I C/ LA RECONQUETE DES POUVOIRS quelques pistes de réflexions et généralités pour compléter ce que vous trouverez dans les manuels de Terminale. 1/ sous la IV e République - la droite bénéficie de la difficulté pour la classe politique de constituer des majorités parlementaires durables. Après le basculement du PCF dans l’opposition, en 1947, puis la défection des socialistes, à plusieurs reprises, après 1951, en opposition avec d’autres partenaires politique, la droite participe à des gouvernements, et au sein de coalitions , parvient à faire adopter certains de ces points de vue : protection de l’école privée, en 1951, gouvernement Pinay… - Elle s'exprime aussi à l'extrême droite : voir l’expérience Poujadiste. 2/ sous la Ve Ré publique -La droite gouverne la France, sans interruption pendant 23 ans ; si les Gaullistes de l'UNR puis de l'UDR partagent le pouvoir avec les libéraux ( RI), ils sont la composante majoritaire de la droite parlementaire, ralliant à eux des nationalistes proches de l'extrême droite. Le nouveau régime est centré sur la personnalité de De Gaulle : la droite lui est soumise, ne s'opposant à lui qu'une fois, en 1962, au moment de la décision d'élire le Pt au SU. En général elle est atone, et les débats au Parlement sont souvent de pure forme. Les Français sont reconnaissants à De Gaulle d'avoir mis fin à la guerre d'Algérie, mais aussi à l'instabilité ministérielle de la IV e République ; ils interprètent l'élection du Président au suffrage universel et les referendum comme des progrès de la démocratisation ; la popularité de De Gaulle rejaillit sur la droite qui bénéficie d’un contexte économique très favorabl, et qui, par une politique étrangère nationaliste, et des progrès technologiques ( Bombe nucléaire, avion « Concorde ») donne l'impression que le pays est redevenu une puissance. Il est intéressant de noter qu'en 1968, alors que de Gaulle et la droite ont été mis en cause par les événements de Mai, les élections de Juin, donnent à l'Assemblée Nationale, une majorité écrasante de Gaullistes : vote de la peur et de soutien de ceux qui n'ont pas participé aux événements, se sont inquiétés du désordre et des risques pour la stabilité économique, politique, et sociale du pays. - Le départ de De Gaulle en 1969, sa mort en 1970, et la crise économique qui débute en 1973, provoquent le déclin des Gaullistes, critiqués par les libéraux pour leur conservatisme, et dans l'incapacité de juguler la crise économique et sociale. Lorsque François Mitterrand et la gauche arrivent au pouvoir en 1981, la droite apparaît divisée ( l'opposition de Jacques Chirac et du RPR gaulliste à VGE est l'une des raisons de son échec aux élections), politiquement et face à la crise : la droite ne parvient pas à trancher entre la voie libérale ou keynésienne, elle n'a d'ailleurs pas le soutien d'une majorité des Français pour se lancer, comme la GB dans une politique néolibérale ; sur le plan politique, le choix de la répression, en 1979-81 face aux contestations des jeunes et des ouvriers illustre une droite en panne. IIC/ 2/ la droite depuis 2007 -Nicolas Sarkosy est l'héritier direct de cette évolution. Mais il va aller plus loin dans cette nouvelle mue de la droite : on peut le voir dans la nouvelle appellation de l'UMP, Union pour un Mouvement Populaire. Elle marque le souci de la droite de ne pas se couper de classes populaires et moyennes qui ont été bousculées par les réformes libérales et notamment celle des retraites en 2003. La droite va profiter du désarroi idéologique de la gauche pour conquérir un électorat qui ne lui est pas forcément favorable ; en même temps elle veut aussi reprendre à l'extrême droite, des électeurs qui se sentent depuis longtemps abandonnés par la classe politique. D'où une campagne électorale très habile du candidat Sarkosy, qui veut être « le président du pouvoir d'achat », candidat de la modernité capitaliste qui ira « chercher la croissance avec les dents », le protecteur des Français, face à ce qui est alors présenté comme un faisceau de menaces : immigration, terrorisme, délinquance des jeunes, le tout au nom de valeurs qui font de lui un homme de gauche et de droite. En remportant l'élection de 2007, en permettant à l'UMP d'obtenir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale quelques semaines plus tard, Nicolas Sarkosy a réduit les autres composantes de la droite : l'extrême droite du FN, et les centristes de l'UDF ( puis du Modem), qui rejoignent la majorité mais en étant critiques sur le radicalisme néo-libéral et sécuritaire de l'UMP. Plus de 4 ans après, l'UMP est au plus bas dans les sondages, la droite vient de perdre la majorité au Sénat, pour la première fois depuis 1958, elle a aussi connu des défaites électorales historiques dans les élections municipales, cantonales, et régionales, de ces dernières années. Enfin, la famille de droite apparaît une nouvelle fois très divisée : l'extrême droite du FN et les centristes ont récupéré une partie importante d'un électorat déçu et en colère. Les raisons d'une telle désaffection peuvent s'expliquer de multiples manières : crise économique et sociale majeure qui, en France comme ailleurs, a poussé tous les gouvernements à naviguer à vue, renoncer à des parties entières de leurs programmes politiques, donner l'impression de ne plus du tout maîtriser la situation ; inégalités sociales et peur croissant d'un déclassement des classes moyennes, ressenties comme autant d'injustices ; choix idéologiques favorables aux catégories les plus aisées de la population, ce qui est mal vécue en temps de crise notamment ; démantèlement des services publics lorsque l'augmentation des difficultés sociales aboutit à une demande de plus de protection de la part de beaucoup de Français ; défiance profonde vis à vis des marchés financiers, et des grandes entreprises auxquels la droite au pouvoir est liée étroitement ; choix de Nicolas Sarkosy d'être un hyperprésident, au risque de s'exposer face aux faibles résultats de sa politique ; multiplication de scandales éclaboussant l'entourage du Président. Tout cela est-il de nature à mettre en cause les idées de Simone ou de Brustier et Huelin sur la triomphe durable de la droite nouvelle ? Il est trop tôt pour le dire. Mais, d'une part, il ne semble pas que la gauche, à court terme, soit en mesure de construire une alternative idéologique à la droite. Les avant programmes des deux principaux candidats socialistes, par exemple, montrent une grande prudence face à la crise économique, ils raisonnent sur ce plan en libéraux, bref sont encore dans la logique de droitisation du paysage politique, commencé il y a trente ans. D'autre part, il apparaît que l'un des enjeux majeurs pour la droite va se jouer à l'extrême droite. Une partie de plus en plus importante de l'UMP, qui forme le courant de la Droite Populaire, cherche un rapprochement avec le FN, dont les idées sont proches sur les thèmes de l'immigration, de la sécurité, de l'Europe, par exemple. Cette évolution possible confirmerait alors les thèses de Simone et Brustier qui voient dans la droite nouvelle une synthèse entre le néolibéralisme, le nationalisme, et le populisme d'extrême droite. Si l'on se rappelle que l'histoire des droites est celle de mues successives et plus rapides qu'à gauche, pour s'adapter à l'évolution des sociétés, on peut dire que la droite tirerait là partie d'une évolution à laquelle on assiste dans les sociétés occidentales, en Europe et aux Etats-Unis : la tentation d'un vote de la peur ( du déclassement, de l'étranger, de la décadence..;) nourri par un repli sur d'anciennes valeurs. Mais des gouvernants élus sur ces thèmes auraient la redoutable tâche de concilier ce conservatisme réactionnaire et besoin de sécurité avec la modernité capitaliste. Sans évoquer les tensions possibles dans le corps social, il est possible d'imaginer une solution : cesser de lier le sort des partis politiques aux élections à leurs résultats économiques ; pour cela déconnecter l'économie du champ du politique et des choix des citoyens : cela porte un nom déjà, c'est la gouvernance ; elle instaurerait un régime oligarchique d'experts, d'entrepreneurs, et d'hommes politiques, pour la gestion de l'économie, définie comme a-politique, et conserverait des structures démocratiques pour les autres questions concernant la collectivité. L'introduction d'une règle d'or dans les Constitutions européenne peut-elle être interprétée comme une étape vers cet horizon oligarchique ? Quoiqu'il en soit et pour finir, la droite française en 2011, confrontée à des bouleversements économiques, sociaux, culturels, internationaux, semble retrouver un mode de fonctionnement traditionnel : son éclatement entre trois composantes, hier légitimiste, orléaniste, bonapartiste, aujourd'hui, lepéniste, néo-libérale, libérale ( au sens économique et politique). Gilles Desnots, 12 octobre 2011