LA CANCEROLOGIE A L’OFFICINE MODULE 1 Dossier présenté par Pierre-Xavier FRANK Pharmacien Le plan de cette formation 1) Généralités sur le cancer 2) La chimiothérapie cytotoxique 3) Effets indésirables et conseils de prise en charge 4) Hormonothérapie 5) Immunothérapie 6) Thérapies ciblées 7) QCM, VRAI/FAUX, ordonnance 1 Quelques définitions… Cancer : terme général appliqué à un grand groupe de maladies qui peuvent toucher n'importe quelle partie de l'organisme. L'une de ses caractéristiques est la prolifération rapide de cellules anormales qui peuvent essaimer dans d'autres organes, formant ce qu'on appelle des métastases (OMS, 2014). Tumeur : masse tissulaire résultant de la prolifération excessive de cellules plus ou moins différenciées, ayant tendance à persister et à croître de façon autonome (sans stimuli extérieur). Différence entre tumeur bénigne et tumeur maligne? Tumeur bénigne Tumeur maligne Pas de métastase Métastase possible Bien différenciée Différenciation variable Croissance lente Croissance rapide Refoulement sans destruction des tissus voisins Envahissement des tissus voisins Pas de récidive locale après exérèse complète Exérèse complète difficile avec récidive locale possible Bien limitée et encapsulée Mal limitée, encapsulée 2 Quelques définitions… Métastases : cellules tumorales qui disséminent dans tout l’organisme par les circulations sanguine et lymphatique. Les organes les plus vascularisés (foie, os, cerveau) sont les plus touchés par cette dissémination. Mais attention aussi au dissémination lors d’exérèse…. Oncogenèse : ensemble des mécanismes et facteurs à l’origine de la transformation d’une cellule saine en cellule cancéreuse De la cellule saine à la cellule cancéreuse : bases de la cancérologie fondamentale L’oncogenèse repose sur une accumulation d’altérations génétiques qui conduisent à la dérégulation de la prolifération cellulaire et de l’homéostasie tissulaire. 3 types d’altération: Activation de proto-oncogène en oncogène = les activateurs de prolifération Inactivation de gène suppresseur de tumeur = les inhibiteurs de prolifération Altération de gènes impliqués dans l’intégrité du génome = les correcteurs d’erreurs 6 caractéristiques fonctionnelles acquises par les cellules tumorales 3 1) Testostérone, œstradiol, hormones thyroïdiennes, EGF, FGF, VEGF, PDGF… Récepteurs de la famille HER. 4) Le raccourcissement des télomères… et le rôle de la télomérase 4 Vitesse de prolifération d’un cancer Extrêmement variable d’un cancer à l’autre S’exprime par le temps de doublement tumoral (TDT): temps exprimé en jours pour que la tumeur double de volume TD d’une tumeur très proliférante < 50 jours TD d’une tumeur de prolifération moyenne : entre 50 et 100 jours Pour atteindre 1 gramme, soit 1 milliard de cellules, il faut, pour la plupart des cancers, 30 étapes de doublement, donc en moyenne 60 à 90 mois, donc 5 à 8 ans. Quand une tumeur est cliniquement décelable, elle existe donc depuis plusieurs années. Généralités sur le cancer : épidémiologie en 2014 Près de 350 000 nouveaux cas de cancer en 2014 en France (source InVS) Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès : le cancer est 1er exaequo avec les maladies cardiovasculaires (environ 150 000 morts / an) (février 2014). Incidence et mortalité par cancer selon le sexe: Homme (mortalité): poumon +++, prostate ++, colon-rectum + Homme (incidence): prostate +++, poumon ++, colon-rectum + Femme (mortalité): sein +++, colon-rectum ++, poumon + Femme (incidence): idem Âge médian au diagnostic : 67 ans 5 En savoir plus : L’épidémiologie des cancers en FRANCE http://www.e-cancer.fr/prevention-cancers-le-test Le test pour les patients 6 http://www.e-cancer.fr/prevention-cancers-le-test Le test pour les patients Généralités sur le cancer : le diagnostic Découverte parfois fortuite, à la suite de symptômes discrets, de complications, d’un test de dépistage… Examen clinique fondamental (interrogatoire policier, examen physique) et examens complémentaires soigneusement choisis (radio, échographie, scanner, IRM…) permettent d’établir la topographie de la tumeur. Ils renseignent la classification TNM : T: taille de la tumeur primitive (T1 à T4, T0: absence) N: présence de ganglions satellites (N1 à N3, N0: absence) M: métastases (M0: absence, M1: présence) L’examen anatomo-pathologique est indispensable au diagnostic, il donne le degré de malignité, les récepteurs hormonaux et les anomalies génétiques. Les marqueurs tumoraux n’ont aucun intérêt diagnostic, mais suivi +++ 7 Les traitements actuels Chimiothérapie Hormonothérapie Immunothérapie Anticorps monoclonaux Chirurgie Radiothérapie Classification des anticancéreux Chimiothérapie (cytotoxiques) • Alkylants • Agents induisant de coupures dans l’ADN • Antimétabolites • Poisons du fuseau Hormonothérapie • Agonistes LH-RH • Anti-oestrogènes • Anti-androgènes • Inhibiteurs de l’aromatase Immunothérapie • IFNα • IL2 Thérapie ciblée 8 Les traitements actuels : traitement général médicamenteux Ils sont utilisés dans plusieurs situations : En préopératoire, afin de faciliter l’exérèse chirurgicale d’une tumeur de volume important : traitement néoadjuvant En postopératoire, afin de compléter le geste chirurgical et d’éviter les récidives : traitement adjuvant En situation de cancer métastatique Les lignes de traitement définissent les protocoles thérapeutiques : traitement de 1ère, 2ème ou 3ème ligne Les traitements anticancéreux regroupent les cytotoxiques, les thérapies ciblées, l’hormonothérapie et l’immunothérapie Les traitements actuels : traitement général médicamenteux La chimiothérapie « Chimiothérapie » se réfère classiquement à l’emploi des molécules cytotoxiques. Sa définition se redessine aujourd’hui. De 1980 à nos jours : 132 molécules anticancéreuses mises sur le marché 2010 – 2015 : 37 nouvelles molécules (contre 18 habituellement) En 2014, l’oncologie était le domaine où les innovations étaient les plus nombreuses : 6 anticancéreux sur 30 nouvelles molécules ! 3 pour l’officine : Giotrif®, Tafinlar® et Xtandi® 3 pour l’hôpital : Kadcyla®, Zydelig®, et Imbruvica® 9 La chimiothérapie (suite) L’association de plusieurs cytotoxiques est souvent indispensable car Toutes les cellules ne sont pas au même stade de division Les tumeurs présentent des résistances (primaires ou secondaires) On parlera ainsi de protocoles qui sont découpés en cycles qui désignent chacun une période de traitement et sa période de repos associée. Le protocole peut toujours être modifié si le besoin s’en fait sentir (effet indésirable, patient indisponible…) Exemple de protocole : Sortie Réserve Hospitalière Les molécules cytotoxiques Les agents cytotoxiques sont pour la majorité réservés à l’usage hospitalier… …mais de plus en plus se retrouvent en officine de ville : Ex : cyclophosphamide (Endoxan®), topotécan (Hycamtin®), vinorelbine (Navelbine®), capécitabine (Xéloda®)… Les modes d’administrations des cytotoxiques varient selon la molécule (voie parentérale, voie orale) Leur action est non spécifique des cellules cancéreuses : les tissus sains à renouvellement rapide sont ceux qui souffrent le plus (moelle osseuse, phanères et tube digestif) On distingue 4 grandes familles dont les agents ont tous une interaction directe ou indirecte avec l’ADN : 1) Agents alkylants 2) Agents induisant des coupures 3) Antimétabolites 4) Poisons du fuseau mitotique 10 1) Les agents alkylants Ils induisent des modifications directes de l’ADN par formation de liaisons covalentes avec les bases azotées Ces liaisons sont intra-brin ou inter-brin Elles perturbent considérablement les mécanismes cellulaires de réplication Moutardes à l’azote, sels de platine, nitroso-urées et autre classe chimique Cyclophosphamide Cisplatine Réplication de l’ADN 11 Les moutardes à l’azote : • • • • • • Cisplatine Carboplatine Oxaliplatine Cisplatyl® Paraplatine® Eloxatine® Les nitroso-urées : (DCI se termine par mustine) • • • • • Endoxan® Holoxan® Alkéran® Chloraminophène® Vercyte® Caryolysine® Les sels de platine : • • • Cyclophosphamide Ifosfamide Melphalan Chlorambucil Pipobroman Chlorméthine Carmustine Lomustine Fotémustine Estramustine Streptozocine Bicnu®, Gliadel® Belustine® Muphoran® Estracyt® Zanosar® Autre classe chimique : • • • • • • Mitomycine C Thiothépa Busulfan Procarbazine Dacarbazine Temozolomide Amétycine® Thiothépa® Myleran® Natulan® Déticène® Temodal® Source : le Moniteur des pharmacies (12 juin 2010) 12 2) Les agents induisant des coupures de l’ADN Les agents intercalants Molécules s’intercalant dans la double hélice de l’ADN, entre 2 bases adjacentes, entraînant : • une inhibition de la réplication et de la transcription de l’ADN • la génération de radicaux libres et de lésions membranaires • une inhibition de la topo-isomérase II Ce sont des antibiotiques : • Anthracyclines et bléomycine • daunorubicine • doxorubicine=Adriamycine • épirubicine • idarubicine • pirarubicine • Anthracènediones • mitoxantrone Cérubidine®, Daunoxome® Adriblastine®, Caelyx®, Myocet® Farmorubicine® Zavedos® Théprubicine® Novantrone® Structure moléculaire parfaitement plane induisant un stress oxydatif important : agent intercalant L’épirubicine Structure des anthracyclines 13 Source : Le moniteur des Pharmacies (12 juin 2010) 2) Les agents induisant des coupures de l’ADN (suite) Les inhibiteurs des topo-isomérases I ou II Rappel : Les topoisomérases sont des enzymes clés du cycle cellulaire car elles contrôlent le degré de surenroulement de l’ADN en modifiant le degré d’enroulement d’un brin autour de l’autre. La topoisomérase de type II convertit l’ADN relâché en une forme surenroulée alors que la topoisomérase de type I enlève des surenroulements à la molécule d’ADN. Les inhibiteurs des topo-isomérases empêchent la religature des brins d’ADN par les topoisomérases coupure définitive et apoptose. Les inhibiteurs de la topoisomérase I Irinotécan topotécan Campto® Hycamtin® Les inhibiteurs de la topoisomérase II étoposide Celltop ® 14 3) Les antimétabolites Ce sont des analogues structuraux d’éléments indispensables à la synthèse des acides nucléiques (bases puriques, pyrimidiques…) Ils peuvent : se substituer à eux et ainsi créer des nucléotides « erronés » inhiber les enzymes indispensables à la synthèse des acides nucléiques. inhiber leurrer 15 analogues des purines • • • • • 6-mercaptopurine fludarabine cladribine pentostatine Thioguanine Purinéthol® Fludara® Leustatine®, Litak® Nipent® Lanvis® analogues des pyrimidines • • • • • cytarabine 5-fluorouracile (5-FU) tégafur, uracile gemcitabine capécitabine Aracytine®, Cytarbel® Fluoro-Uracile® UFT® Commercialisation stoppée en janvier 2013 (ANSM) Gemzar® Xeloda® analogues de l'acide folique (antimétabolites) Bloquent la synthèse des folates par inhibition enzymatique. • méthotrexate (MTX) Methotrexate®, Ledertrexate® • pemetrexed Alimta® autres : • les inhibiteurs de la ribonucléotide réductase • hydroxycarbamide Hydrea® 16 Thymidilate synthase 17 4) Les Poisons du fuseau Ce sont les antimitotiques au sens strict. Ils interagissent avec les microtubules, fibres constitutives du cytosquelette qui se polymérisent et se dépolymérisent au moment de la mitose. Rôle : ramener les chromosomes dans chaque cellule fille En métaphase, la polymérisation des dimères de tubuline entraîne la formation et la croissance des microtubules X inhibition par les alcaloïdes de la pervenche Lors de l’anaphase, les chromosomes se séparent. Les microtubules raccourcissent par dépolymérisation. X inhibition par les taxanes On distingue 2 classes de poisons du fuseau : Les vinca-alcaloïdes ou alcaloïdes de la pervenche de Madagascar Ils inhibent la polymérisation des microtubules Vincristine Vinblastine Vindésine Vinorelbine Oncovin® Velbé® Eldésine® Navelbine® Les taxanes, issus de l’if Ils inhibent la dépolymérisation des microtubules Paclitaxel Docétaxel Cabazitaxel Taxol® Taxotère® Jevtana® 18 Fin du 1er module Votre résolution : [email protected] 19