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Côte-d’Ivoire
ou comment on fabrique des différences ?
Longtemps symbole de stabilité politique
et de réussite économique,
la Côte-d'Ivoire est devenue, depuis la fin des années 1990,
un foyer de tensions et de divisions ethniques.
Quels sont les causes et les mécanismes de cette dégradation
et les évolutions possibles ?
(d'après "le Dessous des Cartes" – sept. 2002)
Situation géographique
La Côte-d'Ivoire est située à l’est de l’Océan Atlantique, sur le Golfe de Guinée.
Sa superficie est de 322 000 km²,
soit presque celle de l'Allemagne.
l'Indépendance du pays
La Côte-d’Ivoire est indépendante depuis 1960,
après avoir fait partie pendant plus de 60 ans du vaste ensemble colonial français,
l'Afrique Occidentale Française.
les Peuples Akan
Quelque 60 ethnies habitent ce pays.
Au sud et à l'est du fleuve Bandama vivent les peuples héritiers des royaumes Akan,
qui dominaient la région au XVIIIe siècle.
les Peuples Akan
Parmi eux, le peuple des Baoulé qui joue un rôle politique important dès l'indépendance en 1960.
Houphouët-Boigny, le premier Président ivoirien était un Baoulé.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la capitale a été transférée en 1983
d'Abidjan vers Yamoussoukro, son village natal,
même si Abidjan reste la capitale économique du pays.
la Répartition ethnique de la Côte-d'Ivoire
A l'ouest du fleuve Bandama, on trouve l'aire culturelle Krou,
qui comprend notamment les Krou et les Bété.
Ils ont toujours eu une attitude frondeuse vis-à-vis de l'hégémonie des Baoulé.
Dans le nord du pays vivent les peuples Gur, comme les Sénoufo,
et les peuples Mandé, comme les Dioulas, connus pour leur commerce de l’or, de l’indigo et du coton.
la Répartition religieuse
Les Dioulas ont contribué à la diffusion de l'Islam parmi les peuples des savanes.
La Côte-d’Ivoire se divise donc entre un nord du pays plus ou moins islamisé
et un sud où cohabitent traditions animistes
et traditions chrétiennes importées par les missionnaires français.
la Population ivoirienne
Sur les 16 millions d'habitants de la Côte-d’Ivoire, près de 30 % sont d'origine étrangère.
Il s’agit en majorité de Burkinabés et de Maliens
mais également de Sénégalais, de Guinéens, de Libanais et d’Européens.
le Mode de développement ivoirien
A l'époque coloniale, le sud forestier devient un "front pionnier".
Il s’agit d’une zone de forêts tropicales, au climat équatorial humide,
qui s'oppose à la zone nord occupée par la savane au climat tropical.
Ce front va se déplacer d'est en ouest,
avec la progression des exploitations forestières et les plantations de cacao et de café.
le Mode de développement ivoirien
Celles-ci attirent une main d'œuvre originaire du centre du pays, comme les Baoulé,
de l'ouest du pays comme les Bété ou encore du Burkina Faso actuel,
qui était rattaché administrativement à la Côte-d'Ivoire à l'époque coloniale,
à l'intérieur de l'Afrique Occidentale Française.
les Choix économiques d'Houphouët-Boigny
L'indépendance de 1960 renforce ce mode de développement économique.
les Choix économiques d'Houphouët-Boigny
Houphouët-Boigny choisit de poursuivre l'exportation de café, de cacao, de bois,
de maintenir des liens étroits avec les entreprises de l'ancienne métropole, la France
et de s'ouvrir aux capitaux et aux hommes avec un code des investissements attractifs
et une politique d'intégration des migrants étrangers,
comprenant le droit de vote, l'accès aux services publics et l'accès à la terre.
l'Économie de la Côte-d'Ivoire
La Côte-d'Ivoire parvient ainsi à diversifier son agriculture
en exportant ananas, coton, huile de palme et hévéa.
Elle développe également une industrie du bois, du textile et agroalimentaire
ainsi qu’un important programme d'infrastructures.
le Miracle économique ivoirien
Grâce à ces choix, la Côte-d’Ivoire multiplie son Produit Intérieur Brut par 10 entre 1950 et 1980.
Elle devient le 1er producteur de cacao au monde, le 4e pour le café
et le 1er producteur de caoutchouc d'Afrique.
La Côte-d'Ivoire devient ainsi la 3e puissance économique du continent,
après l'Afrique du Sud et le Nigeria.
les Conséquences de ce mode de développement
Le développement du pays a aussi des conséquences négatives.
Il accentue les déséquilibres entre le nord et le sud du pays
- où 70 % de la population se concentre aujourd’hui et les tensions sur la terre entre les populations locales.
Houphouët laisse un pays en crise
La mort du Président Houphouët-Boigny survient en 1993 dans un contexte de crise économique.
Cette crise s’amorce dès les années 1980 avec :
l'usure du pouvoir ; l'arrivée de jeunes diplômés sur le marché ;
la forte chute des cours du cacao et du café, d'où un fort endettement ;
et un certain désengagement de la France.
Houphouët laisse un pays en crise
Autant de phénomènes qui ont entraîné
une sérieuse dégradation des conditions de vie des populations.
les Origines du discours sur l'ivoirité
Une idéologie de l'exclusion qui sert à détourner l'opinion publique de la crise
en lui offrant des boucs-émissaires,
c’est-à-dire les quelque 30 % d'étrangers qui vivent en Côte-d'Ivoire.
Mais qui lui permet aussi d’évincer de l'élection son principal rival politique, Alassane Ouattara.
les Origines du discours sur l'ivoirité
Le successeur désigné d’Houphouët, Henri Conan Bédié, est comme lui d'ethnie Baoulé.
Or, la crise économique rend incertain son maintien au pouvoir après les élections de 2000.
Bédié développe alors un discours sur l'ivoirité.
l'Ivoirité à des fins politiques
Ouattara est l'ancien Premier ministre de Houphouët-Boigny.
Mais il est soudainement présenté comme un étranger de nationalité burkinabée,
donc inapte à briguer la magistrature suprême.
Cette lutte de pouvoir va conduire à des heurts physiques
entre partisans de Ouattara et de Bédié, puis entre Ivoiriens et Burkinabés.
le Coup d'État de 1999
Cette crise sans précédent mène le 24 décembre 1999
au premier coup d'État de l'histoire ivoirienne.
Bédié est renversé par le général Guéi, soutenu par les militaires mécontents.
Ce coup d'État ne met cependant pas fin aux tensions.
la Carte électorale des présidentielles de 2000
Ouattara et Bédié ayant été écartés du scrutin, c'est finalement le vieil opposant à Houphouët,
Laurent Gbabgo qui est élu, grâce au sud du pays, face au général Guéi,
qui ne bénéficie que du soutien de sa région natale à l'ouest du pays.
Mais il y a 63 % d'abstentionnistes pour cette élection, surtout dans le nord et le centre du pays.
la Fracture ivoirienne
Tout cela traduit en fait la fracture entre le sud plutôt chrétien, "pays utile autochtone",
avec le pays Akan des Baoulés
et le nord à tradition musulmane, où se trouve Kong, la ville d'origine de Ouattara.
la Fracture ivoirienne
Par des glissements successifs, les départements nord de la Côte-d'Ivoire
sont assimilés à l'immigration étrangère et musulmane,
provenant du nord, c'est-à-dire du Burkina, du Mali et de la Guinée.
C’est ainsi que l’on fabrique peu à peu des différences.
La notion d'ivoirité a été en effet accentuée volontairement,
dans un but d'exclusion.
Les populations du sud s'estiment menacées par les "nordistes"
qui viennent travailler dans les exploitations forestières.
Pourtant, depuis l'indépendance, c'est plutôt le nord
qui a été laissé à l'écart de l'expansion économique.
Cette situation a eu pour conséquences :
un secteur du tourisme sinistré ;
une économie en crise ;
un pays réputé pour sa stabilité désormais analysé comme
facteur de déstabilisation.
Un forum de réconciliation s'est tenu
entre les principaux leaders politiques.
Mais il est toujours demandé à Ouattara
de prouver sa nationalité ivoirienne.
Qu’est-ce que signifie prouver son ivoirité
en remontant à deux générations,
c'est-à-dire aux grands-parents,
alors qu'il y a cinquante ans, la Côte-d'Ivoire n'existait pas
et que tout le monde vivait en Afrique Occidentale Française ?
Cette "ethnicisation" des problèmes est la pire façon
de sortir un pays d'une crise économique.
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