Contribution à l’histoire industrielle des polymères en France par Jean-Marie Michel
Contribution à l’histoire industrielle des polymères en France
celles qui traversent la membrane, les "cristalloïdes" et celles qui ne la traversent pas : les "colloïdes".
Pour Graham, le comportement des colloïdes est la conséquence de leur constitution moléculaire
intime. Et il suggère que cette dernière est apportée par un degré de constitution "polymérique". Il faut
entendre ici la notion de substance polymérique dans le sens où l'avait définit Berzelius, en 1832,
corps de mêmes compositions chimiques mais de masses molaires différentes, donc multiples (comme
par exemple C2H2 et C4H4). Il s'agit là d'une définition qualitative qui n'implique pas une masse
molaire élevée. Après Berzelius, plus tard, Berthelot utilisera la terminologie "transformation
polymérique" pour désigner le passage du styrolène à son polymèreiv, également sans connotation
relative à la masse molaire.
La classification de Graham est très fragile et discutablev mais elle est à la base d'une nouvelle
chimie distincte de la chimie organique classique, la chimie des colloïdes, qui, quelques décades plus
tard, prendra une place importante sous l'impulsion dynamique de W.O. et W.I. Ostwald père et fils :
"Tous ces produits collants, mucilagineux, résineux, goudronneux qui refusent de cristalliser et qui
sont l'abomination du chimiste organicien normal, ces substances qui sont soigneusement mises de
coté, au fond de l'armoire et étiquetées "inutilisables", sont justement celles qui font les délices du
chimiste des colloïdes"
Furukawwa cite aussi ces deux extraits très intéressants de l'ouvrage de Wolfgang Ostwald
- « C'est un fait que les colloïdes constituent la plus universelle et la plus commune qui soit de
toutes les choses que nous connaissons. Nous avons seulement besoin de regarder le ciel, la terre, ou
nous-mêmes pour découvrir des colloïdes ou des substances voisines qui leurs sont associées .Nous
commençons la journée en faisant appel aux colloïdes, pour se laver, et nous la terminons au coucher
en buvant une tasse de colloïde, thé ou café".
- La physique jusque récemment s'est occupée principalement des propriétés massiques de la
matière ; la chimie de son côté, s'est consacrée principalement à l'étude des plus petites particules que
sont l'atome et la molécule. Relativement, nous avons une bonne connaissance des propriétés
macroscopiques et nous avons une certaine connaissance également des propriétés des atomes et des
molécules. C'est pourquoi nous avons été conduits à regarder toutes les choses autour de nous soit du
point de vue de la physique théorique, soit de celui de la théorie moléculaire ou atomique. Nous avons
complètement laissé échapper le fait que, entre la matière sous forme de masse et la matière sous
forme de molécules, il existe un royaume dans lequel un monde entier de phénomènes remarquables
se produisent, qui ne sont gouvernés ni par les lois contrôlant le comportement de la matière en
masse ni par celles gouvernant des systèmes de dimensions moléculaires. Nous commençons, depuis
peu, à apprendre que chaque structure apporte des propriétés spéciales et un comportement spécial
quand ses particules sont si petites qu'elles ne peuvent être reconnues microscopiquement tandis
qu'elles sont trop grandes pour être appelées molécules. C'est maintenant que nous comprenons le
sens de domaine des dimensions colloïdales, le monde des dimensions négligées»vi.
Cette nouvelle discipline s'élabore progressivement en s'appuyant sur des outils analytiques
adaptés, spécifiques, bien différents du bloc Maquenne des organiciens : dialyse, électrophorèse,
énergies de surface, viscosité. Elle s'impose comme une chimie à part entière, à l'égal de la chimie
organique. Son mérite est de couvrir une masse de phénomènes considérable: "Le cristalloïde est
l'exception, le colloïde, la règle, dans l'univers. Que nous soyons concernés par les régions au-dessus
de la terre, comme la couleur du ciel, la formation des brouillards, la précipitation de la pluie et de la
neige, ou par la terre elle-même dans ses courants boueux, ses minéraux et ses sols, ou avec les
matériaux fondus qui se trouvent sous la terre, les problèmes de la chimie des colloïdes sont plus
évidents que n'ont jamais été ceux des cristalloïdes"vii.
Pour Ostwald, les solutions colloïdales ne sont pas de vraies solutions où les molécules sont
dispersées mais une suspension de particules, un système biphasique. Cette théorie des colloïdes
n'apporte rien quant à la connaissance de la structure moléculaire des dits-colloïdes. Elle est muette sur
la nature moléculaire de certains d'entre eux: la cellulose, le caoutchouc, l'amidon, la gélatine.