S’endetter est dangereux Le budget carbone restant comme garde-fou pour les politiques Les conclusions scientifiques sont sans équivoque: pour protéger la planète - et donc aussi la Suisse - des conséquences catastrophiques du changement climatique, nous devons stopper en seulement quelques décennies la consommation d’énergies fossiles. Pour l’ensemble de la planète, le budget carbone pour limiter le réchauffement climatique à un maximum de 2°C est déjà épuisé aux deux tiers. La Suisse a même épuisé quatre cinquièmes de son budget. Ce qui reste doit suffire pour mener à bien la restructuration complète du système énergétique mondial. En raison de la surutilisation de l’atmosphère faite par la Suisse par le passé, son engagement est particulièrement demandé. L’objectif déclaré de la communauté internationale est de limiter le réchauffement planétaire à 2°C audessus du niveau préindustriel des années 1850. Un réchauffement au-delà de cette limite entraînerait des conséquences désastreuses pour tous les êtres vivants et écosystèmes de notre planète, la science est catégorique. Comme même une hausse de 2°C pourrait avoir des conséquences désastreuses, il serait évidemment plus sûr de tabler sur un plafond de 1,5°C. Toutefois, comme ces deux limites sont synonymes de renversement complet, nous nous concentrons ici sur l’objectif "maximum 2°C" décidé par la communauté internationale. Le budget restant comme mesure scientifique pour les politiques L’une des nombreuses conclusions du GIEC se révèle particulièrement intéressante: le budget carbone. En raison du rapport bien défini entre l’accumulation de gaz à effet de serre à longue durée de vie dans l’atmosphère et la hausse de la température qu’elle entraîne, il est possible de déterminer combien de CO2 – de loin le plus important des gaz à effet de serre – peut être rejeté au total dans l’atmosphère afin de ne pas dépasser une certaine température. Les scientifiques ont conclu que le budget des émissions de CO2 dues à l’homme ne doit en aucun cas excéder 2900 milliards de tonnes de CO2 afin d'avoir 66% de chances d'éviter un réchauffement de plus de 2°C1 D’ici à ce que ce budget soit entièrement épuisé, nous devons avoir appris à vivre sans nouvelles émissions nettes de CO2. Comme nous avons rejeté dans l’atmosphère près de 2'000 Greenpeace, Bureau francophone, 8 rue de Neuchâtel, 1201 Genève Téléphone 022 907 72 72, Courriel: [email protected] Fiche d'information | L'énergie solaire en Suisse | Septembre 2015 milliards de tonnes de CO2 depuis le début de l’ère industrielle jusqu’en 2013, la capacité d’absorption restante à partir de 2014 est estimée à 900 milliards de tonnes.1 Le budget carbone restant sera uniquement suffisant pour le tournant énergétique si nous nous y mettons sans tarder. Pour comparaison, la stabilisation des émissions mondiales au niveau actuel entraînerait la consommation de tout le budget mondial restant en moins de 30 ans. Si la tendance pour des émissions en hausse se poursuit, le budget sera épuisé en moins de 20 ans. Chaque pays est tenu de s’engager sans tarder dans cette restructuration énergétique. Par le passé, la Suisse a produit une quantité excessive de gaz à effet de serre: alors que, pour l’ensemble de la planète, l’homme a déjà épuisé deux tiers de son budget, la Suisse a consommé quatre cinquièmes du sien. À partir de 2014 et pour toutes les années qui suivront, nous disposons de tout juste 700 millions de tonnes de CO2. Un constat qui n’est guère étonnant puisque pour devenir un des pays les plus prospères au monde, la Suisse s’est entièrement appuyée sur les énergies fossiles et n’a jusqu’ici jamais réussi à réduire ses émissions. Aujourd’hui, malgré plusieurs décennies de débats sur le réchauffement climatique, nous sommes encore et toujours dépendants des énergies fossiles. Actuellement, près de deux tiers de la consommation énergétique suisse repose sur des énergies fossiles.2 Source: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat GIEC, 5e rapport, 2013: Summary for Policymakers du Working Group 1, p. 27, http://ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg1/WG1AR5_SPM_FINAL.pdf 2 Statistique globale de l’énergie 2014 1 1/3 Budget carbone pour la planète et la Suisse conformément au GIEC 2013 Période Budget carbone monde millions t CO2 Budget carbone Suisse millions t CO2 Remarque Budget carbone pour l’ensemble des émissions de CO2 anthropiques 1850-2100 2'900'000 3'410 Le budget global de 2'900'000 millions de tonnes de CO2 tient compte de l’effet des autres gaz à effet de serre.3 Supposition: part CH de la population mondiale sur l’ensemble de la période = 0,12% 2'710 Quatre cinquièmes du budget CH sont déjà épuisés. Émissions passées 1861-2013 2'000'000 Budget carbone restant pour le monde et la Suisse 2014-2100 900'000 700 Le respect de ce budget exige des corrections politiques urgentes La politique climatique de la Suisse est encore et toujours dominée par la dépendance aux énergies fossiles. La proposition du Conseil fédéral de réduire de 30% les émissions de CO2 par rapport à 1990 d'ici à 2030, et le rythme de réduction décidé par le Parlement pour 2020 entraînent tous deux une surutilisation du budget restant. Ainsi, dans seulement 14 ans le budget de la Suisse serait épuisé alors que nous n’aurions atteint qu’un tiers de la réduction des émissions. Dès lors, nous devrions vivre au détriment des budgets d’autres pays. Mais les politiciens suisses sont rusés: plutôt que d’avouer que la politique engagée ne permet pas de rester en deçà de la limite de 2 degrés, ils tentent de faire bonne figure en recourant à des certificats d’autres pays. Ainsi, la Suisse peut poursuivre son train de vie comme si de rien n’était, tout en se présentant officiellement comme une nation écologique. En effet, elle respecte son budget, du moins sur le papier. Mais on a tendance à oublier que, globalement, les certificats ne sont d’aucune aide. Jusqu’à présent, les deux principaux mécanismes de certificat (CDM et JI) se sont même révélés plus nocifs que bénéfiques. Une étude récente du réputé Stockholm Environment Institute, cofinancée par la Suisse, a établi que le mécanisme JI pour l’échange de certificats entre les pays de l’annexe 1 a conduit à d’importantes émissions additionnelles. Une fois le budget épuisé, il ne devra plus y avoir d’émissions nettes. Les certificats sont donc non seulement inutiles, mais en plus ils sont dangereux. Toutefois, une bonne nouvelle est à signaler: nous avons la possibilité ainsi que le savoirfaire nécessaire pour nous approvisionner intégralement en énergies renouvelables. L’étude de Greenpeace "Energy [R]evolution" tout comme d’autres scénarios démontrent ces possibilités. Une transformation accélérée de notre système énergétique permettra de préserver la Suisse de l’effondrement prématuré du budget carbone. Fini les belles paroles: les pays riches doivent montrer l’exemple! Il est désormais clair que nous ne pouvons plus nous permettre cinq nouvelles années de politique climatique exemptes de réduction effective des émissions de gaz à effet de serre. Les petites astuces comptables de l’OFEV n’ont aucune influence sur le climat. Au contraire, les riches pays industrialisés comme la Suisse sont tout particulièrement tenus d’agir puisque leur prospérité provient pour l’essentiel de la surpollution de l’atmosphère. Nous avons déjà utilisé beaucoup plus que ce à quoi nous aurions droit. De plus, les pays industrialisés comme la Suisse ont aussi les moyens de recourir aux technologies modernes et au savoir-faire pour réduire rapidement leurs émissions de CO2. 2/3 3 Si le CO2 était le seul gaz à effet de serre, le budget global se monterait à 3 670 000 millions de tonnes de CO2. Nous pouvons montrer qu’il est possible de vivre sans énergies fossiles. Toutefois, nous devons également fournir nos ressources financières et notre savoir-faire aux pays du tiers-monde qui, pour d’évidentes raisons de protection du climat, n’ont plus la possibilité de fonder leur développement économique sur des ressources fossiles bon marché. Fin 2015, à l’occasion de la conférence de Paris sur les changements climatiques, il s’agira d’établir une clé de répartition équitable pour ces engagements. D’ici 2050, nous sommes à même de libérer totalement le secteur de l’énergie des ressources fossiles. Ce point et la conversion de l’agriculture sont les deux éléments principaux pour sauvegarder les moyens de subsistance de l’humanité. Greenpeace exige: un renforcement significatif de la protection du climat avec pour objectif une restructuration énergétique d’ici à 2050 se basant sur un approvisionnement recourant à 100% d’énergies renouvelables et donc exempt d’énergies fossiles. Nous ne pouvons en aucun cas dépasser le budget carbone fixé à 2°C disponible pour stopper le réchauffement climatique. Il est indispensable de mettre en œuvre des mesures draconiennes, comme par exemple un abandon contraignant des chauffages au mazout ou au gaz et des limitations pour les véhicules fonctionnant aux énergies fossiles. L’objectif est d’utiliser le budget restant pour totalement restructurer notre système énergétique en fonction des sources d’énergies renouvelables. 3/3