Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 68—75 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE EMC Sinusites de l’enfant夽 M.-S. Le Gac (ORL, ancien chef de clinique au CHU Morvan, assistant des Hôpitaux) Clinique Pasteur, 34, rue du Moulin, 29200 Brest, France Introduction Il s’agit d’une pathologie fréquente, dans sa forme bénigne, qui résulte d’une surinfection d’un ou de plusieurs sinus de la face. On parle plutôt chez l’enfant de rhinosinusite aiguë du fait de l’absence de développement complet des cavités sinusiennes chez l’enfant de moins de 6 ans et de sinusite vraie chez l’enfant plus grand. Dans sa forme sévère, la sinusite de l’enfant est assez rare et se traduit le plus souvent par une ethmoïdite chez l’enfant de moins de 6 ans ou par une sinusite compliquée chez l’enfant plus grand. Au-delà de 4 mois d’évolution, on parle de sinusite chronique et il convient de rechercher et de traiter les facteurs favorisant ce type d’infection. Généralités Définition La sinusite est une inflammation des sinus périnasaux due à une infection virale, bactérienne ou fongique ou à des réactions allergiques. Anatomie Les sinus de la face sont des cavités aériques revêtues d’un épithélium de type respiratoire, creusées dans l’os et communiquant avec les fosses nasales via des méats ou des canaux (Figure 1). 夽 Grâce au partenariat mis en place en 2010 entre le Journal de pédiatrie et de puériculture et l’EMC, les articles de cette rubrique sont issus des traités EMC. Celui-ci porte la mention suivante : M.-S. Le Gac. Sinusites de l’enfant. EMC - Pédiatrie - Maladies infectieuses 2011:1—6 [Article 4-061-G-20]. Nous remercions les auteurs qui ont accepté que leur texte, publié initialement dans les traités EMC, puisse être repris ici. Adresse e-mail : [email protected] 0987-7983/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2014.02.001 Sinusites de l’enfant 69 Rôle des sinus de la face La fonction des sinus de la face reste à ce jour encore inconnue et de nombreuses hypothèses ont été proposées pour expliquer leur existence. Les différentes théories plausibles à ce jour sont notamment : • rôle de protection de l’encéphale et des globes oculaires lors des traumatismes faciaux, en permettant d’amortir les chocs ; • isolation thermique du système nerveux central ; • allégement des os de la face ; • rôle dans la croissance des os de la face ; • vestige non fonctionnel au cours de l’évolution. Étiopathogénie Cause principale chez l’enfant Figure 1. Anatomie des sinus. 1. Clairance mucociliaire du sinus frontal ; 2. complexe ostéoméatal ; 3. clairance mucociliaire du sinus maxillaire ; 4. collection liquidienne dans le sinus maxillaire. Les sinus sont pairs et souvent asymétriques et se répartissent ainsi : • les sinus maxillaires qui se drainent via le méat moyen situé sur la paroi latérale des fosses nasales entre les cornets moyen et inférieur ; • les cellules ethmoïdales divisées en cellules antérieures et en cellules postérieures par la racine cloisonnante du cornet nasal moyen. Les cellules antérieures se drainent dans le méat moyen, les postérieures au-dessus du cornet moyen et parfois au-dessus du cornet nasal supérieur ; • les sinus frontaux qui se drainent via le canal nasofrontal ; • les sinus sphénoïdaux, qui sont souvent asymétriques, se drainent par l’ostium du sphénoïde ou récessus sphénoethmoïdal dont l’ouverture se situe médialement, à l’aplomb de l’arche choanale. On décrit ainsi un groupe antérieur comprenant les sinus frontaux, maxillaires et les cellules ethmoïdales antérieures et un groupe postérieur comprenant les cellules ethmoïdales postérieures et le sinus sphénoïde. Il existe de nombreuses variantes anatomiques [1]. Embryologie : développement des cavités sinusiennes [2] Les ébauches des cavités sinusiennes apparaissent vers le quatrième mois de la vie in utero. À la naissance, les cellules ethmoïdales sont déjà formées et il existe une ébauche des sinus maxillaires qui se « pneumatiseront » entre 18 mois et 5 ans. L’ébauche du sinus frontal apparaît vers 1 an et sa pneumatisation a lieu entre 5 ans et 12 ans. Le sinus sphénoïde se développe entre 5 et 18 ans. Cela explique qu’avant 5 ans, la seule sinusite vraie que l’on puisse rencontrer est l’ethmoïdite. Dans la majorité des cas, les sinusites de l’enfant résultent d’une surinfection d’une cavité sinusienne dans les suites d’une rhinite aiguë d’origine virale. Il se crée alors une inflammation de la muqueuse sinusienne. Puis par blocage de l’ostium de drainage apparaît une stase de mucus qui va alors s’infecter. La majorité des rhinosinusites de l’enfant est virale et on estime que seulement 10 % d’entre elles peuvent présenter une surinfection bactérienne. Les germes habituellement rencontrés chez l’enfant sont les suivants : • pneumocoque ; • Haemophilus influenzae ; • Moraxella catarrhalis. Et plus rarement : • staphylocoque doré (en particulier dans l’ethmoïdite avant 5 ans) ; • germes anaérobies (dans les formes odontogènes surtout). Autres causes possibles Comme chez l’adulte, l’enfant âgé de plus de 6 ans peut donc présenter des sinusites d’étiologies diverses qui ne sont pas développées ici : • sinusite maxillaire d’origine dentaire sur dépassement de pâte intrasinusienne après traitement canalaire ou sur infection dentaire d’une dent maxillaire ; • surinfection sur hémosinus traumatique ; • sinusite fongite maxillaire (balle fongique à Aspergillus fumigatus) [3] ; • sinusite fongique de l’immunodéprimé : mucormycose [4] et aspergillose invasive. Facteurs prédisposant à la survenue d’une sinusite Certains facteurs peuvent favoriser la survenue d’une sinusite, voire sa chronicisation : • facteurs anatomiques : ils gênent le drainage des sinus : déviation septale majeure, hypertrophie des cornets, concha bullosa et cornet à courbure inversée, hypertrophie des végétations adénoïdes [5] ; • facteurs muqueux : ils altèrent la qualité du drainage mucociliaire : allergie respiratoire, asthme, reflux gastro-oesophagien, bronchite chronique, déficit en 70 M.-S. Le Gac immunoglobuline, mucoviscidose, dyskinésie ciliaire, tabagisme passif, dessiccation de l’air, pollution ; • immunodépression : elle favorise les surinfections bactériennes et fongiques ; • corps étranger obstruant une fosse nasale prédisposant à l’infection des cavités sinusiennes homolatérales (sonde d’intubation nasotrachéale, sonde nasogastrique). La clinique de la sinusite sphénoïdale est variable : il peut s’agir de céphalées au vertex, à l’occiput, souvent très violentes. Les sinusites frontale et sphénoïdale se rencontrent au-delà de 6-7 ans, voire de 10 ans pour certains auteurs. La pansinusite est l’atteinte de plusieurs des sinus de la face. Tableau clinique de la rhinosinusite aiguë compliquée Sinusites aiguës Sinusite de l’enfant de moins de 5 ans : ethmoïdite aiguë [5] Tableau clinique de la sinusite simple Le tableau clinique concerne surtout l’infection du sinus maxillaire. Forme subaiguë Il s’agit en fait de la prolongation au-delà de 10 jours d’une rhinopharyngite aiguë banale, sans tendance à l’amélioration. C’est la forme la plus fréquente. Les signes cliniques rencontrés sont : • la rhinorrhée claire ou parfois purulente ; • l’obstruction nasale ; • la toux inconstante ; • la fièvre le plus souvent inférieure à 39 ◦ C. Ces signes sont communs à toute infection des sinus, qu’elle soit virale ou bactérienne. Forme aiguë La forme aiguë comprend : • une fièvre supérieure à 39 ◦ C, persistante au-delà de 3 jours d’évolution ; • des céphalées ; • une rhinorrhée purulente ; • parfois un oedème ou un érythème du visage ; • une toux diurne ou nocturne (parfois émétisante) ; • une douleur localisée, importante, pulsatile d’horaire inflammatoire, souvent vespérale, majorée tête penchée en avant. Les douleurs de sinusite maxillaire se situent au niveau des joues. Elles sont admises au-delà de 3 ans, mais restent rares avant 6 ans. Elles peuvent s’accompagner d’une douleur au niveau d’une dent maxillaire si la sinusite est d’origine odontogène. La sinusite frontale s’accompagne de céphalées frontales importantes, en barre. Tableau 1 On retrouve une symptomatologie de rhinosinusite aiguë associée à un syndrome septique général plus ou moins sévère avec surtout un oedème au niveau de l’angle interne d’un oeil, infiltrant les paupières, en particulier la paupière supérieure. L’ethmoïdite peut survenir à partir de l’âge de 6 mois. Elle peut être de forme oedémateuse simple ou de forme compliquée dite suppurée. On la classifie selon les stades de Chandler qui traduit l’importance des complications ophtalmologiques puis neurologiques associées (Tableau 1). Forme oedémateuse simple L’examen clinique retrouve un oedème palpébral douloureux à la palpation prédominant à l’angle interne de l’orbite et à la paupière supérieure, sans pus conjonctival, avec une fièvre élevée (39 ◦ C à 40 ◦ C). Forme collectée périorbitaire Le pus se collecte dans l’orbite, entre le périoste et l’os planum, entraînant une exophtalmie sans trouble visuel ni trouble de la motilité oculaire. Formes compliquées La forme collectée nécessite de rechercher deux complications majeures : • la suppuration intraorbitaire suspectée devant l’un des trois signes suivants : mydriase paralytique, anesthésie cornéenne, ophtalmoplégie partielle ou complète ; • la thrombophlébite intracrânienne : fièvre oscillante avec frissons et syndrome méningé. Sinusites compliquées de l’enfant plus âgé (Tableau 2) [6] Sinusite bloquée Il s’agit d’un sinus sous tension sans drainage spontané possible, la douleur est importante et il n’y a pas d’écoulement mucopurulent. Elle peut concerner les sinus maxillaire, frontal, et sphénoïdal. Classification de Chandler. Stade I Cellulite préseptale Œdème palpébral Stade II Stade III Cellulite orbitaire Abcès sous-périosté (extraconique) Stade IV Stade V Abcès orbitaire (intraconique) Thrombose du sinus caverneux Chémosis, exophtalmie axile Exophtalmie, baisse de l’acuité visuelle (BAV), troubles oculomoteurs Exophtalmie, ophtalmoplégie complète, BAV importante Exophtalmie majeure et douloureuse, cécité, oedème palpébral supérieur et inférieur majeur, réaction méningée, atteinte oculomotrice des nerfs III, IV, VI, atteinte du nerf V1 Sinusites de l’enfant Tableau 2 71 Complications des sinusites. Sinusite bloquée Complications neurologiques Abcès cérébraux Thrombose du sinus caverneux Méningite Complications ophtalmologiques Bactériémie Atteinte cutanée Maxillaire Frontal Sphénoïde ++ +++ + + ++ ++ + + + + + + + + ++ Ethmoïde + + + ++ + + : Complication rare ; ++ : complication possible ; +++ : complication fréquente. L’examen clinique est pauvre et les signes fonctionnels sont bruyants. Complications ophtalmologiques [7] Les complications ophtalmologiques concernent les sinusites sphénoïdales et frontales. Les signes fonctionnels vont du simple chémosis à l’atteinte des nerfs oculomoteurs avec ophtalmoplégie, ptosis, diplopie, et à l’abcès sous-périosté ou intraorbitaire avec exophtalmie, mydriase et baisse d’acuité visuelle. directions, la présence d’un réflexe photomoteur, l’absence de diplopie et d’exophtalmie. Un avis ophtalmologique est demandé devant toute ethmoïdite avec atteinte oculaire ou en cas de suspicion d’atteinte oculaire dans le cas d’une sphénoïdite ou d’une sinusite frontale. L’examen doit aussi rechercher des arguments pour un syndrome méningé ou une thrombophlébite cérébrale : recherche de raideur méningée, contrôle des paires crâniennes. Complications neurologiques [8,9] Chez le jeune enfant, il peut survenir des convulsions hyperthermiques. Les autres complications neurologiques concernent les sinusites frontales et sphénoïdales du fait des rapports intimes avec le cerveau. Il peut survenir : • une méningite avec, à la clinique, un syndrome méningé : hyperthermie, trouble de conscience, raideur de nuque ; • un abcès extra- ou sous-dural, ou intracérébral ; • une thrombose du sinus caverneux, en particulier dans le cas d’une sinusite sphénoïdale et dans l’ethmoïdite au stade V de Chandler (Tableau 1). Complications osseuses et cutanées Les complications osseuses et cutanées restent très rares : • ostéomyélite frontale ; • possibilité d’extériorisation antérieure, à la peau avec fistulisation. Elle concerne la sinusite frontale. Syndrome septique et complications générales On peut rencontrer, à un stade avancé, une bactériémie et un choc septique pouvant conduire au décès. Examen clinique des sinusites Examens complémentaires Cas de la sinusite aiguë simple Comme chez l’adulte, il n’y a pas d’examen complémentaire à demander [10]. Cas des rhinosinusites compliquées Examens radiologiques En cas de suspicion d’ethmoïdite de forme collectée ou de suspicion de complications ophtalmologiques ou orbitaires chez l’enfant plus âgé, un scanner du massif facial (comprenant des coupes orbitaires) et de l’encéphale en coupes millimétriques axiales et coronales avec et sans injection doit être réalisé de façon à mettre en évidence un abcès qui doit alors être drainé chirurgicalement [11]. Ces examens peuvent être complétés par une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour préciser notamment une infiltration des muscles oculomoteurs ou effectuer un diagnostic différentiel avec une tumeur intrasinusienne. En cas de suspicion de sinusite bloquée, une radiographie des sinus en incidence de Blondeau peut être suffisante. Examens biologiques L’examen est bien sûr complet afin d’éliminer une autre cause infectieuse, en particulier, on procède à un examen clinique oto-rhino-laryngologique (ORL) avec otoscopie afin d’éliminer une otite moyenne aiguë. L’examen clinique au spéculum nasal ne permet pas de faire le diagnostic, mais retrouve l’écoulement purulent et une muqueuse nasale congestive. La nasofibroscopie peut retrouver un écoulement purulent au niveau de l’ostium de drainage des différents sinus. Devant toute sinusite, l’examen clinique doit s’efforcer de vérifier l’isocorie, la mobilité de l’oeil dans les quatre Un bilan biologique comportant au minimum une numération-formule sanguine, une C reactive protein (CRP) et deux hémocultures est demandé. Des prélèvements bactériologiques sont aussi réalisés si un drainage chirurgical a lieu. Diagnostic différentiel Devant une ethmoïdite Le diagnostic se pose avec : 72 Tableau 3 M.-S. Le Gac Traitements per os des sinusites de l’enfant. Nom de la molécule Amoxicilline-acide clavulanique Cefpodoxime proxétil Céfuroxime axétil Pristinamycine Dosage Durée 80 MKJ, en 3×/j 8 MKJ en 2× 250 mg × 2/j 50 MKJ en 2×/j à partir de 6 ans 10 j 7—10 j 5j 7—10 j Nom commercial ® Augmentin Orelox® Zinnat® Pyostacine® Famille d’antibiotique Pénicilline C3G C2G Synergistine MKJ : mg/kg/j. • des anomalies ophtalmologiques : conjonctivite ou dacryocystite marquées par la présence de pus conjonctival ; • un problème dermatologique : staphylococcie maligne de la face, piqûre d’insecte ou érysipèle. Devant une sinusite unilatérale Il faut savoir évoquer les causes d’obstruction nasale unilatérale de l’enfant. Dans les étiologies bénignes, on évoque : • chez le petit enfant, une anomalie embryologique : kyste dermoïde, gliome nasal, méningoencéphalocèle et, plus rarement, tératome ; • chez l’enfant plus âgé : un mucocèle, un polype antro- ou sphénochoanal (Kilian), un fibrome nasopharyngien. Dans les causes malignes, on évoque les principales : le rhabdomyosarcome, le lymphome malin non hodgkinien type lymphome de Burkitt et les carcinomes indifférenciés du cavum. Traitement Traitement des sinusites aiguës simples Le traitement est médical et vise à soulager les symptômes en diminuant l’inflammation par restauration de la ventilation des sinus. Il comporte : • des lavages de nez au sérum physiologique [12] et, dès que l’enfant sait le faire, on insiste sur un mouchage efficace ; • des corticoïdes oraux (type prednisolone 1 mg/kg/j) en cure courte (< 8 jours) : ils ne sont indiqués que dans les formes hyperalgiques ; • des antalgiques de classe I ou II. L’antibiothérapie n’est pas indiquée d’emblée lorsque les symptômes rhinologiques restent diffus, bilatéraux, d’intensité modérée, dominés par une congestion avec rhinorrhée séreuse ou puriforme banale, survenant dans un contexte épidémique [13]. Dans ce cas, une réévaluation à 3 jours est nécessaire en cas de persistance anormale ou d’aggravation de la symptomatologie sous traitement symptomatique. En cas de suspicion de surinfection bactérienne ou de terrain à risque tel que les enfants atteints d’asthme ou porteurs de cardiopathie ou de drépanocytose, des antibiotiques oraux ciblant les principaux germes sont mis en place. Le Tableau 3 résume les principaux antibiotiques utilisables per os en tenant compte des nombreuses résistances des bactéries vis-à-vis des antibiotiques [14,15]. En cas d’allergie aux pénicillines et aux céphalosporines : • chez l’enfant de moins de 6 ans, un macrolide peut être utilisé, mais son efficacité peut être limitée par la résistance des bactéries en cause ; • chez l’enfant de plus de 6 ans, la pristinamycine peut être proposée. Traitement de l’ethmoïdite de l’enfant [16] Forme oedémateuse ou préseptale Il n’existe pas de consensus au stade I de Chandler entre un traitement per os avec surveillance clinique rapprochée (enfant revu à 24 heures) et un traitement intraveineux en milieu hospitalier. En revanche, dans les autres stades ou en cas de doute sur l’observance du traitement, l’hospitalisation et le traitement intraveineux sont systématiques. Le traitement antibiotique est administré par voie intraveineuse et se compose d’une céphalosporine injectable de troisième génération en association avec un aminoside et, selon les auteurs (Tableau 4), du métronidazole. La désinfection nasosinusienne et le traitement antipyrétique sont bien sûr associés. Le relais per os aura lieu au bout de 5 à 7 jours. Forme suppurée L’hospitalisation est systématique. Le même traitement médicamenteux est mis en place et un drainage chirurgical de l’abcès est effectué. Une surveillance ORL et ophtalmologique est effectuée pluriquotidiennement au cours de l’hospitalisation [16]. On surveille notamment l’acuité visuelle, l’isocorie et la mobilité de l’oeil dans les quatre directions. Traitement des sinusites compliquées Le traitement antibiotique est instauré et un drainage chirurgical en urgence est réalisé. Dans le cas d’une sinusite maxillaire bloquée, la mise en place d’un drain d’Albertini peut être proposée. En cas de d’origine dentaire ou de balle fongique, une méatotomie moyenne est réalisée. Des soins dentaires sont associés si une origine dentaire est suspectée. L’ouverture du canal nasofrontal ou la pose d’un clou de Lemoine est réalisée dans le cas d’une sinusite frontale résistante au traitement médical. De même, l’ouverture de l’ostium sphénoïdal est réalisée en cas de sphénoïdite avec présence de complications ophtalmologiques, notamment par une atteinte des muscles oculomoteurs. Sinusites de l’enfant Tableau 4 73 Traitements intraveineux des sinusites graves de l’enfant. Nom de la molécule Ceftriaxone Céfotaxime Métronidazole Dosage 50 MKJ en 1 fois 50 MKJ en 3 fois 30 MKJ en 3 fois Durée Nom commercial 5 à 7 jours 5 à 7 jours 5 à 7 jours Rocéphine Claforan® Flagyl® ® Famille d’antibiotique C3G C3G Nitro-imidazolés C3G : céphalosporine de troisième génération. Sinusites chroniques Sinusite chronique polypoïde Les sinusites chroniques sont assez fréquentes et sont en rapport avec une rhinosinusite aiguë banale non traitée ou en lien avec des facteurs de risque négligés. La présence ou non de polypes est un facteur déterminant. Un bilan allergologique et pulmonaire est systématiquement réalisé ainsi qu’une analyse bactériologique des prélèvements endonasaux [17]. Le traitement est étiologique et symptomatique, comportant en général des corticoïdes par voie nasale (autorisés à partir de 3 ans pour certaines spécialités). Il s’agit de sinusite comportant, à l’examen clinique, des polypes. La première étiologie à rechercher est la mucoviscidose ou une forme équivalente. Rhinosinusite chronique non polypoïde Il s’agit d’une rhinorrhée durant plus de 3 mois sans fièvre. La cause principale est l’allergie. Il faut éliminer les facteurs prédisposants, notamment anatomiques et les facteurs environnementaux altérant le drainage mucociliaire. Présence de bactérie résistante au traitement préalable La cause la plus évidente est l’inefficacité ou l’insuffisance des traitements entrepris. Une étude américaine a mis en évidence la présence d’un sérotype particulier de pneumocoque (19A) particulièrement résistant et qui ne fait pas partie des sérotypes de pneumocoque inclus dans la vaccination. Ce sérotype est fréquemment impliqué dans les sinusites récidivantes ou chroniques de l’enfant [18]. Allergie Un bilan allergologique est réalisé ainsi que des tests sanguins, mais le lien entre allergie et rhinosinusite chronique reste controversé [19,20]. Déficit immunitaire congénital ou acquis (diabète, virus de l’immunodéficience humaine) La recherche peut être orientée par une consultation en médecine interne et une immunoélectrophorèse des protéines sanguines peut être demandée [21,22]. Maladies auto-immunes (Wegener, sarcoïdose) La recherche est orientée par un examen clinique général et tient compte des antécédents familiaux. Polypose non éosinophile Mucoviscidose La recherche des mutations du gène CFTR est systématiquement proposée devant une polypose chez l’enfant. Depuis 2002, en France, un dépistage systématique néonatal de la mucoviscidose est réalisé, la découverte d’une mucoviscidose sur des polypes nasaux est donc exceptionnelle [23]. Dyskinésie ciliaire primitive C’est un syndrome autosomique récessif ou dominant qui touche 1/20 000 habitants. Elle s’accompagne d’otite séreuse et de bronchites à répétition et d’une infertilité ou d’une hypofertilité à l’âge adulte. Un brossage et une biopsie peuvent être réalisés dans un centre de compétence pour mettre en évidence cette pathologie. On retrouve fréquemment une agénésie des sinus frontaux. Dans la moitié des cas, elle s’accompagne d’un situs inversus appelé syndrome de Kartagener. Syndrome de Young Le syndrome de Young se traduit par des infections respiratoires répétées, une anomalie du pancréas, une stérilité ou hypofertilité et des anomalies génitales. Polypose à éosinophile : maladie de Churg et Strauss Il s’agit d’une vascularite touchant les vaisseaux de petit ou moyen calibre. L’incidence est de 0,9 à 2,4 cas pour un million d’habitants. Un syndrome inflammatoire, un asthme, une hyperéosinophilie sanguine et la présence d’anticorps antimycoplasme des antinucléaires (pANCA) sont très évocateurs. Conclusion La rhinosinusite aiguë est donc le plus souvent sans gravité et son traitement en est simple. Il faut toutefois savoir se méfier et reconnaître les formes compliquées dont le traitement est hospitalier et nécessite parfois un drainage chirurgical. Les formes chroniques de l’enfant sont une 74 M.-S. Le Gac entité à part dont le traitement est surtout en lien avec l’étiologie. POINTS ESSENTIELS • La seule sinusite de l’enfant de moins de 5 ans est l’ethmoïdite. • La majorité des rhinosinusites de l’enfant est virale. • La rhinosinusite aiguë banale de l’enfant ne nécessite pas d’examen complémentaire. • Le traitement de la rhinosinusite aiguë banale est d’abord symptomatique avant d’être antibiotique. • Toute suspicion de sinusite compliquée peut être explorée par un scanner. • L’ethmoïdite doit faire rechercher une complication orbitaire. • Une sinusite aiguë compliquée doit être traitée par antibiotique et surveillée en hospitalisation. • Une sinusite bloquée peut nécessiter un drainage chirurgical. • Une sinusite chronique non polypoïde doit faire rechercher une allergie ou un déficit immunitaire. • Une sinusite chronique polypoïde doit faire évoquer : une mucoviscidose, un syndrome de Churg et Strauss, une dyskinésie ciliaire, un syndrome de Young. Fig. 4. Scanner du massif facial en coupe axiale mettant en évidence une ethmoïdite droite suppurée au stade III de Chandler. 1. Abcès sous-périosté ; 2. opacité sinusienne en rapport avec l’éthmoïdite aiguë. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les figures 2—6. Fig. 5. Scanner du massif facial en coupe axiale mettant en évidence une sphénoïdite droite. Fig. 2. Fig. 3. Ethmoïdite débutante (stade oedémateux possible). Fig. 6. Radiographie en incidence de Blondeau mettant en évidence une sinusite maxillaire gauche. Ethmoïdite au stade des complications ophtalmologiques. Sinusites de l’enfant Références [1] Tillier AM. La pneumatisation du massif cranio-facial chez les hommes actuels et fossiles. Bull Mem Soc Anthropol Paris 1977;4:177—89. [2] Gupta AK, Bansal S, Gupta A, Mathur N. Is fungal infestation of paranasal sinuses more aggressive in pediatric population? Int J Pediatr Otorhinolaryngol 2006;70:603—8. [3] Simmons JH, Zeitler PS, Fenton LZ. 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