Israël, retour sur la naissance et l`expansion d`une start

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Israël, retour sur la naissance
et l’expansion d’une start-up
nation
En vingt-cinq ans, Israël s’est imposé comme la Terre promise
des start-up, un chœur bien réglé entre l’armée, l’université et
les grandes sociétés étrangères, orchestré par un État qui
donne le tempo.
Sur les hauteurs d’Haïfa, le Technion Israel Institue of Technology forme chaque année 2000 ingénieurs de haut
vol qui sont les forces vives de la start-up nation.
© DR
Son père fut l’homme d’État que l’on sait. Chemi Peres, fils de Shimon, construit son
pays à sa façon. Il fut, en 1993, le cofondateur du fonds d’investissement Pitango. Avec
1,8 milliard de dollars sous gestion et des participations dans 210 entreprises
israéliennes, ce dernier dispose d’une vue imprenable sur la nouvelle économie
israélienne. Et quel paysage ! 13 000 entreprises technologiques, 6 000 au stade de
start-up qui bénéficient 6 milliards de dollars de financements par an.
Ni plus ni moins qu’une « seconde Silicon Valley », selon Chemi Peres. « Nous sommes
un petit pays, sans ressources naturelles. Il nous a, dès le début, fallu innover pour
irriguer nos cultures. Innover militairement dans un environnement hostile. Nous
avons aussi dû penser plus loin que nos frontières, parce qu’un pays de 8 millions
d’habitants, isolé, ne constitue pas un marché. » Aujourd’hui, Israël fait figure de
modèle pour la création d’un écosystème high-tech à partir de rien. Celui-ci génère la
moitié des exportations du pays et emploie 10 % des actifs. « Cela a commencé dans les
années 1980, alors que l’économie était exsangue. Désormais, on se bouscule pour
visiter nos accélérateurs et comprendre quelles sont les composantes de notre start-up
nation », résume Chemi Peres. Celle-ci découle du chœur bien réglé de l’armée, de
l’université et des grandes sociétés étrangères, orchestré par un État qui donne le
tempo.
Sous l’aile de l’armée. Un jeudi matin, à Tel Aviv, dans les locaux de la banque
Hapoalim, la plus grande du pays. On s’y presse pour entendre « pitcher » les
fondateurs d’une dizaine de start-up à visée sociale… Et aussi pour les financer. Ici, on
se propose d’aider les insuffisants respiratoires à gérer les pics de pollution grâce au big
data ou d’entraîner des bègues à l’orthophonie grâce à une application. Des entreprises
innovantes issues du programme d’accélération 8 200 Social Program. 8 200 ? L’unité
d’élite de l’armée israélienne, consacrée au renseignement et au décryptage. Elle
parraine ces entreprises, mettant à leur service le savoir-faire des anciens membres de
l’unité, souvent scientifiques de haut vol.
Un symbole de ce que la conscription obligatoire dans une armée de pointe fait émerger
comme talents, les prépare, les formes. Les exemples sont légion. « À 18 ans, les jeunes
israéliens sont exposés à l’armée à l’usage des technologies de pointe, à l’exigence, à la
discipline. Cela leur donne confiance en eux et crée de l’émulation », résume Uzi
Scheffer, qui dirige Sosa, un des accélérateurs les plus en vue de Tel Aviv. Ce service
militaire qui rythme la vie des jeunes israéliens n’est que la trame de ce tissu
entrepreneurial dense. La chaîne, c’est l’université.
La plus prestigieuse est nichée sur les hauteurs d’Haïfa : des dizaines de bâtiments sur
une montagne boisée dominant la Méditerranée. Le Technion abrite 52 centres de
recherche et 14 500 étudiants. Il s’enorgueillit de quatre Prix Nobel. 2000 ingénieurs en
sortent chaque année. « C’est la colonne vertébrale de notre start-up nation. Peu
d’universités dans le monde ont un tel impact sur l’économie d’un pays », se rengorge
Boaz Golani, le porte-parole du Technion. L’originalité de cette université, aux
financements majoritairement publics, est d’avoir cassé la recherche en silo, pour lancer
des programmes ciblés multidisciplinaires. Et de favoriser les transferts de technologie
rapide vers le monde de l’industrie.
Des laboratoires du Technion sont ainsi sortis de longues cohortes d’innovations : la
plupart des puces d’Intel sont nées ici, comme la mémoire flash, les robots chirurgiens
Mazor… Le Technion abrite ses propres accélérateurs, comme Technion Drive, qui
accompagne les étudiants via du mentorat et de l’aide à la levée de fonds et les incite à
utiliser les équipements publics de recherche pour développer leurs compagnies. Ainsi,
dans le laboratoire d’Avi Schröder, professeur d’ingénierie chimique, trois programmes
sont déjà financés par le privé. « Nous voulons le plus vite possible faire sortir la
technologie de la fac pour l’industrialiser. L’université créée l’innovation initiale, le privé
prend le relais. Les fruits de la propriété intellectuelle permettent de nourrir le flux », se
félicite Avi Schröder.
Aimant technologique. Cette ébullition a eu des effets inattendus : attirer en masse
des entreprises étrangères. 80 des 500 entreprises du classement Fortune 500 ont
installé des laboratoires en Israël : Cisco, GE, HP… IBM a ainsi inauguré, à côté du
Technion, son plus grand pôle de recherche après son siège. 400 ingénieurs y
perfectionnent Watson, le logiciel d’intelligence artificielle, un de ses programmes les
plus ambitieux.
Une autre des originalités du modèle israélien est d’avoir un chef d’orchestre pour
orienter l’équivalent des 4,3 % du PIB consacrés à la R&D. Il s’appelle Avi Hasson. Son
titre fait plus rêver que les bureaux anonymes qu’occupent ses services, non loin de
l’aéroport de Tel Aviv. Il est le « Chief scientist » d’Israël depuis 2011, après vingt ans
passés dans l’industrie et le capital-risque. « Quand Israël a créé le poste, en 1969, il n’y
avait pas de start-up, mais l’intuition qu’il fallait transformer l’économie. La fonction,
qui dépend du ministère de l’Économie, a toujours fait consensus politiquement »,
explique-t-il.
Vivent les éclaboussures ! Son rôle ? « Tout ! Je couvre tous ce qui a trait à
l’innovation. L’industrie, la communication, la nourriture, l’énergie, les modes de vie…
Tout, sauf la défense. » Sa fonction, large, consiste à mettre de l’huile dans les rouages et
fournir à l’écosystème ce dont il a besoin. Des visas facilités pour les chercheurs. Un
système de taxes stimulant pour l’investissement (50 % de crédit d’impôt pour
l’investissement dans les start-up). Des réglementations favorables à la propriété
intellectuelle. Tout. Avi Hasson a aussi sa force de frappe économique : 500 millions de
dollars de budget par an. « C’est peu… Mais beaucoup parce que cela nous permet de
solvabiliser des projets. Nous sommes généreux avec les projets émergents, donc
risqués. » 85 % des ressources sont consacrées à des entreprises de moins de trois ans.
Avec une philosophie optimiste : « Tant pis si un projet échoue. Il faut prendre en
compte les « éclaboussures » de l’essai. Ce qu’il a produit en termes de découvertes,
talents, sociétés associées est bénéfique au pays. » L’efficacité de son travail, Avi Hasson
la quantifie ainsi : « On a désormais en Israël des centaines de compagnies qui réalisent
plusieurs millions de dollars de revenus, ce n’était pas le cas il y a dix ans. Ici, les
entrepreneurs sont des rock stars. Il y a une reconnaissance sociale pour tous. Pas
seulement pour les Zuckerberg. »
Ils ont tout à portée de mains. Le pays, à peine plus peuplé que la région AuvergneRhône-Alpes, compte 90 sociétés de capital-risques et 200 business angels ou fonds, 25
incubateurs et 70 accélérateurs. Ces poussinières à start-up, qui n’ont rien à envier à
leurs homologues californiennes en termes de mobilier design et cantines gratuites, sont
devenues un mode de vie.
Start-up ultraortodoxes. Avec des effets surprenants. Dans la banlieue de
Jérusalem, où sont installées de nombreuses sociétés tech, dont la star du moment,
Mobileye, rachetée pour près de 5 milliards de dollars par Intel en février, on croise de
plus en plus de Juifs ultraorthodoxes en costume traditionnels. « Traditionnellement,
ils ne travaillent pas et sont un poids mort terrible pour la société. Ils ont trouvé avec la
vague numérique une façon de s’intégrer économiquement en conservant leur mode de
vie », note Avi Hasson. Le boom des start-up a aussi eu des effets positifs pour les
20,7 % d’Arabes israéliens que compte le pays. Exclus de la conscription, ils le sont aussi
du recrutement de la plupart des entreprises. « Mais le secteur tech a un fantastique
potentiel intégrateur. Ils constituent 28 % des étudiants du Technion et le tiers des
effectifs du secteur de la tech, ce qui est une excellente nouvelle », se réjouit le Chief
scientist.
Pourtant, même dans un univers sans frontière comme l’est la tech israélienne, qui
envoie ses ingénieurs sur tous les continents et internationalise ses entreprises,
certaines démarcations restent. Les voisins palestiniens sont absents du paysage, des
conversations, des plans de développement. « Il n’y a aucune coopération économique,
technologique ou académique avec l’Autorité palestinienne. Certains entrepreneurs
collaborent avec des Palestiniens, mais sous le radar. C’est une des choses qu’il faudra
changer. De la même façon que les entreprises globales ont permis à la start-up nation
israélienne d’émerger, en apportant à nos ingénieurs des méthodes et un accès aux
marchés mondiaux, il faudra faire de même avec les territoires palestiniens et y investir
massivement », conclut Chemi Peres.
Reportage
Loin de la Californie, une autre Silicon Valley a émergé au milieu du désert et continue à
prospérer. La high-tech constitue désormais la moitié des exportations d’Israël et
emploie près de 10% des actifs. La création d’entreprises innovantes est devenue un
sport national, encouragé par l’armée, le gouvernement, les universités et les
compagnies privées, souvent internationales… Voyage dans un enthousiasmant univers
créatif dont les vertus s’étendent au-delà du strict domaine économique et pourraient
dessiner, sinon une vraie nation, des ébauches de solutions pour les problèmes
récurrents de la société israélienne.
Source : L’Opinion
A propos du Technion France – www.technionfrance.org
Le Technion France a pour but de développer, valoriser et promouvoir le Technion, Israel
Institute of Technology, dans les différents domaines scientifiques, technologiques,
d’entrepreneuriat, ou encore d’éducation en France et en Europe Francophone. Il joue
également un rôle de relais d’information et de Networking grâce à la mise en place de
colloques, d’évènements et de conférences en France, et toujours appuyé par des intervenants de
qualité : Professeurs, Chercheurs, Ingénieurs, Chefs d’Entreprises devenues des success stories,
français et israéliens du Technion.
A propos du Technion – www.technion.ac.il/en
Le Technion – Israel Institute of Technology, dont l’un des pères fondateurs est Albert Einstein,
fût fondée en 1912. Située sur le mont Carmel à Haïfa en Israël, elle est la plus ancienne
université du pays. Dès sa création, le Technion s’est fixé pour mission de former les hommes et
les femmes qui construiront le monde de demain. Cette mission explique son succès dans le
monde et lui permet de nouer des partenariats académiques avec les plus grandes universités
internationales (Jacobs Technion - Cornell Institute, NYC, Institut de Technologie Technion
Guangdong (ITGT), Chine)
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