Sciences Humaines et Sociales Médecine et Histoire Chapitre 1 : Étapes historiques de l’Immunologie de Jenner à nos jours Professeur Jean-Claude BENSA Médecine P1 Multimédia - Année 2006/2007 Faculté de Médecine de Grenoble - Tous droits réservés. Pour pouvoir progresser il faut savoir parfois observer le passé Rappel de notions immunologiques de base Fonction du système immunitaire: Préserver l’intégrité du soi en neutralisant et éliminant tout élément reconnu comme étranger et potentiellement pathogène Domaines d ’action: -Défense contre les micro-organismes -Maintien de l’intégrité des tissus par élimination des cellules sénescentes,tumorales, stressées. Le système immunitaire n’est pas infaillible à l’égard de notre protection vis à vis des infections 2005, vol 202: p197 Casanova Dans l ’histoire de l ’humanité, jusqu ’au 20e siècle, les infections ont représenté la cause essentielle de la mortalité (60% à la fin du 19e siècle en Europe), avec une durée moyenne de vie très stable autour de 25 ans. A la fin du 19e siècle en Europe, 35% des individus pouvaient espérer atteindre l ’âge de 40 ans. L ’allongement de la durée de la vie à près de 80 ans aujourd’hui résulte d ’un bon contrôle des maladies infectieuses grâce à l ’effet combiné des mesures d ’hygiène, de la vaccination et des antibiotiques Le système immunitaire de l ’homme et de vertébrés supérieurs repose sur 2 piliers -L’immunité spécifique ou adaptative de cinétique lente et douée de mémoire -L’immunité innée ou naturelle de déclenchement rapide, sans mémoire des évènements passés Les antigènes: il n ’existe pas d ’autre façon de définir un antigène que par le récepteur immun qui le reconnaît: C’est le système immunitaire qui définit opérationnellement son monde quasi infini de ligands Immunité adaptative (réponse lente) Les lymphocytes T γδ et NKT, quoique munis de récepteurs d ’antigènes spécifiques, disposent d ’un répertoire relativement restreint et servent avant tout de signal d ’alarme accélérant la maturation des DC et donc la mise en jeu de l ’immunité adaptative Les 4 stratégies de la reconnaissance du non soi chez les vertébrés supérieurs TLRs NODs Immunité naturelle Immunité adaptative NKG2D PRRs Patterns Recognition Receptors PAMPs: pathogen Associated Molecular Patterns Non soi infectieux MICA/B KIR NKG2A/C MHC class I TCR Peptide MHC Soi altéré Absence du soi Soi altéré Figure N°4 Lymphocytes T et B Treg Les lymphocytes TH exercent un effet d ’aide à l ’activation de la plupart des autres cellules de l ’immunité, particulièrement les lymphocytes B pour la production d ’anticorps (AG thymodépendants) et les lymphocytes cytotoxiques. Cette aide s ’exerce via la sécrétion de cytokines mais également par contact intercellulaire. Divers lymphocytes T régulateurs, naturels ou induits, contrôlent négativement l ’amplitude des réponses immunes Une protéine est une mosaïque de déterminants antigéniques. Un anticorps reconnaît un grand nombre de points de vue du même déterminant, dénommés épitopes Fréquences imaginaires des différents anticorps Protéine globulaire théorique possédant 4 déterminants antigéniques distincts dont 2 dupliqués de façon symétrique. Modifié de Essential Immunology Roitt Chaque déterminant antigénique peut induire des anticorps de spécificité différentes, reconnaissant une zone limitée du déterminant (épitope). Un immun sérum est toujours un mélange d ’un grand nombre d ’anticorps. Un déterminant antigénique ou un épitope seulement peut se retrouver sur plusieurs molécules différentes. Cette reconnaissance de plusieurs antigènes par le même immun sérum s ’appelle une réaction croisée Présentation de l ’antigène aux lymphocytes T Un lymphocyte T ne perçoit un antigène via son TCR que lorsque celui-ci est présenté par une molécule du CMH, elle-même portée par une cellule présentatrice d’antigène Évaluation biologique de l ’antigène par l ’immunité innée Dans une réponse immune primaire, l’antigène est d’abord soumis à une évaluation biologique par l’immunité innée qui teste sa possible origine microbienne via la reconnaissance de structures propres au monde microbiens désignées sous le terme générique de PAMPs (Pathogen Associated Molecular Patterns). Leur détection par des récepteurs appropriés (PRRs, Patterns Recognition Receptors) confère à l ’antigène un statut immunogène , provoquant l’expansion clonale et la différenciation des lymphocytes spécifiques des épitopes contenus dans cet antigène. Étapes historiques du développement de l ’Immunologie 1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur I-1 Jenner et la vaccination antivariolique I-2 Pasteur et Koch Entrée dans l ’ère de l ’immunologie microbiologique I-3 Calmette et Guérin La vaccination anti tuberculeuse II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de l’immunochimie V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet La variole Le diagnostic de variole est aisé avec des lésions cutanées nombreuses, réparties de façon homogène sur le corps, d ’évolution synchrone, de localisation profonde dans la peau Charles 1er Henriette 1660 Charles 1677 (1 mois) Charles II 1648 Henri 1661 (21 ans) Anne 1677 Jacques II Marie 1694 (32 ans) Marie 1660 29 ans = = Guillaume II D ’Orange 1650 24 ans Guillaume III 1675 Pas atteints Guillaume 1700 (11 ans) Atteints mais ont survécus Décédés de la maladie Le premier vaccin: vaccine et variole Pratique de la variolisation connue depuis des siècles en Chine puis en Inde et dans l ’Empire Ottoman du XVIème siècle Importation de la variolisation en Angleterre en 1721. Les risques de maladie grave en limitent l ’application. Edwards Jenner observe que la variole (smallpox) ne frappe jamais les fermiers qui ont été en contact avec la variole des vaches (cowpox) Vaccination réussie le 14 mai 1796 Malgré de nombreuses polémiques la vaccination devient universelle dès le début du XIXème siècle Éradication planétaire depuis 1979 Dessin publié en Angleterre en 1802 par la Société anti-vaccine Et 200 ans plus tard……. Fin février 2004 l ’OMS et l ’UNICEF ont lancé une vaste campagne de vaccination contre la poliomyélite, visant à vacciner 60 millions d’enfants dans 10 états africains dont 40 millions au Nigéria. Les états islamiques du Nord du pays, le Kano, le Kaduna et le Zamfara qui représentent l’épicentre de la réémergence de la maladie en Afrique (347 cas en 2003 soit la moitié des cas mondiaux) refusent toute vaccination au prétexte qu ’il s ’agit d’une campagne occidentale visant à stériliser leurs populations. L ’éradication mondiale de la poliomyélite, espérée en 2000, a pris du retard du fait de difficultés d ’application de la vaccination au Pakistan, en Afghanistan et surtout dans les états islamistes du Nord Nigéria. C ’est à partir de ces états, qui refusent le vaccin de peur de stérilisation volontaire des femmes, que la poliomyélite a été réimportée en Afrique subsaharienne et au Moyen Orient. En France, le dernier cas autochtone remonte à 1989 et le dernier cas importé (Côte d ’Ivoire) en 1991 BEH 39-40 11/10/2005 Louis Pasteur Robert Koch (1822-1895) (1843-1910) Le charbon ou anthrax Maladie endémique des ruminants pouvant affecter les humains soit par voie aérienne soit le plus souvent cutanée Aujourd’hui risque majeur de bio terrorisme Exemple de la contamination accidentelle de 1979 à Sverdlosk dans une usine soviétique d ’armements biologiques: 66 décés par pneumonie charbonneuse Forme cutanée avec lésion papulo-vésiculaire du bras accompagnée d ’un œdème massif de tout le membre 1 des 12 cas de charbon dus à la vague terroriste succédant à la destruction des Twin Towers du WTC le 11 septembre 2001 Le vaccin contre le charbon (anthrax) Le contexte franco-germanique après la guerre de 1870 1877 Mission officielle du ministère de l’agriculture confiée à Pasteur Selon les années 10 à 50% du cheptel ruminant meurt du charbon Le bacille du charbon, sa responsabilité dans la maladie et son aptitude à sporuler ont été identifiés par Robert Koch en 1876 Cultivé à 45°C le bacille du charbon ne sporule plus et il épuise sa virulence après une telle culture de 10-12 jours. Publication officielle en février 1881 Application et triomphe sur le terrain du vaccin à Pouilly-le-fort le 2 juin 1881 Le vaccin contre la rage Début des travaux de Pasteur et d’Émile Roux chez le chien en 1880 L’agent pathogène, invisible et non cultivable est localisé dans le cerveau L’équipe maîtrise d ’abord la rage de laboratoire En 1883 début des essais d’atténuation de virulence par dessiccation des moelles épinières. Le vaccin est opérationnel début 1884 Traitement de Joseph Meister du 6 au 16 juillet 1885 Mortalité par tuberculose à la fin du XIXe siècle Figure N°18 2005, 202: 1617-1621 Taux de mortalité pour tuberculose disséminée (bleu) ou pulmonaire (rouge) en fonction de l ’âge Le graphique donne un bon exemple de l ’histoire naturelle de la tuberculose dans un zone de forte endémie (Bavière) à une époque où n ’existait ni la vaccination ni les médicaments anti tuberculeux (1905) Lésions induites par les réponses immunes contre le BK Les macrophages qui ont phagocyté des bacilles tuberculeux, même aidés par les lymphocytes T ne parviennent pas à les tuer tous Des millions de lymphocytes et de macrophages s ’accumulent autour du foyer contenant les bacilles Granulome tuberculeux Son centre finira par se nécroser, générant une cavité. Les lésions tissulaires de la tuberculose dont dues aux réponses immunes non à la bactérie elle-même. Le vaccin contre la tuberculose: le BCG 4 août 1890 le bluff allemand: l’affaire de la lymphe de Koch De 1905 à 1921 patiente atténuation d’une souche de Mycobacterium bovis par Albert Calmette et Alphonse Guérin Première vaccination humaine d’un nouveau-né le 21 juillet 1921 Le BCG demeure une arme essentielle de la prévention de la tuberculose chez le petit enfant. Moins efficace chez l ’adulte Au début du XXIe siècle la tuberculose est la première cause de mortalité infectieuse dans le monde 3 milliards d’humains portent le germe et son éradication est inenvisageable. Nouveau BCG en cours d ’essais cliniques: Rendu uréase déficient (permet l ’acidification du phagosome) et pourvu d ’une toxine bactérienne, la listériolysine (provoque la rupture du phagosome). L ’apoptose du macrophage permet une activation optimale des DC et donc des lymphocytes T CD4 et CD8 Taux de vaccination de la population française 90 80 70 60 Rougeole Oreillons Rubéole 50 40 30 20 Le nombre de cas de rougeole estimé en France en 2002 (maladie à déclaration non obligatoire depuis1985) est d ’environ 5000 (300 000 en 1985). Il y a chaque année une 10aine de cas d ’encéphalites subaiguës ou aiguës mortelles. En 2002, 21 cas de rubéole en cours de grossesse ont été recensés avec pour conséquences, 11 IVG et 1 rubéole congénitale malformative 10 0 1985 1987 1989 1991 1993 Couverture vaccinale en France des enfants âgés de 24 mois en 2001 Diphtérie-Tétanos 3doses et 1er rappel Coqueluche 3 doses et 1er rappel Poliomyélite 3 doses et 1er rappel Haemophilus influenzae b 3 doses et 1er rappel Hépatite B BCG Rougeole Oreillons Rubéole 88% 87% 88% 86% 28% 84% 85% 84% 84% Enfants atteints de poliomyélite maintenus en vie dans des poumons d’acier (hôpital américain dans les années 1940) Le vaccin apportant les3 souches principales du virus de la poliomyélite soit inactivés par le formol (vaccin de Salk 1955) soit atténués (vaccin de Sabin 1960) a permis une éradication quasi complète de la maladie Étapes historiques du développement de l ’Immunologie 1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de l’immunochimie V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet Elie Metchnikoff Emil von Berhing 1845-1916 1854-1917 La polémique entre cellularistes et humoralistes Cellularistes: le moyen de défense essentiel contre les microbes est représenté par les macrophages et les microphages (polynucléaires neutrophiles), capables de les phagocyter puis de les détruire Humoralistes: Ils pensent que se sont des substances solubles présentes dans le sang et les tissus biologiques qui sont capables d ’immobiliser et de détruire les agents microbiens On e d ay w h e n t h e w h o le f amil y h ad g o n e t o t h e c ir cu s to s ee som e e x t r ao r d in ar y p e rfo r mi n g apes , I r ema in ed alo n e w it h my m icr oso p e, obs e rvi n g t h e lif e in t h e m o bi le c el ls of a t r an sp are n t st ar fis h l ar v a, w h e n a n e w t h ou g h t su dd e n ly f las he d acr oss my b r ain . I t st r u c k m e t h a t s imi lar ce ll s mig ht ser ve in t he de f e n se of th e o r ga ni sm ag a in st int ru d e rs. Fee lin g t h at th e r e w as in th is s o met hi n g of su r p assi n g int e r es t , I f e lt so ex c it e d t ha t I beg an st r id in g u p and d o w n t he room and e v e n w e n t t o t h e se ash o re in or d e r t o co lle ct my t h o u g h ts. I sa id t o mys e lf t h a t , if my s u p p osi t io n w as t ru e, a sp lint er in t r od u ce d in to th e bo d y of a st ar fis h larva , d ev oi d of b loo d v esse ls o r of a n e rv ous s yst e m, sh ou ld soo n be s u rr ou nd e d by mob ile ce lls as is to b e obs e rv e d in th e ma n wh o r un s a s p li nt e r in t o h is f ing e r. Th is w as n o so o n e r s aid t ha n d o n e … I w as t oo e x cite d t o sl e ep th at n ig h t in t h e e xp e ct at io n of th e r esu lts o f my ex p e r ime nt , a nd v e r y ea r ly t h e n e x t mo rn in g I as c er t ain e d t h at it ha d f u lly su c ce ed e d . T h at ex p er ime nt form e d th e b asis o f t h e p ha goc y t ic t h e or y , t o t h e d e v e lopm e n t of wh it ch I d e v o t e d t h e n e x t t we nt y -fi v e y ea r s of my lif e . Élie Metchnikoff, Messine 1883 Microphages et macrophages de Metchnikoff Metchnikov soutient le rôle essentiel des microphages (gauche) et des macrophages (droite) dans la destruction des bactéries, ici des vibrions cholériques. Tiré de E. Metchnikov, L ’immunité dans les maladies infectieuses, Paris 1901 Dès 1884 mise en doute du rôle des phagocytes 1888 Nuttal décrit l ’activité bactéricide du sérum, appelée alexine par Buchner et complément par Ehrlich 1890 Immense découverte de Berhing et Kitasato: la toxine du bacille diphtérique peut être neutralisée par une substance fabriquée par des animaux délibérément immunisés, identifiée ultérieurement sous le terme « antikörpers ». Les 3 domaines de la toxine diphtérique: C catalytique, T transfert au travers de la membrane de l ’endosome, R interaction avec le récepteur cellulaire Behring et Kitasato viennent de découvrir à la fois les anticorps et la sérothérapie Les débuts de la sérothérapie anti diphtérique Premiers immuns sérums disponibles en 1894 Émile Roux commence à utiliser du sérum de cheval le 1er février 1894 à Paris à l ’hôpital des enfants malades. En 6 mois la mortalité passe de 60% à 25% Emil von Berhing, anobli recevra le premier prix Nobel de médecine en 1901 La diphtérie ne sera définitivement vaincue qu’avec la vaccination utilisant l’anatoxine découverte par Ramon en 1923 (toxine traitée par la chaleur et le formol), vaccination devenue obligatoire en 1945 Dernier cas déclaré en France en 1989 Humoralistes et cellularistes détenaient chacun une partie de la vérité 1898 Pfeiffer lyse bactérienne par les anticorps 1900 Bordet visualisation des anticorps par l’agglutination, précipitation et hémolyse. La liaison d ’un anticorps à son antigène peut induire -sa neutralisation en empêchant une fixation à un récepteur cellulaire -sa destruction complément dépendante -sa destruction par l ’intermédiaire de cellules (ici macrophages) liant les anticorps par leurs fragments Fc Figure N°29 Conséquences pour l ’immunologie du XXe siècle de ce triomphe sans partage de l ’immunité humorale Les immunologistes vont se détourner des applications médicales pendant plus de 50 ans. La recherche, porteuse de publications sera axée sur les anticorps, leur spécificité, leur nature et leur origine Pratiquement aucune étude sur l ’hypersensibilité retardée, les mécanismes de rejet des allogreffes, des maladies auto-immunes, de la résistance aux virus! Comme la spécificité immune représente le paradigme dominant, aucune étude ne sera développée sur l’immunité naturelle dont l’importance essentielle n’apparaîtra qu’au milieu des années 1990. Ce n’est que lorsque les anticorps ne sont plus parvenus à expliquer l’ensemble des réponses immunes que les regards se sont de nouveaux tournés vers les cellules de l’immunité Étapes historiques du développement de l ’Immunologie 1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de l’immunochimie V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet De 1897 à 1900 Paul Ehrlich va développer avec une pré science extraordinaire une théorie des réponses immunes dite de la chaîne latérale, contenant la plupart des éléments de la sélection clonale que Burnet proposera 60 ans plus tard Paul Ehrlich 1854-1915 Jules Bordet 1870-1961 1888-1991 Carl Landsteiner 1868-1943 Ehrlich et la théorie de la chaîne latérale Illustration de la théorie sélective de la chaîne latérale de Paul Ehrlich: les cellules de l ’organisme possède naturellement toute une panoplie de récepteurs spécifiques pour les toxines microbiennes. La liaison de la toxine à son récepteur(sa sélection) provoque une synthèse abondante de ce récepteur dont une partie se retrouve dans les liquides biologiques Invalidation progressive de la théorie sélective d’Ehrlich Immensité du répertoire des anticorps Pas d ’explication darwinienne Les théories instructionnistes se développent: L ’antigène ne vient pas sélectionner un anticorps préformé pour en activer la production mais apporter une information structurale tridimensionnelle à une ébauche d ’anticorps pour que celui-ci en épouse étroitement la forme. Linus Pauling montre que l’interaction anticorps antigène implique une adaptation tridimensionnelle et que cette liaison n’est pas covalente Modèle de Pauling La théorie instructionniste de Linus Pauling (1940). L’antigène réagit avec la molécule d’anticorps et lui impose une forme complémentaire. La sélection clonale de Mc Farlane Burnet 1 Les récepteurs spécifiques sont prédéterminés 2 Chaque lymphocyte ne possède qu ’un seul récepteur. L ’ensemble des cellules possédant ce récepteur constitue un clone. 3 Un antigène pénétrant dans l’organisme sélectionne les clones capables de le reconnaître et les active pour produire des effecteurs spécifiques en grand nombre par prolifération cellulaire. 4 La rencontre prématurée de lymphocytes en cours de maturation avec un antigène du soi provoque leur élimination. Figure N°36 Sélection, amplification, maturation, mémoire Étapes historiques du développement de l ’Immunologie1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de l ’immunochimie IV-1 Spécificité absolue ou variable IV-2 Le support moléculaire des anticorps: les immunoglobulines IV-3 Origine de la diversité du répertoire des anticorps V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet Évolution des concepts en matière de spécificité des anticorps Pour Ehrlich la spécificité des anticorps est absolue. Jules Bordet démontre l’indépendance des anticorps (fraction thermostable du sérum) et du complément (fraction thermolabile) Réfutation scientifique (1920-1940) de la notion de spécificité absolue: Michael Heidelberger et Carl Landsteiner Heidelberger: les anticorps sont des protéines et parvient à mathématiser leur interaction avec leur antigène de la même façon que l ’on décrit celle d ’une enzyme avec son substrat (application de la loi d ’action de masse). A sa suite, Eisen utilisera plutôt que la précipitation difficile à quantifier, le système de dialyse à l ’équilibre Principe de la dialyse à l ’équilibre L ’antigène de petite taille, par exemple un haptène, diffuse librement dans les 2 compartiments séparés par une membrane imperméable aux protéines donc aux anticorps. Obéissant à la loi d ’action de masse, antigène et anticorps vont se combiner et après un temps suffisant, les concentration d ’antigène libre et de complexes immuns resteront stables, déterminées par les éléments de la formule: KA= [SL] / [S][L], où [S] désigne la concentration en sites anticorps libres, [L] celle en antigène libre (Ligand), [SL] celle de l ’antigène lié aux anticorps et KA la constante d ’affinité en litres par mole. La représentation graphique la plus utilisée de la loi d ’action de masse est celle de Scatchard: [SL] = KA [S][L] = KA( [S]t- [SL] ) [L] Avec [S]t pour la concentration totale des sites anticorps c ’est à dire [S] + [SL] [SL] / [L] = KA( [S]t- [SL] ) [SL] / [L] = KA [S]t- KA [SL] ) [SL] / [L] = KA [S]t- KA [SL] ) On peut exprimer la concentration d ’haptène liée aux anticorps par le produit Mr, où M est la concentration molaire d ’anticorps (fixe et connue) et r le nombre moyen de molécules d ’haptène liées par molécule d ’anticorps à l ’équilibre. De la même façon [S]t, la concentration totale en sites anticorps est le produit de M par n où n est égal au nombre de sites anticorps par molécule c ’est à dire sa valence. On écrit donc Mr / [L] = KA Mn - KA Mr c ’est à dire en simplifiant r / [L] = KA n - KA r Expérimentalement on mesure [L], concentration de l’haptène hors du sac de dialyse r est calculée à partir de la concentration totale de l’haptène T mesurée dans le sac et la concentration d’haptène libre [L] hors du sac: T = Mr + [L] d ’où r = (T- [L] ) /M En portant en abscisses r et en ordonnées r / [L] on obtient un droite dont la pente donne la constante d ’affinité KA. Pour r / [L] =0 c ’est à dire en extrapolant la droite pour des concentrations infinies d ’antigène, l’intersection avec l ’axe des abscisses indique le nombre de sites anticorps n par molécule En pratique, pour un immun sérum, compte tenu de son contenu hétérogène et de la nature multivalent de l ’antigène ciblé, on ne parle pas d ’affinité mais d ’avidité. L ’avidité qui est comme l ’affinité l ’expression de la spécificité d ’un immun sérum est bien représenté par le titre de celui-ci, c ’est à dire la dernière dilution donnant une réaction mesurable avec l ’antigène Évolution des concepts en matière de spécificité des anticorps Travaux de Carl Landsteiner sur les haptènes Landsteiner a introduit le terme d’haptène (en grec, se saisir ) en 1921, a propos d ’un extrait alcoolique de rein de cheval, non immunogène par lui-même lorsque injecté chez le lapin (l’alcool a dénaturé les protéines et ne laissent solubles que de petites molécules), mais capable de se combiner avec des anticorps obtenus par immunisation de lapins avec un broyat complet de rein de cheval. L’extrait alcoolique, antigénique mais non immunogénique pouvait le devenir après couplage covalent avec une protéine porteuse. NO2 HO NO2 NO2 Dinitrophénol (DNP) HO NO2 NO2 Trinitrophénol (TNP) Landsteiner démontre 1) la spécificité remarquable des anticorps capables par exemple de réagir plus efficacement avec l’haptène immunisant dont le groupe substitué sur le cycle phényl est en position méta par rapport à des haptènes très semblables en position para ou ortho NH NH NH 2 2 2 Ortho Méta Para R Le sérum immun a été préparé par immunisation d’un animal avec du maminobenzène sulfonate S O R O O R R= ++ +++ +/- Sulfonate As O R= O O - + - Arsonate H C O R= - +/- - Carboxylate O D ’après Landsteiner et Van Der Scheer J. Exp. Med. 1936, 63:325 Mais Landsteiner démontre également 2) La notion de réaction croisée, réfutant le concept de spécificité absolue défendu par Ehrlich. Un haptène peut provoquer l ’apparition d ’anticorps réagissant contre d ’autres haptènes, parfois très différents chimiquement. Ainsi né le concept de déterminants antigèniques que des molécules différentes peuvent partager et reconnus par les anticorps d ’affinités variées 3) Que la spécificité d’un immun sérum n’est pas la propriété d’un seul anticorps mais au contraire d’un grand nombre d’entre-eux qui reconnaissent des déterminants différents avec des affinités très variables. C’est la somme de ces reconnaissances qui fait la spécificité Exemple de réactions croisées par présence de déterminants communs Groupe de réaction croisée (CREG) HLA-A2, A28, A9 HLA-A68 HLA-A69 HLA-A2 + + + HLA-A2 HLA-A24 HLA-A68 + + + HLA-A69 + + HLA-A23 + HLA-A24 + + + + + + + + + + HLA-A23 + Déterminant commun à HLA-A68 et 69 = ancien HLA-A28 Déterminant commun à HLA-A23 et 24 = ancien HLA-A9 Avant l’avènement des anticorps monoclonaux, les réactifs permettant de définir les antigènes HLA étaient des sérums provenant de personnes immunisées par grossesses ou transfusions. Ces sérums pouvaient être très spécifiques d ’un antigène HLA (HLA-A2 par exemple), reconnaître un déterminant partagé par un petit nombre de molécules (HLA-A23 et A24, définissant un spécificité HLA-9) ou enfin réagissant avec un déterminant présent sur de nombreuses molécules comme ici HLA-A2, A68, A69, A23 et A24 Élucidation de la nature moléculaire des anticorps Mise en évidence de : -l’hétérogénéité de taille (Ultracentrifugation de Svedberg) des immunoglobulines, de PM 160 000, 400 000 et 1 000 000 de daltons et de charges électriques (Électrophorèse de Tisélius) des anticorps, abondantes surtout dans la partie la plus lente gamma Porter (1958) et Edelman (1961) décrivent la structure moléculaire des Immunoglobulines. Les digestions enzymatiques (papaïne générant une partie Fab et une partie Fc) révèlent la dualité fonctionnelle des Ig Avec l ’observation que les myélomes sont des tumeurs malignes sécrétrices d ’une seule classe d ’anticorps, les différents isotypes sont identifiés (G, M, A, D, E), permettant la désignation des Ig selon une nomenclature moléculaire (1970) Structure schématique d’une Ig Les hypothèses du début des années 1970 permettant d’expliquer la génération de la diversité des anticorps B A V1 V2 Vi Vj V1 V2 Vi Vj A Théorie germinale: chaque anticorps est codé par des gènes hérités des parents, non modifiés pendant le développement somatique. Les différents gènes sont issus de mutations successives au cours de l’évolution de l’espèce. B Théorie des mutations somatiques: un petit nombre de gènes V hérités se diversifient au cours du développement par des mutations ponctuelles sélectionnées par les antigènes survenant dans les cellules somatiques. C C Théorie des recombinaisons somatiques: des gènes V hérités se diversifient au cours des divisions somatiques par recombinaison. Les recombinants sont sélectionnés par les antigènes. Tiré de Eisen H.N., 1974 Sonde Vκ Sonde Cκ Dépôt d ’ADN après digestion par une enzyme de restriction EcoRI En 1976 Susumu Tonegawa confirme l ’hypothèse de Dryer et Bennett émise en 1965 selon laquelle il existe plusieurs gènes V pouvant subir des mutations et un seul gène C invariant s’associant par recombinaison génique avec un gène V après que celui-ci ait subi des mutations. Il compare l’état du gène k murin dans une lignée myélomateuse produisant cette chaîne légère et dans les cellules somatiques non lymphoïdes. Organisation génomique des immunoglobulines 3 ensembles géniques indépendants: IgH en 14q32, Igk en 2p12 Igl en 22q11 Recombinaison Signal Sequence (RSS) V Locus IgH: 51 D 27 J Rapprochement spatial des segments d’Ig et coupure par la recombinase: diversité combinatoire 6 Imprécision de la jonction: diversité jonctionnelle Étapes historiques du développement de l ’Immunologie 1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet De 1900 à 1940 pratiquement aucun intérêt porté aux acteurs cellulaires de l’immunité En 1948 Fagreus décrit le plasmocyte comme producteur d ’anticorps mais sa filiation avec les lymphocytes demeure inconnue En 1953, Mitchison, thésard de Peter Medawar montre que le rejet d ’une allogreffe tumorale chez la souris est médiée par des lymphocytes et non par des anticorps. Brent, Billingham et Medawar étendent le concept aux greffes de peau normale Mécanisme du rejet d ’allogreffe par immunité cellulaire Début des années 1960, Gowans montre que la déplétion lymphocytaire par drainage continu du canal thoracique prive les animaux à la fois de l’aptitude à fabriquer des anticorps et à développer des réactions tuberculiniques d’hypersensibilité retardée. Jacques Miller en 1961 établit que le thymus est essentiel à la fabrication des lymphocytes, le rejet des allogreffes, les défenses immunitaires anti-infectieuses. En 1966 Claman décrit la nécessité d ’une coopération entre 2 types de lymphocytes, médullaires et thymiques, pour fabriquer des anticorps, ouvrant la voie au concept de lymphocytes B et T, adopté en 1970. Expérience de Claman établissant une coopération entre cellules médullaires et cellules thymiques pour produire des anticorps Moelle Osseuse + Hématies de mouton Thymus 7 jours Receveur irradié Numération des cellules produisant des anticorps dans la rate Étapes historiques du développement de l ’Immunologie 1796-2000 I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe siècle III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection IV La spécificité immunologique et son support moléculaire V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet Période 1970-2000, non détaillée dans ce cours, permet d ’identifier: -Le mode de reconnaissance de l ’antigène par les lymphocytes T -La diversité de fonctions exercées par ces cellules, cytotoxicité, auxiliaire, régulatrices -Leurs mécanismes de communication avec les autres cellules de l ’immunité via les cytokines et des molécules membranaires de signalisation -Le rôle essentiel des cellules dendritiques comme initiateur et organisateur de la réponse immune des lymphocytes T Insistons seulement sur 3 développements essentiels: Le complexe majeur d ’histocompatibilité Les anticorps monoclonaux L ’immunité naturelle Les lymphocytes sont des splénocytes provenant de souris immunisées Les lymphocytes non fusionnés meurent naturellement en quelques jours. Seuls survivent les hybrides ayant acquis HGPRT des lymphocytes normaux. La lignée de myélome utilisée a perdu le gène HGPRT empêchant la synthèse purique par la voie d ’épargne (récupération des bases puriques) Dans le milieu de sélection apportant une drogue qui bloque la voie de synthèse purique de novo, les cellules de myélome meurent Dans chaque puits où un hybride a produit un clone on recherche la présence de l ’anticorps correspondant à l ’antigène immunisant Nature Reviews Immunol février 2004 Therapeutic Mabs of murine origin souris homme Murine Mab Excellents outils in vitro mais In vivo Médiocres fonctions effectrices, 1/2 vie raccourcie, provoque la synthèse d ’anticorps anti souris Chimeric Mab Humanised Mab NEJM, 2001, vol 343, 338-344 Reconnaissance du non soi microbien L’hôte reconnaît des produits microbiens qui leur sont propres et que lui-même ne possède pas. Ces structures sont dénommées PAMPs pour Pathogen Associated Molecular Patterns. Les récepteurs invariants de l ’hôte qui leur correspondent sont appelés PRR, Patterns Recognition Receptors. Ces PRR peuvent être membranaires, intracytoplsmiques ou solubles dans les liquides biologiques L'ensemble de ce document relève des législations française et internationale sur le droit d'auteur et la propriété intellectuelle. Tous les droits de reproduction de tout ou partie sont réservés pour les textes mais aussi pour l'ensemble des documents iconographiques, photographiques, vidéos et sonores. Ce document est interdit à la vente ou à la location. La diffusion de ce document, sa duplication, sa mise à disposition du public à sa demande ou non, sa mise en réseau, sa communication publique, partielle ou totale, sous quelque forme ou support que ce soit, est formellement interdite et strictement réservée à la Faculté de Médecine de Grenoble et à ses auteurs. 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