DOSSIER THÉMATIQUE Dépression et affections somatiques Troubles psychiatriques et hépatite chronique C Chronic hepatitis C and psychiatric disorders J.P. Lang*, M. Lutz*, G. Benoit*, L. Michel** J.P. Lang * Pôle de psychiatrie et d’addictologie, centre hospitalier d’Erstein. ** Service d’addictologie, hôpital Émile-Roux, Limeil-Brévannes. L’ infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est transmissible, et à fort risque de chronicisation et d’évolution grave en l’absence de traitement (cirrhose, cancer du foie). L’hépatite chronique C (HCC) touche un peu moins de 1 % de la population générale, mais sa prévalence est de l’ordre de 7 % en population psychiatrique (1, 2). Cette affection est curable dans 60 % des situations cliniques grâce à un traitement associant une injection hebdomadaire d’interféron pégylé (PEGIFN) alpha et une prise quotidienne de ribavirine pendant 6 mois à 1 an, selon le génotype viral (1, 2). Seuls 50 % des patients VHC+ et moins de 40 % des patients co-infectés par le VIH et le VHC sont actuellement traités. L’HCC est devenue une des causes principales de décès chez les patients co-infectés par le VIH et le VHC. Les troubles psychiatriques associés à l’HCC et à son traitement, fréquents et de sémiologie complexe, sont une des causes principales de non-instauration, de mauvaise observance ou d’interruption du traitement antiVHC. Beaucoup de patients sont encore “exclus” d’un traitement antiviral optimal pour des raisons psychiatriques ou addictives, alors qu’il est bénéfique en termes de durée et de qualité de vie. Pourtant, de nombreuses études ont montré que ces patients, réputés “difficiles à traiter”, présentent une observance et une réponse virologique comparables à celles de la population générale lorsqu’ils sont suivis sur les plans psychiatrique et addictologique. Pour optimiser les soins proposés aux patients atteints d’HCC, les conférences de consensus recommandent le développement d’une évaluation et d’un soin psychiatrique adapté. L’Afssaps a également souhaité préciser les modalités de ces prises en charge dans une mise au point thérapeutique réalisée en 2008 (1-3). 80 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 Prévalence du VHC chez les patients pris en charge en psychiatrie La prévalence du VHC est plus élevée chez les patients présentant des troubles psychiatriques, et possiblement plus importante chez les patients souffrant de schizophrénie ou de troubles bipolaires (1, 4). Elle était de 8,5 % chez les patients admis dans un établissement psychiatrique public américain, et ce en lien significatif avec un diagnostic plus fréquent d’abus ou de dépendance aux drogues (5). Dans une étude rétrospective réalisée chez des vétérans américains pris en charge par le système de soins, le risque relatif (RR) d’être séropositif pour le VHC des patients souffrant de troubles bipolaires sans aucun antécédent d’abus ni dépendance aux substances psychoactives était de 1,3 (6). En France, peu de données sont actuellement disponibles. M. Eveillard et al. retrouvaient une séroprévalence de 6 % parmi des patients admis en psychiatrie (7). Une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) réalisée en 2009 dans un hôpital psychiatrique, à Erstein en Alsace, relevait que 75 % des patients hospitalisés à temps plein ou en hôpital de jour présentaient des facteurs de risque d’infection par le VHC, que 3 % étaient infectés par le VHC et que moins de 1 patient sur 3 était immunisé contre le virus de l’hépatite B (8). Cette EPP recommandait d’évaluer, à l’admission, les conduites à risque (antécédents d’usage de substances psychoactives ou de pratiques sexuelles à risque) et de proposer systématiquement, en complément de la proposition de sérologie VIH, un bilan de dépistage de l’hépatite C (sérologie virale et PCR virale en cas de sérologie positive) et un contrôle biologique de l’immunisation contre le VHB (8). Résumé Les troubles psychiatriques associés à l’hépatite chronique C (HCC) et à son traitement sont fréquents et sont une des causes principales de non-instauration, de mauvaise observance ou d’interruption du traitement anti-VHC. L’infection chronique par le VHC touche un peu moins de 1 % de la population générale, mais sa prévalence dans la population psychiatrique est plus importante. Dans ce contexte, il apparaît nécessaire de sensibiliser les équipes de psychiatrie à cette problématique, de faire un état des lieux des prises en charge psychiatriques actuellement proposées et de préciser la nature complexe des troubles psychiatriques secondaires au VHC et à son traitement ainsi que les modalités de leur prise en charge à l’aide des recommandations thérapeutiques énoncées par l’Afssaps en mai 2008. Prévalence des troubles psychiatriques chez les patients VHC+ L’observatoire CHEOBS, étude française prospective destinée à évaluer en pratique courante les facteurs qui conditionnent l’observance chez les patients VHC+, montrait que 22 % des patients traités souffraient de troubles psychiatriques à l’instauration du traitement antiviral (9). Ils souffraient essentiellement de dépression (11 %), de troubles anxieux (7 %), plus rarement de psychose (1 %) ou de troubles bipolaires (0,4 %). Treize pour cent des patients qui ne souffraient d’aucun trouble psychiatrique présentaient des antécédents de dépression, d’hospitalisation en milieu psychiatrique ou de tentative de suicide. Au total, 1 patient sur 3 commençant un traitement antiviral présentait une problématique psychiatrique, et l’accès à un traitement des patients souffrant d’une pathologie mentale chronique semblait plus difficile. Selon la plupart des études, près de 30 % des patients VHC+ présenteront un trouble psychiatrique d’allure dépressive en cours de traitement antiviral et près de 1 patient sur 2 souffrira d’un trouble psychique pendant ce traitement (1). Dans CHEOBS, 62 % des patients traités avaient été affectés par des effets indésirables psychiques, avec une prévalence significativement plus importante chez les patients souffrant de troubles psychiatriques effectifs au début du traitement. Ces troubles qui influençaient peu l’observance ou la réponse virale avaient occasionné chez près des 1 900 patients suivis prospectivement 7 passages à l’acte suicidaire dont 3 chez des patients indemnes de troubles psychiatriques initialement. État des lieux de la prise en charge de l’HCC en France Prise en charge par les médecins somaticiens spécialistes Une enquête de pratique réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’hépatologues et d’infectiologues montrait que 18,7 % des patients VHC+ n’étaient pas traités de façon optimale pour raisons psychiatriques (12,3 % d’entre eux pour cause de contre-indications psychiatriques, 6,4 % par arrêts prématurés de traitement liés à des causes psychiatriques) et que moins de 50 % des cliniciens collaboraient avec un psychiatre ou un psychologue référent (10). Alors que les hépatologues et les infectiologues estimaient qu’un avis psychiatrique était essentiel avant et pendant le traitement antiviral, cet avis n’était requis que pour 20 % des patients considérés comme étant “à risque” avant le traitement, pour 51 % des patients souffrant de troubles psychiatriques en cours de traitement et pour 71 % des patients chez qui le traitement antiviral était interrompu pour motif psychiatrique. L’évaluation, psychiatrique et addictologique, était essentiellement réalisée par eux-mêmes, sans aucun outil d’évaluation standardisé. De plus, ils prescrivaient fréquemment des traitements antidépresseurs, en préventif ou en curatif, sans que les antécédents personnels ou familiaux de troubles de l’humeur ou de suicides n’aient été évalués préalablement. Cette étude montrait que l’intervention d’un psychiatre avait un effet positif en termes d’indication thérapeutique, d’arrêt prématuré du traitement antiviral et de prescription d’antidépresseur. Prise en charge des patients par les psychiatres et les psychologues Une enquête de pratique réalisée auprès d’un échantillon représentatif de psychiatres et de psychologues impliqués dans la prise en charge des patients VHC+, travaillant ou non avec les pôles de référence VHC, mettait en évidence un manque de systématisation et d’articulation entre eux des soins psychiatriques et psychologiques, un décalage entre les prises en charge proposées et les recommandations de l’Afssaps ainsi qu’une absence de formation spécifique des psychiatres et des psychologues. Elle suggérait également un manque d’implication des psychiatres et des difficultés pour les psychologues à proposer une offre de soins variée et à travailler de façon conjointe avec les psychiatres. Ces carences semblaient plus prononcées en cas de co-infection par le VIH. L’intervention spécialisée à partir des Mots-clés Hépatite C Trouble psychiatrique Conduite addictive Traitement antiviral Interféron Summary The psychiatric disorders associated with chronic hepatitis C and its treatment occur frequently and is probably one of the causes of non-administration, poor monitoring or interruption of anti-HCV treatment. Chronic infection via HCV affects less than 1% of the general population but its prevalence in the psychiatric population is more significant. In this context, it seems necessary to make psychiatric teams aware of this problematic situation in patients treated for Hepatitis C and revise the situation of psychiatric management currently proposed by somatic specialists, as well as psychiatrists/psychologists who are involved in the care of HCV patients and to clarify the complex nature of a subsequent HCV disorder. This procedure should also include the specific type of treatment based on the therapeutic recommendations made by the Afssaps on May 2008. Keywords Hepatitis C Psychiatric disorder Addictive behaviour Antiviral treatment Interferon La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 | 81 DOSSIER THÉMATIQUE Dépression et affections somatiques Troubles psychiatriques et hépatite chronique C pôles de référence VHC régionaux semblait significativement plus informée et plus adaptée à la problématique (11). Étiopathogénie et clinique des troubles psychiatriques chez les patients VHC+ Le traitement de l’HCC repose sur l’association du PEG-IFNα et de la ribavirine, permettant d’obtenir globalement une guérison chez 60 % des malades. Dans certaines conditions, des thérapies “combinées” comportant aussi des antiprotéases peuvent venir renforcer l’efficacité du traitement antiviral sous réserve d’une observance rigoureuse. Même si le seul VHC peut, par des actions directes ou indirectes sur le système nerveux central, avoir des effets neuropsychiatriques, son traitement reste le principal responsable de survenue de troubles psychiatriques (1). Ces manifestations psychiatriques sont très souvent des troubles de l’humeur pouvant tant correspondre à la décompensation de troubles psychiatriques préexistants que survenir chez des patients sans aucun antécédent. Ces derniers pourraient d’ailleurs être plus fragiles à l’impact des effets secondaires psychiatriques (1, 9). Ces troubles de l’humeur associent de façon spécifique des troubles de la série dépressive et maniaque et ont des liens complexes avec les troubles bipolaires (12, 13). Étiopathogénie des troubles psychiatriques sous interféron alpha pégylé ◆◆ Actions directes de l’interféron alpha (14, 15) L’administration d’IFNα entraînerait chez l’animal une réduction de la densité des neurones sérotoninergiques et noradrénergiques dans le cortex préfrontal ventral médian, l’amygdale et le cortex préfrontal dorsal médian. Chez l’homme, des cas d’encéphalopathie sous IFNα ont été rapportés, avec des modifications électroencéphalographiques observées dès la deuxième semaine de traitement et réversibles 2 à 3 semaines après son arrêt. L’IFNα possède également des propriétés agonistes des récepteurs opioïdes. Néanmoins l’action directe de l’IFNα semble limitée. ◆◆ Actions indirectes de l’interféron alpha (14, 16, 17) Les troubles thyroïdiens que l’IFNα entraîne peuvent induire des troubles psychiques chez environ 9 % des patients. Les malades de sexe féminin et ceux qui présentent des autoanticorps anti-TPO avant 82 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 l’instauration du traitement seraient plus sensibles à cet effet (16). L’IFNα entraînerait également des modifications neuroendocriniennes et neuro-immunologiques, sans qu’il soit possible de déterminer leurs responsabilités respectives dans la survenue de manifestations psychiatriques. Il pourrait ainsi modifier la production de certaines cytokines (IL-1, IL-2, IL-6 et TNF) et d’indolamine dihydrogénase (enzyme impliquée dans le métabolisme de la sérotonine). Il présenterait des similitudes avec l’ACTH et pourrait induire une libération de CRF et une augmentation du cortisol plasmatique. Il pourrait aussi augmenter la libération de dopamine par effet amphetaminelike, libération suivie d’une déplétion prolongée de dopamine lors de son administration chronique. Cet effet pourrait être responsable de dépression, alors que l’accès maniaque serait la conséquence d’une hyperactivité dopaminergique secondaire à l’arrêt d’un traitement par IFNα. Cependant, l’action la plus intéressante semble concerner la sérotonine. L’IFNα provoquerait, par l’intermédiaire de cytokines, une diminution du tryptophane plasmatique et une diminution du taux de sérotonine. Il augmenterait l’expression du gène du transporteur de la sérotonine et modulerait le polymorphisme des récepteurs de la sérotonine 5HT1a et 5HT2a. Des effets sur l’editing du récepteur 5HT2c et sur d’autres voies du catabolisme du tryptophane (kinurénines) sont également étudiés. Clinique des troubles psychiatriques sous interféron pégylé Irritabilité et hyperréactivité émotionnelle (14) L’irritabilité est un symptôme fréquent et central lors du traitement de l’hépatite C par PEG-IFN. Selon les études, sa prévalence varie de 25 à 35 %. Elle peut être isolée, accompagner une hyperréactivité émotionnelle plus généralisée mais aussi faire partie intégrante d’un syndrome anxieux, dépressif, maniaque ou mixte. Elle peut favoriser les passages à l’acte agressif et l’usage de substances psychoactives. Troubles dépressifs (14, 18) Bien que les données soient variables selon les études, du fait de biais méthodologiques et d’une DOSSIER THÉMATIQUE absence de consensus sur les modalités d’évaluation à utiliser, la prévalence de ces troubles est comprise entre 20 et 40 %. La posologie de ribavirine pourrait influencer l’incidence et l’intensité de la dépression. L’IFNα, hors toute symptomatologie dépressive, peut entraîner une perte de poids, des troubles du sommeil, une asthénie, une irritabilité et des troubles cognitifs. Les scores évalués sur les échelles classiques de dépression peuvent de ce fait être majorés par la présence de ces symptômes. Il est aussi nécessaire de distinguer un syndrome dépressif de la tristesse transitoire survenant dans les 48 heures suivant l’injection de PEG-IFN. En l’absence d’échelle spécifique, l’Afssaps recommande l’utilisation du Mini International Neuropsychiatric Interview (MINI). Les troubles dépressifs sont souvent atypiques et associent une tristesse de l’humeur, des troubles du sommeil, des troubles anxieux (manque de sérénité, agitation interne), des troubles de la concentration et de l’attention, des plaintes mnésiques, une irritabilité, une agressivité verbale, une intolérance à la frustration, une labilité émotionnelle et une fatigue anxieuse avec incapacité à se reposer. En fonction de la réactivité émotionnelle, évaluée à l’aide de l’échelle MAThyS, C. Henry et al. proposent de distinguer les dépressions hyporéactives et les dépressions hyperréactives, proposition particulièrement pertinente dans ce domaine, tant en termes de diagnostic que de traitement (19). Il n’existe pas actuellement de consensus concernant l’existence de facteurs de risque de développer une dépression sous traitement antiviral. Si, selon certains auteurs, les antécédents de dépression ou de toxicomanie représentent un facteur de risque, selon d’autres, ils ne prédisposent pas forcément à une mauvaise tolérance psychiatrique. De façon surprenante, certains sujets présentant des antécédents psychiatriques majeurs ou souffrant de schizophrénie peuvent bien tolérer le traitement antiviral. Les patients souffrant de troubles dépressifs “actuels”, ayant déjà connu des troubles psychiatriques sous traitement antiviral, notamment de sexe féminin (en particuliers avec des antécédents dépressifs) et âgés semblent plus sensibles aux effets indésirables psychiques. Ces troubles dépendent de la dose d’IFN et surviennent le plus souvent lors du premier trimestre, avec un pic d’incidence entre la quatrième et la huitième semaine. Néanmoins, la prévalence continue d’augmenter dans les 6 premiers mois et le risque persiste jusqu’à 6 mois après l’arrêt du traitement. Des épisodes dépressifs d’apparition brutale sont observés après 3 mois de traitement malgré une bonne tolérance préalable, et des dépressions associant à la tristesse de l’humeur une asthénie et un ralentissement psychomoteur majeur, souvent difficiles à traiter, peuvent survenir après l’arrêt du traitement antiviral. Les risques d’apparition d’idées suicidaires et de passage à l’acte ont été précocement rapportés lors des premiers essais de traitement de l’HCC par l’IFNα. Les idées suicidaires pourraient survenir chez 30 % des patients traités, sans être forcément accompagnées de passage à l’acte. Néanmoins, quelques cas de suicides ont été décrits. Ce risque, qui existe pendant le traitement antiviral et jusqu’à 6 mois après son arrêt, est plus marqué durant les 4 premières semaines d’arrêt. La meilleure prévention des conduites suicidaires reste la prise en charge des troubles psychiques et des addictions associées ainsi que le maintien d’un suivi prolongé. L’utilisation d’échelles telles que le MINI, qui évalue le risque suicidaire, l’Alcohol Use Disorders Identification Test (AUDIT) qui évalue l’usage à risque d’alcool, ou le Cannabis Abuse Screening Test (CAST) qui apprécie l’usage à risque de cannabis, est possible. Elle doit s’accompagner d’une démarche clinique soucieuse d’analyser le risque et l’urgence suicidaire. Troubles maniaques et mixtes (14, 20) Plusieurs cas d’épisodes maniaques secondaires au traitement par IFNα ont été rapportés dans la littérature. Ils peuvent survenir pendant ou après le traitement antiviral et sous traitement antidépresseur. Certains auteurs estiment que la prévalence des symptômes maniaques est sous-évaluée et que près de la moitié des épisodes psychiatriques sous PEG-IFN pourraient être des états maniaques ou mixtes. Ces états peuvent faciliter l’apparition de troubles des conduites sociales, un usage de substances psychoactives et des passages à l’acte médico-légaux. Lors des états mixtes, le risque suicidaire est majoré et éventuellement aggravé par la prescription d’antidépresseurs. Ces épisodes peuvent s’appréhender comme de simples effets indésirables, mais nous pensons qu’il est préférable de les considérer comme susceptibles de révéler un trouble bipolaire. En l’absence d’échelle spécifique, l’Afssaps recommande l’utilisation du MINI. Autres troubles psychiatriques (14) Des patients peuvent présenter des troubles de l’orientation temporo-spatiale, des troubles cognitifs, une somnolence, un ralentissement psychomoteur, des La Lettre du Psychiatre • Vol. VII - n° 3 - mai-juin 2011 | 83 DOSSIER THÉMATIQUE Dépression et affections somatiques Troubles psychiatriques et hépatite chronique C troubles du langage ou de l’écriture, des hallucinations ou des troubles délirants. Ils peuvent être secondaires au VHC, à ses complications ainsi qu’à son traitement. Si l’arrêt du traitement permet le plus souvent une régression des symptômes, ceux-ci persistent parfois. Il n’y a pas de clinique spécifique, les auteurs décrivant des symptomatologies délirantes et hallucinatoires variées. Cependant, une composante thymique est toujours à rechercher en première intention en cas de syndrome délirant. Prise en charge thérapeutique Sans préjuger de la tolérance psychique, il est recommandé d’évaluer l’état psychiatrique et addicto­ logique du patient et sa stabilité psychosociale avant l’instauration du traitement antiviral, et de suivre attentivement l’évolution de son sommeil, de son humeur, de son caractère et de ses conduites addictives (tabac, cannabis et alcool) tout au long du traitement et jusqu’à 6 mois après son arrêt. La tolérance psychique reste individuelle et pour tout patient une information et une surveillance psychiatrique sont nécessaires. L’Afssaps a bien établi les conduites à tenir avant, pendant et après le traitement antiviral tant en termes d’évaluation que de bon usage des psychotropes. Les prescriptions de psychotropes, en préventif ou en curatif, doivent s’accompagner d’une évaluation clinique et pharmacocinétique rigoureuse ainsi que d’une surveillance attentive (2). Conclusion Les problématiques psychiatriques et addictives influencent négativement l’accès à un soin optimal de l’HCC. Le manque d’implication et de formation des psychiatres comme des psychologues ainsi que le caractère non systématique de la coordination entre soin psychiatrique et soin psychologique constituent une réelle perte de chance pour les patients. Il paraît nécessaire, en s’appuyant sur les recommandations de l’Afssaps, de favoriser le développement d’un cadre de soins multidisciplinaires où les différents intervenants puissent collaborer de façon cohérente. Il est souhaitable, au vu de la prévalence du VHC et des conduites à risque dans la population psychiatrique, que la psychiatrie de secteur s’implique plus fortement dans ce domaine, en articulation avec les équipes somatiques ou addictologiques de proximité. Il serait bénéfique de développer un dépistage systématisé des hépatites C et B, peut-être avec l’aide d’EPP, et de proposer aux patients nécessitant un traitement antiviral des soins multidisciplinaires de proximité offerts par les centres médicaux psychologiques et les hôpitaux de jour. Ce n’est qu’à l’aide de telles organisations et de formations spécifiques que les patients souffrant de troubles psychiatriques et usant de substances psychoactives pourront être traités de façon efficiente et que les démarches de recherche nécessaires pourront être développées. C’est peut-être une urgence psychiatrique. ■ Références bibliographiques 1. Lang JP, Schmitter S, Benassi S, Michel L. 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