la revue du praticien

publicité
N0 966
BIMENSUEL - SEPTEMBRE 2016
TOME 30
PAGES 573 À 616
LA REVUE DU PRATICIEN
Refus vaccinal, psoriasis, Parkinson, burn out, diabète, contraception, asthme…
000_MG966_COUVERTURE.indd 1
21/09/2016 10:48
Pour les patients diabétiques de type 2
En complément du régime alimentaire et de l’exercice physique : • chez les patients insuffisamment contrôlés par la metformine seule
à la dose maximale tolérée ou déjà traités par l’association sitagliptine/metformine. • En association à un sulfamide hypoglycémiant
quand l’association metformine/sulfamide hypoglycémiant aux doses maximales tolérées ne permet pas d’obtenir un contrôle
adéquat de la glycémie. • En association à l’insuline lorsque l’insuline et la metformine, seules, à doses stables, ne permettent pas
d’obtenir un contrôle adéquat de la glycémie.
798227 - 03/2016 - 15/04/67935602/PM/001
sitagliptine & chlorhydrate de metformine
Allier l’expérience et la performance
Avant de prescrire, consultez la place de Velmetia® dans la stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du
diabète de type 2 recommandée par la HAS (janvier 2013) www.has-sante.fr.
P our une information complète, veuillez consulter le RCP de Velmetia® disponible sur la base de données publique des médicaments :
http//base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr ou sur le site de l’Agence Européenne du Médicament : http://ema.europa.eu
e
2016
Creative commons ©
15
édition
Sommaire
ÉDITORIAL
100 000 votes contre
le tabac !
PIQÛRE DE RAPPEL
FMC
578. Marie Garrau. Valoriser
les métiers du care
BIMENSUEL - SEPTEMBRE 2016
TOME 30
PAGES 573 À 616
LA REVUE DU PRATICIEN
DOSSIER
FOCUS
21/09/2016 10:48
595. Contraception en 2016
Par Geneviève Plu-Bureau,
Brigitte Raccah-Tebeka
602. Burn out : comprendre
et agir
Propos recueillis par Serge Cannasse
Par Marie Pezé
581. Asthme et grossesse
606. Nouveaux animaux
de compagnie
Par Béatrice Quinet
Par Camille Taillé
584. Maladie de Parkinson:
quelle démarche
diagnostique ?
575
Refus vaccinal, psoriasis, Parkinson, burn out, diabète, contraception, asthme…
000_MG966_COUVERTURE.indd 1
Par Jean Deleuze
ENTRETIEN
N0 966
x
QUALITÉ DES SOINS
608. Hypnose médicale :
pour qui ?
Par Andrei Radtchenko
Par Jean-Philippe Brandel
FOCUS
588. Nouvelles thérapies
du psoriasis
DÉJEUNER-DÉBAT
Cerin
Par Édouard Begon
590. Transplantation
de microbiote fécal
Par Tatiana Galpérine
592. Dégénérescence
maculaire liée à l’âge
Par Pierre-Raphaël Rothschild
610. Patients en difficultés
financières : quels conseils
nutritionnels ?
Par Christine Kavan
PETIT-DÉJEUNER
Puressentiel
612. Pourquoi devient-on
médecin arométhérapeute ?
Par Franck Gigon, Michel Le Faou
ARRÊT SUR IMAGE
613. Alcool et tabac : quels
dégâts ?
Par Pierre Frances, et al.
Ce numéro est assemblé avec un encart de librairie
« Meilleures ventes » destiné aux abonnés et une offre
d’abonnement pour les non abonnés.
!575!_MG966 JNMG sommaire.indd 575
22/09/2016 16:40
Cutterguide: N/A Printing Process: Offset
GD: SD428639
Size: 210 X 270 mm Pages: 1 Colors: C M Y K
Native File: Indesign CC Windows Generated in: Acrobat Distiller XI
• 15/09/62966063/PM/004 - FR/INFH/0020/16a - Avril 2016 © Laboratoire GlaxoSmithKline.
Vaccin diphtérique, tétanique, coquelucheux (acellulaire, multicomposé), de l’hépatite B (ADNr),
poliomyélitique (inactivé) et de l’Haemophilus influenzae type b conjugué (adsorbé)
va recevoir sa
3e dose d’Infanrixhexa®
à l’âge de 11 mois*
déjà vaccinée avec
Infanrixhexa®
il y a 5 ans
Primovaccination et rappel des nourrissons contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche,
l’hépatite B, la poliomyélite et les infections à Haemophilus influenzae type b.
Recommandations générales de la vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche et les infections
invasives à Haemophilus influenzae de type b chez le nourrisson** :
La vaccination contre la coqueluche est pratiquée avec le vaccin acellulaire combiné à d’autres valences. La vaccination des nourrissons
comporte deux injections à deux mois d’intervalle, à l’âge de 2 mois (8 semaines) et 4 mois, suivies d’un rappel à l’âge de 11 mois.
Recommandations générales de la vaccination contre l’hépatite B chez le nourrisson** :
La politique de vaccination contre l’hépatite B en France repose sur deux stratégies :
• l’identification et la vaccination des personnes à risque élevé d’exposition ;
• et, dans la perspective de contrôle à plus long terme de l’hépatite B, la vaccination des nourrissons et le rattrapage des enfants et
adolescents jusqu’à l’âge de 15 ans révolus.
Recommandations générales : La vaccination contre l’hépatite B est recommandée chez tous les nourrissons. […] Pour les nourrissons,
l’utilisation d’un vaccin combiné hexavalent contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche (vaccin acellulaire), la poliomyélite (vaccin inactivé),
les infections à Haemophilus influenzae de type b et l’hépatite B permet d’immuniser contre ces maladies en une seule injection aux âges de
2, 4 et 11 mois, selon le nouveau schéma vaccinal introduit en 2013.
Recommandations particulières : cf. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2016 - www.social-sante.gouv.fr
Schémas vaccinaux** :
En population générale : le schéma préférentiel comporte trois injections : chez le nourrisson pour qui le vaccin hexavalent
est utilisé, la vaccination sera ainsi effectuée à l’âge de 2 mois (8 semaines), 4 mois et 11 mois (intervalle de 0, 2, 7 mois).
En cas d’utilisation d’un vaccin autre que l’hexavalent, un intervalle d’au moins 5 mois devra être respecté entre la deuxième et la troisième
injection (intervalle de 0, 1 à 2 mois, 6 mois). Au-delà des trois injections de ce schéma initial, les rappels systématiques de vaccin contre
l’hépatite B ne restent recommandés que dans des situations particulières.
Pour les nouveau-nés de mère porteuse de l’antigène HBs, la vaccination doit être pratiquée impérativement à la naissance, selon un
schéma en trois injections (une dose à la naissance, puis à 1 et 6 mois) et avec un vaccin autre que HBVAXPRO® 5 μg, la première dose étant
associée à l’administration d’immunoglobulines anti-HBs. Un schéma à quatre doses (une dose à la naissance, puis à 1, 2 et 6 mois) est
recommandé pour les prématurés de moins de 32 semaines ou de poids inférieur à 2 kg.
Recommandations de la vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche acellulaire, la poliomyélite, les infections
à Haemophilus influenzae b, et l’hépatite B chez les prématurés*** : La prématurité expose à un risque infectieux majoré (en
termes d’incidence et de gravité) pour certaines maladies infectieuses du jeune nourrisson, et tout particulièrement pour la coqueluche. Le
HCSP recommande de vacciner les nourrissons nés prématurés sans retard selon le calendrier vaccinal en vigueur, c’est-à-dire à l’âge de
8 semaines de vie. Le HCSP insiste sur l’importance de mettre en place une protection indirecte contre la coqueluche par la stratégie du
cocooning, seul moyen de prévention pour les nouveau-nés et nourrissons nés prématurés. Il existe chez les nourrissons nés prématurés une
immaturité immunologique et pour certains vaccins, une réponse immune post-vaccinale inférieure à celle observée chez les nourrissons nés
à terme, en particulier vis-à-vis de l’Haemophilus influenzae b. En revanche, dans la situation actuelle d’immunité de groupe acquise grâce à
un taux élevé de couverture vaccinale, ce défaut de réponse immune n’a pas été associé à un risque augmenté d’échec vaccinal quel que soit
le schéma proposé (2+1 ou 3+1). Le HCSP estime qu’il n’existe pas à ce jour de données épidémiologiques justifiant de recommander un
schéma vaccinal renforcé pour l’immunisation des nourrissons nés prématurés contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche
et les infections à Haemophilus influenzae b. La priorité est de débuter la vaccination de ces nourrissons à l’âge de 8 semaines de
vie. Pour les nouveau-nés prématurés de mère porteuse de l’antigène HBs, la recommandation d’un schéma renforcé de vaccination dès la
naissance contre l’hépatite B est maintenue.
* La vaccination des nourrissons comporte deux injections à 2 mois d’intervalle, à l’âge de 2 mois et 4 mois suivies d’un rappel à l’âge de 11 mois**
** Pour une information complète, cf. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2016 - www.social-sante.gouv.fr
*** Pour une information complète, cf. Avis du HCSP du 22 mai 2015 relatif à la vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche
acellulaire, la poliomyélite, les infections à Haemophilus influenzae b, et l’hépatite B des prématurés - www.hcsp.fr
Remb. Séc. Soc. à 65 % pour les populations recommandées par le CTV/HCSP.
Pour une information complète sur ce médicament, veuillez consulter la base de données publique des médicaments
(http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr)
Les Professionnels de Santé sont tenus de déclarer tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament via
l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) (site internet : www.ansm.sante.fr) et
le réseau des Centres Régionaux de Pharmacovigilance.
Infanrix_AD-210x270mm-GSKDC-PT-FRA-2016-32061-D1.indd 1
4/28/2016 3:51:16 PM
577
314 Bureaux de la Colline,
92213 Saint-Cloud Cedex
Tél. : 01 55 62 68 00
Télécopie : 01 55 62 69 79
E-mail : [email protected]
ÉDITO
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
Jean Deleuze
RÉDACTEUR EN CHEF
Marie-Pierre Deleuze (6950) [email protected]
Rédacteur en chef adjoint
Cinzia Nobile (6942) [email protected]
Secrétaire de rédaction
Brigitte Bisson (6927) [email protected]
Secrétariat
Patricia Fabre (6971) [email protected]
100 000 votes contre le tabac !
C
COMITÉ DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot,
Jean-François Cordier, Richard Delarue, Jean Deleuze,
Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente,
Alain Tenaillon
A participé à ce numéro : Serge Cannasse
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
Chantal Trévoux (6806) [email protected]
Directrice artistique
Cécile Formel (6928) [email protected]
Réalisation. Rédacteur-graphiste
Philippe Govin
Rédacteurs-réviseurs
Jehanne Joly, Virginie Laforest
La Revue du Praticien - Médecine Générale®
est une publication de Global MÉDIA SANTÉ SAS
Principal actionnaire : ATMED SAS
www.globalmediasante.fr
Capital de 4 289 852 €
Durée de 99 ans à compter du 30.03.99
ISSN : 0989-2737 – Dépôt légal à parution
N° commission paritaire : 0619 T 81576
Impression : SIEP, 77590 Bois-le-roi
ROUTAGE : Emissaires
94192 Villeneuve-Saint-Georges Cedex
DIRECTION GÉNÉRALE,
DIRECTION DES PUBLICATIONS
Alain Trébucq (6903) [email protected]
DIRECTRICE FINANCIÈRE
Corine Vandenbroucke (6852)
[email protected]
DIRECTRICE DU DÉVELOPPEMENT
Tatiana de Francqueville (6904)
[email protected]
DIRECTRICE MARKETING ET DIGITAL
Solange Quina (6945) [email protected]
MEDICAL EDUCATION
Valériane Cariou (6818) [email protected]
Chef de publicité
Nadia Belehssen (6808) [email protected]
DIRECTION COMMERCIALE
Maxime Clément (6913) [email protected]
Directeurs de clientèle
Eric Durand (6886) [email protected]
Elodie Gauchet (6917) [email protected]
Chefs de publicité
Agnès Chaminand (6962) [email protected]
Maria Costa (6881) [email protected]
Muriel Del Castillo (6864) [email protected]
Directrice de projets
Cécile Jallas (6915) [email protected]
Chef de projet Digital
Karine Huchery (6811) [email protected]
ABONNEMENTS :
Tarif France 184 €/an (20 numéros)
Tél. : 01 55 62 69 75
Fax : 01 55 62 69 56
e-mail : [email protected]
La revue adhère à la charte de formation médicale continue par l’écrit du Syndicat national de la presse médicale
et des professions de santé (SNPM) et en respecte les
règles (charte disponible sur demande). Reproduction
interdite de tous les articles sauf accord avec la direction.
Agissez pour
le recyclage des
papiers avec
Global Média Santé
et Ecofolio.
!577!_MG966_edito.indd 577
Jean Deleuze
e numéro accompagne la 15e édition des JNMG dont vous
êtes nombreux à assurer le succès. Allergies de l enfant,
dépendance du sujet âgé, diabète, grossesse, contraception,
asthme, fibrillation atriale, insuffisance rénale, refus vaccinal… les
thèmes choisis et leurs angles d approche se veulent utiles à votre
exercice quotidien. Le nombre d ateliers pratiques est augmenté et
un débat porte sur la nouvelle loi Claeys-Leonetti, qu il est crucial
de comprendre pour informer nos patients.
Cet éditorial est aussi l’occasion d’annoncer un événement important sur le
front du combat contre le tabagisme. Tous les jours, les médecins traitants luttent
contre cette mortelle addiction mais la puissance du lobby des industriels du
tabac est telle que ces derniers sont les seuls in fine à se faire entendre des pouvoirs
publics. Cela explique que les dispositions de la loi Evin soient quotidiennement
remises en cause, que la hausse significative en une seule fois du prix du paquet
de cigarettes a été stoppée et qu en 10 ans, seules 2 mesures importantes ont été
adoptées : l interdiction de fumer dans les lieux publics et le paquet neutre (voté
d extrême justesse par les députés…). Ce lobbysme intensif des cigarettiers et des
buralistes, l oreille complaisante que lui prêtent nombre de parlementaires de droite
comme de gauche, ainsi que la politique à courte vue des ministres du Budget qui
ne veulent considérer que les taxes que rapportent le tabac, expliquent le désastre
actuel : 78 000 décès annuels et un coût phénoménal tant sur le plan individuel que
sociétal. Un tiers des 45-75 ans fument encore en France contre seulement 14 % aux
États-Unis !
C’est pourquoi dans la séquence électorale qui s’ouvre, la santé publique
ne doit pas être la grande absente des débats comme en 2012. Sur la question
du tabac, un signal fort doit être adressé. Dans ce but, l Alliance contre le tabac
(www.alliancecontreletabac.org) qui regroupe l ensemble des structures engagées dans cette lutte, va lancer en octobre, avec le soutien de tous les Conseils de
l ordre des professions de santé et de nombreuses structures et sociétés savantes,
l Appel des 100 000 contre le tabac.
Ce texte qu’il sera possible, le moment venu, de signer sur un site dédié*
rappelle les méfaits du tabagisme, l engagement des professionnels à le combattre
et interpelle les élus et les futurs élus pour qu une impulsion nouvelle soit donnée à cette lutte. Si des milliers de médecins mais aussi de pharmaciens, dentistes,
infirmiers, kinésithérapeutes, sages-femmes… le signent et que cette mobilisation
massive rencontre un écho national, quel parlementaire, quel ministre demain
pourra se dérober aux exigences qu impose le combat contre le plus meurtrier des
scandales sanitaires ? ●
* Le lien sera communiqué prochainement.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
22/09/2016 16:41
578
E N T R E T IE N
Marie Garrau
Maîtresse de conférences en philosophie, elle a publié Care et attention (PUF, 2014) et, en collaboration
avec Alice Le Goff, Care, justice et dépendance. Introduction aux théories du care (PUF, 2010).
Valoriser les métiers du care
Comment traduire le mot « care » ?
C est difficile. « Soin » a eu tendance à
s imposer, mais il renvoie aux professions
de santé, ce qui est très restrictif. On a
proposé : souci, attention (à l autre, au
monde), sollicitude. En fait, la traduction
varie avec le contexte, l enjeu étant de
trouver un terme qui indique aussi bien
une certaine manière d être avec
quelqu un que des activités indispensables à la vie collective. La solution la
plus simple est de conserver le mot
anglais. Pour ma part, je lui donne une
définition précise, celle d une de ses
principales théoriciennes, Joan Tronto :
« Le care désigne une activité générique
qui comprend tout ce que nous faisons
pour maintenir, perpétuer et réparer
notre " monde ", de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible ».
donnée par la raison et valable universellement, et suppose de traiter autrui
comme une fin, non comme un moyen.
Cette conception de la morale est encore
dominante aujourd hui.
En faisant ses propres enquêtes, Gilligan
s est rendue compte que pour beaucoup
de gens, en particulier pour les femmes,
la morale ne consistait pas d abord à
envisager autrui comme un être rationnel et autonome, mais à répondre à ses
besoins, à se préoccuper de sa singularité, à se sentir responsable de lui. Dans
cette perspective, l action morale ne se
laisse pas définir a priori ; elle dépend des
circonstances et des situations. C est
pourquoi ce que décrit Gilligan sous le
nom d éthique du care peut être considéré comme contextuel.
Pourquoi ses principaux
théoriciens sont des femmes
et même des féministes ?
L auteur qui a initié les travaux sur
l éthique du care , Carol Gilligan, était
l élève d un célèbre professeur de psychologie, Lawrence Kohlberg. Il avait élaboré une théorie du développement
moral à partir de l observation d une
quinzaine de petits garçons pendant une
trentaine d années. Il soutenait que, pour
l enfant, le bien est d abord ce qui sert
ses intérêts, puis ce que la communauté
définit comme étant bien, enfin ce
qu énoncent des principes susceptibles
d être acceptés par tous ‒ en particulier
le respect des droits d autrui, pensé
comme un être autonome.
Kohlberg donnait en quelque sorte une
dimension psychologique à la philosophie de Kant, selon laquelle la moralité
consiste dans l obéissance à une loi
Comme elle se retrouve plus souvent
chez des femmes, Gilligan a d abord présenté son travail comme une manière de
les revaloriser. Certaines théoriciennes
sont ensuite allées plus loin en évoquant
une prédisposition innée des femmes à
se soucier des autres, due au fait qu elles
portent des enfants. Mais c est très
contestable : toutes les femmes ne sont
pas mères et certains hommes savent se
montrer attentifs aux autres. Joan Tronto
a montré que cette image de la femme
naturellement attentionnée s est
construite au XVIIIe siècle parallèlement
à la distinction des sphères publique et
privée à laquelle les femmes ont été assignées … Auparavant, la « sensibilité »
n était pas une qualité spécifiquement
féminine.
Si les femmes ont davantage tendance à
parler le langage du care , c est sans
doute parce que les pratiques sociales
qui reposent sur l attention aux autres ‒
le maternage, le soin, les tâches domestiques, le travail social ou éducatif ‒ leur
sont traditionnellement dévolues dans
les sociétés occidentales.
Défendre l éthique du care est féministe
au sens où cela permet de mettre en
lumière les savoir-faire de celles qui
exercent ces activités et d en montrer
l importance cruciale pour chacun
d entre nous. Ça l est d autant plus que
ce travail est disqualifié, comme en
témoignent le peu de prestige et les
faibles rémunérations qui lui sont attachées. Les théoriciennes du care se
battent pour le revaloriser et faire en
sorte qu il soit réparti de manière plus
égalitaire, entre hommes et femmes,
mais aussi entre « nationaux » et « immigrés », classes aisées et classes populaires. En effet, le genre n est pas le seul
rapport de pouvoir à structurer les pratiques de care au niveau social…
Le care est associé à la notion
de vulnérabilité
La morale dominante et la philosophie
politique libérale partent du présupposé
que les individus sont des êtres rationnels
et autonomes. Pour les philosophes du
care, ils sont vulnérables et relationnels :
ils n existent que dans leur interdépendance avec les autres. C est pourquoi la
manière dont autrui les considère (ou
non) est décisive : elle peut leur permettre de mener une vie « réussie » ou au
contraire les détruire.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!578!_MG966_JNMG-ENT-garrau.indd 578
22/09/2016 16:55
ENTRETI EN
“
579
SERGE CANNASSE
Nous
dépendons tous du
care des autres.
Cependant, la morale kantienne et celle
du care ne s opposent pas. Pour la première, bien agir, c est respecter autrui
comme un sujet de droit, lui rendre justice. Kant explique très bien que ce respect se manifeste dans la retenue : je me
retiens d interférer dans la sphère d action de l autre. C est une manière de lui
signifier qu il est un agent et non une
chose utilisable. Pour les théoriciennes
du care, autrui apparaît d abord comme
quelqu un avec qui je suis en relation,
que je peux affecter, dont je suis responsable. Mais le souci d autrui peut aussi se
manifester dans le respect à son égard,
dans une forme de tact ou de délicatesse,
par laquelle mon intervention évitera
d être intrusive. Tronto souligne que la
justesse morale des activités de care se
vérifie dans la manière dont réagit celui
qui en est le destinataire. Mais pour
savoir comment j affecte l autre, il faut
bien que je me mette temporairement
en retrait, que je me retienne d agir.
Il ne faut donc pas opposer « éthique du
care » et « éthique de la justice » : qu ils
soient destinataires ou dispensateurs de
care, les gens doivent être considérés à
la fois comme des sujets de droits et
comme des sujets de besoins, nécessitant respect et attention.
Comment évaluer les activités
de care ?
C est une question difficile, à laquelle Pascale Molinier, professeure de psychologie
sociale, a apporté une très belle réponse :
elles sont inestimables. D une part, elles
défient la mesure car elles peuvent difficilement être rapportées à des standards,
étant toujours singulières, propres à une
situation et à des individus particuliers. Il
n y a pas de recette miracle à appliquer
dans tous les cas pour bien prendre soin
de quelqu un. D autre part, elles sont
absolument essentielles à la vie et, en ce
sens, elles sont sans prix (que l on songe
aux personnes qui s occupent de nos
petits-enfants ou de nos parents âgés).
Je ne suis donc pas sûre qu on puisse les
évaluer. Mais on peut faire deux choses.
D une part, on peut les valoriser, en mettant en lumière leur importance, en soulignant que nous dépendons tous du care
des autres et en montrant qu il n est pas
uniquement là où on pense le trouver. Il y
a des métiers qui lui sont dévolus, mais il
n en est pas où il ne soit pas présent,
même ceux qui sont très techniques ou
théoriques.
D autre part, il faut changer les conditions sociales et organisationnelles des
”
activités de care , dont les groupes
sociaux privilégiés tendent à transférer la
responsabilité sur des personnes subalternes. Les statuts et les conditions de
travail de celles et ceux qui assurent la
majeure partie de ces activités ne
reflètent en rien leur importance pour la
collectivité.
Dans certains pays, des coalitions de travailleurs de care se sont créées pour renforcer leurs droits. C est d ailleurs un des
aspects intéressants du mot. Il permet de
réaliser que des problèmes communs se
posent à des professions en apparence
très différentes : soignants, travailleurs
sociaux, éducateurs, professionnels du
nettoyage mais aussi femmes au foyer,
etc. Ainsi, il peut favoriser la recherche
collective de solutions.
Mais si l on veut que ces activités aient
leur importance reconnue au niveau
social et qu elles soient réparties de
manière plus égalitaire, on ne peut
compter uniquement sur la mobilisation
de ceux qui les exercent. Ne serait-ce que
parce qu ils ne peuvent pas facilement
les suspendre pour se mobiliser. Il suffit
de songer à la difficulté qu ont les infirmières à faire grève.
Comme le souligne Tronto, il faut commencer par transformer la perception
que nous avons de nous-mêmes et réaliser que nous sommes tous vulnérables,
dépendants du care des autres. Si nous
opérions cette conversion du regard, ce
pourrait être le début d une révolution
sociale impactant la valorisation et la
qualification des métiers du care, et plus
largement la place du travail dans nos
vies.
Mais il y a du chemin à faire ! En France, le
livre de Carol Gilligan a été traduit 15 ans
après sa parution. Il a ensuite fallu du
temps pour que le concept soit compris
et accepté. Il nous faut à présent passer à
sa dimension opératoire. 
Propos recueillis par Serge Cannasse
journaliste et animateur du site
carnetsdesante.fr
M. Garrau déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!578!_MG966_JNMG-ENT-garrau.indd 579
22/09/2016 16:55
Topiscab 5% Crème
®
Perméthrine
Traitement de la gale due à l’infestation par Sarcoptes scabiei
chez les adultes et les enfants âgés de 2 mois et plus
ENFIN
LE BOUT DU TUNNEL !
Médicament remboursé à 65% et agréé aux collectivités en date du 01/2015
Prix : 18.44€ (hors honoraires de dispensation)
Les mentions légales sont disponibles sur la base de données publique des médicaments
(http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr)
COM/2015/010v2 – Septembre 2016 - 15/07/61712553/PM/003 – Conception : agence-berlioz.com
581
Retour sur l’article de Camille Taillé*, paru dans La Revue du Praticien de mars 2011.
* Service de pneumologie A, hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP-HP, 75877 Paris Cedex 18. [email protected]
à La plus fréquente des maladies responsables
de complications potentiellement graves au cours de
la grossesse (environ 8 % des femmes enceintes sont
asthmatiques).
à Objectif de la prise en charge : maintenir un contrôle
optimal afin d éviter l hypoxie fœtale.
à Éviter les arrêts intempestifs des anti-asthmatiques,
délétères pour l équilibre de la maladie et l enfant
à naître.
à Effet de la grossesse sur l’asthme
à Pas de modification de l asthme chez environ
de corticoïdes oraux à la sortie (contre 64 % des
patientes non enceintes) et près de 35 % d entre
elles ont une nouvelle exacerbation dans les 15 jours.
de l’asthme sur la grossesse
à Effet
ou le fœtus
à Risque accru de :
‒ retard de croissance intra-utérin et de petit poids
de naissance (significatif) ;
‒ prématurité, hypertension gravidique, césarienne,
hémorragie de la délivrance : suggérés par diverses
études.
un tiers des femmes, amélioration pour un autre tiers,
aggravation dans les autres cas.
à Légère hausse du risque de fentes labio-palatines
à 20 % des femmes enceintes asthmatiques ont une
à Taux de ces complications : d autant plus
exacerbation nécessitant une prise en charge médicale,
et 6 % sont hospitalisées.
à Risque d aggravation lié à la sévérité et/ou
au non-contrôle de la maladie avant la grossesse :
plus de 50 % des asthmes sévères se dégradent, contre
8 % des formes légères.
à Exacerbations plus fréquentes entre 24 et 36 semaines.
à Facteurs en jeu :
‒ plus grande susceptibilité des voies aériennes aux
infections virales ;
‒ obésité ;
‒ tabagisme ;
‒ changements hormonaux provoqués par la grossesse
(les prostaglandines semblent aggraver l asthme ;
la progestérone et le cortisol l améliorer) ;
‒ sexe du fœtus.
à Souvent liées à un traitement insuffisant :
‒ au premier trimestre, les femmes enceintes
réduisent significativement leur consommation
de corticoïdes inhalés (23 %) et oraux lors des
exacerbations (50 %) ;
‒ corticophobie partagée par les médecins : sur
51 femmes enceintes consultant aux urgences pour
exacerbation, seules 38 % avaient une prescription
PIQÛRE DE RAPPEL
Asthme et grossesse
liée à la maladie.
important que l asthme est sévère ou incontrôlé,
indépendamment de la prise de corticoïdes oraux
ou autres facteurs.
à En cause : hypoxémie, stress oxydant, anomalies
morphologiques du placenta ?
à Sous traitement « agressif », visant à limiter les
hospitalisations, aucune complication fœtale n a été
observée.
= > on recommande une prise en charge active en
vue d un contrôle optimal (tableau) tout au long
de la grossesse, pour limiter les exacerbations et les
complications maternofœtales.
TABLEAU
DÉFINITION DU CONTRÔLE (GINA 2014)
Contrôlé
Tous les critères
Partiellement
contrôlé
1-2 critères
Non
contrôlé
3 critères
Symptômes
diurnes
2 x/sem
2 x/sem
> 2 x/sem
Limitation
des activités
aucune
oui
oui
Symptômes
nocturnes
aucun
présents
présents
Traitement
de secours
2 x/sem
2 x/sem
2 x/sem
Sur les
4 dernières
semaines
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!581!_MG966_JNMG_PR_Taille.indd 581
22/09/2016 16:44
PIQÛRE DE RAPPEL
582
à Adapter le traitement
à La plupart des molécules peuvent être utilisées. En
cas de doute, se référer au site du centre de référence
sur les agents tératogènes : www.lecrat.org.
à Dans l asthme sévère, un avis pneumologique
spécialisé est indispensable.
à Médicaments :
‒ corticoïdes inhalés +++, mais à la dose minimale
nécessaire pour un contrôle acceptable ;
‒ bêta-2 mimétiques, de courte ou de longue durée
d action : peuvent être utilisés sans risque ;
‒ montélukast : possible, comme les antihistaminiques
de 2e génération ; prudence si allaitement ;
‒ théophylline : peut être poursuivie si elle a montré un
bénéfice avant la grossesse. Pas durant l allaitement ;
‒ tiotropium envisageable dans l asthme sévère en
l absence d alternative (par le pneumologue) ;
‒ omalizumab : maintien possible si efficace avant la
grossesse ; ne pas l interrompre sans avis spécialisé.
‒ comme chez tout asthmatique, changer la
posologie ou ajouter d autres médicaments en
fonction des symptômes (figure) ;
‒ traiter le reflux gastro-œsophagien et la rhinite,
fréquents au cours de la grossesse ;
‒ suivi pneumologique : mesure régulière du DEP
ou du VEMS ;
‒ arrêt du tabac : fondamental ;
‒ la grossesse est un temps privilégié pour
l éducation thérapeutique.
à En cas d exacerbation :
‒ traitement « agressif » (éviter l hypoxémie fœtale) ;
‒ associer corticoïdes systémiques (0,5 mg/kg
de prednisone per os pendant 7 jours) et
bronchodilatateurs par voie nébulisée ;
‒ pas de bêta-2 mimétiques par voie intraveineuse
(risque d œdème pulmonaire) ;
‒ anticholinergiques nébulisés : possibles ;
‒ hydratation et oxygénothérapie +++. ●
à Stratégie :
‒ ne pas modifier le traitement de fond si asthme
équilibré avant la grossesse ;
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions
ponctuelles pour AstraZeneca, Roche, Novartis, Teva, GSK,
Boehringer.
ÉV
NT
E
NS
PO
É
AR
R
UE
AL
Symptômes
Exacerbations
Effets secondaires
Satisfaction du patient
Fonction pulmonaire
SURVEILLER
L
Figure – Paliers thérapeutiques fondés sur le niveau de contrôle (GINA 2016).
E
AJ
U ST
EM
ER LE TRAIT
Diagnostic
Contrôle des symptômes
et des facteurs de risque
Bonne utilisation du dispositif
et observance
Préférence du patient
Traitement de l’asthme
Stratégies non pharmacologiques
Prise en charge des
facteurs de risque
PALIER 5
PALIER 4
TRAITEMENT PALIER 1
DE FOND
DE CHOIX
PALIER 2
CSI faible dose
Autres
options
TRAITEMENT
DE SECOURS
CSI
faible dose
Antileucotriènes
Théophylline LP faible dose
BDCA à la demande
PALIER 3
CSI faible
dose
+ BDLA
CSI moyenne/
forte dose
CSI faible dose
+ AL ou théoph
Ajouter
tiotropium
ou
CSI
anti-IgE
moyenne/
Avis
forte dose spécialisé
+ BDLA
+++
tiotropium
CSI forte dose
+ AL ou théoph
Ajouter
CSO
faible dose
BDCA à la demande ou
CSI faible dose/formotérol
AL : antileucotriènes ; BDCA : bronchodilatateurs de courte durée d’action ; BDLA : bronchodilatateurs de longue durée d’action ; CSI : corticoïdes
inhalés ; CSO : corticostéroïdes oraux ; théoph : théophylline. Il est recommandé d'apprécier le contrôle à chaque consultation.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!581!_MG966_JNMG_PR_Taille.indd 582
22/09/2016 16:44
Sanofi Pasteur MSD - SNC au capital de 60 000 000 euros - RCS Lyon B 392 032 934 - FR01286 - 15/10/60956323/PM/008 - FRAN000000761 - Septembre 2015
Ne laissez pas le zona perturber leur vie
Une vaccination est désormais
possible pour la prévention du
zona et des Douleurs
Post-Zostériennes (DPZ)
Indications thérapeutiques : Zostavax® est indiqué
pour la prévention du zona et des douleurs postzostériennes. Zostavax® est indiqué pour la vaccination
des sujets de 50 ans et plus. Administration selon les
recommandations vaccinales officielles.
Seul vaccin indiqué dans la prévention
du Zona et des DPZ
Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la vaccination des adultes contre le zona avec le vaccin Zostavax du 25 octobre 2013 : Le Haut Conseil de la santé publique recommande
la vaccination contre le zona chez les adultes âgés de 65 à 74 ans révolus avec un schéma vaccinal à une dose. Durant la première année suivant l’inscription du vaccin au calendrier vaccinal, les
personnes âgées de 75 à 79 ans révolus pourront être vaccinées dans le cadre d’un rattrapage. Ce vaccin vivant, composé d’une souche virale atténuée du virus varicelle-zona, est contre-indiqué
chez les personnes immunodéprimées. La nécessité d’une dose de rappel n’est actuellement pas connue.
Les mentions légales de Zostavax® sont disponibles sur la base de données publiques des médicaments : http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr
Vaccin remboursable 30% sec soc dans le cadre des recommandations vaccinales officielles.
Pour les personnes âgées de 75 à 79 ans, le remboursement est assuré jusqu’au 28 février 2017.
AP Zostavax 09-2015 210x270 v1.indd 1
07/09/2016 15:40
FMC
584
Maladie de Parkinson :
quelle démarche diagnostique ?
Le diagnostic est clinique dans la majorité des cas.
Jean-Philippe Brandel
Unité James Parkinson, Fondation Rothschild, 75019 Paris.
[email protected]
L
a maladie de Parkinson (MP) idiopathique, qui représente
deux tiers des syndromes parkinsoniens, est habituellement évoquée lors de l apparition de la triade classique :
tremblement, akinésie, hypertonie.
SIGNES CLINIQUES
Le tremblement inaugure la maladie dans 70 % des cas. Survenant au repos, il est lent, régulier, de fréquence comprise
entre 3 et 6 cycles par seconde ; il touche les extrémités et
débute souvent aux membres supérieurs (le patient semble
« compter sa monnaie, rouler de la mie de pain ou une cigarette »). Il disparaît lors des mouvements volontaires et du
sommeil. Unilatéral ou très asymétrique, il respecte en règle
générale le cou et le chef, mais il peut toucher le menton ou
les lèvres. Il est augmenté par le stress, la fatigue ou les efforts
de concentration. Cependant, environ 30 % des parkinsoniens ne tremblent pas.
L akinésie (difficulté pour initier le mouvement) s accompagne de bradykinésie (exécution des mouvements ralentie)
et d hypokinésie (réduction de leur amplitude). Ces troubles
sont constants et peuvent être révélateurs de la maladie.
L akinésie peut toucher :
‒ l écriture, qui devient plus difficile, lente et surtout plus petite
au fil de la ligne et d une ligne à l autre (micrographie) ;
‒ l expression faciale, moins expressive et figée, avec parfois
un regard fixe associé à une diminution du réflexe de clignement ;
‒ la marche, ralentie avec une réduction d amplitude du pas
et une perte du ballant passif des bras volontiers asymétrique ;
‒ la parole, qui peut devenir plus monotone et moins bien
articulée (rarement en début de maladie).
Le malade se plaint d une gêne dans la réalisation des actes
de la vie quotidienne avec des difficultés pour :
‒ s habiller (mettre des chaussettes, boutonner un vêtement,
enfiler une manche…) ou se déshabiller ;
‒ faire sa toilette (se brosser les dents) ;
‒ s alimenter (manipuler les couverts, couper les aliments…) ;
‒ se retourner dans le lit, sortir d une voiture ou d un siège.
L hypertonie lui donne un sentiment de raideur et entraîne
une modification de l allure générale en flexion avec une
accentuation de la cyphose dorsale et une demi-flexion des
membres supérieurs. Ce signe est bien mis en évidence à
l examen : rigidité plastique en tuyau de plomb, perceptible
lors de la mobilisation passive du membre, qui cède par
à-coups (phénomène de la roue dentée). Elle est augmentée
par la manœuvre de Froment qui consiste, lors de l examen
d un membre, à demander au patient de faire de grands
mouvements avec le bras opposé. Elle persiste en décubitus,
donnant le signe de l oreiller psychique.
L hypertonie est responsable de douleurs, parfois intriquées
avec celles d une pathologie rhumatismale des épaules,
pouvant être à l origine d une véritable périarthrite scapulohumérale, ou du rachis lombaire, occasionnant des lombalgies
ou des sciatalgies.
Les éléments en faveur du diagnostic d une MP idiopathique
ont été définis par l UKPDSBB1 (encadré 1).
DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
Tremblement essentiel
Parfois difficile à différencier d une MP débutante, il a les
caractéristiques suivantes :
‒ il disparaît au repos, touche l extrémité distale des membres
supérieurs mais aussi parfois la tête et la voix qui devient
chevrotante ;
‒ il est volontiers bilatéral ;
‒ il existe souvent des antécédents familiaux.
En cas de doute, une scintigraphie au DaT-Scan est préconisée
(figure).
1. Éléments en faveur d’une MP
• Début unilatéral ou en tout cas asymétrique,
avec persistance de cette asymétrie au cours
de l’évolution.
• Tremblement de repos.
• Évolution progressive.
• Amélioration significative par les traitements
dopaminergiques et en particulier la lévodopa.
• Émergence de dyskinésies induites par la
lévodopa.
• Maintien d’une sensibilité au médicament
pendant 5 ans au moins.
• Durée d’évolution > 10 ans.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!584!_MG966_JNMG_FMC-Brandel verso.indd 584
22/09/2016 16:57
FM C
A
A
585
B
B
Figure‒ DaT-Scan. A : scintigraphie normale : fixation bilatérale et symétrique du traceur sur les striata. B : maladie de Parkinson :
hypofixation du traceur plus marquée sur le striatum gauche.
Syndromes parkinsoniens secondaires
Devant des signes atypiques, il faut évoquer un syndrome
parkinsonien secondaire ou lié à une autre maladie neurodégénérative. L imagerie cérébrale aide au diagnostic
(encadré 2).
Il faut d abord rechercher une cause iatrogène, notamment la
prise de neuroleptiques typiques tels que fluphénazine,
halopéridol, chlorpromazine… ou atypiques (amisulpride,
olanzapine, rispéridone), de certains antiémétiques (métopimazine et métoclopramide) ou antivertigineux (flunarizine).
Toutes ces molécules bloquent les récepteurs dopaminergiques. D autres médicaments sont incriminés : diltiazem,
lithium, valproate de sodium…
Si possible, il faut arrêter le traitement en sachant qu une
éventuelle amélioration peut prendre souvent plusieurs mois.
Certains toxiques peuvent être en cause : métaux lourds
(mercure, plomb, cadmium), manganèse, solvants organiques,
pesticides (chez les agriculteurs, la MP est reconnue comme
maladie professionnelle).
En dernier lieu, une origine métabolique ou post-infectieuse
peut être évoquée et, chez un patient jeune, une étiologie
génétique (maladie de Wilson).
Syndromes parkinsoniens liés
à une autre maladie dégénérative
Les syndromes parkinsoniens « plus » ou « atypiques »
incluent la paralysie supranucléaire progressive (PSP), la
dégénérescence cortico-basale (DCB), l atrophie multisystématisée de forme parkinsonienne (MSA-P) et la démence à
corps de Lewy (DCL). Ces maladies doivent être suspectées
en cas d apparition, dès le début de la maladie ou au cours de
l évolution, de signes inhabituels qualifiés de « drapeaux
rouges » (encadrés 3 et 4).
L IRM peut aider au diagnostic : atrophie pariétale pour
une DCB, atrophie mésencéphalique avec signe du colibri
(amincissement du tectum et de la région péri-aqueducale)
pour une PSP, hyposignal putaminal ou hypersignal en croix
de la protubérance en cas de MSA.
DIAGNOSTIC PRÉCOCE :
QUEL INTÉRÊT ?
Actuellement, le diagnostic de la MP est fait lors de l apparition des symptômes moteurs. Un dépistage plus précoce
n est pas encore réalisé en routine bien que des signes prémoteurs soient identifiés.
L anosmie touche plus de 90 % des parkinsoniens, mais ces
derniers s en plaignent rarement spontanément. Ce signe,
peu recherché en pratique courante, est mis en évidence au
moyen d un test de reconnaissance de 40 odeurs (UPSIT, University of Pennsylvania Smell Identification Test).
2. Imagerie cérébrale : quel apport ?
Le scanner ou l’IRM cérébrale peut révéler :
– des lésions vasculaires diffuses qui sont le plus
souvent responsables d’un tableau clinique de
« lower limb parkinsonism » avec un syndrome
parkinsonien plus net aux membres inférieurs,
à l’origine de troubles de la marche et de
l’équilibre précoces ;
– une dilatation ventriculaire en faveur du
diagnostic d’hydrocéphalie à pression normale,
les signes parkinsoniens pouvant alors
s’améliorer après ponction lombaire évacuatrice
ou dérivation ventriculo-péritonéale ou atriale ;
– plus rarement, une tumeur, un hématome sousdural ou des séquelles de traumatisme ;
– des signes en faveur d’un autre syndrome
parkinsonien.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!584!_MG966_JNMG_FMC-Brandel verso.indd 585
22/09/2016 16:57
FMC
L auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Aguettant, Novartis, Lundbeck, Teva et UCB,
et avoir été pris en charge lors de congrès par Novartis, Lundbeck et Teva.
586
La constipation, liée à une perte dopaminergique centrale
et périphérique, est très fréquente, mais elle est très peu
spécifique.
La dépression n est pas rare avant ou au tout début de la
phase motrice ; en effet, outre l atteinte dopaminergique, les
systèmes noradrénergiques et sérotoninergiques sont
touchés.
Enfin, les troubles du comportement en sommeil paradoxal
(TCSP) peuvent se manifester plusieurs années avant l apparition de la maladie. Une étude récente a montré, à partir du
suivi de 174 patients ayant de tels troubles, que le risque de
développer une synucléinopathie (maladie de Parkinson et
DCL plus souvent que MSA) est de 33,1 % à 5 ans, 75,7 % à
10 ans et 90,9 % à 14 ans.3
Certains arguments comme l hyperéchogénicité de la substance noire à l échographie, la dénervation dopaminergique
au DaT-Scan, l irrégularité de la substance noire sur l IRM
7 teslas sont en faveur du risque d apparition de la MP au
stade prémoteur ou préclinique. Ces examens sont surtout
utilisés en recherche. Enfin, des marqueurs biologiques sont
en cours de développement.
Toutefois, l absence de neuroprotecteurs pouvant empêcher l apparition et le développement de la maladie fait que
le dépistage au stade prémoteur n est pas justifié. Un seul
médicament, la rasagiline, semble en ralentir le cours évolutif,
sans avoir toutefois d action neuroprotectrice prouvée. Il est
souvent utilisé dès le début de la phase motrice.4
COMMENT ANNONCER LA MALADIE ?
La représentation que les patients ont de la MP est différente
de celle des médecins : pour les premiers, il s agit d une maladie de la sénescence « entraînant un tremblement et pouvant
conduire à la paralysie » ; pour le neurologue, elle est certes
invalidante mais accessible à un traitement symptomatique
efficace et bien connu depuis plusieurs années. Pour cela, les
annonces sont parfois trop brutales et mal comprises.
Il faut essayer, par l interrogatoire, d évaluer si le patient se
doute ou non du diagnostic et si quelqu un l a déjà évoqué
devant lui. Lors de l examen, il est utile de décrire chaque
étape et le résultat obtenu : « Il y a de la raideur, les gestes
sont plus lents de ce côté, vous tremblez surtout au repos ».
Ainsi, le patient peut prendre conscience, petit à petit, de ses
troubles. Il est important de nommer la maladie clairement,
de ne pas laisser le sujet dans le doute, source d angoisse.
c L’essentiel
■
Le diagnostic est avant tout clinique, fondé sur
l’examen et sur la réponse au traitement dopaminergique.
■
En cas de doute, orienter le patient vers un expert
de la maladie de Parkinson.
■
Le DaT-Scan, très coûteux, doit rester exceptionnel
(pour distinguer la MP d’un tremblement essentiel ou si
suspicion d’une démence à corps de Lewy).
■
Le scanner ou l’IRM cérébral est indiqué en cas de
signes atypiques.
3. Drapeaux rouges évoquant une
autre maladie neurodégénérative
• Signes apparaissant trop tôt dans l’évolution
habituelle d’une MP : instabilité posturale, chutes,
dysarthrie ou dysphagie, syndrome pseudobulbaire, dysautonomie sévère, détérioration
intellectuelle.
• Symptômes inhabituels : signes cérébelleux
ou pyramidaux, troubles sensitifs, apraxie,
phénomène de la main étrangère (un membre
semble avoir sa propre volonté, et parfois nuit
activement aux mouvements planifiés), troubles
de l’oculomotricité.
• Progression rapide, absence de réponse prolongée
à la lévodopa ou perte rapide de la marche ou de
la station debout.
4. Formes atypiques
• Dans la PSP, le syndrome parkinsonien est
surtout axial avec chutes précoces, syndrome souscortico-frontal et paralysie ou parésie oculomotrice
dominant sur la verticalité.
• Dans la DCB, il est très asymétrique et
s’accompagne d’une apraxie. • Dans la DCL, l’atteinte intellectuelle fluctuante avec
hallucinations peut apparaître avant les signes
moteurs ou dans les premières années d’évolution.
• Dans la MSA-P, un syndrome cérébelleux peut
être associé ; il existe une dysautonomie précoce
et sévère se manifestant par une hypotension
orthostatique et des troubles urinaires ou sexuels.
Il faut prendre le temps, lui demander s il a des questions. Les
réponses apportées doivent être courtes et précises. Il ne
faut pas hésiter à reformuler.
En raison de la sidération déclenchée par l annonce, on propose au malade de faire une mise au point dans les jours ou
les semaines suivant(e)s, soit en prenant rendez-vous pour
une deuxième consultation, soit en donnant les coordonnées
d une association de patients. Il est possible aussi de l orienter
vers un centre expert où commencent à se développer des
« consultations d annonce ». ●
Références
1. Hughes AJ, Daniel SE, Kilford L, Lees AJ. Accuracy of clinical diagnosis
of idiopathic Parkinson’s disease: a clinico-pathological study of 100
cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1992;55:181-4.
2. Doty RL, Bromley SM, Stern MB. Olfactory testing as an aid in the diagnosis of Parkinson’s disease: development of optimal discrimination
criteria. Neurodegeneration 1995;4:93-7.
3. Iranzo A, Fernández-Arcos A, Tolosa E, et al. Neurodegenerative
disorder risk in idiopathic REM sleep behavior disorder: study in
174 patients. PLoS One 2014;9:e89741.
4. Olanow CW, Hauser RA, Jankovic J, et al. A randomized, doubleblind, placebo-controlled, delayed start study to assess rasagiline as a
disease modifying therapy in Parkinson’s disease (the ADAGIO study):
rationale, design, and baseline characteristics. Mov Disord 2008;23:
2194-201.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!584!_MG966_JNMG_FMC-Brandel verso.indd 586
22/09/2016 16:57
ESSAYEZ DE DEVINER QUEL EST LE PROFIL
COMPORTEMENTAL DE CHACUN DE CES PATIENTS.
1
2
3
4
A-LE CRITIQUE
C-LE SENSIBLE
B-L’ANXIEUX
D-L’IMPULSIF
« MIEUX OBSERVER VOS PATIENTS
POUR UNE MEILLEURE OBSERVANCE. »
Symposium animé par Jean-Luc Kastner, expert en communication certifié Herrmann.
PO5289 - 08/16
Inscrivez-vous vite aux Journées Nationales
de Médecine Générale le 30 septembre 2016.
www.jnmg.org
CHAQUE JOUR, AGIR POUR LA SANTÉ.
9838_AP_210x270_JNMG_BIOGARAN_08-2016.indd 1
31/08/2016 12:39
FOCUS
588
Nouvelles thérapies du psoriasis
C’est la pathologie inflammatoire cutanée qui bénéficie le plus des progrès de l’immunothérapie.
Édouard Begon
Service de dermatologie, hôpital de Pontoise,
95300 Pontoise ; association ResoPso.
Q
uatre biothérapies ont déjà l AMM :
trois anti-TNF (étanercept, Enbrel ;
adalimumab, Humira ; infliximab,
Remicade) et un Ac monoclonal antiIL12/23 (ustékinumab, Stelara). La machinerie de l inflammation, complexe,
implique de nombreuses cytokines et des
agents transcriptionnels. De nouvelles
molécules ciblant ces voies, notamment la
cytokine IL17 et la phosphodiestérase 4,
ont été développées et sont déjà disponibles. Ces immunomodulateurs viennent
compléter l arsenal thérapeutique du psoriasis et du rhumatisme psoriasique.
AC monoclonaux anti-IL17
Les interleukines IL17 activent la prolifération kératinocytaire et induisent la sécrétion d autres cytokines pro-inflammatoires
tel le TNF. Les cytokines IL17A et IL17F sont
produites par les lymphocytes Th-17. Les
Ac monoclonaux ciblant l IL17 sont 3 molécules d administration sous-cutanée selon
un rythme bimensuel à mensuel : le sécukinumab (Cosentyx) et l ixekizumab (Taltz)
ciblent spécifiquement l IL17A, tandis que
le brodalumab est dirigé contre l IL17RA.
Toutes ces molécules sont délivrées en ambulatoire en seringues préconditionnées.
Efficacité
Pour le psoriasis modéré à sévère, les antiIL17 sont supérieurs en capacité de blanchiment à toutes les molécules existantes.
En ne prenant en compte que l objectif
thérapeutique le plus exigeant (quasi-blanchiment ou score PASI 90), les résultats à la
12e semaine sont respectivement de 70 %
pour le sécukinumab,1 71 % pour l ixekizumab2 et 75 % pour le brodalumab. Environ
4 patients sur 5 atteignent le PASI 75 (nette
amélioration). La réponse est rapide : dès le
premier mois. Le brodalumab permet un
blanchiment (ou quasi) chez un tiers des
patients (38 %) dès la 2e semaine. Cette
efficacité est donc supérieure à celle des
anti-TNF et anti-IL12/23, gain prouvé par
plusieurs études comparant les molécules
face à face dans un même essai randomisé.1
Tous les anti-IL17 ont montré une efficacité
assez proche de celle des anti-TNF dans le
rhumatisme psoriasique et la spondylarthropathie.
Tolérance
Elle a été évaluée chez plusieurs milliers de
patients versus placebo dans des études
randomisées prospectives. Des données à
long terme (2 à 3 ans) ont été publiées. Elle
est globalement satisfaisante, et le nombre
d effets secondaires majeurs est similaire
à celui du placebo dans la période comparative. Mais les patients concernés ont
moins de comorbidités que ceux traités
« en vie réelle ». Le recul est bien plus faible
que pour les anti-TNF utilisés depuis plus
de 15 ans. Aucun cas d infection opportuniste sévère ni de tuberculose n a été
détecté. Les IL17 sont impliquées dans
l immunité anti-Candida. Il a été observé
une incidence discrètement supérieure
d infections candidosiques non sévères
orales mais aussi parfois œsophagiennes
avec tous les anti-IL17.
Les espoirs des gastroentérologues ont
été déçus. Les anti-IL17 sont non seulement inefficaces dans la maladie de Crohn
(MC) mais tendent à l aggraver. Une MC
connue est logiquement une contre-indication. Quelques cas d induction de MC
parfois sévères (moins de 2 patients pour
1 000 patients année-traitement) ont été
observés avec le sécukinumab. Cet effet
inattendu pourrait reposer sur la modification du microbiote intestinal induit par les
anti-IL17 dans la MC.3 Sur le plan hématologique, des neutropénies réversibles ont
été signalées avec tous les anti-IL17.
Plusieurs travaux suggèrent que l IL17
stabilise la plaque athéromateuse, notamment en réduisant l activation endothéliale
et plus spécifiquement l expression de
VCAM-1, molécule importante pour le
recrutement des cellules inflammatoires
dans la paroi vasculaire. Dans toutes les
études randomisées, aucun signal d alerte
fort concernant le risque ischémique n est
observé sous anti-IL17. La prudence reste
de mise chez des patients aux facteurs de
risque cardiovasculaire non contrôlés.
Ces biothérapies marquent une évolution
mais non une révolution. Elles renforcent
notre capacité à améliorer des patients
sévères, réfractaires à plusieurs lignes thérapeutiques et/ou nécessitant un traitement
rapidement efficace.
Immunomodulateurs
oraux
Deux ont été développés dans le psoriasis
ainsi que dans le rhumatisme psoriasique :
un inhibiteur de phosphodiestérase 4,
l aprémilast ou Otezla et une molécule inhibant la voie des JAK kinases, le tofacitinib
ou Xeljanz. Ces petites molécules de synthèse inhibent des messagers de la transcription cellulaire impliqués dans la
promotion de l inflammation.
Efficacité
L aprémilast a été évalué dans le psoriasis
en plaques à la posologie de 30 mg x 2/j
au cours de 2 études de phase III versus
placebo ayant inclus au total 1 257 patients
(ESTEEM 1 et 2).4 Une réponse PASI 75
(nette amélioration) est observée chez
28-33 % des patients avec un quasi-blanchiment/blanchiment obtenu chez 20 % à
la semaine 16. Son efficacité est donc similaire à celle de l acitrétine et inférieure au
méthotrexate et biologiques. Il est un peu
moins efficace notamment que l étanercept (Enbrel) prescrit à la posologie de
50 mg/semaine dans un essai comparatif.
Le tofacitinib a une efficacité similaire à
celle des biothérapies actuelles avec deux
tiers des patients atteignant l objectif PASI
75 à S12 et un tiers quasi-blanchi à blanchi.
Ces deux molécules sont efficaces dans le
rhumatisme psoriasique.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!588!_MG966-JNMG-FOC_begon.indd 588
22/09/2016 16:57
FOCUS
cÀ
589
retenir
■
Les nouvelles biothérapies anti-IL17 ont une nette efficacité dans le psoriasis cutané et le rhumatisme
psoriasique.
■
Elles sont supérieures en capacité de blanchiment à toutes les molécules existantes pour le psoriasis
modéré à sévère, mais sont inefficaces dans la maladie de Crohn (qu’elles peuvent aggraver, voire induire).
■
L’immunomodulateur oral Otezla inhibant la phosphodiestérase 4 est efficace dans le psoriasis
cutané et le rhumatisme psoriasique.
■
Cosentyx (anti-IL17) est commercialisé depuis juillet 2016 et Otezla le sera à l’automne 2016.
Tolérance
AMM et commercialisation
Cosentyx a obtenu son AMM française
dans le psoriasis en plaques modéré à
sévère chez les adultes candidats à un traitement systémique en cas d échec, de
contre-indication ou d intolérance à au
moins deux thérapies conventionnelles
parmi le méthotrexate, la ciclosporine, la
photothérapie ou l acitrétine. La dose
recommandée est de 300 mg (soit 2 injections SC de 150 mg en stylo ou seringue
préremplie car seule cette formulation
posologique existe actuellement) à J0, S1,
S2, S3, S4 puis toutes les 4 semaines. L AMM
est donc légèrement et subtilement différente de celle des autres biothérapies
actuelles. En y intégrant l acitrétine
(Soriatane) ‒ qui n y figurait pas jusqu à
présent ‒ le législateur donne la possibilité
d utiliser Cosentyx directement en première ligne dans le psoriasis modéré à
sévère de l adulte en échec/intolérance
de photothérapie et acitrétine, et ce sans
passer par d autres immunomodulateurs
conventionnels tel le méthotrexate. Le
médicament est disponible en officine
depuis juillet 2016 au prix de 1 139,74 euros
pour 300 mg.
Otezla est indiqué depuis 2015 dans le
psoriasis en plaques modéré à sévère en
échec, intolérance ou contre-indication
aux autres traitements systémiques
conventionnels dont la ciclosporine, le
méthotrexate ou la puvathérapie. Fait
important, il peut être initié directement
par tout dermatologue en ville et n est
donc pas soumis à une prescription initiale
hospitalière comme les biothérapies. La
HAS insiste sur le fait que « bien qu ayant
une efficacité modeste et du fait de sa
bonne tolérance, Otezla peut être utile
pour retarder la mise sous traitement par
biothérapie ». Il devrait être commercialisé
cet automne. Son prix est en attente. Autre
Des médicaments réservés au psoriasis
et au rhumatisme psoriasique
Les biologiques ciblant les cytokines TNF et IL12/23 sont actifs dans
3 grands groupes de maladies inflammatoires que sont le psoriasis, les
rhumatismes inflammatoires et les colites inflammatoires (MICI).
Ce pléomorphisme d’action n’est pas celui des anti-IL17 qui peuvent
induire ou aggraver une maladie de Crohn et sont décevants dans la
polyarthrite rhumatoïde. L’aprémilast n’est pas actif dans la polyarthrite
rhumatoïde, à la différence du tofacitinib. Des études en cours évaluent
l’efficacité des immunomodulateurs de synthèse dans la MC et la
rectocolite hémorragique.
AMM : rhumatisme psoriasique actif chez
l adulte ayant eu une réponse insuffisante
ou une intolérance à un traitement de fond
antérieur, en association avec un traitement de fond rhumatismal, lorsqu une
biothérapie n est pas envisagée.
Autre anti-IL17, Taltz a été approuvé par
l Agence européenne du médicament.
Avec le brodalumab, dans les études de
phase III, ont été constatés quelques cas
d idées suicidaires et même de suicide.
Cette alerte de tolérance, nouvelle et inattendue, dans l environnement très concurrentiel des biothérapies freine logiquement
son développement.
Vers une nouvelle ère
2016 a vu l arrivée de 2 nouvelles thérapeutiques. L une, Cosentyx, rapidement efficace est supérieure en gain de blanchiment
aux biothérapies existantes. L autre, Otezla,
davantage destinée aux psoriasis légers/
modérés dont l originalité est la dispensation orale, la mise à disposition directe en
dermatologie de ville et la bonne tolérance.
Déjà le mélanome et l urticaire chronique,
bientôt la dermatite atopique sévère et ‒
on peut l espérer un jour ‒ le vitiligo ont ou
auront leur biologique. S ouvre une nouvelle ère thérapeutique fondée sur la
connaissance physiopathologique précise
des pathologies cutanées. ●
Références
1. Thaçi D, Blauvelt A, Reich K, et al. Secukinumab
is superior to ustekinumab in clearing skin of subjects with moderate to severe plaque psoriasis:
CLEAR, a randomized controlled trial. J Am Acad
Dermatol 2015;73:400-9.
2. Leonardi C, Matheson R, Zachariae C, et al.
Anti-interleukin-17 monoclonal antibody ixekizumab in chronic plaque psoriasis. N Engl J Med
2012;366:1190-9.
3. Kaser A. Not all monoclonals are created
equal - lessons from failed drug trials in Crohn’s
disease. Best Pract Res Clin Gastroenterol 2014;
28:437-49.
4. Paul C, Cather J, Gooderham M, et al. Efficacy
and safety of apremilast, an oral phosphodiesterase 4 inhibitor, in patients with moderate-tosevere plaque psoriasis over 52 weeks: a phase
III, randomized controlled trial (ESTEEM 2). Br J
Dermatol 2015 ;173:1387-99.
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Pfizer, AbbVie, Janssen, Novartis
et avoir été pris en charge lors de congrès par ces mêmes entreprises.
D efficacité modeste, l aprémilast se distingue par une excellente tolérance, l absence de toxicité d organe, de complications
infectieuses ou d anomalie biologique.
Cette molécule est commercialisée aux
États-Unis, en Italie et en Allemagne, et
100 000 patients environ ont déjà été traités
sans nouveau signal d alerte concernant sa
sécurité. La principale complication est
digestive (diarrhée/nausées). Des céphalées surviennent généralement en début
de traitement dans 15 % des cas. Une perte
de poids est également rapportée chez
15 % des patients. Aucune investigation
préthérapeutique ni surveillance biologique ne sont nécessaires. Dans l arsenal
thérapeutique, il est donc positionné en
amont des biologiques.
Avec le tofacitinib, une incidence accrue de
réactivation des virus du groupe Herpes est
notée. Du fait d incertitudes sur sa sécurité
d emploi (risque infectieux notamment),
l AMM dans le psoriasis n a pour l instant
pas été approuvée par les autorités sanitaires américaines et européennes.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!588!_MG966-JNMG-FOC_begon.indd 589
22/09/2016 16:57
FOCUS
590
Transplantation de microbiote fécal
À ce jour, sa seule indication est l’infection à Clostridium difficile multirécidivante.
Tatiana Galpérine
Service des maladies infectieuses,
CHU, 59000 Lille ; Groupe français
de transplantation de microbiote fécal.
[email protected]
L
e microbiote intestinal, anciennement
flore digestive, est constitué par des
milliards de micro-organismes (bactéries, virus, levures, parasites, archéobactéries...) non pathogènes qui colonisent le
tube digestif. Il s agit d un écosystème
complexe, spécifique à chaque individu.
Son altération quantitative et/ou qualitative et fonctionnelle, appelée dysbiose, a
été observée dans certaines situations
pathologiques (maladies digestives
notamment). La transplantation de microbiote fécal (TMF) consiste à transférer des
selles d un donneur sain dans le tube
digestif d un patient receveur pour rééquilibrer sa flore intestinale.
Contexte règlementaire
en France
Le microbiote intestinal n a pas de statut
juridique en droit français. En mars 2014,
l Ansm a retenu celui de médicament. Cela
implique que la préparation des selles doit
être effectuée sous la responsabilité d une
pharmacie à usage intérieur (PUI) d un
établissement de santé. Le texte de L Ansm
précise uniquement les modalités de réalisation pour la recherche clinique. En ce
qui concerne les soins courants, le Groupe
français de transplantation de microbiote
fécal (GFTF) a été créé en octobre 2014,
pour harmoniser, sécuriser et évaluer les
pratiques (http://www.gftf.fr).1
Quelles indications ?
Selon les dernières recommandations
européennes, la TMF est officiellement
considérée comme la seule option thérapeutique de grade A-I (meilleur niveau
de preuve scientifique, forte recommandation) en cas d infection à Clostridium
difficile (ICD) multirécidivante.2 En effet,
une étude randomisée récente a montré
un taux de guérison de 94 % chez les sujets
ayant reçu 1 ou 2 TMF versus 31 % dans le
groupe traité par vancomycine seule.3
La TMF peut dont être proposée à tout
patient atteint d ICD multirécidivante
après confirmation diagnostique (au
moins trois épisodes, encadré 1), à visée
préventive.
Pour les autres indications, la TMF
demeure expérimentale et doit s effectuer
dans le strict respect des règles de la
recherche clinique. De nombreux essais
sont en cours dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales, l obésité, le
diabète.
Modalités
Donner ses selles : pas si simple
Le donneur peut être soit un membre de la
famille ou de l entourage (donneur dirigé),
soit un volontaire anonyme bénéficiant
d une prise en charge par la Sécurité sociale.
Il doit dans un premier temps répondre à
un questionnaire de présélection.
L encadré 2 résume les caractéristiques
idéales d un donneur. En l absence de critères de non-sélection, il doit effectuer un
examen clinique et un bilan de dépistage
biologique (non consensuel) par prélèvement sanguin et fécal (encadré 3).
En recevoir :
quelles conditions ?
Une antibiothérapie préalable active sur
Clostridium difficile est indispensable chez
le malade receveur (par exemple vancomycine pendant 4-7 jours arrêtée avant la
TMF).
La veille de la transplantation, on administre 4 L d une solution de préparation
colique à base de macrogol (pratique non
consensuelle).
La TMF est faite sous contrôle médical,
après signature d un consentement éclairé
lors d une hospitalisation conventionnelle
ou en ambulatoire.
Plusieurs voies d administration possibles :
par sonde naso-duodénale ou gastrique,
par lavement (nécessitant un contrôle
sphinctérien) ou coloscopie. Une forme
par voie orale (gélules ou lyophilisats) est
actuellement en cours d étude. À ce jour,
il n y a pas de supériorité démontrée d une
voie par rapport à une autre.
1. Infections à Clostridium difficile
C. difficile est une bactérie anaérobie, sporulée et toxinogène,
responsable de 20-25 % des diarrhées associées à l’antibiothérapie,
de 10 % des diarrhées liées aux soins, et des colites
pseudomembraneuses.
Les récidives sont fréquentes (25 % après un 1er épisode, 40 %
à partir du 2e). Elles sont définies par la réapparition de la
symptomatologie clinique dans les 8 semaines (diarrhée avec au
moins 3 selles liquides/j) en l’absence d’une autre étiologie expliquant
les troubles digestifs (prise médicamenteuse, autres infections…).
On parle de récidives multiples à partir de la 2e récidive (et donc
du 3e épisode). Le diagnostic est confirmé par un test microbiologique
(une colite pseudomembraneuse est recherchée à l’examen
endoscopique seulement en cas de doute diagnostique).
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!590!_MG966-JNMG-FOC_Galperine v2.indd 590
22/09/2016 16:58
FOCUS
591
c L’essentiel
■
La TMF est considérée comme un médicament en France.
■
Sa seule indication en 2016 est l’infection à Clostridium difficile multirécidivante.
■
À ce jour, il n’y a pas de contre-indication à sa réalisation.
■
Les effets à long terme sont mal connus.
2. Donneur « idéal »
3. Bilan biologique non consensuel chez les donneurs
• Âge : 18-65 ans.
• IMC < 30.
• Absence de :
– pathologies chroniques ;
– traitement curatif au long
cours ;
– séjour à l’étranger dans les
3 mois précédant le don ;
– hospitalisation à l’étranger
dans les 12 mois précédant
le don.
• Aspect macroscopique
normal des selles.
• Dépistage négatif d’agents
infectieux (encadré 3).
Prélèvement sanguin :
• NFP ;
• CRP ;
• ionogramme sanguin, urée, créatinine, glycémie à jeun ;
• ASAT, ALAT, GGT, phosphatases alcalines, bilirubine ;
• bilan de coagulation : TP, TCA, fibrinogène ;
• sérologies : TPHA-VDRL, VIH, HTLV, CMV et hépatites A, B, C et E ;
• si consommation de gibier : sérologie Trichinella ;
• si séjour en zone à risque : sérologie Strongyloides stercoralis/
amibiase.
Transplantation
Afin de faciliter leur administration, les
selles (au minimum 50 g) sont diluées dans
du chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % puis
filtrées.
Selon la voie utilisée, la suspension de
microbiote fécal peut être conditionnée en
seringue (administration par voie haute :
sonde naso-duodénale ou naso-jéjunale ;
par voie basse : coloscope) ou en poche à
lavement (par voie basse). Une traçabilité
est nécessaire.
Si le transfert ne peut pas être réalisé dans
l immédiat (dans les 6 heures après l émission des selles), la préparation peut être
conservée jusqu à 6 mois à ‒ 80 °
C sans
modification de son efficacité thérapeutique.
Risques
À ce jour, les effets indésirables observés à
la suite d une TMF sont mineurs. Il s agit
essentiellement de diarrhée, constipation,
ballonnements, voire de douleurs abdominales apparaissant dans les heures suivant
la transplantation et ne durant pas plus de
48 heures. Des épisodes infectieux sans
gravité notamment à norovirus ont été
rapportés, mais le lien de causalité avec la
TMF est incertain.4 À ces effets directement
Sur prélèvements de selles :
• coproculture standard avec détection de Salmonella, Shigella,
Yersinia, Campylobacter + recherche de Clostridium difficile ;
• examen parasitologique sur 3 échantillons différents :
– incluant les recherches spécifiques de Cyclospora, Entamoeba
histolytica, Strongyloides, Isospora, Giardia intestinalis et
microsporidies ;
– si patient immunodéprimé : Cryptosporidium sp ;
– si séjour en zone d’endémie : PCR Entamoeba histolytica ;
• examen virologique des selles :
– norovirus ;
– rotavirus (ce dernier uniquement si le donneur a moins de 8 ans) ;
• -identification de bactéries multirésistantes par écouvillon sur
échantillon de selles :
– entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre élargi ;
– entérobactéries productrices de carbapénémase ;
– entérocoques résistants aux glycopeptides.
imputables à la transplantation, il faut ajouter ceux liés au mode d administration
(sonde naso-gastrique ou coloscopie).
Les éventuelles complications à long terme
ne sont pas connues, mais un registre français est en cours de création par le GFTF. ●
Ré fé re nce s
1. Sokol H, Galperine T, Kapel N, et al.; Groupe
français de transplantation fécale. Transplantation de microbiote fécal dans le cadre des
infections à Clostridium difficile récidivantes :
recommandations pour la pratique courante.
Hepato-Gastro & Oncologie Digestive 2015;22:
278-90.
2. Debast SB, Bauer MP, Kuijper EJ; European
Society of Clinical Microbiology and Infectious
Diseases. European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases: update of the
treatment guidance document for Clostridium
difficile infection. Clin Microbiol Infect 2014;20
(Suppl 2):1-26.
3. van Nood E, Vrieze A, Nieuwdorp M, et al.
Duodenal infusion of donor feces for recurrent
Clostridium difficile. N Engl J Med 2013;368:407-15.
4. Schwartz M, Gluck M, Koon S. Norovirus gastroenteritis after fecal microbiota transplantation
for treatment of Clostridium difficile infection
despite asymptomatic donors and lack of sick
contacts. Am J Gastroenterol 2013;108:1367-7.
Pou r e n s avoi r plu s
– Pariente A. Microbiote et système digestif. Rev
Prat Med Gen 2015;29:248-9.
– Tattevin P. Ce qui est nouveau en... infectiologie.
Rev Prat 2015;65:1296-7.
T. Galpérine déclare participer ou avoir
participé à des interventions ponctuelles
pour MSD, Astellas, AstraZeneca et avoir
été prise en charge lors de congrès par ces
mêmes entreprises.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!590!_MG966-JNMG-FOC_Galperine v2.indd 591
22/09/2016 16:58
FOCUS
592
Dégénérescence maculaire
liée à l’âge
C’est la première cause de cécité chez le sujet de plus de 65 ans dans les pays occidentaux.1
Pierre-Raphaël Rothschild
Service d’ophtalmologie, maladies et chirurgie
de la rétine, Hôtel-Dieu, AP-HP, 75004 Paris.
[email protected]
L
a dégénérescence maculaire liée à
l âge (DMLA) est caractérisée par des
signes spécifiques au fond d œil : les
drusens (petits cailloux en allemand), dus
à une accumulation de matériel protéique
et lipidique sous la rétine (fig. 1), et par des
modifications de la pigmentation de
celle-ci, liées à l altération de l épithélium
pigmentaire (fig. 2).
Les stades précoces de la maladie ne s accompagnent pas de baisse de l acuité
visuelle (BAV) ; plus tardivement, l atrophie
de la macula (forme atrophique ou sèche)
ou l apparition de néovaisseaux choroïdiens (forme néovasculaire ou exsudative)
sont responsables d une BAV.
Physiopathologie
Elle n est pas encore parfaitement comprise. Les lésions touchent la rétine externe,
et notamment (de l extérieur vers l intérieur
du globe oculaire) :
‒ la choriocapillaire : réseau vasculaire très
dense sous l épithélium pigmentaire et
appartenant à la couche choroïde (dont
dépendent les apports en nutriments et
en oxygène de la rétine externe) ;
‒ l épithélium pigmentaire rétinien (EPR) ;
‒ les photorécepteurs, notamment leur partie externe, siège de la phototransduction.
Dans la DMLA, une accumulation de
matériel protéique et lipidique hydrophobe (drusens ; fig. 3) entre la choriocapillaire et les photorécepteurs d une part
perturberait le support nutritif de ces derniers conduisant à leur dégénérescence
ainsi qu à celle de l EPR (forme atrophique) ;
d autre part, elle diminuerait leur apport
en oxygène, générant une ischémie et
donc une production de facteurs de croissance pro-angiogéniques dont le VEGF,
responsable à son tour du développement
de néovaisseaux choroïdiens (NVC), dans
la DMLA néovasculaire. Signes exsudatifs :
liquide entre la choroïde et l EPR (décollement de l épithélium pigmentaire) puis
entre la rétine neurosensorielle et l EPR
(décollement séreux rétinien) ou au sein
de la rétine elle-même en cas de forme
avancée (œdème intrarétinien, fig. 4).
Facteurs de risque reconnus : âge, hérédité, tabagisme.2 Le rôle de l alimentation
et de l exposition à la lumière a été évoqué
mais reste controversé.
Clinique et bilan
Les phases précoces sont asymptomatiques. Les formes atrophiques causent
une BAV lentement progressive, avec apparition d un scotome central (tache noire au
centre du champ visuel). Les formes néovasculaires sont responsables d une BAV
brutale avec scotome central et déformation des images (métamorphopsie).
Les signes cliniques sont analysés lors
de l’examen du fond d’œil (FO) au biomicroscope ou grâce aux photographies
du FO. On recherche des drusens (fig. 1),
des hypo- ou hyperpigmentations (fig. 2),
une atrophie pouvant être en carte de géographie et atteindre le centre de la macula
dans les stades avancés, ou encore des
signes de NVC, visibles sous la forme d une
plage grisâtre avec hémorragies et/ou
exsudats. Selon les lésions ainsi que leur
taille, nombre, extension en surface ou
localisation, on peut classer la maladie en
différents stades.3
L’imagerie rétinienne permet d’identifier encore mieux les différentes formes
cliniques, grâce à l OCT (Optical Coherence
Tomography, fig. 3) et parfois l angiographie. Cette dernière a longtemps été la
seule technique capable de déceler les
néovaisseaux directement, jusqu au développement très récent de l OCT-angiographie, qui ne requiert plus d injection de
colorant par voie intraveineuse.
Prise en charge
Dans les stades précoces, le contrôle
des facteurs de risque modifiables est
primordial : arrêt du tabagisme essentiellement ; éventuellement, photoprotection
et régime alimentaire équilibré. L intérêt
des compléments alimentaires (vitamines,
anti-oxydants, minéraux) a été mis en évidence en prévention (secondaire) de la
progression de la maladie dès le stade
modéré dans une grande étude randomisée.4 Cependant dans ce travail, de fortes
doses dépassant de plusieurs fois les
apports journaliers recommandés étaient
utilisées. Par exemple, la quantité de bêtacarotène administrée était 10 fois supérieure à celle préconisée. Or, d autres
études, chez le fumeur notamment, ont
mis en évidence une association entre sa
consommation et le cancer pulmonaire.
Par ailleurs, aucun des produits testés n est
commercialisé en France. Seules des spécialités contenant tout ou partie des principes actifs à des doses moindres sont
disponibles. Ainsi, pour le moment, il
n existe pas de haut niveau de preuve de
leur efficacité préventive.
L’éducation du patient est indispensable
dès le stade modéré. Il doit connaître
les signes d une forme néovasculaire
(BAV brutale
scotome central
métamorphosies) qui imposent de
consulter un ophtalmologiste en urgence
(dans les 24 à 48 heures). Une autosurveillance à domicile (grille d Amsler)
est parfois conseillée aux malades les
plus à risque (DMLA modérée) afin de
surveiller l apparition ou la modification
des métamorphosies.
Dans les stades avancés, une rééducation basse vision est préconisée, en cas de
BAV significative. Objectifs : améliorer la
présentation des objets (éclairage optimal,
affichage de l écran d ordinateur optimisé)
et les stratégies de balayage et d analyse visuels, proposer des aides techniques (systèmes grossissants), enseigner
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!592!_MG966-JNMG-FOC_rothschild.indd 592
22/09/2016 16:58
FOCUS
593
c L’essentiel
■
Le tabagisme est le seul facteur de risque modifiable.
■
Une baisse de vision brutale avec scotome central et métamorphopsies impose un examen
ophtalmologique et un OCT en urgence (< 7 jours).
■
Le traitement de la DMLA néovasculaire avérée doit être instauré rapidement (< 7 jours), et
un suivi régulier (mensuel) pendant de nombreuses années est nécessaire au succès thérapeutique.
3
1
2
4
Fig. 1 – Photographie du fond d’œil : nombreux drusens de grande taille (flèches blanches).
Fig. 2 – Multiples altérations de l’épithélium pigmentaire : mottes d’hyperpigmentation (flèches blanches) et petits drusens.
Fig. 3 – OCT (Optical Coherence Tomography) : imagerie en coupe de la rétine avec une résolution de quelques microns (barre d’échelle
horizontale = 200 microns). Flèche : drusen de grande taille non compliqué.
Fig. 4 – Images en OCT de la macula avant injection (en haut) et après injection d’anti-VEGF (en bas). Les signes d’exsudation (œdème
intrarétinien, décollement de l’épithélium pigmentaire – DEP – ou séreux rétinien – DSR) ont disparu.
l utilisation des zones de rétine encore
saines (fixation excentrée).
Seule la forme néovasculaire dispose
d’un traitement efficace, reposant sur
les injections intravitréennes d’antiVEGF (ranibizumab, Lucentis ; aflibercept
Eylea ; bévacizumab, Avastin en RTU
dans quelques centres en France). Les
schémas sont très variés, mais un rythme
d administration et/ou de contrôle
clinique mensuel sont la règle en début
de traitement. Après 3 mois : espacement
progressif en fonction de la réponse
clinique. L anti-VEGF n a pas d effet sur la
régression des néovaisseaux mais il permet
de contrôler leur hyperperméabilité et
donc les signes exsudatifs (fig. 4). Les
récidives étant fréquentes (> 50 %), les
patients doivent en être informés dès le
début de la prise en charge pour favoriser
l observance.
En cas de baisse d acuité visuelle malgré
les traitements, une prise en charge
multidisciplinaire (médecins généralistes,
orthoptistes, MDPH) et globale du
handicap doit être envisagée.
De nouvelles molécules sont en cours
d études (anti-PDGF) qui seraient plus efficaces sur la régression des néovaisseaux.
La recherche se concentre sur la mise au
point de thérapeutiques moins invasives et
d un traitement des formes atrophiques de
DMLA qui restent incurables à ce jour. ●
L’auteur déclare avoir été pris en charge lors
de congrès par Allergan, Bayer, Novartis.
Ré fé re nce s
1. Augood CA, Vingerling JR, de Jong PT, et al.
Prevalence of age-related maculopathy in older
Europeans: the European Eye Study (EUREYE).
Arch Ophthalmol 2006;124:529-35.
2. Seddon JM, Willett WC, et al. A prospective study of cigarette smoking and age-related macular
degeneration in women. JAMA 1996;276:1141-6.
3. Ferris FL, Davis MD, Clemons TE, et al. A simplified severity scale for age-related macular degeneration: AREDS Report No. 18. Arch Ophthalmol
2005;123:1570-4.
4. Age-Related Eye Disease Study Research G. A
randomized, placebo-controlled, clinical trial of
high-dose supplementation with vitamins C and
E, beta carotene, and zinc for age-related macular degeneration and vision loss: AREDS report
No. 8. Arch Ophthalmol 2001;119:1417-36.
A s soc i at ion s ut i le s
– www.sfo.asso.fr ; www.association-dmla.com
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!592!_MG966-JNMG-FOC_rothschild.indd 593
22/09/2016 16:58
1 comprimé par jour
Par mesure
efficacité
15 PC 5014 IF / 05.15 - Visa n° 15/01/64441025/PM/001
d’
COVERAM est indiqué pour le traitement de l’hypertension artérielle essentielle
et/ou de la maladie coronaire stable, en substitution, chez les patients déjà contrôlés
avec le Périndopril et l’Amlodipine pris simultanément à la même posologie.
Avant de débuter le traitement antihypertenseur,
la mise en place de mesures hygiénodiététiques est recommandée.
Pour une information complète sur Coveram®,
consultez le Résumé des Caractéristiques du Produit sur :
http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr
DOS S I ER
595
Contraception en 2016
Améliorer l’efficacité et la couverture contraceptives.
L
e nombre de grossesses non désirées est encore trop
élevé en France, notamment dans certaines populations.
Il est donc primordial d améliorer l accès à la contraception et de proposer des stratégies les plus efficaces possible,
sans effet secondaire majeur, simples d utilisation. La crise
médiatique fin 2012 a modifié les comportements et exigences des femmes et sensibilisé le corps médical. Ainsi, les
prescriptions ont largement évolué. Les autorités de santé ont
émis à l attention des prescripteurs des recommandations
permettant, par leur large diffusion, d améliorer la prise en
charge contraceptive.
Évolution des usages
Fin 2012, la plainte d une jeune femme ayant fait un accident
vasculaire alors qu elle utilisait une contraception combinée
(COC) de dernière génération a déclenché un important débat
médiatique. En effet, bien que des différences de risque
thrombo-embolique selon les types de COC soient suspectées
depuis la fin des années 90, l utilisation des pilules les plus à
risque (3e génération notamment) n avait cessé d augmenter
jusqu à fin 2012. Les autorités de santé françaises et européennes ont donc recommandé celles de 2e génération en
première intention chez les femmes souhaitant prendre une
contraception estroprogestative.
Une décroissance de l’usage des méthodes les plus à
risque a, semble-t-il, été amorcée après cette crise. La figure
en montre l évolution, par type de contraception combinée.
Les recommandations semblent avoir été bien respectées,
avec une diminution de plus de 50 % des pilules dites de nouvelles générations. Parallèlement, la consommation de celles
de 1re et 2e génération a augmenté (> 30 %) et celle des LARC
(Long Acting Reversible Contraception, implant, DIU) de 26 %.
Le ratio COC 1G et 2G/COC 3G et 4G était de 79 %/21 % en
2014 contre 52 %/48 % en 2012.
Les dispositifs intra-utérins (DIU) au cuivre (45 % de hausse)
comptent pour environ 40 % des ventes de LARC, témoignant
probablement d une réticence envers des stratégies hormonales de tout type. Des données plus récentes seront probablement publiées très prochainement.
Les LARC font l objet de nombreuses publications en raison de
leur grande efficacité comparativement aux autres méthodes
contraceptives. De plus, elles sont préférées par les femmes
recherchant de moindres contraintes.
Implant contraceptif
L’implant sous-cutané contient 68 mg d étonogestrel,
progestatif de 3e génération. Petit bâtonnet de 4 cm de long et
de 2 mm de diamètre, il est inséré à la face interne du bras non
dominant à 8 cm au-dessus de l épitrochlée, en sous-cutané
strict. L adjonction de sulfate de baryum permet de le localiser
par simple radiographie du bras si besoin, notamment en cas
de non-palpation sous-cutanée. Il doit être implanté en début
de cycle (entre le 1er et le 5e jour).
L’efficacité est due à l’action antigonadotrope et aux effets
périphériques du progestatif, notamment sur la glaire cervicale. Elle est assurée pour une durée de 3 ans.
Sa tolérance locale est habituellement bonne. Des troubles
du cycle avec spottings fréquents peuvent survenir, en particulier dans les mois qui suivent la pose. Leur persistance est la
principale cause de retrait prématuré. Tous les profils de saignements sont possibles : cycles normaux, métrorragies ou
aménorrhée. Aucun test à ce jour ne permet de prévoir son
impact sur le cycle menstruel d une patiente donnée.
Chez certaines, ces très faibles doses de progestatif peuvent
entraîner des kystes ovariens fonctionnels par probable mécanisme dystrophique a minima.
3500
3000
2500
1-2 générations
Nouvelles générations
2000
1500
1000
500
0
Déc. 11
Janv. 12
Fév. 12
Mars 12
Avril 12
Mai 12
Juin 12
Juillet 12
Août 12
Sept. 12
Oct. 12
Nov. 12
Déc. 12
Janv. 13
Fév. 13
Mars 13
Avril 13
Mai 13
Juin 13
Juillet 13
Août 13
Sept. 13
Oct. 13
Nov. 13
Déc. 13
Janv. 14
Fév. 14
Mars 14
Avril 14
1. Hôpital universitaire Paris Centre, Port-Royal, université Paris-Descartes,
75014 Paris.
2. Service de gynéco-obstétrique, hôpital Robert-Debré, 75019 Paris.
Contraceptions longue durée
Nbre de plaquettes vendues (*1000)
Geneviève Plu-Bureau1, Brigitte Raccah-Tebeka2
Mois-Années de vente
Figure – Évolution de l’utilisation des diverses contraceptions de
décembre 2011 à avril 2014 (à partir des données de vente Celtipharm).
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 595
22/09/2016 16:59
D O SS IE R
596
DIU au cuivre
Tableau 2. Efficacité des différentes contraceptions*
C est un petit dispositif en forme de T disposant sur sa branche
principale d un filament de cuivre dont l action est contraceptive. Il contient du sulfate de baryum pour une éventuelle localisation radiologique. Il est habituellement inséré dans la
cavité utérine en début de cycle, pendant ou juste après les
règles. Un dosage de β-HCG plasmatique est réalisé avant la
pose, en cas de doute sur une éventuelle grossesse débutante
ou s il s agit d un relais d une contraception sans règles.
Une version « short », adaptée aux cavités utérines inférieures
à 7 cm, autorise la pose même dans de petits utérus, notamment chez les nullipares.
L’efficacité repose sur la toxicité du cuivre vis-à-vis des
gamètes et sur la réaction inflammatoire endométriale. Durée :
5 à 10 ans selon la surface de cuivre.
Méthodes
Pourcentage de femmes concernées par
une grossesse non intentionnelle dans
la 1re année d’utisation de la contraception
Emploi typique
Contraceptions
combinées**
Pilule microprogestative
Implant progestatif
DIU cuivre
DIU-LNG
Préservatif masculin
Préservatif féminin
Utilisation parfaite
8
0,3
8
0,05
0,8
0,2
15
0,3
0,05
0,6
0,2
2
21
5
* Adapté de l’OMS 2009 ; ** Voie orale, patch ou anneau.
L’absence d’impact sur le fonctionnement ovarien
explique la conservation du cycle menstruel avec souvent des
règles plus longues et abondantes, parfois plus douloureuses.
La surveillance est régulière, au minimum 1 fois par an. Douleur pelvienne, leucorrhées, retard de règles, saignement
anormal doivent alerter et faire consulter. Les risques potentiels sont la survenue d une grossesse qui impose d éliminer
une localisation extra-utérine, et les infections pelviennes
hautes en cas de rapport sexuel à risque d IST.
DIU au lévonorgestrel
Ce dispositif en forme de T a sur sa branche principale un
réservoir contenant 52 mg de lévonorgestrel (progestatif de
3e génération), délivrant quotidiennement de petites doses
(20 µg) au niveau de l endomètre. Il est habituellement inséré
en début de cycle, pendant ou immédiatement après les
règles. Juste avant, un dosage de β-HCG plasmatique est réalisé si on craint une grossesse débutante ou en cas de relais
d une contraception sans règles. La version short contient
13,5 mg de lévonorgestrel. On peut le poser chez la nullipare,
mais en 2e intention (après un stérilet au cuivre).
L’efficacité repose sur la libération locale de lévonorgestrel
à l origine d une inhibition de la croissance endométriale associée à un effet périphérique sur la glaire cervicale empêchant
ainsi le passage des spermatozoïdes. Ces DIU sont efficaces
pour une durée de 5 ans pour la version classique et de 3 ans
pour le short.
Le mécanisme d’action principal explique le fort pourcentage d aménorrhée mais aussi les éventuels troubles du cycle
associés. En effet, le profil des saignements reste imprévisible
avec parfois métrorragies ou persistance des règles, souvent
alors peu abondantes. Son faible passage systémique peut
inhiber en partie l ovulation, d où les effets secondaires à type
de mastodynies, syndrome prémenstruel ou kystes ovariens
Tableau 1. Contraceptions hormonales dites de longue durée
Molécules
Voie
Durée
Contenu en
d’admnistration d’efficacité progestatif
Nexplanon Étonogestrel
Implant
sous-cutané
Lévonorgestrel DIU
Lévonorgestrel DIU (short)
3 ans
68 mg
Mirena
Jaydess
5 ans
3 ans
52 mg
13,5 mg
fonctionnels chez certaines femmes. Une surveillance régulière, au minimum 1 fois par an, s impose.
Douleur pelvienne, leucorrhées, retard de règles, saignement
anormal doivent faire consulter. Les risques potentiels sont la
grossesse, notamment extra-utérine, et les infections pelviennes hautes en cas de rapports sexuels à risque.
Avantages des LARC
L efficacité des différentes stratégies contraceptives diffère
selon que l utilisation est parfaite (dans les études) ou typique
(dans la vraie vie, tableau 2). Il est important de noter que
seules les LARC ont une efficacité équivalente dans ces
2 situations.
Ce type de contraception est donc proposé principalement aux populations à risque de grossesses rapprochées
non désirées (adolescentes, niveau socioculturel défavorisé,
difficulté d observance d un autre type de contraception, IVG
à répétition…), mais les LARC peuvent parfaitement convenir
à toutes les femmes qui désirent une contraception de longue
durée sans nécessité de prise régulière. De nombreuses publications, notamment après une grossesse chez les adolescentes, ont montré une très nette supériorité de ces dispositifs
comparativement à toutes les autres méthodes, car un effet
contraceptif prolongé est assuré sans contrainte de prise ou
de prescription médicale. La réversibilité est immédiate au
retrait du dispositif. En cas d antécédent de kyste ovarien fonctionnel, l implant ou le DIU au lévonorgestrel ne sont pas la
stratégie de première intention.
DIU chez la nullipare
Si les DIU ont longtemps été contre-indiqués chez la nullipare,
les recommandations les plus récentes autorisent, presque
sans réserve, leur utilisation. La plus grande vigilance s impose
néanmoins dans certaines situations.
Leur principal avantage est leur très grande efficacité
dans cette population où les contraintes de prise des autres
méthodes ont parfois du mal à être respectées. De plus, ces
contraceptions ont un coût journalier extrêmement faible et
sont toutes remboursées par la Sécurité sociale. Ainsi, de nombreuses études montrent un taux de satisfaction élevé entraînant un faible pourcentage d abandons, ce qui explique aussi
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 596
22/09/2016 16:59
DOS S I ER
probablement leur efficacité. Par ailleurs, elles sont neutres sur
le plan métabolique et vasculaire, y compris le DIU délivrant
du lévonorgestrel.
Pour les short, qu ils soient au cuivre ou hormonaux, la pose,
plus délicate dans le contexte de la nulliparité, se fait dans la
plupart des cas sans difficulté mais nécessite un apprentissage. Par ailleurs, comme avec tout DIU, il existe un risque
d échec d insertion, de douleur au moment de la pose, de perforation ou d exceptionnelle expulsion. Ces effets délétères
potentiels doivent être signalés à la jeune femme avant l implantation. Par ailleurs, certaines études suggèrent un risque
d acné plus important avec les DIU au lévonorgestrel comparativement au DIU au cuivre.
Pour une première utilisation chez la nullipare, la HAS
recommande un DIU au cuivre, sauf en cas de pathologie
particulière justifiant un stérilet hormonal (adénomyose,
pathologie hémorragique de l hémostase).
Risque veineux
Toutes les associations estroprogestatives augmentent le
risque de maladie veineuse thrombo-embolique (MVTE) avec
cependant quelques différences selon le délai d utilisation,
les molécules, les voies d administration.
Vigilance la première année
Depuis plusieurs années, on sait que les COC multiplient le
risque de MVTE par 3 à 6. Il existe un effet starter puisque ce
risque est nettement plus important la première année. Il diminue les années suivantes tout en restant toujours significativement plus élevé que celui des non-utilisatrices. Une récente
étude italienne montre que cet effet starter est plus marqué
pour les femmes de moins de 30 ans. Une des hypothèses
expliquant cet impact de l âge serait la présence d anomalies
de la coagulation non dépistées avant la première utilisation
de COC ou inconnues en 2016.
Attention aux nouvelles générations
On sait depuis plus de 10 ans que les associations contenant
un progestatif de 3e génération (désogestrel et gestodène)
multiplient par 1,7 le risque veineux par rapport aux pilules de
597
2e génération (lévonorgestrel). En revanche, la contraception
progestative seule à base de désogestrel (Antigone, Cerazette,
Clareal, Desopop, Diamilla, Optimizette…) n accroît pas le
risque de MVTE. Plusieurs méta-analyses montrent que les
pilules contenant de la drospirénone ont un risque à peu près
équivalent à celles de 3e génération. Il en est de même pour les
associations comprenant éthinylestradiol et acétate de cyprotérone (Diane et génériques). Globalement, il ne semble pas
exister de différence au sein des nouveaux contraceptifs. Des
études récentes confirment ces données. C est le cas de celle
menée auprès de généralistes anglais. Plus de 5 000 cas de
thromboses veineuses ont été appariées, chacun, à 5 témoins
indemnes de cette pathologie.
Cette étude confirme le risque accru des COC de 3e génération à l exception de ceux contenant du norgestimate dont
le risque apparaît identique à celui des contraceptifs de
2e génération. Ces données sont donc concordantes avec celle
d'une méta-analyse de 7 études, même si biologiquement,
certaines incertitudes persistent puisque le norgestimate
associé à l EE induit les mêmes modifications de l hémostase
qu'une COC de 3e génération.
Dosage en éthinylestradiol (EE)
L étude de l Assurance maladie, même si elle ne prend pas en
compte tous les facteurs de risque de MVTE et notamment les
antécédents familiaux, est intéressante. Elle a inclus 4 343 692
femmes âgées de 15 à 49 ans utilisant une COC remboursée et
ayant eu ou non une hospitalisation pour une première embolie pulmonaire. Lors du suivi, 1 800 embolies pulmonaires sont
survenues (incidence estimée 33/100 000 femmes-années).
Après ajustement pour les facteurs de risque connus et disponibles dans ce type de base de données, le risque des COC
contenant un progestatif de 3e génération, à doses équivalentes d EE, est significativement augmenté comparativement
à celui des COC de 2e génération (RR = 2,16 [1,93-2,41] et
1,63 [1,34-1,97] respectivement). Par ailleurs, le risque avec les
COC contenant 20 µg d EE est plus faible que celui des pilules
dosées à 30 µg d EE (RR = 0,75 [0,67-0,85]).
Ce dernier résultat est discordant avec les données des
méta-analyses, notamment en ce qui concerne l impact de la
dose d EE des COC de 2e génération. En effet, avec 20 ou 30 µg
d EE, les modifications de l hémostase sont équivalentes.
Combattre les idées fausses
Pas plus de risque de GEU. Selon les
données récentes des essais concernant notamment les DIU au lévonorgestrel (revues par l’équipe de statisticiens de la FDA), l’incidence de GEU
est plus faible quel que soit le type de
DIU comparativement aux femmes
sans contraception. En revanche, si
une grossesse survient « sous DIU », le
risque de GEU doit être éliminé.
Pas davantage d’infection chez les
nullipares ayant un DIU (vs l’absence
de contraception). Comme pour tout
geste intra-utérin, le risque d’infection augmente dans les 20 jours qui le
suivent, le plus souvent par contamination bactérienne au moment de l’insertion. Certaines études en estiment
le pourcentage (en l’absence d’infection prouvée à ce moment) entre 0 et
2 %. Les recommandations récentes du
CNGOF (2012) sont donc les suivantes :
pas d’indication à une antibioprophylaxie lors de la pose ; avant, la recherche
d’IST est préconisée s’il existe des facteurs de risque (jeune âge, comportement sexuel à risque, antécédent d’IST).
Pour la HAS, chez les femmes à haut
risque d’IST (nullipare âgée de moins
de 25 ans, nullipare de plus de 25 ans
avec un nouveau partenaire ou plus
d’un dans la dernière année ou si le partenaire régulier a, lui-même, d’autres
partenaires) :
– faire au minimum une recherche de
Chlamydia trachomatis et Neisseria
gonorrhea avant la pose d’un DIU ;
– si cette recherche n’a pas été faite,
indication d’une antibiothérapie prophylactique (monodose d’azithromycine).
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 597
22/09/2016 16:59
598
D O SS IE R
Voies d’administration non orales
Très peu d études épidémiologiques ont été publiées. La FDA
et le groupe de Lidegaard ont évalué les risques des voies
vaginale (Nuvaring : anneau diffusant de l'EE et de l'étonogestrel) et transdermique (Evra : patch délivrant de l'EE et de la
norelgestromine, 3e génération et Lisvy : EE + gestodène). Ils
sont équivalents à celui des contraceptifs contenant des
progestatifs de 3e génération. Les mêmes contre-indications
vasculaires doivent donc s appliquer pour ces contraceptions
par voie extradigestives.
Antécédents familiaux
Avant toute prescription contraceptive, l’interrogatoire à
la recherche d’antécédent de MVTE est crucial. En effet, les
antécédents familiaux au premier degré (mère, père, frère ou
sœur) ou un nombre élevé d apparentés atteints quel que soit
le degré, sont un facteur de risque majeur de MVTE. Ce facteur
familial doit être minutieusement recherché.
Une étude suédoise récente montre tout d abord que les
recommandations sont bien suivies : à la fois chez les femmes
ayant eu une thrombose veineuse et chez les patientes
contrôles, le pourcentage d utilisatrices de COC est nettement
inférieur en cas d antécédents familiaux de MVTE. Le risque de
MVTE chez les utilisatrices de COC ayant des antécédents
familiaux est de 6,02 (5,02-7,22).
Par ailleurs, l’impact de l’histoire familiale paternelle ou
maternelle vient de faire l objet d une très récente publication.
Les facteurs déclenchants hormonaux maternels (COC, grossesse ou post-partum) ont été particulièrement étudiés chez
1 005 femmes apparentées à des patients ayant eu un premier
épisode de MVTE. Le risque absolu de thrombose chez les
apparentés était identique que l'antécédent familial soit survenu chez un homme ou chez une femme. Cependant, la prise
en compte des facteurs déclenchants hormonaux conduit à
Facteurs de risque vasculaire
Facteurs de risque artériel
• Antécédent familial de maladie cardiovasculaire chez un
apparenté au 1er degré âgé de moins de 55 ans (parent
masculin) ou de moins de 65 ans (parent féminin)
• Tabagisme actif ou stoppé depuis moins de 3 ans
• HTA ou traitement antihypertenseur
• Diabète traité ou non
• Obésité
• Âge > 35 ans
• Migraine avec aura
• HDL cholestérol < 0,40 g/L (un taux > 0,60 g/L est
protecteur)
Facteurs de risque veineux
• Antécédent familial de MVTE chez un apparenté au
1er degré âgé de moins de 60 ans
• Obésité
• Âge > 35 ans
• Thrombophilie biologique
• Facteurs déclenchants (plâtre, avion, alitement, cancer,
sclérothérapie…)
des risques significativement différents. Ainsi, le risque de
MVTE chez les femmes dont l apparenté féminin avait eu une
MVTE secondairement à un épisode hormonal est 3 fois plus
important que celui des patientes ayant un apparenté féminin
sans facteur déclenchant hormonal.
Ces données confirment l’intuition clinique qui rendait
extrêmement prudente l utilisation de la COC chez les jeunes
femmes dont la mère ou la sœur avaient eu une MVTE
« hormono-déclenchée ».
Contraception et voyage
La gestion de la prise des comprimés par rapport au décalage
horaire est une des principales questions posées. Ce problème
concerne les contraceptions orales (COC) ou les contraceptions progestatives (CP) [et pas les patches, anneau ou LARC].
Les conseils sont simples mais essentiels :
‒ anticiper la modification d heure de prise la semaine avant le
départ afin de trouver directement un horaire compatible
avec le décalage (décalage progressif de 1 heure par jour…) ;
‒ si le voyage est vers l est, continuer de prendre sa contraception à la même heure qu en France ;
‒ s il est vers l ouest et que la contraception utilisée est une
COC ou une CP contenant du désogestrel, prendre le comprimé à l'heure locale et le continuer lors du séjour (le délai
entre la prise habituelle et l heure locale de prise ne doit pas
excéder 36 heures) ;
‒ s il est vers l ouest, que la pilule est une CP contenant du
lévonorgestrel et que le décalage excède 3 heures, prendre
1 comprimé dès l arrivée puis continuer la prise à cette
même heure (le délai entre la prise habituelle et la nouvelle
prise ne doit pas excéder 27 heures) ;
‒ dans le doute, prendre 2 comprimés la même journée ;
‒ ne jamais laisser plus de 36 heures entre 2 comprimés (COC et
CP au désogestrel) et 27 heures pour la CP au lévonorgestrel
(Microval) ;
‒ ne pas oublier au retour de procéder de la même manière.
Prévenir et gérer les troubles digestifs fréquents dans certains pays :
‒ prescrire avant le départ anti-émétiques et antidiarrhéiques ;
‒ en cas de vomissements : reprendre un comprimé dans les
3 heures suivant la prise ;
‒ si diarrhée importante: reprendre 1 comprimé (même si le
risque d inefficacité de la contraception par voie orale est
très faible) ;
‒ utiliser une contraception mécanique au moindre doute.
Les voyages prolongés augmentent le risque thromboembolique veineux, notamment chez les femmes sous
COC. Toutes les pilules sont concernées quel que soit le type
d estrogènes ou de progestatifs, leur dosage et la voie
d administration.
Prudence donc lors des vols long-courriers de plus de 6-8 heures
et de tous les déplacements occasionnant une position assise
très prolongée : train ou voiture.
Le risque est d autant plus élevé qu il existe des facteurs favorisants (obésité, antécédents familiaux…).
Conseils de prévention :
‒ vêtements larges et confortables ;
‒ port d une contention veineuse classe 2 (collant, bas ou
mi-bas) ;
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 598
22/09/2016 16:59
DOS S I ER
‒ se lever régulièrement durant le trajet et marcher si possible ;
‒ s hydrater.
Contraception et post-partum
c Conseils
599
599
pratiques en cas de voyage
 Ne pas oublier sa contraception et en prendre pour
1 mois supplémentaire (pilule, patch, anneau).
Grossesse non compliquée
Le CNGOF a récemment émis des recommandations pour la
pratique concernant le post-partum. Un conseil contraceptif
doit idéalement être délivré après l accouchement afin d éviter les grossesses non désirées ou rapprochées et leurs risques
obstétricaux et néonataux.
Chez les femmes qui n allaitent pas, il est préconisé de débuter
une contraception efficace au plus tard 21 jours après, et de la
prescrire à la sortie de la maternité.
Seul l’allaitement exclusif (dit MAMA, soit jour et nuit ; 6 à
10 tétées par jour, pas plus de 6 heures entre 2 tétées nocturnes et pas plus de 4 heures le jour) peut être utilisé à visée
contraceptive au maximum pendant 6 mois. Pour tous les
autres types, les stratégies contraceptives sont les mêmes
qu en l absence d allaitement.
Une contraception estroprogestative ne doit pas être utilisée avant 6 semaines en raison de l augmentation du risque
thrombo-embolique inhérent à cette période. Ce délai peut
être allongé à 12 semaines en cas de facteur de risque vasculaire. En effet, l incidence des thromboses veineuses est estimée entre 0,5 et 3 pour 1 000 grossesses, soit 4 à 10 fois le taux
d une population appariée non enceinte. Lors de la première
semaine du post-partum, l incidence estimée est de 60 pour
10 000 personnes-années, puis elle décroît progressivement
pour atteindre 5,2 à la 8e semaine. Ce risque est significativement augmenté jusqu à 6 semaines avec un maximum à
3 semaines. Une seule étude récente suggère une hausse persistante entre 6 et 12 semaines mais avec un moindre niveau
de risque.
Les contraceptions progestatives de toutes formes (à l exclusion de l injectable) sont autorisées en post-partum immédiat. Seul un événement thrombo-embolique récent doit faire
différer leur utilisation. La femme qui allaite peut prendre une
telle contraception (orale ou sous-cutanée) 3 semaines après
un accouchement.
Le DIU (si la femme le souhaite) est prescrit à la sortie de la
maternité afin de pouvoir le poser lors de la consultation
post-natale (6 à 8 semaines après l accouchement). Il peut
aussi être proposé à la femme qui allaite, le risque principal
étant la perforation. Pour les populations à risque de grossesse
rapprochée et ayant moins facilement accès aux soins, il est
recommandé de préférer les LARC type implant ou DIU inséré
ou posé avant la sortie de la maternité.
HTA pendant la grossesse
Outre l augmentation du risque thrombo-embolique veineux,
la contraception est associée à une hausse significative, mais
plus faible, du risque de thrombose artérielle en post-partum.
Ce risque artériel est néanmoins 2 fois plus important chez les
femmes ayant eu une HTA pendant la grossesse comparativement aux normotendues.
La contraception combinée élève quasi constamment les
chiffres tensionnels mais n entraînerait une HTA authentique
que chez 5 % des femmes initialement normotendues. Cet
 Ne pas la mettre en soute mais la garder avec soi.
 Se procurer une boîte de préservatifs (nouvelle
rencontre, erreur ou doute sur l’utilisation de la
contraception habituelle).
 Emporter une contraception d’urgence à utiliser
si doute ou oubli.
 En cas de souhait de différer les règles (possible
pour les COC combinées), enchaîner 2 plaquettes
de la durée souhaitée en programmant une pause
de 7 jours au retour de voyage, attention aux
comprimés placebo.
effet est principalement attribué à la composante estrogénique qui modifie l équilibre du système rénine-angiotensine-aldostérone. L impact du progestatif est extrêmement
variable selon la molécule et son dosage. Les progestatifs de
synthèse norstéroïdes à fortes doses (par exemple, l acétate de
noréthistérone) augmentent la production hépatique d angiotensinogène favorisant, comme les estrogènes, la rétention
hydrosodée. Ainsi, le risque relatif de faire une HTA après le
début d une contraception combinée est de 1,5 à 3 (hors
post-partum). Les pilules plus faiblement dosées en estrogènes
et les voies d administration non orales ont été peu étudiées.
Cependant, le mécanisme physiopathologique à l origine des
altérations tensionnelles est vraisemblablement le même.
En cas d’HTA non contrôlée, l impact des stéroïdes, même à
petites doses, est mal évalué. Il faut préférer une contraception
non hormonale.
Si la pression artérielle se normalisation rapidement après
l'accouchement, une contraception progestative seule est
autorisée (en dehors de la médroxyprogestérone injectable).
C est la contraception la plus utilisée en post-partum immédiat. En effet, elle n induit pas de modifications métaboliques
ni vasculaires.
À distance de l’accouchement (plus de 6 semaines), si la PA
est normalisée sans traitement, toutes les méthodes sont
autorisées avec une surveillance tensionnelle. Si la pression
artérielle reste élevée, seules les contraceptions mécaniques
ou progestatives seules (en dehors de l acétate de médroxyprogestérone) sont possibles. Les estroprogestatifs sont
contre-indiqués.
Enfin, si la PA est bien contrôlée sous traitement et que la
patiente n a pas d autres facteurs de risque vasculaire, les
recommandations ne sont pas consensuelles. Selon les Américains, une HTA contrôlée ou modérée (140-159/90-99 mmHg)
devrait contre-indiquer toutes les COC, les risques dépassant
alors les bénéfices.
Une HTA même traitée et bien contrôlée impose donc une
extrême vigilance et doit faire préférer une contraception
sans estrogènes quels que soient la molécule, le dosage et la
voie d administration. Les contraceptions non hormonales
bénéficient d une place privilégiée en cas d HTA avérée ou
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 599
22/09/2016 16:59
600
600
D O SS IE R
Xxxxxx xxxxxxxx xxxxxxxxxxxxxxx
suspectée. Au choix : DIU au cuivre, préservatifs, spermicides
ou toute autre méthode barrière en respectant leurs contreindications et efficacité respectives.
Futurs contraceptifs
Plusieurs sont actuellement en phase de développement
assez avancé.
Drospirénone microdosée
Elle a fait l objet de plusieurs publications récentes. La dose efficace est de 4 mg et une courte phase d arrêt est proposée,
maintenant un effet contraceptif efficace. Elle s utilise donc
24 jours sur 28 (4 comprimés placebo). Le contrôle du cycle
semblerait assez équivalent à celui du désogestrel à petites
doses. Une étude récente évalue à 4 % le nombre de femmes
rapportant des saignements prolongés après 13 cycles d utilisation. Les aménorrhées sont en revanche de plus en plus
fréquentes au cours du temps : 26,6 % des patientes après
13 cycles de prises. L impact hépatique, notamment sur les
facteurs de la coagulation, n est pas connu.
Combiner estétrol et progestatif
L estétrol (E4), découvert en 1965, est un stéroïde estrogénique de faible puissance produit par le foie fœtal uniquement
durant la grossesse (à partir de 11 SA). Au niveau hépatique, le
métabolisme de l E4 est extrêmement faible, contrairement à
celui de l EE. Son effet inhibiteur de l ovulation a été étudié
d abord chez des rongeurs puis chez la femme. Deux études
de phase II ont déjà été menées pour déterminer la dose efficace et le meilleur progestatif à associer à cette molécule. Plus
la dose d E4 est élevée, meilleure est l inhibition de l ovulation.
Ainsi, les associations comprenant 20 mg d E4 et 3 mg de
drospirénone ou 150 mg de lévonorgestrel sont intéressantes.
La combinaison 15 mg d E4 et 3 mg de drospirénone serait la
mieux tolérée sur le plan des saignements (33,8 %) et des aménorrhées (3,5 %) après 6 cycles d utilisation. 
Pour en savoir plus
– Raccah-Tebeka B, Plu-Bureau G. La contraception en pratique : de la situation
clinique à la prescription. Paris: Elsevier Masson; 2013.
– CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : le post-partum ; 2015.
http://www.cngof.fr/pratiques-cliniques/recommandations-pour-la-pratique-clinique/apercu?path=RPC%2BCOLLEGE%252F2015- RPC-POSTPARTUM.pdf&i=2176
– Consensus d’experts de la SFHTA en partenariat avec le CNGOF. HTA et grossesse. Décembre 2015. http://www.sfhta.eu/wp-content/uploads/2015/11/Recommandations_HTA_et_grossesse_dec_2015202.pdf
– CNGOF. Recommandations pour la pratique clinique : les infections génitales
hautes ; 2012. http://www.cngof.asso.fr/D_TELE/RPC_infections_2012.pdf
– Hathaway M, Torres L, Vollett-Krech J, Wohltjen H. Increasing LARC utilization: any woman, any place, any time. Clin Obstet Gynecol 2014; 57:718-30.
– HAS. Contraception chez l’adolescente. Fiche mémo. Mise à jour janvier 2015.
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1752690/fr/contraception
chez-l-adolescente#toc_2_3
Les auteurs déclarent n avoir aucun lien d intérêts.
27 et 28 janvier 2017
Ateliers
• Vivre la révolution numérique !
• Médecines anciennes, nouvelles pratiques
• Mon patient, Google et moi
• La coordination des soins, une évidence
Tables rondes
• Évolution de la Médecine Générale :
un enjeu national en 2017
• Médecins, entre fictions et réalités
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE - TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!595!_MG966_JNMG_DOS_PLU_ BUREAU_V2.indd 600
22/09/2016 16:59
Rendez-vous au
Congrès mondial
contre le cancer
Mobilisons-nous
pour agir
Inscrivez-vous sur
www.worldcancercongress.org/registration
“
Prenez part
aux débats
”
worldcancercongress.org
@UICC | #2016WCC | #CancerCongress
worldcancercongress.org
@UICC | #2016WCC | #CancerCongress
Palais des Congrès de Paris
la ligue V2.indd 1
Sans titre-2 1
Palais des Congrès de Paris
ORGANISATIONS
HÔTES
ORGANISATIONS
HÔTES
contre le cancer
www.aliam.org
contre le cancer
www.aliam.org
22/09/2016 10:17
25/04/2016 17:12
FOCUS
602
Burn out : comprendre et agir
Repérer et accompagner, en lien avec le médecin du travail.
Marie Pezé
Docteur en psychologie, psychanalyste,
ancien expert judicaire, responsable du réseau
des consultations souffrance et travail.
E
n France, malgré de nombreuses études cliniques menées depuis 30 ans,
l approche des pathologies psychiques liées au travail demeure frileuse,
circonspecte, marquée historiquement par
des rapports sociaux houleux, le risque
d imputabilité à l entreprise, une absence
de prévention primaire et une formation
médicale insuffisante. Les médecins en
sont pourtant atteints comme les autres
professions.
Toutefois, à la suite d un rapport du
Conseil d orientation des conditions de
travail (COCT) de 2012, des avancées ont
eu lieu dans la reconnaissance de l origine
professionnelle des maladies psychiques.
Tout d abord, la suppression de l exigence
de stabilisation de l état du patient a permis aux caisses de transmettre un plus
grand nombre de dossiers au comité
régional de reconnaissance des maladies
professionnelles (CRRMP). Des critères de
diagnostic et de gravité des troubles psychiques susceptibles d être liés au travail
ont été établis (dépression, anxiété généralisée et états de stress post-traumatiques
sont les seuls reconnus), et des recommandations pour l appréciation de l origine
professionnelle de ces 3 pathologies ont
été inclues dans le guide pour les CRRMP.
Par conséquent, le nombre d avis favorables des CRRMP relatifs à des affections
psychiques a augmenté considérablement
entre 2010 et 2014 (de 73 % pour les
dépressions, de 13 % pour les troubles
anxieux et de 13,4 % pour les états de stress
post-traumatique).
D après les résultats d enquêtes épidémiologiques prédictives (SUMER, DARES,
DGT), applicables aux 23 millions de salariés, l organisation du travail serait un
déterminant majeur d apparition des
risques psychosociaux : c est dans l entreprise que se joue la déstabilisation de
l employé (tableau).
Pathologies de
surcharge et de solitude
L augmentation de la cadence des tâches
à accomplir, observée dans tous les secteurs professionnels, l intensification et la
densification des activités dépassent les
limites neurophysiologiques et biomécaniques et provoquent des maladies du
surtravail. Celui qui s en sort n est pas le
plus fort, ni le plus intelligent, mais le plus
rapide.
La surcharge du fonctionnement psychologique et cognitif entraîne des tableaux
bien précis de décompensation :
‒ stress, anxiété ;
‒ troubles cognitifs (concentration, logique,
mémoire) pouvant être évalués par un
bilan neuropsychologique (encadré 1) ;
‒ état de stress aigu ou ESA (à déclarer en
accident de travail selon la lettre réseau
2011 de la CPAM, cf. http://www.souffrance-et-travail.com/magazine/assez) ;
Tableau. Violences subies par les salariés en entreprise (%)
Comportement Atteinte
Déni de
Comportement
hostile
dégradante reconnaissance méprisant
Personne(s) de votre entreprise
85,6
80,7
87,8
84,2
Clients, usagers, patients
12,2
18,5
12,1
10,1
Salariés d’autres entreprises
6,5
11,1
6,0
5,7
Source : DARES, DGT, DGAFP : enquête SUMER 2010.
1. Bilan neuropsychologique :
prouver les troubles
En France, dans tous les CHU,
des consultations de neuropsychologie sont possibles.
Sur prescription médicale de
« bilan neuropsychologique
pour surmenage », des tests
poussés peuvent être pratiqués
à visée diagnostique.
Ainsi, l’atteinte des différents
types de mémoire, de la
concentration, des facultés
logiques peut être attestée
scientifiquement.
Le médecin du travail,
la direction des ressources
humaines, le médecin de la
Sécurité sociale, le CRRMP
devront en tenir compte.
‒ syndrome d épuisement professionnel
ou burn out ;
‒ effondrements anxiodépressifs majeurs.
Elle peut induire une radicalisation des
comportements : violences contre l autre
(collègues ou usagers ; à déclarer en accident de travail quel que soit le contexte
disciplinaire), l outil de travail (sabotages)
ou la hiérarchie (séquestrations) ; attitudes
tyranniques, harcèlement moral, cynisme,
banalisation du mal fait à autrui.
La surcharge du fonctionnement organique est responsable de pathologies
physiques, et notamment les troubles
musculo-squelettiques, première maladie
professionnelle dans les sociétés industrialisées. Le karoshi est l issue fatale du surmenage : mort subite par AVC ou accident
coronaire chez un sujet jeune. Trois facteurs y seraient associés : instabilité électrique du myocarde, vie quotidienne vécue
comme un fardeau sur fond de dépression
ou situation décrite comme sans issue et
événement à charge psychique forte,
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!602!_MG966-JNMG-FOC_peze_V2.indd 602
22/09/2016 16:54
FOCUS
proche de l épisode d arythmie (< 1 h dans
21 % des cas).1
La précarisation de l emploi a neutralisé
la mobilisation collective, imposé le
silence et le chacun pour soi. La peur de
perdre son travail génère des conduites
de domination ou de soumission.
L intensification des tâches, l accroissement inatteignable des objectifs, l évaluation individualisée engendrent la perte de
solidarité, augmentant la solitude. Face à
un management maltraitant, le salarié
isolé ne peut ni répondre (risque d un
avertissement disciplinaire) ni s enfuir en
démissionnant sous peine de perdre ses
droits sociaux. Les situations de harcèlement conduisent alors à un syndrome de
stress post-traumatique. Dans un système
sans repères ni appuis, lorsque le travail
n est plus maîtrisé ou a perdu son sens, ce
vécu d isolement peut devenir insoutenable pour un sujet très investi, qui peut
se suicider sur le lieu de travai (encadré 2).
2. Risque suicidaire : signes d’alerte
Dans un contexte collectif souvent dégradé :
■
Expression du vécu douloureux : incompréhension, injustice, incompétence,
culpabilité, impasse
■
Appréhension anxieuse lors d’une échéance (évaluation, changement)
■
Renoncement soudain à responsabilités, projets, activités investies
■
Évocation de départ, démission, mutation
■
Labilité des émotions, humeur, caractère
■
Désinvolture ostentatoire, cynisme, grève du zèle
■
Repli sur soi, froideur, mutisme, fuite des lieux de convivialité
■
Messages énigmatiques, allusifs, menaçants, désespérés (messagerie +++)
3. Certificats : les erreurs à ne pas commettre
■
Le médecin traitant ne doit jamais noter de lien direct avec le travail sur
l’arrêt maladie. Sa déontologie l’oblige à se limiter aux constatations sur l’état du
patient tel qu’il l’observe dans son cabinet. Il peut donc évoquer un état dépressif
réactionnel sans en écrire la cause.
■
Si le patient vient consulter après un événement ponctuel et brutal (crise
de nerfs, de larmes, de tétanie sur le lieu du travail, altercation avec un supérieur
hiérarchique ou un collègue), il peut faire un certificat initial pour état de stress
aigu (cadre d’un accident du travail).
■
Si le patient demande un certificat médical, il faut savoir qu’il peut être utilisé
par la justice (l’avocat de l’employeur en sera destinataire). Par conséquent, il est
important de ne jamais citer de noms de tiers ni évoquer la notion de harcèlement
moral qui est désormais un délit inscrit dans le code pénal. Seul un magistrat peut
qualifier une situation de harcèlement moral.
Tous en burn out ?
Comme pour le harcèlement moral il y a
quelques années, c est actuellement le
burn out qui embolise la sphère médiaticopolitico-médicale, renvoyant au deuxième
plan les autres pathologies liées au travail.
Vidé de sa définition clinique véritable, il
s est transformé en « concept fourre-tout ».
À ces difficultés s ajoute la question de
l imputabilité au travail, faisant de sa reconnaissance un parcours du combattant.
L absence de lésions psychiques impose le
détour par le CRRMP, et donc l envoi d un
dossier étayé quant au lien entre la symptomatologie et le travail, que les patients
ne sont pas toujours en état de construire.
Si leur état empêche le retour au travail, la
reconnaissance en MP rend impossible
l obtention d une invalidité deuxième catégorie pour la même pathologie, dont le
statut médico-administratif est plus sécurisant notamment financièrement.
Jamais isolé, le burn out peut être associé
à une dépression, un syndrome de fatigue
chronique, voire à des maladies cardiovasculaires, musculo-squelettiques, dermatologiques, allergiques, métaboliques…
S il fut au début un syndrome de soignants,
le risque concerne aujourd hui l ensemble
des individus, quelle que soit leur activité.
Cette épidémie de burn out survient
bien sûr dans un contexte économique et
organisationnel de plus en plus difficile.
Rappelons que le salarié français est 4e en
productivité horaire au niveau mondial et
603
1er en consommation de psychotropes.
Une fatigue indéracinable résistant au
repos, une perte du plaisir à aller travailler,
le recours aux addictifs légaux et/ou illégaux (les produits variant suivant les catégories professionnelles) « pour tenir »
doivent alerter. Le burn out n est pas un
dépassement du seuil de la fatigue ordinaire. Une quantité identique d énergie
dépensée dans une activité choisie ne
produirait pas le même effet dévastateur.
Il ne concerne que la vie professionnelle,
quelquefois seulement une tâche, tandis
que la fatigue touche l ensemble des activités, notamment dans la dépression. Il
n est pas amélioré par le repos : suspendu
par l éloignement du contexte professionnel, l épuisement revient dès l instant de
la reprise de travail dans les mêmes
conditions.
Le diagnostic n est pas si simple. Les tests
quantitatifs existants sont des échelles
d auto-évaluation que le salarié a généralement peur de remplir !
Le médecin généraliste joue un rôle central car, connaissant son patient et ses
antécédents depuis longtemps, il peut
déterminer si son intense épuisement est
en lien avec un épisode dépressif, une
maladie physique non diagnostiquée ou
bien s il est d origine professionnelle.
L interrogatoire est essentiel : de quelle
façon la personne vit-elle son travail ? Y
a-t-il des éléments objectifs qui pourraient
être en lien avec les symptômes : arrivée
d un nouveau manager ? Modification de
l organisation dans l entreprise ? Surcharge
de travail ?
Face au risque de stress post-traumatique, l urgence absolue est de stopper la
situation toxique, d en faire sortir le patient.
Ces personnes sont souvent très investies
dans leur travail, craignent la perte de leur
emploi et n acceptent pas facilement un
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!602!_MG966-JNMG-FOC_peze_V2.indd 603
22/09/2016 16:54
604
FOCUS
c L’essentiel
■
■
■
■
Savoir distinguer le burn out des autres décompensations psychiatriques.
Évaluer le risque suicidaire, les troubles associés, les évolutions compliquées.
Contacter le médecin du travail pour alerter et avoir un éclairage sur l’entreprise.
Orienter vers les consultations spécialisées pour déterminer plus précisément le lien santé-travail.
■
Bien évaluer la nécessité de la reconnaissance en maladie professionnelle.
arrêt maladie. Pourtant, ce dernier est
indispensable pour que le sujet se repose,
qu il prenne le temps de comprendre ce
qui lui arrive et, avec ses médecins, envisage l avenir. Il faut mettre en place un
traitement médicamenteux et un suivi
psychothérapique. Être arrêté, médicamenté et suivi atteste de la gravité de l état
du patient vis-à-vis du médecin-conseil de
la Sécurité sociale et éventuellement, si le
salarié entame une action juridique, de la
justice (encadré 3).
Dès l instant où il évoque un lien entre
l état de santé de son patient et sa vie
professionnelle, le généraliste doit se
mettre en contact avec le médecin du travail (sous réserve de l accord du malade).
Ce dernier demeure, dans la loi, l interlocuteur privilégié du manager et des
salariés. Il connaît bien l entreprise et peut
y entrer (contrairement au médecin traitant). Il doit rencontrer le patient pendant
son arrêt, uniquement à sa demande, lors
de visites de préreprise, pour l aider à
mieux comprendre la dégradation de la
situation de travail (encadré 4).
Le psychiatre ou psychothérapeute est
essentiel pour faire un éventuel diagnostic différentiel, poursuivre un arrêt maladie prolongé et entamer le travail de
compréhension. Approche psychologique
classique, thérapies cognitivocomportementales, analyse de la situation de travail
(on aide le patient à construire une double
chronologie : celle de la modification de
l organisation du travail et celle de la
dégradation de son état de santé), etc.
peuvent être utilisées.
La coopération entre ces différents professionnels de santé est la clé d une prise en
charge optimale. Adresser le patient aux
services de pathologies professionnelles
ou aux consultations spécialisées de souffrance au travail est souvent nécessaire
pour le suivi médico-administratif.
Si l arrêt maladie, le traitement et l analyse des conditions de travail au travers
des différents points de vue permettent
d envisager sereinement le retour du
patient à son poste et si on a procédé de
bonne foi aux modifications nécessaires
4. Caractéristiques des organisations du travail en France
• Charge de travail (accroissement, intensité, complexité)
• Individualisation (objectifs individualisés, entretiens d’évaluation,
reporting)
• Pilotage par l’aval (confrontation directe à la demande des clients,
des usagers)
• Management des objectifs et non plus du travail
• Abandon de certains critères de qualité, banalisés par la hiérarchie
dans la mesure où le salarié réalise une économie de moyens tout
en préservant les exigences considérées comme centrales par les
directions au profit d’une « qualité » totale
• Procédures (reporting, tableaux, dispositifs chiffrés…)
• Informatisation
• Réorganisations permanentes
• Production en mode dégradé
Spécificités des milieux de soins :
• Réforme de la tarification
• Logique économique inscrite dans une dimension productiviste
des soins
• Augmentation de l’activité, maîtrise de la dépense, objectif
d’efficience, renforcement des outils de gestion analytique
• Impacts éthiques sur les pratiques cliniques des soignants
• Soins ciblés et rentables privilégiés, souvent mal vécus par les soignants
• Gestion des entrées et des sorties des patients dans un contexte
contraint (durée moyenne de séjour à l’hôpital courte pour une
meilleure rentabilité)
grâce à l intervention des acteurs de l entreprise, la parenthèse sombre se referme. Si
la personne a perdu confiance dans son
environnement professionnel proche, le
médecin du travail peut préconiser une
mutation de poste (L 4624-1), en concertation avec la direction et la DRH. Si le retour
paraît impensable, différents cas de figure
sont envisageables, qui nécessitent de
prendre conseil auprès d un avocat. En
l absence de solution, l inaptitude définitive
à tout poste dans l entreprise demeure la
réponse médico-administrative la plus efficace. Elle nécessite le consentement éclairé
du patient. Dans ce cas, l employé aura
droit aux indemnités de licenciement.
Peu de salariés connaissent leurs droits
et devoirs. La loi de modernisation sociale
qui sanctionne le harcèlement moral n est
qu un cas particulier de l obligation qui
pèse sur l employeur privé ou public. La loi
L 4121 est particulièrement protectrice de
la santé physique et mentale des salariés
et fait obligation au chef d entreprise ou
d établissement de la protéger en termes
de résultats et pas seulement de moyens.●
Référence
1. Reich P, DeSilva RA, Lown B, Murawski BJ.
Acute psychological disturbances preceding
life-threatening ventricular arrhythmias. JAMA
1981;246:233-5.
Pou r en savoi r plus
Site Souffrance et travail : http://www.souffranceet-travail.com/le guide du médecin généraliste
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!602!_MG966-JNMG-FOC_peze_V2.indd 604
22/09/2016 16:54
Contraception orale
Pour elles,
la gamme
Unique et Multiple Communication ADLY076 - N° de visa 15/04/60928936/PM/002-V2 - 01/2016 © Tous droits réservés Pfizer PFE France 2016 au capital de 69 050 085,50 euros - RCS Paris 807 902 770
Pfizer
de 2ème génération(1)
au lévonorgestrel
+ de
2d’e5xp éarinensce
Recommandées en 1ère intention(2)
en tant que pilules estroprogestatives de 2nde génération
lorsqu’une contraception orale estroprogestative a été choisie
®
Lévonorgestrel/
Ethinylestradiol :
comprimé
enrobé
Lévonorgestrel 0,150mg
Ethinylestradiol 0,030mg
Lévonorgestrel/Ethinylestradiol :
0,150mg/0,030mg-0,200mg/0,040mg
Contraception hormonale orale
Contraception hormonale orale
Contraception hormonale orale
Monophasique*
Biphasique*
Triphasique*
*Résumé des caractéristiques du produit Minidril
*Résumé des caractéristiques du produit Adepal
*Résumé des caractéristiques du produit Trinordiol
Minidosée*
1 boîte de 1 plaquette : 1,47 € TTC
1 boîte de 3 plaquettes : 3,79 € TTC
Minidosée*
1 boîte de 1 plaquette : 1,47 € TTC
1 boîte de 3 plaquettes : 3,79 € TTC
0,050mg/0,030mg-0,075mg/
0,040mg-0,125mg/0,030mg
Minidosée*
1 boîte de 1 plaquette : 1,47 € TTC
1 boîte de 3 plaquettes : 3,79 € TTC
L’UTILISATION DE TOUT CONTRACEPTIF HORMONAL COMBINÉ (CHC) AUGMENTE LE RISQUE THROMBOEMBOLIQUE
VEINEUX PAR RAPPORT À UNE NON-UTILISATION (cf. 4.1, 4.3 et 4.4 du RCP)
Un document d’aide à la prescription a été élaboré pour vous accompagner lors de vos consultations relatives aux CHC, disponible sur
demande auprès du laboratoire Pfizer (www.pfizer.fr, rubrique Médicaments Pfizer) ou sur le site www.ansm.sante.fr (12/02/2014)».
Prix alignés au TFR** - Remboursement Sécurité Sociale 65%
(1) http://ansm.sante.fr/Dossiers-thematiques/Pilules-estroprogestatives-et-risque-thrombotique/Quelle-est-la-situation-actuelle-des-pilules-estroprogestatives-en-France
(2) http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Contraceptifs-oraux-combines-et-risque-de-thrombose-veineuse-prescription-despilules-de-2e-generation-contenant-du-levonorgestrel-en-premiere-intention-Point-d-information
** Tarif Forfaitaire de Responsabilité
Pour accéder aux mentions légales du médicament, suivez ce lien : http://base-donnee-publique-medicaments.gouv.fr/
3669_AP-210X270.indd 1
19/01/2016 10:12
FOCUS
606
Nouveaux animaux de compagnie
Les zoonoses sont encore rares eu égard au grand nombre de NAC.
Béatrice Quinet
Unité de pédiatrie générale et d’aval des
urgences, hôpital Trousseau-La Roche-Guyon,
75012 Paris. [email protected]
L
es nouveaux animaux de compagnie
(NAC, c est-à-dire tous ceux autres
que les chiens et les chats) représentent environ 10 % des 60 millions d animaux de compagnie des Français dont
3 millions de rongeurs et 3,7 millions d oiseaux. Le nombre de reptiles est estimé à
plus de 1 million. Les NAC regroupent un
grand nombre d espèces : certains déjà
domestiqués comme le furet, utilisé jadis
pour la chasse en terrier, d autres ayant
mauvaise réputation comme les reptiles. Le
lapin, depuis longtemps animal de rente,
est devenu un compagnon en ville surtout
s il est nain. Les origines de cet engouement récent pour les NAC sont multiples
mais un effet de mode et de médiatisation
est indéniable. Les NAC sont souvent des
espèces rares et sauvages. La demande
croissante d animaux exotiques concourt
au développement d un commerce illégal
et met en danger la pérennité de certaines
espèces. Le trafic d animaux occupe la
3e place mondiale derrière celui des stupéfiants et des armes ! La France est considérée comme le plus gros marché européen
des NAC.
Un risque mal cerné
Ils peuvent être à l origine d anthropozoonoses communes parfois aux chiens et
chats mais aussi de maladies infectieuses
rares ou émergentes. Les vétérinaires ont
créé des consultations pour NAC et
donnent des cours spécialisés et des enseignements post-universitaires. Les acquéreurs ou les propriétaires de ces animaux,
(parents avec enfants, adolescents ou
futurs géniteurs), sont rarement au courant
des risques potentiels. Il en est de même
pour les personnes fragiles, les femmes
enceintes, les immunodéprimés et particulièrement les greffés. Les vendeurs en animalerie ont rarement été formés. Les lieux
de vente sont multiples : chez les éleveurs,
les particuliers, les animaleries et bien sûr
via le commerce en ligne, florissant. De
nouvelles réglementations ont été mises
en place. Après plusieurs cas de rage canine
importée, il est précisé depuis 2004 que
tout chien, chat, furet voyageant dans
l Union européenne doit être identifié
(puce) et vacciné contre la rage. En 1999,
une chauve-souris (roussette d Égypte),
acquise dans une animalerie belge et
ramenée en France, est morte de la rage
(virus Lagos bat) : 120 personnes contact
ont reçu un traitement prophylactique.
L importation et la détention des primates
(sauf conditions très strictes) sont interdites
mais des singes (surtout de type magot du
Maroc ou d Algérie) sont introduits en
France avec un risque sanitaire (rage, tuberculose, virus de l herpès B, salmonelles, pasteurelles, autres parasites).
Les médecins sont rarement renseignés
sur la possession d un animal autre que
chien ou chat, leur avis ou celui du vétérinaire n est pas couramment demandé
avant l acquisition. On interroge sur la présence d un animal au foyer plus souvent
devant une allergie que lors d une infection.
Parfois, c est à l occasion d une griffure ou
d une morsure que se pose la question des
risques encourus. Les zoonoses restent
mal connues d autant qu elles sont très
nombreuses.
et du reptile contact. En 2013, en France,
ont été rapportés 2 cas de méningites à
salmonelles chez des nourrissons, l un de
4 mois (lézards Pogona au domicile), le
second de 7 semaines (tortues). Pour les
très jeunes nourrissons, la transmission est
indirecte par les mains ou l environnement,
le sol (déambulation du reptile hors du
terrarium) ou les surfaces de préparation
des aliments. Les drépanocytaires sont
naturellement à risque d infections graves
à germes encapsulés : aux États-Unis,
2 frères drépanocytaires ont fait l un, une
ostéomyélite à S. thompson, l autre un
abcès splénique. La famille avait acquis
récemment un lézard.
Des recommandations impliquant les responsables des animaleries ont été éditées
dans plusieurs États américains comme cela
avait été fait auparavant pour les tortues en
informant du risque et en donnant quelques
conseils de bon sens et d hygiène : éloigner
le reptile du domicile à l arrivée d un nouveau-né, éviter le contact en cas d immunodépression, d âge inférieur à 5 ans, pas de
reptile dans les jardins d enfants, se laver les
mains après avoir touché l animal, etc. Chez
les animaux, l éradication des salmonelles
par antibiothérapie est vouée à l échec et
fait courir le risque de sélection de souches
résistantes.
Salmonelloses
Virus de la chorioméningite
lymphocytaire
Les rongeurs sont naturellement porteurs
de salmonelles : S. enteritidis, S. typhimurium, S. schottmuelleri. Le diagnostic
chez un patient au même titre que l enquête alimentaire doit faire rechercher le
contact avec un rongeur, un lapin nain, un
hérisson (S. tilene), un furet et surtout avec
des reptiles dont 90 % seraient porteurs de
salmonelles. L isolement de sérotypes
exceptionnellement retrouvés chez
l homme est très évocateur d un contact
avec un reptile (serpent, tortue, lézard,
iguane). Des septicémies chez des nouveau-nés et des enfants immunodéprimés,
des méningites, des diarrhées graves, des
décès de nourrissons ont été signalés avec
une concordance des souches de l enfant
Il appartient à la famille des Arenavirus dont
le réservoir principal est la souris ; d autres
rongeurs (hamsters) sont porteurs asymptomatiques. Des épidémies de méningites
sont survenues en Allemagne et aux ÉtatsUnis dans les années 70 associées à un
contact au domicile avec des hamsters :
57 cas en 4 mois dans l État de New York en
1974 en relation avec des hamsters provenant du même distributeur.
Ce virus peut également être responsable
d infection congénitale très sévère par
transmission materno-fœtale, avec d importantes séquelles, dont la symptomatologie
évoque en premier lieu une toxoplasmose
congénitale. Les femmes enceintes doivent
éviter les contacts avec des rongeurs. Cette
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!606!_MG966-JNMG-FOC_quinet.indd 606
22/09/2016 17:00
FOCUS
607
c L’essentiel
■
Les zoonoses dues aux NAC sont peu connues. Elles sont possiblement sévères chez les très jeunes
nourrissons, les immunodéprimés et les femmes enceintes.
■
Des précautions élémentaires d’hygiène, l’éducation et l’information des parents, des enfants, des vendeurs
en animalerie seraient efficaces pour les prévenir.
■
Attention aussi au risque allergique surtout en cas d’atopie déjà connue.
■
La famille demande rarement conseil au médecin avant l’acquisition d’un animal conventionnel ou non.
infection est peu connue des obstétriciens
et néonatologistes. En 2005, aux États-Unis,
est survenue une épidémie occasionnant
3 décès chez 4 patients receveurs d organes
solides du même donneur. L investigation
révéla l acquisition récente d un hamster au
domicile du donneur.
Virose à monkeypox
et cowpox
Yersinia et Campylobacter
Les cochons d inde, les souris, les rats, les
chinchillas sont très souvent porteurs
asymptomatiques de Y. pseudotuberculosis ou de Y. enterolitica, responsables chez
l enfant de syndrome pseudo-appendiculaire ou de diarrhée sanglante. Les hamsters
ainsi que les furets sont porteurs de
Campylobacter.
Morsures ou griffures
Comme les chats et les chiens, la plupart des
rongeurs, lagomorphes (lièvre, lapin) ou
furets ont dans la cavité buccale une flore
polymicrobienne à germes pyogènes et
anaérobies. Ils peuvent également être porteurs asymptomatiques de pasteurelles.
La streptobacillose est une infection rare
associée à des morsures ou griffures de rat,
souris ou écureuils. S. moniliformis est un
bacille à Gram négatif commensal du rhinopharynx des rongeurs. Après guérison de la
blessure apparaît une fièvre avec myalgies
et frissons. Cette infection peut se compliquer d arthrite, de pneumonie, de méningite ou d endocardite. La mortalité, 10 à
15 %, s élève à 50 % en cas d endocardite.
Le germe est sensible à la plupart des
familles d antibiotiques.
Mycobactéries atypiques
Mycobacterium marinum est responsable
d infections chez les animaux aquatiques
et de lésions cutanées chez l homme,
notamment au décours d activités d aquariophilie très en vogue. Le papulo-nodule
initial peut s ulcérer (granulome des piscines), il siège le plus souvent au membre
supérieur. À prévenir par des mesures
simples d hygiène : port de gants lors du
nettoyage de l aquarium et de la manipulation des poissons, antisepsie des blessures cutanées.
Parasitoses
Beaucoup d espèces sont naturellement
porteuses de parasites digestifs en particuliers de Giardia mais il semble, comme chez
le chien, exister une certaine barrière d espèce : en pathologie humaine, la transmission est interhumaine plus que zoonotique.
Il faut cependant tenir compte de cette
possibilité chez les immunodéprimés.
Lésions fungiques
Ne pas oublier les allergies
Celles aux rongeurs sont fréquentes, décrites d’abord chez les personnels de laboratoire : conjonctivite, rhinite, asthme. Les allergènes
majeurs sont retrouvés dans leurs urines, poils et aussi dans leur salive.
Il en est de même pour les lapins et les furets. Les oiseaux peuvent
être responsables d’allergies respiratoires, directement ou via leur
alimentation (graines de millet, tournesol, etc.).
On décrit également des dermatoses de contact, urticaire, eczéma,
dermatite de contact, dus à l’animal lui-même ou à son environnement
(habitat, parasites, alimentation). Tout animal à poils, plumes ou écailles
peut entraîner des réactions allergiques, leur exploration peut être
difficile car les tests commerciaux spécifiques sont rares.
Les enfants sont particulièrement sensibles
aux dermatophytes : Epidermophyton,
Microsporum et Trichophyton. Un même
champignon peut provoquer diverses
lésions de la peau (herpès circiné) ou des
phanères (teigne).
Les rongeurs, lapins et furets peuvent être
porteurs de T. mentagrophytes et de
Microsporum. Des lésions cutanées sont
fréquentes chez des adolescentes au niveau
du cou : là ou est porté le rat de compagnie.
Dépistage et traitement de l animal infecté
sont indispensables. ●
L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour Pfizer
et avoir été prise en charge lors de congrès par GSK.
La première était limitée à l Afrique centrale et de l Ouest. Peu de cas humains
jusqu à l épidémie américaine qui toucha
les états du centre-ouest en mai et juin
2003 : 72 furent notifiés aux autorités de
santé. L enquête révéla la responsabilité de
chiens de prairie ayant séjourné dans une
animalerie de l Illinois avec des petits rongeurs importés récemment du Ghana.
L éruption vésiculeuse se distingue entre
autres d une varicelle par l importance du
syndrome infectieux et de la dysphagie, des
adénopathies pseudo-phlegmoneuses de
grande taille et le grand diamètre des
lésions cutanées. L importation des chiens
de prairie est interdite en France depuis
2000 car ils peuvent être atteints par la
peste bubonique ou la tularémie.
Comme le monkeypox, le cowpox appartient à la famille des Poxviridae qui compte
4 virus potentiellement pathogènes pour
l homme. Il est endémique en Europe de
l Ouest dont la France : les petits rongeurs
en constituent le réservoir. Dans notre pays,
deux alertes de cas groupés d infections
cutanées au contact direct de rats de compagnie ont fait redécouvrir cette pathologie :
20 rapportés en 2009 dont 16 confirmés et
4 probables (de 6 à 54 ans) suite à l importation de rats d un élevage tchèque ; même
scénario en mai 2010. L infection, habituellement localisée, se manifeste par des
lésions ulcéronécrotiques chez les immunocompétents. Des cas sont sporadiquement décrits après contact ou griffure avec
des chats chasseurs. Pas de traitement spécifique antiviral.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!606!_MG966-JNMG-FOC_quinet.indd 607
22/09/2016 17:00
QUALITÉ DES SOINS
608
Par Andrei Radtchenko
Service de psychiatrie, service universitaire de psychiatrie
de l’adulte et du sujet âgé, groupe hospitalier Corentin-CeltonHEGP-Vaugirard-Gabriel-Pallez, 92130 Issy-les-Moulineaux.
[email protected]
Hypnose médicale : pour qui ?
Elle a une place en cas d’échec ou en complément des thérapies conventionnelles.
D
ans la prise en charge de pathologies psychiques et somatiques, l hypnose vise à induire
des changements physiologiques,
cognitifs et comportementaux. Elle repose sur l obtention volontaire par un
thérapeute, chez des patients ouverts
aux principes de cette thérapie, d un
état modifié de la conscience propice
à la suggestion et à la modification
des perceptions. L hypnose médicale
fait désormais partie des pratiques
thérapeutiques non conventionnelles
auxquelles on a recours, soit lorsque
les traitements validés et recommandés échouent ou font défaut, soit en
complément de ceux-ci.
On en distingue trois grands types :
l hypnothérapie, l hypno-analgésie et
l hypnosédation. D après l OMS, l usage
des thérapies non conventionnelles est
très répandu dans les pays en développement et est de plus en plus courant
dans les pays développés (rapport
Inserm 2015).
■
Point historique
Les techniques de suggestion lors de
soins ou rituels sont utilisées depuis
l Antiquité dans de nombreuses civilisations et cultures. Paracelse parlait déjà de « cure magnéto-sympathique ». En occident, l hypnose en tant
que soin est employée depuis au moins
200 ans et a été pratiquée par FranzAnton Mesmer, Jean-Martin Charcot,
Hippolyte Bernheim.
L hypnose classique se caractérise par
l aspect directif, voire dominant, de
l hypnotiseur, qui suggère un changement de façon directe au patient.
Dans les années 1900, le psychiatre
Données neurobiologiques
Les mécanismes cérébraux sous-jacents sont objectivables en imagerie
fonctionnelle (IRM) et par des techniques électrophysiologiques.
Dans l’état hypnotique, la diminution de la perception des stimuli
(douloureux, par exemple) est associée (par rapport à un état
de veille) à une réduction de l’activation fonctionnelle du cortex
cingulaire antérieur, mais aussi des cortex insulaire, préfrontal,
prémoteur, du tronc cérébral, du thalamus, du striatum et du cortex
somato-sensoriel primaire.
américain Milton Erickson a mis en
place plusieurs techniques plus permissives, s appuyant sur le rôle prédominant de la relaxation, fondant ainsi
l hypnose moderne.
■
État de conscience
modifié
Un état de transe (conscience modifiée, veille paradoxale) est instauré
avec la participation active du patient.
Il est caractérisé par une attention
intense et focalisée, une moindre sensibilité à l environnement, une modification de la conscience périphérique
(réceptivité aux stimuli externes et
aux sensations corporelles, dont la
douleur), du tonus musculaire, de la
perception du temps et du contrôle
émotionnel, et par une augmentation de la suggestibilité, sans perte
de conscience ni de maîtrise. Lors des
séances, peuvent être utilisées des
techniques linguistiques (choix de
mots), relationnelles, dissociantes (désactivation de la conscience critique*),
de focalisation, de régression (retour
dans le passé lointain), de reviviscence
(revivre un événement, comme s il
survenait à nouveau), de suggestion
post-hypnotique (demander au patient durant la séance de faire ou de
penser quelque chose lorsqu il ne sera
plus en état hypnotique) afin d induire
le changement spécifique à un comportement particulier.
L hypnose médicale améliore la communication et la relation soignantsoigné, la qualité de la prise en charge
et le vécu des soins et favorise l autonomisation des patients (apprentissage de l autohypnose). Des échelles
« d hypnotisabilité », notamment celle
de Stanford, permettent aux cliniciens
de détecter les patients susceptibles
d être soignés ainsi. Les enfants et les
adolescents ont souvent une meilleure réponse que les adultes, mais la
technique doit être adaptée en fonction de l âge (très bonne adhésion
entre 7 et 14 ans, alors qu avant 3 ans
les capacités de participation sont
limitées). L implication des parents est
souvent bénéfique.
* Elle permet de capter les informations venant
à la fois du monde extérieur, via les organes
des sens, et du monde intérieur, alors que la
conscience hypnotique est caractérisée par un
état d’indifférence à l’extérieur, avec hypersuggestibilité, perte des fonctions réflexes et lâcher
prise.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!608!_MG966_JNMG_QDS_Radtchenko.indd 608
22/09/2016 17:00
609
L’ESSENTIEL
charge de la douleur et de l’intestin irritable.
➜ En raison de son caractère dissociatif, les troubles délirants et la personnalité borderline sont a priori des
contre-indications.
➜ La manipulation psychologique et la création de faux souvenirs seraient les risques éthico-juridiques
associés (très rares).
■
Hypnothérapie
Il s agit de l usage psychothérapeutique
de l hypnose. C est une thérapie brève
(de 3 à 5 séances), actuellement utilisée
dans des indications assez larges : addictions (sevrage tabagique, réduction
de la consommation d alcool), troubles
anxieux ou du comportement alimentaire, troubles avec symptomes somatiques (somatoformes dans le DSM-IV),
troubles fonctionnels intestinaux, en
psychotraumatologie, en sexologie.
Cependant, en 2015 et selon l Inserm,
l hypnothérapie ne serait bénéfique
que dans la prise en charge du syndrome de l intestin irritable. Pour les
autres affections, les données ne sont
pas assez solides (résultats divergents,
insuffisants, limites méthodologiques
importantes). Quant au sevrage tabagique, la Haute Autorité de santé
indique dans son avis de 2006 « Stratégies thérapeutiques d aide au sevrage
tabagique » que l hypnose ne fait pas
partie des aides recommandées.
■
Hypno-analgésie
Cette technique permet de modifier
les composantes de la douleur : sensorielle (intensité, localisation, type)
émotionnelle (anxiété, instabilité due
à la douleur), cognitive (dédramatisation, recherche et assouplissement des
pensées dysfonctionnelles autour de
la douleur) et comportementale (comportement lié à la douleur et plainte
douloureuse).
Son but : augmenter la capacité à
faire face, potentialiser l effet du traitement médicamenteux et réduire la
dépendance aux antalgiques. Elle peut
s appliquer aux douleurs chroniques
(lombalgies, migraines, céphalées de
tension, fibromyalgie, algodystrophie,
membre fantôme) ou aiguës (soins
dentaires, soins aux brûlés, endoscopie digestive, accouchement). Dans
ces dernières, l hypnose conversationnelle (dialogue avec un sujet en état de
transe hypnotique) permet d agir sur
l anticipation anxieuse de la douleur.
La HAS considère désormais l hypnose
comme un des moyens non pharmacologiques en complément des
antalgiques pour prendre en charge
la douleur aiguë en ambulatoire chez
l enfant de 1 mois à 15 ans. Dans son
rapport sur les thérapies complémentaires (mars 2013), l Académie
nationale de médecine souligne son
intérêt pour lutter aussi contre les
effets secondaires des chimiothérapies, ajoutant qu « il est possible que
de nouveaux essais viennent démontrer l utilité de l hypnose dans d autres
indications ».
■
Hypnosédation
Dans l anesthésie, l hypnosédation est
un adjuvant aux techniques d analgésie traditionnelles. Combinant hypnose et sédation intraveineuse, elle est
utilisée lors d interruptions de grossesse, en chirurgie mammaire, dans la
préparation de tout acte médical de
chirurgie mini-invasive ou de radiologie interventionnelle. L objectif est
d amplifier les ressources d anxiolyse
et d analgésie chez les patients.
D après le rapport Inserm 2015,
l utilisation de l hypnose lors d une
intervention chirurgicale ou d un acte
de médecine ou de radiologie interventionnelle permettrait de diminuer
la consommation de sédatifs et/ou
d antalgiques en peropératoire.
■
Autohypnose
Cette technique est enseignée au
patient pour qu il puisse reproduire
des séances d hypnose vécues avec le
thérapeute, renforcer les suggestions
et augmenter son autonomie, en s appropriant son traitement. Elle repose
Contre-indications
et risques
En raison de son caractère
dissociatif, l’hypnose est
contre-indiquée chez
les patients souffrant de
schizophrénie ou d’autres
troubles délirants et chez
la personnalité borderline.
Les effets secondaires graves
seraient relativement rares :
céphalées, somnolence,
vertiges, anxiété.
Les seuls risques (de nature
éthico-juridique) seraient la
manipulation psychologique
et la création de faux souvenirs
(rapport Inserm 2015).
QUALITÉ DES SOINS
➜ L’hypnose thérapeutique est largement employée, son efficacité est validée dans l’anesthésie, la prise en
sur l auto-induction d une transe hypnotique à l aide de techniques simples
(focalisation de l attention, exercices
respiratoires…) en vue d un objectif
thérapeutique. La pratique régulière
est encouragée (un enregistrement
audio peut être remis au patient pour
l aider à pratiquer seul). Une fois maîtrisée, cette méthode permet au patient d atteindre un état d hypnose en
l absence de thérapeute.
Objectifs : soulager une douleur,
détendre, prolonger les effets obtenus par hétérohypnose. Elle peut être
enseignée lors d une préparation à
l accouchement, afin que la femme
puisse y avoir recours le moment
venu. ●
Pour en savoir plus
– Benhaiem JM. L’hypnose qui soigne. Paris:
Josette Lyon; 2005.
– Anaes. Évaluation et stratégies de prise en
charge de la douleur aiguë en ambulatoire chez
l’enfant de 1 mois à 15 ans. Mars 2000.
– Inserm U1178. Évaluation de l’efficacité de la
pratique de l’hypnose. Expertise scientifique
réalisée à la demande du ministère de la Santé
(Direction générale de la santé). Juin 2015.
L auteur déclare avoir été pris en charge
lors de congrès par Lundbeck.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!608!_MG966_JNMG_QDS_Radtchenko.indd 609
22/09/2016 17:00
610
D ÉJ E U N E R - D É B A T
Patients en difficultés financières :
quels conseils nutritionnels ?
une population très hétérogène qui est concernée : « grands
précaires » mais aussi travailleurs « pauvres », personnes âgées,
femmes isolées avec enfants, jeunes seuls sans emploi, personnes défavorisées. Leur identification est souvent difficile,
d autant qu ils souffrent volontiers d un sentiment de honte, de
culpabilité, d inutilité, voire de désespérance, qui sont des freins
à l expression de leurs difficultés.
Christine Kavan
Diététicienne, unité transversale pour l’éducation du patient,
CHRU, 25030 Besançon Cedex.
Contours de la précarité
Au-delà des cas d extrême exclusion, souvent très médiatisés,
des millions de personnes vivent dans un état d instabilité
sociale, qu un événement critique peut faire basculer dans la
précarité. Le Haut Conseil de la santé publique estimait déjà en
1998 que le phénomène de précarisation, au sens de l absence
d une ou plusieurs sécurités, touchait 20 à 25 % de la population
totale vivant en France, soit 12 à 15 millions de personnes !
Depuis, les nombreuses mutations socio-économiques auxquelles notre pays a dû faire face ont encore accentué la progression des situations de vulnérabilité.
Il existe une relation linéaire entre position socio-économique et état de santé et on constate que cette population
faiblesse des ressources (minima sociaux), contraintes budgétaires liées à un départ en retraite ou un (sur)endettement, irrégularité des ressources (due à une précarité du travail, un handicap, une maladie, des bouleversements familiaux), inadaptation
du logement, difficultés liées à un bas niveau d étude ou de formation, problèmes associés au statut de migrant. C est donc
Que faire en consultation ?
La précarité économique recouvre des aspects multiples :
est la plus exposée à certaines pathologies chroniques ‒ obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, HTA, ostéoporose, mauvaise santé bucco-dentaire et certains cancers ‒
dont la nutrition est un déterminant majeur. Les difficultés
économiques génèrent des obstacles multiples à l application
des recommandations alimentaires mais aussi à l accès aux
soins et/ou au suivi d un traitement, compromettant l efficacité de la prise en charge globale de ces personnes.
Malgré le temps contraint de la visite en médecine générale et
la complexité des situations, 2 actions semblent compatibles
avec la réalité du terrain : celles de repérer et d orienter.
Le cadre de la consultation et de l’entretien est primordial
VULNÉRABILITÉ
PAUVRETÉ
PRÉCARITÉ
Situation de manque
économique, matériel,
social et affectif
Notion de durabilité
Absence de 1 ou
plusieurs sécurité(s)
Instabilité (revenus, travail
logement, équipement)
État mesurable
Seuil de pauvreté
– 977 €/mois/pers. seule
– 1 466 €/mois/couple
+ 1 enfant
– 2 052 €/mois/couple
+ 2 enfants
7 minima sociaux dont
RSA (492 €/mois/pers.)
Subjective, peu
quantifiable
Ne recouvre pas
forcément une réalité
économique
Réversibilité
– perte d’emploi (30 %)
– séparation (28 %)
– maladie (16 %)
Sentiment
d’incertitude
du lendemain
Souffrance au
travail
Peur de perdre
son emploi
État anxieux,
dépressif
Isolement
GRANDE PAUVRETÉ
Difficultés financières
État transitoire
d’insécurité dont
l’insécurité alimentaire
Statut éphémère
qui peut basculer
à tout moment
≈ 10 % population
Potentiellement
nombreux
EXCLUSION
8,8 M = 14 % population*
Bien identifié
État potentiel
de fragilité
Subjectif +++
Identification plus difficile
Fig. 1 ‒ Identifier les situations à risque (* source Insee 2011).
car les patients vulnérables requièrent une
écoute particulière, un respect, une mise en
confiance en toute confidentialité pour pouvoir se livrer.
Chaque médecin, en fonction de son lieu
d exercice, de sa patientèle, peut, petit à petit,
construire sa grille de lecture avec ses propres
repères de vigilance. Parmi les outils disponibles, un indicateur de perception de l insécurité alimentaire peut aider à mesurer l impact
des contraintes économiques sur la nutrition
(en termes de difficultés d accès aux aliments
et de sentiment de privations).
Il s agit d une simple question, à poser avec
bienveillance : « Parmi les quatre situations
suivantes, quelle est celle qui correspond le
mieux à la situation actuelle de votre foyer ? » :
‒ vous pouvez manger tous les aliments que
vous souhaitez ;
‒ vous avez assez à manger mais pas tous les
aliments que vous souhaiteriez ;
‒ il vous arrive parfois de ne pas avoir assez à
manger ;
‒ il vous arrive souvent de ne pas avoir assez à
manger.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!610!_MG966_JNMG DD kavan.indd 610
22/09/2016 17:01
CERI N
Notion d’insécurité alimentaire
➔ « C’est un indicateur subjectif qui correspond
à une situation dans laquelle des personnes n’ont
pas accès à une alimentation sûre et nutritive en
quantité suffisante, qui satisfasse leurs besoins
nutritionnels et leurs préférences alimentaires
pour leur permettre de mener une vie active et
saine. » (Conseil national de l’alimentation ; avis
n° 72, en date du 22 mars 2012).
➔ En France, l’enquête INCA 2 (2006-2007) montre
que 12 % de la population, soit plus d’un adulte
sur dix, est concerné par cette insécurité pour des
raisons financières.
Une réponse positive à l un des trois derniers points, pour des
raisons financières, fait considérer la personne comme étant
en insécurité alimentaire.
On peut ensuite orienter le patient vers d’autres professionnels ou structures pouvant lui venir en aide sur le plan
médico-social. Cela nécessite une bonne connaissance des ressources à disposition : soignants médicaux et paramédicaux,
réseaux, centre communal d action sociale, structures d aide
alimentaire … Sur le terrain, on constate que la parole du
médecin est d or et permet très souvent aux patients de franchir le pas vers d autres professionnels et d accepter une aide.
Comment se nourrir avec un petit
budget ?
Mais il ne faut pas oublier que ce que nous mettons dans
nos assiettes n est pas que le fruit d un calcul théorique entre
nos besoins nutritionnels et nos connaissances sur l équilibre
alimentaire. Le comportement vis-à-vis des aliments est au carrefour de l affectif, du culturel et du social. Les représentations y
jouent un rôle important. Par exemple, pour les populations
aisées, une « bonne » alimentation est synonyme de « saine »,
les légumes et les fruits sont alors valorisés étant par définition
les archétypes de l aliment sain, permettant d agir en prévention sur le long terme. « Bien manger » c est donc manger de
tout, en lien avec plaisir, santé et ligne. Pour les populations
plus modestes, c est en revanche manger des aliments « bons
au goût », en quantité, et pouvoir accéder à un grand choix de
produits. Les légumes et fruits sont considérés comme « des
aliments fades, qui ne nourrissent pas et ne tiennent pas au
corps » et leur symbolique ascétique agit plutôt comme un
frein à leur consommation ; les recommandations du PNNS
sont alors plus acceptables dans une optique curative.
Plusieurs études ont mis en évidence 2 caractéristiques
générales des foyers à revenus modestes :
‒ une alimentation globalement moins diversifiée, avec une
plus faible consommation de produits frais, fruits et légumes,
poissons, laitages ;
‒ une surconsommation d aliments gras/salés (pizzas, feuilletés, friands, panés, hamburgers, chips … ) et gras/sucrés
(gâteaux, viennoiseries, barres chocolatées…).
Ces comportements résultent d une forte contrainte budgétaire, le paradoxe étant que plus un aliment a une bonne
qualité nutritionnelle, moins il est calorique et plus il est cher.
Ils trouvent aussi leurs sources dans d autres facteurs : déterminants psycho-sociaux, privations imposées dans un monde
d abondance, forte influence de la publicité sur les choix alimentaires, priorités en fonction des revenus et des dépenses,
difficultés à se projeter vers l avenir.
Leviers de gestion de la contrainte
alimentaire
Des leviers sont possibles au niveau de l approvisionnement,
de la préparation et du stockage alimentaire mais aussi de la
gestion des postes de dépenses hors alimentation, en agissant
notamment sur :
‒ le choix des enseignes ;
‒ et des produits : nette supériorité de 4 aliments en raison de
leur densité énergétique, nutritionnelle et de leur prix : lait,
œufs, légumes secs, céréales complètes ;
‒ la planification des menus et d une liste de course ;
‒ le recours éventuel à l aide alimentaire.
Il s agit d outils qui ne doivent pas se substituer à la démarche
de soin et à la relation soignant-soigné : en effet, il faut à chaque
fois partir du patient, de son contexte, son environnement, ses
habitudes, de la perception de ses difficultés, de ses ressources
et aspirations pour convenir avec lui de ce qui est prioritaire à
l instant T et construire ensemble une réponse adaptée.
Une multitude de documents/outils sont disponibles sur :
www.alimentationetprecarité.fr (identifiant : profdesante ; mot
de passe : précarité). 
Ce qu’il faut retenir
✓ Il n’y a pas de solution miracle, ni universelle.
✓ La complexité des situations nécessite des réponses au cas par cas, toujours individuelles.
✓ Approcher l’alimentation dans sa globalité, d’une
manière positive et non stigmatisante, prenant en
compte les aspects sociaux, affectifs, psychologiques, identitaires, ceux liés à l’environnement,
aux ressources.
✓ Mettre en exergue les savoirs et les expériences
de vie de chaque personne en valorisant et en
mobilisant les savoir-faire existants, en donnant
envie d’en acquérir de nouveaux et en apportant
si besoin des connaissances permettant de faire
des choix « plus éclairés ».
L auteur déclare avoir été prise en charge lors de congrès par le Cerin..
Si en théorie il est possible de manger « équilibré », en respectant les repères de consommation du Programme National Nutrition Santé, pour 4,5 à 5€ par jour et par personne, cela
nécessite d une part de disposer de ce budget, soit a minima
environ 150 € par mois et par personne (et de nombreux individus ne l ont pas), et d autre part, de modifier ses habitudes
alimentaires, de renoncer à certains « aliments plaisir » et de
développer de multiples compétences ; le tout, de façon
durable.
611
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!610!_MG966_JNMG DD kavan.indd 611
22/09/2016 17:01
612
P ETIT-DÉJEUNER
P U RE SS E N T I E L
Pourquoi devient-on médecin
aromathérapeute ?
Franck Gigon
Michel Le Faou
Il y a encore 20 ans, je n aurais jamais imaginé employer l aromathérapie au cabinet.
C est en échangeant avec quelques-uns de mes confrères
pratiquant cet « art » auréolé de succès que je fus piqué au vif
dans mon rôle de thérapeute. Conscient
que les études médicales faisaient l impasse totale sur les plantes médicinales, je
décidai de m inscrire au diplôme universitaire de phyto-aromathérapie de la faculté
de médecine de Paris-13 pour tenter de
démêler le fantasme de la réalité. Pendant
les 3 ans de formation en compagnie de
pharmaciens et d autres confrères médecins, je compris progressivement qu une phytothérapie
« moderne » était bien née depuis 2 décennies, à l ombre de la
médecine conventionnelle.
Formé classiquement par la faculté comme tout médecin, je
fus un médecin allopathe « pur » pendant de nombreuses
années.
À la suite d’un grave problème de santé et des effets secondaires d un traitement lourd, mon quotidien est devenu très
difficile, et la pratique du sport impossible alors que j étais très
sportif.
Le hasard a fait que je rencontre un pharmacien qui m a
conseillé un traitement à base d huiles essentielles, sous
forme de capsules par voie orale, qui m a aidé à retrouver une
vie pratiquement normale. J ai repris le sport. C était en
1989…
médecin généraliste, 94210 La Varenne Saint-Hilaire.
médecin du sport, ostéopathe, 75016 Paris.
J’ai alors voulu en savoir plus sur les
huiles essentielles et me suis intéressé à
d autres « traitements naturels ». Depuis
j associe dans ma pratique médicale ce que
j ai étudié à la faculté et ce que j ai appris en
dehors. Aujourd hui, on appelle cette
approche « médecine intégrative ».
Les auteurs déclarent avoir des liens durables ou permanents avec Puressentiel.
C’est à ce moment que je découvris avec bonheur la pharmacognosie ‒ discipline si chère aux pharmaciens ‒ consis-
tant à étudier les substances d origine biologique (issues
d animaux, végétaux, champignons) à potentialité thérapeutique. Ce domaine inconnu des médecins venait corroborer,
grâce à l étude biochimique précise des principes actifs des
plantes, les propriétés revendiquées par la tradition et un
empirisme parfois millénaire.
Conforté par cette assise scientifique et une bibliographie
grandissante sur le sujet, je passai alors à la pratique. Mon
cercle familial proche et moi-même furent les premiers
« cobayes ». Ensuite, j ai commencé à en faire bénéficier mes
patients avec tact et mesure.
J’ai maintenant complètement intégré la phytothérapie en
tant que solution complémentaire à la médecine conventionnelle. Mais c est surtout l aromathérapie ‒ l utilisation des
huiles essentielles à visée de soins ‒ qui m a particulièrement
convaincu, et notamment dans la prise en charge des pathologies infectieuses communes : viroses saisonnières, syndromes
grippaux, refroidissements... Autant de situations fréquentes
où j ai pu constater que l usage contrôlé des huiles essentielles
permet d obtenir rapidement une réduction de la sévérité et
de la durée des symptômes de façon quasi systématique.
Résultats associés : très peu de prescriptions d antibiotiques
en 20 ans de pratique médicale !
Ma palette thérapeutique me permet de
choisir, en fonction du patient, la technique et/ou la solution la mieux adaptée parmi la médecine
du sport, l ostéopathie, la médecine chinoise, l oligothérapie,
l électrothérapie et tout particulièrement l aromathérapie. Je
peux constater tous les jours que cette dernière aide à soulager les patients, notamment ceux souffrant de douleurs de
l appareil locomoteur. Je l utilise également au cours de mes
consultations lors de certaines manipulations, et j affine ma
pratique en fonction des retours positifs de sujets ayant utilisé des produits prêts à l emploi à base d huiles essentielles
que je leur prescris. 
Menthe poivrée
Gaulthérie
Si j’avais un humble avis à transmettre à mes confrères
en activité, ce serait « Prenez le temps de vous intéresser à
l aromathérapie, car, d une part, vos patients le font déjà..., et
d autre part, c est certainement une des thérapies complémentaires les plus efficaces à notre disposition ayant un
excellent rapport bénéfice/risque. » C est d ailleurs pourquoi
je l ai enseignée pendant 10 ans à la faculté de médecine de
Bobigny dans le cadre du DU de phyto-aromathérapie 
Niaouli
Eucalyptus
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 30 l N° 966 l SEPTEMBRE 2016
!612!_MG966_JNMG Puressentiel.indd 612
22/09/2016 17:01
613
René, 67 ans, alcoolique et
fumeur, souffrant de BPCO,
consulte pour une gêne
au niveau de la langue.
L’examen montre une lésion
bourgeonnante de couleur
rouge vif.
à Diagnostic
Pierre Frances,
médecin généraliste,
66650 Banyuls-sur-Mer.
[email protected]
Davy Mampouya,
interne en médecine générale,
34000 Montpellier.
Clémence Maito,
externe, 34000 Montpellier.
Fiona Bernard, externe,
34000 Montpellier.
ARRÊT SUR IMAGE
Alcool et tabac : quels dégâts !
CARCINOME ÉPIDERMOÏDE DE LA LANGUE
Les cancers de la langue mobile représentent environ un tiers de ceux
de la cavité buccale. Dans 95 % des cas, il s’agit d’un carcinome épidermoïde.
Le bord de la langue est le plus souvent atteint, plus rarement la face inférieure
ou dorsale (3-5 %).
Les deux facteurs favorisants les mieux connus sont le tabac et l’alcool.
Les traumatismes itératifs (irritation prolongée par une prothèse mal adaptée,
mauvaise hygiène bucco-dentaire) et l’infection par HPV ont également
été incriminés.
Dans la majorité des cas, la lésion est asymptomatique, notamment au stade
initial. Le patient peut éprouver des paresthésies linguales, un trouble moteur,
une douleur accrue par l’absorption de certains aliments.
L’exploration comprend un examen de l’état dentaire, une biopsie pour analyse
anatomopathologique, un scanner cervico-facial. Le bilan d’extension recherche
d’éventuelles métastases et surtout un cancer synchrone, ORL, ou du poumon.
Le traitement repose avant tout sur l’exérèse chirurgicale complète, associée
le plus souvent à une radiothérapie. Le risque de rechutes est important, et le
pronostic assez sombre (survie nette à 5 ans de 44 % et de 24 % à 10 ans). l
Pour en savoir plus
– Legre M, Ménard M, Maurice D, et al. Tumeurs de la cavité buccale. Rev Prat Med Gen 2015;29:671-4.
SPÉCIAL JNMG - LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE I TOME 30 I N° 966 I SEPTEMBRE 2016
!613!_MG966_ASI_frances1.indd 613
22/09/2016 17:02
2016
PROGRAMME
Journées Nationales de Médecine Générale
Espace Grande Arche
Jeudi 29
29 septembre
& 30 septembre 2016
8h-9h
Accueil
9 h - 10 h
Plénière - Comment gérer le refus vaccinal ? Emmanuel Grimprel, Sydney Sebban
10 h - 10 h 15
Pause
Fin de vie : que dit la nouvelle loi Claeys-Leonetti ? Alain Claeys, Anne de la Tour, Olivier Mermet
SESSIONS
Autonomie du sujet âgé : comment l’évaluer ? Bernard Gavid, Marc Paccalin
Suspicion d’allergie alimentaire de l’enfant : que faire ? Madeleine Epstein, Sydney Sebban
10 h 15 - 11 h 45
COMPLET
Troubles bipolaires : repérer et protéger. Marine Delavest
Nos amies les bactéries… intestinales. Gabriel Perlemuter - Animaux de compagnie : quels risques ? Béatrice Quinet
Promenade dermatologique. Psoriasis, une maladie multiforme. Dan Baruch, Estelle Hau
11 h 45 - 12 h 15
Pause
DÉJEUNERSDÉBATS
CERIN - Conseils nutritionnels aux BMS - Immuno-oncologie : nouvelles perspectives dans MYLAN - Observance : les atouts
de l’interprofessionnalité.
patients en difficultés financières. le traitement du cancer bronchique. Stéphane Champiat,
12 h 15 - 13 h 45
Christine Kavan
13 h 45 - 14 h
SESSIONS
PARTENAIRES
14 h - 15 h
Christos Chouaid, Valérie Gounant, Crystèle Trezières
Amine Benyamina
Pause
MYLAN MEDICAL - Comment
la santé SERVIER - Quels enjeux pour vos patients
15 minutes
pour convaincre
! Découvrez
15 minutes
pour convaincre
!
MYLANintégrer
MEDICAL
connectée
votrelapratique.
Lionel Reichardt
les
opportunités
des
conseils
généraux.
Découvrez
les
opportunités
des
conseils
généraux.
Commentdans
intégrer
santé connectée
dans votre
pratique.
hypertendus aujourd’hui et demain ?
Jacques Blacher, Jean-Jacques
Mouradde laConseil
Remise
des prix- DOC’eAWARDS
la Sarthe,
Conseil de l’Yonne
Lionel
Reichardt
Remise des prix DOC’eAWARDS
Conseil
Sarthe,de
Conseil
de l’Yonne
15 h - 15 h 15
SESSIONS
Pause
Toux chronique de l’enfant : comment s’orienter ? Martine François, Stéphanie Wanin
Bien prescrire chez l’insuffisant rénal. Blandine Aloy, Vincent Launay-Vacher
15 h 15 - 16 h 45
DMLA en pratique. Rééducation de basse vision. Elodie Bousquet
Maladie de Parkinson : le rôle du médecin généraliste. Jean-Philippe Brandel, Gilles Fénelon
Mesure du risque cardiovasculaire : comment procéder ? David Rosenbaum, Philippe Zerr
Prendre en charge la fibrillation auriculaire. Eloi Marijon
16 h 45 -17 h
Pause
ATELIERS
PRATIQUES
Examiner les tympans. Marion Blanchard, Elisabeth Mamelle
COMPLET
Dépistage des déficits sensoriels du petit enfant. Christian Plassart, Marie-Renée Toulet - MG FORM
17 h - 18 h 30
Gérer l’incertitude diagnostique en médecine générale. Julie Chouilly, Damien Jouteau - SFMG
Dépistage des troubles rachidiens de l’enfant. Brice Ilharreborde, Sydney Sebban
Examen du genou : quels tests ? Emmanuel Couzi, Thomas Huet, Agnès Portier
Inscriptions sur www.jnmg.fr
PRO-JNMG-2016-HD21-09.indd 2
COMPLET
* La Revue du Praticien,
La Revue du Praticien-Médecine Générale,
Le Concours Médical, Egora
21/09/2016 14:48
29 & 30
Gratuit pour les abonnés à nos revues*
septembre 2016
Participation au congrès : 100 €
Espace Grande Arche Paris La Défense
Participation au congrès + votre abonnement de 1 an
à La Revue du Praticien-Médecine Générale : 110 €
Vendredi 30 septembre
Accueil
8 h - 9 h
PURESSENTIEL
Aromathérapie au cabinet médical : partage d’expériences
PETITS
DÉJEUNERS
9 h - 10 h
Franck Gigon, Michel Le Faou
10 h - 10 h 30
LILLY
Dysfonction érectile : en parler en toute simplicité pour
une meilleure prise en charge. David Costa, Catherine Solano
Pause
SESSIONS
Burn out : comprendre et agir. Marie Pezé
Hypnose : quelles applications médicales ? Jean Marc Benhaiem, Pascale Chami
Contrôle de l’asthme : c’est possible ! Camille Taillé
10 h 30 - 12 h
Diabète : que disent les recommandations ? Guillaume Charpentier
COMPLET
Grossesse et HTA : qui fait quoi ? Edouard Lecarpentier, Camille Le Ray, Geneviève Plu-Bureau, Jeanne Sibiude
Promenade dermatologique. Pathologies des muqueuses buccales. Amélie Aim-Eusebi, Estelle Hau
12 h - 12 h30
DÉJEUNERSDÉBATS
12 h 30 - 14 h
Pause
BIOGARAN
COMPLET
MONDOCTEUR
MSD
LDL cholestérol chez le patient à haut risque : discussion autour Mieux observer vos patients pour une Cabinet médical connecté :
quels avantages ?
de cas cliniques. Denis Angoulvant, Luc Martinez, Pierre Sabouret meilleure observance. Jean-Luc Kastner
14 h - 14 h 30
SESSIONS
Pause
Benzodiazépines : prescrire ou proscrire ? Bernard Gavid, Fréderic Slama
Cet enfant parle mal, lit mal : que faire ? Catherine Billard, Monique Touzin
14 h 30 - 16 h
Cancer du sein : encourager au dépistage ? Corinne Balleyguier, Chafika Mazouni
Contraception : quoi de neuf ? Lorraine Maitrot-Mantelet, Geneviève Plu-Bureau, Brigitte Raccah-Tebeka
Promenade dermatologique. Pathologies des muqueuses génitales. Béatrice Crickx, André Nguyen Van Nhieu
ATELIER
PRATIQUE
Réaliser et interpréter un frottis cervico-vaginal. Sabrina Da Costa, Justine Hugon-Rodin, Emilie Lebreton, Pauline Sarfati
16 h - 16 h 30
Pause
ATELIERS
PRATIQUES
Examiner un vertigineux en dix points. Didier Bouccara
COMPLET
Traumatismes de la main et du poignet : quand et comment immobiliser ? Sylvie Gillier Poirier - SFDRMG
16 h 30 - 18 h
Poser et surveiller DIU et implants contraceptifs. Sabrina Da Costa, Justine Hugon-Rodin, Emilie Lebreton, Pauline Sarfati
Leucorrhées, saignement génital, vulvite de la petite fille. Dominique Leroyer, Delphine Zenaty
Qu’apporte la méthode Balint ? SMB
Diabète de type 2 : la première consultation est cruciale. Claude Mahé, Raoul Duhirel – CHEM
15e édition
PRO-JNMG-2016-HD20-09.indd 3
Organisées par
20/09/2016 14:45
L’observance avec
Une expérience
inédite
pour mieux appréhender la problématique
l’observance, l’importance de
l’interprofessionnalité et découvrir
les solutions proposées par Mylan
de
Une pièce de théâtre
L’observant imaginaire
mettant en scène
votre quotidien
Un débat animé
par des experts
Dijon
le 29/09
15 RÉUNIONS
INTERPROFESSIONNELLES
RÉSERVÉES AUX MÉDECINS
Tours
le 09/06
ET PHARMACIENS
Clermont-Ferrand
le 13/10
Lyon
le 28/04
Bordeaux
le 15/09
Toulouse
le 22/09
Mylan SAS
117, allée des Parcs
F-69792 Saint-Priest Cedex
RCS Lyon n°399 295 385
Montpellier
le 23/06
Nice
le 28/06
Marseille
les 22/03 et 18/10
POUR TOUTE INFORMATION,
CONTACTEZ VOTRE
DÉLÉGUÉ MYLAN
Nantes
le 26/05
Strasbourg
le 02/06
Rennes
le 06/10
* voir c’est croire
Paris
le 12/05
- AP IP Meeting 2016 – 001
Lille
le 19/05
Téléchargement