Dying With Dignity Canada Le 2 mai 2016 Mémoire de Dying With Dignity Canada présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes – Projet de loi C-14 1. Notre organisme Dying With Dignity Canada est l’organisme national qui se consacre à améliorer la qualité de la mort, à élargir les options de fin de vie et à aider les Canadiens à éviter des souffrances non souhaitées. Nous représentons les 85 % de Canadiens qui appuient la décision de 2015 de la Cour suprême dans l’arrêt Carter c. Canada. 2. Le projet de loi C-14 doit faire l’objet d’importantes modifications Si nous sommes heureux que le gouvernement ait présenté une loi sur le choix de fin de vie, il reste que nous nous inquiétons vivement du fait qu’un certain nombre de recommandations formulées par le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir ne sont pas prises en compte dans le projet de loi C-14. Dans son état actuel, le projet de loi est inutilement restrictif et n’est pas conforme à l’arrêt Carter de la Cour suprême. Le présent mémoire relève les principaux problèmes du projet de loi C-14 et propose des amendements qui doivent être apportés pour rendre le projet de loi conforme à la décision de la Cour suprême et à la Charte. 3. La définition que donne le projet de loi de l’expression « grave et irrémédiable » est injustement restrictive a. Dans l’arrêt Carter, la Cour dit, au sujet du terme « irrémédiable », « qu’il ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu’il juge inacceptables ». Plutôt que d’apporter une telle précision, le projet de loi C-14 précise que la personne doit être atteinte d’une maladie « incurable ». Cette disposition aura pour effet d’exclure les personnes atteintes d’une maladie grave qui ne veulent pas poursuivre les traitements. Solution proposée : Reformuler l’alinéa 241.2(2)a) de la façon suivante : « elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave qui est irrémédiable ou pour lequel il n’existe aucun traitement qui soit acceptable pour la personne ». b. Aux termes du projet de loi C-14, seule la personne dont la « situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités » est admissible à l’aide à mourir. Cette disposition infligera des années de souffrances graves et non souhaitées à des personnes dont la situation médicale est grave et irrémédiable, dont celles atteintes de sclérose en plaques ou de SLA, mais qui ne sont pas encore en phase terminale. Ainsi, le projet de loi C-14 risque de porter atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de ces personnes, prévu par la Charte. À l’instar de l’interdiction des demandes anticipées d’aide médicale à mourir, cette disposition est discriminatoire. Elle a pour effet de refuser l’aide médicale à mourir aux Canadiens atteints de démence ou d’autres maladies dégénératives, comme la maladie de Huntington, qui n’auront plus la capacité juridique requise lorsqu’ils auront atteint le stade du « déclin avancé et irréversible ». Solution proposée : Supprimer l’alinéa 241.2(2)b) de la définition de « problèmes de santé graves et irrémédiables ». c. Aux termes du projet de loi C-14, seules les personnes dont la « mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible » auront accès à l’aide médicale à mourir. Il s’ensuit que le patient doit être en phase terminale pour être admissible à l’aide à mourir. Cette condition, que ne prévoit pas l’arrêt Carter, imposera des années de souffrances non souhaitées à des personnes se trouvant dans une situation semblable à celle de feu Kay Carter, qui souffrait horriblement d’une sténose du canal rachidien, une maladie chronique grave et irrémédiable, mais qui n’était pas mourante. De plus, ce critère est d’une imprécision inadmissible, qui fera en sorte que la plupart des fournisseurs de soins de santé refuseront d’autoriser l’aide à mourir à moins que la mort du patient soit imminente. Solution proposée : Supprimer l’alinéa 241.2(2)d) de la définition de « problèmes de santé graves et irrémédiables ». 4. Modifier les mesures de sauvegarde discriminatoires L’alinéa 241.2(3)h) prévoit que la personne doit consentir « expressément à recevoir l’aide médicale à mourir », immédiatement avant de fournir l’aide médicale à mourir. Cette disposition constitue un obstacle injuste pour les personnes qui ont déjà demandé l’aide médicale à mourir, qui ont obtenu l’autorisation d’y recourir, mais qui n’ont plus la capacité juridique d’exprimer leur consentement au moment où l’aide doit être fournie. Prenons le cas hypothétique d’une personne qui se meurt d’un cancer et qui répond à tous les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir, mais qui, la veille de sa mort prévue, est malheureusement victime d’un AVC la laissant dans un état d’incapacité. Cette personne se verra maintenant refuser l’aide médicale à mourir, malgré son souhait catégorique d’être soulagée de ses souffrances. Solution proposée : Modifier l’alinéa 241.2(3)h) en y ajoutant « Si la personne en a encore la capacité ». 5. Inclure le consentement anticipé à l’aide médicale à mourir L’interdiction du consentement anticipé introduit une discrimination contre les personnes atteintes de démence ou d’une maladie dégénérative qui prive la victime de sa capacité. Par exemple, une personne chez qui on a posé un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer serait presque assurément inadmissible à l’aide médicale à mourir en vertu du projet de loi C-14. Lorsque celle-ci sera dans un état de « déclin avancé et irréversible », elle aura depuis longtemps perdu sa capacité et sera inadmissible à l’aide. Solution proposée : Le projet de loi C-14 doit être modifié immédiatement de manière à permettre les demandes anticipées d’aide médicale à mourir. Si cette modification est jugée impraticable parce qu’elle nécessiterait un délai supplémentaire, il faudra que le projet soit accompagné d’un mandat conféré par la loi, exigeant une étude spécialisée indépendante sur la question assortie d’une échéance de 18 mois pour faire rapport au Parlement et présenter des recommandations pour d’éventuelles modifications au Code criminel. La même solution pourrait aussi être appliquée pour les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée et pour la question des mineurs matures. 6. Préciser explicitement que l’aide médicale à mourir doit être traitée comme une question de santé privée Le projet de loi C-14 doit respecter l’autonomie des patients et les autoriser à être les seuls à pouvoir décider si l’aide médicale à mourir constitue l’option médicale convenable dans leur situation. Après avoir consulté leurs fournisseurs de soins de santé, les patients doivent avoir le dernier mot sur le recours à l’aide médicale à mourir. Le projet de loi C-14 devrait préciser que les patients n’ont pas à recourir aux tribunaux ni à faire l’objet d’un examen judiciaire préalable afin de pouvoir accéder à l’aide médicale à mourir.