transport des poussières désertiques, l’INERIS
a en charge les développements relatifs aux
polluants particulaires. Les espèces modélisées
sont les principales espèces constitutives des
particules, à savoir : les nitrates, les sulfates, et
l’ammonium, les espèces organiques secondaires, les particules primaires anthropiques, les
poussières naturelles et les sels marins.
Les travaux en cours visent en particulier à
mieux prendre en compte les AOS. Contrairement aux espèces primaires émises par des
sources directes naturelles (embruns marins,
poussières minérales…) biogéniques (pollens,
fumées d’incendie, virus…) ou anthropiques
(combustion des énergies fossiles notamment),
les aérosols secondaires, particulièrement nombreux dans l’air, résultent de réactions complexes
d’oxydation dans l’air.
Par ailleurs,
des publications récentes
ont montré la possibilité d’une conversion des
espèces primaires organiques en secondaires
par des processus d’évaporation/oxydation des
espèces semi-volatiles émises par des processus
de combustion.
L’étude du comportement du modèle pour simuler
d’importants épisodes de pollution particulaire tels
que ceux survenus au printemps 2007 ou durant
les hivers 2007 et 2008 conditionne le choix des
priorités d’amélioration à apporter au modèle, et
permet d’envisager de nouvelles interprétations
sur l’origine de ces épisodes. Fin mars 2007, la
comparaison entre les événements réels et les
prévisions quotidiennes réalisées par CHIMERE a
mis en évidence un écart entre les simulations du
logiciel et l’évolution réelle d’un panache de poussières caractérisé par une composition inhabituelle
et une concentration 10 fois supérieure au bruit
de fond généralement relevé au-dessus du nordouest de la France. Les analyses d’échantillons ont
montré que ces aérosols ne provenaient pas du
Sahara comme l’avaient affirmé plusieurs experts
en première hypothèse. Une étude allemande
a émis la possibilité qu’une tempête en Ukraine
était à l’origine de cet événement en soulevant
une grande quantité de poussière tellurique.
L’INERIS, en collaboration avec l’IPSL, a confirmé
cette hypothèse, également mise en évidence
par les données issues du LIDAR embarqué sur le
satellite d’observation CALIPSO. En effet les terres
arables de l’Ukraine, le chernozem, sont extrêmement érodables. Une modélisation plus fine et
une étude de sensibilité réalisée avec le modèle
CHIMERE ainsi que l’étude des rétro-trajectoires
des masses d’air ont permis de vérifier que les
concentrations observées en France provenaient
bien d’Ukraine… une première en Europe ! Une
meilleure prise en compte de la variabilité spatiale et temporelle des sources d’émissions de
poussières, quelle que soit leur origine (naturelle,
agricole) fait partie des développements prioritaires entrepris par l’INERIS dans le cadre du
développement du modèle CHIMERE.
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