L`ACCORD SUR LA RESPONSABILITE SOCIALE DU GROUPE

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N° 522 / Juillet-Août 2005 / 9,00 e
ENTRETIEN
SEVERINE MELAN
L’ACCORD SUR LA RESPONSABILITE SOCIALE
DU GROUPE EDF : LE VOLET HANDICAP
DOSSIER
LES ENFANTS
DYSPRAXIQUES
MAGAZINE
COMETE FRANCE ET
CINERGIE SIGNENT UNE
CONVENTION DE
PARTENARIAT
I.S.S.N. 0484 - 0305
Juillet-Août
2005
COMITÉ DE RÉDACTION
Mme Cécile Allaire, Fondation de France - M. P. Alviset,
Vice-président de l’ANRH - Mme F. Baldy Présidente de
l’ANPEA - M. B. Belin - M. P. Bernès (APF) - Pr F. Bonnaud,
Président du Comité national contre la tuberculose et les
maladies respiratoires - Mme C. Buisson Directeur général
de l’AGEFIPH - M. J. Canneva, Président de l’UNAFAM - Dr
Cassagne, Hôpital La Salpêtrière (Paris) - Mme D. de
Castellane-Mouchy - Mme J. Chalude, Présidente de
Action, communication, formation pour la surdité (ACFOS) M. L. Cocquebert, Directeur général de l'UNAPEI - M. J.M.
Creff (APF) p.i. - Mme M.C. Courteix, Chargée de mission
de l’adaptation et de l’intégration scolaire auprès de la
Direction de l’Enseignement scolaire - M. J.C. Cunin (AFM)
- Mme A.C. De Crouy, Fondation Santé des Étudiants de
France - M. A. Dessertine, Président de l'ADEP - Pr O.
Dizien, Hôpital R. Poincaré (Garches) - M. H. Faivre,
Président du CLAPEAHA - Pr Fardeau, Directeur scientifique
et médical de l’Institut de myologie - M. Gantet, Secrétaire
général du CNPSAA - M. de Gaudemare, Directeur de
l’Enseignement scolaire, Ministère de l'Éducation nationale
- M. P. Gohet, Délégué interministériel aux Personnes handicapées - Mme G. Gomez, Chef de service à l’Office national des anciens combattants - Pr C. Hamonet, Hôpital
Henri Mondor, Paris, Hôpital Bichat, Paris - Mme B. Idziak,
Présidente du GIHP - M. H. Lafay, Vice-président de
l’APAJH - M. J. Monteil, Directeur de l'Enseignement supérieur, Ministère de l'Éducation nationale - M. F. Montès,
Membre fondateur du CNIR - Mme M. Palauqui, Chargée de
l’accueil des étudiants handicapés, Direction de
l’enseignement supérieur - Mme K. Reverte, Directrice du
CCAH - Mme Sanchez, Association d’entraide des polios et
handicapés (ADEP) - M. A. Savy - Mme N. Schild-Chipiloff,
Vice-Présidente du CNIR, Membre fondateur - Mme J.
Tabath (AFM) - Mme F. Tuchman, Responsable mission
insertion professionnelle des travailleurs handicapés,
ministère de l’Emploi et de la Solidarité - Mme C. Viennot
(UNAFTC) - Mme J. Voisin, Direction de l’Action Sociale.
l’entretien
Interview de Séverine Mélan
le dossier
7
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
8 Reconnaître une dyspraxie
Dr Michèle Mazeau
LA PRISE EN CHARGE
SANITAIRE ET ÉDUCATIVE
14 Les troubles visuels associés aux
dyspraxies
Dr Hélène Assali-Dalens
18 Rôle de l’orthoptiste dans la prise ne
charge d’un enfant dyspraxique
Laurence Cotard
21 Le rôle du psychomotricien dans la
prise en charge des enfants dyspraxiques
Florence Roger
25 Le rôle du psychologue dans la
rééducation de l’enfant dyspraxique
Françoise de Barbot
LA SCOLARITÉ
27 La prise en compte des dyspraxies de
l’enfant par le ministère de l’Éducation
nationale
Interview de Marie-Claude Courteix
30 Comment en tant qu’enseignant nous
pouvons aider l’enfant dyspraxique
Françoise Cailloux
35 Témoignage d’un instituteur
spécialisé dans une CLIS accueillant des
enfants dyspraxiques
Éric Hurtrez
39 Témoignage d’un enseignant de la
CLIS Dyspraxique (91)
Cyril Petit
LES PARENTS D’ENFANTS
DYSPRAXIQUES
40 Dyspraxie visuo-spatiale et écriture
au clavier
Claire Le Lostec
45 TGT : un outil pour construire la
géométrie ?
Jack Sagot
49 L’association de parents d’enfants
dyspraxiques : Dyspraxiques Mais
Fantastiques (DMF)
Interview de Françoise Cailloux et Catherine Amiel
53 Témoignages de parents d’enfants
dyspraxiques
53 Cathy, maman de Nicolas
53 “Le parcours de notre fils est le prototype de
celui d’un dyspraxique lourd”
54 La dyspraxie face au collège
55 Christophe
55 “Un combat qui vaut la peine même si ce n’est
pas facile tous les jours”
56 “Nous appréhendons le passage de Stéphane
en 6e l’année prochaine”
56 “On apprend à vivre avec la dyspraxie”
57 “Ma dyspraxie”
58 Françoise, professeur des écoles
58 Témoignage d’un professeur de dessin
59 Les dyspraxiques rejoignent la FLA
(Fédération française des troubles
spécifiques du langage et des
apprentissages)
ABONNEMENTS
France métropolitaine
ordinaire .............................................................................. 60,00 e
Tarif réduit :
étudiants, personnes handicapées ............................... 42,00 e
Soutien ............................................................. à partir de 70,00 e
Union Européenne .......................................................... 65,00 e
Union Européenne par avion .......................................... 69,00 e
S’adresser à : ONISEP Diffusion - LOGNES
77423 MARNE LA VALLEE CEDEX 2
Tél : 01.64.80.35.00
2
2 L’accord sur la responsabilité sociale du groupe EDF : le volet handicap
Couverture : dessin d’enfant
168 Bd du Montparnasse 75014 PARIS
Tél : 01.43.21.46.05 / Fax : 01.43.21.05.65
Email : [email protected]
Organe de presse de l’Office National d’Information sur les
Enseignements et les Professions (ONISEP) et du Centre
National d’Information pour la Réadaptation (CNIR)
M. R. Buron , ancien Ministre, premier Président du Comité
de rédaction (1973)
M. A. Dessertine, Président du CNIR
M. H. de Monts de Savasse, Directeur de l’ONISEP
M. J. Savy, Rédacteur en Chef
Mme M. Machtou, Secrétaire de rédaction
Mme S. Pelletreau, Secrétariat
avec la participation du Service Réadaptation de l’ONISEP
Maquette et PAO : M. Ph. Amat
60 Les associations adhérentes à la FLA
le magazine
4
4 Signature pour 3 ans d’une convention d’objectifs entre l’État et l’AGEFIPH
5 Comète France et Cinergie signent une convention de partenariat
VENTE AU PUBLIC
Librairie de l’Éducation, 13 rue du Four, 75006 Paris
Tél : 01.46.34.54.80
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Tanco Communication, 29, rue de Lavaud,
23300 La Souterraine - Tél : 05.55.63.98.24/27
le Sommaire
RÉDACTION
N° 522
Ce numéro de Réadaptation bénéficie du soutien du Ministère de l'Emploi, de la Cohésion
sociale et du Logement.
Directeur de la publication : M. de Monts de Savasse
N° de la Commission paritaire : 1009 B 070 19 / Dépôt légal : Juillet 2005
Imprimeur : Centre Impression, Limoges
Réadaptation N°522
1
l’Entretien
l’
entretien
L’accord sur la responsabilité
sociale du groupe EDF : le volet
handicap
Interview de Séverine Mélan
Mission Insertion des Personnes Handicapées, EDF-Gaz de France
F
Séverine Mélan
ruit des négociations entre la direction du Groupe, les représentants des salariés et les organisations syndicales des principales filiales d’EDF à l’échelle mondiale (Europe, Asie,
Amérique du Sud), l’accord sur la Responsabilité Sociale des
Entreprises (RSE) a été signé le 24 janvier 2005. Il ne vise pas à définir de nouvelles normes transnationales, mais à impulser des orientations et des engagements communs.
La notion de RSE est liée à l’application
du concept de développement durable
qui repose sur 3 piliers (économique,
social et environnemental). La RSE
(CSR, Corporate Social Responsability
selon le vocable international) signifie
qu’une entreprise doit non seulement se
soucier de sa rentabilité et de sa croissance, mais aussi de ses impacts environnementaux et sociaux. Aujourd’hui,
environ 700 sociétés se sont engagées
dans cette démarche, principalement
les grandes entreprises cotées en bourse qui ont de forts impacts environnementaux ou qui gèrent des marques
grand public.
Comment s’inscrit l’intégration des
personnes
handicapées
dans
l’accord RSE d’EDF ?
2
Réadaptation N°522
“La responsabilité
du groupe EDF
va bien au delà
de la prise en compte
de l’emploi
des personnes
handicapées.”
Par la conclusion de cet accord, les
signataires s’engagent à lutter contre
toute forme de discrimination et à promouvoir l’égalité des chances. L’accord
vise en particulier, à favoriser l’insertion
des travailleurs en situation de handicap
: démarche de recrutement volontariste,
mesures d’accompagnement des parcours professionnels, aménagement des
postes de travail, sensibilisation des
équipes et recherche de solutions appropriées face à aux salariés les plus âgés
ou susceptibles de développer un handicap.
La responsabilité du groupe EDF va bien
au delà de la prise en compte de l’emploi
des personnes handicapées. Un article
est en effet consacré aux engagements
du groupe dans la vie de la cité, c’est à
É
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P
l’Entretien
L'ACTUALITÉ
dire aux questions d’accessibilité (bâtiments, services, communication en
ligne), à l’accueil clientèle et au recours
aux entreprises du secteur protégé dans
la politique d’achat.
Comment se décline-t-elle au sein
de nos entreprises ?
L’accord RSE, c’est aussi un processus de
communication et d’échange d’informations sur le handicap qui trouve son
complément dans d’autres dispositions
législatives françaises (art. 116 de la loi
sur les Nouvelles Régulations Economiques du 15 mai 2001*, loi sur l’égalité
des droits et des chances des personnes
handicapées du 11 février 2005).
*L’article 116 de la loi sur les Nouvelles
Régulations Economiques oblige les
entreprises cotées de droit français à
fournir des informations dans leurs rapports annuels, sur la manière dont leur
société prend en compte les conséquences sociales et environnementales
de leur activité. Cela va des émissions de
gaz à effet de serre à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes en
passant par l’insertion des personnes
handicapées.
L’accord prévoit ainsi la désignation,
dans chaque société du groupe EDF,
d’un correspondant chargé du suivi des
engagements et la possibilité pour
l’ensemble des correspondants, de
communiquer à travers un réseau
internet dédié.
En outre, des bilans détaillés des
actions menées devront être réalisés.
L’implication de la maison mère à
l’échelle du groupe ?
EDF veillera à poursuivre les démarches
entreprises depuis octobre 2004 auprès
de ses filiales françaises et européennes
(ELECTRICITE DE STRASBOURG, EDF
ENERGY, EnBW, FENICE, EDISON). Cet
engagement est clairement rappelé à
l’article 1 de notre nouvel accord national 2005 sur l’intégration des salariés
handicapés. Il s’agit avant tout, par ces
échanges d’expériences, de contribuer à
impulser une politique commune propre
à améliorer, voire renforcer l’implication
des personnes handicapées dans nos différentes entreprises.
4
Réadaptation N°522
Résultat définitif : 104,7 millions d’euros
104 678 697 euros : c’est la totalité des
dons finalement recueillis par l’AFM lors du
Téléthon 2004. Grâce à la générosité
renouvelée des donateurs, la promesse affichée au compteur le 4 décembre au terme
des 30 heures d’émission en direct sur
France 2 (98 373 842 euros) s’est donc
concrétisée à 106,4 %. Grâce à cette mobilisation exceptionnelle, l’AFM peut poursuivre son combat pour la guérison des
maladies neuromusculaires, bénéficiant à
tant de maladies d’origine génétique, rares
et incurables. Parallèlement à sa mission
d’aide aux malades, l’AFM financera
notamment cette année plus de 400 programmes scientifiques, ainsi que son laboratoire Généthon, l’Institut de Myologie ou
encore l’Institut des maladies rares.
Source : AFM
Signature pour 3 ans d’une convention d’objectifs entre
l’État et l’AGEFIPH
Avec en 2004 un dépassement de ses dépenses de l’ordre de
15 millions d’Euros sur son budget prévisionnel, l’AGEFIPH
(Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), comme l’a rappelé son Président Rémi Jouan, est
désormais soucieuse de respecter le montant annuel de sa
collecte qui est de 400 millions d’Euros. Une politique qui l’a
amenée à décider de ne plus financer ce qui ne dépend pas expressément de la
mission de l’AGEFIPH dont le Conseil d’Orientation a approuvé “une refonte de
certains financements de mesures ou d’aides aux structures, afin de privilégier
les actions porteuses de réels résultats sur l’emploi des personnes”. Cette politique a fait l’objet de la signature le 24 mai 2005 pour trois ans d’une
Convention d’objectifs qui a été signée par Gérard Larcher, Ministre délégué aux
Relations du Travail, Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’État aux personnes
handicapées et Rémi Jouan, Président de l’AGEFIPH. Cette convention constitue
la première concrétisation de la loi du 11 février 2005, dans l’attente de la
publication des décrets d’application. L’Etat et l’AGEFIPH s’engagent à développer la qualification professionnelle en ayant recours notamment au dispositif de
formation de droit commun, à améliorer l’accès à l’emploi et à le maintenir. Les
entreprises seront mobilisées sur les nouveaux pactes territoriaux, dont l’objectif
est de réduire de 20 % en un an le chômage des personnes handicapées.
Si les mesures restrictives, dont il a été question plus haut, touchent un certain nombre d’associations, les CAP Emploi continuent à bénéficier du soutien
financier de l’AGEFIPH.
Parallèlement, l’AGEFIPH a fait l’objet d’une réorganisation, qui devrait contribuer à améliorer ses résultats. Si l’on constate une hausse lente mais régulière du taux d’emploi, le nombre des demandeurs d’emploi porteurs d’un handicap continue d’augmenter. Le phénomène, selon l’AGEFIPH trouve entre autres
son explication dans l’augmentation importante du nombre de reconnaissances
administratives du handicap (leur nombre a doublé en 10 ans), mais également dans la représentation négative que les entreprises se font du handicap.
AGEFIPH - 192 avenue Aristide Briand - 92226 BAGNEUX Cedex
COMETE-FRANCE et CINERGIE signent une convention de partenariat
“Comète France” et “Cinergie” viennent de signer sous le haut patronage de l’Ordre des
médecins représenté par son Président, le Dr Michel Ducloux, une convention de partenariat. “Comète France”, que préside le Dr Michel Busnel regroupe 27 établissements et services de Médecine Physique et de Réadaptation sur l’ensemble du territoire national. De
son côté, “Cinergie”, dont le Président est le Dr Thierry Hennion est une association qui
agit contre l’exclusion du monde du travail des personnes handicapées physiques, psychiques ou sensorielles. Elle mobilise les médecins du
travail, médecins de prévention et de soins, ainsi que
les professionnels de l’insertion ou du maintien dans
l’emploi des personnes handicapées.
La convention qui vient d’être signée entend notamment favoriser : “le lien entre la Santé et la Santé au
Travail dans une démarche précoce d’accompagnement
du maintien ou de l’accès au travail de personnes
atteintes de pathologies neuro-motrices lourdes et complexes”. Une démarche préconisée depuis longtemps,
mais qu’il est urgent de mettre en pratique, d’autant
plus que 7 500 à 8 000 personnes handicapées à la
suite d’accidents du travail ou autres transitent par les
établissements et services de médecine physique et de réadaptation. Le Délégué interministériel aux personnes handicapées, Patrick Gohet qui a conclu cette réunion a souhaité que se réalise au bénéfice des personnes handicapées, une politique qui réunisse étroitement “l’acteur santé et l’acteur travail”.
Comète France - 14 rue Colbert - 56100 LORIENT. Tél : 02.97.35.08.28 - Cinergie - 50 rue du Théâtre - 75015 PARIS. Tél : 01.56.77.20.09
Signature de la charte d’engagement-téléphonie mobile
Le 10 mai 2005, Marie-Anne Montchamp, Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Patrick Gohet, Délégué interministériel, et l’AFOM, Association
Française des Opérateurs Mobiles ont signé la Charte d’engagements pour faciliter l’accès des personnes handicapées à la téléphonie mobile. L’objectif est de
tirer le meilleur parti de la téléphonie mobile en matière d’autonomie,
d’insertion et de sécurité. Sous l’égide de la Délégation Interministérielle aux
personnes handicapées (la DIPH), la Charte crée un espace de dialogue unique
et institutionnel entre les opérateurs et les associations représentatives des différents handicaps : déficience auditive, déficience visuelle, déficience motrice,
déficience d’élocution et déficience mentale.
L’AFOM regroupe les trois opérateurs de Téléphonie mobile, Bouygues Télécom,
SFR, Orange France. Les critères communs aux trois opérateurs de sélection des
téléphones mobiles sont : des critères primordiaux, ou l’adaptation technique à tel
handicap, auxquels s’ajouteront des critères de confort et l’intégration future en
fonction des évolutions technologiques. Lors de la conférence de presse, quelques
critères ont été démontrés : dans le cas de la déficience visuelle, un logiciel “parle“
sur toutes les fonctions du portable. Parmi les autres propriétés, la perception tactile des touches, des identifiants sonores différenciés pour avertir de l’absence de
réseau, commande vocale des fonctions de l’appareil, menus déroulants bloqués,
une facturation en braille... Et bien sûr taille, forme et contraste pour les touches
et l’écran pour les malvoyants ; astuce pour les handicapés moteur : pas de portable au dos bombé, mais plat, pour plus de stabilité...
Où trouver la Charte ?
500 000 exemplaires de dépliants seront diffusés par les associations de personnes handicapées et les préfectures.
Renseignements : Pour en savoir plus sur l’AFOM : Internet : www.afom.fr - Tél. à Orane Faivre de Condé :
01 56 88 60 00. Ministère délégué à la Sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la
famille. Tél. : 01 40 56 60 00
Réadaptation N°522
5
le Magazine
L'ACTUALITÉ
le Magazine
MANIFESTATIONS
4 octobre 2005 au Sénat - Rencontres du CCAH
22 – 23 septembre 2005
AUTONOMIC
MIEUX VIVRE
GRAND OUEST
LE SALON DE REFERENCE
1Oe édition – Parc Expo Rennes
Aéroport
L’exposition s’organise en pôle
thématiques :
• Equipement
• Santé, bien-être
• Conseils et services
• Tourisme, sport, culture, loisirs
• Education, formation, emploi
• Habitat
• Communication et nouvelles
technologies
• Déplacement et transport
Elles auront lieu le mercredi 4 octobre 2005 au Sénat. Elles auront pour thème la
nouvelle loi du 11 février 2005 “ pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées “ avec l’intervention de M.
Patrick Gohet, Délégué interministériel aux personnes handicapées.
Entrée libre sous réserve des places disponibles - Inscriptions au 01.42.27.78.51
Du 9 au 11 septembre 2005 à Morges :
ARTHEMO, Festival Art et Handicap
Mental
Les objectifs du festival sont notamment de permettre à des artistes mentalement handicapés de
montrer leurs talents artistiques et de les faire
reconnaître comme artistes à part entière.
Organisation et renseignements : ASA-Handicap mental en étroite collaboration avec les Maisons des Chavannes et autres institutions romandes - 27
av. des Mayennets - CH-1950 SION. Tél : +41 27 322 67 55 - Fax : +41 27
322 67 65. [email protected] - www.arthemo.ch - www.asa-handicap-mental.ch
Le lauréat du concours Affiche ARTHEMO 2005 est
Monique Varin 42 ans et vit au Foyer les Fontenattes à
Boncourt dans le Jura.
24 et 25 novembre 2005 Conseil Général des Hauts de Seine
(92) Nanterre : Entretiens de l’Institut Garches
Thème : “Handicap et environnement, de l’adaptation du logement à l’accessibilité
de la cité”. En partenariat avec l’Institut de Recherche sur le Handicap (IFR25 IFRH) et la Fondation Caisses d’Epargne pour la solidarité. Il sera traité plus particulièrement de la qualité de l’environnement, de l’accessibilité de l’environnement
urbain, des moyens de déplacement, de l’accessibilité des transports publics. “de la
chambre d’hôpital au domicile”, des établissements publics, des objets de la vie
quotidienne, de l’accessibilité des moyens
de communication.
Renseignements et inscriptions : Agence Vocatif. Tél. : 01 43
55 33 60. Fax : 01 43 55 38 31- E-mail : [email protected]
En parallèle de l’exposition, de
nombreuses animations sportives
et des conférences sont organisées.
L’accès au salon est gratuit.
20 novembre 2005 à Paris, GERS,
le Groupe d’Etudes et Recherches
sur la surdité, organise sa
Journée d’études
Elle a pour thème : “Les relations sourds/
entendants dans les équipes. Différents
points de vue”. Avec la participation
d’orthophonistes, de psycho-sociologues, de
psychiatre, et table ronde de parents sourds
et entendants. Au FIAP, 30, rue Cabanis
75014 Paris.
AUTONOMIC se déroule également à Paris – Salon
International Autonomic Paris (7-8-9 juin 2006),
à Nancy – Autonomic Grand Est (sept. 2006), à
Marseille – Autonomic Méditerranée (nov. 2006),
et à Toulouse – Autonomic Sud (mai 2007).
Pour plus de renseignements, contacter le service presse du salon :
IADES ORGANISATION – Marielle SCHWAN,
15 rue du Dr Roux 94600 CHOISY LE ROI
Tél : 01.46.81.73.47 - Fax : 01.46.81.77.00
Email : [email protected]
www.autonomic-expo.com
6
Réadaptation N°522
Renseignements - FIAP : 01 43 13 17 00 Fax : 01 45 81 63 91
GERS, Groupe d’Etudes et Recherches sur la Surdité 1, Square
du Croisic - 75015 Paris. Internet : www.biling.net E-mail :
[email protected] - Tél/Fax : 01 47 34 94 47.
Du 27 septembre au 8 octobre : Festival européen Théâtre et
Handicap, Versailles (78)
Orphée, Œuvres et Réalisations des Personnes Handicapées d’Expression Européenne
et la Fondation Crédit Coopératif présentent pièces de théâtre et comédies musicales afin de sensibiliser au handicap ; le 27/9 : “Les hors-la-loi”.
Renseignements et réservations : à partir du 5 septembre au 01 39 20 16 00 ; Lieu : Théâtre Montansier, 10 rue des
réservoirs 78000 Versailles. Prix des places : demi-tarif 7 a. Plein tarif : 14 a. ORPHEE. 5, Petite Place 78000 Versailles.
Tél/Fax : 01 39 51 19 27 ; E-mail : [email protected]
Dossier
LES ENFANTS
DYSPRAXIQUES
C
’est sans doute une des premières fois qu’une publication consacre la
quasi-totalité d’un de ses numéros aux “dyspraxies de l’enfant”. Si les dyspraxies lésionnelles sont connues et ont fait l’objet, depuis déjà longtemps, d’une approche pédagogique, comme le remarque Marie-Claude
Courteix dans ce numéro, la prise en compte de ces troubles, caractérisés par un
développement anormalement lent ou même déviant dans certains secteurs de la
motricité, et leur identification sont beaucoup plus récentes.
Ce numéro est divisé en trois chapitres :
Le premier traite de la prise en charge sanitaire et éducative ;
Le second présente ce qui a trait à la scolarité de ces enfants ;
Le troisième présente l’Association “Dyspraxique mais fantastique” (DMF)
représentative des parents de ces enfants et la Fédération (FLA), ainsi que des
témoignages qui en illustrent les réalités.
La Rédaction
Réadaptation N°522
7
le Dossier
le
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Reconnaître une dyspraxie
Dr Michèle Mazeau, médecin de rééducation pratiquant la neuropsychologie infantile*
D
epuis toujours, certains enfants, indemnes de paralysie, de mouvements anormaux
ou de tout autre trouble neuro-moteur dûment répertorié en neurologie, se révèlent,
au fil des jours, avoir un développement moteur anormalement lent ou même
déviant dans certains secteurs de la motricité : certaines acquisitions motrices ne se
manifestent pas dans les délais attendus. Différents vocables ont été utilisés pour les
décrire, dont les plus fréquents sont : retard psychomoteur, trouble d’acquisition de la
coordination (TAC)1, apraxie de développement ou dyspraxie2. Les anglo-saxons ont aussi
utilisé le terme de “clumsy children”, enfants maladroits.
Cela soulève différentes questions
1 - Quels concepts différents reflètent la variété des termes employés ? Quelle motricité
est préservée et quels gestes sont atteints ? Comment comprendre cet apparent paradoxe ?
2- Comment distinguer la maladresse banale, “normale”, celle qui s’inscrit dans la variété
des talents et des faiblesses de chacun, de celle, pathologique, qui signe une anomalie,
celle qui doit faire l’objet d’un diagnostic précis et précoce et faire proposer rééducations
et adaptations spécialisées ?
Les différents troubles du geste
La réalisation de n’importe quel geste
nécessite
l’intégrité des systèmes sensori-moteurs
(muscles et système ostéo-articulaire, en
interaction avec les fonctions vestibulaires, visuelles, proprioceptives et kinesthésiques qui permettront l’orientation, la
configuration et la régulation du geste),
et une commande motrice intacte
(nerfs périphériques, moelle, zones cérébrales de commande motrices, mais aussi
fonctions cérébelleuses qui gèrent
l’équilibre et la coordination des divers
éléments sensori-moteurs).
* LADAPT, SESSD, 185 bis rue Ordener, 75018, Paris.
1. Dénomination actuelle, dans le DSM IV, référence internationale de la dénomination des maladies “mentales”.
2. Stamback M., L’Hériteau D., Auzias M., Bergès J. & de
Ajuriaguerra J. (1964), Les dyspraxies chez l’enfant,
Psychiatrie de l’enfant, 7, 381-496
8
Réadaptation N°522
“Comment distinguer
la maladresse banale,
‘normale’,
de celle, pathologique,
qui signe une anomalie
et qui doit faire l’objet
d’un diagnostic précis
et précoce ?”
Ces différents systèmes sont, par définition, supposés intacts lorsqu’on évoque
un “retard psychomoteur” ou une dyspraxie (sinon, on parle de trouble orthopédique, musculaire, neuro-musculaire,
neuro-moteur ou cérébelleux).
Comment comprendre alors que, ces systèmes fondamentaux étant indemnes,
l’enfant n’acquière pas, en temps voulu,
la gestuelle propre à tous les autres
enfants ? C’est que ces systèmes élémentaires, très immatures initialement, doivent maturer et se développer progressivement (avec le temps et l’expérience) pour
permettre la réalisation effective, harmonieuse et efficace de tous les gestes de la
vie quotidienne.
Ce qui se développe, ce sont des coordinations de plus en plus complexes (intra et
inter systèmes sensoriels et systèmes
moteurs), qui permettent de configurer
et réguler, en temps réel, les différents
paramètres du geste en fonction du projet
du sujet et des caractéristiques dynamiques et spatiales (en constante évolution) dans lequel s’inscrit le geste au
cours même de sa réalisation.
(espace corporel et espace extra-corporel, ego et exo centré), tels l’habillage,
couper sa viande ou éplucher un fruit, se
laver, visser/dévisser, prise du crayon...
Par exemple, attraper une balle au vol suppose
que, au fur et à mesure que l’on court, on réévalue en permanence en temps réel la distance et la position relative de la balle par rapport
à soi-même pour ajuster exactement la position de son corps et le geste de réception de la
balle ...
spatiales” : jeux de construction (cubes,
légos, mécanos, ...), puzzles, dessins, écriture manuelle, activités de comptage, ...
Les anomalies du développement moteur
peuvent toucher tout ou partie de ce
développement de la gestuelle. Il peut
s’agir de :
retard à l’acquisition de la motricité
dite “globale” : station assise, quatre
pattes, marche, course, équilibre unipodal, sauts, vélo sans les petites roues, ...
et/ou
retard à l’acquisition de la motricité
“fine” : différentes prises manuelles
(pince pouce-index), motricité buccophonatoire ou oculomotrice, …
et/ou
retard dans les activités dites “visuo-
ou...
de tout cela à la fois !
Pour rendre compte de ces étranges dissociations, les cliniciens ont cherché à
distinguer une motricité fine versus une
motricité globale, ou des gestes “complexes” versus des gestes “simples”, etc.
Cependant, ces distinctions restent
floues, sans véritable cohérence et difficiles à comprendre, aussi bien sur le plan
neurologique que si on se réfère aux différentes étapes du développement de
l’enfant.
Dans l’exemple ci-dessus - attraper une balle
au vol - s’agit-il de motricité fine, ou globale,
ou complexe, ou autre ... ???
et/ou
retard à l’acquisition de certaines habi-
Il semble plus pertinent, en fait, de distinguer deux grandes catégories de
gestes :
letés de la vie quotidienne, mettant en jeu
la coordination de différents espaces
1 - ceux qui ont été inscrits par l’évolution
dans notre patrimoine génétique, gestes
universels qui s’acquièrent3 chez l’enfant
par le libre jeu des systèmes sensorimoteurs concernés, pourvu que ces derniers (et leurs commandes motrices)
soient intacts ;
Par exemple : la marche, la course, l’équilibre
unipodal, le saut, les mouvements oculomoteurs, attraper une balle au vol, etc. À noter :
certaines de ces capacités sont partagées par
d’autres espèces animales (les chiens aussi
attrapent des balles au vol).
2 - et ceux qui, permis par notre équipement perceptivo-moteur et neurologique,
sont des gestes “facultatifs” pour l’espèce
humaine, cependant indispensables dans
tel ou tel contexte social, gestes imposés
culturellement, fonction du lieu et de
l’époque : ces gestes s’apprennent et font
toujours l’objet d’un enseignement explicite et systématisé des adultes en direction des enfants (aspect culturel +++). Si
cet enseignement – et, en général, un certain entraînement – n’a pas lieu, ces
gestes ne se mettent pas en place.
Par exemple : manger avec des baguettes ou
avec fourchette/couteau, tisser ou tricoter,
manières de s’habiller, de se saluer, d’écrire,
de conduire une voiture, d’organiser les gestes
oculomoteurs pour lire ou les gestes buccophonatoires pour produire les sons propres à
chaque langue, etc.
Ainsi, l’enfant sauvage d’Itard savait-il marcher, courir, grimper aux arbres et attraper un
lapin au vol (gestuelle universelle, dépendant
de notre patrimoine génétique) mais il ne
savait pas s’habiller, faire un nœud de cravate,
couper sa viande ni traverser une rue (gestuelle dépendante des apprentissages culturels,
des usages sociaux).
Dans le premier cas, si le développement
ne se fait pas normalement, on parlera
volontiers de “retard psychomoteur”. Le
terme de dyspraxie, lui, correspond à un
trouble spécifique de l’apprentissage des
gestes appris dans un contexte culturel4.
3. Acquisition versus Apprentissage : dans tous les
domaines du développement de l’enfant, il est fondamental de distinguer quelles sont les évolutions qui se produisent
“spontanément”,
par
exposition
à
l’environnement et libre jeu des systèmes sensori-moteurs
et cognitifs intacts ( = “acquisitions”), et quelles sont les
évolutions qui ne se produisent QUE sous la pression d’un
enseignement, d’un entraînement spécifique et systématisé (= apprentissages). Il s’agit en effet de processus
développementaux fondamentalement différents.
4. Quand au terme de Trouble de l’Acquisition de la
Coordination (TAC), il est difficile, à l’heure actuelle, de
savoir s’il désigne l’ensemble “retards psychomoteurs +
dyspraxies” ou seulement les “retards psychomoteurs”,
tels que nous les avons définis.
Réadaptation N°522
9
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
En effet, ces gestes – enseignés, appris,
entraînés – s’inscrivent, sur le plan neurologique, dans des réseaux de neurones partiellement spécifiques, ils n’ont pas exactement les mêmes substrats cérébraux que
les gestes “spontanément” acquis (inscrits
génétiquement). Les gestes “praxiques”
relèvent de l’activité de larges réseaux
essentiellement fronto-pariétaux ; il faut
savoir que les régions pariétales sont également le lieu des différents traitements
impliquant la structuration spatiale, qu’il
s’agisse de l’espace corporel (schéma corporel) ou extra-corporel (espace “extérieur”, à deux ou trois dimensions)5.
C’est pourquoi certains enfants souffrent
d’un retard psychomoteur isolé, d’autres
d’une dyspraxie isolée, d’autres enfin des
deux associés (TAC ?).
Nous ne traiterons ici que de la dyspraxie
pure (isolée).
Le diagnostic de “dyspraxie”
Le diagnostic repose sur l’association
d’une plainte, un symptôme, une gêne
qui apparaît comme anormale au vu de
l’évolution habituelle de la grande majorité des enfants ;
et d’un faisceau concordant d’arguments et d’examens cliniques et para-cliniques, les uns négatifs (= élimination de
diagnostics concurrents), les autres positifs (= caractéristiques de la dyspraxie).
1 - LA PLAINTE, LE(S) SYMPTÔME(S) :
LE REPÉRAGE
C’est en général lors des premières années
d’école maternelle que se révèlent les premiers symptômes. En effet, auparavant, le
désintérêt pour les jeux de manipulation
et la “maladresse” générale de l’enfant
sont souvent passés inaperçus. Mais, lors
de l’entrée à l’école, les principales activités font alors l’objet d’exigences normées,
en particulier les activités graphiques,
mais aussi celles imposant la maîtrise de
l’espace (encastrement, puzzles, cubes,
...). Le décalage entre les performances de
l’enfant et les performances attendues
pourra alors alerter l’enseignant.
5. Lorsque, du fait de lésions cérébrales secondairement
acquises (tumeurs, accident vasculaire cérébral, etc.),
certains de ces réseaux des lobes pariétaux sont atteints,
alors les patients perdent ces acquis gestuels et deviennent a-praxiques.
10
Réadaptation N°522
Parmi les signes d’appel les plus pertinents, notons une grande dissociation
entre les compétences verbales de l’enfant
(excellentes) et ses manipulations (très
maladroites, ou qu’il refuse) ; tout ce que
touche l’enfant tombe, se casse, se froisse,
se salit, se déchire ; l’enfant échoue (et
déteste, voire refuse) les activités de
découpage, collage, coloriage, travaux
manuels ; un retard graphique (dessin du
bonhomme, dessins spontanés, exercices
de pré-écriture) associé à une maladresse
générale (tenue du crayon, jeux d’adresse
et de construction, habillage, repas à la
cantine) contrastant avec une intelligence
vive et un langage bien construit.
Attention ! Ce retard graphique ne doit surtout pas être interprété comme une immaturité intellectuelle et/ou psycho-affective ; de
même, l’aspect sale, médiocre et brouillon des
productions de l’enfant ne doit absolument
pas être interprété comme un manque de
motivation ou une provocation.
C’est l’association de ces signes chez un
même enfant qui doit alerter, et faire sus-
pecter une éventuelle dyspraxie. Plus le
trouble est intense, plus le repérage peut
être précoce. Le plus souvent, c’est en
moyenne ou grande section que les
parents et/ou l’enseignant seront alertés.
Les parents signalent également qu’à la
maison, l’enfant est maladroit, lent, peu
autonome, privilégiant les jeux symboliques, la télévision, les histoires et les
relations avec les adultes. L’habillage, les
repas, la toilette sont des moments où
leurs difficultés s’expriment et, après 8-9
ans, peuvent créer un sentiment de
dépendance à l’adulte et constituer une
gêne sociale non négligeable.
Le soupçon de dyspraxie doit rapidement
conduire à faire pratiquer les examens et
évaluations, pour confirmer – ou éliminer
– l’hypothèse de dyspraxie
2 - LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE
Le diagnostic de dyspraxie repose sur la
conjonction d’examens qui doivent,
pour permettre de conclure, répondre à
des questions précises puis donner lieu à
une synthèse.
Ce “trouble du geste” est-il avéré ?
C’est
le
psychomotricien
(ou
l’ergothérapeute) qui va répondre à cette
question. Il connaît les fourchettes d’âge
normales d’acquisition de certains gestes
et dispose des épreuves étalonnées en permettant l’exploration (constructions de
cubes, imitations de gestes, épreuves graphiques, épreuves visuo-spatiales). Tout
écart à la norme supérieur ou égal à 2
écarts-types attestera d’une anomalie
patente, excluant un simple retard ou une
banale particularité développementale.
Ce “retard psychomoteur” est-il
électif, spécifique ?
Le psychologue proposera des tests psychométriques (de préférence, en première intention, les échelles de Wechsler
adaptées à l’âge de l’enfant). On notera
une dissociation entre les épreuves non-verbales (praxiques et visuo-spatiales) dans lesquelles l’enfant est particulièrement en échec
et les épreuves verbales (normalement
réussies). Ce dernier élément affirmera
qu’il ne s’agit pas d’un retard global de
développement (déficience mentale).
Ce trouble du geste n’est-il pas un
trouble neuro-moteur (ou neuromusculaire) ?
Une consultation en neuropédiatrie
s’impose. Outre l’examen neuro-moteur
systématique, précis et fin, des examens
complémentaires pourront éventuellement
être prescrits, explorant les fonctions musculaires, la proprioception, l’équilibre et les
fonctions cérébelleuses, etc. L’anamnèse
recherchera d’éventuels antécédents susceptibles d’être à l’origine de troubles neuropsychologiques (embryo-foetopathie,
prématurité ou anomalie lors de
l’accouchement ou des premiers mois,
autre évènement médical marquant, etc.).
Enfin, une IRM permettra d’examiner la
macro-architecture cérébrale, à la
recherche d’une anomalie, d’une éventuelle malformation ou d’une lésion focalisée.
Cependant, dans la plupart des cas, l’IRM
est strictement normale.
À ce stade, on a donc éliminé (diagnostic
négatif) un trouble neuro-moteur ou
neuro-musculaire, une déficience globale
(psychomotrice et psycho-intellectuelle).
Il faut maintenant faire le diagnostic positif de dyspraxie.
Quelles sont les caractéristiques
de ce trouble du geste ?
C’est un ergothérapeute (quelquefois, un
psychomotricien) qui pourra mener cet
examen : tests évaluant la qualité de
l’écriture (tests étalonnés), épreuves
visuo-graphiques et visuo-spatiales de
Marianne Frostig, évaluation de
l’autonomie pour les gestes de la vie quotidienne (habillage,WC, toilette, repas).
“L’enfant dyspraxique
est donc un enfant qui,
en dépit
d’un enseignement
et d’un entraînement
habituels, ne peut pas,
en raison d’une atypie
développementale,
inscrire cérébralement
le schéma de certains
gestes.”
Mais, c’est surtout l’aspect qualitatif du
geste qui sera désormais l’objet de toutes
les attentions. Au décours d’une dyspraxie, on note en particulier que la réalisation du geste est fluctuante6 : à chaque
essai, selon les jours ou les circonstances,
l’enfant échoue d’une façon différente.
En fait, conscient de sa piètre performance7,
il cherche une autre stratégie, essaie une
autre démarche, s’y prend autrement ... et
échoue autrement ! C’est particulière6. Au contraire, en cas de trouble neuro-moteur, la performance est relativement stable, le déficit constant,
l’échec ou la réussite à tel ou tel geste quasi-prévisible.
7. Source d’une grande souffrance et d’une mauvaise estime de soi, cette lucidité fait habituellement défaut aux
enfants déficients mentaux.
ment évident dans les épreuves de
constructions, de reproductions de
figures et les épreuves de graphisme.
Enfin, la lenteur est constante, et elle
devra être mesurée en fonction de critères
objectifs, en particulier en ce qui concerne
le graphisme.
Enfin, il faudra savoir si l’enfant est aidé
par des repères visuels (quadrillages,
repères de points, de coordonnées), ou au
contraire, gêné, parasité par les informations visuelles (et aidé par les informations
verbales) : ce dernier cas, le plus fréquent,
caractérise les dyspraxies dites “visuospatiales”.
La synthèse de l’ensemble de ces informations permet de conclure au diagnostic
de dyspraxie.
Ce diagnostic signifie, fondamentalement, que l’enfant présente une anomalie
développementale élective, fixée et non
évolutive, touchant spécifiquement
l’apprentissage de certains gestes complexes. Ce déficit s’inscrit au sein d’un
déficit plus ou moins marqué de la structuration spatiale.
Les conséquences
fonctionnelles et scolaires
L’enfant dyspraxique est donc un enfant
qui, en dépit d’un enseignement et d’un
entraînement habituels, ne peut pas, en
raison d’une atypie développementale,
inscrire cérébralement le schéma de certains
gestes.
Donc,
continuer
l’apprentissage et l’entraînement par les
méthodes habituelles est inutile.
L’enfant – avec ou sans entraînement – va
progresser, mais :
1 - Ces “progrès” ne conduiront jamais à
l’automatisation du geste, normalement
obtenue lorsqu’une praxie est acquise.
Or, l’automatisation est une condition
sine qua non pour qu’un geste soit harmonieux, facile (ne provoquant pas de
fatigue), mais surtout pour qu’il soit possible simultanément, de parler, penser,
réfléchir, écouter, etc. (double-tâche).
2 - Ces “progrès” sont toujours moins
rapides que l’évolution des exigences scolaires. C’est particulièrement vrai en ce
qui concerne le graphisme, l’écriture
Réadaptation N°522
11
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
manuelle. Malgré des progrès relatifs,
l’écart à la norme ne cesse de s’accroître.
C’est pourquoi, la constatation d’un retard
graphique chez un enfant ne doit pas obligatoirement conduire... à proposer plus de
graphisme. En cas de dyspraxie, il s’agirait
d’une sorte “d’acharnement pédagogique” sans effet et même nocif, ancrant
chez l’enfant l’idée (fausse) qu’en
s’appliquant, qu’en s’entraînant, il arrivera
à faire “comme les autres”. Le corollaire
étant que, s’il n’y parvient pas, on pourra
l’accuser (et il pourra s’accuser) de n’avoir
pas fourni les efforts suffisants !
Or ce n’est ni la maladresse, ni le fait
“d’écrire mal” qui est l’essence de ce handicap : il ne s’agit là, somme toute, que de
gênes minimes, qui, en elles-mêmes, ne
justifient pas de médicalisation.
Le véritable handicap consiste en
1 - L’absence d’automatisation du
graphisme (quelle qu’en soit la qualité
apparente), ce qui induit des conséquences qui, elles, ont des répercussions
sévères sur la scolarité de l’enfant :
La plus sévère, et aussi la moins visible,
c’est l’impossibilité pour l’enfant de dégager suffisamment de ressources attentionnelles pour les aspects conceptuels du
langage écrit. L’enfant est, à partir du CE1CE2, en permanence en “double tâche”, ce
qui n’est pas le cas de ses camarades qui
commencent à automatiser l’écriture
manuelle. S’il investit dans le difficile dessin des lettres, l’enfant dyspraxique ne
disposera plus d’assez de ressources pour
écouter l’enseignant, prêter attention au
sens ni à l’orthographe, mémoriser les
informations. Les résultats scolaires s’en
ressentent dans toutes les matières, même
celles où l’enfant aurait pu faire normalement des apprentissages si on lui en avait
laissé le loisir...
Lenteur et fatigabilité, d’autant plus
importantes que l’enfant “s’applique” à
bien dessiner les lettres, aggravent sensiblement le pronostic scolaire, déjà bien
compromis.
2 - La présence concomitante de
troubles de l’organisation spatiale.
Ces troubles génèrent en eux-mêmes
d’autres soucis scolaires, extrêmement
rebelles :
12
Réadaptation N°522
On voit donc que le diagnostic de dyspraxie est capital pour interpréter les difficultés de l’enfant et proposer des remédiations pertinentes
“Le diagnostic
de dyspraxie est capital
Que proposer ?
pour interpréter
le diagnostic est précoce (avant
les difficultés de l’enfant 7Lorsque
ans), on pourra mettre en place simultanément des actions de rééducation, des
et proposer
adaptations ou des palliatifs, l’objectif
principal étant d’éviter le sur-handicap
des remédiations
que constituent la situation de double
tâche lors de l’écriture manuelle, la lenpertinentes.”
difficultés d’organisation, de rangement, de classement, de mise en page ;
cahiers sales et brouillons, désorganisés ;
difficultés d’accès à la notion de
nombre (en raison des aspects visuo-spatiaux des activités de comptage et de
dénombrement sur lesquelles cette notion
s’appuie), difficulté à la pose et la résolution des opérations (qui reposent entièrement sur des algorithmes spatiaux que
ces enfants ne peuvent maîtriser) ; mais,
sur le plan du raisonnement et de la
logique, ces enfants sont tout à fait compétents ;
échec dans toutes les activités réclamant des capacités spatiales : géométrie,
géographie, ... Si l’on y ajoute les problèmes en travaux manuels, dessin (et
schémas, graphiques), on voit qu’un
échec scolaire sévère peut se constituer,
générant redoublements (sans effets)
puis exclusion des filières habituelles.
La dyspraxie et son cortège de difficultés
visuo-spatiales constituent donc une
cause, souvent méconnue, d’échec scolaire
sévère, qui peut apparaître comme plus ou
moins diffus. Pourtant, les excellentes
capacités langagières de ces enfants, la dissociation - très souvent évoquée par les enseignants - entre leurs capacités verbales (excellentes) et leur résultats effondrés lors du
passage à l’écrit, enfin le fait que ces enfants
n’ont, pour la plupart, que peu (ou pas) de
difficultés d’apprentissage de la lecture8,
devrait alerter.
8. Ce n’est que secondairement, les textes se densifiant,
que l’enfant est gêné par des difficultés de recherche
visuelle et de localisation d’éléments (sauts de mots, de
lignes, difficultés à retrouver une information dans un
texte, ou sur les murs de la classe, ...).
teur, la fatigue, la dyscalculie spatiale et
l’interprétation psycho-dynamique négative de l’ensemble du tableau.
Ainsi, la proposition d’une écriture clavier vise, après un apprentissage adéquat
(cf. article sur ce sujet, dans ce dossier), à
libérer l’enfant de la contrainte du
contrôle du geste graphique. On conseille
toujours de limiter autant que possible la
production d’écrits pour ces enfants (usage
d’un secrétaire, photocopies, apprentissages et contrôles à l’oral, ...).
Une pédagogie particulière et des techniques spécifiques pour aborder la notion
de nombre peuvent limiter la dyscalculie
spatiale. Pour pallier la lenteur, on demande que l’enfant puisse bénéficier d’un tiers
temps supplémentaire lors des contrôles et
examens. Enfin, pour éviter d’aggraver la
fatigabilité, dans le cadre d’un projet
d’intégration (qui réunit l’école, le Service
de soins et les parents), on prévoira que les
rééducations (ergothérapie, éventuellement, psychomotricité) puissent se dérouler en partie durant les heures scolaires.
D’une façon générale, on favorisera les
apprentissages (et les contrôles) par voie
orale, utilisant au maximum les talents de
ces enfants dans le domaine langagier, raisonnemental et mnésique, capacités qu’il
conviendra même quelquefois de “surentraîner” afin de leur permettre de disposer de suppléances réellement efficaces.
Surtout, on évitera de centrer toute leur
énergie sur leurs troubles : les rééducations
n’ont qu’un effet partiel, ne visant jamais à la
“guérison”
mais
simplement
à
l’amélioration de leurs apprentisages, de leur
confort de vie et de leur autonomie sociale.
Ceci implique des choix qui valorisent leurs
Faire le diagnostic assez tôt pour que l’échec
scolaire ne soit pas consommé est un enjeu
très important. Mais cette précocité, indispensable, induit une difficulté incontournable : en maternelle ou en tout début de
primaire, les parents – mais aussi les enseignants – n’ont pas encore pris conscience de
la réalité du handicap ni la mesure des
conséquences. Les véritables sources
d’échec scolaire (double-tâche, lenteur) sont
difficiles à identifier pour les non-spécialistes
qui de ce fait, refusent ou retardent
l’introduction d’aides matérielles (ordinateur) ou d’aménagement pourtant scolairement urgents. Ils ne sont souvent pas encore
prêts à accepter qu’il s’agit, non d’un retard
d’acquisition, mais d’un handicap durable.
compétences préservées, aussi bien dans le
domaine des loisirs (théâtre, musique,
musées, cinéma, ...9) que de la stratégie scolaire. Ainsi, le maintien en maternelle n’est
habituellement pas justifié (l’enfant sera tout
aussi dyspraxique l’année suivante), et, plus
tard, il faudra conseiller (et favoriser) une
orientation vers les matières littéraires, les
langues étrangères, le droit, l’histoire, etc.
l’expérience du plaisir, de la réussite et de la
confrontation positive avec leurs pairs.
Conclusions
Ce diagnostic, comme souvent en ce qui
concerne les troubles d’apprentissage,
nécessite rigueur et méthode, car il faut
éviter deux écueils :
9. Beaucoup de parents, pensant “allier l’utile à
l’agréable”, proposent des activités de loisirs supposées
favoriser la gestuelle générale (danse, par exemple) ou la
dextérité manuelle (piano, ...). Dans ces activités,
l’enfant risque malheureusement se trouver de nouveau
rapidement confronté à ses limites, voire à ses échecs.
1 - celui des diagnostics “abusifs”, posés de
façon extensive au vu d’un seul signe (par
exemple, uniquement au vu d’une dysgraphie – or, si tous les dyspraxiques sont dysgraphiques, tous les enfants dysgraphiques
ne sont pas dyspraxiques ! – ou au décours
de difficultés isolées en mathématiques), ou
encore chez des enfants simplement ‘normalement’ peu habiles (qu’il convient surtout de ne pas médicaliser), ou encore chez
des enfants déficients mentaux chez lesquels on ‘préfèrera’ parler de dyspraxie +
dysphasie + dyslexie + dyscalculie + ... Ces
erreurs ou ces approximations diagnostiques se révèleront rapidement très dommageables pour l’enfant car elles ne déboucheront pas sur des aides appropriées.
10. Actuellement, seuls les enfants pris en charge par un
Service de Soins à Domicile (qui intervient soit au domicile, soit le plus souvent, sur l’école) peuvent bénéficier
d’ergothérapie. Il existe quelques ergothérapeutes en libéral, mais encore en nombre très insuffisant ; par ailleurs,
leurs prestations ne sont pas remboursées par la sécurité
sociale, mais des aides peuvent être trouvées pour en permettre le financement par les familles.
2 - celui, également fréquent, du déni, de
la banalisation des troubles ou de leur
interprétation systématiques en termes
inutilement négatifs (enfant paresseux,
non motivé, opposant, immature, ...).
Enfin, en ce qui concerne l’habillage, les
repas, la toilette, il faudra savoir aider discrètement l’enfant, sans l’humilier devant
ses pairs. Des adaptations, des aménagements, peuvent souvent être mis au point,
aussi bien au domicile qu’à l’école, en collaboration avec l’ergothérapeute10, l’école
et les parents.
Il est en effet très important que ces enfants
puissent, aussi bien en classe que dans leur
vie quotidienne et leurs loisirs, faire
Or, l’enfant empêché d’accéder à certains
apprentissages du fait d’une atypie développementale telle la dyspraxie n’est en aucune
façon comparable à l’enfant “standard” en
cours d’acquisition d’une notion : les
méthodes pertinentes pour les seconds ne
le sont pas pour les premiers, chez lesquels elles peuvent même s’avérer désastreuse à moyen et long terme.
En cas de dyspraxie, ce n’est donc ni la
qualité ni l’intensité de l’entraînement, ni
la méthode pédagogique ni les efforts ni
la bonne volonté de l’enfant qui sont en
cause, mais bien son aptitude, ses capacités cérébrales pour cette performance-là, ...
Poursuivre les entraînements habituels ne
consisterait plus alors qu’à proposer, sans
cesse et sans fin, “toujours plus de la
même chose qui ne marche pas”.
Au contraire, limiter les effets de la dyspraxie à l’école et dans le quotidien
(rééducations et adaptations), mais surtout reconnaître ses compétences dans les
autres secteurs de la cognition, respecter
son intelligence, sa vivacité d’esprit, ses
goûts et ses talents permettra le plus souvent à l’enfant de faire des acquisitions
scolaires de qualité et de s’épanouir harmonieusement.
Bibliographie
Mazeau M., Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de
l’enfant, Masson, 1995
Mazeau M. , Conduite du bilan neuro-psychologique
chez l’enfant, Masson, 2003
Mazeau M., Neuropsychologie de l’enfant et
troubles des apprentissages, Masson, à paraître
www.ladapt.net : livret “permettre ou faciliter la
scolarité de l’enfant dyspraxique”
Réadaptation N°522
13
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
LA PRISE EN CHARGE
SANITAIRE ET ÉDUCATIVE
Les troubles visuels associés
aux dyspraxies
Dr Hélène Assali-Dalens
B
ien que le terme dyspraxie ne contienne pas dans sa définition de
notion de troubles visuels, ceux-ci existent si on élargit le propos
aux troubles visuo-practo-spatiaux. Le neuroophalmologiste sera
concerné par cette pathologie pour évaluer les différentes étapes
d’analyse du message visuel, mettre en évidence les anomalies de
l’oculomotricité dont certaines font partie intégrante de la dyspraxie visuospatiale. Leur diagnostique précoce, leur prise en charge rééducative peuHélène Assali-Dalens
vent transformer les conséquences scolaires néfastes de cette pathologie.
Deux chiffres pour situer l’importance des ces pathologies neurovisuelles : 50 % des
enfants déficients visuels en âge préscolaire dépistés à San-Franscico sont porteurs de
pathologies neurovisuelles (Hoyt 2003). Olsén, en 1997, retrouve 60 % de troubles visuospatiaux dans une population de 42 enfants nés avec un poids inférieur à 1750 g.
Le contexte dans lequel évolue l’enfant
interviendra largement dans le moment et
la façon où l’ophtalmologiste sera concerné. Il peut s’agir d’enfants sans antécédents
notables quant aux conditions de naissance
et aux premières années, pour lesquels se
pose le diagnostic de dyspraxie devant une
grande maladresse, un retard graphique
souvent mis en évidence depuis la maternelle, des difficultés d’apprentissage globale au cours des premières années de primaire ; dans un première approche, on
14
Réadaptation N°522
demande à l’ophtalmologiste de rechercher
des déficits de l’acuité visuelle par troubles
de la réfraction ou pathologie du globe
oculaire, un strabisme, pour tenter
d’expliquer la gêne de l’enfant. Ce n’est
que dans un deuxième temps, souvent
parce qu’au cours d’un des multiples bilans
effectués, un professionnel évoquera le fait
que cet enfant “n’utilise pas bien ses yeux”,
que l’on se tourne à nouveau vers
l’ophtalmologiste ; à cette étape, un bilan
neurovisuel est nécessaire pour étudier les
différentes cartes d’analyse du message
visuel et surtout la stratégie visuelle et le
retour moteur.
Dans d’autres cas, il s’agit d’enfants aux
antécédents néonataux chargés, prématurité, souffrances néonatales à terme, ou
porteurs de pathologies neurologiques
diverses ( malformations, accidents vasculaires cérébraux, tumeurs cérébrales,
traumatismes crâniens) qui sont suivis
par diverses structures spécialisées, pour
lesquels le diagnostic sera suspecté plus
rapidement, et l’approche ophtalmologique spécialisée réalisée d’emblée.
Après un bref rappel sur la vision nous
aborderons les atteintes neurovisuelles
qui participent à la dyspraxie puis les
déficits associés dont l’existence va
aggraver le handicap neurovisuel.
La vision : c’est bien plus que
10/10e !
La vision est une fonction neurovisuelle
qui permet d’entrer en contact permanent avec le monde environnant, de
l’analyser, de le décoder, et d’interagir
avec lui par le biais du regard.
Le capteur de la fonction visuelle est
l’œil, il transforme les ondes électromagnétiques de l’information lumineuse en
signaux électriques au niveau de la membrane neurosensorielle, la rétine. Celle-ci
possède une région centrale, la fovea,
support de l’acuité visuelle, de la vision
des couleurs et des contrastes, et une
région périphérique spécialisée dans la
vision nocturne, la sensibilité au mouvement et chez le petit enfant elle joue un
“La vision
est une fonction
neurovisuelle
qui permet d’entrer
en contact permanent
avec le monde
environnant,
de l’analyser,
de le décoder,
et d’interagir avec lui
par le biais du regard.”
rôle dans la posture. Les signaux électriques codés par la rétine parcourent les
voies visuelles jusqu’au cortex occipital.
Celui-ci interprète les signaux en notion
de couleur, de forme, de contraste avant
de transmettre l’image constituée. Deux
voies s’ouvrent, l’une en direction du
cortex temporal interprète l’image en
fonction du thésaurus d’images constitué
au cours des premières années et permet
sa reconnaissance (gnosie visuelle),
l’autre, en direction du cortex pariétal,
gère la localisation dans l’espace et la
coordination œil/main.
Toutes ces informations vont permettre à
l’individu, en lien avec les autres sens
d’interagir sur l’environnement par le
regard. Formé de mouvements oculomoteurs rapides (saccades) et lents (versions, vergences), le regard répond au
projet du sujet. Le regard est codé par de
nombreux centres corticaux, sous corticaux, cérébelleux... Le regard doit être
considéré comme un geste. On ne regarde pas de la même façon un coucher de
soleil et un enfant que l’on recherche
dans une foule. La stratégie du regard est
une praxie, elle est normalement acquise
très tôt.
L’oeil guide le geste : une fois l’objet
reconnu, l’anticipation du regard, la
détermination de la position dans l’espace
Réadaptation N°522
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
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LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
de l’objet et de la main (ou du pied) vont
permettre l’élaboration d’un geste précis.
Il s’agit des praxies visuospatiales parmi
lesquelles la coordination œil/main est un
excellent exemple.
Les atteintes neurovisuelles
en lien direct avec la
dyspraxie et comment les
mettre en lumière
Les anomalies du regard et les troubles
visuo-spatiaux représentent les pathologies neurovisuelles qui, associées à des
degrés divers à la dyspraxie constructive,
réaliseront la dyspraxie visuo-spatiale aux
conséquences scolaires redoutables.
Les anomalies du regard sont multiples
mais toutes vont gêner la prise
d’informations visuelles. La fixation,
premier indice d’une vision centrale, peut
être fugace, instable, entrecoupée de saccades, inexistante donnant un regard
erratique. On la quantifie en faisant fixer
un petit objet et en comptant au rythme
des secondes. On note clignements, larmoiements, décrochages, ainsi que la gestuelle du visage. Il convient de faire la
part d’une difficulté attentionnelle générale et d’une fixation oculaire pathologique (dans ce cas l’attention auditive est
meilleure).
Les saccades et la poursuite, composantes de nos mouvements oculaires, sont
atteintes. Les saccades, étudiées à l’aide
de deux petits cubes comportant des dessins présentés à 60° de part et d’autre de
la tête, sont possibles sans mouvement de
la tête ou pas. La poursuite, réalisée avec
un petit objet de fixation déplacé devant
l’enfant à 30cm des yeux de droite à
gauche et de gauche à droite, peut être
lisse, saccadique, nystagmique. On
apprécie cliniquement sa vitesse, sa
durée, et sa réalisation tête libre et tête
tenue.
La stratégie visuelle exploratoire qui
conditionne l’exploration visuelle doit
être systématiquement analysée. Au
mieux elle devrait ainsi que les saccades
et la poursuite pouvoir être enregistrée
par photooculographie; on met ainsi en
évidence la stratégie qu’utilise le sujet
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Réadaptation N°522
“Les anomalies
du regard
sont multiples,
mais toutes
vont gêner la prise
d’information.”
pour explorer une tache visuelle (la stratégie est variable en fonction de la tache),
les oublis, les lignes sautées, les retours à
la ligne, les saccades de rattrapage dans la
lecture. Cliniquement, on utilise des
épreuves sur table, avec des cubes dont
on demande la désignation (cubes de
même couleur en horizontal), la dénomination (cubes de couleurs différentes en
horizontal, et en vertical); l’enfant est
invité à pointer des pseudo-lettres (symboles chinois) disposés de façon aléatoire
dans une feuille, à réaliser une recherche
de cibles parmi des distracteurs (14 pastilles rouges disposées de façon aléatoire
sur une feuille remplie de pastilles de
même taille mais de couleurs différentes).
Outre la stratégie utilisée par l’enfant, il
convient de noter les oublis, élément le
plus pertinent, les répétitions. Il n’existe
pas de bonne ou de mauvaise stratégie,
mais le nombre des oublis, des répétitions
à évaluer par rapport à une norme établie
chez l’enfant normal permet de juger de
l’importance de l’atteinte. L’organisation
de la ligne isolée mise en évidence par la
désignation et la dénomination de cubes
est acquise chez l’enfant normal à 4 ans;
un enfant de 5 ans qui n’a pas acquis
l’organisation de la ligne isolée ne pourra
probablement
pas
entreprendre
l’apprentissage de la lecture. Chez
l’enfant en âge d’apprentissage de la lecture, on relève des problèmes pour le
retour à la ligne. La stratégie exploratoire
peut s’améliorer grâce à une rééducation
orthoptique appropriée; par ailleurs évaluée régulièrement, elle permet de suivre
les progrès de l’enfant.
On étudiera la coordination œil/main
lors d’une épreuve de pointage d’arêtes
de cubes. Certaines épreuves utilisent des
compétences en coordination œil/main et
en stratégie visuelle, ce sont les labyrinthes et les tableaux à double entrée.
Ces derniers sont à travailler en rééducation car ils sont largement utilisés au
cours de la scolarité.
Les déficits visuo-spatiaux sont mis
en évidence lors de la reproduction des
distances relatives ; l’enfant doit reproduire une suite de cubes disposés avec
des intervalles variables en horizontal et
en vertical. On dispose également
d’épreuves dérivées des travaux de
Benton, l’une demandant le repérage
relatif de la position de points dans une
feuille, l’autre la perception de
l’orientation de lignes disposées comme
des rayons de soleil. Il est toujours intéressant de rechercher une éventuelle
héminégligence par la bissection le lignes
de tailles variées. En général ces enfants
connaissent bien sur le plan verbal les
données spatiales.
Les praxies constructives sont testées
par la réalisation à partir de cubes de
figures comprenant des lignes horizontales, verticales ou obliques avec 4 puis 6
cubes. La difficulté de réalisation croît
avec le nombre de cubes et l’introduction
de lignes obliques. La reproduction de
figures géométriques, en fonction de l’âge
de l’enfant, sollicite les compétences
praxiques et visuospatiales, on note si la
copie améliore ou aggrave la production.
En effet l’information visuelle dégrade les
productions de l’enfant dans les atteintes
dyspraxiques visuospatiales.
Certaines de ces épreuves sont certainement réalisées de façon plus précise par
les neuropsychologues mais se révèlent
nécessaires dans un bilan neurovisuel qui
souhaite explorer les différents niveaux
d’analyse du message visuel.
D’autres atteintes visuelles
peuvent être retrouvées chez
l’enfant porteur de dyspraxie
L’acuité visuelle est très variable, normale ou facilement normalisable en cas
de dyspraxie isolée, elle peut être très
déficitaire, par atteinte du globe oculaire
(séquelles de rétinopathie du prématuré,
atrophie ou malformation du nerf
optique); chez les enfants cérébrolésés
elle est variable selon les moments, dans
le temps (amélioration tardive possible),
et selon les symboles présentés. Certains
enfants sont très sensibles à l’espace qui
existe entre deux symboles, signe qui se
rapproche de la simultagnosie.
La dénomination et/ou la désignation de
la vision des couleurs peut être atteinte
dans les séquelles de cécité corticale, alors
que la perception testée par appariement
est correcte. Cette notion est importante
à faire connaître à l’entourage éducatif
car beaucoup d’apprentissages primaires
sont basés sur la couleur.
Si les voies optiques afférentes sont
lésées, le champ visuel présente des
anomalies; ce sont des hémianopsies, des
champs visuels tubulaires, des déficits
inférieurs dans les séquelles de leucomalacie périventriculaire par atteinte des
radiations optiques. Un champ visuel
fiable ne peut être réalisé que chez les
enfants pouvant tenir leur tête droite,
ayant une bonne attention et une fixation
dans le droit devant stable, il se fait par
confrontation (avec une boule ou le
doigt) ou “aux marionnettes” mais il
s’agit alors d’un champ visuel attentionnel qui ne peut être comparé aux autres
techniques de recueil; chez les enfants
attentifs et sans déficit moteur trop
important, à partir de 7 ans, on peut
essayer la réalisation au périmètre de
Goldmann. Comme l’acuité, il peut
s’améliorer avec les années grâce à une
maturation retardée et une meilleure
attention.
Les atteintes de l’oculomotricité sont
multiples, fonction du type et de la topographie de la lésion neurologique :
Strabisme d’angle variable plus volon-
tiers en convergence qu’en divergence,
passant volontiers spontanément en
divergence. Ils sont parfois associés à des
nystagmus manifeste-latents.
Les nystagmus présents peuvent être
en lien avec une malvoyance profonde. Il
faut toujours faire la part d’une position
compensatrice de la tête liée au nystagmus ou à un déficit postural.
Les déviation conjuguées du regard
sont fréquentes dans les tableaux neurologiques lourds : déviations horizontales
conjuguées, déviations toniques vers le
haut ou le bas, déficit d’initiation des saccades réalisant une apraxie oculomotrice.
La notion de profondeur est testée par
l’étude d’une grande image de paysage
donnant une représentation imagée en
deux dimensions, par la différenciation
de formes en deux et trois dimensions.
On utilise également les tests de vision
stéréoscopique classique (Lang, Wirt,
TNO). La vision stéréoscopique est
absente chaque fois qu’il y a un strabisme, mais la vision de la profondeur peut
être altérée, sans strabisme dans les
atteintes corticales postérieures.
La perception des obliques peut être
atteinte ; il est difficile actuellement de
classer ce déficit, atteinte perceptive ou
spatiale ?
La reconnaissance visuelle peut être
atteinte lors des lésions de la voie ventrale
d’analyse du message visuel réalisant des
tableaux d’agnosie; agnosie des images, la
plus fréquente, variable selon les
moments, très pénalisante dans la petite
enfance où le support image est prépondérant. L’enfant est décontenancé par les
réactions des adultes à ses réponses, les
troubles du comportement avec des
manifestations d’angoisses sont fré-
“Au terme
de cette revue des
atteintes neurovisuelles
pouvant accompagner
les dyspraxies,
il convient d’insister
sur l’importance
d’un dépistage
précoce.”
quents, seul le diagnostic amène un soulagement auprès de l’enfant et de la famille. Ces enfants ne sont pas attirés par la
télévision. Cette symptomatologie
s’améliore spontanément avec le temps
mais les séquelles persistent, variables en
fonction de l’atteinte initiale sur le plan
neurovisuel et comportemental. D’autres
types d’agnosie peuvent se retrouver,
agnosie des visages, des objets, des signes
conventionnels. L’atteinte de la reconnaissance des visages se rencontre volontiers dans des tableaux neurologiques
lourds, les enfants ne reconnaissent leur
entourage qu’au son de la voix, à leur
tenue… On conçoit l’importance de
mettre en évidence ce déficit, l’équipe
pouvant alors pallier de façon active par
des détails caractéristiques de la chevelure ou de l’habillage et rassurer l’enfant.
Ainsi, au terme de cette revue des
atteintes neurovisuelles pouvant accompagner les dyspraxies, il convient
d’insister sur l’importance d’un dépistage précoce. Quand, dans un délai raisonnable, une acquisition praxique ne se
fait pas, quand un comportement visuel
paraît paradoxal (télévision, intérêt pour
les images, pour le lointain) il convient de
se poser certaines questions et de proposer un bilan neurovisuel détaillé. Celui-ci
ne va pas résoudre toutes les difficultés,
mais il permet de pénétrer dans le monde
visuel de chaque enfant, de l’analyser
pour remédier aux modules déficitaires
par des actions éducatives ou rééducatives ciblées, évitant le suhandicap que
représentent des attitudes néfastes liées à
la méconnaissance du trouble réel. Il aide
à la communication entre les différents
acteurs interagissant autour de l’enfant. Dr Hélène Assali-Dalens, 1240 avenue de Samas, Sillery
GIT2k4 (Yc) Canada
Bibliographie
Dalens H. et coll. Bilan des pathologies neurovisuelles de l’enfant cérébrolésé. VII Congrés de
l’AREPO. Montpellier 5 et 6 Mars 2004
Dalens H. et cool. Les pathologies neurovisuelles
chez l’enfant crébrolésé - À propos de 4 cas soumis
au JFO 04 04
Mazeau M. Déficits visuospatiaux et dyspraxies de
l’enfant. Masson 166p
Mazeau M. Conduite du bilan neuropsychologique
chez l’enfant, Masson 237p
Montezer N. Les troubles neurovisuels chez l’enfant
ancien grand prématuré infirme moteur d’origine
cérébrale. Mt Pédiatrie 3, 4, 2000
Réadaptation N°522
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
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LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Rôle de l’orthoptiste
dans la prise en charge d’un
enfant dyspraxique
Laurence Cotard, orthoptiste
L
’orthoptiste est un auxiliaire médical spécialisé qui traite les
déséquilibres visuels. Son champ d’intervention est vaste (dépistage, rééducation, réadaptation) et de ce fait s’étend du bébé à la
personne âgée.
Spécialiste de la vision, il va jouer un rôle important dans la prise en
charge des dysfonctionnements visuels de l’enfant dyspraxique.
Son intervention dans ce domaine est essentielle mais reste encore trop
Laurence Cotard
peu répandue. En effet il faut bien reconnaître que ce type de prise en
charge est pratiquement méconnu du corps médical et particulièrement des professionnels
de la vision. De plus, les techniques de rééducation visuelle pour les enfants dyspraxiques
sont encore mal connues et peu développées en France.
Il s’agit pourtant d’une étape fondamentale et indispensable dans la prise en charge globale de l’enfant dyspraxique.
La fonction regard :
C’est grâce aux mouvements oculaires que
nous saisissons l’information visuelle. Le
contrôle de ces mouvements est complexe.
Il dépend du bon fonctionnement d’un
ensemble de réseaux neuronaux qui mettent en jeu différentes parties du cerveau.
qui permet de suivre une cible en mouvement et les saccades oculaires, mouvements
rapides qui permettent le captage visuel.
Le rôle du système visuel ne se limite pas
à la fonction d’analyseur d’image mais va
intervenir dans le développement global
(acquisition des postures, élaboration du
schéma corporel, mise en place des activités motrices gestuelles...).
Le regard peut être considéré comme un
“geste” qui va permettre la mise en place
de capacités visuelles indispensables aux
apprentissages scolaires.
Ces capacités visuelles se développent progressivement chez l’enfant. Dès la naissance
le bébé est doté de réflexes qui constituent
une base qu’il va sans cesse développer.
En permanence, notre regard est mobile.
Deux types de mouvements sont utilisés : la
poursuite oculaire, mouvement lent régulier
C’est par apprentissage que l’outil regard
va organiser ses déplacements selon un
projet spatial de plus en plus précis.
Le regard est une fonction souvent négligée
par les professionnels de l’ophtalmologie.
Ils ne prennent en compte qu’une seule
composante du système visuel : la vision
centrale, reflet de l’acuité visuelle .
Pourtant la fonction regard est un outil
précieux qui va permettre d’explorer, de
capter et d’extraire les éléments du spectacle visuel.
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Réadaptation N°522
Le trouble du regard chez
l’enfant dyspraxique :
Il est très fréquent chez l’enfant dyspraxique
et se manifeste à des degrés plus ou moins
importants suivant le type de trouble.
Dans le cas d’une atteinte de la planification oculaire, l’enfant va éprouver des difficultés à utiliser une stratégie adaptée en
fonction du projet spatial.
Dans le cas d’une atteinte de la programmation des mouvements oculaires,
l’enfant va être en difficulté pour utiliser
une motricité oculaire coordonnée.
Chez l’enfant dyspraxique, le trouble de
programmation oculaire est souvent prégnant. L’enfant présente alors des difficultés de coordination des mouvements
oculaires dans l’espace. Le mouvement
de poursuite n’est pas lisse, souvent chargé de micro saccades avec une perte de
fixation au passage de l’axe médian.
À l’école maternelle on observera surtout :
Les saccades oculaires sont mal contrôlées, imprécises.
Enfant qui parfois ne regarde pas
(rêveur,absent)
Les capacités de convergence sont
faibles, pénalisées par le mauvais contrôle
oculomoteur.
On constate assez fréquemment la présence d’un strabisme d’angle très variable.
Ce strabisme atypique résulte du mauvais
contrôle oculaire et ne doit pas être traité de
la même façon qu’un strabisme classique.
Dans ces conditions, la fonction regard
ne va pas se développer correctement et
ne va pas jouer son rôle instrumental de
manière efficace.
La motricité oculaire va rester dépendante de la motricité globale et l’enfant va
utiliser sa tête et même le buste pour
compenser la sous- utilisation du regard.
L’enfant ne va pas prendre conscience du
rôle de ses yeux et ne va pas s’appuyer
sur son regard lorsqu’il réalise une tâche
motrice (graphisme) ou une tâche cognitive (lecture).
La coordination des deux espaces visuels
droit et gauche a du mal à s’installer, la
coordination de l’œil avec la main va être
laborieuse.
Les moyens instrumentaux (geste et
regard) dont dispose l’enfant vont se mettre
en place de façon maladroite, imprécise.
On peut alors facilement imaginer les
conséquences de ce trouble dans
l’acquisition des apprentissages, la saisie et
le traitement de l’information visuelle sollicitant des aptitudes visuelles où l’enfant
doit en permanence coordonner et ajuster
de façon précise ses mouvements oculaires.
Les signes d’appel d’un trouble du
regard sont importants à connaître car le
dysfonctionnement qu’il induit n’est pas
visible, l’enfant ayant en général une
acuité visuelle normale et utilisant des
stratégies de compensation.
Les signes d’appel :
Ce trouble va se manifester dès que
l’enfant va devoir mettre en jeu des fonctions instrumentales fines c’est-à-dire
dès qu’il va être confronté à l’école.
Trouble du comportement
Difficultés d’attention
Retard au niveau du graphisme
Difficultés de reconnaissance visuelle
Difficultés d’organisation sur la feuille
À l’école élémentaire :
Tous les signes évoqués en maternelle
peuvent être retrouvés.
Lenteur dans les activités scolaires
Fatigabilité avec dégradation dans la
durée de la tâche cognitive demandée
Mauvaise posture, enfant qui se tient
mal sur sa chaise, se tortille.
Variabilité des résultats
Enfant plus performant à l’oral qu’à
l’écrit.
Difficultés de repérage au tableau, sur
la feuille, sur les lignes...
Fatigue visuelle, l’enfant se frotte sou-
vent les yeux, voit flou parfois même
double. Ces signes sont dus à l’effort permanent que l’enfant doit fournir pour
regarder . Ils apparaissent souvent dès
l’entrée en CP où les premiers apprentissage sollicitent des capacités visuelles
plus fines. Les compétences visuelles
étant peu performantes chez l’enfant dyspraxique, les difficultés vont se dévoiler
peu à peu au fil des exigences scolaires.
Les incidences sur les
apprentissages :
Les conséquences d’un trouble du regard
vont avoir des répercussions sur
l’ensemble des apprentissages scolaires.
La lecture : Sauts de mot, lenteur,
manque de fluidité, difficultés de compréhension
L’orthographe : Difficultés pour
mémoriser la forme globale du mot, mauvais orthographe d’usage.
La copie : Laborieuse, oublis de lettres
ou de mot, sauts de ligne. L’enfant est
obligé d’effectuer plusieurs aller- retours
visuels pour saisir l’ensemble du mot.
Calcul : Le mauvais pointage visuel va
entraîner des erreurs dans le dénombrement. Difficultés pour aligner les chiffres
lors de la pose d’opération sources d’erreurs
Difficultés de repérage dans les ta-
bleaux à double entrée.
Géométrie : Difficultés pour reprodui-
re une figure dans un quadrillage, pour
relier deux points, pour mesurer précisément etc. ...
Bilan orthoptique du trouble
du regard.
Le bilan orthoptique du trouble du
regard est capital car il permet :
La compréhension des difficultés
visuelles de l’enfant.
La mise en place d’une prise en charge
“Le trouble du regard
chez l’enfant dyspraxique
est très fréquent
et se manifeste
à des degrés
plus ou moins importants
suivant le type
de trouble.”
spécifique et adaptée.
La mise en place d’adaptations péda-
gogiques.
Evaluation de la motricité oculaire :
Epreuves qualitatives où l’on observe les
capacités de détection et les aptitudes des
mouvements oculaires.
Evaluation de la coordination œilmain :
L’œil joue-t-il son rôle pilote ?
Evaluation du repérage visuel :
Capacités de suivi linéaire et de retour à
la ligne.
Evaluation du comportement visuel
dans l’exploration visuelle :
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LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
L’enfant s’appuie t-il sur son regard pour
explorer ? Le pointage visuel est-il efficace ? A-t-il une vision d’ensemble ? Utilise
t-il le corps, le buste ou la tête lors de
l’exploration ?
Evaluation de la vitesse de traitement de l’information visuelle :
Le déplacement du regard est- il suffisamment rapide ?
Evaluation des capacités d’attention
visuelle :
L’enfant est - il capable de sélectionner
correctement un stimulus visuel ?
Prise en charge orthoptique
du trouble du regard
Elle comporte deux grand axes :
Travail spécifique sur l’oculomotricité
Utilisation de l’oculomotricité sur la
feuille
Travail sur l’intégration de la motricité oculaire :
C’est dans un premier temps faire
prendre conscience à l’enfant de ses
capacités visuelles et lui montrer qu’il
peut être “acteur” dans son projet regard.
Travail de motricité oculaire en lien
avec l’espace :
Travail sur la coordination du geste
et du regard dans la motricité :
Être capable de coordonner l’œil et la
main dans les deux espaces droit et
gauche.
Travail sur le balayage visuel :
Notion de ligne et de colonne.
Être capable de suivre une ligne,
d’effectuer les aller-retours visuels nécessaires au retour à la ligne ...
Travail sur la rapidité de traitement
de l’information visuelle :
Automatisation de l’anticipation visuelle
lors de l’utilisation du regard.
Travail sur les capacités visuo attentionnelles :
Être capable de déplacer son regard tout
en sélectionnant l’information visuelle.
La prise en charge du trouble du regard
est une rééducation qui apporte des progrès sensibles car elle s’intéresse à la
motricité oculaire qui a un grand pouvoir
de plasticité cérébrale et fait appel à des
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Réadaptation N°522
procédures qui ne demandent pas un
contrôle cognitif élaboré.
Chez l’enfant dyspraxique, la prise en charge va durer une année à raison d’une séance
hebdomadaire. Ensuite un suivi régulier est
nécessaire pour accompagner l’enfant dans
le développement de ses compétences
visuelles afin qu’il puisse mettre en place
des capacités visuo-attentionnelles efficaces
indispensables au langage écrit .
C’est un travail qui doit être effectué en harmonie et en coordination avec les autres
prises en charge en particulier avec
l’ergothérapie et l’orthophonie. Le lien entre
les différents intervenants (enseignants et
rééducateurs) est indispensable pour une
prise en charge cohérente et efficace.
Comment aider l’enfant dans
ses apprentissages ?
Afin que l’enfant ait les moyens d’utiliser
au maximum ses compétences, nous
recommandons aux parents et aux enseignants de :
Présenter un matériel simple, dépouillé
(peu de distracteurs).
Utiliser une présentation claire et structurée.
Limiter le nombre d’exercice par page,
l’idéal étant un seul exercice par page
(fichiers de math souvent surchargés) à
défaut utiliser un cache afin
d’individualiser chaque exercice .
Éviter de présenter deux pages en même
temps.
Utiliser de la couleur pour surligner les
lignes et / ou faire ressortir les éléments
pertinents sur une page.
Permettre à l’enfant de suivre avec le
doigt lors de la lecture.
Penser que le repérage visuel nécessaire
dans les tableaux à double entrée est difficile : repérage à la fois horizontal et vertical.
Utiliser la verbalisation en employant
un vocabulaire spatial précis : “regarde en
haut” par exemple et non “regarde”.
Comprendre que l’enfant peut avoir
une vision imparfaite de la forme globale
du mot malgré une bonne acuité visuelle.
Accepter que l’enfant ait besoin de
plus de temps pour réaliser ses exercices.
Penser que l’enfant va être en difficulté
pour effectuer les aller-retour visuels
nécessaires lors de la comparaison ou
dans les exercices de copie (tableau feuille ou livre -feuille).
Placer l’enfant devant, face au tableau.
Ne pas penser que l’enfant est pares-
seux. Ses résultats scolaires variables sont
étroitement liés à la présentation des documents scolaires ainsi qu’à son état de
fatigue . “Regarder” étant une action qui
demande un contrôle et une coordination
des mouvements oculaires difficiles à
automatiser chez l’enfant dyspraxique.
En conclusion
Pour compenser une mauvaise utilisation
du regard, l’enfant va devoir fournir un
effort important pour aboutir souvent à
un résultat décevant. Cela va entraîner
chez lui un sentiment de découragement,
une incompréhension de la part de
l’entourage (famille, enseignants) provoquant un sentiment d’échec.
Le trouble du regard va également avoir
des répercutions dans les apprentissages
cognitifs de l’enfant. Prisonnier de ses
difficultés motrices, il va avoir moins
d’attention et d’énergie à consacrer au
fonctionnement cognitif.
Actuellement ce trouble est méconnu et
l’interprétation des difficultés qu’il induit
est erronée. En effet, trop souvent seul le
trouble d’attention est retenu.
Il est donc important d’aller au delà des
manifestations de surface pour faire apparaître les processus sous-jacents déficitaires
afin d’orienter les enfants vers une prise en
charge adaptée le plus rapidement possible.
L’orthoptie classique ne permet pas de
répondre efficacement car elle ne va
prendre en compte que le déséquilibre
binoculaire. Or, chez l’enfant dyspraxique
ce déséquilibre (lorsque il est présent) est
la résultante du trouble du regard.
Il est urgent que l’ orthoptiste soit formé de
façon spécifique à ces nouvelles techniques
de rééducation. Spécialisé dans les troubles
de la vision et habitué à explorer la fonction
visuelle, l’orthoptiste est le professionnel qui
va jouer un rôle primordial dans le dépistage et la prise en charge du trouble du regard
de l’enfant dyspraxique.
Laurence Cotard : 28 rue Royale, 74000 Annecy
Le rôle du psychomotricien
dans la prise en charge
des enfants dyspraxiques
Florence Roger, psychomotricienne
A
ctuellement, de plus en plus d’enfants qui consultent pour des troubles
d’apprentissage scolaire, présentent des difficultés d’origine non-verbale. Les conséquences de ces troubles sont souvent dévastatrices sur le plan cognitif et psychoaffectif et peuvent engendrer des difficultés sur le plan de l’intégration sociale.
La psychomotricité s’inscrit dans le cadre
de l’observation et de l’analyse des savoirfaire non verbaux et corporels, nécessaires aux apprentissages et à l’adaptation
scolaire et sociale. Les psychomotriciens
sont donc des spécialistes dans la
connaissance du développement de ces
fonctions chez l’enfant depuis son plus
jeune âge.
La dyspraxie s’inscrit véritablement
dans le cadre de dysfonctionnements
dans ces domaines non-verbaux et corporels. Elle constitue une véritable anomalie de la planification et de
l’automatisation des gestes volontaires.
Un diagnostic précis est essentiel. Un
diagnostic imprécis conduirait à une
mauvaise compréhension des troubles de
l’enfant et par la suite à un protocole de
soins inadaptés. Il paraît donc primordial
de mieux cerner et comprendre ces difficultés qui constituent un ensemble complexe et hétérogène.
En libéral, le psychomotricien, dont la
profession est aujourd’hui beaucoup
mieux connue par les parents et tous les
partenaires gravitant autour de l’enfant
(enseignants, orthophonistes, éducateurs,
etc...) accueille l’enfant avec les signes
suivants :
La psychomotricité s’inscrit dans le cadre
de l’observation et de l’analyse des
savoir-faire non verbaux et corporels,
nécessissaires aux apprentissages et à
l’adaptation scolaire et sociale (photo
d’Edouard).
difficultés d’écriture, lenteur ou mal-
adresse,
difficultés à choisir la main pour l’écriture,
manque de soins,
résultats en dent de scie,
décalage entre les facilités orales et ver-
bales et les productions écrites,
maladresse globale,
difficultés dans l’habillage et les repas.
Ces signes orientent vers des difficultés
non-verbales et corporelles et “handicapent” véritablement l’adaptation scolaire
et sociale de l’enfant.
Le diagnostic
La tâche du psychomotricien, suite à ces
signes évocateurs, consiste à recueillir les
plaintes et les anomalies que l’entourage
évoque ainsi que leur histoire.
Il s’agit ensuite de mesurer objectivement
des décalages dans les fonctions non-verbales et corporelles pour établir des liens
de cause à effet avec les difficultés
d’apprentissage. Pour cela, le psychomotricien se doit d’utiliser des tests étalonnés, référencés et dont la validité a été
établie. Cette mesure précise permet de
situer l’enfant dans des décalages pathologiques ou dans un simple retard
Réadaptation N°522
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d’acquisition. Dans le cadre de la dyspraxie les décalages sont toujours dans
des proportions au-delà du simple retard.
Il s’agit également de savoir, avec autant
de précision possible, comment tout cela
est organisé afin de déterminer les différents niveaux de la perturbation.
Cependant, le bilan psychomoteur ne
suffit pas et doit être complété par un
examen cognitif (test de Q.I.).Une
consultation auprès d’un neuropsychologue est essentielle. En France, il existe
désormais de nombreux centres de référence chargés du diagnostic des troubles
d’apprentissage du langage oral et écrit.
Un neuropédiatre reçoit l’enfant et se
charge de programmer les bilans nécessaires au diagnostic précis.
Les médecins scolaires sont également
des partenaires privilégiés. Formés
aujourd’hui davantage aux troubles
d’apprentissage, ils sont à même de
dépister des problèmes dans l’évolution
non-verbale de l’enfant. Dans le département de la Marne, un examen systématique en grande section de maternelle leur
permet de dépister des décalages dans
l’acquisition des relations spatiales, de la
discrimination visuelle, des coordinations, de la motricité fine et de la graphomotricité. Ils participent donc grandement au repérage précoce de ces
difficultés spécifiques.
La dyspraxie est une grande famille
regroupant les troubles praxiques, les
troubles visuo-spatiaux et les troubles des
coordination. Il existe donc de nombreux
profils dans cette grande famille selon la
prévalence des dysfonctionnements dans
tel ou tel domaine.
Les profils observés :
Prévalence des troubles des praxies :
ces enfants auront des difficultés dans
tous les gestes appris : l’habillage,
l’utilisation des couverts ; l’utilisation des
instruments de géométrie, l’écriture, le
soin.
Prévalence des troubles visuospatiaux : les difficultés seront centrées
sur la lecture, le calcul, la copie, la géométrie, l’organisation dans le travail.
Prévalence des troubles des coordinations : les activités sportives, les jeux de
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Réadaptation N°522
récréation, les équilibres, la course, le vélo
seront délicates.
Ces profils peuvent se conjuguer,
s’associer. Il est donc primordial que les
bilans puissent déterminer très précisément les domaines touchés. De même
qu’il est très important que les points
forts soient mis en évidence car ils seront
des atouts pour la prise en charge (vocabulaire, mémoire de travail, syntaxe) et
favoriseront la restauration d’une bonne
estime de soi.
La clinique nous apporte également des
observations concernant l’absence ou la
disproportion de certaines variables sensorielles ou proprioceptives. Certains
enfants n’aiment pas toucher certaines
textures, d’autres ont des sensations gustatives peu développées, d’autres encore
montrent une agitation motrice qui
s’apparente davantage à un déficit de
sensation internes.
Il est possible également de rencontrer
des troubles associés tels que des difficultés attentionnelles, des difficultés
d’articulation du langage .
une stimulation proprioceptive et une
approche sensori-motrice précise et
adaptée.
l’utilisation de la verbalisation. On
détaille tous les gestes à accomplir et on
les réalise ensuite. On élargit avec l’enfant
son vocabulaire spatial et corporel.
mise en place d’un système de repérage
spatial simple et efficace propre à chaque
enfant.
Ces procédés sont toujours très simples et
leur objectif est d’aboutir à une automatisation autrement que par la répétition gestuelle qui, chez le sujet dyspraxique,
n’aboutit pas à une engrammation stable et
reproductible.
C’est grâce aux points forts révélés par
les différents bilans que nous allons choisir tel ou tel moyen d’intervention.
Les atouts seront :
la mémoire du travail,
la richesse du vocabulaire de l’enfant,
les capacités d’attention et de concen-
tration.
Cette étude précise qu’est le bilan psychomoteur va contribuer fortement au
diagnostic et va permettre également
d’élaborer un programme de rééducation
adapté.
Établir des liens avec les
autres partenaires
La rééducation
Il est nécessaire d’aller rencontrer les
enseignants qui, souvent, ne perçoivent
pas l’enfant dypraxique à sa juste valeur et
ceci assez légitimement du fait du caractère aléatoire de ses productions. L’enfant
peut être perçu comme paresseux,
puisque “quand il veut, il peut”. Donc
lorsqu’il ne peut pas c’est qu’il ne veut pas.
On peut aussi penser de lui qu’il n’est pas
motivé, immature voir parfois déficient.
Il est important de donner des explications claires à l’enfant sur les difficultés
qu’il présente afin d’éviter la culpabilité.
Avec des mots simples et selon ce que
nous savons de cette pathologie, nous
devons lui expliquer pourquoi il est différent sur ces points précis et comment,
ensemble, nous allons procéder pour qu’il
puisse suivre une scolarité ordinaire et
s’adapter au mieux scolairement et socialement. Il comprend ainsi mieux son sentiment d’être différent et comprend aussi
qu’il peut être acteur pour poursuivre son
développement.
Selon les troubles présentés par l’enfant
nous allons déterminer des priorités
d’action.
Les techniques utilisées sont :
Un travail sur la posture est les réac-
tions d’équilibration.
AVEC LES ENSEIGNANTS
Des explications claires aux enseignants
permettent de changer ces images et alors
un partenariat peut s’installer.
Intégration scolaire des enfants dyspraxiques en primaire
Les enseignants ont un rôle majeur s’ils
acceptent de ne pas pouvoir “faire seul”...
Comme pour le rééducateur, une bataille
contre la souffrance de l’enfant est
gagnée lorsque chacune des personnes
aidantes est bien persuadée d’apporter
seulement une petite pierre à l’édifice
de sa construction. Chacun acceptant de
réduire ou déplacer ses exigences et de se
tourner vers un projet commun. Dès qu’il
y a un maillon qui ne croit pas au projet,
toutes les prises en charge s’en ressentent,
et ce qui pourrait être gagné en un an va
l’être en deux.
Il est regrettable qu’une grande partie des
intégrations soit accueillie avec une grande méfiance de la part du corps enseignant. La dyspraxie passe encore malheureusement pour une “croyance”.
L’enseignant est un personnage central,
sans qui rien n’est possible. Mais il se doit
d’être attentif au travail effectué en
dehors de la classe, par l’enfant , qui ne
pourrait accéder que de manière partielle
à son enseignement sans ces aides extérieures.
La collaboration entre les personnes qui
entourent l’enfant est primordiale dans ce
genre de difficulté.
L’écriture est le centre des conflits en
classe. Les enseignants qui acceptent de
baser leur enseignement sur le contenu
des acquis en incluant les adaptations
personnalisées pour les enfants dyspraxiques, ont tout gagné. Ils évitent
d’enfoncer l’enfant vers une perte totale
d’estime d’eux même et peuvent poursuivre leur objectif d’élever ces enfants
vers la connaissance, ce que personne ne
pourra faire à leur place !
Particularité du collège
Nous n’avons plus à faire à un interlocuteur mais à une équipe, ce qui rend la collaboration plus complexe. La solution est
d’instaurer une personne ressource, interlocuteur privilégié de l’enfant, de sa
famille et des rééducateurs. Cette personne pourra lister les difficultés et faire
remonter les informations afin que
l’organisation matérielle ne devienne pas
un obstacle supplémentaire.
Au collège, les médecins scolaires sont
également présents et se situent parfaitement au carrefour de la représentation du
médical et des apprentissages scolaires.
Dès lors qu’une collaboration est satisfaisante, des adaptations scolaires peuvent se
mettre en place. Les termes “alléger”,
“soulager” sont à mon sens à proscrire s’ils
ne sont pas accompagnés d’exigences par-
ticulières scolaires venant faire contrepoids.
Ainsi, on permettra à l’enfant de travailler
davantage à l’oral, d’être dispensé de certains écrits mais on sera très exigeant sur
l’attention en classe, le comportement et
on lui donnera des travaux adaptés pour
compenser cela. Il est important d’insister
sur cela car de nombreux enfants se sont
vus rejetés par leurs pairs, accusés d’être
le “chouchou” de l’enseignant.
Pour éviter cela voici deux expériences
qui ont bien fonctionné.
Travail avec une psychologue sco-
laire qui désormais intervient dans
chaque classe où est scolarisé un
enfant dyspraxique.
Elle sollicite les enfants à s’exprimer sur
le thème de la différence au sens large.
Elle expose ensuite les cas particuliers
dans la classe et les besoins que chacun
peut avoir à un moment de sa vie d’être
aidé. Elle en arrive à la dyspraxie et finit
par la nécessité de développer la solidariComme pour le rééducateur, une bataille
contre la souffrance de l’enfant est
gagnée lorsque chacune des personnes
aidantes est bien persuadée d’apporter
seulement une petite pierre à l’édifice de
sa construction (photo de Christophe).
té entre tous et les points précis sur lesquels l’enfant dyspraxique doit être aidé
ou accompagné.
Mise au point d’un exposé avec un
jeune adolescent dyspraxique scolarisé en 5e. Ce garçon avait obtenu la
compréhension de ses professeurs mais
se sentait incompris dans sa classe. Il s’est
donc exprimé devant ses camarades en
ces termes :
“Dans la vie les gens ont des difficultés. Elles peuvent être différentes (écrire, parler, se concentrer). Ces difficultés ont des noms (dyspraxie, dyslexie, etc...). Moi j’ai une légère dyspraxie,
certains vont se dire : c’est quoi ce truc !... Et
bien moi je vais leur répondre avec ce petit exposé que j’ai préparé ce week end.
Moi ma légère dyspraxie m’empêche d’écrire à la
vitesse que je voudrais ; certains se disent : ce
n’est pas le seul ! Je suis totalement d’accord
avec eux, mais n’empêche que j’en fais parti. On
m’a proposé de faire des photocopies, ce qui me
permettrait d’écouter le cours car quand j’écris je
ne fais pas attention à ce que dit le professeur.
On m’a aussi proposé un clavier ; on va dire : pourquoi lui il pourrait amener un ordinateur au collège
alors que cela nous est interdit ; je vous le dit,
devant toute cette classe, je l’ai refusé car je me
suis dit tout de suite sans temps de réflexion que
vous camarades de 5e me diriez : Qu’est-ce-que tu
fais avec un ordinateur portable ? Et là, au lieu que
vous me le demandiez ce jour-là, je vais vous
répondre maintenant : ce clavier me permettrait
d’écrire en même temps que le professeur parle.
J’ai un manque de confiance en moi et d’envie de
participer à la vie de cette classe à cause de certaines moqueries répétitives et incessantes.
Pour faire face à ces difficultés j’ai le soutien de
mon professeur principal, de tout le reste de
l’équipe enseignante, ainsi que des spécialistes
médicaux et le soutien de ma famille et pour finir
je demanderai votre soutien, merci infiniment.
Pour mettre une conclusion à cet exposé je voudrais savoir si quelqu’un avait une ou plusieurs
questions en rapport avec l’exposé”.
Cet adolescent s’épanouit aujourd’hui
dans sa classe et son collège malgré ses
difficultés d’apprentissage.
AVEC LES AUTRES
RÉÉDUCATEURS
Afin que l’enfant ne soit pas surchargé
par les prises en charge, il est important
de communiquer avec les autres rééducateurs (ergothérapeute, orthophonistes,
orthoptistes).
Une bonne communication permettra de
décider ensemble des priorités du moment
Réadaptation N°522
23
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
et créera, autour de l’enfant, un espace le
plus cohérent possible.
Des rencontres régulières basées sur le
thème de la dyspraxie nous aident à
mieux coordonner nos actions. Ils nous
arrive d’élargir un peu nos champs
d’action le temps du passage de relais
avec un autre rééducateur.
Nous nous donnons des nouvelles de
l’enfant même lorsque nous ne le suivons
plus et cela nous permet d’avoir un certain recul sur les stratégies abordées avec
lui et sur nos choix partagés.
AVEC LES PARENTS
Il nous est souvent reproché d’enfermer
l’enfant dans des étiquettes, des diagnostics. Cependant, il est impressionnant de
constater combien les parents et leur
enfant sont soulagés dès lors que le diagnostic est posé, mais surtout dès lors que
le cadre des difficultés est défini. Ils ont
enfin des explications sur le fait que cet
enfant là, ils n’ont pas pu l’autonomiser
comme leurs autres enfants. Les mamans
disent souvent qu’elles l’ont peut-être
trop couvé, habillé plus longtemps que les
frères et sœurs. On peut alors leur expliquer que si elle ont agit ainsi c’est parcequ’elle sentait que cet enfant là ne prenait
pas le relais naturellement.
Le diagnostic n’est donc pas vécu comme
un enfermement et nous devons veiller à
ce qu’il ne devienne pas un prétexte.
Une meilleure compréhension des
troubles de leur enfant va leur permettre
de restaurer la fonction parentale et d’agir
en fonction des possibilités de cet enfant.
Certaines familles ont pu montrer alors
des trésors d’ingéniosité afin de mettre en
valeur leur enfant dans des domaines
divers et variés. L’important était que leur
enfant puisse développer un sentiment de
compétence quel qu’il soit.
Cependant, une des questions qui revient
le plus souvent est de savoir à quel moment
l’enfant peut faire et à quel moment c’est la
dyspraxie qui le gêne. La réponse est très
individuelle et il est vrai que les bénéfices
secondaires de ce handicap existent et que
l’enfant s’en empare bien légitimement. Le
psychomotricien, comme tout autre interlocuteur sollicité, doit pouvoir aider les
parents à trouver une position adaptée et
24
Réadaptation N°522
… L’important était que l’enfant puisse
développer un sentiment de compétence
quelqu’il soit (photo de Charles).
naturelle, ce qui n’est pas une tâche facile
dans le cadre de la dyspraxie.
Quelques idées à propos de
l’estime de soi
Les conséquences de cette difficulté spécifique sont dévastatrices tant sur le plan
cognitif que sur le plan psycho-affectif.
Il est toujours passionnant de regarder un
nourrisson affiner ses gestes, sa posture
au fil des semaines. Il persévère sans
relâche, avec un intérêt immense, pour se
redresser, attraper un objet, avec davantage de finesse à chaque essai. Il y consacre
toute son attention jusqu’à ce que ce
simple geste lui soit familier et soit intégré, mémorisé avec les schéma pré-existants. Ce geste est devenu automatique et
ne lui coûte plus d’attention. Il peut
même le conjuguer avec d’autres facilement.
L’enfant dyspraxique est, quant à lui,
confronté très tôt à cette difficulté
d’automatisation. Il peut répéter à l’infini un
mouvement sans que celui-ci s’intègre et
s’enregistre dans un schéma stable et reproductible. Bien au contraire, il se fatigue et
son geste, plutôt que de s’améliorer par
l’expérience et l’entraînement, se dégrade.
De plus, il ne peut être soulagé au niveau
attentionnel. Je pense que cet enfant
apprend, ressent très tôt qu’il ne peut pas
compter sur son corps. Ce corps lui fait
défaut sans qu’il en sache bien la raison,
alors qu’intellectuellement il conçoit très
bien le but à atteindre. Cette sensation est,
me semble-t-il, très précoce chez l’enfant
dyspraxique et contribue grandement à
nourrir une insécurité corporelle et certainement une insécurité psychique et psycho-affective. En effet, par la suite, lorsqu’il
grandit, on lui attribue des intentions erronées (paresse, rêveur, peu doué, etc) qu’il
prend pour argent comptant sans parfois
même se rebeller. Il intègre très tôt que tout
est de sa “faute” puisque parfois il peut... Et
ce d’autant plus qu’il ne souffre d’aucun
handicap avéré.
Je pense également que les enfants souffrant de troubles visuo-spatiaux et de
troubles visuo-perceptifs sont la plupart
du temps perdu dans des environnements
qui changent. Ils ont besoin de stabilité, de
repères et l’on comprend souvent mal leur
appréhension face au changement ou
leurs erreurs d’adaptation.
Imaginez encore ou bien rappelez vous
votre 1ère leçon de conduite. Il fallait faire
attention à tout en même temps, coordonner des actions totalement inhabituelles.
Vous en êtes sorti épuisé. Mais par la suite,
par simple pratique et répétition,
l’automatisation s’est faite et au moment de
passer le permis vous étiez capable de tout
gérer sans cette attention démesurée et sans
cette maladresse caractéristique des jeunes
conducteurs. C’est d’ailleurs grâce à
l’étiquette auto-école que vous aviez parfois
la clémence des autres conducteurs chevronnés. Imaginez que l’enfant dyspraxique
en est toujours à sa 1ère leçon de conduite et
qu’il s’épuise si on envisage pas avec lui
l’apprentissage d’une autre façon.
Florence Roger : 21 rue Pasteur, 51370 Saint-BriceCanalles
Le rôle du psychologue
dans la rééducation de l’enfant dyspraxique
Françoise de Barbot, psychologue clinicienne
L
a place des psychologues, la façon dont ils se définissent, que ce
soit au sein des équipes de CAMSP, de SESAD, etc... ou dans les
consultations hospitalières, sont si variées qu’il est bien difficile
de parler de leur rôle auprès d’un enfant dyspraxique. Certains réalisent des examens psychologiques ; d’autres s’y refusent et centrent leur
travail sur les aspects relationnels. Il en est qui sont psychothérapeutes.
Le psychologue clinicien aurait tendance à pousser les hauts cris à l’idée
Françoise de Barbot
d’entreprendre une rééducation ; pourtant certains font de la “remédiation logico-mathématique” et d’autres des rééducations cognitives : il est vrai que ces derniers sont plutôt des “neuropsychologues”.
À ce point, le lecteur pourrait demander :
“Mais qu’est ce donc qu’un psychologue ?”
Rappelons simplement que, d’après son
code de déontologie, sa “mission fondamentale est de faire reconnaître et respecter la
personne dans sa dimension psychique”.
Ceci étant l’essentiel, ses modalités d’intervention sont secondaires et dépendent de sa
formation et de ses compétences propres.
Elles peuvent donc revêtir des formes très
variées, la rééducation proprement dite en
étant probablement une des moins fréquentes. Nous allons maintenant tenter de
les passer en revue, dans le cadre des dyspraxies de l’enfant. Il est évident que cet
“inventaire” ne saurait être exhaustif et sera
très influencé par notre propre pratique !
L’examen psychologique
L’examen psychologique s’impose en préalable à toute action rééducative. Lorsque certains signes ont alerté l’entourage de l’enfant
– en famille, à l’école – il faudra avant tout
s’assurer que ses difficultés correspondent
bien à des troubles praxiques. Les tests psychométriques constitueront la première
étape. Des échelles composites (laWPPSI et
la WISC étant les plus couramment utilisées
et, vraisemblablement, les mieux adaptées)
permettent de voir si cet enfant particulier
que nous avons en face de nous est en échec
dans certains domaines, alors que, dans
d’autres, ses réalisations correspondent à ce
qui est attendu à son âge, à la moyenne obtenue par ses contemporains, ou même à des
réussites supérieures à celle-ci. Si une telle
discordance n’est pas retrouvée, on ne saurait parler de troubles spécifiques : lorsque
l’ensemble des résultats est faible, on envisagera plutôt une déficience globale. Dans le
cas des dyspraxies, l’enfant est en difficulté
dans les épreuves dites “de performance”, où
il faut rassembler des éléments pour reconstruire un modèle : reproduction de figures
géométriques, puzzles, assemblages d’objets,
constructions avec des cubes, etc. Au
contraire, les épreuves verbales et celles de
raisonnement utilisant le langage donnent
lieu à des réussites. Évaluer les aptitudes verbales et les capacités d’abstraction est de la
plus grande importance, puisque c’est grâce
à elles que le jeune dyspraxique va pouvoir
élaborer des compensations.
À partir de là, le bilan doit être affiné (voir
Mazeau 2003) : existe-t-il aussi des troubles visuo-spatiaux ? quelles aides apportées par l’examinateur paraissent efficaces
pour cet enfant ? quelles sont les stratégies
qu’il met en place de lui-même ?
L’examen du psychologue se poursuit
dans deux directions. D’une part, on sait
que les dyspraxies de l’enfant ont des
répercussions fréquentes et importantes
sur les apprentissages en mathématiques
(de Barbot et al 1989, 2000). Il est donc
utile de s’interroger sur ce point. Il arrive,
en effet, que l’attention des enseignants,
des parents, des rééducateurs, soit polarisée
par les difficultés d’acquisition de l’écriture
et que l’on ne s’aperçoive pas que l’élève de
maternelle fait des erreurs lorsqu’il compte
des objets. Ce n’est que plus tard que
seront signalés les échecs en calcul.
Le psychologue qui connaît ce type de
pathologie s’intéressera aux activités de
dénombrement du jeune sujet dyspraxique, à la façon dont il construit le
nombre, à la mise en place de la logique
etc. Encore une fois, il ne s’agit pas seulement de repérer les difficultés, mais
d’identifier les aptitudes particulières sur
lesquelles on pourra s’appuyer pour aider
l’enfant dans ses apprentissages.
D’autre part, tout examen psychologique
prend en compte les aspects relationnels et
psychoaffectifs. Certes, une étude approfondie de la personnalité n’est pas toujours
indiquée. Mais cet enfant est en difficulté :
comment le vit-il ? Quelle image de lui a-til ? Quel est son désir ? Selon l’histoire
familiale, selon la façon dont se sont tissées
les premières relations, certains seront plus
anxieux que d’autres ; quelques uns
éprouveront de l’agressivité ; ailleurs, on
repèrera des éléments dépressifs. Les
attentes des parents, leur projet de vie,
Réadaptation N°522
25
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
leurs inquiétudes sont d’autres facteurs,
tout aussi variables, qui devront être pris
en compte dans les conseils que l’on donnera et les propositions que l’on fera.
Il est parfois nécessaire d’aller plus loin dans
l’examen de la personnalité : en effet, certains troubles praxiques sont inclus dans ce
qu’il est convenu d’appeler des “troubles
envahissants du développement”. Certes il en
existe d’isolés, mais nous voyons de plus en
plus d’enfants dont les parents consultent
pour suspicion de dyspraxie – la connaissance de l’existence de cette pathologie se
diffusant dans le grand public – alors que
l’atteinte de leur rejeton est beaucoup plus
globale et beaucoup plus lourde. Ne pas
identifier des troubles de la personnalité ne
pourrait que leurrer la famille et priver
l’enfant des soins dont il a besoin. La psychomotricité peut être indiquée, mais elle
n’est pas suffisante et les objectifs doivent
en être définis.
Etablir un projet avec les
intervenants
Si nous avons consacré beaucoup de temps
à parler de l’examen psychologique : c’est
que celui ci va orienter la suite. Il est un des
fondements du projet rééducatif. Disons le
clairement : une dyspraxie ne se “rééduque”
pas au sens précis du terme. L’enfant
demeurera dyspraxique. Ce que les remédiations vont tenter de faire c’est de l’aider à
développer des stratégies qui lui permettent
de compenser ses troubles. Bref, il s’y prendra différemment des autres sujets, mais on
espère qu’il parviendra à être plus efficient
dans les domaines où, pour le moment, il est
en échec. On comprend donc que le bilan
n’est pas seulement destiné à poser un diagnostic, à identifier une pathologie, des difficultés, mais aussi à repérer sur quoi l’on
peut s’appuyer pour les contourner.
Plusieurs cas de figures peuvent se présenter. L’enfant est peut-être déjà suivi par
une équipe. Ou bien il s’agit d’une consultation, hospitalière, pluridisciplinaire. Le
psychologue apporte alors ses propres
observations, qui s’ajoutent à celles des
autres professionnels : ergothérapeutes,
orthoptistes, psychomotriciens, médecins.
Les indications qui en découleront, établies en synthèse, seront généralement de
deux ordres : pédagogiques et rééducatives.
26
Réadaptation N°522
Au cours de ces réunions, le psychologue
a un double rôle. En effet , puisque les
orientations ne dépendent pas seulement
des éléments cognitifs mis en évidence,
mais aussi de facteurs psychoaffectifs et
relationnels, il retrouve sa mission fondamentale : œuvrer à “faire reconnaître la
dimension psychique de la personne”.
Loin de nous l’idée qu’il est le seul à s’en
soucier, le seul à se préoccuper, par
exemple, de ce que ressentent un enfant et
sa famille ! Cependant il peut arriver que
des prises en charge soient programmées
en fonction des troubles d’un jeune sujet –
“il aurait besoin de ceci” – sans que l’on
s’interroge sur sa capacité à s’y investir et
sur la façon dont il va les vivre. Lorsque
nous proposons une rééducation à un
enfant, quel message lui transmettons nous,
sans nous en rendre compte, bien souvent :
“je comprends pourquoi certaines choses sont
difficiles pour toi ; on peut essayer de t’aider”
ou : “ce que tu fais n’est pas satisfaisant,tu n’es
pas à la hauteur ; il va falloir que l’on s’en
occupe” ? Le message que reçoit l’enfant ne
dépend d’ailleurs pas uniquement de notre
attitude et des mots que nous utilisons, mais
aussi de l’image qu’il a de lui-même et de ce
qu’il croit que ses parents pensent de lui.
On sait que les Infirmes Moteurs Cérébraux
anciens prématurés présentent fréquemment
des dyspraxies. Or certains programmes établis pour des écoliers handicapés, intégrés
dans des classes ordinaires, sont d’une lourdeur extrême : séances de kinésithérapie,
d’ergothérapie, d’orthophonie. Va-t-on y
ajouter de l’orthoptie, qui serait bien utile,
c’est vrai, pour ce petit dyspraxique avec
troubles visuels associés ? une rééducation
“logico-mathématique” ? Or ces enfants
handicapés acceptent souvent l’inacceptable,
tendent à se conformer à ce que l’on attend
d’eux, tant ils souhaitent faire plaisir, être
acceptés, réparer la souffrance que leur handicap cause à leurs parents. Etablir des priorités, mettre en attente des interventions qui
paraissent nécessaires, suppose que les professionnels acceptent qu’il y ait des limites à
leur action. Leur désir de réparation est parfois le plus fort.
Dans le cas des dyspraxies développementales, il est fréquent que l’enfant ne soit pas
suivi par une équipe. Ce seront alors les
parents qui insisteront sur les rééducations,
pensant que tout va ainsi s’arranger.
Et après...
A la suite des bilans et des orientations
qui auront été données, l’enfant rencontrera sans doute encore des psychologues.
Une remédiation logico-mathématique
lui sera éventuellement proposée, en raison de ses difficultés d’apprentissage. Il
s’engagera peut-être dans une psychothérapie. Au cœur du dispositif, demeurera
probablement un psychologue “généraliste”. À celui ci, il est demandé d’avoir à
la fois des lumières dans des domaines
très divers et une position décalée par
rapport aux autres intervenants.
Ce qui détermine son action est qu’il
s’adresse à des enfants en souffrance. En
souffrance parce qu’ils “n’y arrivent pas”,
qu’ils déçoivent leurs parents, qu’ils se sentent dévalorisés par rapport à leurs contemporains, qu’ils sont en échec dans le domaine du “faire”. Ne pas pouvoir agir sur le
monde est source de frustration et d’un sentiment d’impuissance. Ne pas pouvoir agir
sur le monde peut altérer la perception que
l’on en a. Ces observations nous les avons
faites bien souvent auprès de sujets handicapés moteurs. Pour l’enfant qui n’est “que”
dyspraxique, la situation paraît beaucoup
moins dramatique. Pourtant il est parfois
plus douloureux d’être proche du but et
d’échouer que d’en être si éloigné qu’on ne
peut envisager d’y parvenir Et nous voyons
l’enfant s’accrocher, s’obstiner : “il faut que j’y
arrive”. Combien de temps pour reboucher
un feutre ? toute son énergie peut y passer.
Alors le rôle du psychologue n’est-il pas de
l’accueillir... ailleurs ? D’abord de le reconnaître et le valoriser dans les aptitudes qui
sont les siennes. Mais aussi, mais surtout,
“ailleurs” cela veut dire que l’on n’est plus
dans le “faire”. Où alors ? dans le rêve ? dans
le dire ? Au fond le rôle de ce psychologue là
dans la rééducation de l’enfant dyspraxique
c’est d’être... hors de la rééducation.
Françoise de Barbot : 17 avenue de Madrid, 92200 Neuilly
Bibliographie
de Barbot F., Meljac C., Truscelli D. et al 1989,
Pour une meilleure intégration scolaire des enfants
IMC : l’importance des premiers apprentissages en
mathématiques, CTNERHI.
de Barbot F., Bernardeau C ; et Gaie B. 2000, Dix
ans après : évolution de neuf enfants infirmes moteurs
cérébraux sur les plans scolaire, cognitif et psychoaffectif Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,
48 204-213.
Mazeau M. 2003, Conduite du bilan neuropsychologique chez l’enfant, Masson.
LA SCOLARITÉ
La prise en compte des dyspraxies
de l’enfant par le ministère
de l’Éducation Nationale
Interview de Marie-Claude Courteix, Chef de la mission de l’adaptation et de l’intégration scolaire (MAIS)
D
ans cette interview, Marie-Claude Courteix, Chef de la mission de l’adaptation et de
l’intégration scolaire (MAIS), nous présente la politique du ministère de l’Education
nationale, de l’enseignement et de la recherche à l’égard des dyspraxies de l’enfant.
Pouvez-vous donner une définition des dyspraxies et de ses conséquences sur la scolarité des enfants qui en sont atteints ?
Il appartient aux spécialistes de donner
une “définition précise” de la dyspraxie.
Mais pour l’enseignant, ce qui va, en règle
générale, être perceptible dans le contexte
de la classe, c’est avant tout la maladresse
de l’enfant, le décalage entre les performances verbales et les performances
motrices, et notamment graphiques, qui
peuvent faire l’objet d’interprétations
erronées (manque d’effort, manque
d’application, manque d’intérêt pour le
travail scolaire) si l’enseignant ne comprend pas la nature des difficultés présentées par l’élève. Lorsque les parents, avant
même l’entrée à l’école de leur enfant, ont
fait des observations identiques, voire ont
déjà eu la possibilité d’en comprendre
l’origine, l’enseignant va plus rapidement
“Au sein de l’école,
il importe d’appréhender
les conséquences
d’un trouble
présenté
par un enfant
sur sa
scolarité.”
pouvoir faire appel, avec l’accord de la
famille, aux compétences du psychologue
scolaire, du médecin de l’éducation nationale, pour mettre en place au sein de la
classe, les adaptations nécessaires, faire
appel en tant que de besoin à
l’intervention des enseignants spécialisés
du réseau d’aides spécialisées aux élèves
en difficulté (RASED).
Pourront également être coordonnées les
aides au sein de l’école et les aides extérieures, évitant l’aggravation des conséquences de cette pathologie sur la scolarité. Lorsque ce n’est pas le cas, le risque
est bien sûr celui d’une incompréhension
grandissante, induisant découragement
ou opposition du jeune enfant.
Voici encore quelques années, on ne parlait pas ou peu des dyspraxies. Depuis
quand le ministère de l’Education nationale a-t-il pris conscience du problème ?
Réadaptation N°522
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Ce sont d’abord les dyspraxies lésionnelles qui ont été connues et qui ont fait
l’objet, depuis déjà longtemps, d’une
approche pédagogique dans la formation
des enseignants spécialisés de l’option
“C” du certificat d’aptitude aux actions
pédagogiques spécialisées de l’adaptation
et de l’intégration scolaire (CAAPSAIS),
prédécesseur de l’actuel certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la
scolarisation des élèves en situation de
handicap (CAPA-SH).
La prise en compte de ces troubles et leur
identification chez des enfants n’ayant pas
d’antécédents pathologiques (dyspraxies
dites développementales), est beaucoup
plus récente. L’intérêt, dans le cadre scolaire, s’est développé au fur et à mesure
que l’approfondissement des questions
liées aux troubles spécifiques du langage
oral et écrit a conduit à l’émergence d’une
approche plus vaste des troubles dits “de
l’apprentissage”, c’est-à-dire des atteintes
spécifiques de certaines fonctions grevant
parfois lourdement la scolarité, dont la
dimension neurologique semble aujourd’hui attestée, et qui placent en situation
d’échec scolaire des enfants qui ont pourtant des capacités intellectuelles tout à fait
satisfaisantes. Le poids qu’a eu en France
l’approche en termes psycho-affectifs de
ces difficultés a sans doute induit une
forme de méconnaissance du substrat
“Il va de soi que,
dans la majorité
des cas,
ces élèves
doivent pouvoir
effectuer
leur scolarité
dans une classe
‘ordinaire’.”
neurologique. Pour autant, la reconnaissance de ce substrat ne doit pas aujourd’hui nous conduire à ignorer la “souffrance” effective de ces enfants confrontés
dans leur cursus scolaire à des écueils qui
peuvent être vécus très douloureusement.
Connaît-on en France le nombre d’enfants
dyspraxiques ? Le dépistage de ce handicap est-il réalisé et à quel niveau de la
scolarité ?
Les données recueillies par le ministère de
l’éducation nationale ne comportent jamais
d’éléments diagnostiques, au sens médical
Il faut aider les enseignants à mettre en place des stratégies d’apprentissage appropriées.
de ce terme. Les enquêtes statistiques lui
permettent de déterminer le nombre
d’élèves bénéficiant d’aménagements de
leur scolarité, la nature et l’ampleur de ces
aménagements. Au sein de l’école, il importe d’appréhender les conséquences d’un
trouble présenté par un enfant sur sa scolarité, c’est pourquoi il est fait usage dans le
recueil de données d’une typologie qui
caractérise seulement à grands traits la
nature des atteintes.
En ce qui concerne le dépistage, il peut
s’effectuer à l’école dans le cadre des
bilans de santé obligatoires à 4 ans et à 6
ans. La coopération entre parents, enseignants et médecins dans le contexte de
l’école
peut
suggérer
l’intérêt
d’approfondir une recherche diagnostique lorsqu’il apparaît, en particulier au
cours de l’examen de santé de la sixième
année, que l’enfant rencontre dans certaines situations scolaires des difficultés
qui sont peu compréhensibles. L’appui
que peut apporter en outre dans ce
domaine le psychologue scolaire est loin
d’être négligeable.
Si des symptômes de dyspraxie sont décelés chez un enfant quels conseils peut-on
donner aux parents pour qu’il poursuive
au mieux sa scolarité ? Leur scolarité
peut-elle s’effectuer en milieu scolaire
ordinaire ? Doit-on l’orienter vers des
structures médico-sociales spécialisées ?
Si de premières observations réalisées en
milieu scolaire font qu’il y a suspicion de
dyspraxie, le premier conseil à donner
aux parents est d’abord la consultation
dans un centre spécialisé capable de réaliser un diagnostic et d’identifier avec précision s’il y a dyspraxie. Le diagnostic
permettra en outre de préciser, dans le
cas de cet enfant, les manifestations du
trouble les plus susceptibles d’entraîner
des perturbations dans les processus
d’apprentissage, de mettre en place un
projet individualisé pour éviter que
l’échec ne s’installe, en complétant si
besoin les aides apportées au sein de
l’école par des rééducations extérieures
qui peuvent être indispensables
Il va de soi que, dans la majorité des cas,
ces élèves doivent pouvoir effectuer leur
scolarité dans une classe “ordinaire”. Il
serait paradoxal que dans le moment
28
Réadaptation N°522
même où il est demandé à l’Ecole de scolariser des élèves, présentant parfois un
handicap lourd en termes d’apprentissages et/ou de communication, les
jeunes dyspraxiques en soient exclus. Il
reste que certains enfants peuvent présenter des formes particulièrement
sévères et invalidantes de dyspraxies et
qu’il peut alors être utile de leur proposer, ne serait que pour une durée déterminée, une orientation vers un milieu
spécialisé pouvant leur proposer une
prise en charge globale.
Pour aborder la question du parcours
scolaire d’un élève qui présente des
besoins particuliers liés à un “trouble de
la santé”, entendu au sens large et quel
que soit ce trouble, il y a une seule méthodologie possible, celle de l’élaboration
d’un projet de scolarisation articulant les
volets scolaires, thérapeutiques et rééducatifs, nécessaires à son développement,
et privilégiant dans chaque cas le maintien dans une classe ordinaire ou au plus
près de cette classe ordinaire. Cependant,
dire que cette voie est privilégiée ne signifie pas qu’elle soit exclusive de toute autre
prise en charge s’il s’avère que, pour cet
enfant là, à ce moment là, une autre proposition éducative doit être faite. Il faut
simplement veiller à ce que le “détour”
n’interdise pas le “retour” dès lors qu’il
est possible. Il faut aussi encourager la
mise en œuvre de “passerelles” entre les
établissements scolaires et les établissements médico-éducatifs pour concevoir
des projets vraiment personnalisés de
scolarisation.
Estimez vous que les enfants dyspraxiques
doivent bénéficier de méthodes éducatives et scolaires spécifiques ? En a-t-on
évalué les résultats ?
Le terme de “méthodes éducatives et scolaires spécifiques” me semble un peu
excessif. Il faut pouvoir apporter aux
enseignants des informations suffisantes
pour qu’ils comprennent pour quelles
raisons il est vain de chercher à obtenir
d’un enfant dyspraxique qu’il écrive
“bien” manuellement, de même qu’il est
inutile de faire réaliser des activités de
dénombrement à un enfant qui ne parvient pas à manipuler des collections
d’objets. Mais il faut surtout les aider à
mettre en place des stratégies d’apprentissage appropriées.
Le plus souvent, il s’agit pour ces enfants
– comme pour beaucoup d’autres – de
déterminer les voies les plus propices
pour contourner les obstacles, en prenant
appui sur leurs points forts, en compensant les effets du “handicap”, afin de
mener à bien les apprentissages scolaires,
en dépit des difficultés qui sont les leurs.
Il peut également être utile d’introduire,
dans de bonnes conditions, certains
outils (ordinateur, calculette, magnétophone, ...) sans pour autant imaginer que
la seule introduction de l’objet va
résoudre les problèmes. Encore faut-il
donner à l’élève les moyens d’en maîtriser
l’usage.
Le ministère de l’Education nationale dispose-t-il des structures nécessaires pour
les prendre en charge ?
Il appartient au Ministère de fixer des
orientations claires qui valent pour
l’accueil au sein de l’école d’élèves qui
présentent des besoins éducatifs particuliers, dont l’origine peut être extrêmement diverse. Il appartient ensuite aux
“Il n’existe pas
de catégories d’élèves,
il n’existe
que des élèves
présentant
des besoins
singuliers
auxquels il est
nécessaire de
répondre.”
responsables des services déconcentrés
(recteurs, inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de
l’éducation nationale) de déterminer une
offre de ressources en fonction des
besoins qu’ils recensent, des moyens dont
ils disposent, et des contraintes géographiques et démographiques du territoire.
Le temps n’est plus où l’on s’imaginait
que l’on allait pouvoir créer autant de
classes spécialisées que l’on déterminerait
de catégories d’enfants recevant tous une
“étiquette” spécifique. Il n’existe pas de
“catégories” d’élèves, il n’existe que des
élèves présentant des besoins singuliers
auxquels il est nécessaire de répondre,
dans le cadre d’un projet individualisé,
pour qu’ils puissent effectuer une scolarité la plus aisée possible. Dans un certain
nombre de cas, il est utile pour mener à
bien ce projet de pouvoir faire appel à des
réponses autres que celle de la classe
“ordinaire”.
C’est ainsi que des dispositifs collectifs
(classe d’intégration scolaire, unité pédagogique d’intégration) peuvent contribuer efficacement à la scolarisation
d’élèves ayant des besoins suffisamment
proches pour tirer parti de moments de
regroupements, pendant lesquels un
maître spécialisé peut répondre à leurs
difficultés spécifiques dans le cadre d’un
petit groupe, autorisant d’autres formes
d’interactions maître/élèves.
Dans d’autres cas, ce sont des partenariats avec des établissements, sanitaires
ou médico-éducatifs, qui permettront
l’élaboration de projets de scolarité adaptés aux besoins d’élèves ne pouvant
s’accommoder de façon permanente des
contraintes qui sont inhérentes au milieu
scolaire. C’est dans ce contexte que peuvent se développer les passerelles évoquées ci-dessus.
Ces mêmes orientations valent s’agissant
des réponses à apporter aux jeunes dyspraxiques.
En complément, le ministère s’est efforcé
au cours de ces dernière années, de
mettre à la disposition des enseignants
des outils (en ligne ou en brochures
papier) pour faciliter leur information et
leur formation.
Réadaptation N°522
29
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Comment, en tant qu’enseignant,
nous pouvons aider l’enfant
dyspraxique
Françoise Cailloux, enseignante
L
Françoise Cailloux
’enseignant doit d’abord connaître les différents troubles induits
par les dyspraxies ainsi que les éventuels troubles associés, pour
comprendre pourquoi l’enfant éprouve des difficultés dans certaines tâches, certaines conditions de réalisation et certains
apprentissages.
C’est la collaboration entre toutes les
autres personnes qui interviennent
autour de l’enfant : médecins, rééducateurs, parents, membres du RASED qui
permettra une analyse fine des difficultés de l’enfant, mais aussi de mettre en
évidence les compétences préservées et
les points forts sur lesquels on pourra
s’appuyer.
L’enseignant pourra alors concevoir les
adaptations pédagogiques indispensables selon plusieurs principes :
Faciliter, voire réduire les activités
nécessitant habileté manuelle lors de la
manipulation d’objets, d’outils, de livres :
car l’enfant a du mal à automatiser ses
gestes et il est gêné au niveau de la motricité fine.
Faciliter la prise d’informations
visuelles : si l’enfant a un trouble du
regard, il aura des difficultés pour explorer, fixer, chercher des informations dans
un support trop chargé et trop spatial. Il
sera gêné pour faire des aller-retours
avec ses yeux.
L’enseignant cherchera à rendre l’enfant
à la fois acteur et partenaire de ses
apprentissages. Il lui fera prendre
conscience de ses difficultés et
l’aidera à développer des stratégies
qui lui permettent de les surmonter :
30
Réadaptation N°522
Verbaliser ce qu’il perçoit, ce qu’il doit
faire.
Favoriser la représentation mentale.
S’appuyer sur la mémorisation: voie
auditivo-verbale
Tout passage à l’écrit met l’enfant
dyspraxique en difficulté, que ce soit
au moment de la phase d’apprentissage ou au moment de l’évaluation.
Restituer ses connaissances à l’écrit est
difficile voire parfois impossible pour
l’enfant dyspraxique :
Dessin de Julien
“il sait mais...” : il se trompe, ne répond
pas, ne réussit qu’à compléter un seul
exercice.
Son écriture n’est pas assez automatisée :
il se concentre sur le dessin
et
l’enchaînement des lettres et n’est plus
disponible pour le sens, l’orthographe, la
ponctuation et la présentation.
Il faut donc lui demander moins d’écrit :
en privilégiant les exercices à trous par
exemple. L’enfant peut écrire ou taper
sur l ‘ordinateur un mot isolé, rajouter
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
une terminaison, indiquer les chiffres
dans une opération.
Privilégier les réponses à l’oral est
une excellente adaptation (pour ceux
qui ne sont pas gênés au niveau de la
parole.)
“Ma fille Doriane n’a jamais le temps de
finir ses exercices en classe, temps trop court
pour elle et mise en page trop fournie. Il peut
y avoir jusqu’à 7 exercices sur la même page,
surtout en mathématique. De plus, le bruit
des autres enfants qui eux, ont terminé, la
gêne énormément !” Témoignage de
Marie, maman de Doriane.
“ Hier en revenant de l’école, mon fils Kévin
me dit : - Maman il m’est arrivé quelque
chose à l’école aujourd’hui et c’est fantastique ! Interloquée, je lui demande quoi et là
Kévin me dit : - Eh bien, la maîtresse nous a
donné un exercice et moi j’avais pas le même
que les autres pour éviter que je copie trop,
j’avais juste à remplir des trous ! Et je n’ai
pas fini le dernier !” Témoignage de
Danièle, maman de Kévin.
Dessin de Lucas
“La maîtresse a seulement adapté ses textes
en faisant un interligne plus grand. Elle a
proposé à Mathilde d’intervenir au tableau
pour la correction en conjugaison par
exemple, correction qu’elle réussit parfaitement alors qu’elle a en général beaucoup
d’erreurs sur sa feuille. Même démarche
pour la géométrie qu’elle ne peut réaliser sur
son cahier alors qu’elle anticipe et suit parfaitement au tableau. Elle dit de Mathilde
qu’elle raisonne en 3D.” Témoignage de
Sylvie, maman de Mathilde.
Copier ne les aide pas à mémoriser, et
beaucoup ne pourront plus tard apprendre chez eux leurs leçons car ils ont du
mal à se relire et des mots seront manquants, ce qui nuira à l’accès au sens.
“Plus les écrits sont longs, plus l’écriture est
illisible. La vitesse est un facteur de déformation et de fatigue accrues. C’est un souci
majeur pour réapprendre les cours, car
avant, il lui faut déchiffrer son écriture ! Je
suis parfois étonnée néanmoins qu’il puisse
retrouver les mots, je pense que sa bonne
mémoire est un atout !” Témoignage de
Yolaine, maman de Thibaut.
Ils ne peuvent à la fois écouter l’enseignant, comprendre, intervenir à l’oral et
écrire, organiser la présentation. La multiplication des activités multi-tâches est toujours épuisante pour l’enfant.
Il est donc judicieux de lui proposer des
photocopies de qualité ou d’utiliser des
carbones, de mettre en place un tutorat,
d’être soutenu par une AVS pour leur
permettre d’écouter le cours et d’en faciliter la mémorisation.
Certains peuvent écrire mais à quel
coût cognitif non perçu par l’adulte ?
Il ne faut surtout pas les pénaliser pour la
propreté, les fautes, l’oubli de majuscules,
la présentation.
Il faut chercher à soulager l’enfant en évitant tout exercice de copie, comme les
copies des leçons écrites au tableau, les
poésies, les devoirs...
“Comment nous appréhendons la présentation et l’écriture avec notre enfant ? Depuis
que nous ne nous préoccupons quasiment
plus de ces aspects, Lionel est beaucoup plus
“Le stress est également une composante
importante de la dyspraxie. Valentin se
retrouve régulièrement en difficulté pendant
les contrôles écrits.Tout se mélange dans sa
tête, il ne trouve plus ses phrases ou bien ne
sait plus écrire les mots. Donc il en choisit
d’autres plus ou moins au hasard. L’attitude
d’un de ses professeurs est admirable : elle le
repère quand il commence à se prendre la tête
dans les mains et à flanquer ses stylos par
terre et lui recadre alors la question, ce qui
lui permet de repartir.” Témoignage de
Françoise, maman de Valentin.
à l’aise et disponible pour le contenu des
apprentissages. La mise en place de l’ordinateur y est pour beaucoup, toutefois, nous
avons maintenu l’écriture manuelle pour les
cours scientifiques, et nous avons appris à ne
plus nous arrêter sur les traits tirés sans
règle, les phrases qui passent sous, puis sur la
ligne principale, l’oubli des noms sur les
interros (les profs en déduisent qu’il s’agit de
la copie de Lionel), sans parler des fautes
d’orthographe qui en feraient bondir plus
d’un mais qui n’empêchent pas la prof de
français de cette année de confirmer que
Lionel est un très bon élève parce que ses
écrits commencent enfin à refléter ses capacités d’expression.” Témoignage de Christine, maman de Lionel.
Il faut être clair sur l’objectif : quelle
est la notion, le concept à acquérir ?
La tâche ne doit pas être compliquée par
des compétences transversales de type
“praxique” qu’il ne maîtrise pas et qui
vont le mettre en échec.
Si l’exercice est de classer 3 oeufs du plus
petit au plus grand, ne pas lui demander
de les découper ! Il risque de couper les
oeufs ! Manipuler la paire de ciseaux tout
en suivant un trait lui demande beaucoup
d’efforts. Il peut être également mis en difficulté par la technique du collage ! Il
risque de perdre ses papiers... de renverser
la colle, de coller à l’envers et finalement de
se tromper alors qu’il aurait pu donner la
réponse oralement sans difficulté.
Réadaptation N°522
31
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Il faut être attentif à la présentation
de la fiche de travail mais aussi à la
consigne demandée.
Ne pas hésiter à simplifier : éviter de le
faire dessiner (fleurs, étoiles... ), de lui
demander de faire des schémas, (dessiner
les billes d’un problème), de lui faire
relier avec des traits...
Par exemple, si la consigne est de dessiner
5 étoiles, l’enfant va se concentrer sur le
dessin de l’étoile (qui est particulièrement
difficile car il comporte des obliques). Il
va perdre du temps, de l’énergie, va
peut-être se tromper, alors qu’il aurait
simplement pu faire des points, ou coller
des étiquettes avec les constellations du
dé ou éventuellement coller des gommettes.
Il est préférable d’adopter une présentation simple, aérée, structurée : en ligne ou
en colonne, pour l’aider à suivre une certaine stratégie au niveau du regard.
S’il doit rechercher un mot parmi
d’autres, lui fournir des étiquettes amovibles, rigides et suffisamment grandes
qu’il pourra manipuler et déplacer au
mieux de ses capacités. Il pourra comparer avec d’autres mots et trouver les mots
identiques.
Dessin de Étienne
On peut ajouter des repères pour guider
son regard : feu vert à gauche, surligner
les lignes en fluo en suivant toujours le
même code de couleur (algorithme que
l’on retrouvera partout).
Pas trop d’informations sur la page, en
aérant ou en proposant par exemple un
seul exercice sur chaque page.
Il peut éprouver des difficultés à rechercher des informations dans un texte, lui
faire lire les questions avant.
Ne pas surajouter à ses difficultés.
Il faut éviter de lui faire tracer des
tableaux, organigrammes... : “Mesurer et
tracer le tableau puis écrire à l’intérieur est
compliqué : c’est difficile de placer la règle le
long d’une ligne, la maintenir tout en faisant
glisser le crayon avec l’autre main...”
Témoignage d’Odette, enseignante.
“Comment écrire lisiblement un mot dans
un tout petit espace quand son écriture est
grosse, saccadée ! Cela déborde tout le temps
des cases ! Quand il a pu surmonter toutes
ces étapes en fournissant un effort colossal, il
ne sait plus ce qu’il faut faire, son épuisement
l’empêche bien souvent de répondre !”
Témoignage de Yolaine, maman de
Thibaut.
Utiliser, lire des quadrillages, des tableaux
à double entrée, labyrinthes, tables de
Pythagore, lui demande donc beaucoup
d’efforts. Il faut absolument l’aider en
matérialisant avec des couleurs les différentes colonnes, puis utiliser un cache au
niveau des lignes pour guider son regard.
Pour poser les opérations, proposer un
cadre avec des couleurs pour les unités,
dizaines, centaines...
Conseils pour le graphisme en
maternelle :
Copier un modèle, repasser sur des pointillés, promener son crayon dans une
piste graphique, un labyrinthe peut être
difficile, voire impossible pour un enfant
dyspraxique qui a un trouble du regard.
Selon les enfants, on peut faire relier des
points entre eux ou proposer de repasser
un trait pré-tracé par le maître à sa
demande (ce qui montre qu’il a compris)
avec un fluo.
Il faut essayer de le guider verbalement en
donnant des images, en verbalisant le
chemin de la lettre: tu fais un chapeau
pointu, un rond, un ventre, un trait
debout (tu montes), tu glisses en toboggan, ou encore par un guidage kinesthésique (qu’il sente le geste à réaliser et le
vive avec plaisir). On peut faire percevoir
la lettre en relief grâce à de la pâte à
modeler ou avec une lettre rugueuse
découpée dans du papier de verre. Il
peut concevoir certains tracés mais ne
pas pouvoir les organiser entre eux.
Eviter d’insister sur l’apprentissage du graphisme (si l’enfant bloque ou n’a pas envie,
c’est qu’il ne peut pas réaliser ce qu’il lui est
demandé). Par exemple : des lignes horizontales ou verticales qui s’interrompent et
qui continuent un peu plus loin, il lui est
impossible de les prolonger !
Proposer des activités plaisirs :
Pour la peinture : lui proposer des
feuilles grand format sur plan vertical,
jouer avec les couleurs permet d’obtenir
des résultats intéressants, (mais pas trop
longtemps car répéter le même mouvement lui est fatigant).
Préférer des outils qui glissent : gros
feutres pour le coloriage (sans insister
s’il dépasse) plutôt que les crayons de
couleur.
32
Réadaptation N°522
Proposer des pochoirs : “gabaritsguide” fixés avec de la patafix.
qu’il lui sera très difficile de compter des
objets alignés : “l’œil saute”.
Travailler les compléments à 5 : 8 + 5,
c’est 5 + 5 + 3 = 10 + 3 = 13.
Utiliser les programmes de coloriage
et de dessin sur ordinateur.
Il faut l’aider à acquérir la notion de
quantité en apprenant à calculer sur de
très petites collections d’objets et en
s’appuyant sur des exemples ou problèmes concrets, sur des référents culturels, des histoires, des comptines. Par
exemple: dans Boucle d’or il y a le papa
ours, la maman et l’ourson : un et un et
encore un ça fait 3 ours, 2 pattes devant
et 2 pattes derrière... ça fait 4 pattes par
animal et au final, il y a 4 + 4 + 4 = 12
pattes, etc.
Ou encore le passage par les doubles.
6 + 7 c’est 6 + 6 + 1 = 12 + 1 = 10 + 3
= 13.
Quand il dessine : noter ses commentaires sur le dessin et valoriser son projet
plutôt que la réalisation elle-même.Veiller
à ce que les autres ne se moquent pas de
ses “gribouillages”.
On peut lui donner des lettres magnétiques (assez grandes) pour qu’il puisse
écrire les mots. Il est important det
l’entraîner à reconnaître les différentes
graphies des lettres. Cela facilitera son
entrée dans l’écrit et favorisera son
apprentissage de la lecture. Il faut insister dès la maternelle sur l’éveil de la
conscience phonémique et phonologique.
Adaptations en mathématiques :
Il convient d’être prudent lors des activités
de comptage d’une collection. En effet,
l’enfant dyspraxique a du mal à coordonner plusieurs actions à la fois : parcourir
des yeux la collection, pointer les objets
tout en récitant la comptine numérique
(coordination externe/interne). Il risque
de se tromper ou d’en oublier certains ou
encore d’en compter d’autres plusieurs
fois. Il peut trouver ainsi un résultat différent à chaque nouveau comptage, ce qui
ne lui permet pas de développer la notion
d’invariance du nombre, d’autant plus
qu’il est convaincu de son résultat.
Comment l’aider à appréhender la
notion de quantité :
Il doit être aidé lors des activités de
dénombrement : quelqu’un pointe
pour lui les objets pendant qu’il
compte (on favorise l’apprentissage
de la comptine numérique).
Les manipulations d’objets qui lui sont
peu aisées, doivent se faire dans certaines
conditions:
choisir des objets déplaçables faciles à différencier : petits personnages, objets de
couleurs différentes. Il faut guider l’enfant
quand il dénombre : lui faire mettre les
objets comptés dans une maison, les ranger sous forme de constellations (sur les
points d’un gros dé ou sur une fiche). Il
perçoit ainsi immédiatement la quantité
représentée sans avoir à dénombrer alors
“L’album à calculer” de R. Brissiaud aux
Ed. RETZ est intéressant car on apprend
les différentes décompositions des
nombres jusqu’à 7. Par exemple : pour
l’histoire des 4 souris : sur la page de
gauche, il y a quatre souris dans un fromage qui a quatre trous (les trous sont
disposées comme sur le dé), sur la page
de droite, le sol est vide. Sur les pages suivantes, 2 souris sont parties par terre et il
en reste 2 dans le fromage (l’enfant
apprend que 2 et 2 souris ça fait 4 souris,
que 3 et 1 souris ça fait 4...) Il y a un système de rabat pour cacher soit la page de
gauche, soit celle de droite.
Attention, car beaucoup d’enfants ont
des difficultés pour isoler leur doigt (on
peut voir qu’ils peinent lors des jeux de
doigts), On peut les aider à positionner
les doigts sous forme de configuration.
Mais évitons le comptage ou surcomptage sur les doigts qui est source d’erreurs.
Il est également difficile de comparer des
collections par correspondance terme à
terme ou de compter sur des intervalles.
Il est préférable de favoriser l’accès au
calcul mental et au calcul réfléchi : il
faut arriver à ce que l’enfant se représente mentalement les collections sous forme
de constellation du dé, organisée par 5.
“Développer des stratégies de calcul en
s’appuyant sur les repères 5, 10 et les
doubles, cela aide l’enfant à trouver des
résultats sous une forme qui favorise leur
mémorisation” (R. Brissiaud : le livre du
maître “Apprendre à calculer avec Tchou”
Ed. RETZ).
Travailler les décompositions de 10 : 9 +
7, c’est 9 + 1 + 6 = 10 + 6 = 16.
Travailler avec un enfant dyspraxique est particulièrement enrichissant pour comprendre comment
apprennent les autres élèves. Les
adaptations au niveau de la présentation et les méthodes pédagogiques utilisées pourront bénéficier
à d’autres enfants en difficultés voire
à tous les enfants.
Comprendre certains comportements de l’enfant dyspraxique :
Il faut savoir être patient et compréhensif,
car la dyspraxie est un handicap caché.
Il est lent, ne pas hésiter à répéter plusieurs fois les consignes.
Il parle tout haut, trop fort, car il a besoin
de verbaliser ses actions pour être plus efficace. Il peut faire des mouvements parasites avec la bouche, il tire la langue dès
qu’il fait des efforts. “La maîtresse de
Mathilde avait permis qu’elle fasse ses évaluations de lecture dans le couloir. Cela l’aidait
beaucoup car elle avait encore à ce moment là,
en CE2, le besoin de verbaliser pour faire ses
exercices et celui de lire à haute voix pour
mieux comprendre. Maintenant, elle fait la
même chose mais à voix basse et cela perturbe
nettement moins la classe.” Témoignage de
Sylvie, maman de Mathilde.
Il a des difficultés pour regarder le maître
dans les yeux, ce n’est pas ni de
l’impolitesse, ni de l’inattention. Donner
des consignes courtes et simples et
l’inviter à les reformuler pour s’assurer
qu’il ait bien compris.
Il a du mal à se concentrer : le placer près
du bureau vous et au premier rang pour
éviter des afférences distractibles.
Ne pas hésiter à l’interroger, à lui proposer des corrections verbales.
Veiller à ce qu’il soit bien installé : pieds
au sol, il doit pouvoir poser ses avant-bras
sur le bureau. Maintenir sa posture peut
lui demander un effort supplémentaire.
Il est très fatigable, vous pouvez le laisser
se reposer dans le coin bibliothèque et
alterner activités de structuration et de
libération.
Réadaptation N°522
33
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Il est déroutant car il peut réussir quelque
chose mais ne pas pouvoir le reproduire à
un autre moment.
Il peut être distrait par le bruit et l’agitation.
Il peut réagir de façon brusque mais sans
violence dans les rangs, supportant parfois
mal le contact d’autres enfants.
Il s’intègre mal pendant les récréations ou
ne participe pas aux fêtes (Carnaval,
Noël...). Il réagit par peur de ne pouvoir
se situer correctement dans l’espace ou
de manipuler aisément un objet. Lui proposer des rôles à textes.
Ils ont souvent des difficultés en EPS :
rattraper le ballon, s’intégrer dans un jeu
collectif et dans la cour : tous les jeux de
marelle, élastique ou foot (jeux essentiellement spatiaux).
Il peut réagir de façon exagérée, se mettre
en colère, voire s’opposer, il est peut-être
fatigué ou on lui demande quelque chose
qui le met en échec.
Expliquer aux autres les limitations fonctionnelles de l’enfant dyspraxique et les
difficultés qu’elles engendrent dans des
situations qui paraissent banales aux
autres. Insister sur la tolérance.
Au niveau de l’autonomie :
Pendant la collation, l’enfant peut manger
lentement, se salir, renverser son verre ou
sa compote !
Il peut avoir des difficultés pour se laver
les mains, prendre du savon, se frotter les
mains, s’essuyer avec la serviette, se moucher ou se rhabiller après le passage aux
toilettes.
Il peut avoir des soucis au niveau de la
propreté. La peur de demander de l’aide
à l’hygiène (estime de soi) peut provoquer des accidents.
Il peut avoir du mal à s’habiller, se déshabiller, accrocher son manteau, enlever et
remettre ses chaussures, retrouver ses
affaires, oublier fréquemment ses affaires,
avoir du mal à ranger et à trouver son
casier.
“Je découpe pour lui lorsque c’est nécessaire,
sa trousse est sur mon bureau, je lui donne
ses outils selon les besoins. J’instaure un parrainage de ses camarades pour gérer la sortie
et rangement des cahiers.” Témoignage de
Bernadette, institutrice.
34
Réadaptation N°522
On peut prévoir des pots à crayons qui
restent en classe.
Il sera peut-être gêné pour descendre les
escaliers, porter son cartable.
Expliquer les difficultés aux autres
enfants de la classe.
C’est important pour que l’enfant dyspraxique ne soit pas sujet aux moqueries,
à la jalousie (il a un ordinateur, il a moins
d’exercices à faire, il n’a pas besoin de
copier au tableau...).
“En CP, les élèves ne comprenaient pas pourquoi Benjamin n’arrivait pas à écrire alors
qu’il avait un an de plus qu’eux. Ils dénigraient les dessins que Benjamin offrait. La
directrice du SESSAD s’est alors déplacée à
l’école pour expliquer ses difficultés et initier
un dialogue dans la classe. Benjamin a pris
la parole pour expliquer que ses yeux et sa
main ne travaillaient pas ensemble et qu’il
allait avoir un ordinateur.” Témoignage de
Françoise, maman de Benjamin.
“Comme les autres n’étaient pas contents, la
maîtresse leur a expliqué ce qu’était la dyspraxie. J’ai senti qu’il reprenait confiance et
ce matin il n’a pas pleuré pour aller à l’école,
contrairement aux autres jours où depuis
quelques temps, c’était la galère tous les
matins (maman j’aime pas l’école). Il faut
dire que récemment, après avoir informé
l’école, la maîtresse a adapté le travail de
Kévin. Je précise que nous avons la chance
qu’il soit dans une école, ouverte et compréDessin de Guillaume
hensive aux problèmes d’apprentissages. J’ai
remis à la maîtresse une documentation sur
la dyspraxie, ce qu’elle a beaucoup apprécié.
Ils n’ont jamais eu un tel cas dans l’école
mais elle m’a dit qu’on saura comment agir
si on a un nouvel élève dans le même cas que
Kévin.” Témoignage de Danièle, maman
de Kévin.
“C’est à la maîtresse d’expliquer les difficultés car si les enfants sont aussi injustes,
c’est parce qu’ils sont dans l’ignorance. Les
enfants comprennent très bien quand on
leur explique et quand ils sont informés. À
chaque classe, les maîtresses ont toujours
expliqué en début d’année les difficultés de
mon fils et il n’a jamais subi de moqueries
au niveau du sport ou en activité de dessins. Enfin, pour le moment, et j’espère qu’il
n’aura jamais ce genre de choses à subir, il
a subi assez comme çà. Je vais vous donner
un exemple. Mon fils était en CE1 l’année
dernière et les enfants savaient qu’il avait
des difficultés au niveau du dessin, etc. Et
bien, il y en avait toujours un de la classe
qui l’aidait. Maintenant il a changé d’école
et j’ai revu un ancien camarade, et bien fier
de me dire que cette année il y avait un
autre enfant dans sa classe avec les mêmes
difficultés que mon fils et que la classe
l’aidait. Et il m’a dit – Maintenant on a
l’habitude, on sait comment faire pour
l’aider ! J’étais émue. Les enfants
s’entraident.” Témoignage de Stéphanie,
maman de Nicolas.
Témoignage d’un instituteur
spécialisé dans une CLIS
accueillant des enfants
dyspraxiques
Eric Hurtrez, Instituteur Spécialisé, CLIS 4 Longuenesse Pasteur (62)
J
Éric Hurtrez
’exerce depuis septembre 2001 dans une CLIS pour enfants porteurs de
troubles spécifiques du langage. Créée en septembre 2000 à la demande
d’une Inspectrice AIS, d’un Inspecteur de l’Education Nationale, d’un
neuropédiatre, d’un neuropsychologue et d’un directeur de SESAD, elle
regroupe des élèves dépistés comme dysphasiques, dyspraxiques ou dyslexiques. Elle comprend douze élèves âgés de 6 à 11 ans. La diversité des
pathologies et l’hétérogénéité des classes d’âge obligent à un enseignement
très individualisé basé sur les besoins cognitifs, affectifs et sociaux de chacun.
Un SESAD Spécifique a été créé en septembre 2001 et se situe dans les locaux
même de l’école. Des salles adaptées sont
occupées par une orthophoniste, une ergothérapeute, une psychomotricienne, une
neuropsychologue et une neuropédiatre.
Pour les enfants dyspraxiques, l’ergothérapeute travaille à l’utilisation de l’outil
informatique sur les deux axes rééducatifs
et réadaptatifs, les deux étant fortement
intriqués : apprentissage du clavier caché,
fonctions de base du PC, automatisation et
vitesse de frappe, etc. La psychomotricienne intervient au niveau du schéma corporel et de l’image du corps, de l’espacetemps, du contrôle postural et du tonus.
L’objectif est que l’enfant puisse prendre
du plaisir à être en mouvement.
Les élèves partagent leur temps entre les
moments d’apprentissage dans ma classe,
les intégrations dans les classes ordinaires de
l’école et les rééducations thérapeutiques.
Chaque élève de la CLIS participe au
projet des classes dans laquelle il est intégré et la participation et l’implication
dans un groupe d’appartenance conforte
l’idée d’une intégration réussie et par voie
de conséquence en est un facteur important d’insertion sociale.
Les démarches pédagogiques décrites cidessous sont le fruit d’une expérience avec
des élèves dyspraxiques visuo-spatiaux
aux besoins spécifiques particuliers. Elles
sont des trames générales réajustables en
fonction des projets individualisés de
chaque élève. Chacun s’attachera bien sûr
à compléter par des expériences issues
d’autres personnes et d’autres lieux.
L’apprentissage de la lecture
chez mes élèves dyspraxiques
visuo-spatiaux avec
intégration au CP
La démarche pédagogique mise en place est
inspirée des propos tenus par Mme Mazeau
concernant les difficultés d’acquisition liées
aux troubles du regard et de la construction
de l’espace à deux dimensions :
“Les apprentissages en écrit précèdent ceux
faits en lecture. La lecture se met en place
après que l’élève ait construit ses représentations de l’oral sous forme de suites de lettres
organisées séquentiellement et ordonnées de
gauche à droite (= épellation), et qu’il soit
capable de les évoquer. On cherche donc à privilégier la construction de l’écrit par les voies
auditivo-verbales.” (Déficits visuo-spatiaux
et dyspraxies de l’enfant. M. Mazeau, Ed
Masson, p. 84). Les difficultés d’accès à un
lexique orthographique imposent le choix
d’une méthode analytique bien indépendamment du débat sur les avantages et
inconvénients de telle ou telle méthode.
Les élèves travaillent sur clavier caché
(photo 1) dont la configuration et le choix
de la police, de sa taille et de son style ont
été évalués au mieux par l’ergothérapeute
en fonction de chaque élève. La police
Times New Roman normal est en général
utilisée dans la mesure où elle représente,
semble-t-il, 80% des caractères utilisés
dans la majorité des livres scolaires. Le
passage sous d’autres polices et au lié
Réadaptation N°522
35
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Photo 1
Photo 2
s’effectue après apprentissage de la lecture et s’effectue relativement bien avec
l’aide de l’accès au sens.
PHONOLOGIE AU CP :
Dans les moments d’intégration au CP,
mes élèves participent verbalement à la
mise en place du nouveau texte de lecture. Quand la classe découvre un nouveau
son et les syllabes associées, la maîtresse
fait régulièrement segmenter oralement
les mots en syllabes puis épeler les lettres
qui les composent par tous les élèves
sans aucun support écrit sur le tableau, le
livre ou le cahier. Elle privilégie la phonétique des consonnes plutôt que leur nom
alphabétique. Des exercices d’épellation
de mots sont enfin systématisés.
Ex: Gafi le fantôme (Ed. Nathan) (livre
utilisé au CP) page 39 : Découverte de la
voyelle orale [u] [o][y] puis route rou te [r][o][y] [t][∂]
Apprentissage de la syllabe :
Le Pictop (photo 2) permet d’écrire avant
de lire. Il permet à l’élève de s’approprier
une graphie constante, stable et lisible de
chaque lettre de l’alphabet et d’en “automatiser” la correspondance phonétique
par un retour verbal. Il permet également
d’acquérir les règles de correspondance
entre l’oral et l’écrit. Le travail sur les syllabes selon le principe énoncé plus haut
s’effectue aisément. Il arrive néanmoins
que l’élève confonde de temps à autre des
lettres spatialement proches, mais l’accès
au sens lui permet de se corriger. (Ex : Le
singe mange une danane... euh... une
banane). Par expérience, un élève a tendance à “se lasser” du Pictop dès lors
qu’il aura acquis toutes les lettres.
Certaines difficultés réapparaissent à
l’apprentissage des digraphes ou des
diconsonnantiques. Il convient alors de
travailler sous forme de contrat avec lui :
en cas d’échec, le Pictop s’imposera de
nouveau mais ponctuellement.
Les tableaux flash (photo 3a et 3b) renforcent le travail précédent. Ils permettent la
Photo 3a. Les élèves remplissent les cases [u] en
dictée sur clavier en fonction des lettres acquises
dans la progression. Ils écrivent à nouveau pour
mieux lire encore. Privilégier la phonétique des
consonnes plutôt que leur nom alphabétique.
Tableau général de la démarche pédagogique mise en place
Photo 3b. Lecture des syllabes. Par un jeu de
touches de raccourci, le maître fait apparaître et
disparaître une case à la fois : une seule prise
d’indice. Ici, les élèves lisent après avoir écrit.
36
Réadaptation N°522
lecture de syllabes ou de mots-outils de
manière isolée et photographique (sans la
surcharge visuelle d’un tableau de syllabes
classique). De plus, le maître peut contrôler le temps d’apparition de l’information.
Cette activité, toujours menée en séquence
très courte parce que volumineuse sur le
plan du coût cognitif mais répétée dans la
journée, peut se conduire en groupe de 2
ou 3 élèves sous forme de compétition en
terme de vitesse de lecture, ce qui amplifie
la motivation. Les élèves peuvent remplir
les cases en activité de dictée. Enfin, un
côté ludique induit par le matériel informatique favorise cet apprentissage.
L’opposition syllabique en couleurs permet de soulager la mémoire de travail de
l’élève. Elle est une aide temporaire au
découpage syllabique des mots et évite
l’emploi de traits de césure syllabique qui
seraient des afférences visuelles supplémentaires et nocives visuellement. On peut
utiliser le rouge et le bleu, le gris étant utilisé par les lettres qui ne se prononcent pas.
(L’imprégnation syllabique. D. GarnierLazek, cédérom, Ed. OrthoEdition ).
Concrètement : l’enfant lit une liste (ici
incomplète) de mots :
tou : une toupie - tout
mou : une moule
rou : une roue - la route - il roule
Puis une liste de phrases (les majuscules
ne sont pas proposées, l’objectif étant de
ne rien construire sur du sable, elles
seront proposées une fois l’appréhension
visuelle des minuscules bien acquise) :
mélanie s’est coupée et sa maman lave la
coupure avec de l’ouate.
le chat pacha attrape la souris.
Par expérience, c’est l’élève, en confiance
et en progrès dans ses apprentissages, qui
demandera de lui-même à supprimer une
couleur, puis les autres pour “lire comme
tout le monde”.
Louise a amené des bonbons à l’école
(l’opposition syllabique est préservée).
Au final, il arrive que des confusions dans
la segmentation (Ex : la route = la ro-ute) persistent, le coloriage temporaire des
digraphes et trigraphes est proposé. Il
joue alors un rôle de soutien attentionnel
efficace : Les élèves jouent au ballon dans
la cour et doivent faire attention de ne pas
casser les carreaux.
Remarque : En évaluation, il est courant
de proposer la lecture orale de lettres, puis
de syllabes, puis de mots, puis de phrases
et enfin de textes. Les dépenses cognitives
pour des enfants dyspraxiques restent toujours massives et une certaine fatigue
s’installe rapidement : si la lecture de
lettres, de syllabes et des mots se passe
bien, des erreurs sont notables à la lecture
des phrases et les textes sont chutés. Il faut
donc proposer d’abord les textes. S’ils
savent lire les textes, cela signifie qu’ils
sauront lire le reste... qu’il est donc inutile
de proposer et ainsi l’énergie est préservée.
ACTE DE LECTURE = ACCÈS AU
SENS
Les textes de lecture travaillés au CP sont
repris dans la classe avec adaptations (photo
Photo 4. Texte de la page 38 du livre Gafi le fantôme n°1. Des soulignages en couleur aident à fixer
le regard sur les lignes. Les barres verticales aident
le regard trouver le début de ligne (vert) ou le
retour à la ligne (rouge). Les syllabes acquises selon
la progression de la maîtresse du CP sont colorées
en opposition syllabique en couleurs. Elles aident à
retrouver le déchiffrage des mots dans la mesure où
l’enfant était présent à la préparation du texte.
Photo 5. Exercice de lecture adapté pour le PC.
Volontairement, le maître n’a pas présenté la fiche
d’exercice en opposition syllabique en couleur.
L’objectif est de vérifier les acquisitions et de permettre à l’élève d’accéder à une lecture plus
conventionnelle (noir sur blanc). En cas de grosses
difficultés, il est toujours possible de rajouter la
couleur. Sur l’écran, il est possible d’aérer encore
plus la présentation en ne présentant qu’une seule
ligne à la fois.
4) : opposition syllabique en couleur, soulignages au feutre fluo ou en imprimé selon
un algorythme vert - jaune - bleu - rouge
utilisé dans toutes les présentations (lecture,
mathématiques, textes des activités de
découverte du monde), aides orales pour
les mots irréguliers ou mots dont
l’acquisition doit être globale dans la progression du livre. À chaque texte correspond une fiche d’exercices sur PC (photo 5)
s’il y a du texte à écrire, ou à la main pour
des exercices du type “Réponds parVrai ou
Faux”, le v et le f suffisent à répondre, ou
un code couleur si la dysgraphie est massive. L’élève construit donc du sens et appréhende les structures syntaxiques et les composantes lexicales tout à fait normalement.
Au total, la lecture orale est syllabique
compte tenu des troubles du regard, mais
rapide, et l’accès au sens est abouti.
L’expérience de l’entraînement à la lecture mènera à la fluidité.
ORTHOGRAPHE D’USAGE ET
GRAMMATICALE
Les activités d’orthographe sont appréhendées corrélativement avec l’apprentissage
des sons. Avec le Pictop dans un premier
temps pour s’assurer d’un retour verbal, ou
sur un traitement de texte classique ensuite.
La technique employée dans la classe est
d’épeler le mot mentalement, puis de
l’écrire sur clavier caché et écran caché.
Cette technique évite des aller-retours écran
- clavier nocifs visuellement et favorise la
vitesse de frappe. Elle permet surtout de
pallier d’éventuels troubles de l’attention et
de la concentration en restant dans une
démarche de mono-tâche. En autonomie,
on peut proposer l’enregistrement de la dictée sur le magnétophone du PC en verbalisant les espaces : [le chat pacha attrape la
souris] = [le espace chat espace pacha espace attrape espace la espace souris]. Le logiciel Abalexic (P. Cheve, téléchargeable sur le
net) permet également une bonne autonomie à l’apprentissage de l’orthographe. Le
correcteur d’orthographe des traitements
de texte reste inefficace si la dysorthographie est importante et si les espaces ne sont
pas respectés. La conjugaison et la grammaire améliorent l’expression écrite et le
respect des espaces.
“Mélanie abite à la campagne dens une
grende maison blanche. Devant la porte
dantré, il i à de trè bèle fleres” (Elève DVS
du CE2). Si les règles grammaticales et la
phonologie sont dans l’ensemble respectées, le non-accès au lexique orthographique reste un obstacle à l’orthographe
qui demande encore à être approfondie.
Les mathématiques :
Les difficultés rencontrées en mathématiques par les enfants présentant une dyspraxie visuo-spatiale sont directement
liées aux difficultés d’exploration spatiale
qu’ils rencontrent. Mais ils sont compétents en terme de conceptualisation des
notions mathématiques et en raisonnement logique.
LE NOMBRE
Pour lutter contre une potentielle dyscalculie
spatiale, nous permettons à l’enfant DVS de
se construire une représentation du nombre
qui ne soit pas visuelle ou en tous les cas le
moins possible. Pour éviter les activités de
dénombrement et de comptage d’une collection, nous lui proposons une présentation
des collections aux dispositions non aléatoires comme celles des constellations de dés
jusqu’à 5 et en favorisant le subitising. Cela
permet d’accéder au processus de mentalisation du nombre en utilisant les images
mentales des constellations des quantités
utilisées. Il faut éviter les exercices où il s’agit
de relier des collections à des nombres, exercices toujours trop spatiaux.
Nous insistons particulièrement sur les
suites numériques orales des nombres par
la mémorisation de comptines (de 2 en 2,
la dizaine, décompter, les doubles, etc.).
On s’appuie sur une file numérique pour
travailler les notions d’ajout et de retrait
de petites collections (on “avance” et on
“recule” sur la file numérique). Cette
procédure aidera au calcul réfléchi d’une
soustraction ou d’une addition.
L’écriture des nombres est rendue difficile
de par leur construction spatiale. On peut
utiliser un code couleur pour faciliter la
lecture. Ce code permet à l’enfant de
connaître dès le début de la lecture du
nombre (à gauche) si le premier chiffre
est une centaine, une dizaine, etc. et lui
évite des aller-retours épuisants avec le
regard entre le début à gauche, le compta-
Réadaptation N°522
37
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
ge du nombre de chiffres, le retour à
gauche, etc. Des points (les espaces ne
sont pas signifiants pour un enfant dyspraxique visuo-spatial) séparent les
classes des unités, des mille, des millions,
etc. 47.302 On peut supprimer les couleurs à la demande l’enfant. Mais cette
procédure aura des limites évidentes pour
les grands nombres. Il convient de proposer alors un clavier numérique ou une calculatrice dès que le besoin s’en fait sentir.
Nous utilisons également la comptine
numérique “à l’asiatique” en parallèle avec
la comptine traditionnelle. Elle permet un
accès à la numération décimale efficace et
facilement mémorisable. Elle évite les
confusions de lecture et d’écriture des
nombres tels que 60 et 70 (6010), 85 et 95
(8015). Elle évite les oublis des zéros
quelque soient leurs positions. Quand la
taille des collections est grande, ces changements d’unités sont explicites. Le vocabulaire utilisé est très réduit. Elle permet un
meilleur accès au calcul réfléchi. 452 : 4
cent 5 dix 2. 1.063 : 1 mille 6 dix 3
(J’apprends les maths avec Tchou de R.
Brissiaud Livre du maître CP Ed. Retz).
LE CALCUL
Le calcul mental et le calcul réfléchi peuvent aider à compenser une dyscalculie
spatiale. Nous travaillons en priorité sur
les compléments à 5 et les décompositions
de 10 en utilisant des boîtes à constellations (photo 6) fabriquées en classe et qui
favorisent le subitising et la représentation
mentale des nombres. L’élève utilise alors
la stratégie qui lui convient le mieux pour
effectuer des opérations (additions et
soustractions). L’apprentissage “par
cœur” des tables complètes d’addition et
Photo 6a. À partir d’un problème simple : “Rémi a
quatre billes en début de récréation. Il en gagne 3.
Combien en a-t-il en rentrant en classe ? (verbaliser). Les boîtes permettent d’utiliser des constellations stables et favorisent le subitising.
38
Réadaptation N°522
Photo 6b. Complément à 5 pour effectuer
l’opération. Le demi couvercle fermé signifie une
constellation de 5 et favorise la mentalisation de ce
nombre.
Photo 6c. La boîte fermée signifie une dizaine.
Elle est symbolisée par le rectangle rouge et aidera
à la lecture des nombres où les dizaines sont écrites
en rouge. Cette boîte est très complémentaire des
boîtes de Picbille ou Tchou de Rémi Brissiaud.
soustraction est alors inutile (photo 7).
Cependant, une bonne mémoire de travail
est indispensable.
8 + 5 = 5 + 5 + 3 = 10 + 3 = 13 (complément à 5) ou 8 + 5 = 10 + 3 = 13
(décomposition de 10).
Photo 7.
Les stratégies sont identiques pour des
opérations avec ou sans retenues plus
importantes (25 + 36 = 20 + 5 + 30 + 6
= 50 + 10 + 1 = 60 + 1 = 61). La verbalisation est une compensation précieuse
car elle permet de mettre en place des
stratégies de compensation et de mémoriser des algorithmes indispensables d’une
part pour la compréhension des acquisitions et d’autre part pour permettre à
l’élève de s’auto évaluer.
La pose et la résolution des quatre opérations imposent des mécanismes essentiellement spatiaux avec des exigences plus
importantes en ce qui concerne la multiplication et la division où des décalages,
alignements, etc., interviennent fréquemment. Le sens de l’opération et la résolution de problèmes sont plus importants et
l’usage de la calculette dans le calcul des
opérations est pertinent pour ces élèves.
LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES
L’essentiel est de vérifier la compréhension du problème en gardant à l’esprit les
probables déboires spatiaux provoqués
par les présentations elles-mêmes :
tableaux, images, diagrammes, etc... Il
convient de favoriser le recours à une formalisation du problème, essentiellement
par la verbalisation. Si les élèves résolvent
leurs problèmes sur fiche papier, c’est le
raisonnement qui est évalué, pas la qualité graphique.
LA GÉOMÉTRIE
Les difficultés pour un enfant DVS sont de
trois ordres : la lecture de figures planes, la
réalisation de figures géométriques et
l’utilisation d’outils géométriques.
La voie auditivo-verbale peut permettre
d’acquérir certaines notions formelles
concernant des propriétés de certaines
figures: un carré a 4 angles droits et ses 4
côtés égaux... Elle permet de résoudre des
problèmes comme le calcul de périmètres,
d’aires, etc... Les logiciels Cabri géomètre
(CABRILOG) et Géotracé (CNEFEI)
aident à suppléer les déficiences. Un logiciel qui permettrait le tracé de figures géométriques sur commande vocale ou sur
commande texte complèterait l’efficacité
des apprentissages en géométrie : “Je trace
un segment de droite [AB] de longueur 8
cm. Je trace une perpendiculaire [BC] de
longueur 4cm. Etc.”
Témoignage d’un enseignant
de la CLIS Dyspraxique (91)
Après plusieurs années passées en Institut d’Education Motrice auprès d’adolescents handicapés moteurs, je
m’occupe depuis le début de l’année scolaire 2004-2005 d’une Clis pour élèves dyspraxiques à l’école élémentaire Paul Langevin de Corbeil-Essonnes (91).
Ce dispositif expérimental pour l’année en cours a pour
objectif d’accueillir des enfants dont la dyspraxie est le
trouble majeur, les éventuels troubles associés ne devant pas
être dominants. Les élèves doivent être capables de suivre le
rythme d’une classe d’accueil de leur niveau scolaire, mon
rôle étant de leur permettre de suivre le projet de cette classe d’accueil en les y intégrant le plus souvent possible. Je
leur propose donc un projet individualisé évoluant au fil de
l’année en fonction de leurs capacités et de leurs besoins.
Pour atteindre cet objectif, il était nécessaire d’anticiper
les difficultés des élèves afin de leur proposer des adaptations pédagogiques, didactiques et matérielles adaptées
qui leur permettent de sortir le moins souvent de la classe.
Cela ne peut se faire qu’avec un travail d’équipe très régulier. Lorsque la difficulté est majeure, ils bénéficient de
temps individualisés pour travailler cette compétence dans
la salle de la Clis, dans un cadre spécifique, au calme. Leur
emploi du temps est donc personnalisé pour leur permettre
de vivre une scolarité la plus “normale” possible.
Après quelques mois de fonctionnement, je peux me rendre
compte combien il est important pour eux que leur trouble
soit reconnu pour progresser ; ces élèves sont volontaires, ils
ont une envie évidente de montrer ce dont ils sont capables
mais, pour cela, ils ont besoin d’être aidés car ils ne peuvent
résoudre seuls certaines de leurs difficultés et ils ne peuvent
porter tout seuls le poids de ce trouble handicapant.
Il est donc nécessaire de les soutenir, de les accompagner
tout au long de leur scolarité pour qu’ils donnent le
meilleur d’eux-mêmes ; il est étonnant de constater, au
quotidien, leur volonté d’être au niveau pour rester dans
leur classe d’accueil, de faire plaisir à l’enseignant de celleci en leur montrant qu’ils peuvent faire comme les autres si
on leur en donne la possibilité, souvent au détriment de
leur fatigabilité. En effet, si l’enseignant est à leur écoute,
ils peuvent alors se sentir en confiance, redoubler d’efforts
(même si cela n’est pas toujours perceptible pour
l’observateur) et se montrer performants en utilisant toutes
leurs compétences. Cependant, ils apprécient ces moments
privilégiés où ils sortent de la classe pour venir travailler
en individuel, ce qui constitue pour eux une forme de
reconnaissance de leur spécificité.
En effet, la dyspraxie se présente sous différents aspects ;
si certains profils sont repérables en fonction du comportement ou de la nature de la dyspraxie, chaque enfant est
unique, avec sa déficience qui, selon les troubles à auxquels
elle est associée, donne à chacun toute sa spécificité.
Souvent, ils sont intelligents, performants à l’oral, dotés
d’une bonne mémoire et d’une bonne culture générale.
Parallèlement, certains d’entre eux indisciplinés, difficiles
à canaliser mais très attachants par leur sincérité avec toujours cette volonté de bien faire, même si les résultats sont
parfois éloignés de ce que l’on attend d’eux. D’autres sont
à l’inverse renfermés.
Cette diversité de comportement ne les empêche pas, tous,
de fournir toujours les efforts nécessaires, tant que ce
qu’on leur demande est à leur portée. Cerner leurs capacités, leur état de forme, est donc primordial dans
l’élaboration de leur emploi du temps et des préparations,
car cela influe énormément sur les résultats, leur attitude
et donc l’opinion que l’on peut avoir d’eux.
Il est primordial que ces enfants aient confiance en eux et
ne soient pas durement jugés sur les paramètres qu’ils
ne peuvent pas maîtriser (la graphie par exemple) pour
donner le meilleur d’eux-mêmes. Les cadrer pour qu’ils restent concentrés est donc parfois difficile mais cela est
nécessaire pour qu’ils soient réceptifs ; Les enfants
l’acceptent tant que les remarques sont faites en tenant
compte de leur trouble, avec respect de celui-ci pour ne
pas être injuste. Privilégier le dialogue avec ces élèves
s’avère en réalité efficace, ainsi qu’avec leurs parents qui
sont eux aussi compréhensifs à notre égard et au leur.
Ces enfants sont à la recherche d’une stabilité ; ce dispositif
est là pour la leur donner. A partir de là, en s’appuyant sur un
travail d’équipe pluridisciplinaire, ils peuvent se montrer travailleurs, persévérants, au point qu’il est parfois nécessaire de
leur dire de se préserver car ils veulent faire comme les autres,
alors que c’est très fatigant pour eux pour certaines tâches.
Enfin, j’ai été frappé par les commentaires des parents qui
nous ont témoigné du changement de comportement de leur
enfant depuis leur arrivée dans ce dispositif ; ils ont retrouvé, pour certains, l’envie d’apprendre qu’ils avaient perdue ;
Cela ne signifie pas que nous soyons plus réceptifs que nos
collègues à leurs difficultés : en effet, prendre en compte la
spécificité du trouble dyspraxique au sein d’un effectif
important est extrêmement difficile. Simplement, cela est
rendu possible par les moyens qui nous sont attribués pour
accorder du temps à ces élèves dans l’automatisation de certaines compétences, pour faire les verbaliser au sein de
petits groupes, pour adapter les écrits, pour leur offrir des
moments de “repos” en adaptant les emplois du temps,...
Cyril Petit
Réadaptation N°522
39
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Dyspraxie visuo-spatiale
et écriture au clavier
Pourquoi ? Comment ?
Claire Le Lostec, ergothérapeute
A
ctuellement l’ordinateur est assez souvent conseillé comme outil palliatif.
Cependant, sa mise en place ne peut se faire sur un mode habituel, compte tenu
des fréquentes difficultés neuro-visuelles. Fournir le matériel à l’enfant, sans aides
adaptées, ne suffit pas à régler le problème, et aggrave les sentiments d’échec et
d’impuissance, de l’enfant, de l’école et de la famille.
Introduction
Dans la langue française le mot écriture
est utilisé à la fois pour le geste moteur
qui consiste à dessiner des lettres (calligraphie) et pour l’aspect conceptuel du
langage écrit, c’est-à-dire la traduction de
la pensée ou de la parole en signes alphabétiques.
L’écriture manuelle est, dans la vie quotidienne, scolaire, professionnelle et sociale, un moyen incontournable de communication, il faut pouvoir écrire et pouvoir
être lu y compris par soi-même. C’est le
moyen le plus simple de laisser une trace
écrite quand l’apprentissage a été automatisé.
Sans entrer dans le détail du conflit qui se
fait jour dès qu’on parle de mettre en
place une écriture “clavier”, il faut signaler que l’aspect calligraphique de
l’écriture reste souvent très investi, même
s’il est inefficace.
La calligraphie est l’art de former d’une
façon élégante et ornée les caractères de
l’écriture (Larousse), la notion de beauté
dans l’écriture donne souvent lieu à un
jugement de la valeur de ce qui est écrit
(“il écrit comme un cochon !”).
40
Réadaptation N°522
Or, cela n’est pas en effet un problème
d’écrire “mal” si la déformation est
constante, l’auteur peut se relire, les
autres lecteurs aussi (avec parfois un peu
d’habitude). Ce n’est pas le cas des dyspraxiques1 pour lesquels la déformation
sera inconstante, fluctuante et ne concernera pas toujours les mêmes lettres.
Il y a donc souvent une confusion entre le
coté esthétique de l’écriture et son aspect
fonctionnel. En ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture et surtout son utilisation
dans la scolarité, il ne faut pas oublier que
pour être utilisable, une écriture doit être
rapide et lisible et surtout automatisée.
Habituellement l’apprentissage de l’écriture
manuscrite débute en calligraphie (en grande section de maternelle), elle s’automatise
secondairement, (en primaire) pour que
l’enfant puisse ensuite se consacrer au sens
de ce qu’il écrit et non pas à la forme.
Il convient aussi de préciser d’emblée que
les ergothérapeutes ne travaillent pas à
l’apprentissage de l’écriture mais à la
mise en place d’un outil permettant à
l’enseignant de le faire.
1. Dyspraxie : trouble de la préprogrammation du geste.
2. La DVS associe une dyspraxie constructive, un trouble
spatial et un trouble neurovisuel.[1]
Indications du clavier
Dans le cadre d’une dyspraxie visuo-spatiale2, les enfants se trouvent confrontés à
une difficulté d’ordre spatial pour
l’organisation des traits et des boucles qui
constituent notre écriture. Quand cette
difficulté est très importante, elle requiert
toute leur attention et reste une activité en
permanence volontaire, consacrée uniquement à l’aspect calligraphique et qui
ne s’automatise jamais. Par contre, le
geste de taper sur une touche n’est pas
une praxie constructive, la frappe ne
demande pas la gestion de plusieurs
gestes complexes, mais requiert plutôt
des capacités (à minima) de motricité
fine, telle la dissociation des doigts et la
précision de frappe.
Sans l’indispensable automatisation du
geste, l’enfant ne peut utiliser facilement
ses capacités cognitives pour des aspects
plus grammaticaux, orthographiques, de
raisonnement, ou pour mobiliser son
attention pour écouter les consignes. Si
l’on persiste à encourager une écriture
manuelle l’enfant doit dans le même
temps réfléchir au sens de ce qu’il écrit et
à l’organisation du geste qu’il produit, il
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
est alors placé en “double tâche3”, le coût
cognitif de son activité est énorme et va
ralentir l’ensemble de ces activités.
Par ailleurs, la forme graphique générale
du mot permet d’en fixer une image globale qui participe à la mise en place de
l’orthographe d’usage, il y a donc un
risque, lorsque l’enfant ne peut se relire,
de favoriser secondairement une dysorthographie.
Quand la dysgraphie est importante, la
nécessité de la mise en place d’un système palliatif est évidente. Par contre,
lorsque l’écriture semble possible, c’est-àdire lisible, se pose encore le problème de
la vitesse d’écriture. En effet, le besoin de
rentabilité graphique croît au fur et à
mesure de la scolarité de l’enfant. Une
vitesse moyenne est acceptable jusqu’au
début du CM, mais, au-delà, elle ne
répondra plus aux impératifs scolaires et
surtout aux objectifs pédagogiques.
Il faut encore noter que la mise en place
d’un clavier pour l’écriture n’empêche
pas de continuer à utiliser l’écriture
manuelle qui dans la vie quotidienne sera
toujours utile, par exemple pour des
tâches très simples (phrases à trous,
imprimés administratifs), ou le plaisir
d’écrire un courrier par exemple. Le clavier conserve alors un aspect fonctionnel,
efficace et rapide pour la scolarité, où l’on
n’écrit pas pour écrire, mais comme support pour d’autres acquisitions.
L’apprentissage du clavier
BILANS PRÉALABLES
Évaluation de l’importance de la
DVS.
Évaluation de la vitesse d’écriture
et évaluation de la qualité graphique.
Prise en compte de la qualité du
champ visuel fonctionnel pour déterminer les secteurs les plus efficaces et les
conséquences sur le positionnement de
l’enfant et du clavier.
3. Une double tâche : il est possible de réaliser deux
tâches distinctes en même temps à partir du moment ou
l’une au moins de ces tâches est automatisée. Ex : réciter
la comptine numérique tout en marchant sur une poutre.
La comptine est automatisée, alors l’attention peut se
focaliser sur l’endroit où doivent se poser les pieds pour
ne pas tomber. Si aucune des deux tâches n’est bien automatisée (tracer des lettres et retenir une consigne), les
mener ensemble induit une baisse de performance importante, ou un échec dans chacune des deux tâches.[2]
“Je démarre au feu vert et je m’arrête au feu rouge”.
Bilan de la motricité globale afin de
déterminer l’installation générale capable
de favoriser la fonction. On testera en
particulier les aptitudes posturales du
tronc pour choisir les détails de la position assise, mais aussi le positionnement
du clavier.
Bilan de la motricité des membres
supérieurs :
D’une part, la détermination des secteurs
efficaces de mobilité globale : capacités
de fixation posturale de l’épaule, efficacité des automatismes neuro-moteurs du
membre supérieur.
D’autre part, la motricité des doigts :
motricité fine distale, capacité de dissociation, précision du pointage, présence
éventuelle de syncinésies. On cherche
une autonomie maximale de l’enfant : on
peut évidemment proposer une écriture
clavier à deux mains et avec tous les
doigts, néanmoins, pour des raisons
motrices ou praxiques on est le plus souvent amené à choisir la frappe avec deux
doigts voire un seul si cela permet finalement d’améliorer la vitesse et la rentabilité de l’écriture, et sa lisibilité par l’enfant
ou par un tiers.
PRÉPARATION DU CLAVIER
Habituellement, l’apprentissage du clavier se fait en utilisant des logiciels du
commerce, dont la progression est bien
contrôlée. Cependant, ces méthodes
“classiques” supposent une excellente
maîtrise gestuelle des 10 doigts, l’absence
de trouble oculaire et induisent souvent
des confusions car les lettres sont
apprises soit en miroir (ex : O/Z, position en “miroir” sur le clavier), soit par
zone d’utilisation d’un doigt ( ex : toutes
les lettres tapées par l’index gauche).
On rappelle que dans le cadre d’une
D.V.S, le but est d’alléger la situation de
double tâche, de faire l’économie cognitive d’une écriture manuelle non automatisée et donc strictement calligraphique.
Il ne faut pas oublier que les stratégies
oculomotrices sont affectées, (balayages,
exploration, fixation), la réception et la
compréhension dans le cerveau des
informations envoyées par l’œil peuvent
l’être également (trouble gnosique visuel
éventuel).
Si l’enfant doit rechercher avec ses yeux
les touches du clavier, puis reconnaître les
symboles imprimés dessus, ce qui du fait
de la prégnance de l’écrit sera inévitable,
il va se trouver encore en double tâche :
nous aurons simplement changé de
tâche.
4. La mémoire topologique est généralement très efficace
chez ces enfants.
Réadaptation N°522
41
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Si nous voulons qu’il puisse automatiser
la frappe, il convient de changer de porte
d’entrée, c’est ce qui a conduit à imaginer
une stratégie dans laquelle on va faire
mémoriser à l’enfant des repères topologiques, en cachant les lettres du clavier
pour supprimer la recherche visuelle,
longue, laborieuse et fatigante pour
l’enfant.4 On peut d’ailleurs signaler que
dans les apprentissages de dactylographie
classique (hors contexte de D.V.S.) le clavier est également caché, condition sine
qua non d’acquisition de la vitesse de
frappe.
On va donc utiliser un système de repères
de position, qu’il faut considérer dans un
cadre global. Il faut donc successivement
s’intéresser à :
L’installation générale de l’enfant.
Le positionnement de sa machine par
rapport à lui.
L’apprentissage de la position de
chaque lettre sur le clavier
On dispose des gommettes de couleur sur
les lettres, en utisant la séparation classique droite/gauche. Nous avons choisi
d’utiliser les gommettes rouges et vertes
déjà utilisées en rééducation neuro visuelle et en repérage sur les écrans et tous les
documents écrits pour donner le sens de
la lecture. Le vert est à gauche, le rouge à
droite et on dit : “je démarre au feu vert et
je m’arrête au feu rouge ”.
PROTOCOLE INITIAL
Cette démarche est le fruit des différentes
observations d’enfants, avec un recul de
plus de dix années pour certains, de
l’apport de la neuro psychologie à la compréhension des troubles d’enfants porteurs
de D.V.S., mais aussi d’une démarche
pragmatique. En aucun cas cette “méthode” n’est figée, elle peut et doit encore évoluer, se compléter et sans doute se modifier. Ce qui est présenté ici est ce à quoi
nous sommes arrivés pour l’instant.
L’apprentissage du clavier s’il est indiqué,
doit idéalement commencer dès la grande
section de maternelle et va durer environ
18 mois, 2 ans à raison de deux séances
d’ergothérapie par semaine.
Dans un premier temps, l’adulte va
gérer les ensembles des réglages de
42
Réadaptation N°522
l’ordinateur, de sorte que l’enfant puisse se
consacrer uniquement au repérage de l’emplacement des lettres et à l’automatisation
de son apprentissage.
L’apprentissage débute en majuscules. En
effet, dans le cadre d’un trouble spatial, le
recours aux minuscules entraîne souvent
des confusions (d et b, p et q etc.).
On utilise les lettres du prénom de
l’enfant, c’est un “mot” qu’il connaît en
général bien et qu’il peut même épeler. Si
son prénom est long, on le segmente, on
commence avec 3 ou 4 lettres. L’adulte va
lui montrer sur le clavier l’emplacement
des lettres en les nommant.
En grande section de maternelle, il faut
alors préciser à l’enfant que les lettres ont
un nom et qu’elles font un son, que c’est
ce nom et ce son que l’on va utiliser pour
apprendre leur position sur le clavier.
Pour certains il est intéressant d’associer
un geste (type Borel-Maisonny) qui permet de vérifier qu’on est bien d’accord
avec l’enfant, sur la lettre demandée. Si
l’enfant est dysarthrique et que les sons
qu’il produit ne sont pas fiables, ou en cas
de difficultés gnosiques auditives, quand
peuvent se produire pour l’enfant des
confusions (P/B, M/N, K/G, G/J...), il
faut éviter l’oralisation. Dans tous les cas
il est souhaitable de travailler en lien avec
l’enseignant pour essayer de suivre si possible la même progression.
Après avoir montré à l’enfant l’emplacement des lettres, on lui propose de les
taper en les lui dictant. Il faut aussi tout
de suite introduire l’espace entre chaque
mot ou série de mot, il est essentiel pour
la segmentation et souvent difficile à
automatiser.
Exemple : le jeu de la marchande :
L’enfant tient le rôle du marchand de
lettres, il dispose des lettres qu’il
connaît pour le moment, bien rangées
“dans des tiroirs”. Pour les sortir, il suffit
de taper sur la bonne touche et la lettre
s’écrit. L’adulte lui achète ses lettres ; on
peut évidemment les acheter dans le
désordre (c’est à dire dans un ordre différent de celui du prénom).
On peut aussi inverser les rôles : l’enfant
demande les lettres mais l’adulte va quelquefois se tromper de “tiroir”, l’enfant
doit alors lui signaler son erreur sans lire
le résultat qui s’écrit, mais simplement
en regardant quelle touche l’adulte a
choisi. On peut également montrer
l’emplacement des lettres sans se tromper et l’enfant doit dire les lettres et
deviner le mot qu’elles forment. (Cet
exercice s’adresse à des enfants qui sont
déjà lecteurs débutants).
En progression, on va introduire une nouvelle lettre environ toutes les deux séances
; avant chaque nouvelle lettre, on vérifie
que l’enfant a bien retenu ce qui à été vu
auparavant. S’il y a un oubli, on se contente de préciser que son emplacement est
“chez les rouges” ou “chez les verts”.
Pour éviter les confusions topologiques,
la nouvelle lettre ne doit pas être trop
proche de la précédente sur le clavier, on
essaie de faire en sorte qu’elle puisse
s’intégrer aux lettres déjà connues pour
faire un mot ou de nombreuses anagrammes.
Pour chaque nouveau mot ainsi constitué, on recommence des “dictées de
mots”, on cherche des anagrammes ce
qui permet de travailler un même groupe
de lettres en changeant l’ordre de repérage. Le jeu de la marchande est toujours
utilisé mais se complique.
Exemple : on dicte à l’enfant les lettres
de son prénom.
On dicte : “C/L/A/I/R/E espace” (le mot
“espace” est également dicté), le
nombre de fois nécessaire pour en faire
une ligne
CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE CLAIRE
CLAIRE CLAIRE CLAIRE
Au démarrage de chaque séance l’enfant
tape une ligne de son prénom qu’on lui
propose de chronométrer ; il a ainsi un
autre type d’objectif à améliorer, la vitesse, l’adulte peut aussi se poser en challenger et tenter de faire un meilleur temps,
l’enfant et l’adulte vont ainsi organiser
des matchs. Cette étape est en général
très appréciée et réclamée régulièrement.
La poursuite de l’apprentissage doit
avoir un caractère ludique, on peut utiliser tous les types de “jeux de mots” qui
existent et même en inventer d’autres.
Quand l’enfant connaît un certain
nombre de lettres, on peut lui demander
de chercher un mot où telle lettre est présente et de le taper.
On commence à utiliser les touches de
ponctuation et d’accent lorsque toutes les
lettres du clavier sont connues. Pour les
touches avec accent on les situe en donnant leur position. Ex : “é” sous le 2, ou
“è” sous le 7, ou encore “ç” sous le 9...
LA PHASE D’AUTOMATISATION
commence quand l’emplacement de
toutes les lettres du clavier est connu.
Durant cette étape il faudra tenir compte
de plusieurs paramètres :
1. Le choix du support de travail
2. Le rythme de la dictée
3. Des exercices neuro-visuels incluant le
travail des fonctions du traitement de
texte.
4. Des exercices ciblés sur la mémoire de
travail auditivo-verbale.
Il est parfois utile durant cette période de
travailler écran éteint, ou s’il s’agit d’un
portable de basculer l’écran pour que
l’enfant n’ait pas la tentation de se corriger au fur et à mesure qu’il tape, ce qui le
ralentirait beaucoup. Pour la relecture et
les corrections on rallume l’écran. En
effet certains enfants sont “aimantés”
par l’écran, ce qui les empêche d’être disponibles pour l’automatisation.
Le choix du support de travail
On choisit des textes dans lesquels certains mots reviennent avec redondance,
comme par exemple un personnage
dont le nom revient de manière récurrente ou une phrase qui commence toujours de la même façon, qui utilise régulièrement les mêmes formules, ou bien
des histoires construites sur la même
forme : ceci est intéressant pour
l’évocation et doit permettre à l’enfant
d’anticiper la frappe.
Exemple : “Le professeur Cerise” (dès
que l’enfant commence à taper les premières lettres du mot professeur, il
reconnaît le mot et peut ainsi anticiper
les lettres suivantes ainsi que le mot
Cerise, car il s’agit du héros récurrent de
l’histoire)
“TOC ! TOC ! TOC ! Qui est Là ?” (La phrase se répète régulièrement dans
l’histoire, et donc l’enfant devance la fin
de la phrase.)
Le rythme de la dictée
L’adulte dicte la suite des lettres du texte
avec un rythme constant en rapport avec
la vitesse habituelle de l’enfant (juste un
peu plus rapide, avec une ou deux lettres
d’avance), mais qui ne doit pas se modifier en fonction d’éventuels ralentissements de l’enfant. Si celui-ci prend du
retard, soit il doit reprendre là où en est
l’adulte, (et alors il lui manquera des
lettres), soit il doit essayer de le rattraper
en augmentant sa vitesse de frappe sur un
court laps de temps. En fait on ne doit
plus laisser à l’enfant le temps de réfléchir
à sa frappe si on veut qu’elle devienne
automatique. À ce moment de
l’apprentissage, on dicte à l’enfant la succession des lettres sans les espaces.
Ce décalage entre ce qui est dicté et la
frappe est une situation scolaire habituelle pour l’enfant. En effet, l’enseignant
explique souvent une consigne pendant
que les enfants écrivent.
C’est également durant cette phase qu’il
faut insister sur les “petits trucs” qui font
gagner du temps.
Exemple : Lorsque l’on dicte “majuscule
provisoire point“ il faut garder la majuscule enfoncée car il y a forcément une
majuscule après le point. Même chose
pour le point d’interrogation.
Exemple de texte dicté sans espace :
Non,madameForensky,jevousassure,aditl’i
nfirmière.LesdentsdeWhitneynepeuvent
pasêtreplusdetraversqu’avant...
Ilyaeuencoredeshurlementsàl’autreboutd
ufil.Biensûr,ledocteurrecevraWhitneycnet
aprèsmidi.Venezàseizeheures.Tiens,tiens!
Jen’étaispasleseuldontlesdentssemettaie
ntàpousserdetravers!Ilmetardaitdelire
cejournal.
Cette dictée de lettres sans espace permet
dans un deuxième temps de travailler les
fonctions de traitement de texte : Copier,
couper, coller, et leurs raccourcis clavier,
également l’utilisation des curseurs. On
demande donc à l’enfant de sélectionner
le texte qu’il vient de taper, de le copier
(Ctrl C), et de le coller (Ctrl V). Puis sur
cette seconde version, l’enfant segmente la
phrase en mots en mettant les espaces où
il le faut. Cela met en jeu plusieurs capacités, liées cette fois à la lecture : une prise
d’information correcte sur la forme globale du mot, la mise en jeu de ses connaissances orthographiques et grammaticales
qui lui permettent de corriger ses erreurs,
la mise en forme typographique (retours à
la ligne, individualisation des paragraphes,
mise en forme du texte).
Exemple de corrections du texte dicté
sans espace :
Non, madame Fortensky, je vous assure, a
dit l’infirmière. Les dents de Whitney ne
peuvent pas être plus de travers
qu’avant... Il y a eu encore des hurlements à l’autre bout du fil. Bien sûr, le
docteur recevra Whitney cette aprèsmidi. Venez à seize heures. Tiens, tiens !
Je n’étais pas le seul dont les dents se
mettaient à pousser de travers ! Il me
tardait de lire ce journal
Sur le plan neurovisuel il s’agit d’un exercice fatigant qu’il faut accompagner, soit
en prenant en charge une partie de la lecture et c’est l’enfant qui segmente les mots,
soit l’enfant lit et l’on place les espaces à sa
demande, soit encore l’adulte se charge
des manipulations lors des corrections.
Des exercices neuro-visuels incluant
le travail des fonctions du traitement
de texte
Pour le thérapeute il s’agit une fois encore d’amener petit à petit l’enfant à faire de
plus en plus de choses seul, mais après
une période d’étayage, en ciblant à
chaque fois notre attention sur les difficultés que l’on impose pour ne pas noyer
l’enfant sous une montagne de tâches à
mener conjointement.
A la fin de l’exercice d’automatisation, on
reprend ce qui a été tapé par l’enfant, et
on fait avec lui les corrections, (on rajoute les lettres oubliées, on enlève les lettres
surnuméraires, on corriges les fautes de
frappe, en changeant la couleur de la
police pour pouvoir analyser les erreurs).
C’est aussi à ce moment de l’apprentissage
que l’on doit se concerter très précisément
avec l’enseignant afin d’intégrer durant les
séances les textes qui sont travaillés en
classe, donc connus. De même, le clavier
étant connu entièrement et de plus en plus
fonctionnel, il peut commencer à être uti-
Réadaptation N°522
43
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
lisé en classe comme instrument de prise
de notes, de restitution et d’écriture. Il permet à l’adulte de vérifier les acquis, à
l’enfant de faire ses devoirs, ses dictées et
toute expression écrite, ce qui n’est pas
possible ou peu rentable avec l’écriture
manuelle d’un dyspraxique.
Des exercices ciblés sur la mémoire
de travail auditivo-verbale.
Au cours des séances on peut également
proposer des exercices de mémoire de
travail auditivo-verbale. On dicte successivement 2 à 9 lettres au maximum à
l’enfant, en fonction de son âge et de ses
capacités mnésiques. Il doit dans un premier temps écouter puis, lorsque
l’épellation est terminée les redire dans
l’ordre, ce qui permet également de vérifier qu’il a bien entendu les bonnes lettres
avant de les taper. On peut proposer à
l’enfant ce travail pendant plusieurs
groupes de lettres en fonction de sa
fatigue.
Dans un deuxième temps, quand l’enfant a
bien compris on lui propose le même exercice mais il doit alors les taper, ou s’il ne le
peut, les dicter à l’adulte à l’envers. C’est à
ce moment là que se fait l’entraînement sur
la mémoire de travail auditivo-verbale. Là
encore en fonction de la fatigue de l’enfant
on lui propose plusieurs groupes de lettres,
en incrémentant d’une lettre lorsque la restitution ne pose pas de problème.
Cet exercice est important sur le plan fonctionnel car il va permettre de renforcer la
mémoire de travail auditivo-verbale essentielle dans les activités scolaires pour que
l’enfant puisse conserver en mémoire ce
qu’il doit taper tout en continuant à écouter
ce que dicte ou explique l’enseignant.
place ensemble, ce qui évitera des manipulations ( problèmes de manipulations
des clés U.S.B. qui sont fragiles). En effet
certains ordinateurs pour gagner du
poids ont des lecteurs interchangeables,
ce qui nécessite des manipulations qui
sont parfois difficiles pour les enfants
dyspraxiques, et sont source de pannes.
Les adaptations peuvent porter sur le
type de souris que l’on propose, le type
de clavier, le type de logiciel, avec ou sans
retour vocal.
Aménagement du bureau de
l’ordinateur
La présentation du “bureau” de l’ordinateur est également importante. On peut
augmenter la taille des icônes, la taille et la
police de caractère sous les icônes, modifier l’image de fond d’écran, modifier le
contraste, le type et la taille du pointeur
pour en permettre la localisation rapide,
ouvrir au démarrage de l’ordinateur le traitement de texte de manière automatique...
En fonction du niveau de scolarité il faut
prévoir un “modèle” de présentation par
matière et par devoir. En effet, il est parfois demandé des présentations particulières que l’enfant n’a matériellement pas
le temps de refaire à chaque devoir ou
interrogation, voire à chaque cours, (sans
parler de son trouble spatial).
Sous Word, il existe une barre d’outils
“Formulaire”, qui permet de faire un
modèle, dans lequel l’enfant n’a qu’à
compléter les cases prévues. On peut
choisir et limiter le nombre de caractères
que l’enfant va taper dans la zone de
réponse. Il se déplace à l’aide des flèches
du clavier. Il y a une fonction qui permet
de “verrouiller” le formulaire. L’enfant ne
peut donc effacer les questions, les zones
de réponses sont “grisées” et sont les
seules zones accessibles. On peut également imposer un ordre de déplacement
dans les “zones réponses”.
Il faut décider avec l’enfant d’une organisation qui soit la plus économique possible. Il a souvent besoin d’un “aidemémoire”, collé à côté du clavier, pour
l’aider à gérer certaines fonctions, par
exemple pour utiliser le modèle mais sans
travailler directement dessus. L’aidemémoire traite la liste des tâches à faire
de manière séquentielle.
Exemple d’aide-mémoire :
J’ouvre “modèle”
Je sélectionne dans fichier “enregistrer
sous”
Je sélectionne la matière
Dans “nom du fichier” j’écris la date
Je clique sur “enregistrer”
À la fin du travail, je clique sur l’icône
disquette.
La gestion de tous les documents nécessite souvent l’intervention d’une tierce personne. Il faut être vigilant à ce qu’il n’y ait
pas trop de documents sur le “bureau”.
Les documents imprimés doivent ensuite
être effacés, ou si nécessaire, gardés sur
une disquette ou un CD Rom. Il faut
alors décider si il faut une sauvegarde par
matière, ou par semaine (ex : semaine du
14 juin 04 au 18 juin 04).
L’écriture des symboles mathématiques
pose souvent problème. Il existe des logiciels spécialisés mais très chers. En
dépannage il y a une barre d’équations
dans Word. Son utilisation nécessite des
Choix du matériel
Il convient évidemment de mettre à la
disposition de l’enfant le matériel qui lui
est adapté personnellement : il n’y a pas
de règles générales. Le choix se fera en
fonction du bilan initial et des essais.
Il convient de choisir un ordinateur dont
le pavé tactile est désactivable si on doit
l’utiliser soit avec une souris externe, soit
avec une track-ball. Il faut également faire
attention à ce qu’il ait un lecteur de disquettes et un lecteur de CD Rom en
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Réadaptation N°522
Bibliographie
[1] MAZEAU M. Déficits visuo-spatiaux et dyspraxies de l’enfant. Du trouble à la rééducation. 1ère édition. Collection
Monographies de Bois-Larris. 2000, 176 pages.
[2] SILVESTRE DE SACY C. Méthode phonétique et gestuelle crée par Mme Borel-Maisonny. Tome 1 Méthode phonétique et gestuelle. 13e édition. Editions E.S.F. 1973, 251 pages.
[3] FAYOL M. ET JAFFRE J. P. L’orthographe : perspectives linguistiques et psycholinguistiques. Langue française
sept. 1992 n° 95. Revue trimestrielle.
[4] GOUELLAIN S. Influence de la forme de surface de l’écriture (clavier versus main) dans la performance orthographique des enfants IMC. Université René Descartes. Paris V. Institut de psychologie sept. 2001.
Mémoire de DESS de psychologie de l’enfance et de l’adolescence.
[5] GUBBAY Sasson Stephen, DE KLERK Nicholas Hubert. A study and review of developmental dysgraphia in
relation to acquired dysgraphia. Brain and development 1995 ; 17 : 1-8
[6] MAZEAU M. ET LE LOSTEC C. Permettre ou faciliter la scolarité grâce à l’ordinateur. Les guides pratiques
de L’ADAPT. Janvier 2005
manipulations qui font perdre du temps
même lorsque l’on fait appel aux raccourcis clavier.
Limites de l’utilisation du
clavier
L’utilisation de l’ordinateur répond à une
partie des exigences scolaires. L’apprentissage du clavier est une condition indispensable à une scolarité longue, mais non
suffisante. Au cours de la scolarité, le problème de la vitesse et de la prise de notes
se posera soit au collège, soit au lycée. La
réponse apportée est en général soit
l’utilisation de photocopies, soit d’un
magnétophone, soit encore le recours à
un secrétaire.
Dans beaucoup d’établissements scolaires
il faut changer de salle à chaque cours, ce
qui implique le transport du matériel
d’une salle à l’autre, une nouvelle mise en
route qui décale le début du cours, ou fait
perdre une partie des informations.
Il y a également des problèmes du type :
prise de courant dans le fond de la classe, tables trop petites pour avoir et
l’ordinateur et les livres, ou salles trop
exiguës pour disposer une deuxième
table à côté, etc.
Conclusion
La gestion des différents aspects de l’outil
informatique est à prendre en compte et
son utilisation inefficace peut à elle seule
être préjudiciable au projet et à la scolarité. Il reste vrai que si la dyspraxie est
importante il faudra de toutes façons prévoir à certains moments l’intervention
d’une tierce personne, jouant un rôle de
secrétaire. Plus la scolarité progresse et
plus la gestion des prises de notes est à
adapter (enregistrement des cours sur
dictaphone, photocopies...). Actuellement
une grande partie de la population a accès
à un ordinateur, c’est un support privilégié de communication dans le monde du
travail, à l’école, à la maison. Pourquoi de
si fréquentes réticences pour ces enfants
dyspraxiques ? Pourquoi cet outil grand
public, présent partout dans le monde du
travail serait-il inaccessible à ceux qui en
ont le plus besoin ?
TGT : un outil pour
construire la
géométrie ?
Jack Sagot, professeur au Cnefei
I
l est habituellement reconnu que les enfants présentant des troubles moteurs purs ou des troubles
praxiques rencontrent fréquemment des difficultés
dans certaines tâches scolaires et tout particulièrement
dans les activités mathématiques. C’est en effet dans ce
domaine qui privilégie pourtant le raisonnement que l’on
trouve paradoxalement le plus de manipulations et de tâches
praxiques et /ou spatiales : tout petit, c’est le comptage
d’une collection ; plus grand, c’est la pose d’opérations en
colonnes, les tableaux à double entrée ; et plus tard encore,
c’est principalement l’épreuve des tracés géométriques.
A l’école, la plupart du temps, une fois
prévenu, l’enseignant contourne les obstacles par des démarches et des outils
appropriés ou bien évite tout simplement
d’exposer ces élèves à ces tâches : ces
élèves ne réaliseront donc pas de tracés
géométriques.
Cependant, ce qui peut être toléré à
l’école ne l’est plus aussi facilement à
l’arrivée au collège qui s’accompagne
d’exigences plus fortes.
Immédiatement, surviennent les fameuses
évaluations nationales de 6e et leurs
épreuves de mathématiques dans lesquelles ces élèves auront à répondre
comme les autres à des exercices sollicitant
certes des compétences de raisonnement
et de calcul mais aussi de traçage.
Souvent lents et écrivant mal, voire pas
du tout, bon nombre de ces enfants pourtant intelligents sont en grande difficulté
dans ces épreuves. La réponse habituelle
est alors un recours systématique à
l’ordinateur. En effet, cet outil limitant les
praxies à mobiliser, ces élèves acquièrent
dans l’ensemble une meilleure efficience
scolaire. Mais est-ce toujours le cas et en
particulier pour les tâches de traçage ?
Dans le cadre de l’adaptation sur ordinateur des évaluations nationales de 6e pour
les élèves handicapés moteurs, plusieurs
exercices de tracés géométriques posaient
problèmes : pouvait-on recourir à des
outils de production automatique alors
qu’il fallait précisément évaluer une compétence de traçage et non pas tant une
connaissance de la géométrie ?
Il nous est très vite apparu que l’usage de
constructeurs géométriques automatiques ne convenait pas et qu’il était
nécessaire de réaliser une trousse d’outils
virtuels de mesure et de traçage regroupés dans le logiciel TGT (Trousse
GéoTracé).
Réadaptation N°522
45
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Dessins et figures
géométriques
Le dessin et la figure ont de multiples
rôles en géométrie :
La représentation d’objets géomé-
triques : Ces représentations graphiques
facilitent la représentation mentale. La
perception de la notion de cercle par
exemple est assez difficile sans un support visuel et selon certains professeurs
de mathématiques, l’usage d’un outil qui
réalise automatiquement un cercle plutôt
que sa construction à l’aide d’un compas,
même virtuel, peut donner une perception différente de cette notion.
Le support à une action : Le dessin
et la figure permettent de faire des
mesures, des calculs, des évaluations.
L’illustration d’un énoncé : C’est
une aide au raisonnement, à l’expérimentation et plus tard à la démonstration.
Le dessin ou la figure permet de conjecturer, de justifier, de vérifier. Un exercice
de géométrie est souvent très difficile à
réaliser sans le passage par la figure. Le
dessin, ou la figure, est parfois même le
seul but de l’exercice.
Dessin et figure géométrique sont de
nature différente.
Le dessin géométrique fait plutôt référence à une géométrie “du faire”. On
demande à l’élève d’effectuer avec l’aide
Traçage avec TGT.
du crayon une suite d’actions et de manipulations d’instruments de tracé, règle,
équerre, compas et éventuellement rapporteur. Cela fait appel à la fois à un raisonnement qui se développe dans l’espace
et dans le temps et surtout à des “savoir
faire”. Le dessin géométrique est en final
bien ou mal réalisé et les appréciations de
l’élève ou de son professeur sont chargées
d’une certaine connotation esthétique.
Au contraire, la figure géométrique
fait, elle, référence à une géométrie plus
“théorique”. L’énoncé est de style déclaratif et fait référence non pas à des
“savoirs faire” mais à des savoirs théoriques, les propriétés géométriques. La
figure est relativement neutre d’un point
de vue émotionnel, elle ne doit pas être
appréciée par son esthétique, elle est juste
ou ne l’est pas.
Ainsi les logiciels de tracés “géométriques” pourraient être
plutôt des logiciels de tracé de figures
où l’on fait référence à des définitions et
des propriétés, ils sont d’ailleurs très
nombreux et très puissants,
d’autres plutôt des logiciels de tracé de
dessins mettant en jeu des manipulations
d’instruments, il n’en existe pratiquement
pas !
Dans le cadre d’une progression pédagogique, il est habituel de passer du dessin à
la figure, c’est-à-dire de la pratique du
traçage à la conception de la figure et à la
compréhension de ses propriétés. Dans le
cas d’élèves présentant des limitations ou
des troubles de l’intégration des mouvements fins des membres supérieurs, fautil s’interdire cette démarche qui construit
les concepts géométriques à partir de
manipulations simples et n’autoriser que
l’usage d’outils de construction automatiques de figures ? Nous pensons au
contraire qu’il peut être intéressant de
proposer à ces élèves des outils d’aide au
traçage, c’est pourquoi nous avons réalisé
la Trousse GéoTracé.
Le logiciel TGT
Développé par l’équipe informatique du
CNEFEI, TGT1, pour “TrousseGéoTracé”, intègre des instruments virtuels
de mesure (règle, équerre, rapporteur) à
une feuille de traçage enrichie d’un
crayon et d’un compas. Cet outil permet
de réaliser toutes sortes de tracés et de
mesures rencontrés à l’école primaire et
au collège.
Ces outils virtuels sont manipulables à la
souris mais également partiellement par
balayage et à l’aide d’un contacteur. Des
menus d’options assurent un paramétrage fin et étendu de chacun des outils
(taille, couleur, positionnement, valeurs
des pas de translation ou de rotation).
L’élève dessine ses figures géométriques
en appelant un à un des instruments de
traçage, par exemple le crayon puis la règle
qui s’affiche horizontalement et au milieu
de l’écran. Placé tout près de la règle le
crayon s’aimante sur celle-ci et il suffira de
le tirer pour tracer un segment. Afin
d’améliorer la lisibilité de la mesure du traçage, le déplacement du crayon génère sur
la règle une onde de réécriture dans une
autre couleur. Ainsi par exemple les
chiffres et les traits correspondant aux
mesures en centimètre ou en millimètre
passent du rouge au noir dans le paramétrage de couleur proposé par défaut.
Outre cela, TGT offre plusieurs ressources particulièrement utiles aux élèves
handicapés moteurs et/ou dyspraxiques.
1. TGT est un logiciel téléchargeable gratuitement sur le
site du Centre National d’Etudes et de Formation pour
l’Enfance Inadaptée (www.cnefei.fr) en sélectionnant sur
le menu d’entrée “Ressources” puis “Productions”. Ce
logiciel ne fonctionne convenablement que dans
l’environnement Windows XP.
46
Réadaptation N°522
pas à l’aide d’une manipulation, parfois
un peu laborieuse, d’outils virtuels.
L’élève peut ainsi s’approprier naturellement des notions jusqu’alors difficiles par
manque d’expérience de manipulation.
TGT peut être particulièrement utile au
début des apprentissages géométriques
du primaire et du collège. Bien entendu, il
sera efficacement relayé par des outils de
production automatique plus performants une fois les concepts géométriques
installés.
Notre hypothèse
d’expérimentation et notre
population d’élèves
Détail d’un traçage avec TGT.
Manipuler les instruments à l’aide
d’icônes : Un clic sur une icône de translation ou de rotation déplacera la règle
par exemple d’un pas paramétrable, ce
qui pourra faciliter grandement la manipulation.
Simplifier l’affichage des mesures
sur la règle, l’équerre et le rapporteur : On peut décider de paramétrer un
instrument pour n’avoir que les centimètres ou les dizaines de degré, on pourra ainsi habituer l’élève à encadrer une
mesure de longueur ou d’angle ou bien
affiner progressivement le repérage visuel
d’une mesure. De même on peut simplifier l’apparence d’un instrument en coloriant différemment les centimètres et les
millimètres ou bien encore en supprimant
des icônes de manipulation s’ils sont
inutiles à l’élève.
Travailler sur plusieurs calques : On
dessine une figure sur un calque de base
mais on peut ajouter autant de calques
supplémentaires souhaités rendus visibles
ou invisibles, protégés ou déprotégés.
Cela peut permettre à l’enseignant de
créer sur un premier calque, visible mais
protégé, l’énoncé et la figure de base, de
proposer un deuxième calque de travail à
l’élève, rendu visible et actif, et même de
réaliser à l’avance un troisième calque de
correction qui sera bien sûr rendu invisible et inactif. Cela peut également lui
permettre de présenter à l’élève en difficulté de repérage, calque par calque, une
figure complexe, un triangle par exemple,
puis la construction des médianes, puis le
cercle circonscrit.
Afficher une grille : Le calque de traçage peut présenter une grille paramétrable
au niveau de la mesure entre deux nœuds
et de la couleur du trait. L’usage d’une
grille s’avère intéressante pour nos élèves
handicapés lorsqu’ils doivent travailler
sur les symétries ou bien plus grands
quand ils doivent représenter le graphe
d’une fonction.
Faire apparaître un repère : associé
ou non à une grille, l’apparition d’un
repère orthogonal paramétrable permet
de représenter simplement et proprement
des fonctions affines étudiées en classe de
3e de collège.
Flécher un segment : Sur un segment
préalablement tracé et sélectionné, il est
possible de faire apparaître une flèche
directionnelle à l’une ou l’autre de ses
extrémités. De même, on peut faire apparaître des marques sur un segment. Tout
cela permet de créer facilement des supports pour la géométrie vectorielle étudiée au collège.
TGT ne se substitue pas aux grands logiciels mathématiques de construction géométrique tels Cabri Géomètre, Chamois,
Atelier de Géométrie ou Géométrix, que
nous apprécions et préconisons dans une
seconde étape. Il ne s’agit pas au début de
produire automatiquement des tracés
géométriques mais de les construire pas à
“ TGT est utile aux élèves présentant des
troubles moteurs ‘purs’ mais également aux
élèves modérément dyspraxiques”, telle était
notre hypothèse d’étude.
En vue de tester l’utilité de TGT, de
mieux cibler son public prioritaire et
d’affiner son utilisation, nous avons mis
en place, durant cette année scolaire, une
petite étude sur trois lieux :
En milieu ordinaire. Il s’agit ici du
suivi d’intégration individuelle par un
Sessad2 à la fois
de deux élèves handicapés moteurs
âgés de 10 ans en CM2 ; comme troubles
associés, l’un présente des troubles
visuels, praxiques et de coordination bimanuelle, l’autre uniquement des
troubles visuels
et d’un élève handicapé moteur de 8
ans intégré après un redoublement en
CE1. Cette petite fille rencontre des difficultés à mentaliser et elle présente des
troubles visuels associés.
En milieu ordinaire mais en CLIS43,
donc en intégration collective avec un
groupe de 11 élèves principalement IMC,
de niveaux scolaires allant du CP au
CE2. Ces enfants tous handicapés
moteurs et âgés de 8 à 11 ans sont atteints
de troubles praxiques et/ou d’hémiplégies
empêchant l’utilisation efficace d’outils
traditionnels de tracés géométriques.
2. Sessad “Fondation Richard”, Lyon, 69, avec Martine
Faron-Gabillaud, ergothérapeute, [email protected]
3. Clis4 Edouard Herriot, Lyon, 69, tenue par Hélène
Terrat, professeur des écoles, enseignante spécialisée, formatrice associée à l’IUFM de Lyon, ([email protected])
Réadaptation N°522
47
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
Trois élèves ont été particulièrement
observés :
sévèrement atteints sur le plan praxique
et/ou neurovisuel.
A4, 9 ans 6 mois en mars dernier, pré-
Conclusion
sente une importante dyspraxie visuospatiale, mais compense beaucoup intellectuellement.
B5, 9 ans 9 mois, souffre d’une très
importante dyspraxie (dyspraxie visuospatiale et dyspraxie constructive). Il
n’écrit pratiquement pas manuellement
tant son écriture est illisible.
C6, 10 ans 3mois n’est pas dyspraxique
mais il est atteint de troubles cérébelleux
importants.
En établissement spécialisé7 et en
classe de 6e avec principalement deux
adolescentes présentant des formes sévères
d’épidermolyse bulleuse qui limitent considérablement leur possibilité de tracés.
Dans un premier temps : Un bilan
moteur et praxique a été réalisé pour
objectiver les difficultés des enfants et
une observation en situation de classe a
été menée, quand c’était possible, avec les
outils traditionnels.
Dans un second temps une appropriation
de l’outil informatique est mise en place
puis des exercices sont proposés en fonction de la liste des compétences à
atteindre en fin de cycle 2, de cycle 3
pour les élève de primaire. En section collège, nous avons repris les quelques
épreuves de géométrie des évaluations
nationales passées en début d’année et
comparé l’autonomie dans la réalisation
et les résultats obtenus avec et sans TGT.
Résultats
Ils sont globalement positifs.
Les deux élèves de 6e atteintes d’épidermolyse bulleuse et scolarisées en établissement spécialisé, peuvent enfin des4. Selon son ergothérapeute, à la passation de la batterie rapide des fonctions cognitives (BREV), on note pour
lui un effondrement des items non verbaux et en particulier ceux qui demandent une recherche visuelle et une
orientation visuo-spatiale. Cette discordance entre ses
capacités verbales qui sont normales, voire supérieures,
pour son âge signe une dyspraxie visuo-spatiale importante mais A. peut concevoir les obliques.
5. On ne peut même pas utiliser le test de la BREV, car
ses résultats se situeraient en amont.
6. À la BREV ses scores sont moyens et beaucoup plus resserrés autour de son âge tant sur le plan verbal que non
verbal, il n’est pas dyspraxique..
7. Centre de Rééducation Fonctionnelle, Romans Ferrari,
01, avec Eric Saint Quentin, professeur de mathématiques.
48
Réadaptation N°522
Règle sans millimètre.
siner des figures géométriques, des segments des cercles, qu’elles aiment
d’ailleurs agrémenter de couleurs dès
qu’elles le peuvent (On retrouve ici la
dimension esthétique et émotionnelle du
dessin).
C., élève non dyspraxique de Clis4, rend
maintenant des travaux de traçage plus
propres qu’il réalise plus rapidement et
plus facilement.
Deux des trois élèves intégrés apprécient
l’aide du logiciel car elles réalisent, là
encore, des tracés plus propres, et plus
rapidement. L’élève intégré présentant
des troubles praxiques trouve un intérêt
plus limité au logiciel. Cela l’aide car il
peut corriger et rendre un traçage plus
soigné mais il rencontre encore des difficultés à manipuler les outils virtuels.
B., élève très dyspraxique de la Clis4 qui
ne pouvait faire seul la plupart des tâches
d’écriture ou de mesurage et aucune tâche
de traçage, réalise maintenant mais encore
très laborieusement quelques tracés.
A., élève dyspraxique mais capable tout
de même de réaliser quelques actions de
mesurage et de traçage avec un rendu difficilement supportable au niveau du soin.
A. réalise pour la première fois avec TGT
des tracés impeccables avec le compas
qu’il apprécie tout particulièrement.
Ce travail nous permet dès à présent de
pointer, à la fois,
d’une part, les bénéfices de TGT qui
donne de nouvelles possibilités aux
élèves présentant des troubles moteurs
sévères mais sans troubles associés de
dessiner des figures géométriques et ainsi
de construire plus facilement les concepts
géométriques grâce à la manipulation
(élèves hémiplégiques ou les deux jeunes
atteintes d’épidermolyse bulleuse),
d’autre part, des limites de son utili-
sation avec des élèves trop lents, trop
Cette expérimentation pédagogique
modeste confirme doublement notre
hypothèse de départ : Les enfants qui
tirent le bénéfice le plus important de
l’utilisation de la trousse TGT présentent
des troubles de coordination visuomanuelle et de coordination bimanuelle
(significatifs et évaluables au test de la
B.R.E.V.). En revanche, des capacités de
discrimination visuelle, les gnosies, sont
nécessaires. De plus les troubles
praxiques ne doivent pas être trop massifs. Il est nécessaire, pour un enfant,
d’avoir en particulier la capacité
d’orienter une oblique dans le plan.
Ainsi donc, l’usage de TGT peut donner
un accès facilité à la construction géométrique des élèves handicapés moteurs des
membres supérieurs sans troubles majeurs
associés mais les élèves fortement dyspraxiques ou présentant des troubles
visuels importants rencontrent encore des
difficultés à manipuler le logiciel certainement encore trop complexe8 : Sur la manipulation même des outils de la trousse, un
enfant fortement dyspraxique sera
presque autant en difficulté avec la trousse
qu’avec des instruments réels. Cependant
l’intérêt de la trousse est sa possibilité de
corriger une construction plus facilement,
plus rapidement et surtout plus proprement que sur le papier : en effet sur ce
support, le fait de gommer un segment
mal tracé risque de conduire tantôt à froisser, plier voire déchirer la feuille, et de
gommer non seulement la partie du segment visée mais également des éléments
de la figure autour. Le résultat final sale et
imprécis complique l’analyse de la figure
et perturbe le raisonnement de l’élève.
TGT améliore tout cela et c’est tout de
même déjà un progrès pour la scolarité
de ces enfants.
8. Ce logiciel conçu et réalisé par Max Durand
([email protected])
et
Jack
Sagot
([email protected]), tous deux professeurs au
Cnefei, n’est pas encore figé dans sa version définitive.
Des versions téléchargeables gratuitement permettront
d’étendre son utilisation et de l’améliorer à partir des suggestions et critiques de chacun.(Ministère de l’Education
nationale, CNEFEI, Département Informatique, 58-60 av
des Landes, 92150 Suresnes).
LES PARENTS D’ENFANTS
DYSPRAXIQUES
L’association de parents d’enfants
dyspraxiques : Dyspraxique Mais
Fantastique (DMF)
Interview de Françoise Cailloux, présidente de DMF, et Catherine Amiel, vice-présidente DMF
Quelles sont les raisons qui vous ont
amené à créer votre association ?
La dyspraxie est un trouble méconnu et
nous avons tous eu de grandes difficultés
à obtenir un diagnostic de dyspraxie pour
nos enfants. Nous souhaitons que, désormais, tous les professionnels de l’enfance
connaissent ce trouble, afin de ne pas
faire subir aux enfants une véritable maltraitance (sanctions sur l’écriture, lignes à
faire, soupçon de paresse ou de mauvaise
volonté, ridiculisation devant les
autres...). De nombreux indices alertent
les parents sur le comportement différent
de leur enfant mais les professionnels de
la petite enfance (pédiatre, médecins
généralistes, de PMI, pédopsychiatres,
personnels des CMP et CMPP...et même
enseignants) connaissent peu ce trouble
et les inquiétudes des parents ne sont
souvent pas entendues.
Aujourd’hui, en lien avec les professionnels spécialisés, notre but est de faire
reconnaître la dyspraxie et de réunir les
familles concernées pour obtenir des
pouvoirs publics, de l’école, du monde
médical et des commissions de
l’éducation spécialisée que ce trouble soit
repéré plus tôt et que sa prise en charge
soit améliorée.
Quel rôle avez-vous aujourd’hui ?
Nous venons de fêter notre deuxième anniversaire et nous avons déjà 560 adhérents :
parents d’enfants dyspraxiques, adultes
dyspraxiques et professionnels. L’association correspond donc à ce que cherchent
les parents : un réseau d’entraide, où l’on
peut échanger des expériences et des idées
en s’appuyant sur des professionnels expérimentés que nous avons rencontrés via
l’internet et sur le terrain. Ceux-ci ont vivement encouragé notre action, car euxmêmes rencontrent des difficultés à faire
admettre les répercussions scolaires des
dyspraxies auprès des enseignants.
La dyspraxie est un handicap “invisible” et
ses manifestations sont mal interprétées.
Les enfants sont souvent à l’aise à l’oral
mais le passage à l’écrit est toujours problématique. Les troubles visuo-spaciaux
peuvent bloquer l’enfant en géométrie ou
en numération, mais l’enseignant ne comprend pas et pense que l’enfant est opposant ou qu’il a des troubles d’ordre socioéducatifs ou psychologiques. Même
légère, une dyspraxie est handicapante en
situation scolaire. Plus l’enfant est reconnu
tôt, moins il aura à souffrir de sa différence. Nous faisons la connaissance d’adultes
qui se découvrent dyspraxiques et qui
nous racontent à quel point toute leur vie
n’a été que brimades et efforts surhumains
pour “faire comme les autres” : acquérir le
permis de conduire, être efficace dans son
travail, faire les courses, se repérer dans
une nouvelle ville...
Notre premier objectif est donc
d’informer. Nous avons réalisé, mon mari
enseignant en informatique et moi-même,
un site tiré de mon expérience pédagogique, de documents du Dr Michèle
Mazeau, ainsi que d’ergothérapeutes, psychomotriciens, kinésithérapeute, orthoptistes, enseignants spécialisés (Eric
Hurtrez et Guy Réveillac). Le site permet
Réadaptation N°522
49
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
de comprendre les symptômes dont
souffre l’enfant et de connaître les
démarches pour informer son entourage et
mettre en place les aménagements scolaires et les rééducations. Nous avons aussi
deux forums de discussion, un pour les
parents, l’autre pour les professionnels.
Malheureusement, seuls 25 % des gens ont
accès à internet, donc nous devons aussi
communiquer par les journaux, les télévisions (plusieurs reportages ont eu lieu sur
la 5, France 3 et TF 1) et les brochures
spécialisées. La Fondation de France nous
finance actuellement une brochure sur
l’annonce du handicap.
Votre action commence-t-elle à porter du
fruit ?
Oui, si nous mesurons par le nombre de
demandes de renseignements que nous
recevons ! Nous avons créé un réseau de
bénévoles dans chaque région ou département : certains ont organisé des réunions de
parents et de professionnels localement,
certains participent aux réunions Handiscol
ou à d’autres réunions institutionnelles
(réseaux médicaux ou associations partenaires comme la FLA, AAD, ...). Certains
ont contacté leurs députés, l’inspecteur de
l’Education nationale, des médias, d’autres
ont rédigé des témoignages, fourni des
documents aux parents ou pour le site,
répondu sur le forum, rassemblé et conservé les échanges les plus intéressants. Des
familles de l’Essonne, en se regroupant, ont
obtenu l’ouverture d’une CLIS pour dyspraxiques.
En janvier 2004, l’association a envoyé un
dossier sur la dyspraxie à tous les
Inspecteurs d’académie, envoi annoncé par
une circulaire interne de l’Education nationale. Nous avons été reçus à plusieurs
reprises au cabinet du ministère de la Santé
que nous avons sensibilisé sur la situation
des enfants et des jeunes dyspraxiques.
Patrick Gohet, délégué interministériel aux
personnes handicapées, a souhaité rencontrer des personnes dyspraxiques, visiter
une classe spécialisée, et programmer une
réunion interministérielle avec les responsables des ministères concernés, dont
l’Education nationale, pour améliorer la
reconnaissance, le dépistage et le suivi scolaire et thérapeutique des enfants concernés et sensibiliser les services.
50
Réadaptation N°522
Les premières formations institutionnelles se mettent en place : suite à notre
lettre, les académies organisent à présent
des
journées
pédagogiques
ou
d’information sur la dyspraxie. Nous soulignons la volonté manifeste de certaines
CCPE, CDES qui reconnaissent la dyspraxie et privilégient l’intégration des
enfants dans le cursus scolaire normal
avec des adaptations et des aides techniques adaptées : ordinateur, présence
d’un accompagnateur de vie scolaire ...
Cependant, il reste de grandes disparités
entre les régions. Les PIIS ne sont pas
toujours respectés, l’ordinateur pas toujours admis.
Y a-t-il de grandes disparités entre les
prises en charge des enfants dyspraxiques ?
D’abord, chaque enfant est particulier.
La dyspraxie peut être plus ou moins
marquée, de divers ordres (idéomotrice,
visuospatiale, oro-bucco-faciale, avec ou
sans trouble de la coordination générale...), avec ou sans troubles associés (déficit d’attention, hyperactivité, nystagmus...). Mais il y a des signes d’appel
communs (maladresse manuelle et graphique, difficultés de concentration, fatigabilité). Les jeunes dyspraxiques non
diagnostiqués ne poursuivent leur scolarité qu’au prix d’un effort surhumain,
grâce à la présence de leurs parents qui
les font travailler sans relâche. La plupart
du temps, ils s’épuisent, se dévalorisent et
se démotivent en essayant de “faire
comme les autres”.
Les enseignants ne réalisent pas que les
gestes ne sont jamais automatisés et nécessitent un contrôle volontaire extrêmement
fatigant. “Elle n’a pas eu besoin de son ordinateur, elle a réussi à écrire tous les résultats
de ses tables de multiplication à la main”, dit
fièrement l’institutrice sans voir que la plupart des chiffres sont écrits péniblement et
parfois en miroir. Dès qu’ils rentrent de
l’école, les parents les voient s’effondrer
sur le canapé, alors que les autres se précipitent pour jouer dehors.
Sans aménagement, leur devenir scolaire
est souvent compromis par des redoublements fréquents. Comme le dit Thibault :
“Je sais que je redouble parce que je suis dyspraxique”. Ils sont pénalisés pour leur
lenteur, leur manque d’autonomie, leurs
difficultés à restituer par écrit leurs
connaissances et leurs réflexions. “ Vous
comprenez, votre fils ne sera pas capable au
collège de prendre les cours au tableau avec
son ordinateur”. Les jeunes perçoivent
quand ils sont sanctionnés du fait de la
dyspraxie et ressentent alors une amertume et une profonde injustice. Ils peuvent
développer de graves troubles psychologiques du fait de la souffrance quotidienne liée à la non reconnaissance de
leurs difficultés.
Actuellement, si une partie des enfants
dyspraxiques arrivent à suivre une scolarité classique en primaire – bien que certains soient orientés vers des CLIS 1 qui
s’avèrent mal adaptées à leurs troubles –
suivre au collège se révèle plus difficile et
les orientations vers des SEGPA sont fréquentes. Or, les filières manuelles ne leur
correspondent pas car précisément leurs
troubles sont d’ordre praxique, c’est-àdire gestuel et spatial. “Que voulez-vous
que je fasse avec un apprenti pâtissier qui ne
sait pas casser des œufs ?”, se désespère un
responsable de stage. Pire, ils peuvent
être écartés du système scolaire à cause
de leur dysgraphie, leur manque
d’autonomie et dirigés vers des IME,
voire des instituts de rééducation quand
ils expriment leur frustration par des
troubles du comportement. Ou encore
vers des instituts d’éducation motrice
IEM. Ils sont dispersés parmi d’autres
enfants porteurs de handicaps tout à fait
différents et ne bénéficient pas toujours
d’un suivi spécifique. C’est pourquoi,
certains parents préfèrent les scolariser à
la maison. C’est ainsi que nombre
d’adolescents ayant atteint l’âge limite de
la scolarité se retrouvent sans diplôme et
sans possibilité d’emploi.
Quels sont les moyens que vous demandez ?
Nous souhaitons une véritable sensibilisation de tous les acteurs et partenaires
de l’Education nationale (enseignants,
enseignants de réseau, médecins et psychologues scolaires, secrétaire CCPE,
CCSD, personnel CDES).
Il est essentiel que les enseignants soient
sensibilisés dès la maternelle à l’existence
des troubles d’ordre praxique et neurovisuels (troubles des fonctions non verbales) et soient le premier relais d’un dis-
positif de dépistage précoce en alertant
les médecins scolaires et les familles. Plus
le diagnostic est précoce, moins l’enfant
souffre dans le système scolaire.
Des mesures simples permettent à
l’enfant de suivre une scolarité ordinaire :
Une évaluation de la sévérité du han-
dicap de l’enfant permet des adaptations
et aides techniques désormais assez
banales (ordinateur, accompagnement
par un AVS ...). Ces aides et adaptations
doivent être définies en concertation avec
l’enseignant et l’école, la famille et les
professionnels qui assurent le suivi médical et rééducatif de l’enfant selon le type
et l’intensité de la dyspraxie.
Bien définir les apprentissages qui
seront rendus difficiles par la dyspraxie,
envisager des dispenses ou adaptation de
certaines matières au collège (technologie, sport, musique, dessin...) Utilisation
d’outils techniques : calculatrice, logiciels
pour la géométrie. Préciser avec le corps
enseignant le type d’évaluation. Favoriser
les contrôles oraux.
Valoriser ses connaissances et non pas
son degré d’autonomie. Limiter l’écriture
manuelle, éviter de le faire copier, tâche
épuisante qui absorbe son énergie et le
gêne dans les apprentissages. Fournir des
documents polycopiés de bonne qualité.
Prévoir qu’il pourra bénéficier d’un
tiers-temps supplémentaire aux examens
avec des aménagements dans la présentation (typographique et/ou visuo-spatiale),
des sujets et des réponses, ainsi que plus
d’examens oraux ou l’aide d’un secrétaire.
“Simon est actuellement en 1ère littéraire, prépare son bac Français. Le travail, la persévérance, la curiosité, l’intelligence de Simon
ont permis ce cheminement, mais nous aimerions qu’il ne s’interrompe pas là. Pourtant
les obstacles sont de plus en plus difficiles à
franchir. Rien n’est fait pour le dyspraxique
dans les programmes scolaires, encore moins
lors des examens, il ne suffit pas d’accorder
un tiers de temps supplémentaire à un enfant
dont le handicap n’est pas seulement sa lenteur mais son impossibilité à structurer
l’espace à deux dimensions, l’espace de la
feuille ; un schéma non compris ne demande
pas de temps supplémentaire, mais une
explication complémentaire ! Et pourquoi
sanctionner un élève dont les connaissances
verbales sont par ailleurs excellentes ? Des
mesures visant à garantir l’avenir de nos
enfants sont évidemment capitales”.
Témoignage des parents de Simon 17
ans diagnostiqué à 12 ans et demi.
Coordonner les différents interve-
nants (rééducateurs, accompagnateur de
vie scolaire, enseignants, parents) pour
s’assurer dans la durée d’une réelle efficacité des aides mises en place (projet
individualisé d’intégration scolaire).
Création de classes adaptées : CLIS,
UPI pour les enfants dyspraxiques en
retard scolaire et en plus grande difficulté.
Nous souhaitons que soient reconnues et
mutualisées les connaissances et compétences pédagogiques des enseignants qui
mettent d’ores et déjà en place les aides
adaptées à leurs élèves dyspraxiques et
demandons la réalisation et la diffusion
d’un livret sur les dyspraxies et
troubles neurovisuels. Le ministère
envisagerait un livret sur la dyspraxie dans
la collection des brochures : “Prévenir
l’illettrisme”.
Nous avons attiré l’attention de la
Direction Générale de l’Action Sociale
sur les disparités d’une CDES à
l’autre, pour la reconnaissance de la
dyspraxie. Nous demandions qu’une
information plus complète soit relayée
auprès de ces services afin d’harmoniser
ces pratiques. Le bureau de l’enfance
handicapée de la DGAS nous a informés
Brochure DMF.
par courrier que la circulaire du 29 mars
2004, qui s’inscrit dans le plan d’action
pour les enfants plan gouvernemental sur
les troubles du langage, concernait aussi
la dyspraxie.
Mais c’est insuffisant, car les troubles
neurovisuels et praxiques dont nos
enfants souffrent retentissent aussi sur
leur vie quotidienne. Ils sont peu autonomes, peu organisés, fatigables, il faut
les guider et être très présents pour les
aider à s’habiller, ranger (ils oublient
constamment leurs affaires : lunettes,
habits...), organiser leur cartable, couper
leurs aliments, se laver, se sécher. Ils ont
parfois du mal à anticiper leurs besoins,
beaucoup sont propres très tardivement,
et les accidents sont fréquents. Ils se salissent en mangeant, sortent dehors sans
habits (qu’ils ne peuvent fermer sans
aide)... Certains ont des problèmes
d’orientation spatiale et ne peuvent se
déplacer seul, ils n’arrivent pas à ouvrir la
porte avec une clef. Certains ne peuvent
utiliser des outils. Un enfant dyspraxique
qui doit constamment calculer ses gestes
n’est pas autonome. Il faut sans cesse le
piloter, le valoriser ! Pourtant comme ce
handicap est invisible, l’enfant est parfois
déclaré pas assez “handicapé” pour bénéficier d’un AVS, pour être suivi par un
SESSAD handicap moteur ou pour percevoir une Allocation d’Education
Spécialisée destinée à financer les rééducations non remboursées : ergothérapie,
psychomotricité, graphothérapie...
Le sort de nos enfants ne peut continuer
à dépendre uniquement des bonnes
volontés ou des seules initiatives individuelles : il doit être reconnu dans les
textes et dans les institutions. Il faut former des rééducateurs spécialisés (ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues, orthoptistes,...)
et donner une formation générale à la
dyspraxie aux médecins scolaires, psychologues scolaires et enseignants de la
petite enfance, pour améliorer le dépistage précoce. Il faut faire connaître la dyspraxie dans les CAMPS, CMPP et CMP,
ces deux dernières structures étant cause
fréquente d’une confusion de la dyspraxie avec des troubles d’origine psychologique. Il faut renforcer les équipes
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
hospitalières spécialisées pédiatriques
réalisant les bilans et permettant de poser
le diagnostic, car les attentes sont de plusieurs mois, voire un an.
Il faut aussi penser à l’insertion professionnelle et là, nous n’en sommes qu’au
balbutiement. Les adultes dyspraxiques
(peu sont diagnostiqués) témoignent
qu’ils ont des difficultés à garder leurs
emplois, car ils ne sont pas assez performants au niveau de leur travail, bien
qu’ils soient travailleurs. En effet, ils sont
gênés par leurs difficultés d’organisation
spatiale, temporelle, pour gérer plusieurs
informations ou plusieurs tâches à la fois.
Ils sont fatigables, distraits par trop
d’agitations, de bruits, de sollicitations
visuelles. Certains ne peuvent pas utiliser
d’outils ou de machines (dyspraxie idéatoire). Plus ils sont stressés plus ils perdent leurs moyens.
“Que propose l’éducation nationale à nos
jeunes dyspraxique ayant dépassé l’âge de la
scolarité primaire, et qui, à 14 ans ou plus, se
trouvent sans projet scolaire faute de rentrer
dans le cadre !Y a t il des centres de formation pour apprentis ou des centre de formation professionnelle qui auraient pris en
compte cette problématique ?” Question
d’un médecin.
Comment réagissent les parents qui ont
un enfant dyspraxique ?
Avant d’avoir le diagnostic, ils ne comprennent pas leur enfant, ils ne savent pas comment l’aider : ce handicap est méconnu car
il est complexe et difficile à comprendre au
quotidien. Leur enfant est fatigable, ses
résultats scolaires sont très inégaux selon
les moments de la journée. Ses productions
sont brillantes à l’oral s’il ne souffre pas de
trouble de la parole. Mais ses productions
écrites ou intellectuelles ne concordent pas
avec l’intelligence qu’il manifeste spontanément : d’où la tentation d’incriminer
l’enfant en l’accusant de paresse, de mauvaise volonté, d’opposition. Alors qu’il
fournit constamment des efforts qui ne
sont même pas perçus par son entourage !
“Il a eu des problèmes de comportement
énormes, des colères extraordinaires, tout
petit déjà... des colères que je comprends
aujourd’hui puisque les enfants dyspraxiques savent ce qu’il faut faire, peuvent
même l’expliquer mais n’arrivent pas à le
52
Réadaptation N°522
faire... Quelle frustration énorme, et en plus
nous on en rajoute en lui demandant de
s’appliquer, d’essayer, de faire attention, de se
dépêcher... Quand je repense à toute cette
souffrance endurée par lui, par nous... Et
quelle culpabilité l’on nous a fait porter à
nous parents, surtout moi la mère, (c’est toujours de la faute des mères, on le sait bien....),
je ne savais pas l’élever, je cédais à tout, et
j’en passe... Alors je suis en colère, en colère
parce que personne n’a rien compris.”
Témoignage de la maman de Léo.
Les parents commettent souvent la même
erreur que leur éducateurs, et s’en veulent
ensuite lorsqu’une dyspraxie est dépistée :
ils ont fait jouer l’autorité ou les reproches
alors que leur enfant, pour réaliser ce qu’il
a réalisé, a dû produire beaucoup plus
d’efforts et d’énergie qu’un enfant “ordinaire”. C’est en cela que la dyspraxie est
un handicap invisible et sournois.
“Ce qui est déboussolant avec un enfant
comme Mathieu, c’est qu’il calculait très
vite, apprenait ses leçons très facilement,
avait une mémoire extraordinaire, mais qu’il
ne produisait rien. Je l’ai beaucoup grondé, il
a eu beaucoup de fessées aussi - injustifiées
finalement vu ce que l’on sait maintenant”.
Témoignage de la maman de Mathieu.
“Le diagnostic de dyspraxie est enfin fait à 7
ans !!!!! Depuis ce jour nous avons compris
qu’Arthur a un réel problème qui est d’ordre
physique et non psychologique, que nous n’en
sommes pas la cause, que crier ou s’énerver
après cet enfant (qui réussit parfois des choses
difficiles mais rate les plus faciles) ne sert à
rien, que l’aider va demander beaucoup de
temps, d’énergie et de patience. Saura-t-il
surmonter cette épreuve et ne plus sombrer
dans des phases de grande tristesse comme
cela lui arrive parfois ?” Témoignage de la
maman d’Arthur.
“J’ai ressenti une immense colère quand j’ai
su pour la dyspraxie d’Arnaud, je dirais
presque de la haine envers tous ces gens qui
ont massacré mon fils et moi par la même
occasion. Raconter m’a fait un bien fou, m’a
déculpabilisée aussi (bien qu’il y a encore des
petits restes, des réactions que j’ai pu avoir
envers Arnaud dont je ne suis pas très fière).
Aujourd’hui cette colère me sert pour tous les
imbéciles que nous rencontrons sur notre
route. En lisant les messages du forum (de
DMF), c’est bon parce qu’Arnaud et moi ne
sommes pas seuls dans l’incompréhension, la
souffrance, le lourd passif mais d’un autre
côté ça me rend triste de savoir qu’il y a plein
d’autres souffrances inutiles, dû au fait que
nous sommes dans une société qui ne veut
que du rendement, des êtres ‘parfaits’. S’ils
savaient que c’est la différence justement qui
fait tourner le monde ! C’est vrai que nous
avons des enfants fantastiques ! Encore un
grand merci pour vos messages, vos encouragements, et d’exister surtout.” Témoignage
de Marie-Amélie la maman d’Arnaud
qui vient d’être diagnostiqué à 11 ans.
Estimez-vous qu’en s’y prenant suffisamment tôt et avec des mesures éducatives
adaptées, on peut améliorer, voire guérir
les différentes formes de dyspraxie ?
On peut très certainement améliorer la
vie d’un dyspraxique au quotidien, sa
scolarisation et son insertion dans la
société en lui procurant le plus tôt possible les aides appropriées. On peut lui
éviter les souffrances de la discrimination, du déni, la tristesse d’être accusé à
tort de paresse et d’opposition, l’angoisse
de ne pas avoir d’avenir professionnel.
On peut accroître ses chances d’accéder à
l’autonomie et de compenser son handicap afin de le rendre vivable.
Je ne pense pas qu’on puisse “guérir” à
proprement parler de sa dyspraxie,
comme aujourd’hui on ne guérit pas de
troubles d’origine cérébrale, dont la cause
est inconnue dans l’état actuel des
connaissances scientifiques. L’espoir de
guérir un jour de ce handicap est subordonné à la recherche, encore à un stade
balbutiant sur la dyspraxie. Mais qui sait ?
Il n’est pas interdit d’espérer que des
découvertes fassent accélérer les choses
plus qu’on ne peut le concevoir aujourd’hui. D’ores et déjà, ceux qui ont la chance d’avoir une dyspraxie légère et de rencontrer des personnes qui les ont aidés,
ont pu sans doute se faire une place dans
notre société. Ce que nous ne voulons pas,
ce qui est contraire à la modernité dans la
manière de vivre aujourd’hui le handicap,
c’est de laisser encore cette chance entre
les seules mains du hasard !
Association Dyspraxique Mais Fantastique
8, chemin des Eycellets 30150 MONTFAUCON
Tél.06 16 74 96 38 [email protected]
http://www.dyspraxie.info
http://www.dyspraxie.org
Témoignages de parents
d’enfants dyspraxiques
Cathy, maman de Nicolas, 11 ans
Je suis maman de Nicolas, 11 ans. Nicolas présente des difficultés d’apprentissage depuis l’âge de 5 ans. Les difficultés sont
devenues importantes au CP car il n’arrivait pas à écrire comme
les enfants de son âge (lenteur, tracé, sens, propreté), il présente aussi une lenteur dans les gestes quotidiens, une maladresse
aussi. Nicolas a été suivi par le RASED, le CMP, des psychologues,
psycho pédiatre, orthophoniste, ORL, ophtalmo...
Il a passé un test de QI (sur la demande de son institutrice, surprise par ses réponses à certains moment, afin de vérifier une surdouance) l’année dernière donc à 10 ans, en CM2 avec la psychologue scolaire. Le résultat a été déroutant, elle m’a dit : “votre
enfant est intelligent, pour moi il n’y a aucun doute à ce niveau,
mais son test est ininterprétable : le résultat de certains items sont
très élevés et d’autres très faibles”. Je n’en ai pas su davantage et
n’ai pas de compte-rendu (une demande est en cours).
Nicolas est passé en 6e mais les difficultés sont importantes à
l’écrit, pour l’organisation. Son professeur d’anglais connaît dans
son entourage des enfants qui viennent d’être diagnostiqués
comme dyspraxiques et me demande de faire faire un bilan à
Nicolas et vérifier s’il présente ce disfonctionnement. J’en suis là
actuellement, les délais d’attente pour effectuer les tests sur
Paris sont de 6 mois à 1 an.
Nous venons d’avoir ce matin les résultats des tests passés par
Nicolas en vue d’un diagnostic de dyspraxie. J’ai le résultat
devant les yeux, c’est incroyable... depuis tant d’années de
recherche pour comprendre les difficultés de Nicolas très marquées au niveau de l’écrire.
C’est un soulagement de pouvoir mettre enfin un mot sur le comportement de notre garçon.
Mais je suis aussi en colère devant tout le temps perdu pour
mettre en place ce diagnostic.
Nicolas, qui a 11 ans, a des difficultés depuis la 2e année de
maternelle, avec un CP catastrophique sur le plan de l’écriture, à
la fin il ne voulais plus rien produire... et notre incompréhension
face à ce petit bonhomme si différent ! Je me remémore les 2 à
3 heures passées le soir pour qu’il puisse faire ces devoirs, entrecoupé de phases de jeux car il décrochait très vite. Enfin un parcours que beaucoup connaissent, où il nous a fallu développer des
trésors de patience et où il a fallu à Nicolas développer une
incroyable capacité d’adaptation et une grande force de caractère devant toutes ces personnes qui ne le comprenaient pas, tous
ces enfants moqueurs, parce qu’ils ne savaient pas, toute cette
souffrance qu’il a ressentie, que nous avons ressentie... Je suis si
fière de lui, je mesure les efforts pas toujours reconnus qu’il a
fournis... et le chemin parcouru.
Aujourd’hui, nous allons retrousser nos manches pour que Nicolas
puisse apprendre dans de meilleures conditions au collège, et
faire en sort de faire respecter sa différence. Nous avons du pain
sur la planche, mais au moins nous savons dans quelle direction
aller.
Merci pour ce lieu d’échanges enrichissant et de soutien, merci
pour votre association.
Cathy, maman de Nicolas, 11 ans et 4 mois, dyspraxique mais fantastique
“Le parcours de notre fils est le prototype
de celui d’un dyspraxique lourd”.
A lire les divers témoignages, il apparaît que le parcours de notre
fils est le prototype même de celui d’un dyspraxique lourd, sa dyspraxie ayant entraîner une dyslexie secondaire.
C’était un enfant qui n’aimait pas les billes, le foot, les lego, mais
seulement les livres, la nature, qui ne pouvait pas voir de différence entre un carré et un rectangle mais qui connaissait un
nombre incalculable de dinosaures.
Un enfant atypique dans le domaine scolaire : une de ses institutrices ne comprenait pas un enfant qui pouvait être en même
temps le dernier de sa classe dans les matières fondamentales
(calcul, orthographe) et le premier dans les matières d’éveil.
C’est un véritable parcours du combattant qui lui a permis
d’obtenir en 2004, son baccalauréat (série STT mais avec mention
AB)
Tout au long de sa scolarité primaire, puis secondaire, il a connu
d’énorme embûches, des périodes de destabilisation profonde,
comme tous.
Mais tous, s’ils sont exclus à la base, ne pourront obtenir un baccalauréat et tenter un cursus d’études supérieures.
Il a fallu s’accrocher, faire des efforts incommensurables.
La chance énorme dont il a bénéficié est d’avoir été suivi très tôt,
depuis l’âge de 5 ans par des professionnels très compétents.
Le diagnostic a été posé par une équipe pluridisciplinaire et son
profil parfaitement appréhendé par eux. Orthophoniste, psychomotricien, conseillére d’orientation-psychologue nous ont soutenus, nous ses parents, nous invitant à nous opposer malgré des
moyens assez faibles à des redoublements proposés, notamment
en 4e et en 2e.
Il a eu aussi chaque année des enseignants qui ont été très présents à ses côtés et admiraient sa pugnacité.
Mon propos ne sera pas de décrire son parcours de manière anecdotique, mais plutôt de rechercher une réflexion sur ce type de
handicap par rapport au “système scolaire”.
Beaucoup de progrés, de sensibilisation ont été accomplis. Des
textes législatifs récents devraient permettre une amélioration
sensible de la situation de ces enfants.
Mais beaucoup reste à faire. Encore faut-il que les textes soient
Réadaptation N°522
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
connus, appliqués et bien appliqués. Le probléme de ce type de
handicap qui ne se voit pas à priori, se trouve dans la méconnaissance du personnel enseignant. Bon nombre de professeurs
mettent beaucoup de bonne volonté pour chercher à comprendre.
Notre fils a été souvent aidé, encouragé.
Cependant, certains restent fermés, voire hostiles à leur intégration, estimant qu’il n’est pas de leur travail, de leur ressort de les
prendre en charge. Ce sont les mêmes qui refusent de prendre
connaissance du dossier médical, n’hésitant pas à les humilier
devant la classe entière. Cet état d’esprit déplorable à l’heure
actuelle est très dur à vivre pour l’élève qui doit affronter ses
congénéres et faire admettre sa différence.
Il est vrai que ce handicap est extrêmement difficile à expliquer.
Bien sûr, il faut voir les enseignants, le professeur principal et
faire le point en début d’année. Parfois, on est bien reçu. Parfois,
beaucoup moins et il est alors extrêmement douloureux de ressentir une suspicion et qu’il vous soit fait grief de vouloir faire
arriver à toutes forces un élève qui n’en aurait pas les capacités.
Or, ce ne sont pas des priviléges que réclament les parents. C’est
simplement, la prise de connaissance du dossier médical et le respect des droits de l’enfant, comme un mal-voyant ou un mal
entendant, ni plus ni moins.
Les textes récents (circulaire d’organisation des examens pour les
personnes handicapés du 3 juillet 2003) permettent à ces enfants
d’obtenir le tiers temps et l’assistante d’une secrétaire en cas de
dysgraphie, très fréquente chez les dyspraxiques.
Le tiers temps est, disons, rentré dans les mœurs. Beaucoup plus
difficile est l’octroi d’une secrétaire et surtout d’une secrétaire
qualifiée.
Le respect des textes consisterait à la mise en place systématique :
du tiers temps
l’assistance d’un personnel qualifié pour toute épreuve soumise à évaluation.
Les parents ne doivent pas hésiter à solliciter le bénéfice de ce
régime.
Le système se heurte certes peut-être à un manque de moyens,
mais surtout à un manque de compréhension et de peut-être de
volonté par rapport à ce handicap.
Il semblerait que désormais l’on trouve du personnel qualifié pour
lire le braille ou comprendre le langage gestuel des malentandants.
Les dyspraxies elles, sont caractérisées par le trouble des fonctions praxiques de planification et de pré-programmation des
gestes, s’accompagnant de difficultés de perception visuo-spatiale, de difficulté d’analyse. Le langage oral reste souvent intact.
Le but des examens étant de vérifier et de contrôler les connaissances et la possibilité de réflexion du candidat.
Le personnel qui assiste un dyspraxique devrait donc être qualifié : soit des professionnels para-médicaux, soit des enseignants
qui ont une fonction spécifique connaissant cet handicap.
Il est absolument nécessaire de prendre conscience que toute
situation où l’élève se trouve pour composer dans un laps de
temps imparti le pénalise, ainsi que la présention et la qualité des
documents proposés.
Des moyens et des vrais moyens doivent être absolument mis en
oeuvre à tous les niveaux, y compris au niveau universitaire.
L’aprés-bac constitue réellement un autre monde : Actuellement,
en première année histoire, le contrôle continu pose un probléme
malgré l’octroi du tiers temps au niveau de la rédaction et de la
présentation des devoirs; ainsi qu’en amont dés la prise des cours.
Situation très regrettable car l’intérêt et la connaissance de la
matière sont pourtant là.
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Réadaptation N°522
La dyspraxie face au collège
Témoignage de Maïté et de Jean-Nicolas (20 ans)
Pas facile aux professeurs de comprendre cet handicap invisible
car bien souvent les élèves essaient de masquer, c’est le cas de
Thibault.
Donc il y a oubli d’une réunion éducative à l’autre ou il y a totale incompréhension de la nécessaire mise en place du projet
d’intégration individuelle scolaire. Nous avons même parfois
l’impression qu’on en fait fi !!
Sinon comment expliquer la persévérance à tout mettre en condition l’élève vers un échec assuré : faire un contrôle de maths en
cours d’espagnol, d’anglais quand il est écrit noir sur blanc sur le
PIIS qu’en mathématiques et géométrie pour cet élève, il faille le
plus grand silence afin qu’il puisse optimiser sa capacité de
concentration, conserver ses stratégies compensatrices !! Ce qui
conduit à anéantir tous les efforts de la famille vers une amélioration des résultats (cours particuliers, soutien familial dans les
devoirs, exercices en supplément etc...). Que d’efforts mis au placard ! quelle considération est placée dans l’effort fourni par cet
élève si particulier.
Pourquoi s’obstiner malgré la demande d’un 1/3 temps supplémentaire pour compenser la lenteur, la fatigabilité, la difficile concentration, à ne pas le mettre en oeuvre. Les résultats dans toutes les
matières sont nettement en deçà des capacités réelles de Thibault
et quand arrive l’heure de l’orientation : il est proposé des BEP dans
les domaines manuels (vu que l’intellect n’a pas l’air brillant) adieu
les études générales !! Mais pour un IMC et dyspraxique visuo-spatial ??? quelle est la filière manuelle à préconiser ??? orientation
par défaut, orientation sans prise en compte de l’élève dans sa difficulté propre, son handicap, sa globalité.
Chaque année sonne le glas de l’avenir qui devrait être celui de
Thibault. Chaque année nous devons réexpliquer les raisons de notre
refus. Chaque année, nous devons prouver que nous ne sommes pas
contre une orientation mais qu’elle soit réfléchie et adaptée !!
Chaque année pour l’instant, nous avons gagné au prix des heures
prises sur notre travail pour nous libérer et réexpliquer. Chaque
année nous craignons les conseils de classe qui pointent les difficultés sans avoir mis en oeuvre le nécessaire (PIIS).
Nous aimerions pour notre fils une projection qui soit compatible
avec ses désirs qui sont d’ailleurs compatibles avec ses capacités.
Il reste à inventer des filières intellectuelles ou inventer un cursus sur de plus longues années.
Nous savons que nos enfants ont des difficultés, une lenteur, nous
sommes nous, parents de Thibault, complètement conscients sur
le fait que Thibault devra prendre plus de temps pour obtenir un
diplôme, mais nous sommes aussi prêts à lui offrir ce temps.
Pourquoi doivent-ils sortir du système à un âge fixé selon une certaine normalité (quelle normalité ??).
Peu de choix d’orientation s’offre en fait pour un enfant dyspraxique après le BEPC par exemple. S’il est considéré comme ne
pouvant pas atteindre la seconde générale, il sera “dirigé” vers une
filière qui ne lui convient absolument pas. Nous voudrions des
études courtes qui soient inventées pour eux ! Ne pourrait-on pas
créer de nouveaux BEP type (aide-documentaliste, aide bibliothécaire), qui font appel à la culture générale que nos enfants ont de
façon généralement innée (car ils ont cette soif d’apprendre, de
connaissances) et peu de capacités à les restituer par écrit.
Le Collège est un endroit où certainement il faudrait inventer une
adaptation en effectif et je crois que cela pourrait être utile non
seulement à Thibault mais à tous les enfants ! (31 élèves par clas-
se c’est trop pour avoir une discipline surtout à la pré-ado).
Les PIIS sont souvent rédigés correctement par une équipe éducative, approuvé par les principaux de collège, mais aucun moyen
n’est mis en face pour le mettre en oeuvre (par exemple, il avait
été demandé un secrétaire pour Thibault à raison de 30 heures par
an pour l’aider au moment des contrôles de maths !). Nous étions
confiants, nous reprenions espoir. Nous sommes au mois de mai
et nous n’avons jamais vu ce “secrétaire”. Il n’est pas nommé car
il n’y en a pas !!!!
Avoir un enfant différent dans une société qui normalise au maximum n’est vraiment pas de tout repos. Tout au long de cette scolarité, j’ai trop souvent eu l’impression qu’on jouait avec mes
espérances, mes désespérances.
Voilà pour moi.
Yolaine maman de Thibault (épileptique IMC fruste et dyspraxique
Christophe
visuo-spatial)
Christophe dès la naissance présentait une légère hypotonie
(tenue de la tête, position assise, acquisition de la marche un peu
tardives.) Retard moteur accompagné d’un éveil intellectuel précoce : Très intéressé par les livres (lecture acquise en grande section de maternelle.)
C’est un enfant très éveillé, curieux, intéressé par des sujets de
“grand”, discutant comme un “grand”.
Christophe a été scolarisé normalement jusqu’au CE1.
Le niveau scolaire est acquis, mais face à son mal-être se traduisant par une régression dans son comportement, un isolement
important... Nous prenons la décision de le déscolariser et les
problèmes de comportements induits par sa souffrance vont être
prétexte à son orientation vers un institut de rééducation.
Avec la diminution de la pression scolaire au niveau de l’écrit,
Christophe retrouve progressivement confiance en lui. Mais il se
retrouve avec des enfants qui, eux, ont de gros troubles de comportements (violence, agressivité...) et ne lui permettent pas
d’avancer dans sa scolarité, d’où la décision d’une intégration
scolaire plus importante allant aboutir, à l’heure actuelle à une
intégration à temps complet avec les suivis (psychomoteurs,
orthophoniques et psychologiques) conservés au sein de
l’institut. Rien n’est adapté à son trouble mais lui s’adapte bien
et voit toujours le côté positif de chaque chose.
C’est par hasard, suite à la lecture d’un article de presse sur la
dyspraxie, que nous avons consulté un neuro-pédiatre et il fut
diagnostiqué seulement l’été dernier malgré tous les suivis mis en
place depuis la maternelle.
Christophe a repris goût à la vie après avoir compris nous-même
et lui avoir expliqué l’origine de ses difficultés, mis un nom sur
sa dyspraxie.
Nous avons alors entamé une véritable bataille :
Démarches auprès de l’IR sans aucun résultats pour essayer
d’expliquer le handicap (afin d’adapter au moins les suivis).
De nombreuses réunions avec les équipes de la CDES afin
d’adapter son orientation.
Lettres et demandes auprès du ministère de l’éducation nationale.
Différents rendez-vous auprès du conseil général.
Ce n’est donc qu’un an après le diagnostic que Christophe pourra
rejoindre son école avec un suivi et, je l’espère, un enseignement
adapté...
Nous n’avons pas fini de nos battre mais Christophe est un enfant
extraordinaire capable de grandes choses si seulement tout le
“Un combat qui vaut la peine même si ce
n’est pas facile tous les jours”.
monde n’était pas obligé de rentrer dans le même moule...
Depuis la toute petite enfance, Maxime a eu un parcours difficile,
tant dans sa vie scolaire que dans sa vie de petit enfant. Alertés
par une maîtresse au cours de sa deuxième année de maternelle sur
son comportement, retard en graphisme, en langage sur sa façon
d’être en classe, son équilibre, un groupe de travail a été organisé (médecin scolaire, psychologue, etc. ...), bref tous avec un titre
“ronflant” mais sans solution à nous apporter. Nous avons commencé divers examens, que de périples pour un enfant, avec un
bilan vous disant “mais votre enfant est normal”. Maxime a suivi le
cycle normal de l’école après un redoublement du CP, il était suivi
par le Rased, Orthophoniste et Psychomotricité à notre charge.
Deuxième cycle scolaire, évolution des difficultés, la directrice de
son école nous alerte à nouveau en CM2, nouveau groupe de travail pour parler de son passage en 6e. Un médecin scolaire qui
portait une attention particulière à Maxime nous a dirigés vers un
centre hospitalier de notre région pour voir un pédopsychiatre qui
a son tour nous a renvoyer vers l’hôpital national de saint Maurice
où maxime a subi un bilan complet pendant une semaine, au
terme duquel il nous ont annoncé une Dyspraxie Visio Spatiale.
Il est à ce jour suivit en Orthopties et orthophonie mathématico
logique vu ses lacunes en mathématique, il a enfin été déclaré en
ALD. Maxime est actuellement en 5e dans un collège où il se sent
isolé et mis à l’écart par ses camarades, et très mal vu par certain
de ses professeurs qui n’ont pas conscience du problème. Il ne bénéficie pas d’une AVS et nous savons que la CDES n’a pas été saisie.
Une réunion a été organisée au sein du collège au mois de novembre
entre l’équipe soignante de l’hôpital, médecin scolaire et l’équipe
enseignante, certains professeurs ont été réactifs, d’autres restent
sectaires, ses résultats étant moyen en fonction des matières.
Maxou, le diminutif de notre fils, baisse les bras depuis un trimestre, l’adolescence n’aidant pas, il est isolé, en dehors de son
seul copain qu’il a depuis la 6e. À ce jour il a du mal à suivre en
classe, et n’a pas assez de temps pour écrire ses cours en globalité, donne l’impression d’être tête en l’air, voir fainéant ou de
n’en avoir rien à faire, sachant qu’en plus il n’arrive pas à avoir
copie de ses cours ni pas les professeurs ni par ses camarades !
Nous, ses parents savons que Maxou est un enfant rempli de
connaissance, de vie, d’humour, avec une mémoire parfois étonnante, qu’il est impressionnant car il a conscience de son handicap et a une vision très avancée des choses de la vie.
Nous combattons depuis sa petite enfance pour l’aider, nous sentant seuls face aux gens indifférents qui nous entourent et ne
nous apportent absolument aucune aide, nous sommes certains
que vous nous comprendrez, et que pratiquement rien n’est fait
pour l’avenir de ces enfants !
Au-delà d’avoir pris connaissance par notre orthoptiste de votre
association, nous avons lu avec beaucoup d’attention les différents témoignages, et sommes heureux de rejoindre les ambassadeurs qui vont au devant des habitants de la planète “Exit”
dehors en anglais (dysphasique, dyspraxique, dyslexique ...) n’est
ce pas que bien souvent ils sont pris pour des extra-terrestres ?
Et combien de fois incompris ! Nous avons un oncle qui nous a
dit un jour froidement “mais tu es sûr qu’il est normal ton fils ?”
Le combat vaut la peine, ils nous le rendent bien nos petits martiens, même si ce n’est pas faciles tous les jours.
Nous espérons dans votre association pourra nous conseiller et
Réadaptation N°522
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le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
nous aider à continuer son parcourt sachant que le collège nous
a déjà fait comprendre qu’il ne pourrait pas garder Maxime l’année
prochaine !! Alors que faire ?
“Nous appréhendons le passage de
Stéphane en 6e l’année prochaine”.
Didier et Frédérique, parents de Maxime, 13 ans.
Stéphane est né à terme sans problème de santé neurologique
particulier. Il a marché à 12 mois et a été propre de jour à 2 ans
1/2 et de nuit à 4 ans. Il a parlé à presque 3 ans, du jour au lendemain. Il est passé sans transition d’une communication non
verbale mais expressive à une communication verbale construite
(sans passage par l’étape des mots phrases).
Stéphane n’a jamais exprimé le souhait de dessiner ou crayonner, par
contre il s’intéressait beaucoup aux dessins animés et films pour
enfants avec une grande capacité d’attention et de mémorisation des
scènes vues. Il a mis du temps pour apprendre à faire du vélo.
En moyenne section de maternelle, la maîtresse nous a convoqué
pour nous indiquer un retard dans le développement graphique de
notre fils. Nous avons rencontré le psychologue scolaire qui nous
a orienté vers le CMPP. Stéphane a été suivi pendant sa 3e année
d’école maternelle par une pédopsychiatre une fois par mois en
présence de sa mère. Un bilan psychomoteur (d’une séance) a été
réalisé par la psychomotricienne du service. Au bout de cette
année, le médecin nous a conseillé de faire suivre Stéphane en
psychothérapie car elle pensait que son retard graphique était dû
à un blocage psychologique dont nous ignorions encore la cause.
Pour notre part, l’hypothèse d’un blocage psychologique ne nous
satisfaisait pas. Nous penchions plutôt pour un problème physique.
Nous avons consulté, en médecine parallèle, un naturopathe, une
sophrologue, une kinésiologiste et un acuponcteur. Tous ont tenté
d’apporter une aide à Stéphane mais aucun n’a réussi à le “guérir”.
Stéphane savait lire à l’entrée au CP. Sa maîtresse était très
ennuyée par le contraste entre ses capacités intellectuelles et ses
difficultés graphiques. Nous avons alors pensé à un problème de
vue. Nous avons consulté une ophtalmologiste spécialisée dans
les problèmes oculaires des enfants. Elle n’a diagnostiqué aucun
trouble de la vision. Nous avons ensuite pensé que Stéphane était
“paresseux” et nous l’avons forcé à écrire en espérant qu’avec
l’apprentissage, son écriture allait s’améliorer. Il n’en fut rien.
D’une séance à l’autre, les lettres écrites étaient de nouveau mal
formées. Son écriture s’est un peu améliorée avec l’âge mais sans
aucune comparaison avec celle des enfants de sa classe d’âge.
L’école primaire de notre quartier est une petite structure avec 3
classes et des enseignants qui font peu faire de travail écrit aux
enfants en dehors du temps scolaire. Le travail sur fiches photocopiées est privilégié. De plus, nous sommes en contact régulier
avec l’enseignant (qu’il a pour la 3e année consécutive) et qui
juge les compétences et acquisitions scolaires de Stéphane plus
sur le fond que sur la forme.
En classe de CM1, la psychologue scolaire lui a fait tout de même
passer un test d’efficience qui a bien montré un décalage entre
ses capacités verbales et celles nécessitant des capacités
d’abstraction dans l’espace (incapacité à créer une figure géométrique). Il n’arrive pas à tracer un trait droit et à reproduire une
figure simple sans aide.
Stéphane a besoin d’être soutenu individuellement. L’enseignant
doit régulièrement l’interpeller pour qu’il s’intéresse au travail à
faire et qu’il ne soit pas trop lent dans la réalisation de ses
56
Réadaptation N°522
devoirs. Sinon il semble plongé dans une profonde rêverie ou captivé par un magazine, une BD ou un film.
Il en est de même à la maison. Toutes les activités quotidiennes
lui pèsent. Se laver, manger correctement (couper sa viande),
s’habiller (il ne sait pas lacer ses chaussures), sont difficiles pour
lui. Il court, nage ou fait du vélo de façon “désordonnée”. Il a du
mal à tenir un plateau chargé ou un verre rempli sans le renverser.
Par contre, il est plus à l’aise avec la souris et le clavier de
l’ordinateur, la manette des jeux vidéo ou les baguettes pour
jouer de la batterie.
Sa mère reste les mercredis avec lui pour l’aider à faire son travail, l’accompagner à des activités comme la natation, la batterie
ou l’athlétisme.
Stéphane doit normalement passer en 6e l’année prochaine mais
compte tenu de ses difficultés graphiques, nous appréhendons
beaucoup ce passage.
Nous avons enfin obtenu un diagnostic au Kremlin-bicêtre.
“ On apprend à vivre avec la dyspraxie”.
Mélanie, 18 ans, en classe de terminale STT, option commerce.
Je m’appelle Mélanie, j’ai 18 ans, et je suis en classe de terminale STT, option commerce. J’ai découvert que j’étais dyspraxique à
14 ans en classe de 3e grâce à une orthophoniste. Mes parents
m’ont toujours considérée comme maladroite, allant même jusqu’à
croire que je le faisais exprès.
Lorsque j’étais en maternelle, j’avais beaucoup de difficultés à
découper, coller, colorier... (j’en passe). Je me sentais différente
mais sans jamais en parler autour de moi.
J’ai toujours eu de bons résultats à l’école, j’ai même passé la
classe du CP. J’ai su lire, en effet, très tôt mais à côté de cela,
j’étais incapable, à 10 ans, de rentrer seule chez moi ou encore
d’ouvrir ou fermer une porte à clef.
Au collège, tout s’est compliqué. Les mathématiques se sont énormément compliquées et j’ai vite perdu pied. La technologie me posait
également problème pour tout ce qui était travail de précision.
Je suis passée devant une commission CDES et ils m’ont attribué
l’AES pour taux d’incapacité de 50 %. Après cette commission, j’ai
craqué. Je me sentais franchement stupide, je me suis rendu
compte que je n’étais pas comme les autres. 3 jours après cette
commission, j’ai été hospitalisée pour tentative de suicide.
Après cette hospitalisation, et un temps de repos où j’ai arrêté les
cours, une rééducation s’est mise en place, alliant l’aide d’une
psychomotricienne, d’une ergothérapeute et d’une psychologue.
Les progrès ont été longs à venir mais je ne me suis jamais découragée. Cela n’a pas toujours été facile, mais j’ai réussi à pallier
certains de mes problèmes. Cette année scolaire-ci, j’étais en
seconde, j’ai arrêté les cours en novembre et je les ai repris à mitemps en mars, je suis tout de même passée en première car malgré tout, mes notes étaient très bonnes.
Aujourd’hui, je suis en terminale, mes notes sont maintenant
excellentes, j’ai même, pour la première fois de ma vie, la moyenne en mathématiques. Après avoir décroché mon bac, j’envisage
de faire une fac de langue pour ensuite rentrer à l’IUFM et devenir prof. J’ai encore quelques soucis car la dyspraxie ne se guérit
pas, mais on apprend à vivre avec. Ce n’est pas tous les jours évident et j’ai encore parfois du mal avec le regard des autres lorsque
je n’arrive pas à faire un acte du quotidien comme fermer un robinet du premier coup ou quand je trébuche souvent.
Mais désormais, j’envisage mon avenir avec optimisme et je suis
très heureuse de la vie que je mène.
“ Ma dyspraxie”.
Thomas Ricard (14 ans).
Pour moi, la dyspraxie est un handicap trop mal connu, insupportable
et profondément gênant pour bien des choses dans la vie de tous les
jours. Elle me rend maladroit (je ne peux pas m’empêcher de courir
partout où je vais, je suis incapable de bien coordonner mes gestes,
quand je prends quelque chose comme un verre, parmi une bonne
rangée très serrée de verres, je risque d’en renverser un je ne suis pas
doué en sport, j’ai du mal à me tenir droit, je suis pratiquement incapable d’écrire avec un crayon, j’ai du mal à manger “proprement”,
mon organisation est catastrophique (je perds tous mes affaires), les
maths, surtout la géométrie, me posent beaucoup de problèmes, j’ai
du mal à me repérer dans le temps...). Je crois bien que je suis né
dyspraxique, né grand prématuré à 29 semaines, né avec mon
jumeau, William, qui, miraculeusement se porte parfaitement bien.
On m’a également trouvé une hémorragie cérébrale à 2 jours. Pour
faire face à mes problèmes, je bénéficie de beaucoup d’aide (d’une
AVS pour laquelle j’éprouve de la profonde gratitude, de beaucoup de
rééducation (orthophonie, orthoptie, kinésithérapie, soutien psychologique, d’ergothérapie, et des cours particulier en maths), et d’un
ordinateur portable pour remplacer le stylo et la feuille. Autre problème notable, ma différence d’avec les autres (l’année dernière, on
se moquait beaucoup de moi mais cette année, ça va parfaitement
mieux) : ils ne comprennent pas ma différence, en prennent peur et
me rejettent, comme toutes les autres différences. J’étais rejeté
même quand j’étais petit, par camarades et institutrices, ce qui n’est
quand même pas rien ! Je ne pouvais pas jouer aux même jeux que
les autres et je ne pensait pas comme les autres. J’ai d’autres centres
d’intérêt : il ne doit pas y avoir beaucoup d’adolescents qui sont passionnés d’histoire, de l’histoire du cinéma, qui connaissent tout de
Groucho Marx et Charlie Chaplin ! Mais malgré cela, je vois un avenir
plutôt rassurant :je ne sais pas si j’arriverai à conduire une voiture
un jour, mais j’ai la certitude que je serais indépendant et que j’aurais
un bon métier. Mon rêve est de devenir romancier (j’ai commencé
plusieurs romans, des romans d’aventure et des romans policiers) et
acteur, directeur et scénariste pour le cinéma et la télévision. Le
message que je désire adresser aux autres est que : malgré tous ces
problèmes, il faut me traiter, et tous les autres dyspraxiques, en égal
et non pas comme un pauvre malade. Réussissez cela et je vous promets sur ma parole que vous aurez une colossale gratitude de ma
part.
Des précisions de Fiona, mère de Thomas
En CM2, Thomas a la directrice comme institutrice, et elle soutient
l’utilisation d’un ordinateur pour Thomas, car il a de plus en plus mal
à écrire ; tout ce qu’il produit est illisible, mais parfait au niveau
grammaire et orthographique. Il n’a pas d’ordinateur attitré, mais il
peut utiliser la machine de la classe. Un grand bon en avant pour
lui. Je voudrais ajouter que nous sommes aussi très rassurés par les
communications régulières entre l’équipe thérapeute et l’école.
Thomas aborde sa 6e dans de bonnes conditions. Il a fait une très
bonne 6e, grâce à l’aide de professeurs très compréhensifs, et à
l’intervention de la conseillère d’éducation, qui l’aide à gérer son
emploi du temps, vérifie ses cahiers, qu’il a bien pris ses leçons, les
devoirs. On lui attribue un ordinateur portable, et c’est la grande
joie. L’orthophoniste utilise le mot “dyspraxie” de plus en plus. Mais
nous pensons faire tout le nécessaire pour la prise en charge de
Thomas. À la fin de la 6e, il est pratiquement autonome. Je rajoute
que Thomas n’était pas le seul enfant “différent” dans ce collège,
mais il y avait la place pour d’autres enfants en difficultés (maladies
orpheline, cancer, handicap moteur léger...).
Voilà pourquoi nous étions si surpris quand mon mari a de nouveau été muté, cette fois, à la réaction de son nouveau collège.
Nous déballons encore l’histoire de Thomas pour le directeur et
une partie de l’équipe pédagogique, mais cette fois la réaction est
très hostile. Travailler avec un ordinateur, “Comment ça il ne peut
pas écrire ? Il peut s’il veut ! Quelle idée ! Mais il faudrait le placer à côté d’une prise ! Cela va être difficile à organiser, les salles
sont trop petites ! Mais qu’est-ce qu’il a votre fils ? Nous n’avons
pas les moyens ici, vous savez.”
À la rentrée de sa 5e nous n’avons toujours pas de diagnostic
concret, mais sa nouvelle orthophoniste nous envoie enfin à une
bonne adresse. Un neuropédiatre qui m’annonce que notre fils a
une spasticité moyenne dans les jambes, qu’il est “atteint” du
bassin jusqu’aux pieds (et bien, Thomas a été très régulièrement
suivi par des pédiatres - pourquoi ce problème n’a pas été décelé
auparavant), enfin, ce premier diagnostic est qu’il a une dyspraxie
visuo-spatiale sévère et d’autres tests vont suivre. L’orthoptiste
révèle qu’il a aussi un problème neuro-visuel (là, stupéfaction, car
la lecture ne lui a jamais posé de problème, au contraire, mais
ceci expliquait beaucoup de choses sur la mauvaise copie des
leçons depuis le tableau, qu’il a du mal a trouver des objets,
même guidé verbalement, sa maladresse...), et l’IRM cérébrale a
révélé bien des lésions dans les deux régions périventriculaire.
Nous étions à la fois soulagés par ce diagnostic, mais aussi très en
colère, car nous n’avons jamais cessé de chercher des réponses à
nos questions, mais nous étions sans cesse orientés vers le “psy”.
Je pense que la psychiatrie a tout à fait sa place, mais les problèmes de Thomas sont avant tout médicaux. Quel gâchis d’énergie,
de temps, de ressources publiques, et notre fils, qui aurait pu bénéficié de thérapies spécifiques depuis toutes ces années !
L’année dernière, en 5e, a été épouvantable pour Thomas. Il y avait
un rejet général de son collège, moqueries en tout genre (et pas
seulement de la part des élèves !!), qui ne voulaient pas de nos
explications, et ne voulaient surtout pas s’engager à l’aider. Nousmêmes, parents étaient soupçonnés d’avoir ”caché la vérité” du handicap de Thomas - eh oui, ce vilain mot a fait son entrée dans notre
vocabulaire. Il a fallu se battre très dur, tous les jours. J’ai fait intervenir le médecin scolaire (le directeur m’a dit qu’il n’y en avait pas
- mais je l’ai trouvé grâce à DMF), et un dialogue contradictoire s’est
installé entre le collège et le médecin, nous au milieu, encore. Le
médecin scolaire me disait que le directeur ne voyait pas de raison
d’intervenir dans son établissement, auprès de Thomas, qui allait
très bien, avait de bonne notes - “c’est la mère qui en fait toute une
histoire”. Le directeur est allé chercher son ordinateur Handiscol,
mais certains professeurs étaient farouchement opposés à son utilisation dans leur classe. Ces mêmes professeurs ne lui laissaient pas
aller imprimer son travail – il devait descendre deux étages pour
aller au secrétariat – à rendre en classe et s’il était trop lent, ou bien
il n’avait pas la permission – un zéro suivait vite derrière. Au mois
de mai, nous étions convoqués par le directeur qui nous a dit qu’il
ne souhaitait plus accueillir Thomas, qu’il n’y avait pas sa place,
nous parlons vaguement d’un établissement peut être plus adapté à
70 km de chez nous. Heureusement, il y avait quand même quelques
personnes qui le soutenaient, mais qui malheureusement ne
pesaient pas très lourd. Je pense que le collège a finalement compris que nous n’allions pas partir comme ça, que nous croyions que
Thomas avait bien sa place dans un établissement “normal” (il avait
12 de moyenne générale !). C’est bien grâce à l’appui très fort du
médecin scolaire, et aussi du médecin psychiatre qui suivait Thomas
qu’il a obtenu une AVS pour sa 4e.
À la fin de cette année scolaire si pénible, une réunion a eu lieu en
présence de la nouvelle équipe pédagogique (réunis spécifiquement
autour de Thomas parce que ce sont des gens plus ouverts et com-
Réadaptation N°522
57
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
préhensifs, sensibles aux problèmes de Thomas), le médecin scolaire et nous les parents. Un tableau très noir était peint de Thomas
pendant la réunion, de sa dyspraxie. On a même posé la question,
“en mathématiques, vu les difficultés, est-ce que ça vaut le coup de
continuer avec lui ?”, nous avons répondu avec un OUI très ferme,
car nous voyions, de temps en temps des lueurs d’espoirs.
Depuis la rentrée 2004 - 2005, Thomas a une AVS et une équipe très
motivée derrière lui. Lors, de la réunion parents - profs au mois de
novembre 2004, sa professeur de maths nous racontait comment il
est maintenant placé 9e dans sa classe en maths (30 élèves), qu’il
met en place des méthodes de compensations un peu particulières,
mais qui marchent. Preuve qu’il faut toujours espérer, ne jamais
abandonner. Cette année il souffle, nous soufflons tous. Son AVS
est merveilleuse, juste la bonne dose d’aider, et ne pas trop assister. Ses notes ont bien décollés dans le bon sens. Mais surtout, il
est heureux, participe pleinement à la vie de classe (les accrochages verbales, moqueries ont cessé depuis qu’il s’est exprimé à la
télévision sur le plateau de Ça Se Discute). Il devient très indépendant, réclame de faire tout seul - même si nous sommes discrètement derrière, et son AVS aussi. Grâce aux thérapies spécifiques (orthoptie, orthophonie, ergothérapie depuis peu, kiné, et
psychiatrie - qu’il a demandé d’arrêter, car il n’avait plus rien à dire)
en un an il a fait d’énormes progrès. Si seulement on avait pu commencer ces thérapies spécifiques plus tôt, je suis sûre que Thomas
n’aurai pas une dépendance totale à l’ordinateur, il n’aurait pas eu
une enfance aussi difficile, qu’il ne méritait pas.
Voilà notre histoire. C’est un peu long, comme notre parcours vers
un diagnostic correct.
Françoise, professeur des écoles
Benjamin était notre premier enfant, il a marché tard, c’était un bébé
calme. Il a été suivi tôt en ophtalmologie pour son nystagmus (dépisté dès la créche), il tombait souvent, ne cherchait pas à manger seul,
descendait difficilement les marches, avait peur des bruits. Il courait
de façon désordonnée ce qui nous inquiétait. Il avait 3 ans lorsque la
maîtresse de petite section m’a alertée sur son comportement : “Je
me rappelle encore du premier collage de Benjamin : une fiche raide de
colle avec juste 2 ou 3 papiers dans une pomme !” “Ton fils a renversé
le pot de colle, me disait ma collégue. Il n’aime que le coin voiture ou
le moment des histoires et encore s’il est près de moi”. Mon petit garçon ne réussissait pas ses fiches de travail en moyenne section pourtant il connaissait beaucoup de choses : les couleurs, les chiffres, les
figures géométriques, il retenait des noms compliqués de dinosaures
ou des mots scientifiques exemple les macrophages de la lymphe.
Dans le couloir, je reconnaissais immédiatement ses travaux de graphisme fait à la peinture : seul le premier modèle tracé avec la main
de la maîtresse ressemblait à un escargot ! La maîtresse nous a dit :
“Il est né en octobre, il manque de maturité, il a encore besoin de jouer,
faites-le redoubler“. Deuxième moyenne section : il avait envie de participer aux activités mais se lassait rapidement, et ne se débrouillait
jamais seul. Puis peu à peu, mon petit garçon souriant et heureux a
commencé à dire non à la maîtresse, il réalisait qu’il ne réussissait pas
ses fiches comme les autres. Il avait mal au ventre et ne voulait plus
aller à l’école. Le pédiatre nous a alors conseillé de faire un bilan en
Camsp ou en CMPP, le médecin du CMPP nous a vaguement parlé de
troubles des praxies : J’ai pensé “Ah... c’est pour cela qu’il n’arrive pas
à pédaler, c’est pour cela que quand il est fatigué il n’arrive plus à porter la cuillère à la bouche, c’est pour cela qu’il a du mal à reboucher ses
feutres !” La psychomotricienne insistait sur le côté psychologique :
il a une petite soeur, vous attendez un autre enfant, vous le couvez
58
Réadaptation N°522
trop.. Laissez-le à la cantine, cela va le décrocher de vous ! on nous
a même conseillé de le mettre dans une institution à plus de 100 Km
de chez nous : un petit bonhomme de 6 ans !!!
Sur le conseil de l’orthoptiste, nous avons emmené Benjamin chez
un neuropédiatre en libéral qui a diagnostiqué une dyspraxie visuospatiale constructive et a préconisé une scolarité normale avec
ordinateur, accompagnement par un AVS et suivi par un SESSAD
(handicap moteur). Nous avons transmis ce bilan à l’école, au
médecin scolaire pour préparer la grande section de Benjamin.
Première équipe éducative en octobre, on aurait dit que le mot
dyspraxie était inconnu. On nous proposait d’orienter Benjamin
vers une clis fourre-tout, tous disait surtout pas d’accompagnateur
(malgré la lettre du neurologue), cela va l’infantiliser !
Par un concours de circonstances, le médecin scolaire a assisté à une
conférence du Dr Mazeau et a enfin compris les répercussions scolaires
des dyspraxies et nous aidé. Je me suis alors documentée et, j’ai peu
à peu trouvé les clés pour décoder le fonctionnement de mon enfant
: chaque geste lui coûtait, même le fait de fixer, parcourir avec ses
yeux lui demandait un effort important. Nous avons proposé une
pédagogie adaptée. Il est en CE2 avec une maîtresse qui est très
attentive, il est accompagné par une AVS, a un ordinateur portable, il
a enfin une place en SESSAD handicap moteur, l’ergothérapeute lui
apprend à utiliser le clavier avec une méthode adaptée.
Témoignage d’un professeur de dessin.
L’enseignant de la discipline : Arts Plastiques (désormais renommés : Arts Visuels) fait acquérir des connaissances, des repères
(époques, civilisations et sociétés), des termes de vocabulaire
plastique, petit savoir-faire (approche de techniques) ; l’élève
devra être capable de : regarder, se repérer, s’exprimer... avec
tolérance et curiosité. Il s’agit d’éducation.
Quand l’enseignant est un plasticien (engagé dans la pratique
artistique), il “joue le jeu” de l’Education Nationale ; il en accepte les règles et les objectifs, s’adapte, s’efforce de...
Mais la priorité est peut-être plus souvent donnée aux différences
d’attitudes, à l’émergence de réponses personnelles aux situations
provoquées. Quand les conditions “ambiantes” le permettent, le
dialogue qui s’engage a lieu entre 1 enfant et 1 adulte, tous les 2
interpellés dans leur créativité, face à la problématique artistique
abordée dans l’instant. Si “l’effervescence” de la pensée intervient :
le questionnement, le plaisir de “sa” solution, de l’expérience à
tenter (dont l’envie devient impérieuse), j’avance l’hypothèse que
l’élève (dyspraxique, dans le cas de Lionel) est à ce moment précis
un individu créatif (et créateur), demandeur d’une parenthèse dans
le système éducatif, plus qu’un élève en situation d’apprentissage.
Il éprouve la nécessité du “faire à ma façon”.
Le rôle de l’enseignant est alors -d’aider à trouver l’argumentation
(pour se situer dans le contexte : question,consignes,réponse),
d’éviter la dispersion ou le manque de réalisme (par rapport aux
contraintes matérielles, par exemple),
de faciliter le choix de l’outil approprié.
Son rôle est aussi de valoriser “la trouvaille”, de l’à propos de la
réponse, de l’appropriation réussie de la proposition initiale faite
à l’ensemble de la classe.
(appropriation réussie par un détournement éventuel : révélateur
de créativité, par la conscience, appliquée, du : “ce qui n’est pas
interdit est permis” : autrement dit la capacité de l’élargissement
des “possibles” (réflexions et techniques). L’individu éprouve
alors le plaisir que son travail soit évalué, en éprouvant, sans
doute aussi, le soulagement d’être compris et apprécié.
Les dyspraxiques rejoignent la FLA
(Fédération française des troubles spécifiques
du Langage et des Apprentissages)
C
’est en 1998 que la FLA a été créée à l’initiative d’associations de parents et de
professionnels concernées par les troubles spécifiques du langage oral et écrit, en
particulier dysphasie et dyslexie, et des apprentissages.
Elle regroupe désormais environ 3500
membres. Certaines associations interviennent par référence à un trouble spécifique du langage et des apprentissages
(dyslexie, dysphasie, dyspraxie, troubles
des enfants suivis en neurochirurgie)
d’autres s’adressent à des publics ciblés
(enfants de 2 ans1/2 à 6 ans ou enfants de
niveau scolaire, à partir de 6 ans) présentant des difficultés d’apprentissage et de
retards d’acquisition du langage.
Les associations fédérées au sein de la
FLA ont d’abord travaillé sur les problèmes concernant les enfants (dépistage,
prise en charge précoce, pédagogie adaptée,..) Elles élargissent aujourd’hui leur
domaine d’intervention en direction des
adolescents et des adultes. Les personnes
concernées par ces difficultés ont des
profils très variés qui vont d’un simple
retard à un handicap avéré. Le handicap
entre alors dans ce que la nouvelle loi sur
l’intégration des personnes handicapées
intègre dans la notion de “handicap
cognitif”.
La FLA entend favoriser une concertation, une collaboration et une synergie
optimale entre les associations adhérentes, et leur assurer une représentativité nationale, condition de la légitimité de
ses interventions auprès de ses interlocuteurs privés ou publics. Elle entreprend
de mettre en place des projets communs,
de favoriser la diffusion de l’information
et les initiatives de recherche.
Son objectif est d’être un relais
entre associations, organismes et
institutions.
Il est de sensibiliser les pouvoirs publics
sur ces troubles et leurs conséquences en
terme d’insertion sociale et professionnelle des enfants, adolescents et adultes
atteints, et de santé publique.
Quelques actions de la F.L.A.
Il s’exerce autour de trois axes :
participation aux travaux du rapport
reconnaissance de
la spécificité des
troubles du langage écrit ou oral et des
apprentissages, et leur prise en compte
dans les textes de loi relatifs aussi bien à
l’école, qu’en terme de santé publique en
faveur des personnes en situation de handicap,
prise en charge adaptée au sein de
l’école, puis en vue d’une formation professionnelle,
prise en compte des préoccupations
des familles à tous les niveaux pouvant les
concerner.
Son activité intervient également à trois
niveaux :
écoute des difficultés et des attentes des
familles, par le biais des associations, qui
en sont le relais,
veille sur les projets prévus au niveau
national concernant les enfants et les
jeunes atteints de ces troubles,
intervention constante auprès des ins-
tances publiques et organismes para
publics afin d’obtenir la mise en place de
mesures adaptées.
La FLA s’efforce enfin de développer des
relations avec les Fédérations nationales
ou internationales partageant ses préoccupations.
1997 - 2000 : Interventions auprès des
parlementaires et des ministères pour un
reconnaissances des troubles spécifiques
du langage et des apprentissages
Ringard,
organisation d’un colloque à la
Sorbonne avec la FNO (Fédération
nationale des orthophonistes) en présence de représentants des ministres de
l’Education nationale et de la Santé qui, à
cette occasion, annoncent la volonté du
Gouvernement de mettre en œuvre les
préconisations du rapport Ringard
21 mars 2001 : obtention d’un “plan
d’action interministériel pour les enfants
atteints d’un trouble du langage”
2001 - 2003 : Actions pour
l’application du plan
nouvelle intervention auprès des parle-
mentaires en 2003
participation à des colloques
2003 - 2005 :
Action en faveur de l’orientation et de
la formation professionnelle
Édition du guide “Jeunes en situation
en handicap, de l’école vers l’emploi”,
élaboré par la FLA et AAD France (association Avenir Dysphasie) – éditions
Fabert et diffusion auprès des réseaux
concernés de l’ONISEP
Enquête auprès des associations sur
l’application dans les départements des
mesures du plan d’action : éléments positifs et points à améliorer.
Réadaptation N°522
59
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
le Dossier
LES ENFANTS DYSPRAXIQUES
LES ASSOCIATIONS ADHÉRENTES À LA F.L.A.
FLA (Fédération française des troubles spécifiques du Langage et des apprentissages)
43, avenue de Saxe - 75007 Paris
e-mail : [email protected]
AAD (ASSOCIATION AVENIR
DYSPHASIE)
“Parce que tous les enfants ont la parole”
Dans un premier temps, c’est pour répondre à la
difficulté que rencontrent les enfants dans leur
scolarisation que l’association Avenir Dysphasie
a été créée en avril 1992.
Comme d’autres parents, les parents-fondateurs
avaient constaté qu’il n’existait pas de réponses
adaptées pour assurer une scolarisation “particulière”, “spécifique” pour leurs enfants. Ils ont
réuni autour d’eux un groupe de parents puis de
professionnels qui ont rédigé un projet de prise
en charge spécifique.
Les débuts de l’association ont été l’occasion de
mettre en place un fonctionnement structuré,
par projets, circulation organisée de
l’information, relations étroites avec les professionnels, construction d’un réseau d’antennes,
rencontres régulières...
Les antennes (actuellement au nombre de 17)
sont des associations à part entière, autonomes
dans leur fonctionnement et liées à AAD France
par une convention.
Toutes portent le même nom, utilisent le même
logo, fixent ensemble leurs objectifs, portent les
mêmes valeurs, toutes se préoccupent de dysphasie.
Les actions nationales sont portées par Avenir
Dysphasie-France.
Les actions de terrain restent propres à chaque
antenne, la notion de secteur géographique est
essentielle : il faut trouver des solutions dans
l’environnement proche des enfants (les orthophonistes, les lieux de diagnostic, les écoles...)
Avenir Dysphasie publie trois fois par an un
journal “Parole, Paroles” à l’intention de tous
ses adhérents et donne rendez-vous sur son
site : www.asso-dysphasie.fr
AVENIR DYSPHASIE-FRANCE et ses antennes :
AAD France
108 ter, avenue Foch
78100 Saint-Germain-en-Laye
Tél./Fax : 01 34 51 28 26
http://www.avenir-dysphasie.asso.fr
[email protected]
ACTION LANGAGE 29
Action langage 29 a été créée en 1997 à
l’initiative de parents d’enfants dysphasiques et
de professionnels. Elle intervient en Bretagne
(région de Quimper)
Ses objectifs et ses activités visent à :
recenser les besoins dans ce type de pathologie dont la prise en charge actuelle paraît bien
insuffisante,
assurer le relais entre établissements spécialisés et familles,
susciter des projets novateurs permettant au
delà d’une simple acquisition des apprentissages
la création d’espaces de rencontres et
d’échanges.
ACTION LANGAGE 29
Le Moulin Neuf 29670 Taulé
Tél. : 02 98 54 83 12 et 02 98 54 64 85
http://www.action-langage-29.fr.st
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Réadaptation N°522
APEDA (Association française de
parents d’enfants en difficulté
d’apprentissage du langage écrit ou
oral)
Deux mères d’enfants dyslexiques de 8 ans sont
à l’origine de la création Apeda France en 1982.
L’objectif de l’association est d’améliorer le sort
des dyslexiques en particulier pour éviter à
d’autres parents de méconnaître la cause réelle
de l’échec scolaire de leurs enfants afin de commencer le plus tôt possible une rééducation
orthophonique adaptée.
Apeda-France organise des conférences, a une
écoute téléphonique, répond à de nombreux
courriers, publie trois bulletins d’informations par
an, ainsi que des bulletins Hors-Série tels que
“Comment aider le dyslexique en classe” HS4,
“Des conseils pour les parents d’enfants dyslexiques” HS5, “Le Tiroir coincé ou comment
expliquer la dyslexie aux enfants” HS6.
Depuis le début de sa création, les contacts avec
les associations de parents d’enfants dyslexiques
d’Europe et d’Outre-Atlantique sont nombreux et
fructueux. Le document de 80 pages “La dyslexie
à l’étranger” en résume l’essentiel.
Les antennes d’Apeda-France organisent des
conférences et des rencontres avec écoute téléphonique. À titre d’exemple une des antennes a
ouvert un atelier d’écriture pour adultes dyslexiques “n ecrilibre”.
APEDA et ses antennes
APEDA France (Association française de Parents
d’Enfants en Difficulté d’Apprentissage du langage
écrit et oral)
3bis, avenue des Solitaires 78820 Le Mesnil Saint-Denis
Tél. : 01 34 61 96 43
http://www.ifrance.com/apeda
CLES DE DYS
L’association Clés de Dys, fondée en 1998, est
née de la volonté de parents, praticiens et amis,
qui refusent d’accepter l’exclusion des enfants
atteints de ces troubles.
Son objet est d’apporter :
une aide morale, matérielle et financière, si
nécessaire, à la scolarisation et rééducation de
personnes atteintes de troubles cognitifs et de
troubles d’apprentissage, et plus généralement à
améliorer leurs conditions de vie, d’éducation,
de travail et d’avenir ;
une assistance juridique aux familles dans leurs
démarches pour l’obtention des aides auxquelles
elles ont droit, aux structures éducatives, sportives et médicales d’accueil pour ces personnes.
CLES DE DYS
101, avenue de la Marne 92600 Asnières
http://perso.club-internet.fr/bajoul
DMF (Association Dyspraxique Mais
Fantastique)
Son objectif vise à :
rassembler, informer et aider toutes les
familles touchées par la dyspraxie,
inciter les médecins, psychologues, pédagogues à s’interroger sur ces enfants “déroutants”, afin qu’ils soient diagnostiqués de maniè-
re précoce, puis pris en charge de manière adaptée et suivant un cursus scolaire normal,
alerter les pouvoirs publics afin que la dyspraxie soit reconnue comme un handicap à part
entière avec ses spécificités et que s’en suivent,
la formation de rééducateurs spécialisés,
la création de classes adaptées ou de tout autre
dispositif permettant de garantir à ces enfants une
scolarité normale et une formation professionnelle
leur permettant d’accéder à l’autonomie.
DYSPRAXIQUE MAIS FANTASTIQUE
8, chemin des Eycellets 30150 Montfaucon
Tél. : 06 16 74 96 38
[email protected]
http ://www. dyspraxie.info
ECLORE
Eclore a été créée en 1990 à Paris, à l’initiative
de parents confrontés à des difficultés
d’insertion scolaire de leurs enfants atteints de
troubles d’apprentissage.
Une structure éducative a alors été mise en
place, qui accueille chaque jour, par petits
groupes, des enfants de 2 ans et demi à 6 ans.
Les enfants sont d’intelligence normale ou subnormale, non porteurs de déficience sensorielle
ou motrice sévère et ne présentent pas de
troubles de comportement au niveau de développement, ce qui doit leur permettre de participer à une action éducative de groupe.
L’objectif est de soutenir le développement
cognitif et psycho-affectif des enfants et de
favoriser leur épanouissement social et scolaire
grâce au projet pédagogique d’ECLORE. Ce projet
s’appuie sur la valeur interactive du groupe. Il
est conduit par une équipe de professionnels
composée d’orthophonistes, de psychomotriciennes et d’une psychologue.
ECLORE a reçu en mars 2005 un agrément de la
Ville de Paris, au titre d’établissement d’accueil
collectif, du type halte garderie. Elle accueille
dans ce cadre 30 % d’enfants en situation de
handicap, en accord avec son projet initial.
ECLORE
144, rue du Théâtre 75015 Paris
Tél. : 01 40 58 15 46
TETE EN L’AIR
Créée en 1999 par des parents par et pour des
parents dont l’enfant est ou a été suivi en neurochirurgie.
L’objectif est de favoriser, avec les équipes soignantes, la réinsertion scolaire, familiale, sociale et professionnelle de l’enfant.
Au quotidien, l’association :
accompagne les familles dans la résolution de
leurs difficultés après l’hospitalisation ;
“alerte” sur les difficultés d’apprentissage que
peuvent rencontrer les enfants et la nécessité
de leur prise en charge,
informe les parents et l’entourage de l’enfant
par la publication d’un guide, par la mise en place
d’un site Internet et par un bulletin semestriel.
TETE EN L’AIR
25bis, rue d’Alsace 78100 Saint Germain en Laye
tél/fax : 01 34 51 35 95
http://www.teteenlair.asso.fr
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