Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias 1 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Sommaire Introduction p.3 L’influence de la publicité au sein des entreprises médiatiques p.4 (Alice LEMAITRE, Marie LINOS, Ludovic MARTINS, Lisa MORELLI) Les sources de financement alternatives accessibles aux médias p.17 (Laura SIERRA ALVAREZ, Dominika SMETEK, Fabian VAN BOTERDAEL, Daphni VAN HEGE) Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique p.31 (Danaé BALTSAVIAS, Olivier BLONDEAU, Tom PAMART, Laure RAIMONDI) p.47 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Conclusion 2 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Introduction La société actuelle est marquée par un capitalisme persistant ; la recherche du profit constitue dès lors un objectif de plus en plus décisif pour les entreprises. Afin de parvenir à engranger toujours plus de bénéfices, la plupart des groupes médiatiques utilisent la publicité comme source de financement principale. Celle-ci occupe donc une place prédominante dans les publications actuelles et cela s’avère, dans certains cas, négatif d’un point de vue déontologique car les annonceurs peuvent considérablement influencer le contenu éditorial des articles de presse. Pour cette raison, certains médias décident de l’évincer totalement ou partiellement afin de bénéficier pleinement de leur liberté journalistique. Dans ce dossier, nous allons tenter de comprendre les motivations qui poussent certains médias à refuser d’être financés par la publicité. Premièrement, nous nous focaliseront sur l’influence de cette pratique au sein des entreprises médiatiques. Nous analyserons pour ce faire les relations complexes qu’entretiennent les groupes de presse avec les annonceurs publicitaires. Nous reviendrons donc sur l’historique de la publicité, ses logiques économiques et la façon dont elle est définie par la société .Nous comparerons également notre modèle avec celui des Etats-Unis ; et exposerons un aperçu des incidences des contenus publicitaires sur l’indépendance éditoriale. média. En effet, un nombre non négligeable d’entre eux prennent leurs distances vis-à-vis des entreprises publicitaires afin de préserver leur indépendance financière et éditoriale. Ils doivent pour cela trouver d’autres sources de revenu efficaces qui leur permettront de subsister et de continuer à dispenser une information de qualité. Troisièmement, nous analyserons le cas pratique du mensuel le Monde diplomatique. Celui-ci ne profite que d’un faible pourcentage de publicité comme source de revenu. Nous reviendrons sur son positionnement éditorial pour éclairer ce choix, expliqué en grande partie par l’histoire du journal et surtout par les valeurs altermondialistes défendues par celui-ci. Enfin, nous décrirons les sources de financement alternatives qui lui permettent de survivre. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Deuxièmement, nous nous attarderons sur les moyens alternatifs de financement d’un 3 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias A travers ces différents aspects, nous tenterons d’expliquer pourquoi et comment cette Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique volonté d’indépendance journalistique subsiste dans le monde médiatique actuel. 4 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Université libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres COMM-B-315 : Socio-économie des médias L’influence de la publicité au sein des entreprises médiatiques Alice LEMAITRE Marie LINOS Ludovic MARTINS Lisa MORELLI Résumé Cet article propose d’analyser les relations entre les médias et la publicité afin de comprendre le choix de certains médias d’écarter cette dernière de leurs sources principales de financement. Il convient de répondre à cette question en examinant les incidences que la publicité peut avoir sur les contenus rédactionnels. Cette étude des possibles interférences négatives sera mise en perspective par un panorama de la relation qui lie ces deux entités et du contexte économique dans lesquels évoluent les médias actuellement. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Étudiants en Information&Communication à l’ULB 5 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Le monde de la presse est aujourd’hui marqué par une crise identitaire vis-à-vis de la publicité. On observe en effet une tendance bipolaire : d’un côté une mise à l’écart (complète ou presque) de la publicité et de l’autre une maximisation de l’utilisation de celle-ci à travers l’émergence des journaux d’information gratuits.1 Ces derniers constituent une réponse à la crise de l’information payante provoquée par une évolution de la demande (plutôt que par une chute de celle-ci)2. De ce point de vue, des quotidiens tels que Metro correspondent à une nouvelle forme de consommation médiatique qui répond aux attentes de la société actuelle. Toutefois, certains chercheurs sont assez sceptiques quant à la qualité des informations diffusées à travers ce type de journaux qui tendent à dévaloriser l’information (les citoyens sont prêts à payer pour un coca mais pas pour de l’information).3Aux antipodes de ce modèle, nous retrouvons un mensuel tel que le Monde diplomatique, qui certes, n’exclut pas totalement la publicité mais a décidé d’en limiter fortement l’usage : les publicités constituent moins de 2% des recettes4. Il est intéressant de noter que derrière des stratégies divergentes se cache un même fond idéologique qui vise à défendre les valeurs de la démocratie. La presse gratuite met en avant l’accès à l’information pour tous, tandis que les médias payants insistent sur l’indépendance des rédactions, garante du pluralisme des opinions. Cependant, force est de constater qu’un modèle semble financièrement plus désavantageux que l’autre et nous pousse à nous interroger sur les raisons d’un tel choix, a priori handicapant. 1 Il ne faut toutefois pas réduire le paysage médiatique à ces deux extrêmes ; la plupart des médias choisissent un modèle intermédiaire où la publicité n’est pas bannie, mais ne constitue pas pour autant la totalité des recettes. 2 Marie SCHWEITZER, « modèle de la gratuité et conséquence sur les contenus journalistiques », surlejournalisme.com, site de veille sur la recherche en journalisme, < http://www.cahiersdujournalisme.net/cdj/pdf/20/05_SCHWEITZER.pdf >, [consulté le 24 octobre 2013], p.2. 3 Renaud CARBASSE, Les stratégies des entreprises de presse quotidienne francophone et entreprises québécoises dans le déploiement d’activités en ligne : 1996 – 2009, mémoire sous la direction d’Éric GEORGES, université du Québec à Montréal, 2009 – 2010, Faculté de Communication, pp.14-15. 4 Information tirée d’un entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique A l’heure où la publicité est devenue la source principale de financement de bon nombre de médias, un journal peut-il encore envisager de délibérément s’en priver ? Mais si l’exclure représente un danger d’ordre économique, l’inclure ne menace-t-il pas la qualité des contenus rédactionnels ? 6 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Médias et publicité : cadre théorique Avant d’analyser l’impact de la publicité sur les médias, il semblait judicieux de définir la publicité, de dresser un bref historique de sa présence au sein de la presse et de délimiter sa relation strictement théorique avec celle-ci. Parmi les nombreuses définitions existantes, nous retiendrons principalement celle de la directive européenne de 1984, qui décrit la publicité comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations".5 En ce qui concerne la publicité au sein des médias et, particulièrement au sein de la presse, nous parlerons plus exactement du rôle joué par la régie publicitaire. Selon Daniel Toscan du Plantier, directeur de Régie-Presse, celle-ci désigne un «organisme spécialisé qui recrute la publicité au service des journaux, moyennant rémunération». 6La régie publicitaire peut être intégrée au journal et donc dépendre de sa rédaction, mais elle peut également lui être extérieure et liée par un « contrat exclusif au terme duquel elle doit assurer à ce journal ses recettes publicitaires ».7 Bien qu’au XVIIIe siècle, les journaux réservent déjà un espace aux annonces, la publicité telle qu’on la connaît fait son entrée définitive dans la presse au XIX e siècle. Ces nouvelles recettes permettent aux entreprises médiatiques de réduire considérablement le prix de leur abonnement : ils vendent désormais leurs journaux sous le prix de revient, mais cette lecteurs, imputable à la diminution de l’analphabétisme, rend le média plus attirant aux yeux des annonceurs, toujours plus enclins à financer un journal à large diffusion. Dorénavant, le journal se vend sur deux marchés : celui des lecteurs et celui des annonceurs.8 Les XXe et XXIe siècles verront ce dernier prendre de plus en plus d’ampleur. 5 Definitions-marketing.com, site spécialisé dans les définitions de marketing, < http://www.definitionsmarketing.com/Definition-Publicite >, [consulté le 25 octobre 2013]. 6 Yvette BENSOUSSAN et Jean FELLER, « La publicité au secours de la presse – Entretien avec Daniel Toscan du Plantier », Communication et langages, Vol.6, n°6, 1970, p.81. 7 Idem. 8 Gilles FEYEL, « Presse et publicité en France (XVIIIe et XIXe siècle) », Revue historique, n°628, 2004, p. 857. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique perte est compensée par les gains engrangés grâce à la publicité. Le nombre croissant de 7 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Comparaison avec le modèle étasunien Le modèle étasunien traduit clairement cette ubiquité de la publicité dans la presse puisque les recettes journalistiques dépendent presque exclusivement de la publicité (trois quarts de l’espace).9Pour éviter les problèmes d’influence néfaste, les journalistes américains ont transposé au monde médiatique la « doctrine de l’Eglise et de l’État »10, qui délimite les territoires respectifs de la publicité et de la rédaction. En 1841, Horace Greeley a théorisé ce principe à travers le concept de « mur » qui sépare les activités commerciales des pratiques journalistiques. Celles-ci étaient auparavant gérées par les rédactions. Greeley a rapidement compris que ces techniques poursuivaient des objectifs divergents. Ainsi pour éviter les interférences négatives entre publicité et rédaction, Greeley a confié les tâches financières à des tierces personnes. Ce « mur » a parfois empêché la dominance des annonceurs sur le contenu médiatique mais ce n’est réellement qu’à l’aube du XXe siècle, porté par le mouvement progressiste, que ce modèle a été élevé au rang d’institution.11 Cependant, ce mur a été remis en cause principalement au cours des années 80 où l’on voit émerger dans les médias américains une « logique d’entreprise » qui, selon les magnats des médias, pouvait répondre à la crise de la presse. Des pratiques telles que le « journalisme marketing », qui mélange le genre journalistique aux considérations commerciales, ou le « soft journalisme », qui privilégie les rubriques de détente et loisirs par rapport à l’actualité politique, économique ou culturelle, traduisent bien la chute du mur doctrinaire.12 les logiques financières sont parvenues à détourner, soit en le disqualifiant entièrement, soit en y ajoutant certaines concessions. L’importance accordée au mur dépend de la ligne éditoriale des médias mais celui-ci ne représente pas une barrière assez étanche que pour éviter toute forme d’influence des contenus publicitaires sur la production rédactionnelle.13 9 Rodney BENSON, « La logique du profit dans les médias américains », Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 131, n° 131-132, 2000, p.107. 10 Idem. 11 Idem 12 Ibid, pp. 108-109. 13 Ibid, p. 114. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Le principe de la séparation du temporel et du religieux demeure un accord tacite que 8 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Une logique économique surplombant la logique éditoriale Les médias, depuis leur apparition, bénéficient d’une noble réputation qui les classe au rang d’institution de la démocratie, ce qui leur confère un caractère intouchable et collectif.14 Ils se sont imposés comme une concrétisation du pluralisme d’opinions nécessaire au fonctionnement d’une société égalitaire et juste. Cette considération a toutefois occulté une autre dimension socialement moins reluisante des médias : ils constituent également des entreprises à la recherche du profit qui cherchent à s’enrichir ou du moins à assurer leur survie. Les journalistes eux-mêmes tendent à mettre en avant l’aspect sociologique de leur métier, respectant ainsi le mythe d’un effort indépendant et incorruptible. Comme l’écrivent les différents journalistes du groupe média d’Attac : « Le discours dominant des journalistes […] exagère toujours l’indépendance des journalistes à l’égard des pouvoirs et occulte corrélativement les rapports de propriété soumettant les médias à leur propriétaire et à l’exigence du rendement »15 En réalité, il faut comprendre le média dans l’environnement dans lequel il évolue. Au XIXe siècle, la presse d’opinion reflétait la société très structurée idéologiquement à qui elle s’adressait. Au début du XXe siècle, elle se transforme en presse d’information dans un contexte général d’objectivation de la société. Aujourd’hui, elle obéit à une logique néolibérale. En effet, depuis les années 70, la doxa néolibérale s’est imposée petit à petit dans le monde (du moins dans les pays développés du « Nord ») pour devenir la norme idéologique fin des années 80. La presse a suivi ce mouvement de pensée. Philippe Bouquillion écrit « La antérieurement occupés de manière totale ou partielle par des institutions non marchandes ou régulées de façon non marchande. »16 Il décrit ici le phénomène de marchandisation de l’information qui peut se définir comme une mise à niveau sociale de l’information avec n’importe quel autre bien produit dans les logiques de marchés (selon la définition de Schiller).17 14 Marie SCHWEITZER, op. cit., p.1. Groupe média d’Attac, « Médias et mondialisation libérale», homme-moderne.org, site d’espace critique de la société, < http://www.homme-moderne.org/societe/media/divers/GMattac.html >, [consulté le 24 octobre 2013], p.1. 16 Philippe BOUQUILLION cité par Nicolas HARVEY, « Philippe BOUQUILLION (2008), Les industries de la culture et de la communication : les stratégies du capitalisme », Communication, Vol. 28, n° 2, 2011, p. 2, disponible sur Revues.org, plateforme de revues de sciences humaines et sociales, < http://communication.revues.org/1688 >, [consulté le 23 octobre 2013]. 17 Renaud CARBASSE, op. cit. , p.19. 15 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique sphère de la production marchande cherche, et réussit, à s’étendre à des domaines 9 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Le secteur de l’information, répondant désormais à des logiques capitalistiques, a naturellement appliqué les stratégies de cette doctrine. Les entreprises médiatiques ont donc lancé un processus de concentration conjugué à celui de la convergence (cette dernière permettant des économies d’échelle)18 et se sont ouvertes à la financiarisation. Celle-ci désigne l’ouverture des capitaux à des actionnaires extérieurs, principalement orientés vers les bénéfices financiers. De ce fait, les entreprises médiatiques deviennent de grandes multinationales classées dans le haut du tableau des capitalisations boursières et du chiffre d’affaires.19 Cette situation soulève toutefois des questions d’ordre déontologique. AnneMarie Gingras a réalisé une enquête dans laquelle elle souhaitait comprendre comment les journalistes se définissent en leur posant diverses questions.20 L’une d’elle concernait l’indépendance des journalistes vis-à-vis de leur employeur (si les journalistes se sentaient libres de produire des reportages critiques et si les intérêts économiques du propriétaire guidaient leur démarche) et les chiffres sont clairement mitigés mais très marqués chez les employés de Quebecor qui s’estimaient généralement sous l’emprise du conglomérat.21 Celuici représente l’exemple même du groupe médiatique tel qu’il se développe aujourd’hui puisque Québecor est actif dans divers domaines (télécommunications, information, édition, etc.).22 Ces différentes constatations permettent à Sophie Boulay d’affirmer que les médias privilégient leur mission économique à leur devoir démocratique.23 La logique économique la marchandisation de l’information, vendent un produit comme les autres. A travers cette perspective, il est relativement aisé de comprendre que les entreprises cherchent à multiplier les sources de financement et que la publicité constitue une niche très intéressante puisqu’elle permet aux médias de vendre leur produit sur deux plateformes : les annonceurs et les 18 Ibid., pp. 21-22. Nicolas HARVEY, op cit., p. 2. 20 Anne-Marie GINGRAS, « Enquête sur le rapport des journalistes à la démocratie : le rôle de médiateur en question », Revue canadienne de science politique, Vol. 45, n° 3, 2012, pp.685-710. 21 Environ 30% des journalistes estiment être influencés par le propriétaire tandis que 30% le démentent (le reste ne s’exprime pas). Chez Québecor, les chiffres montent à plus de 60% des journalistes qui se sentent orientés dans leur travail : Anne-Marie GINGRAS, op. cit., p. 699. 22 « Québecor », Wikipedia.org, encyclopédie collective et gratuite en ligne, < http://fr.wikipedia.org/wiki/Qu%C3%A9becor >, [consulté le 27 octobre 2013]. 23 Sophie BOULAY, Les médias privilégient-ils leur mission économique ou démocratique. Une analyse des quotidiens montréalais, mémoire sous la direction d’Yves THÉORET, Université du Québec à Montréal, 2002 – 2003, Faculté de Communication, p.101. 19 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique l’emporte donc sur la logique éditoriale de telle façon que les entreprises médiatiques, de part 1 0 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias lecteurs.24Puisqu’elle alimente une recherche insatiable du profit, la publicité peut représenter un danger à l’indépendance des rédactions, tout comme peuvent l’être les logiques néolibérales. Il est important de souligner que ces mouvements dits capitalistes ne sont pas nés durant les trois décennies passées, leurs origines sont bien plus anciennes. Néanmoins, ces dernières années ont renforcé cette tendance et l’ont élevée au rang de modèle. Par ailleurs, la presse n’est pas le seul domaine qui subit ces tendances. De manière globale, le monde actuel connaît une financiarisation de différents secteurs (nous pensons notamment à l’économie totalement occultée par les questions financières). L’impact de la publicité sur les contenus rédactionnels s’inscrit donc dans un contexte plus vaste, celui de la presse mais aussi celui de la société actuelle. Les incidences de la publicité sur le journalisme La publicité peut être considérée comme un atout financier offrant la possibilité de diversifier les contenus en octroyant les moyens nécessaires aux médias pour développer des programmes à audience minoritaire25 et pour traiter l’information de manière adéquate. La publicité constitue alors un élément de stabilité au milieu de toutes ces incertitudes et turbulences qui caractérisent le monde de la presse26. Cependant, de nombreux auteurs s’accordent sur le fait que la publicité a des incidences négatives sur les contenus, sur les l’information. Concernant le contenu, on constate une uniformisation portant atteinte au pluralisme nécessaire au discours médiatique. Certains médias ne ressentent plus le besoin de se distinguer des autres afin de séduire un public différent puisque les recettes en provenance de leurs ventes sont devenues très minoritaires. Ce phénomène de normalisation est d’autant plus vrai pour les journaux gratuits qui s’appuient exclusivement sur la publicité : en effet « la première raison pour laquelle les entreprises sont incitées à se différencier est de vouloir atténuer la concurrence en prix, par définition inexistante dans le cas des médias gratuits »27. 24 Nathalie SONNAC, « L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires », Les Cahiers du Journalisme, n°20, 2009, p. 23. 25 Marie SCHWEITZER, op. cit., p.5. 26 Gilles FEYEL, « Presse et publicité en France », Revue Historique, n°628, 2003, pp.837-868. 27 Nathalie SONNAC, « L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires », Les Cahiers du journalisme, n°20, 2009, p.33. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique stratégies des groupes de presse, sur le comportement des journalistes et sur le traitement de 1 1 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Ainsi, les rédactions de Metro par exemple reprennent principalement les faits énoncés par d’autres sources journalistiques et se contentent de les condenser pour les adapter aux attentes de leurs lecteurs. Ce phénomène de normalisation est accentué par la concentration des entreprises médiatiques. La publicité, pilier indispensable pour bon nombre de médias, représente clairement une menace pour le pluralisme de la presse. Aujourd’hui, les médias mettent tout en œuvre afin d’attirer un maximum d’annonceurs. Ils ne vendent plus des informations au public, « en réalité, ils vendent du public aux annonceurs ».28 Ainsi, pour répondre aux demandes émanant du marché publicitaire, les rédactions se doivent de proposer un produit attrayant, c'est-à-dire un public le plus large possible (les médias les plus gros étant ceux qui bénéficient des meilleurs tarifs publicitaires). Evidemment, cette quête du lectorat ou de l’audience influence la préparation du contenu. Comme le montre l’étude de Gabszewicz, Laussel et Sonnac29, les éditeurs n’hésitent pas à modérer les messages politiques qu’ils comptent diffuser, évitant ainsi de diviser leur lectorat et de risquer d’en perdre une partie. De même, ils ont tendance à éviter certains sujets controversés susceptibles de vexer leurs lecteurs ou surtout leurs annonceurs. D’autre part, les médias vont privilégier les programmes à haute teneur d’audience (proximité, sensationnalisme, émotionnel … que l’on retrouve dans les faits divers, le sport, la météo ou les spectacles) et vont, par la même occasion, priver leurs consommateurs de certains contenus. En résumé, cette dépendance envers les revenus publicitaires a fait « basculer l’information dans le Il arrive également que les annonceurs fassent pression sur l’offre d’information : en effet, ceux-ci vont, par exemple, inciter les médias (voire leur imposer) à favoriser la diffusion de programmes préconisant un style de vie axé sur la consommation. De même, certains publicitaires exigent d’être mis au courant des articles qui entoureront leurs encarts : il n’est pas rare d’ailleurs qu’ils menacent de retirer leurs publicités si ces informations ne leur plaisent pas.31 La sélection d’informations se retrouve alors quelque peu biaisée par les exigences des annonceurs. 28 Michel COLLON, Attention médias ! Les médiamensonges du Golfe. Manuel d’antimanipulation, Anvers, EPO, 1992, p.214. 29 Jean GABSZEWICK, Didier LAUSSEL, Nathalie SONNAC, « Press advertising and the ascent of the Pensée Unique », European Economic Review, n°45, 2001, pp.641-645. 30 Sophie BOULAY, op. cit., p.37. 31 Idem. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique divertissement, l’inessentiel et même la désinformation ». 30 1 2 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Au-delà de l’impact sur le contenu, les publicitaires influent également sur la structure organisationnelle des journaux de presse : les maquettes, par exemple, sont modelées pour répondre aux attentes des annonceurs. Anne-Marie Gingras décrit les pressions exercées sur les journalistes dans certains médias pour que ceux-ci n’offensent pas les publicitaires : on évite de produire des reportages sérieux sur un publicitaire, on va plutôt l’encenser (« vanter ses initiatives ou sportives »32). Ces articles complaisants seront par ailleurs confiés aux reporters « les moins sensible à l’éthique » et non à des journalistes à qui ces papiers flatteurs pourraient poser problème.33 Conclusion Comme nous l’avons décrit plus haut, le capitalisme s’est immiscé dans le secteur des médias : ceux-ci sont désormais contraints d’engranger des bénéfices et ont donc développé diverses stratégies de financement afin de répondre à cette logique de recherche du profit. Cette volonté se traduit notamment par l’utilisation de la publicité, mais le recours à celle-ci met en péril l’indépendance des rédactions. En effet, la présence de la publicité soulève de nombreuses questions, principalement au sujet de son impact sur le contenu rédactionnel, la structure organisationnelle d’un média forme de censure de la publicité de la part de certains journaux, comme le Monde Diplomatique. Cela dit, il est important de souligner différents constats : d’une part, le mensuel français n’a pas complètement supprimé la publicité, ce qui laisse supposer qu’il ne considère pas cette dernière comme une pratique ontologiquement toxique, et d’autre part, cette mise à l’écart peut être lue comme une stratégie de positionnement du journal par rapport à son public cible « publiphobe »34. En effet, ce média adopte une posture critique vis-à-vis de la politique néolibérale et l’on peut donc supposer que son lectorat tend à dénigrer une pratique de marketing visant à la consommation, caractéristique de la société capitaliste. 32 Anne-Marie GINGRAS, op. cit., p.701 Idem. 34 Nathalie SONNAC, « L’économie de la presse : vers un nouveau modèle d’affaires », Les Cahiers du journalisme, n°20, 2009, p.31. 33 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique ou sur le comportement des journalistes. Cette influence relativement néfaste contribue à une 1 3 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias En guise de conclusion, le choix de mettre à l’écart la publicité s’avère crédible et compréhensible au vu des conséquences négatives que celle-ci engendre sur la pratique journalistique mais il convient de se prémunir contre un manichéisme trop rigoureux et souligner que ce choix, d’apparence déontologique, peut aussi se comprendre sous un aspect Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique stratégique. 1 4 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Bibliographie Monographies - Michel COLLON, Attention médias ! Les médiamensonges du Golfe. Manuel d’antimanipulation, Anvers, EPO, 1992. - Dale JACQUETTE, Journalistic ethics, Moral responsibility in the media, New Jersey, Pearson, 2007. 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Une analyse des quotidiens montréalais, mémoire sous la direction d’Yves THÉORET, Université du Québec à Montréal, 2002 – 2003, Faculté de Communication. - Renaud CARBASSE, Les stratégies des entreprises de presse quotidienne francophone et entreprises québécoises dans le déploiement d’activités en ligne : 1996 – 2009, mémoire sous la direction d’Éric GEORGES, université du Québec à Montréal, 2009 – 2010, Faculté de Communication. Sources primaires Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, réalisée le 22 octobre 2013. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique - 1 7 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias - Université libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres COMM-B-315 : Socio-économie des médias Les sources de financement alternatives accessibles aux médias Laura SIERRA ALVAREZ Dominika SMETEK Fabian VAN BOTERDAEL Daphni VAN HEGE Résumé Cette partie vise à exposer les moyens de financement des entreprises médiatiques qui ont décidé de se passer en partie des revenus provenant de la publicité. L’article propose une présentation de ces sources alternatives ainsi qu’un exemple qui accompagne chacune d’entre elles. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Étudiants en Information&Communication à l’ULB 1 8 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Dans une société de plus en plus compétitive où les enjeux pécuniaires acquièrent une place prédominante, les entreprises usent de toutes les stratégies pour se propulser sur l’avant de la scène et augmenter leurs bénéfices. Le monde médiatique ne déroge pas à la règle. Initialement centré sur la recherche et la diffusion de l’information, ce secteur subit aujourd’hui la logique industrielle. En effet, bon nombre de médias sont désormais rachetés et détenus par des milliardaires35, ou de grandes sociétés, souvent actives dans des domaines commerciaux n’ayant aucun lien avec l’univers médiatique36, qui ont comme objectif principal la quête du gain. Pour atteindre ces bénéfices tant convoités, la publicité apparaît dès lors comme un outil essentiel, car cette forme de financement s’avère être la plus rentable et facilement accessible, en particulier pour les médias bénéficiant d’une large audience. Toutefois dans la période de crise que traverse la presse actuellement, notamment due à la présence de quotidiens gratuits et à la tendance de se déporter vers internet, les moyens apportés par les annonceurs semblent vitaux pour la survie de plusieurs agences. Les montants versés par les industries publicitaires représentant en moyenne 45% du budget d’une entreprise médiatique, la publicité s’est imposée rapidement comme un canal de financement incontournable (Cf. annexes 1a et 1b). Néanmoins, certains dénoncent que cette recherche constante de profit est menée au détriment de la « véritable information ». De fait, les recettes engendrées par les accords avec préserver une ligne éditoriale libre et ne subir ainsi aucune contrainte externe et financière, certaines entreprises médiatiques ont préféré écarter la publicité de leurs sources de revenu. Ces médias, dits alternatifs, préconisent l’idéologie d’un journalisme « indépendant » 35 Bernard POULET, « Crise de la presse : une information à deux vitesses. », lemonde.fr, site du quotidien français d’information, < http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/09/15/une-information-a-deuxvitesses_3477839_3232.html >, 15/09/2013, [Consulté le 11 novembre 2013]. 36 « Grandes Entreprises Médiatiques — ACE Electoral Knowledge Network. », aceproject.org, site de conseil sur les processus électoraux, < http://aceproject.org/ace-fr/topics/me/meb/meb03/meb03a/meb03a02 >, [Consulté le 4 novembre 2013]. 3 Nathalie SONNAC, «Médias et publicité ou les conséquences d'une interaction entre deux marchés», Le Temps des médias, n°6, 2006, pp.49-58. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique les annonceurs seraient de nature à influencer le contenu présenté dans le média. Afin de 1 9 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Dans ce paysage médiatique subventionné en majeure partie par les annonceurs, comment réussissent ces médias indépendants face aux lois du marché? Quelles sont leurs alternatives au modèle économique classique de la majorité des médias qui mêle recettes publicitaires, recettes de la vente (ou redevance dans la sphère audiovisuelle) 37 et parfois l’argent de « mécènes » publics ou privés38 ? « Médias et publicité : une association équivoque mais indispensable ? » comme le suggère Patrick Eveno. C’est ce que nous allons tenter de comprendre et d’expliquer en listant ici les principales sources de financement alternatives qui s’offrent aux médias tentant d’échapper aux annonceurs. L’explosion du paywall sur la toile Le moyen de financement le plus novateur ainsi que le plus en vogue actuellement est le « paywall » (péage informatique)39 qui consiste à rendre une ébauche d’article accessible gratuitement en ligne ; dans le cas où le lecteur désire lire la suite, il devra souscrire un abonnement qui lui permettra d’avoir accès à la totalité du contenu du site internet40. Cette nouvelle forme de revenu est apparue dans les années 2000 notamment avec l’apparition des nouvelles technologies telles que les smartphones et tablettes qui ont permis, moyennant une somme mensuelle forfaitaire, un accès facilité aux applications des médias. Cette méthode de financement, bien qu’ayant vécu des débuts difficiles connait aujourd’hui une véritable De nombreuses entreprises médiatiques utilisant cette formule sont toutefois confrontées à un obstacle que seuls quelques-uns arrivent à franchir. En effet, internet ayant contribué à rendre gratuit l’accès à l’information et aux médias, il est désormais difficile de faire payer aux internautes des contenus qu’ils avaient l’habitude d’obtenir auparavant librement. 38 Patrick EVENO et Nathalie SONNAC, « Les médias, une histoire d’argent ? », Le Temps des média, n°6, 2006, pp. 6-8. 39 Mathew INGRAM, « The Monetization Dilemma for Media: Paywalls on One Side, Advertising on the Other. », paidcontent.org, site d’information économique, < http://paidcontent.org/2013/03/21/themonetization-dilemma-for-media-paywalls-on-one-side-advertising-on-the-other/ >, 31/03/2013, [Consulté le 25 octobre 2013]. 40 Xavier TERNISIEN, « Les journaux cherchent le moyen de faire payer leur contenu », lemonde.fr, site du quotidien français d’information, < http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/03/24/les-journauxcherchent-le-moyen-de-faire-payer-leur-contenu-sur-internet_1171946_651865.html >, 24/03/2009, [Consulté le 3 novembre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique envolée. 2 0 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Mediapart est l’un des rares médias ayant réussi à trouver l’équilibre économique grâce à un système de « paywall » particulier. Avant toute chose, cette firme est qualifiée de « pure-player », à savoir que son site d’information n’est pas adossé à un titre de la presse traditionnelle41 et son contenu est uniquement disponible sur la toile. Le modèle économique mis en place par Mediapart consiste à accorder au lecteur un accès de quinze jours aux articles du site, pour la somme d’un euro. Après cette période dite ‘d’essai’, le client se verra proposer un abonnement payant qui lui permettra d’avoir accès au contenu du site durant un an. Les chiffres dévoilés par la firme lors de la conférence de presse organisée dans le cadre de troisième anniversaire42 ont révélé que près de 90% des personnes ayant eu recours à cette période d’essai ont souscrit à un abonnement. Des industries médiatiques telles que Mediapart ou Rue89 reçoivent également depuis 2010 des aides financières de l’État pouvant atteindre la somme DE 249.000 euros43, dans le cas de Rue89. Ces subsides peuvent notamment servir au développement de nouvelles plateformes technologiques. Il s’avère cependant que le paywall, bien qu’efficace, ne constitue pas une forme de financement suffisamment rentable à elle seule pour subvenir aux besoins d’un média. En effet, tous les médias ne sont pas des «pure-player », certains comme Le Canard Enchainé (outre une présence sur internet) doivent également assurer une publication papier dont les coûts ne sont pas négligeables. Quelques médias alternatifs vivent exclusivement de la vente de leurs numéros et de leurs abonnements, c’est notamment le cas de Fakir (un bimestriel français entièrement rédigé et illustré par des bénévoles), La Décroissance (journal mensuel diffusé en France, ainsi qu'en Suisse, au Canada et en Belgique) et Rivarol (hebdomadaire français dépourvu de toute publicité, exclu des aides publiques et persécuté par la Justice pour son anticonformisme et son culte). Le Canard Enchainé refuse également tout type de publicité dans son contenu et 41 Definitions-marketing.com, site spécialisé dans les définitions de marketing, < http://www.emarketing.fr/Definitions-Glossaire-Marketing/Pure-player-6233.htm >, [Consulté le 3 novembre 2013]. 42 « Conférence de Presse de Mediapart », Dailymotion.com, site de partage et de visionnage de vidéos en ligne, < http://www.dailymotion.com/video/xhipec_conference-de-presse-de-mediapart_news >, [Consulté le 3 novembre 2013]. 43 Pierre HASKI, « L’État Décide de Financements Aux Sites D’information En Ligne », rue89.com, site d’information français, < http://www.rue89.com/making-of/2009/12/30/letat-decide-de-financementsaux-sites-dinformation-en-ligne-131784 >, 30/12/2009, [Consulté le 3 novembre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Autofinancement par les ventes et abonnements 2 1 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias tire la totalité de son financement de la vente de sa version papier44. De plus, ce média possède un statut particulier acquis par la mise en place d’un système d’auto-gérance45 qui lui permet de se protéger de toute reprise et pression extérieure puisque ses fondateurs et journalistes en sont les actionnaires.46 « Don d’argent, don de vie » aux médias indépendants Charlie Hebdo qui se présente comme un hebdomadaire satirique et social sans publicité, rendu célèbre par ses caricatures osées, notamment celle de Mahomet47, se finance, tout comme le Canard Enchainé, principalement par la vente de ses numéros. Comme source de revenu secondaire, ce journal a mis à la disposition de ses lecteurs un lien leur permettant de faire un don en passant par l’intermédiaire d’une association appelée presse et pluralisme car, légalement, il est interdit de verser de l’argent directement au média48. Dans le but d’attirer un maximum de donateurs, Charlie Hebdo a affiché sur son site un tableau précisant les défiscalisations des dons en fonction de leur valeur (le montant versé et le montant déduit des impôts) (Cf. annexe 2). Les donations sont aussi sollicitées par le secteur radiophonique. Radio libertaire, la radio de la Fédération anarchiste ne reçoit pas de subventions : elle vit du bénévolat des animateurs mais surtout des dons comme l’indique la firme médiatique sur son site internet. Dans la même situation, Democracy Now!, une émission américaine d'actualités, d'analyse et soutenue en majeure partie par les aides de ses auditeurs, téléspectateurs ou encore de diverses fondations49. 44 Un membre de la rédaction nous a confirmé par mail que les moyens de financement du journal provenaient exclusivement de la vente de numéro (cf. annexe 1) 45 « Présentation », Lecanardenchaine.fr, site de l’hebdomadaire satirique français, < http://lecanardenchaine.free.fr/presentation.html >, [Consulté le 5 novembre 2013]. 46 Clara D., « Le Canard Enchaîné, L’exception Française Déchaînée », jolpress.com, site d’information, < http://www.jolpress.com/article/le-canard-enchaine-lexception-francaise-dechainee-22175.html >, 20/06/2011, [Consulté le 1er novembre 2013]. 47 « ‘Charlie Hebdo’ assigné pour la publication de caricatures de Mahomet », lemonde.fr, site du quotidien français, < http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2012/12/07/charlie-hebdo-assigne-pour-lapublication-de-caricatures-de-mahomet_1801743_3236.html >, 7/12/2012, [Consulté le 3 novembre 2013]. 48 « Dons », charliehebdo.fr, site français d’information satirique, < http://www.charliehebdo.fr/dons.html >, [consulté le 4 novembre 2013]. 49 « History & Highlights », democracynow.org, site de l’émission américaine indépendante, < http://www.democracynow.org/about >, [Consulté le 11 novembre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique d'opinion diffusée en anglais et en espagnol par plus de 700 radios et chaînes de télévision, est 2 2 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Néanmois, certains médias qui ont décidé de contourner le financement des annonceurs sont dans une situation beaucoup moins confortable50. C’est le cas de Sinémensuel, un journal satirique français qui, afin d’éviter de déposer le bilan, a lancé un appel aux donations sur son site internet51 Si une somme suffisante n’est pas récoltée d’ici décembre, le journal sera contraint de mettre fin à ses activités. Subventionné par ses propres rentes D’autres médias tels que Global magazine sont financés par une fondation qui s’occupe d’amasser des dons privés d’une valeur de 80€ en échange d’une formule d’abonnement « à vie ». L’objectif est d’atteindre les 120 000 dons de manière à ce que le magazine obtienne un capital suffisant, qu’il pourra ensuite placer à la banque. Les moyens de financement dépendront alors uniquement des rentes de ce capital et non plus des ventes au numéro52 . Un mécène Une autre forme de financement assez différente des précédentes est le mécénat. En effet, certains médias sont créés par une seule et unique personne qui en devient l’actionnaire principal. De ce fait, ceux-ci dépendent directement du capital de ce mécène, comme le nouveau site internet australien le Global Mail53. Celui-ci a été fondé par l’entrepreneur solution alternative aux autres médias dominants sur le marché australien. Sans publicité et sans but lucratif, le seul objectif est de fournir « un journal original, courageux et indépendant » selon la page de présentation du site. 50 « 14 Jours Pour Sauver Siné Mensuel - Fait D’images - Le Blog de François Forcadell », iconovox.com, banque de dessin de presse en ligne, < http://www.iconovox.com/blog/2013/10/18/14-jours-pour-sauversine-mensuel/ >, [Consulté le 3 novembre 2013]. 51 « Siné Mensuel - Le Journal Qui Fait Mal et ça Fait Du Bien », sinemensuel.com, site du mensuel satirique français, < http://www.sinemensuel.com >, [Consulté le 4 novembre 2013]. 52 « Global Magazine : Premier Média Français Financé via Une Fondation », journalismes.info, le web observatoire du journalisme sur Internet, < http://www.journalismes.info/Global-Magazine-premiermedia-francais-finance-via-une-fondation_a3609.html >, 11/01/2012, [Consulté de 18 octobre 2013]. 53 AFP, « Australie: Site D’infos Sans Pub Lancé », lefigaro.fr, site du quotidien français d’information, < http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/02/06/97001-20120206FILWWW00414-australie-site-dinfos-sans-pub-lance.php >,6/02/2012 [Consulté le 18 octobre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Graeme Wood, créateur du site internet wotif.com, avec comme ambition de proposer une 2 3 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias La télévision, le secteur le moins atteint Selon le Syndicat National de la Publicité TéléVisée (SNPTV), la publicité est la première source de financement de la sphère télévisuelle. Pour cette raison, rares sont les chaines financées par des revenus autres que ceux provenant des annonceurs. Ces derniers sont abondamment présents sur la majorité des chaînes car les coûts de production sont extrêmement élevés Un premier essai est tenté par Nicolas Sarkozy en juin 200854. À l’époque encore président, il annonce la fin de la publicité sur les chaînes publiques de France Télévisions dans les programmes en soirée entre 20h et 6h. Le manque à combler sera compensé par deux taxes : l'une de 3 % sur les recettes publicitaires des chaînes privées, et l'autre de 0,9 % sur les chiffres d'affaires des opérateurs de télécommunications. Néanmoins, cette opération fut un échec. En effet, l’audimat, supposé grimper, a stagné tandis que les déficits pécuniaires ont eux continué à augmenter. Pourtant, le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero 55 inspiré par l'exemple de France Télévisions, a lui aussi décidé de faire disparaître entièrement les annonceurs de la télévision publique TVE en 2010, mais cette fois, le succès fut au rendez- sur les concurrents privés. Cette conversion a permis à la La Primera de gagner deux points d'audience dès le premier mois. Par ailleurs, Arte : « une chaîne de service public européenne et culturelle qui a pour mission de concevoir et de diffuser des programmes culturels favorisant la compréhension et le rapprochement des peuples » comme elle se décrit dans la présentation de son site, est financée à 95% par la redevance audiovisuelle en France et en Allemagne. Le restant de ses 54 « La Fin de La Pub Sur Les Chaînes Publiques Dope TF1 et M6 », lefigaro.fr, site du quotidien français, http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2008/01/08/04010-20080108ARTFIG00464-la-fin-de-lapub-sur-les-chaines-publiques-dope-tf-et-m-.php >,8/01/2008, [Consulté le 12 novembre 2013]. < 55 Mathieu DE TAILLAC, « La Télé Publique Espagnole Vit Bien Sans Pub », lefigaro.fr, site du quotidien français, http://www.lefigaro.fr/medias/2010/04/03/04002-20100403ARTFIG00012-la-tele-publiqueespagnole-vit-bien-sans-pub-.php >, 03/04/2010, [Consulté le 12 novembre 2013]. < Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique vous. Le gouvernement s'est engagé à compenser la fin de la publicité par une taxe prélevée 2 4 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias revenus provient de quelques fructueux partenariats de coproductions avec des chaînes publiques européennes de renom.56 Notons enfin que selon le géant de la presse américaine financière Bloomberg, « Apple aurait imaginé un modèle où ses utilisateurs pourront regarder la télévision sans publicité moyennant une souscription à un abonnement payant » 57 Cas particulier : Le Monde diplomatique Ce journal français essaie, quant à lui, de varier ses sources de revenus. Il trouve dans la vente de son mensuel la principale recette de son financement. Ces ventes permettent entre autre de rendre son site internet accessible de gratuitement, contrairement à la formule du « paywall ». Le Monde diplomatique fait également appel annuellement aux dons de manière à soutenir son indépendance éditoriale58 De fait, une partie des gains provenant des abonnements ainsi que des dons faits au média, sont injectés dans le développement de son site web. De plus, le Diplo tire profit de certains partenariats mais jouit surtout d’un soutien financier considérable de l’État français. Enfin, alors que le mensuel français se veut indépendant, la publicité y est quand même présente en partie. Toutefois, le budget apporté par les annonceurs ne dépasse jamais le seuil des 5% du budget annuel.59 Bien que ce capital soit minime, certaines personnes se 56 « Coopération internationale », pro.arte.tv, site d’Arte dédié aux professionnels de l'audiovisuel et des médias, < http://pro.arte.tv/groupe-arte/cooperation-internationale/ >, [Consulté le 8 novembre 2013]. 57 Mariko YASU, «Apple Preparing 65-Inch TV for Release in 2014, Analyst Says », bloomberg.com, site d’informations économiques, < http://www.bloomberg.com/news/2013-10-22/apple-preparing-65-inch-tv-forrelease-next-year-analyst-says.html >, 22/10/2013, [Consulté le13 novembre 2013]. 58 Monde-diplomatique.fr, site français d’information, < http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/A/49781 >, [Consulté le 5 novembre 2013]. 59 Monde-diplomatique.fr, site du mensuel français d’information, < http://www.mondediplomatique.fr/2002/03/A/16296 >, [Consulté le 5 novembre 2013]. 60 « Le monde diplomatique, publicitaire des multinationales ? », acrimed.org, site d’une association de critique des médias, < http://www.acrimed.org/article1464.html >, 16/02/2004, [Consulté le 5 novembre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique plaignent tout de même de la présence de publicité dans le Diplo.60 2 5 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Conclusion En conclusion, bien que la plupart des entreprises médiatiques utilisent la publicité comme moyen de financement principal, de plus en plus de médias ont décidé de s’en passer. Dans certains cas, la réussite est compromise. C’est le cas de siné-mensuel, qui éprouve de grosses difficultés à trouver les ressources nécessaires à son fonctionnement. De plus, ce choix d’écarter la publicité des recettes du média pousse, dans certains cas, ce dernier à faire plusieurs sacrifices, comme par exemple n’avoir qu’une présence sur internet et non une édition papier (pure player). Dans d’autres cas, la réussite est totale comme dans l’exemple de Médiapart ou Democracy Now, cette dernière s’étant imposée comme la meilleure émission d’actualité indépendante aux États-Unis. Le Canard Enchaîné, quant à lui, constitue un véritable succès qui s’élève presque au rang du mythe de par sa longévité et sa situation financière enviable, avec son « aptitude virtuose à allier indépendance et engagement » 61 comme le souligne Laurent Martin. Pour terminer, l’importance dans ce genre de choix financier est donc de trouver des moyens de financement alternatifs qui seront suffisamment conséquents pour permettre à l’entreprise de subvenir au lourd poids économique qu’un média peut engendrer. On peut, dès lors, réfuter les propos de Patrick Eveno : la relation entre les médias et la publicité n’est pas 61 Laurent MARTIN, « Pourquoi Lit-on ~~Le Canard Enchaîné ? ~~ », Vingtième Siècle. Revue D’histoire 68, n°1, 2000, pp. 43–54. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique indispensable. 2 6 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Bibliographie - « Grandes Entreprises Médiatiques — ACE Electoral Knowledge Network », aceproject.org, site de conseil sur les processus électoraux, < http://aceproject.org/acefr/topics/me/meb/meb03/meb03a/meb03a02 >, [Consulté le 4 novembre 2013]. - « Le monde diplomatique, publicitaire des multinationales ? », acrimed.org, site d’une association de critique des médias, < http://www.acrimed.org/article1464.html >, 16/02/2004, [Consulté le 5 novembre 2013]. - Definitions-marketing.com, site spécialisé dans les définitions de marketing, < http://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire-Marketing/Pure-player-6233.htm >, [Consulté le 3 novembre 2013]. - « Conférence de Presse de Mediapart », Dailymotion.com, site de partage et de visionnage de vidéos en ligne, < http://www.dailymotion.com/video/xhipec_conference-de-presse-demediapart_news >, [Consulté le 3 novembre 2013]. - « Présentation », Lecanardenchaine.fr, site de l’hebdomadaire satirique français, < http://lecanardenchaine.free.fr/presentation.html >, [Consulté le 5 novembre 2013]. - « Dons », charliehebdo.fr, site français d’information satirique, < http://www.charliehebdo.fr/dons.html >, [Consulté le 4 novembre 2013] - « History & Highlights », democracynow.org, site de l’émission américaine indépendante, < http://www.democracynow.org/about >, [Consulté le 11 novembre 2013]. - « 14 Jours Pour Sauver Siné Mensuel - Fait D’images - Le Blog de François Forcadell », iconovox.com, banque de dessin de presse en ligne, < http://www.iconovox.com/blog/2013/10/18/14-jours-pour-sauver-sine-mensuel/ >, [Consulté le 3 novembre 2013]. - « Siné Mensuel - Le Journal Qui Fait Mal et ça Fait Du Bien », sinemensuel.com, site d’un mensuel satirique français, < http://www.sinemensuel.com >, [Consulté le 4 novembre 2013]. - « Coopération internationale », pro.arte.tv, Site d’Arte dédié aux professionnels de l'audiovisuel et des médias, < http://pro.arte.tv/groupe-arte/cooperation-internationale/ >, [Consulté le 8 novembre 2013]. 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Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Articles de presse 2 8 - Clara D., « Le Canard Enchaîné, L’exception Française Déchaînée », jolpress.com, site d’information, < http://www.jolpress.com/article/le-canard-enchaine-lexception-francaise-dechainee22175.html >, 20/06/2011, [Consulté le 1er novembre 2013]. - « ‘Charlie Hebdo’ assigné pour la publication de caricatures de Mahomet », lemonde.fr, site du quotidien français, < http://www.lemonde.fr/actualitemedias/article/2012/12/07/charlie-hebdo-assigne-pour-la-publication-de-caricaturesde-mahomet_1801743_3236.html >, 7/12/2012, [Consulté le 3 novembre 2013]. - « Global Magazine : Premier Média Français Financé via Une Fondation », journalismes.info, le web observatoire du journalisme sur Internet, < http://www.journalismes.info/Global-Magazine-premier-media-francais-finance-viaune-fondation_a3609.html >, 11/01/2012, [Consulté de 18 octobre 2013]. - AFP, « Australie: Site D’infos Sans Pub Lancé », lefigaro.fr, site du quotidien français d’information, < http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/02/06/9700120120206FILWWW00414-australie-site-d-infos-sans-pub-lance.php >,6/02/2012 [Consulté le 18 octobre 2013]. - « La Fin de La Pub Sur Les Chaînes Publiques Dope TF1 et M6 », lefigaro.fr, site du quotidien français, < http://www.lefigaro.fr/societes-francaises/2008/01/08/0401020080108ARTFIG00464-la-fin-de-la-pub-sur-les-chaines-publiques-dope-tf-et-m-.php >,8/01/2008, [Consulté le 12 novembre 2013]. - Mathieu DE TAILLAC, « La Télé Publique Espagnole Vit Bien Sans Pub », lefigaro.fr, site du quotidien français, < http://www.lefigaro.fr/medias/2010/04/03/04002-20100403ARTFIG00012-la-telepublique-espagnole-vit-bien-sans-pub-.php >, 03/04/2010, [Consulté le 12 novembre 2013]. Mémoires - Anne-Isabelle VAN PARYS, Les médias alternatifs : sources, méthodes, crédibilité, audience. Une solution aux dérives de l'information?, mémoire sous la direction de Jean-Jacques JESPERS, Université libre de Bruxelles, 2003-2004, Faculté de Philosophie et Lettres. - Cédric CARON, Médias alternatifs et crédibilité. Typologie des projets qui font participer le public à la rédaction de l'information, mémoire sous la direction de François HEYNDERYCKX, Université Libre de Bruxelles, 2009-2010, Faculté de Philosophie et Lettres. Sources primaires - Courriels de la rédaction du Canard Enchainé (annexe 1) Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias 2 9 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Annexe 1. Chiffre d'affaires et tirage de la presse écrite française en 2012 issue du site internet de l’Insee (l'Institut national français de la statistique et des études économiques) a. Tableau (en milliards d'euros) Chiffre d'affaires et tirage de la presse écrite en 2012 2008 2009 2010 2011 (r) 2012 10,45 9,64 9,33 8,97 8,70 Chiffre d'affaires total 5,89 5,76 5,67 5,48 5,40 Ventes 4,56 3,88 3,66 3,48 3,30 Publicité 6,23 nd Tirage annuel (en milliards d'exemplaires) 8,12 7,59 7,06 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique b. Graphique 3 0 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias 2. Courriel adressé à la rédaction du Canard Enchainé sur l’origine de ses recettes 3. Tableau issu du site internet de Charlie Hebdo qui présente les défiscalisations des Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique dons 3 1 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Université libre de Bruxelles Faculté de Philosophie et Lettres COMM-B-315 : Socio-économie des médias Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Danaé BALTSAVIAS Olivier BLONDEAU Tom PAMART Laure RAIMONDI Résumé Suite au questionnement posé par les groupes précédents concernant les moyens de financement des médias, nous avons étudié le cas du Monde diplomatique. Ce dernier ne semble bénéficier que de très peu de revenus publicitaires. Afin de comprendre le fondement de ce fonctionnement, nous nous sommes penchés sur l'historique et les valeurs de ce journal peu commun. Suite au questionnement posé par les groupes précédents concernant les moyens de financement des médias, nous avons étudié le cas du Monde diplomatique. Ce dernier semble ne bénéficier que de très peu de revenus publicitaires. Afin de comprendre le fondement de ce Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Étudiants en Information&Communication à l’ULB 3 2 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias fonctionnement, nous nous sommes penchés sur l'historique et les valeurs de ce journal peu commun. Nous avons également analysé les diverses sources de financement qui lui permettent de subsister dans une société où la crise des annonceurs et l'avènement du numérique n'épargnent aucunement la plupart des médias traditionnels. Comment dès lors, le Monde diplomatique parvient-il à produire une information de qualité composée d'analyses, d’enquêtes et d’études correspondant encore aujourd'hui à l'ancien modèle du journalisme ? Présentation générale Historique et fonctionnement Le Monde diplomatique est un journal mensuel de presse écrite francophone. Créé en 1954 par Hubert Beuve-Méry, il est, à l'origine, un supplément international du quotidien Le Monde et ne compte qu'un journaliste: le rédacteur en chef François Honti.62 A cette époque, il porte le nom de « Journal des cercles consulaires et diplomatiques » et consacre ses articles aux soirées mondaines des ambassades et à la vie des organisations internationales. Sa mission première est d'aborder la politique étrangère de la France et les politiques intérieures des autres nations.63 En 1973, le nouveau rédacteur en chef, Claude Julien, entraîne le supplément vers plus d'autonomie, éditoriale et rédactionnelle, vis-à-vis du Monde. Il en modifie le logo, la mise en page et élargit le champ des thématiques abordées.64 Dans un contexte de décolonisation, il ce faire, Julien ne fait plus appel à des correspondants français à l'étranger, mais bien à des collaborateurs universitaires ressortissants des territoires concernés.65 De cette manière, le Monde diplomatique se démarque du Monde: il constitue un produit original, présentant de nouveaux points de vue et déviant vers un journalisme d'opinion ancré à gauche. En faisant appel à ces collaborateurs plutôt qu'aux journalistes du Monde, l'autonomie éditoriale est plus aisément acquise.66 De plus, les critiques concernant certaines contrées deviennent plus 62 Nicolas HARVEY, «L'internationalisation du Monde diplomatique : entre « cosmopolitisation » et homogénéisation éditoriale», Pôle Sud, n° 30, 2009, p.87, disponible sur Cairn.info, site de compilation de revues de sciences humaines et sociales, < http://www.cairn.info/revue-pole-sud-2009-1-page-85.htm >, [consulté le 1er novembre 2013]. 63 Idem 64 Claude Julien devient ensuite directeur de la publication : Ignacio RAMONET, « Claude Julien, un engagement et une éthique », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/2005/06/JULIEN/12497 >, 2005, [consulté le 8 novembre 2013]. 65 Nicolas HARVEY, op. cit., pp. 88-91. 66 Ibid, pp. 90-91. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique tient à se détacher des régions francophones afin de donner la parole aux pays étrangers. Pour 3 3 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias légitimes une fois émises par leurs ressortissants.67 Le mode de recrutement de ces derniers s'est fait selon le modèle du réseau: c'est via des liens amicaux, professionnels ou des affinités pour une même association militante que des universitaires et des journalistes indépendants sont engagés en tant que collaborateurs du mensuel.68 En 1990, Ignacio Ramonet reprend le poste de directeur de la publication, lui conférant petit à petit une impulsion de plus en plus altermondialiste.69 C'est également ce dernier qui en 1995, déclare la guerre à la « pensée unique »70. Cette dernière est, selon Ramonet, l'opinion que nous imposent nos sociétés actuelles. Elle représente « la traduction en termes idéologiques à prétention universelle des intérêts d'un ensemble de forces économiques, celles, en particulier, du capital international »71. Le Monde diplomatique se positionne donc clairement contre le capitalisme et le libéralisme, incarnés par les grandes institutions monétaires. Dès 1996, le mensuel devient complètement indépendant du Monde, tant éditorialement que financièrement: il se constitue en société autonome, filiale du Monde SA à 51%. Les deux autres actionnaires principaux sont l'Association des Amis du Monde diplomatique et l'association Gunter Holzmann, composée des membres du personnel de la publication. Les lecteurs et les rédacteurs détiennent donc 49% du capital.72 En 2008, la rédaction, qui fonctionne de manière collégiale, se renouvelle: Serge Halimi remplace Ignacio Ramonet au poste de directeur de la publication et Pierre Rimbert devient rédacteur en chef, ayant pour adjoints: Benoît Bréville, Martine Bulard et Renaud Lambert. Le reste de la rédaction se compose de six autres journalistes: Laurent Bonelli, Alain Chacun d'eux est en charge d'une ou plusieurs zones géographiques. Ce système a pour but de permettre un accès régulier au média à tous les pays, y compris ceux qui sont souvent ignorés par les médias traditionnels.74 Les rédacteurs sont autonomes les uns vis-à-vis des autres. Leur rôle principal est de relire et réécrire les articles envoyés par les collaborateurs. 75 Les 67 Ibid, p. 86. Ibid, p. 95-96. 69 Pierre RIGOULOT, « Itinéraire... », Histoire & Liberté, n°44, 2011, p. 10 70 « Qui sommes-nous ? », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/diplo/apropos/ >, [consulté pour la dernière fois le 8 novembre 2013]. 71 Ignacio RAMONET, «La pensée unique», monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.monde-diplomatique.fr/1995/01/RAMONET/1144 >, 1995, [consulté le 1er novembre 2013] 72 « Qui sommes-nous ? », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/diplo/apropos/>, [consulté le 8 novembre 2013]. 73 « Le Monde diplomatique », wikipedia.org, encyclopédie libre en ligne, < http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_diplomatique#Composition_de_la_r.C3.A9daction >, [consulté le 9 novembre 2013]. 74 Nicolas HARVEY, op. cit, p. 87. 75 Ibid, p. 90. 68 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Gresh, Evelyne Pieller, Philippe Rivière, Anne-Cécile Robert et Philippe Rekacewicz.73 3 4 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias régions majoritairement représentées dans les pages du mensuel sont le Moyen-Orient et l'Amérique latine.76 Le journal bénéficie également d’une large diffusion dans le monde en tant que supplément de certains quotidiens nationaux (Égypte, Arabie saoudite, Turquie, Grèce, Italie,...)77. diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/diploint >, 2011, [consulté le 1er novembre 2013]. Positionnement éditorial Le Monde diplomatique est un mensuel atypique dans le contexte médiatique actuel, où priment en général les décisions du propriétaire de l’entreprise sur celles des journalistes. Il n’est soumis ni à un « code de déontologie », ni à une « charte » et le directeur de l’édition est désigné par l’ensemble du personnel. Singulier de par son rejet de la standardisation idéologique que connaît le monde des médias, le Diplo traite des questions internationales à travers des analyses approfondies et des points de vue engagés78. Ses journalistes émettent 76 Ibid, p. 92-93. Pierre RIGOULOT, op.cit., p.22 78Serge HALIMI, «Lecteurs, devenez des Amis!», monde-diplomatique.fr, site du < http://www.amis.monde-diplomatique.fr/article1123 >, [consulté le 5 novembre 2013]. 77 mensuel français, Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique Source : Éditions internationales dans le monde: « Les éditions internationales du «Monde diplomatique» », monde- 3 5 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias régulièrement des critiques radicales vis-à-vis de la presse et des autres médias79 et s'appliquent à remplir leur « devoir d'irrespect ».80 Le journal a d'ailleurs participé à la création de l'Observatoire international des médias.81Il a particulièrement une longue tradition de critique radicale de la politique intérieure et extérieure des États-Unis.82 Le mensuel est considéré comme un journal de combat, militant d’inspiration révolutionnaire, altermondialiste et anticapitaliste. Cela se remarque notamment dans le traitement de certains sujets tels que la responsabilité américaine dans les maux du monde, l’Islam, la stigmatisation d’Israël et des religions chrétiennes. De par sa ligne éditoriale et son historique, le financement du Monde diplomatique est particulier. Financement À l'heure actuelle, les entreprises médiatiques et notamment les journaux de presse écrite disposent de trois grandes méthodes de financement, ces dernières s'articulant sur l'usage ou non de la publicité comme source de revenus. Il existe quelques titres qui bannissent les ressources publicitaires (Charlie Hebdo ou le Canard enchaîné) et d'autres qui, au contraire, les emploient exclusivement (la presse gratuite type Métro). Il existe enfin des journaux qui emploient un système hybride pour se financer, couplant les ressources provenant de la vente de publications avec celles provenant de la publicité.83 Le Monde Néanmoins, la rédaction du journal cherche à se distinguer de ces journaux au système hybride en limitant fortement le pourcentage de revenus publicitaires qu'elle s'autorise. Le mensuel ne tire effectivement que 1,8% (100 000 €) de ses revenus de la publicité84, 85% du chiffre d'affaires provenant, lui, de la vente des publications en kiosque et des abonnements.85 Ce pourcentage est bien en deçà du pourcentage général des revenus publicitaires de la presse en France dont la moyenne est de 37,93% du revenu global en 2012.86 Cette limitation fait 79 Nicolas HARVEY, op. cit., p. 92. Julien CLAUDE, « Le devoir d'irrespect », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, <http://www.monde-diplomatique.fr/2005/06/JULIEN/12497 >, 2005, [consulté le 9 novembre 2013]. 81 Nicolas HARVEY, op. cit., p.92. 82 Ibid, pp.85-97. 83 Nathalie SONNAC, «Médias et publicité ou les conséquences d'une interaction entre deux marchés», Le Temps des médias, n° 6, 2006, pp. 49-58. 84 Attention : 1,8% de financement du journal par la publicité ne signifie pas 1 ,8% de publicité dans ses pages. 85 Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. 86 37,93 % en 2012 : insee.fr, site de l’Institut de la statistique et des études économiques, < http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF13302 >, [consulté le 7 novembre 2013]. 80 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique diplomatique fait partie de ces derniers. 3 6 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias suite à la volonté de la rédaction de ne pas dépendre de la publicité afin de ne subir aucune pression des annonceurs publicitaires87 et de conserver ainsi une indépendance éditoriale forte, revendication importante du journal. En effet, sa vision du journalisme et de la presse se prête assez mal à la présence d'un gros revenu provenant de réclames. Le seuil maximum que s'autorise la rédaction est égal à 5% de revenu publicitaire par rapport au budget total.88 Ce seuil fut presque atteint dans le courant des années 2000 ce qui créa de fortes polémiques.89 Pour l'heure, les revenus provenant des annonceurs sont en baisse. Cependant, ces derniers sont malheureusement non négligeables en l'état actuel des finances du journal: il coûte autant à être édité que ce qu'il rapporte. 90 Ceci implique dès lors que les revenus engrangés par la diffusion du mensuel ne peuvent couvrir à eux seuls les frais de la rédaction, le remboursement de l'emprunt contracté à l'achat de leurs locaux et les multiples autres dépenses.91 Il est évident que la vente des nombreuses éditions du Diplo et les ressources publicitaires ne représentent pas la totalité de son chiffre d'affaires (environ 10M€ en 2012)92. Il tire aussi 13,2% de ses revenus d'autres sources telles que la vente d'un DVD-ROM des archives du journal depuis 1954, des partenariats rédactionnels, des subventions à l'importation, des dons...93 Malgré la baisse du nombre d'exemplaires vendus de 2003 à 2012, passant de 240 00094 à 140 00095, le Monde diplomatique se porte plutôt bien financièrement. M. Lombard souligne par ailleurs que la fidélité des lecteurs du mensuel, attirés par la qualité de l'éditorial, viendraient à s'effondrer.96 « En tout cas, quand il s’agit de l’avenir de ce journal, nous fondons notre optimisme sur une certitude, celle de pouvoir compter sur votre concours (des 87 Idem Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. 89 Frédérique MAURIN, «Publicité : «Nuit gravement à votre sens civique» Une lettre ouverte au Monde diplomatique», acrimed.org, site d’observatoire des médias, <http://www.acrimed.org/article573.html>, 2002, [consulté le 7 novembre 2013]. S. KHALFALLAH, «Le Monde diplomatique, publicitaire des multinationales?», acrimed.org, site de l’observatoire, <http://www.acrimed.org/article1464.html>, 2004, [consulté le 7 novembre 2013]. 90 Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. 91 Idem 92 Idem 93 Idem 94 Graphique représentant l'évolution des ventes du Monde diplomatique entre 2004 et 2008, mondediplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.monde-diplomatique.fr/IMG/gif/graphventesdiplo.gif >, [consulté le 7 novembre 2013]. 95 Ojd.com, association pour le contrôle de la diffusion des médias, < http://www.ojd.com/adherent/3158 >, [consulté le 7 novembre 2013]. 96 Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. 88 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique est une source de dons pouvant servir de sécurité financière au cas où les revenus du journal 3 7 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias lecteurs) »97. L'essor d'Internet au cours de cette dernière décennie a fortement modifié le marché médiatique. En effet, cela a modifié les relations entre les annonceurs, qui employaient la presse pour diffuser de la publicité, et les groupes de presse écrite, qui servaient de médias pour ces réclames. Désormais, les publicitaires utilisent les sites Internet pour diffuser leurs annonces. Toutefois, le Monde diplomatique emploie, sur sa plate-forme en ligne, majoritairement des bandeaux publicitaires pour vendre ses propres produits.98 Le journal bénéficie aussi de subventions de l'État, notamment des aides à la diffusion internationale. L’État français lui a accordé une subvention d'aide au développement du lectorat à l'étranger de près de 251 000 euros en septembre 201299. Nous allons maintenant présenter le site en ligne du Monde diplomatique et les offres d'abonnement que le journal propose à ses lecteurs. Il fut le premier titre de presse français à posséder une édition en ligne (1995). On peut y trouver des informations concernant l’Ours du mensuel, son origine, les éditions internationales et les Amis du Monde diplomatique. Sont disponibles des articles rédigés par la rédaction traitant d’actualité politique (« La valise diplomatique »), issus des « blogs du Diplo » ou parus dans le numéro du mois ainsi que des liens vers des sources primaires (vidéos, comptes-rendus de réunion,…). Ils sont accessibles don. Les abonnements constituent un des revenus principaux du journal. Deux offres existent pour les particuliers. La première, formule intégrale, comprend (pour 6,25€ par mois) les versions imprimée et numérique et l'accès à l’intégralité des archives depuis 1954. La seconde (5,30 euros par mois) inclut la version numérique et l’accès aux archives.100 Une offre spécifique, permettant d’accéder à la base de données en ligne des articles 97 Extrait de l'appel au don par Serge Halimi, actuel président, en octobre 2009, lors de la révolution numérique. Serge HALIMI, « Notre combat », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/2009/10/HALIMI/18192>, 2004, [consulté le 8 novembre 2013]. 98 Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. 99 Erwann GAUCHER, «Les très chères aides de la presse pour vendre les journaux français à l'étranger», erwanngaucher.com, site de Monsieur Gaucher, < http://www.erwanngaucher.com/article/09/10/2012/les-trescheres-aides—la-presse-pour-vendre-les-journaux-francais--letranger/998>, 09/10/2012, [consulté le 5 novembre 2013]. 100 « Abonnements », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://boutique.mondediplomatique.fr/abonnements/ >, [consulté le 8 novembre 2013]. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique gratuitement grâce aux lecteurs qui ont acheté le mensuel, souscrit un abonnement ou fait un 3 8 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias de 1954 à aujourd’hui, existe pour les Lycées, bibliothèques, administrations, entreprises. Il est également possible de s’offrir un accès illimité durant cinq jours à la totalité du site (articles et archives). Le don, source supplémentaire de financement, est encouragé partout sur l’interface101, notamment dans un article intitulé « Confortez notre indépendance ».102 Il explique aux internautes en quoi les dons des lecteurs sont garants de l’indépendance éditoriale et économique du mensuel ainsi que de la qualité de l'information fournie. La rédaction invoque deux raisons pour justifier cet appel : le coût de la numérisation et le refus d'un financement trop important par les annonceurs. « L’information gratuite n’existe pas. Les articles du mensuel en accès libre sur notre site n’y figurent que parce qu’ils ont été préalablement payés par nos acheteurs, nos abonnés et par ceux qui, chaque année plus nombreux, nous versent des dons. ».103 De plus, le Diplo propose d’exécuter des dons en ligne défiscalisés grâce à l’association Presse et pluralisme. Cette dernière permet de bénéficier d’une réduction d’impôt.104 La vente de livres, de numéros hors-série, des suppléments « Manières de voir »105, des atlas constituent également un soutien économique non négligeable. Tous ces produits sont vendus dans la boutique en ligne. Le Diplo possède en outre un fond « Lecteurs solidaires » auquel les lecteurs peuvent souscrire. Ce dernier procure les articles du Monde Diplomatique à des bibliothèques et des journal mais va dans le sens de sa ligne éditoriale.106 101 «Ainsi, après avoir massivement, aidé les banques, l’argent public peut servir, bien modestement, à enquêter sur leurs turpitudes...» Serge HALIMI, «Notre combat», monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/2009/10/HALIMI/18192 >, 2009, [consulté le 8 novembre 2013]. 102 «Confortez notre indépendance», monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/2013/11/A/49781 >, novembre 2013, [consulté le 8 novembre 2013]. 103 Idem 104 Cette réduction est égale à 66 % du montant versé, uniquement possible si les personnes sont imposables en France « Dons », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://dons.monde-diplomatique.fr/ >, [consulté le 8 novembre 2013]. 105 «Le bimestriel du Monde diplomatique. Chaque numéro, décliné autour d'un thème, propose un contenu rédactionnel pédagogique avec cartographie, biographies, lexiques, bibliographies, sites Internet, iconographie...» « Manière de voir », monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://boutique.mondediplomatique.fr/boutique/maniere-de-voir.html >, [consulté le 8 novembre 2013]. 106 Maxime SZCZEPANSKI-HUILLER, «Les usages militants de la lecture et de l’écriture. L’exemple du Monde diplomatique.», colloque Les mobilisations altermondialistes (3, 4 et 5 décembre 2003), disponible sur < http://www.afsp.msh-paris.fr/activite/groupe/germm/collgermm03txt/germm03szczepanski.pdf >, [consulté le 2 novembre 2013] Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique écoles dans les pays où l’accès à l’information est restreint. Ce fond ne finance donc pas le 3 9 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Dans l’optique du financement, il est intéressant d’étudier les relations avec les annonceurs. Ce n’est pas la rédaction qui en est responsable : le Diplo partage sa régie publicitaire avec sa maison-mère Le Monde. Cette dernière prend en charge les publicités placées dans le journal et traite directement avec les annonceurs. La rédaction possède néanmoins un droit de veto. Les annonceurs, quant à eux, n’influencent aucunement le contenu du journal ; sa philosophie est indépendante des « mastodontes de la pub »107. Le Monde diplomatique prend en compte les points de vue de ses lecteurs. Certains d'entre eux, abonnés de longue date, se plaignent de la nature des publicités, en opposition selon eux avec la ligne éditoriale du mensuel, certains allant jusqu’à les considérer comme « une insulte à vos lecteurs, à vos journalistes, à votre fondateur et à l’esprit de votre journal. »108.Le lectorat conteste aussi la quantité de celles-ci et leur emplacement dans le journal (souvent en page centrale).109 « La contradiction entre les textes du Monde diplomatique analysant de façon très critique la " pieuvre publicitaire " et la publication de pages entières d’annonces payantes existe, inutile de le nier »110.Cela dit, on constate une augmentation régulière du nombre de lecteurs du mensuel ce qui témoigne du crédit toujours accordé à celui-ci.111 Le Monde diplomatique a déjà répondu plusieurs fois à ces questions et à ce mécontentement : la présence d'annonces dans ses pages ne l'empêche en rien de remplir sa Conclusion Nous avons constaté que l'histoire du Monde diplomatique explique en grande partie son mode de fonctionnement actuel. De par son engagement à gauche, il dénonce les abus et les dérives des divers gouvernements du monde et des entreprises libérales dans la poursuite de leurs buts capitalistes. Il ne peut dès lors se permettre de laisser les annonceurs et les 107 Entretien avec Bruno LOMBARD, directeur de la gestion au Monde diplomatique, octobre 2013. S. KHALFALLAH, «Le Monde diplomatique, publicitaire des multinationales?», acrimed.org, site d’observatoire des médias, <http://www.acrimed.org/article1464.html>, 2004, [consulté le 7 novembre 2013]. «A propos de la publicité», acrimed.org, site d’observatoire des médias, < http://www.acrimed.org/article574.html >, mars 2002, [consulté le 8 novembre 2013]. 109 S. Khalfallah, « Le Monde diplomatique, publicitaire des multinationales?», acrimed.org, site d’observatoire des médias, < http://www.acrimed.org/article1464.html >, 2004, [consulté le 7 novembre 2013]. 110 «A propos de la publicité », acrimed.org, site d’observatoire des médias, < http://www.acrimed.org/article574.html >, mars 2002, [consulté le 5 novembre 2013]. 111 Serge HALIMI, «Notre combat», monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.mondediplomatique.fr/2009/10/HALIMI/18192 >, octobre 2009, [consulté le 8 novembre 2013]. 108 Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique mission d'enquête critique. Cependant la polémique refait régulièrement surface. 4 0 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique pouvoirs publics s'immiscer dans l'activité rédactionnelle. 4 1 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Bibliographie Articles scientifiques - Nicolas HARVEY, «L'internationalisation du Monde diplomatique : entre « cosmopolitisation» et homogénéisation éditoriale», Pôle Sud, n° 30, 2009, pp.85-97, disponible sur Cairn.info, site de compilation de revues sur les sciences humaines et sociales, < http://www.cairn.info/revue-pole-sud-2009-1-page-85.htm >, [consulté le 1er novembre 2013]. - Pierre RIGOULOT, «Itinéraire...», Histoire & Liberté, n°44, 2011, pp.10-22 - Nathalie SONNAC, «Médias et publicité ou les conséquences d'une interaction entre deux marchés», Le Temps des médias, n° 6, 2006, pp.49-58. - Maxime SZCEPANSKI-HUILLERY, «Les usages militants de la lecture et de l’écriture. L’exemple du Monde diplomatique.», colloque Les mobilisations altermondialistes (3, 4, 5 décembre 2003), disponible sur < http://www.afsp.mshparis.fr/activite/groupe/germm/collgermm03txt/germm03szczepanski.pdf >, [consulté le 2 novembre 2013]. 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Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique - 4 4 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias Annexes Interview de Monsieur Bruno Lombard Directeur de la gestion membre du directoire du Monde Diplomatique avec Serge Halimi et Alain Gresh (Octobre 2012) : Cher monsieur, pouvez-vous nous donner quelques informations sur le financement actuel du journal Le Monde Diplomatique ? Cher Monsieur, la diffusion de nos publications représentait, en 2012, 85,0% de notre chiffre d'affaires, la publicité 1,8%. Les 13,2% restant se décomposent entre des partenariats rédactionnels, la vente de notre DVD-ROM documentaire avec l'intégrale de nos archives depuis notre création en 1954 et l'ajout de cinq langues, des droits vendus aux éditeurs faisant partie de notre réseau d'éditions internationales, des coéditions de livres, des dons, un peu de subvention à l'exportation, ... Dans notre diffusion, les ventes en kiosque représentent 58%, les abonnements 42%. [...]Compte tenu des difficultés de la presse (changements des modes de lecture, fermetures des kiosques, ...) nous investissons fortement dans le numérique. Ainsi nous avons lancé, en début d'année, une nouvelle offre particuliers. Pourquoi ce faible pourcentage de revenus publicitaires et est-ce volontaire ? Nous nous étions fixés un seuil politique de 5% vis à vis de nos lecteurs et pour ne pas nous rendre dépendants de la publicité. Nous avons frôlé ce seuil au milieu des années 2000. La situation du marché et le changement de comportement des annonceurs nous ont ramené à 1,8%. Par "changement de comportement", nous entendons le transfert sur Internet. Or dans ce domaine, les gros agrégateurs annexent la plus grosse part (Google, Yahoo, ...) ; il en reste un peu pour les grands quotidiens. Les tarifs sont bradés. Aussi des bandeaux publicitaires sur notre site pour vendre nos propres produits, ventes kiosque, abonnements et VPC rapportent bien plus que la publicité. La rédaction choisit-elle les publicités présentes dans le journal? (afin, par exemple, Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique d'abonnements numériques couplés avec des archives à destination des 4 5 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias d'éviter la diffusion de publicités d'une entreprise dont le comportement ou l'éthique se révélerait contraire aux idéaux de la rédaction.) La rédaction a un droit de veto. Les cas sont limités. La publicité a-t-elle une quelconque incidence sur la "philosophie" de votre ligne éditoriale, ou le traitement de l'information par vos journalistes? Surtout pas. C'est l'avantage d'avoir peu de chiffre d'affaires publicitaire. Nous ne craignons pas les rétorsions des annonceurs. Pourquoi ne pas renoncer aux revenus de la publicité si ces derniers ne représentent que moins de 2 % de votre financement? C'est quand même encore 100 K€ de marge. Mais effectivement cela pourrait arriver si la baisse continue. Y a-t-il déjà eu des grandes polémiques quant aux sources de financement du Monde Diplomatique ? Oui quand la publicité représentait près de 5% du chiffre d'affaires. Quelle est la situation financière actuelle du mensuel Le Monde Diplomatique ? (Le mensuel est il en difficulté, ou au contraire, en bonne "santé") Le résultat 2012 était équilibré, celui de 2013 devrait être légèrement déficitaire, continuons à rembourser régulièrement le prêt sur l'achat de notre immeuble. Il est dommage néanmoins de ne pas reconstituer de réserves après quelques pertes antérieures. Avez vous une assurance financière, ou un plan de survie, au cas où votre mensuel serait en grande difficulté? Nos lecteurs. Nous les soignons par la qualité de notre éditorial et nous leur disons ce que nous faisons. Aussi en plus de leurs achats et abonnements, ils nous font des dons, nous soutenant avec une fidélité étonnante. Nous pourrions aussi revendre notre immeuble, mais ce serait un produit ponctuel et, après, il faudrait régulièrement payer un loyer "parisien". Combien coûte Le Monde Diplomatique ? Quelles sont les ressources nécessaires Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique mais nos réserves de trésorerie nous permettent de tenir d'autant que nous 4 6 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias pour éditer le mensuel par mois (pour l'édition en langue française)? Il coûte autant qu'il rapporte. Notre résultat est à peu près à l'équilibre, ce qui montre que sans le peu de publicité que nous avons, sans les droits que nous paie notre réseau d'éditions internationales et quelques autres recettes, le chiffre d'affaires de diffusion ne suffit pas à couvrir les dépenses. Notre chiffre d'affaires est d'environ 10 M€ par an. Y a-t-il un réel danger pour la presse écrite à l'heure actuelle quant à des possibles difficultés de financement ? (L'arrivée du numérique transformant l'horizon médiatique). Le terme presse écrite est inapproprié ; vous voulez sans doute parler de presse imprimée. Oui, il y a bien danger. Il n'y a qu'à voir les plans de licenciement en France dans la presse. Connaissez-vous d'autres exemples de journaux qui, comme le Monde diplomatique, limite fortement les ressources provenant de la publicité ? Compte tenu de l'état du marché, peu de journaux sont dans une démarche de limitation. L'exemple radical est Le Canard Enchainé qui vit sans publicité et apparemment bien. Oui dans beaucoup de cas, et pourtant les journaux qui s'en sortiront sont ceux qui seront originaux et qui apporteront une vraie valeur ajoutée. Restituer des brèves d'agences à peine enrichies relèvent de l'impasse. Un moteur de recherche, le plus sophistiqué soit-il, ne peut remplacer un dossier structuré-hiérarchisé, vérifié, documenté, appuyé sur des reportages sur place et sur des enquêtes, ... Des mastodontes financiers en auraient les moyens, mais vont-ils publier de l'information sur des sujets peu abordés et peu en vue, peu à la mode au risque de ne pas vendre leur journal, donc leur espace publicitaire ... ? Exemples : Regardez Le Monde diplomatique de Novembre : « A Montreuil les rescapés de la guerre de Libye », « Des immigrés sans pays d'origine », « En Louisiane prisons cherchent prisonniers », « Faire ses courses à Caracas », Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique La logique économique surplombe-t-elle aujourd'hui la logique éditoriale? 4 7 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias « Comment soigner les Afghans », ... Ce ne sont pas des articles qui intéressent les communicants. Et pourtant ces informations doivent bien être traitées. Graphique des ventes du Monde diplomatique Source : Graphique représentant l'évolution des ventes du Monde diplomatique entre 2004 et 2008, monde-diplomatique.fr, site du mensuel français, < http://www.monde-diplomatique.fr/IMG/gif/graphventesdiplo.gif >, [consulté le 7 novembre Conclusion Ces trois approches permettent dès lors de répondre à la problématique centrale du dossier. En effet, certains médias décident de se passer de l’aide financière des annonceurs publicitaires afin de conserver leur indépendance. Nous constatons dans un premier temps une volonté d’émancipation, dans un contexte où la déontologie du journalisme prône une indépendance totale vis-à-vis des annonceurs. Cette mise à l’écart s’explique d’un côté par l’influence négative que ceux-ci exercent sur le Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique 2013]. 4 8 La mise à l’écart de la publicité dans le financement des médias contenu journalistique et d’un autre côté, par la volonté de s’assurer un lectorat soucieux de l’éthique du média. Outre la quête d’une indépendance éditoriale, cette résolution révèle aussi la stratégie de l’entreprise qui veut sauvegarder auprès des lecteurs sa réputation de support de qualité. Dans cette logique d’autonomie journalistique, les médias sont contraints d’être financés par de nombreuses sources alternatives nécessaires à leur survie. Ces pratiques, comme par exemple le paywall, les dons ou encore les ventes, ne sont pas sans difficultés mais ont néanmoins permis à des groupes comme Médiapart d’engranger des bénéfices considérables. Bien qu’elle occupe une place prédominante, la publicité n’est donc pas totalement incontournable. Enfin, comme on a pu le constater durant l’étude de notre cas pratique, l’histoire du Monde diplomatique témoigne clairement de sa réticence aux idéologies capitalistes dont la publicité fait partie. Ce journal tire entre-autres son financement des abonnements, des ventes en kiosques et de sa promotion sur internet. Il reste donc un des meilleurs exemples de média ayant presque entièrement supprimé la publicité de ses sources de revenu. Pour conclure, l’impératif économique domine aujourd’hui la scène médiatique. Il est de ce fait de plus en plus difficile pour les acteurs de ce secteur de survivre et de prospérer sans publicité. Certains médias parviennent à subsister grâce à divers autres moyens de invoquent plusieurs raisons à cette volonté de se défaire de l’influence des annonceurs dont la principale est : conserver leur indépendance éditoriale et ainsi préserver une information de qualité. Analyse d’un cas pratique : le Monde diplomatique financement, cependant rares sont ceux qui réussissent à dégager des profits considérables. Ils 4 9