Moulin 2011

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TECHNIQUE D´ÉLEVAGE
FICHE
Jeune Deroplatys desiccata parfaitement mimétique sur un sol forestier - Cliché N. Moulin
Par Nicolas Moulin
Les mantes feuilles-mortes asiatiques
du genre Deroplatys
Insecta, Mantodea, Mantidae, Deroplatyinae
e genre Deroplatys (Westwood, 1838) comprend actuellement douze espèces répandues en Asie du sud-est depuis
la Birmanie (Myanmar) jusqu’à la
Nouvelle-Guinée. Une espèce a récemment été décrite à partir d’un
unique mâle adulte collecté en Inde.
L
Très peu de données existent dans
la littérature relativement aux milieux de vie de ces mantes ; leur
morphologie semble cependant indiquer qu’elles vivent au niveau de
la litière des forêts tropicales.
En revanche, l’élevage de plusieurs
espèces, pratiqué depuis plusieurs
années dans le monde entier, a permis de mieux connaître leur biologie.
Enceinte d’éclosion d’une oothèque de
Deroplatys desiccata - Cliché P. Guivarch’
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n°161 - 2011 (2)
UNE MORPHOLOGIE SPECTACULAIRE !
Ce sont des mantes de taille moyenne à grande, de coloration générale
brune, allant du beige clair au brun
foncé. Les yeux sont arrondis et
bien développés.
La particularité de ce genre provient
des expansions foliacées latérales
du pronotum, de formes différentes
pour chacune des espèces, dans les
deux sexes. Les pattes ravisseuses
sont bien développées et assez larges et la face interne des fémurs
antérieurs présente des taches. Les
pattes médianes et postérieures ont
les fémurs avec un lobe préapical
plus ou moins développé (ce lobe
est absent chez le mâle de l’espèce
d’Inde, D. indica). Les adultes des
deux sexes sont ailés. Chez les femelles, l’aire costale des élytres est
très élargie et l’extrémité des ailes
comporte le plus souvent un processus plus ou moins long qui dépasse
TECHNIQUE D´ÉLEVAGE
FICHE
Fort dimorphisme du couple adulte de Deroplatys trigonodera - Cliché N. Moulin
Mâle adulte de Deroplatys desiccata - Cliché P. Guivarch’
le bout de l’abdomen. Il est très
probable que seuls les mâles volent
chez les Deroplatys, en raison de la
forte corpulence des femelles.
La taille de ces mantes varie de
45 mm (mâle de D. trigonodera ou
D. lobata), pour la plus petite espèce, à 75 mm (femelle de D. desiccata) pour la plus grande.
Plusieurs espèces sont maintenues en élevage en France et
ailleurs dans le Monde : D. desiccata, D. lobata, D. trigonodera,
D. truncata. Leur élevage est présenté dans les lignes qui suivent.
CONDITIONS D’ÉLEVAGE
Les espèces citées précédemment
s’élèvent de la même manière, dans
les mêmes conditions. Après la naissance, les jeunes sont conservés en
groupe (très peu de cannibalisme
a été constaté dans les élevages
jusqu’à des stades de développement très avancés) dans de petites
enceintes cubiques bien aérées de
20 cm de côté. Au fond, on dispose
de la vermiculite, ou tout autre substrat qui peut conserver et diffuser
progressivement l’humidité. Dans
tous les cas, il faut faire attention au
développement de moisissures sur
I NSECTES
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Adulte de Deroplatys truncata
Cliché P. Guivarch’
les excréments des mantes ou sur
les restes de proies. À partir de 3 à
4 mues effectuées, quand le dimorphisme sexuel commence à apparaître et la différence de taille entre les
sexes devient visible, il est préférable de les élever isolément car il y a
alors un risque que les individus les
plus grands s’attaquent aux plus petits. Chaque mante est alors placée
dans un pot d’un demi à un litre avec
un substrat au fond aÞn de conserver l’humidité. Dans les différentes
enceintes, il est conseillé de disposer
de petites branchettes ou du raphia
aÞn d’augmenter la surface de support pour les jeunes mantes. Globalement, une hygrométrie de 60 à
80% et une température comprise
entre 20 et 26°C sont sufÞsantes. En
effet, ce sont des mantes qui vivent
en altitude dans des forêts pluvieuses en Asie du sud-est (comme les
Cameron Highlands en Malaisie).
BIOLOGIE DES DEROPLATYS
L’incubation dure de 1,5 à 2 mois
(voire plus dans des conditions particulières). La quantité de jeunes qui
éclosent des oothèques varie d’une
dizaine à plus de soixante. La durée
d’incubation et le nombre de naissances varient suivant les conditions
d’hygrométrie et de température.
Les nouveau-nés sont relativement
gros, entre 10 et 15 mm. Cela explique pourquoi il y en a si peu dans
les oothèques (par comparaison,
il y a plus de 200 jeunes à la nais-
TECHNIQUE D´ÉLEVAGE
sance dans une oothèque de mante
du genre Sphodromantis). La croissance dure de 4 et 6 mois suivant
les conditions d’élevage et le sexe
des individus. Les mâles effectuent
6 mues et les femelles 7. En élevage,
il convient donc de souvent ralentir
la croissance des mâles lorsqu’on les
distingue aÞn d’obtenir des adultes
à la même période. En élevage, les
femelles vivent relativement longtemps : jusqu’à 11 mois contre 3 à
5 mois pour les mâles. Pendant cette
période, elles pourront confectionner de 1 à 5 oothèques.
Deroplatys desiccata au premier stade - Cliché P. Guivarch’
et D. rigonodera le dimorphisme
sexuel est très prononcé et les mâles particulièrement petits (relativement aux femelles), très peu de
cannibalisme est constaté dans les
élevages. Les adultes devant être
présentés sont préalablement bien
nourris aÞn d’éviter ce comportement. Il est conseillé d’élever les
mâles adultes dans une pièce différente des femelles adultes aÞn
qu’ils réagissent plus efÞcacement
aux phéromones des femelles lors
de la présentation pour l’accouple-
Les jeunes des premiers stades sont
nourris de drosophiles de grosses
espèces (Drosophila hydei…) et de
très jeunes grillons (Acheta domestica, Gryllus bimaculatus…). Pour les
stades suivants, les proies sont très
variées : asticots, mouches, vers de
farine, grillons plus âgés, blattes…
Pour ces deux dernières proies, il
faut faire particulièrement attention
à ce qu’elles ne s’attaquent pas aux
mantes (lors d’une mue par exemple) si elles sont trop grosses ou en
nombre excessif pour ne pas ellesmêmes être consommées.
UN
ACCOUPLEMENT ASSEZ FACILE À
PROVOQUER
Près de 3 semaines après la mue
imaginale, il est possible de rapprocher mâle et femelle pour provoquer
l’accouplement. Même si pour certaines espèces comme D. truncata
Femelle sub-adulte de Deroplatys desiccata se repaissant d’un grillon - Cliché H. Guyot
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FICHE
Détail de l’accouplement de Deroplatys
desiccata - Cliché P. Guivarch’
TECHNIQUE D´ÉLEVAGE
FICHE
Femelle adulte de Deroplatys trigonodera surveillant son oothèque - Cliché N. Moulin
ment. Si l’accouplement ne se produit pas dans les heures qui suivent
la présentation, il reste cependant
préférable de laisser le couple dans
la même enceinte pendant plusieurs
jours, mais à la condition de faire
en sorte qu’il dispose de sufÞsamment de proies pour éviter le cannibalisme.
Un accouplement peut durer de
12 à 24 heures (durée observée chez
D. desiccata et D. trigonodera).
Les mâles peuvent rester longtemps
postés sur le dos des femelles avant
de s’accoupler… il faut être patient !
UNE «
MATERNITÉ
»
des insectes volants ou alors de les
séparer de leur oothèque en les plaçant dans une nouvelle enceinte. Si
on se contente de l’éloigner de sa
ponte, elle y retourne immanquablement.
Le comportement maternel existe
aussi chez d'autres mantes de la famille des Tarachodinae, des genres
Pyrgomantis et Branscikia où les
femelles restent sur les oothèques
pendant l'incubation.
LA PROTECTION FACE AUX PRÉDATEURS
Naturellement, les mantes de ce
genre se cachent dans la végétation
grâce à leur morphologie proche
des feuilles mortes posées au sol
des forêts tropicales humides. Cependant, si elles sont dérangées par
un prédateur, elles peuvent prendre
une position de défense très spectaculaire ! Elles écartent les pattes antérieures pour présenter les taches
de couleur très vive pour certaines
espèces. De plus, elles soulèvent
les ailes pour découvrir de très jolis
motifs en forme d’œil sur les élytres (face interne des ailes antérieures) et sombres sur les ailes (ailes
postérieures).
Les mantes du genre Deroplatys
sont très impressionnantes et faciles à élever. On pourra commencer
par D. desiccata.
Bibliographie
Delfosse E. L’élevage des mantes africaines du genre Sphodromantis (Stal,
1871) (Insecta, Mantodea, Mantidae,
Mantinae). Insectes n°119, 2000 (4) : 2122. En ligne à : www.inra.fr/opie-insectes/pdf/i119delfosse2.pdf
QUI FAIT
LA DIFFÉRENCE…
D. desiccata confectionne des oothèques de forme arrondie et de
couleur brun-rouge. Les femelles
ne s’occupent plus de leur progéniture après la ponte.
Chez les 3 autres espèces que l’on
rencontre aussi en élevage actuellement (D. truncata, D. trigonodera
et D. lobata, chez lesquelles aussi
les mâles sont bien plus petits que
les femelles), les femelles confectionnent des oothèques légèrement
arquées, en forme de gros haricot
de couleur beige clair à brun. Elles
restent campées sur leur ponte pendant toute la durée de l’incubation
sans se déplacer d’un centimètre. Il
est alors nécessaire de leur permettre de s’alimenter en leur donnant
Pose spectrale d’une femelle de Deroplatys desiccata - Cliché P. Guivarch’
I NSECTES
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