ÉLÉMENTS D'ANTHROPOLOGIE GABONAISE Méthode, Collecte, Oralité, Cuisine, Portage, Interdits, Bwiti, Esclavage, Sorcellerie, Parenté Etudes Africaines Collection dirigée par Denis Pryen et François Manga Akoa Dernières parutions Karamo KABA et Idrissa BARRY (dir.), La Guinée face à la mondialisation, 2008. Jean Marie NZEKOUE, Afrique: faux débats et vrais défis, 2008. F. BIYOUDI-MAMPOUY A, Penser l'Afrique au ){XIe siècle, 2008. Marcel KOUFINKANA, Les esclaves noirs en France sous l'Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles), 2008. Ephrem LIBA TU LA MBONGA, Quelle diplomatie pour la République démocratique du Congo ?, 2008. Jean BRUY AS, Les institutions de l'Afrique noire moderne, 2008. Marie-Rose ABOMO MAURIN, La littérature orale: genres, fictions, 2008. Michèle CROS, Julien BONHOMME (dir.), Déjouer la mort en Afrique, 2008. Aimé Félix A VENOT, La décentralisation territoriale au Gabon, 2008. Jean-Claude OLOMBI, La profession d'Huissier de Justice au Congo,2008. Dominique DIETERLE, Ani Sara, Lettres aux enfants du Togo, 2008. Mamadou KOULIBAL Y, Leadership et développement africain; les défis, les modèles et les principes, 2008. Sylvie BREDELOUP, Brigitte BERTONCELLO, Jérôme LOMBARD (éds), Abidjan, Dakar: des villes à vendre? La privatisation made in Africa des services urbains, 2008. Gansa NDOMBASI, Le cinéma du Congo démocratique. Petitesse d'un géant, 2008. René MANlRAKIZA, Population et développen1ent au Burundi, 2008. Appolinaire NGOLONGOLO, L'immigration est-elle une menace pour la France ?, 2008. Lydie Akibodé POGNON, Valeurs du travail et processus psychologiques de l'absentéisme. Revue de la question et perspectives africaines, 2008. Stéphanie NI<OGHE ÉLÉMENTS D'ANTHROPOLOGIE GABONAISE Méthode) Collecte) Oralit~ Cuisine) Portage) Interdits) Bwiti) Esclavage) Sorcellerie) Parenté Préface de Simon-Pierre MVONE NDONG L'Hartnattan (Ç)L'Harmattan, 5-7, rue de l'Ecole 2008 polytechnique; 75005 http://www.librairieharmattan.com [email protected] harmattan [email protected] ISBN: 978-2-296-06360-0 E~: 9782296063600 Paris Du même auteur -La collecte des dormées en psychologie de l'enfant, Actes du séminaire interdisciplinaire sur les Méthodes de Collecte des ~, in Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme, N' 4, Décembre 1997, pp 221-226. -L'éducation des e.nfunts chez les Fang: Les pratiques 1raditiormelleset leur évolution, UFR~, Arts et Sciences Humaines Nice, Départetrent EthnologieSociologie,Thèse, 1998,483 p. -Deux systèIres éducatifSantithétiques : de l'oral à l'écrit, in Cahiers GaOOnais d' Anthropologie, N' 3, Mars 1999,pp 285-306. -Une diffusion alimentaire à l'échelle pJanétaire, in Revue de l'Institut de Recherche en Sciences Humaines, Vo16,Juin 1999,pp46-51. -La 1ransmissiondes rites de guérison, Actes du séminaire Danse, Guérison et le Sacre en Aftique, Janvier 2001, ÙlAnnales de l'Université Omar Bongo, 2005, N' Il, pp 9-22. -Tomisme au Garon, Paris, 1'Hanmttan, 2006, 155p. - Le LMD au Garon, in Varia Manuscrit, 2007, pp 11-51. anthropologica gabonesea 2004, Paris, Le -Savoirs et dynamiques sociales au Gabon, Libreville, Edi1a, 2007, 176p. - La ootion de Dieu dans la mythologie Fang, in Cahiers Gabonais d'Anthropologie, N' 17,2007, pp 2091-2105. - Mondia1isationet sociétés orales secondaires, Paris, 1'Hanmttan, 2007, 139p. - La psychologie du tourÎslre, Paris, l'Hanmttan, 2008, 155p. PREFACE Les investigations de ]a philosophie dépassent le champ initial de sa spécialité ; car rien de tout ce qui touche à ]a vie ne doit rester étranger au philosophe. Cela justifie-t-ille fuit qu'lll1 philosophe épistémologue rédige ]a préface d'un <J1l\tTage d' anthropologie? C'est du moins me manière de reconnaître à ]a philosophie ce droit d'exmren qui autorise le travail du philosophe à empiéter sur d'autres spécia1ités en vue d'une véritable é1aborationde la pensée réflexive. Mais, c'est surtout 1111acte qui invite les chercheurs gabonais à travailler ensemble pour la protmtion de l'interdisciplinarité. On insiste ainsi sur l'importance du 1Iavail des anthropologues qui oont de vrais hommes de teIrain; ils apprerment à regarder et comprendre l'ensemble des fuits qu'ils collectent et analysent Ce texte que nous avons l'insigne honneur de préfacer montre bien que Stéphanie Nkoghe a une expérience fiable et attestée du teIrain gabonais. Sa connaissance de la société ga1:maise vient confinrer ce que VMana Pâqufs disait à propos de l' ethnologue: «l' etlmologue bien en1raîné est d'abord un homme qui voit ce que les autres ne voient pas, tout simplementparce qu'il a appris à regarder »1. L'autaIr, dans ses ~ tret en relationréflexivité,interdisciplinaritéet interculturn1itde manière à rmntrer comment l'anthropologie gaOOnaisese pense elle-même. Chaque page de ce texte térmigne de l'importance du teIrain; il Y a comme une invitation au voyage grâce au souci constmt d'un retour du chercheur sur les pas de l'histoire ClÙturelle gabonaise. s'agit d'me intenugption sur la n manière dont les gabonais vivent les fuits présentés et la fàçœ dont il faut les mettre en texte afin de les rendre disponibles aux étudiants et chercheurs. Véritable travail de méthodologie, ce texte respecte les bases épistérmlogiques de la science anthropologique, notamment le principe philosophique qui fuitl'éloge de l'eJJL)'clopédie: il vise la collecte et la diffusion des savoirs. Cet esprit encyclopédique est nécessaire à la philosophie qui doit fonctionner sur la 00se des 1 POCJ.ues,V. «A quoi sert l'ethnologue?» N'l, Strasbourg, 1972, p. 129. Revue des sciences sociales de la France de l '&t, jugerren1s d'existence: ceci est Le rrérite de l'auteur consiste aussi dans la distance épistémologique qui lui penret d'intenuger sa propre CLÙture en tenre d'auto- ethnographie avec autant d'objectivité que s'il s'agissait d'une autre société humaine. Guidée par le principe philosophique de la connaissance de soi, l'anthropologue gabonaisdoit ~ son propremilieu en en examinantles réalités.Ainsi l' auteur nous pennet-il de pénétrer divers univers : de s paroles du village ; de la cuisine bantu ; du portage et du couchage d'enfants ; des interdits ; de l'enseigneIrent du bwiti du 1ravai1des enfants ; des rapports sociaux (fonnes d'esclavage ?) ; de la sorcellerie de la parenté p1aœntaire Ce 1ravai1 répJnd dès lors à l'exigence encyclop;Xiique qui caractérise l'an1hropologie et invite les chercheurs à réfléchir aux reJatiom qui peuvent exister entre réflexivité et interdisciplinarité dès qu'il est questiœ d'analyser et de promouvoir la culture gabonaise. Par son style, sa méthode et le contexte d'émergence de sa réflexion, il se dégage une sensl"bilité pour une an1hropologie qui montre que la persorme humaine se détennine de mul1iples fuçons. TI Y a ici, ]a construction d'une problématique pour ]a relation aux «natifs », les _ analytiques qui attestent que les «natifs» ne sont plus seulement obsetvés et étudiés, désotmris, ils analysent et obse1ventleur ClÙture pourrniwx penser leur société. Ainsi, Stéphanie Nkoghe, enlrettant en lumières les éléments de l'anthropologie gabonaise offi:e à ]a recherche en sciences sociales des outils plus élaborés : le choix du village comme première vitrine de ]a ClÙture gabonaise est une nécessité pour un travail d'une telle importance. Le village, œrœau de ]a culture ornle est le lieu de ]a communication des valeurs humaines et celui de]a construction du vivre-ensemble. L'auteur a certainement à cœur de montrer que ]a rmndialisation consti1œ un eqjeu mYeur pour les cultures gabonaises, aussi insÏste4:-Ïl sur la spécificité de l'identité de la gastronomie gabonaise dans un contexte socioculturel d'association des manières de table. Dans ses analyses, la 1hématique du portage et du couchage d'enfants intenuge les pratiques de maternage de la petite enfunce. L'auteur qualifie celles-ci de 8 teclmiques COlpOIelles grâce auxquenes le porteur et le porté s'explorent nurtuellerœnt à partir du contact de la peau. Une communication tactile s'installe entre l'en:funtet chaque trernbre de la fumilleaurroment du por1Bge. Nous sommes ainsi dans une perspective de construction de l'humanité grâce au corps à corps qui ouvre l'm à l'univers de l'autre. Or, l'autre avec qui on partage la mêrœ humanité resp:ne les interdits a1irnentaire; et sociaux institués par les ancêtres ce qui fRIt constituerune limite dans larelatim L'auteur anal)re cette question de l'interdit pour nous pennettre de saisir les fondements de la1110Iâle ou de l' éthique dans la société traditiormelle. Cela le pousse à questionner une institution initiatique, le Bwiti, pour comprendre les rŒcanismes de la 1ransmission des valeurs dans un Ga1:m anté-colonial Les fondements pédagogiques du Bwiti PJ1llTaÎent certainement, selon l'auteur, Ïnspirer la pédagogie de l'école rmdeme à partir d'me reévaluation des méthodes et des objectiJS de l'enseignement C'est ainsi que Stéphanie Nkoghe propose une conversion du reg;;nd pour ce qui est du travail des enfants ; elle nxmtre comment la société est J:X1SSée d'une fonne de 1mvail scx;mlisant dont ]a :finalité était l'intégration sociale à une fonne d'exploitation des enfants au 1ravail.... Texte riche et complexe, ce livre consave à l'antlnqxJlogie gabonaise sa fiaîcheur et son dynamisme et prose Cresswell comme lID maître qui 1rouvera des disciples en temrin gabonais. MVONENDONGSimon-Pien-e 9 Avant-propos Vmgt ans d'an1bropologie équivalent sans doute à vingt ans d'expérience, de méthode et de théorie. Les vingt armées que j'ai déjà passé dans cette discipline, m'ont en effetpennis d'êtreenseignantchercheur,chefde ~ (5ans),puis secrétaireadministrntifet financier du La1x>ratoired'An1hrqx>logie(Laœn). Durant cette période, j'ai accumulé de nombreuses expériences de recherche, par l'étude des thématiques an1bropologiquesaussi variées que le sont ses domaines d'intervention. C'est presque par exemple une obligation, un devoir pour tout enseignant chercheur que d'encadrer les étudian1s sur des stYets de recherche de leur choix, qui ne relèvent pas forcétrent des domaines de COl11fétenœ de l'enseignant, sans oublier les nombreuses participations aux séminaires et colloques, ou encore les nombreux appels à communication suggérés par les revues scientifiques. Lom donc de toute cormaissanœ prétentiwse ou démesurée en an1bropologie, et 10m de 1re démarquer de ma spécialité d'origine d'an1bropologie de la socialisation, il s'agit là d'une cemrine fàçon de promouvoir lID esprit d'ouvertme sur toutes les autres problétna1iques posées par l' an1bropologie. En teI:Iœs de bilan de recherche, cette œuvre représente en conséquence, une sorte de compilation des travaux d'an1hropologie, que j'ai réalisés ces dernières armées. AOOrdant aussi bien des questions de méthodologie (cursus de méthode, oralité, la collecte des données) que de société (cuisine, interdits, portage et couchage, enseignerœnt du bwiti, esclavage, sorcellerie, parenté à plaisanterie), sous un mtitulé rnssembleur qui tieme compte des stYets 1raités, je spécifie et célèbre par là, la particularité du terraID gabonais d'an1bropologie qui (MÜt été initié par nos prédécesseurs. La diversité des sociétés est telle qu'aucune ci'entre elles ne doit être ignorée; même s'il est presque utopique que de parvenir à une vulgarisation complète de toutes les valaIrS humaines. «Elérœnts d'an1bropologie gabonaise» vient à ce titre compléter les recherches ethnographiques déjà en1reprises sur ce teIrain. On peut dire à ce sqjet que les explorateurs adrrinistratifs et missionnaires de l'époque coloniale, fournissaient déjà des renseignements d'ordre etlmologique étendus et intéressants sur la société gabonaise. On se souvient en 1904, des écrits des missionnaires Allgret sur la religion fang dans <<Revued'Histoire des Religioos», en 1906 Louis Martrou écrit sur les «Eki» des fang, en 1CXJ7,les <Chroniques» d'André RapondaWalker en pays Tsogo, Esbirn,Vili, Ivéa,Akélé, etc. ~ précieuses fXJur l'Œstoll'e de l'antl1tqx>logie gabonaise, avec plus de vingt ténrignages et de cinquante articles archivés, sans oublier son œuvre sur les <<Rites et croyances du Ga!xm» publiée en 1983 en collaOOrationavec Roger Sillans. Avec la première et la deuxiètre génération d'universitrires gabonais, va naî1re une sorte d'auto etboographie où les a111l1rqDlogt1fSd'origine gabonaise assurent la promotion scientifique des valeurs endogènes inhérentes à laIr société, et qu'ils ont plus ou 11D1nsacquises durant leur enfimœ. Divers et nombreux sont les 1ravaux qui ont été réalisés dans ce sens. On peut citer entre autres, les 1ravaux de : -Jean Fmile :Nfuotlorsqu'en 1975, il écrit «Ebugbi bifia, démonter les expressions : énonciation et situations sociales », en 1984 « Un siècle d'histoire du Galxn par l'iconographie»,en 1991 «Les Hommes du Galxn», «A chacun son pygnie », en 1997 <Q.1and l'esprit de la forêt s'appeJait jachère», en 1998 «Le campement comme nxx:le de gestion de l'environnerrent», <<Les f~ 1rnditionnelles de gestion des écosystèmes », «L' entreprise n' ffit pas notre pa1rimoioo>, en 1999 «Les mythes fondateurs des sciences sociales en Afiique», «Mode de production 00ntu», etc. -Isaac Nguema, en 1969 <<Lenom dans la 1raditioo et la législation gabonaise: essai de droit coutumier», en 1974 «Diff'erenciatioo etlmique et unité nationale face au dével~», en 1986 <<Lesvoies nouvelles de la codification des coutumes gabonaises», en 1998 <<Droitde l'Homme et droit 1raditiomel en Afiique pourquoi faire? -PaulinNguemaAubam, en 1983 <<Lesaspects de la religion fàng». -Pien-e A yamine Anguilet, 1998 <<Lagestion des ordures en milieu villageois», en2rm «Le code des aliments», etc. -Raymond Mayer, en 1984 <<Mariages préférentiels dans les sociétés matrilinéaires du Ga!xm», en 1989 «Inventaire et recension de cent sites touristiques des narlS provinces du Ga1:xJn», en 1990 <<Dénominatioœ etbno scientifiques des langues et etlmies du GaOOn», en 1997 «Trajets migratoires et parlers Ndtmu », en 1998 «Premières prospections etimœrchéologiques à Lambaréné», «Des caméléons et des hommes », en 1999 «L' a111l1rqDlogie science interdite », <<Le 1hème du conjoint animal dans les contes : une étude intercu1turelle », «Approche de la danse rninkuk», <<Lesmasques du Galxn», en 2002 il réédite «Histoire de la :fumille gabonaise », en 2003 <<Les recompositions fumiliales en Emope et en Afiique», etc. 12 -Stéphanie Nkoghe, en 1998 «L'éducation des enfunts chez les fang: les pratiques traditionnelles et leur évolution »,en 1999 «Une diflùsion alimentaire à l'échelle planétaire », en 2003 «La rééducation préventive des }XJPUlations pauvres », en 2004 «Le LMD au Gabon », en 2<XX5«To1.D.isrœau Gabon», «La notion de Dieu dans ]a mythologie fang », en 2007 <<La1rnnsrnissiondu PJuvoir de guérison en Afiique », « Savoirs et dynamiques sociales au Gabon », «Mondialisation et sociétés orn1es secorrlrires gabonaises », en 2008 «La psychologie du tourisme », <<Elé1rentsd'an1hropologie gabonaise »,etc. -Horenœ Bikoma, en 1997 «Elé1rents d'analyse et d'œprétation nzèbi », «Musique myènè de Port-Gentil à Lambaréné », etc. du mythe -Bernardin Minko Mvé, en 2003 «Le Gabon entre 1rnditionet postmodemité », «A ]a découverte de l'anthrorx>logie», <Champs, études, débouchés et et1ieuxde l'anthropologie », en 2005 «Du système de filiation entre l'an1hropologie et la sociologie», «v meurs culturelles,paix et développement », en 2<XX5«Touristre au Gabon», «Con1roverse environnements au SLYet de ]a tète de noel », «Analyse an1hropologique virtuels» en 2007 <<Le concept de postmodemité dynamiques sociales au Gabon», <Mondialisation gabonaises », <<Lescrimes rituels au Gabon », etc. des », <<Savcirs et et sociétés orales secondaires -Paulin Kialo, en «Les fonœs 1rnditiormellesde gestion de l'écosystème du village Moutouyeni », 2007 «l'Homme et la forêtà 1raversle temps: de la forêt vivante à]a forêt morte », etc. De toute évidence, on peut constater par 1a qualité et ]a quantité des 1ravaux précités (dont la liste n'est pas exhaustive) que l' anthropologie gabonaise est en plein essor et très fomnie, cYou1erà ce1ales nombreux certains collègues de sociologie 1Iavaux qui abordent réalisés par les étudiants et tout aussi bien 1a dimension anthrorx>logique des faits de société (Joseph Tonda, Ferdinand 11bah, Claudine Angoué et Fidèle Nze Nguéma). En réalité, on peut dire aqjourd'hui que le champ d' études scientifiques sur les traditions orales gaOOnaises est bien circonscrit; et qu'il a fXJur objectifs non saùerœnt d'aborder quelques questions d'ordre épistémologique, mais aussi de protIDuvoir, d'immortaliser par C01pUSécrits, les pa1rinrines matériels et immatériels du terroir. «Elé1rents d' anthropologie gabonaise» est une œuvre qui ~oint ces rŒ.tres objectifs à travers onze chapitres 1rnitant tour à tour les problèmes de ITé1hode, d' oralité, de cuisine, de portage et de couchage d' enfunts, d'interdits, d'enseignerœnt et de parenté à plaisanterie. 13 du bwiti, d'esclavage, de sorcenerie CHAPITRE 1 De la méthodologie L'expérience académique, pédagogique et scientifique acquise au sem du DéparteIrent d'An1:hrqx>logie de Librewle, me penret de restituer ici la ~he méthodologique en vigueur dans ce département, que j'ai eu 1'honna1r de diriger pendant un peu plus de cinq ans (2001-2006). n ne s'agit pas simpleIrent de fàire état de la rrethOOe ethnographique à l'occidental, mais de l'appliquer et de l'adapter aux temUns en présence, pour une conception méthodologique ~que de l'an1hropologie gabonaise. Le DéparteIrent d'An1:hrqx>logiede Libreville, comme airœ à le dire Raymond Mayer, cons1IUitson objet à partir de deux mythes fondateurs - tnl 2: mythe de rrethOOe qui privilégie la documen1a1ion et les COlpUSde toutes natures - et un mythe de théorie qui avance le concept de matrice comme fondateur d'une an1hropologie d'intérêt et de modélisation endogène. Le mythe fondateur de méthode qui nous intéresse ici est plus que fondamental, d'une part, pour ~ aux exigences épistétmlogiques, et d'autre part, pour l'encadrement des jeunes an1hropologues. n constitue en effet, le critère de scientificitéle plus pertinent de cette discipline, et l'outil de travaille plus impJrtant mis à la disposition de tout an1hropologue. n est donc plus qu'indispensable d'élucider et d'orienter les conœp1s trethodologiques actuels en vigueur au département; pour domer ID sens à nos enseignements, puis à la fonmtion. Nous souhaitons pour ce fàire, que ce dœument constitue tnl manuel de chevet et de rétèrence méthodologique pour nos étudiants ou tout autre spécialiste intéressé. Le cursus de méthode que nous appliquons au DéparteIrent d'An1:hrqx>logie, obéit à une démarche progressive, allant du premier au 1roisième cycle. Au premier cycle, il est surtout que&ion d'Ü1culquer aux étudiants, les concepts théoriques et de l'apprentissage prntique, méthodologiques de base; le second cycle est l' ~ alliant exercices de collecte sur le terrain, dépouillement, re&i1ution et analyse des données; le 1roisième cycle étânt reservé à l'autonomisation des doctoran1s, quant à la préparntion~lle 2DétEtenm:d' d'une thèse de Doctorat,ou d'tnl Diplôme d'Etudes Anthropologie de Libreville, JC>1.1IŒe~que du 14Novembre 2001. ~eures Spécialisées (DESS). La fonna1ion~ toutefois, surlIDensemble de concepts scientifiques tels que la recherche, Ia méthode, le temùn, Ia pré-enquête, l'enquête, Iacollecte,les dormées, Iagrille d'~, ete. 1. La recherche scientifique Définir Ia recherche scientifique est lID préalable nécessaire lorsqu'on veut aborder les questions de méthodologie. n s'agit de mmtrer aux étudiants que Ia méthodologie oœït à l'e;prit scientifique, où elle 1rouve son fonderœnt. Communément définie comre regroupant l'ensemble des activités, des 1lavaux scien1ifiquesatLXqUflsse livrent le; chercheurs, Ia recherche en anthropologie est moins une activité OOnalequ'une démarche ratiomelle, ordomée de principes, de règles, d' étapes ~ de parvenirà un résultatDdnsle domainedes sciences sociales qui eS: le sien, Ia recherche « VlSe à mieux comprendre les significatinns d'lffl évènement ou d'une conduite, àfaire intelligemment lefXJintd'une situation, à saisirplusfinement les lngiques de fonctionnement d'une organisation, à réjléchiravecjustesse aux implica1ions d'une décisionpolitique ou enmre à comprendre plus nettement comment tdles personnes perçoivent un problème et à m£ttre en lumière quelques W1S des fondements de leurs représentations »3 La vulgarisation ou l'accè; à CtS cormaissances nécessite que l'on s'appuya sur «des cadres 1héoriques et méthodologiques explicites déjà é1aborés » respectant ainsi en le; appliquant toutes les procédures scien1ifiques en vigueur dans chaque discipline. 2 La méthode C'est dans le soucis constant de présenter Iarecherche aux étudiants comre une démarche rntionnelle, 1.D1tmvail rigoureux, con1rôlé, obéissant à un plan, que nous Ïn1roduisonsle concept de méthodologie, renvoyant ainsi au caJJeVàSgénéral de recherche en sciences sociales. Les étapes de réference de Ia démarche, pour toute recherche en sciences sociales sont les suivantes4: -La question de départ -L'explorntion (lectI.Irffi et entretienspréalables) 3 RQuiry etL Van~Manuel 1995,p8. 4Jbid,P 40. deRech£rcheenSdenœsSa::ioles, Paris, DunOO, 16 - la problématique -la construction durrndel d'analyse -L' observatim -L'analyse des infonmtions -Les conclusions Cette démarche progressive fuite d'étapes est unique, mais ce sont les procédures qui changent d'une discipline à une autre. En anthropologie, on parle de trethode ethnographique ou observation participante qui «V1Se l'ensemble cks méthodes empUiques ou des recettes grâce auxqueDes, en situation d'enquête, l'ethnologue établit entre son terrain et hti la relatinn scien1ifique la plus rentable. A cet égard, parler ethnngrap. est quelque peu trompeur: situations d'enquête d'une part, l'iJnportanœ dans l'établissement au singulier ck méthode la diversité cks sociétés et des ck la personnalité du chercheur ck sa relation au teJTain d'autre part, empêchent que l'on puisse sans abus ck langage, évoquer l'existence et la pertinenœ méthodologie d'ensemble dont la démarche serait d'une sorte de rigoureusement définissahle »5 C'est donc dire en d'autres tenT1es qu'en anthropologie, la collecte de certaines infonmtions exige la mise en œuvre des procédures précises, adaptées aux matériaux en présence. Dans ce cas, c'est la situation de temrin ou le contexte social qui définit, oriente sur les procédures et teclmiques d'enquête appropriées. Dans ces conditions, il est clair que les procédures d' observation et de collecte rése1vées à l'étude d'une société secrète, ne sont pas identiques à celles rése1vées à une étude ethnozoologique ou etbnobotanique. Dans le premier cas, la trethode présente l'exigence d'une observation participante, parfois à distance, en vue de préselver le secret mitiatique ; tandis que dans le second cas, l'anthropologue n'est tenu qu'à une observation à distance, pour prévenÏr éventuellement les réactions imprévisfules de certaines espèces arrimales ou végétales (attaque, toxicité, etc.) 3. La pré-enquête La première enquête -Mesurer 5 phase exploratoire du temrin, «phase-test », encore appelée pré- a pour objectifS de : la fuisabilité de l'étude P. Bonte etM Izani,Dictio11l1£liœ de l'Ethnologie et de l'An1hro[XJlogie, Paris PUP, 1991, P 470. 17 - Faire l'état de ]a docurœntation, afin de distinguer les problèmes déjà étudiés de ceux qui ne le sont pas encore, et de cormaître les orientations 1héoriques antérieures sur ]a question. C'est-à-<tire, consulter l'existant en matière de bases de données documentrires. - FOl111lÙer des hypo1hèses de 1ravail plausibles, pertinentes et originales adaptées aux. réalités obsetvées. -Définir les teclmiques de collecte et d'analyse apptqJriées. -Prévoir les moyens humains, financiers et matériels I1écessaire5 pour l'enquête. L'exploration du temrin se fuit à l'aide des opérntions suivantes : -Les entretiens préliminaires experts) et les ténrins avec les spécialistes (enseignants, privilégiés (la population directement chercl1eurs, concernée) qui pennettent de fuire table rase, de Œpasser notre subjectivité et de découvrir à 1ravers les discours, les idées et pistes de travail. vérifier les conditions -L'observation directe du gt"Ol¥ de l'intérieur qui ~ sociologiques (histoire sociale de la popu1ation ou de l'etlmie concernée, problèmes sociaux pouwnt gêner l' enquête), les conditions linguistiques (pratique de ]a langue, interprètes ou 1raducteurs), les conditions géographiques QocaIisation de ]a région, climat tempéré ou 1ropica1, situer les distmces en utilisant ]a cartographie) et les conditions humaines (exigences infonmteurs, leur disponibilité ou temps libre) .-L'é1aborntion d'un compte-rendu de pré-enquête pour connaî1re les spécialistes du domaine étudié ainsi que leurs diff'erentes approches 1héoriques ; et pouvoir situer vo1re contribution par rapport à ces premières orientations. 4.l.e temUn Les etboologues dé;ignent par «temùn» (field en ang1ais), ]à où ils se reIXient PJl1r obsetver ]a vie d'une société et recueillir sur elle des infonmtions directement fournies par les intéressés eux-mêmes. C'~ le milieu d'enquête communément considéré comme le IaOOratoire de l'an1bropologue. La notion de directivité fuit ainsi appel au concept trethodologique d'observation participante qui consiste «en l'immersion du chercheur dans ]a société qu'il entend d' étudier et pendant une rIDode assez longue, habituellement deux années »6 6 R ~1iège,Anthro]XJlogie d'une à sociale et culturelk, Paris, Ouvertures &x:io/ogiquRs, 1992, p55. 18 L' ethnographie comrœ trethode de collecte des données intervient donc dans la première phase du 1ravail an1btupologique: «le temrin avant toute chose» disait Jean Copans7 . Cette assertion est sans doute pleIDe de sens, à saVŒr qu'une recherche sans temrin de réference est comrœ une petIDI1I1esans identité. Le temrin est le premier devoir de l'anthropologue. Son identification et son exploration constituent des préalables connaÎtre obligatoires en matière d'enquête ethnographique; d'autant plus que d'avance son temrin d'enquête, penret de s'entourer de toutes les précautions ~ (1apré-enquête) avant tout engagetrentpour la recherche. 5.1..Es COIpŒ Un COlpUSest un ensemble de textes écri1s ou 1ranscrits à partir des inf01lTIa1ions collectées. n s'agit en d'autres termes, d'm produit fini issu d'une 1nmscription d'infonmtions enregistrées lors de ]a collecte. Obligption est donc fuite à tout anthropologue non seulement de collecter des données, mais encore de proch.rire absohnnent un COlpUSécrit à partir de ces données; lequel COlpUSservira pour l'analyse. De la catégorisation ~ dormées, on Jnl1 retenir sept diflèrents types de COlpUS: -Les COlpUS 0IIDlX (récits de vie ou biographi~ généalogies, les discours, opinions, etc.) -Les corpus sonores (voix, musique, sons, chants, pleurs, rythmes, etc.) -Les corpus matériels (oqjets d'art ou teclmologiques) -Les COlpUSllm1atériels (gestuelle, mÏmiques, représentations sociales) -Les C01pUSiconographiques (llnagffi, photos, dessÏns, symOOles) -Les corpus audiovisuels (:fi1mstélé, ciné ou vidéo) -Les COlpUSdoctnœntaires, bibliographiques etmfonrntiques. 6. Le dépouillement Le dépouillement est une procédure de trnitement ou de gestion des données. TI consiste après l'enquête à rassembler toutes les données, et à les catégoriser selon les tennes de réference préalablement identifiésà 1raversles discoms. n s'agit autrement dit de poser1rois actes à savon-: 7 lCo{ms, l'Enqu£te ethnographique de f£rraÏn, Paris, Nathan, 1998, p5. 19 -Produire des matériaux écrits en 1ranscrivant les données en COlpUS scientifiques; ou encore, grâce à l' écriture, à la notation et à la 1ranscription, de prOOuire des textfs écrits à pntir des enregistrements de récits ou de discours. -Examiner et porter œ regard critique sur les données, pour les regrouper, les ordrnmer en sous-<:atégories et de les préparer pour Jarestitution et l'analyse. -Contextua1iser les données en les situant dans leur contexte de prOOuct:ion,pour les coller au contexte et repérer les allusions qui comnandent le sens.Les techniques de dépouillement varient selon les matériaux en présence: récits, discours, sons, objets, ouvrages, images, etc. 6.1. Dépouillement du q1Btionnaire a) ElaOOration d'œ bordereau de dépouillement: Procéder question par question, au regroupement des réponses fournies par les infonmte1.n:'s, afin d'en fuire une synthèse. b) ElaOOration d'œ bordereau de synthèse des tenres de réference ou réponses : Procéder question par question, à l'identification des tenres de réfèrenœs ainsi relevés à travers les récits ou discours; et à pntir de;quels le chercheurpourra fonder ses analyses, en rapport avec les questions ethypo1hèses de recherche. 6.2. Dépouillement de l'entretien a) Lecture ou audition des entretiens et 1ranscription -A pntir des entretiens1ranscrits~ des COlpUS l'enquête,il est questionpour le chercheur de les lire et de procéder à la c1assifi.cation des récits selon les œn1res d'intérêt du guide d' entretien. -Lorsqu'il s'agira des récits enregistrés par les nx>yens audio, le chercheur procèdera d'abord à leur écoute ou audition, puis il les 1ranscrirasous fonre de corpus écrits. b) Bordereau de dépJuillement des corpus: Regrouper les récits par œn1res d'intérêt, en supprimant les p1UlX)Sinutiles pour l'analyse. c) Bordereau de synthèse des tenres de réference :Identifier récit par récit, en les ~ lestenres deréferencequise1VÏront à l'analyse. 20