Affleurements de serpentine 2 e partie

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2e Partie
Géologie
Moeringie à
grandes feuilles
(Moehringia macrophylla)
Photo : Walter Siegmund
Affleurements de serpentine
Les botanistes s’intéressent à la végétation serpentinicole depuis près d’un siècle. C’est au
début du 20e siècle que l’on remarqua et que l’on étudia la flore croissant sur les affleurements de serpentine pour la première fois. Depuis, les recherches se sont approfondies et
l’on répertorie maintenant les affleurements de serpentine afin de déterminer des écosystèmes forestiers d’intérêt à protéger. Les caractéristiques de la flore serpentinicole en font
une flore hautement spécialisée, très limitée dans son aire de répartition et généralement
rare. La flore serpentinicole possède souvent un statut particulier; plusieurs de ces espèces
sont menacées, vulnérables ou susceptibles d’être désignées ainsi. Avec l’étalement des
zones urbaines, les activités agricoles et minières et le déboisement que ceci occasionne,
il est à propos de s’informer sur les affleurements de serpentine dans l’optique d’identifier
et de préserver ces écosystèmes rares et uniques.
PAR Valérie Germain
La formation géologique qu’est la serpentine* n’affleure que sur une infime
partie du territoire québécois. Malgré cela, la serpentine est reconnue
depuis l’époque du Frère Marie-Victorin comme ayant un potentiel
élevé d’abriter des forêts rares et des forêts refuges d’espèces menacées
ou vulnérables. Les premières études et cueillettes de données sur
la flore associée aux sols ultramafiques* eurent lieu au début du 20e siècle.
Le caractère ultramafique de la végétation avait attiré l’attention
du Frère Marie-Victorin dès 1908 et de M.L. Fernald et H.B. Jackson
avant 1915. Toutefois, ce n’est qu’au milieu des années 1960 que la
cueillette de données est véritablement inspirée par l’étude des relations
pouvant exister entre le substrat* ultramafique et la végétation. Dans les
années 1920, Henry Mousley, Jacques Rousseau et Clarence H. Knowlton
récoltent des espèces fortement associées à la bande de serpentine, soit
adiante des Montagnes Vertes (Adiantum viridimontanum), doradille
ambulante (Asplenium rhizophyllum) et moehringie à grandes feuilles
(Moehringia macrophylla). Ils récoltent leurs spécimens au lac Orford, à
Sainte-Catherine-de-Hatley, près de Saint-Cyr, au mont Girard et à Bolton.
Trente ans plus tard, une nouvelle espèce associée à la serpentine est
découverte au lac Bran de Scie, la minuartie rougeâtre (Minuartia rubella).
Dans les années 1960, plusieurs espèces indicatrices d’affleurements de
serpentine sont récoltées à divers endroits dans les Cantons de l’Est. On
observe des populations d’adiante des Montagnes Vertes (Adiantum
viridimontanum), de mélampyre linéaire (Melampyrum lineare), de campanule à feuilles rondes (Campanula rotundifolia), de pin rouge (Pinus
resinosa), de verge d’or hispide (Solidago hispida), de potentille frutescente
(Dasiphora fruticosa), de deschampsie flexueuse (Deschampsia flexuosa)
et de goodyérie panachée (Goodyera tesselata) à plusieurs sites dans la
région. Ces végétaux sont des espèces indicatrices facultatives, des espèces
serpentinicoles exclusives, préférentielles ou facultatives.
Vers la fin des années 1960, Philippe Forest est le premier à décrire
et cartographier la végétation associée aux es-carpements ultramaHIVER
2 0 11
Photo : Stan Shebs
Recherches passées
Doradille ambulante
(Asplenium rhizophyllum)
fiques dans la région. Son étude révèle de nouvelles populations de six
espèces serpentinicoles exclusives ou préférentielles, soit pellèade glabre
(Pellaea glabella), doradille ambulante (Asplenium rhizophyllum), verge
d’or simple variété de Rand (Solidago simplex subs. randii var. monticola), adiante des Aléoutiennes (Adiantum aleuticum), moehringie à
grandes feuilles (Moehringia macrophylla) et sélaginelle des rochers
(Selaginella rupestris). Plusieurs botanistes continuent les recherches dans les
années 1970 et au-delà; on répertorie de nouvelles populations jusqu’en
1999. Toutefois, plusieurs observations historiques ne sont jamais
retracées, comme la pinède rouge abritant le minuartie rougeâtre au
*Lexique
Bétulaie : Forêt où domine le bouleau.
Biodiversité : Diversité des espèces vivantes et de leurs caractères génétiques.
Inventaire floristique: État, description et estimation minutieux et détaillé
de la flore présente sur un territoire donné.
Roche mère : Roche à partir de laquelle se développe un sol et que l’on
retrouve inaltérée à la base de ce dernier.
Serpentine : Minéral constitué de silicate de magnésium hydraté.
Substrat : Ce qui sert de base, d’infrastructure à quelque chose.
Ultramafique : Qualifie une roche très riche en fer et en magnésium.
Progrès
34
Minuartie rougeâtre
(Minuartia rubella)
Forestier
Photo : Amelia Royan
lac Bran de Scie. La plupart des données historiques ne contiennent pas
de références géographiques; les populations observées dans le passé
sont difficiles à retracer.
Les efforts de recherche entre 1920 et 1999 permirent d’identifier une
dizaine de sites, en Estrie, où se trouvent des espèces serpentinicoles
strictes, actuellement susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec. Toutefois, les inventaires passés des affleurements
de serpentine estriens ne suffisent pas pour désigner des écosystèmes
forestiers rares, anciens ou refuges pour les espèces en péril.
Recherches actuelles
Des efforts de recherche furent entamés en 1995 pour mieux connaître
les populations de plantes vasculaires croissant sur les affleurements
de serpentine dans les Cantons de l’Est, au Centre-du-Québec et en
Campanule à feuilles rondes
(Campanula rotundifolia)
Chaudière-Appalaches. En 2000 et 2001, on
inventoria les affleurements dans la vallée du
ruisseau Gulf et de la rivière au Saumon ainsi
qu’à East Broughton Station, et au parc national
du Mont-Orford en 2002, 2003 et 2004. Un
inventaire floristique* des affleurements de
serpentine entre Saint-Martyrs-Canadiens et
la Vallée de la Chaudière fut réalisé en 2004.
Les recherches actuelles tentent de répertorier
des forêts refuges, des forêts rares et des forêts
anciennes croissant le long de la bande de
serpentine dans le sud du Québec. Pour ce faire,
on procède à un inventaire floristique le plus
détaillé possible des milieux naturels se trouvant
à l’intérieur des îlots serpentineux. Pour le choix
des sites à inventorier, trois caractéristiques sont
prises en considération, soit (i) des forêts d’âge
moyen ou plus ne comportant pas d’espèces
serpentinifuges, (ii) un relief accidenté, et
(iii) une roche mère* ayant un substrat
ultramafique. Ces recherches visent à proposer et à
justifier des candidats pour le statut d’écosystème
forestier exceptionnel, principalement des
écosystèmes abritant potentiellement des plantes
rares, menacées, vulnérables ou susceptibles
d’être ainsi désignées. Les recherches se
concentrent sur les écosystèmes forestiers refuges
sachant que les forêts rares sont peu nombreuses
et les forêts anciennes sont quasi absentes dans
le sud du Québec.
Les recherches actuelles visent principalement
à localiser les espèces serpentinicoles exclusives,
préférentielles ou indicatrices qui sont menacées,
vulnérables ou susceptibles d’être désignées
menacées ou vulnérables au Québec. Durant
l’étude terrain de 2002 dans la région de l’Estrie,
douze espèces désignées ou susceptibles d’être
désignées menacées ou vulnérables au Québec
et vingt espèces rares ou d’un intérêt particulier
hiver
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Progrès
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Forestier
Photo : Iomegat
Goodyérie
panachée
(Goodyera tesselata)
Deschampsie flexueuse
(Deschampsia flexuosa)
qu’elles poussent sur de hautes parois rocheuses et dans des talus d’éboulis. Les données historiques révèlent que les terrains plats, les dépressions,
les fonds de vallée, ainsi que d’autres sites dans la bande de serpentine,
sont recouverts d’une couche de matériaux étrangers masquant l’effet
de la serpentine sous jacente. Ces matériaux sont des dépôts glaciaires,
des dépôts organiques, des alluvions ou des colluvions, composés de
substrat non ultramafique. Par conséquent, ces endroits n’abritent pas
de populations de plantes serpentinicoles.
Les espèces végétales suivantes sont restreintes aux affleurements
de serpentine, à divers degrés, et elles ont été observées en Estrie,
au Centre-du-Québec et/ou en Chaudière-Appalaches : adiante des
Aléoutiennes (Adiantum aleuticum), adiante des Montagnes Vertes
(Adiantum viridimontanum), doradille ébène (Asplenium platyneuron),
doradille ambulante (Asplenium rhizophyllum), doradille chevelue
(Asplenium trichomanes), campanule à feuilles rondes (Campanula
Espèces d’intérêt écologique
Un des moyens pour préserver la biodiversité* présente sur un territoire
est l’identification et la protection des écosystèmes possédant le plus
grand intérêt et la plus grande valeur selon des critères de conservation.
Les inventaires floristiques faits en Estrie, au Centre-du-Québec et en
Chaudière-Appalaches sur les affleurements de serpentine permirent
d’identifier plusieurs écosystèmes d’intérêt écologique. Selon les observations historiques, les plantes serpentinicoles susceptibles d’être désignées
menacées ou vulnérables sont fréquemment associées aux pentes raides et
à la dénivellation importante des escarpements majeurs. Plusieurs espèces
serpentinicoles exclusives ou préférentielles sont ripicoles, c’est-à-dire
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hiver
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Progrès
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Forestier
Photo : Botaurus
Mélampyre linéaire
(Melampyrum lineare)
Photo : Cyclopogon
dans la région ont été observées sur les affleurements de serpentine. Ces
observations étaient réparties sur 24 sites. En assemblant les données
historiques et l’inventaire de 2002, on observa 17 espèces désignées
ou susceptibles d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec
et 25 espèces rares ou d’un intérêt particulier dans la région en Estrie.
L’évaluation des résultats de l’inventaire floristique de 2002 permit de
souligner sept sites abritant des forêts refuges potentielles et dix ou onze
sites abritant des forêts rares potentielles. À trois endroits, une partie du
territoire est déjà désignée écosystème forestier exceptionnel. En 2004,
l’inventaire floristique au Centre-du-Québec et en Chaudière-Appalaches
permit d’observer dix espèces de plantes désignées ou susceptibles d’être
désignées menacées ou vulnérables au Québec et 22 espèces rares ou
d’un intérêt particulier dans la région. Dans ces deux régions, on considère
qu’une quinzaine de sites abritent des forêts refuges potentielles ou des
forêts rares potentielles.
Conservation
rotundifolia), hamamélis de Virgine (Hamamelis virginiana), lycopode
sélagine (Huperzia selago), moeringie à grandes feuilles (Moehringia
macrophylla), minuartie rougeâtre (Minuartia rubella), pin rouge (Pinus
resinosa), platanthère à grandes feuilles (Platanthera macrophylla),
pellèade glabre (Pellaea glabella), sélaginelle des rochers (Selaginella
rupestris), verge d’or hispide (Solidago hispida), verge d’or pubérulente
(Solidago puberula), verge d’or simple variété de Rand (Solidago simplex
subs. randii var. monticola). Ces végétaux sont tous soit menacés,
vulnérables, susceptibles d’être désignés menacés ou vulnérables, rares
ou d’intérêt particulier pour la région. L’adiante des Montagnes Vertes,
une espèce serpentinicole exclusive, est considérée très rare globalement
et très rare au Canada. Selon le système de rangs de priorité pour le
Québec, la pellèade glabre est considéré extrêmement rare au Québec
et la moehringie à grandes feuilles est considéré rare au Québec.
Parmi les écosystèmes forestiers rares rencontrés sur les affleurements
de serpentine du Québec méridional, on note entre autres une
pinède blanche à érable rouge et des peuplements de pruches sur
serpentine avec épinettes rouges, cèdres ou sapins selon l’endroit. La
pruche et l’érable rouge sont des espèces indicatrices de serpentine
alors que l’érable à sucre, le hêtre et
les frênes sont serpentinifuges. Les
affleurements de serpentine estriens
abritent d’autres peuplements forestiers
d’intérêt floristique et écologique, soit
Pelléade glabre
diverses prucheraies, pinèdes, sapinières
(Pellaea glabella)
et bétulaies*.
Photo : Warren Co NJ
La végétation et la flore vasculaire relevées sur moins de 2 % du territoire
estrien ont permis de proposer huit ou neuf nouveaux sites comme
écosystèmes forestiers exceptionnels. Afin de comprendre le choix des
sites, il est nécessaire d’examiner les caractéristiques de tous les sites
inventoriés et le profil des espèces menacées et vulnérables au Québec ou
rares et d’un intérêt particulier dans la région. Étant donné la localisation
méridionale de la serpentine, la plupart des sites proposés comme
écosystèmes forestiers exceptionnels sont localisés sur des terrains privés.
Par exemple, les sites d’intérêt localisés dans le parc national du MontOrford doivent être reconnus rapidement afin d’orienter le zonage pour
la protection de ces sites ou de freiner le développement domiciliaire à
proximité des sites. Les sites étant répertoriés, la prochaine étape consiste
à rencontrer les propriétaires des lots où se trouvent les écosystèmes
forestiers exceptionnels afin de les informer de la présence d’un site de
grande valeur écologique sur leur propriété. Idéalement, pour des intérêts
écologiques et pour la conservation de la biodiversité, ces sites devraient
être protégés dans leur intégrité, mais le choix de protection revient à
chaque propriétaire. Espérons que ces derniers seront compréhensifs,
ouverts et coopératifs.
Pour en savoir plus
Les références utilisées pour la rédaction de cet article sont
disponibles auprès de l’Association forestière des Cantons de l’Est,
par courriel à [email protected].
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hiver
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