1 ÉVANGILE À LA MAISON Après Marc et Luc, c’est au tour des Actes des Apôtres d’être discutés entre amis. PAGE 7 Avril 2014 CANONISATION Jean XXIII et Jean-Paul II vont être inscrits sur la liste officielle des saints. Décodage. PAGE 8 O N 02 MÉTIER D’EGLISE Roland Muggli est diacre au sein de l’UP La VenogeL’Aubonne. Portrait. PAGE 9 www.cath-vd.ch Annette Mayer, responsable du Département Santé, avec la doctoresse Pascale Gabet Henry. Jean-Brice Willemin La résurrection aujourd’hui A la suite du Christ, et comme pour les témoins d’Emmaüs, des traces de résurrection sont présentes ici et maintenant. Un médecin, deux théologiens PAGES 2 - 5 ET 12 et un philosophe en témoignent. JAB 1300 Eclépens CC Dépôt 2 Deux témoins Edito Marc Donzé, vicaire épiscopal Traces de Résurrection Se relever. Se remettre debout dans son être profond. Après une chute, une maladie, un deuil, il est possible de se relever. Après le mal subi, il est possible de se remettre debout au travers du long processus de libération de la rage et de la vengeance. Même après le mal commis, il est possible d’être relevé par la réception de la miséricorde venue de plus loin. Un jour ou l’autre, la vie nous fait traverser des moments de relèvement. Alors nous percevons que des forces venues de plus loin que nous sont à l’œuvre. Elles nous sont données par ceux qui nous entourent, mais aussi par la Source de la vie, de l’amour, de l’unité. Se relever d’entre les morts. C’est l’expression utilisée par le Nouveau Testament pour parler de la Résurrection, celle du Christ. Et avec Lui, la nôtre. Il est fascinant de voir que c’est le même mot que pour les relèvements du quotidien. La résurrection, bien qu’elle garde une part fondamentale de mystère, se présente comme le moment plénier, où nous sommes relevés de tout au-delà du voile de la mort. « Il n’y a plus ni larmes, ni douleur, ni peine, ni irrespect, ni désaveu de l’amour », dit le livre de l’Apocalypse. Mais joie, paix, lumière, concorde, unité. J’aime cette parenté de vocabulaire entre se relever et ressusciter. Elle nous donne un appui pour la foi en la résurrection. Car la résurrection est déjà commencée en nous lorsque nous nous relevons, accompagnés de forces plus grandes que nous. Pour dire vrai, elle est à l’œuvre en nous depuis notre baptême et même notre naissance. Nous vivons déjà des bribes d’expérience du relèvement d’entre les morts. Alléluia ! DOSSIER Quelques jours après la résurrection pascale, voici venu le temps d’entendre les disciples d’Emmaüs dimanche prochain à la messe. Une médecin et une théologienne engagée dans les milieux de la santé nous ont raconté les résurrections quotidiennes dont elles sont les témoins ; autant dans leur propre vie que dans les rencontres de leur engagement professionnel. « Ressuscitée malgré la mort » A près une petite hésitation, la doctoresse Pascale Gabet Henry a volontiers accepté de se laisser « examiner », de se confier au journaliste désireux de connaître comment elle vit la résurrection pascale au quotidien. « Née un mardi d’avant Pâques à Lyon, j’ai natuLa doctoresse Pascale Gabet Henry dans son cabinet. rellement hérité du prénom de Pascale. Et j’ai été éduquée Ce sont des repères de vie qui dans la confiance en un Dieu ont aidé Pascale Gabet Henry d’amour plutôt que punitif. Plus à revivre, à ressusciter après le tard, j’ai grandi dans la foi par la décès subit de son cher mari. musique et grâce à mon mari ré- « Se sachant malade, il s’était formé, Vaudois de l’Eglise libre, préparé à partir. Je ne suis pas avec qui j’ai approfondi ma foi ; tombée grâce à ma foi, au sounous allions ensemble au culte tien de mes proches et à la force ou à la messe. » transmise par mon mari. Il n’avait pas peur de la mort. Au diapason du ciel par la L’amour toujours musique Pascale Gabet Henry est restée dans l’Eglise grâce à la musique. Cette ancienne organiste de la paroisse Saint-Maurice de Pully a été initiée à l’orgue liturgique par le prêtre lyonnais Marcel Godard, « l’un des acteurs du renouveau de la musique liturgique après Vatican II », compositeur de certaines hymnes du film Des hommes et des dieux. « Par la musique, je prie et me mets au diapason du ciel », confie-t-elle. « C’est un sentiment de joie, semblable à celle ressentie à contempler des fleurs ou recevoir un appel téléphonique amical. » Deux heures avant, par un merveilleux dimanche d’été, il disait n’avoir jamais été aussi heureux et en paix. Dans le faire-part, j’ai re-pris ces mots de l’écrivain et philosophe chrétien Louis Evely : « L’amour permet d’envisager la mort, car lorsqu’on aime profondément, on sait qu’on a atteint une valeur que la mort ne peut détruire. » Et l’amour perdure. « J’ai l’impression de vivre toujours avec lui, différente. » « Révéler à mes patients leurs capacités d’auto-guérison » Ce nouveau chemin de vie, Pas- Jean-Brice Willemin cale Gabet Henry le parcourt par la prière et la confiance en Dieu. C’est ce qu’elle essaye de transmettre à ses patients. « Je soigne d’abord leurs symptômes physiques et cherche à voir ce qu’il y a en-dessous, les origines émotionnelles et spirituelles. En en parlant ensemble, ils voient plus clair en eux, peuvent reconnaître et utiliser leurs potentialités. Cela les aidera à se soigner eux-mêmes. » Et avec les patients indifférents ou incroyants ? « Je les incite à s’adresser à une force universelle, une force de vie, un ange-gardien. » A condition d’accepter la transcendance ? « C’est fondamental. Mes malades ne se sentent alors plus tous seuls. Ils accepteront d’ouvrir leurs volets pour que la lumière entre à flots en eux. Et ils sont amenés peu à peu à un chemin de pardon pour trouver l’harmonie avec eux-mêmes et leur entourage ». Jean-Brice Willemin 3 de résurrections se dévoilent « Vivre la résurrection se passe dans la relation » Ici et maintenant Jean-Brice Willemin P our Annette Mayer, responsable du Département de la Santé de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, la question fondamentale est : « Qu’est-ce qui se passe, au plus intime de la personne, qui a besoin de ressusciter, d’être animée pour retourner à la vie ? La résurrection ne prend son sens que si, dans un mouvement d’humilité, je peux descendre dans les profondeurs, me confronter à ces zones de mort et les identifier, les nommer. Si l’on reste dans une posture d’autosatisfaction ou de suffisance, il est difficile de vivre l’expérience de la résurrection. » La résurrection n’arrive donc pas n’importe où, elle se passe là où il y a une prise de conscience de sa fragilité, de ses limites et de ses blessures. La personne se retrouve d’abord avec elle-même. « Croire en la réalité de la résurrection, croire en la force du Christ ressuscité dans ma vie, c’est moins un fait d’annonce que d’expérience vivante. Ce n’est qu’après que l’on peut mettre des mots dessus, la nommer. Vivre des bouts de résurrection se passe toujours dans la relation interpersonnelle. Pour la croyante que je suis, cela ne peux pas se passer hors de ce lien au Christ vainqueur de la mort, de toute mort. » Annette Mayer, responsable du Département Santé, se confie à Olivier Schöpfer. dans l’ici et le maintenant. » « Ce qui donne particulièrement sens au travail d’aumônerie, à l’hôpital ou dans les EMS, c’est de comprendre, dans la rencontre avec les patients et les personnes âgées, la différence entre l’idée du corps abimé et une perspective du corps blessé, poursuit Annette Mayer. La première s’inscrit dans une logique de réparation, pour retourner à l’état antérieur. Pour le second, c’est la conscience de notre vulnérabilité existentielle qui invite à intégrer la blessure et à marcher avec. D’ailleurs, le corps ressuscité du Christ garde les traces de son martyre, ce n’est pas un corps idéalisé. Le travail de l’aumônier que je suis consiste à accompagner le patient sur le chemin de l’intégration des effets de la maladie, de l’accident, pour pouvoir avancer dans son histoire d’homme ou de femme debout. » La résurrection se pose en terme d’ici et de maintenant. « Si on relit le récit de la résurrection de Lazare, on voit Marthe dire, un peu en « bonne élève », à l’annonce de la mort de son frère : Je sais, je sais, il va ressusciter au dernier jour. Mais la foi de Marthe en la résurrection, Jésus la sort de la temporalité en disant : ‘Je suis la résurrection et la vie’. Si je m’attache à Celui qui est la vie, c’est à n’importe quel moment de l’existence que je peux faire l’expérience que Dieu relève, qu’il La réalité du Vendredi-Saint met debout, qu’il adresse sans et du Samedi-Saint cesse ce ‘Sors de ton tombeau’ De son expérience personnelle, Annette tire encore un lien entre ce qu’elle vit et les jours qui précèdent la Résurrection du dimanche de Pâques : « Le Vendredi-Saint, c’est la confrontation dure à la souffrance et à la mort. C’est ce jour qui nous pousse à nous demander ce qui doit être ressuscité en nous. Mais le passage à la vie nous met dans les conditions du Samedi-Saint. Il nous met devant l’expérience de l’absence, du vide qui est à traverser. Une expérience qui peut nous hanter. C’est spécialement marquant en gériatrie. Annoncer, parler de la résurrection doit s’accompagner d’une attention fine et fidèle à l’expérience du vide et de l’absence d’espoir que beaucoup de personnes vivent face à leur dépendance croissante. Sinon, ce ne sont que des paroles creuses. Tenir le Samedi-Saint, c’est porteur de vie, et la traversée de ce vide est déjà prémisses de résurrection. » PRIÈRE Toi qui es Chemin Donne-nous de croire qu’en toute impasse s’offre un passage Toi qui es Vérité Donne-nous de croire que de toute errance nous pouvons nous réveiller Toi qui es Vie Donne-nous de croire que de toute mort tu viens nous relever Montre-nous le Père, Qui n’est pas ailleurs, mais au cœur de notre humanité, quand nous marchons, quand nous veillons, quand nous vivons. (Francine Carrillo) Olivier Schöpfer 4 Pasteure Anouk Troyon, Aumônerie UNIL C’est ce que les disciples devaient se dire, calfeutrés dans la maison après la mort de Jésus. « Fichez-nous la paix. On y croyait, on lui faisait confiance, et il est mort. Alors maintenant, on préfère s’enfermer, par peur d’être déçu à nouveau. » Et quelque chose d’inattendu se passe. Il surgit de nulle part. Comment il a fait pour passer les murs, pour s’arracher aux griffes de la mort, ce n’est pas la question. Il est là. « Ficheznous la paix », se disaient les disciples quelques secondes avant. « La paix est avec vous », leur répond le Christ. Et ce n’est pas une parole en l’air, non. Cette paix, ils la ressentent, ils la reçoivent, comme un souffle qui les traverse, comme un frisson qui change tout. C’est une paix qui est d’un autre ordre que celle à laquelle les disciples aspiraient, quand ils voulaient qu’on leur fiche la paix. La paix que le Christ apporte est une paix qui rend libre… elle nous ouvre aux possibles, elle nous délivre de la peur : peur de l’autre et de ses jugements, peur de l’échec et de notre culpabilité. Et si c’était ça, la résurrection ? Et si elle n’était pas seulement pour après la mort, mais déjà pour maintenant ? Comme des « mini résurrections » que l’on peut vivre au quotidien : se relever d’une chute, goûter à la chaleur du soleil après une période de ténèbres… Se sentir en paix, avec soi, avec les autres. Ô Christ, donnenous ta paix ! Le message fou des disciples d’Emmaüs DOSSIER Chrétienne à la foi profonde, la journaliste et essayiste* Aline Viredaz témoigne combien le récit des disciples d’Emmaüs, que nous entendrons à l’évangile de ce dimanche 4 mai, reste un message renversant pour les croyants, et les incroyants, de XXIe siècle. (Réd.) I ls cheminent. Sur la route entre Emmaüs, où ils vont, et Jérusalem d’où ils viennent. Deux heures de marche. C’est la fin de la journée. Tous deux viennent de vivre les événements effroyables d’une condamnation à mort et d’une crucifixion ; d’un homme qui promettait aux foules et à ses proches la venue du Royaume. Ils n’y comprennent rien et sont dévastés par la tristesse et la déception. L’Evangile parle en effet de visages sombres : alors, ce Royaume ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Les propos d’un mythomane, d’un prétentieux, d’un imposteur ? Jésus vivant ? Survient un autre marcheur. Qui les interroge : « De quoi parlez-vous ? » Eux sont d’emblée passablement agacés : quoi, tu ne sais pas ce qui s’est passé à Jérusalem ? De quoi d’autre pourrions-nous parler ? Et ils expliquent à Jésus, Fils du Dieu Vivant relevé d’entre les morts – car c’est Lui – ce que Lui, précisément, vient de vivre : Son jugement, Sa condamnation, Sa mise à mort. Les deux compagnons sont défaits. Il y a bien sûr ces femmes qui ont vu le tombeau vide et qui évoquent des Anges, affirmant que l’Homme est vivant.... C’est vrai, le corps n’est plus là. Mais c’est tellement farfelu. Benêts de Vaudois ? A ce moment, Jésus se lâche, comme on dit aujourd’hui. En Vaudois ça donnerait à peu près ceci : « Vous êtes des benêts ou bien ? Et ce qu’ont annoncé les prophètes : Vous en faites quoi, bon sang de bon sang ? ! » Il commence par leur dire qu’ils sont sans intelligence et lents à croire. Jean-Brice Willemin La parole à : La journaliste Aline Viredaz avec son compagnon à quatre pattes. Ah bon ? L’intelligence aurait donc quelque chose à voir avec la rapidité à faire confiance ? Et il se lance dans un long exposé sur ce qui est dit de Lui dans les Ecritures. En arrivant chez eux à Emmaüs, ils invitent Jésus – ne sachant toujours pas qui Il est – à souper. Le soir tombe, il faut se sustenter. Alors leur invité prend du pain, le bénit, le rompt et le leur donne. Et là, leurs yeux s’ouvrent, ils le reconnaissent... mais Il a déjà disparu. On imagine les deux compères complètement excités sur le trajet du retour. Quand ils arrivent à Jérusalem auprès des disciples et de leurs amis tous réunis, ils n’ont qu’un mot à la bouche : C’est bien vrai ! Le Seigneur s’est réellement réveillé. Mystère de la Foi Les chrétiens convaincus sont des fous de Pâques, ce vent de force 7, 8, 9... Incommensurable. Quelle joie immense d’avoir reçu la capacité de se laisser décoiffer l’âme ! Pourquoi moi, pourquoi pas ceIl est vivant ! Du coup, ils se lèvent de table, lui-ci, ou celle-là ? et repartent dans le sens inverse, vers Jérusalem. Il fait nuit désor- Mystère de ce don. Et comme mais, il faudra remarcher deux je voudrais que tous ceux que heures dans l’obscurité. Mais il j’aime soient pris dans ce maelsn’y a pas une minute à perdre tröm définitif. Allons, Seigneur pour raconter ce qu’ils viennent Jésus, Fils du Dieu Vivant relevé de vivre, et annoncer ce qui d’entre les morts, un p’tit coup depuis 2000 ans aujourd’hui ne d’pouce ! Faites-les trembler, cesse de bouleverser et de dé- que diable ! Heu... pardon. Aline Viredaz ranger la donne du monde : Oui, Il a vraiment été relevé d’entre * « Là où je vais », Aline Viredaz les morts. (Editions Labor et Fides), 2008 5 La résurrection face aux personnes démunies Regard neuf sur l’Eglise dans le Canton : DOSSIER Rendre compte de la joie de la Résurrection à des personnes qui risquent sans cesse de se retrouver sans revenu ? Pas évident ! Quelle bonne nouvelle apporter quand l’impasse matérielle domine et qu’aucune solution n’apparaît ? L’aumônier de la Pastorale du monde du travail, Jean-Claude Huot, propose d’y réfléchir à l’occasion de la fête du 1er mai. Jean-Claude Huot, D agent pastoral au Département Solidarités Caritas-markt ans la pastorale du monde du travail, je rencontre des personnes qui vivent dans l’extrême précarité. Au chômage depuis longtemps, elles dépendent de l’aide sociale. Migrantes, certaines ne bénéficient même pas de cette aide. Alors quand vient une offre de travail, le soulagement est intense… et la désillusion parfois brutale. Pour 28 heures hebdomadaires on a proposé à une mère de famille 1 000 francs de salaire mensuel, moins de 9 francs par heure pour garder des enfants et faire le ménage. Ou encore, pour un homme qui a dix ans d’expérience, un emploi à mi-temps payé 1 750 francs (le plein temps serait à 3 500 francs) pour faire la vaisselle dans la cuisine d’un hôtel. Cette réalité est observée partout dans le Canton, tant par les aumôniers de l’Eglise que par les assistants sociaux de Caritas. Certains salaires sont si bas qu’ils ne permettent pas de vivre de manière autonome. Les épiceries Caritas vendent des produits alimentaires à des prix très bas aux personnes dans le besoin. que d’ailleurs il ne peut refuser parce qu’elles lui sont imposées par le patron ou par celui qui fait l’offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice proteste. » (Encyclique Rerum Novarum 34.4) Dès lors, les papes rappelleront sans cesse l’impératif de la dignité humaine dans l’aménagement des conditions de travail. Pour l’enseignement social de l’Eglise, le salaire doit permettre au travailleur et à sa famille de mener une vie digne, pas seulement se nourrir, se vêtir et se loger, mais aussi Comme au XIXe siècle Cette violence n’est pas nouvelle. participer à des activités sociales, En 1891, le Pape Léon XIII écri- culturelles ou religieuses. vait déjà : « Si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte Enseignement d’un mal plus grand, l’ouvrier social en pratique accepte des conditions dures, Cet enseignement reste d’actua- Le travail mis en valeur A l’occasion de la fête du travail, jeudi 1er mai, la Pastorale œcuménique dans le monde du travail organise une soirée à l’église Saint-Laurent à Lausanne. Une célébration œcuménique aura lieu à 18h30, suivie d’une collation avant un éclairage éthique sur l’initiative pour un salaire minimum. La soirée sera l’occasion d’aller au-delà de la votation sur l’initiative sur les salaires équitables. La célébration rendra grâce pour ce don qui nous est fait de contribuer à la Création. Un débat suivra sur les enjeux éthiques du salaire minimal. Avec Pierre-Alain Praz, directeur de Caritas-Vaud et Pierre Bühler, professeur de théologie systématique à l’Université de Zurich. Infos : www.cath-vd.ch/mondedutravail lité avant la votation fédérale sur le salaire minimal du 18 mai prochain. Savoir s’il appartient à l’Etat de le fixer et quel doit être le niveau de ce minimum est controversé. Mais la question du salaire équitable est cruciale. Le Conseil de la Pastorale œcuménique dans le monde du travail a repris les réflexions du concile Vatican II (Gaudium et Spes 67) : Un salaire équitable doit naturellement se justifier par « les fonctions et la productivité de chacun » ; il doit aussi tenir compte « de la situation de l’entreprise et du bien commun. » L’équilibre économique de l’entreprise est important. L’équilibre de la société dans laquelle elle se trouve aussi. Les rémunérations qu’elle distribue doit y contribuer. Les hommes et les femmes que nous rencontrons sont blessés par le chômage et l’exclusion. Si nous pouvons les aider à se relever, nous avons témoigné de la résurrection. Mais nous sommes aussi appelés à agir sur les structures sociales et économiques quand elles sont blessantes. Sans cela, nous admettrions que la violence a le dernier mot. Or, après Pâques, nous savons qu’il n’en est rien ! Jean-Claude Huot Depuis septembre 2013, je suis plongé dans le Département Solidarités. Pastorale œcuménique dans le monde du travail : la réalité de la migration me saute au visage. Les personnes que je rencontre viennent de loin parfois, ne savent pas toujours le français. Elles cherchent de quoi vivre, n’ont plus rien ailleurs. Que leur proposer ? L’écoute ne suffit pas. Elles veulent travailler et ne trouvent rien. Les solutions restent rares. J’admire la force de ces personnes sans logement et sans revenu ; mais je suis indigné face à l’injustice qui les frappe ! Le Département : une quinzaine de personnes engagées corps et âme avec les plus précarisés, en prison, dans la rue. Un dynamisme extraordinaire. A chaque réunion nous échangeons sur notre vécu. Ensemble, nous portons les souffrances partagées dans l’eucharistie. Foi et vie indissociée ! L’indignation devient espérance. Et nous pourrions faire mieux. Le Pape François demande de mettre en œuvre l’Evangile pour transformer la société. A Renens, les acteurs du Département travaillent avec la paroisse, avec les communautés linguistiques. Ces liens peuvent se renforcer, non seulement dans l’Ouest lausannois, mais dans tout le Canton. Les Dimanches solidaires ou les permanences Accueil en sont des exemples. Pour une Eglise « qui entend la clameur pour la justice et veut y répondre de toutes ses forces ». Alors la joie de l’Evangile rayonnera ! 6 Réflexions collectives sur le sens Le jour du Seigneur est vécu bien différemment aujourd’hui qu’il y a cinquante ans, que ce soit pour la messe dominicale, en famille ou en termes de loisirs. Pour y réfléchir, Mgr Charles Morerod a notamment invité trois sociologues pour en débattre avec les agents pastoraux du diocèse. Et le vicaire épiscopal du canton de Vaud, l’abbé Marc Donzé, a prolongé la discussion lors de la récente assemblée cantonale de la Pastorale. Etat des lieux. Les 400 agents pastoraux réunis à l’Université de Fribourg lèvent des cartons coloriés pour donner leurs réponses au questionnaire des sociologues. Ceux-ci en ont tiré les conclusions quelques minutes après la fin de ce sondage « in vivo ». Diocèse LGF L es deux sociologues vaudois de l’UNIL, René Knüsel et Hakim Ben Salah, relèvent que le dimanche vécu aujourd’hui par les chefs de famille est bien différent d’il y a cinquante ans. Les priorités ont changé. Repos et vie spirituelle communautaire ont été remplacés par tout ce qui n’a pu être fait pendant la semaine : prendre du temps avec ses enfants ou ses vieux parents, faire du sport, terminer ses tâches domestiques ou même préparer le travail du lundi. Le choix pour l’organiser n’est plus collectif, mais très largement individuel. La pratique religieuse est dès lors passée au second plan, favorisée par des modes de vie urbains et individualistes. Les sociologues ont vu leurs hypothèses confirmées par les 420 agents pastoraux du diocèse réunis en session de l’automne dernier. Dans le passé, disent 64% d’entre eux, « on profitait de reprendre des forces ». Aujourd’hui, pour 81% des interviewés, « on gère d’abord des occupations sociales et sportives, à concilier avec des contraintes professionnelles. » plus une activité structurante pour les familles. Si certains parents et enfants sont encore attachés à une vie spirituelle, c’est de plus en plus hors des cadres institutionnels, notamment chez les jeunes marqués par une certaine indifférence au pouvoir d’autorité, de transmission et de transcendance. » Le repos dominical est en priorité familial et laïc ! Et la messe du dimanche ? Un jour encore sacré ? Dès lors, pour les Eglises, il s’agit d’investir ces nouveaux espaces de la culture, du sport et des loisirs, d’être là où les gens continuent de se rencontrer. En effet, commentent les sociologues de la session, « les services religieux ne constituent La société de consommation n’a pas encore réussi à faire ouvrir massivement les portes des magasins le dimanche, relèvent ces analystes de nos pratiques de vie. Mais le jour du Seigneur – c’est le sens du terme dimanche – restera-t-il marqué par la visite de Dieu parmi les hommes ? Il reste encore sacré pour nombre de migrants et de seniors. Comment rejoindre les familles ? Et pour les familles, pour les jeunes qui font bande à part ? Les forces vives des Eglises sont appelées à les rejoindre, si elles veulent encore offrir du sacré le dimanche à l’ensemble de la société dans les lieux de culture, de divertissement, de sport ; là où les gens se rencontrent le dimanche. C’est un sacré défi que les communautés catholiques sont appelées à relever ces prochaines années. Jean-Brice Willemin 7 du dimanche Evangile à la maison Assemblée de la Pastorale à fêter à Lausanne P lus de 80 agents pastoraux et bénévoles ont réfléchi à la manière de donner un nouveau sens au dimanche dans le cadre de l’assemblée de la Pastorale du 12 mars dernier. L’assemblée a discuté d’exemples vécus. Comment peut ainsi se vivre de manière plus vivante nos rassemblements communautaires ? Trois grands témoins ont raconté comment ils ont organisé et participé à des moments festifs en Eglise. Messes multiculturelles Accueillir les inconnus Parmi les participants, on relevait l’importance de se sentir accueilli et reconnu pour établir des liens en communauté. « Il faut soigner l’accueil au début des offices et faciliter les rencontres avec de nouveaux paroissiens, par exemple en organisant des apéritifs sur le parvis et en allant à la rencontre des personnes inconnues ; il y a une conversion intérieure à entreprendre pour se rendre disponible. Cela permet de mieux se rassembler pour prier ensemble », ont relevé des participants. JBW Le groupe genevois P.U.S.H. invité pour fêter l’Evangile à la maison. Jean-Brice Willemin Marie a raconté avec enthousiasme l’animation à la basilique Notre-Dame de Lausanne, en équipe, des cinq messes du dimanche de la Mission universelle en octobre dernier. « Nous étions une trentaine de personnes de diverses nationalités. Nous avons collaboré, cheminé ensemble dans un dialogue et un respect de toutes les cultures. Je relève cette réac- tion entendue de fidèles : Vous étiez dans la lumière. » Deux autres témoins d’origine étrangère ont raconté avec enthousiasme leur participation à la crèche vivante de Noël de la paroisse St-Amédée de Lausanne. « Des personnes d’autres religions ont joyeusement participé à la fête de la naissance de Jésus. » Facebook / page de P.U.S.H. à la Longeraie Plus de 80 personnes ont participé à l’Assemblée de la Pastorale à La Longeraie à Morges. tomne 2012, d’une riche collaboration œcuménique entre Eglises catholique et réformée du canton de Vaud. De nouveaux groupes ont alors été créés, mixtes et diversifiés. La célébration de vendredi 6 juin à 18 heures, avant-veille de la Pentecôte, marque le lancement officiel de la lecture des Actes des Apôtres. Elle intègrera un groupe de jeunes encadrés par deux professionnels chrétiens du monde du spectacle. La partie son et lumière de la célébration est ainsi confiée à Fabrice Kaspar, leader du groupe rock chrétien P.U.S.H. Fondé à Genève en 2002, le groupe collabore avec des chrétiens de tous horizons, des croyants d’autres religions et aussi des personnes agnostiques. Et c’est Fabien Moulin, metteur en scène et directeur de troupe valaisan, qui prêtera sa voix à la lecture de textes choisis du livre des Actes. A la fin de cette rencontre, il sera possible de se renseigner sur la manière de constituer un nouveau groupe ou de rejoindre un groupe existant, mais aussi et surtout de partager une sympaHistoire œcuménique Après un premier parcours sur thique agape offerte à tous. l’Evangile selon Marc en 2011Sr Isabelle Donegani 12, la lecture de l’Evangile selon et Béatrice Vaucher Luc a été l’occasion, dès l’auLa lecture en groupe des Evangiles à la maison a débuté en automne 2011 dans le canton de Vaud. Après Marc et Luc, c’est au tour des Actes des Apôtres d’être discutés entre amis. Pour fêter le démarrage de ce nouveau chapitre du Nouveau Testament, ils sont invités à une grande fête vendredi 6 juin à l’église St-Amédée de Bellevaux à Lausanne. L’intuition fondatrice de l’Evangile à la maison, c’est de convier et rassembler chez soi quelques voisins, amis ou proches, pour un temps de lecture et de partage de la Bible. Avec le souhait de s’ouvrir à des interlocuteurs éloignés de l’Eglise. Depuis décembre 2011, de nombreux groupes se sont ainsi réunis chez des particuliers pour lire un Evangile et vivre un temps de partage. Le propos n’est pas de « convaincre », mais de se mettre, ensemble, à l’écoute de textes qui sont toujours à recevoir à neuf, quels que soient ses croyances, expériences ou degrés d’engagement dans une Eglise. 8 La canonisation, c’est quoi ? DÉCODAGE Le dimanche 27 avril 2014, Jean XXIII et Jean-Paul II seront canonisés, c’està-dire qu’ils seront inscrits au catalogue des saints. Décryptage d’une pratique millénaire. déré comme saint. Mais dès les premiers siècles, les évêques s’étaient réservé le droit de déclarer qui pouvait être reconnu comme saint, tant les martyrs et les saints étaient populaires. Au XIIe siècle, le pape Alexandre III a restreint ce droit au seul souverain pontife. Un siècle plus tard, Innocent III en a défini les règles. Il y eut plusieurs réformes à travers les siècles, la dernière ayant été apportée par Jean-Paul II avec la Constitution apostolique du 25 janvier 1983 (Divinus Perfectionis Magister), destinée à simplifier la procédure et à y associer davantage les évêques. chrétiennes, marque d’une fois vivante et démonstration que la sainteté n’est pas inaccessible à l’homme. Quels sont les critères ? Quelle est la procédure ? Pour être reconnue comme sainte, une personne doit remplir plusieurs conditions. Elle doit avoir un rayonnement spirituel après sa mort, signe de sa participation à la sainteté de Dieu et assurance que son exemple est accessible et bienfaisant au peuple chrétien. Les miracles qui peuvent lui être attribués revêtent à ce titre une grande importance ; ils sont considérés par l’Eglise comme un signe de Dieu pour confirmer la sainteté de la personne. La seconde condition est le martyre, ou les vertus La procédure se présente comme celle d’un procès canonique. Le postulateur de la cause doit adresser une requête écrite à l’évêque du diocèse où est mort le candidat à la sainteté. Le dossier comprend une biographie, une copie de l’ensemble de son œuvre, une liste de témoins pour les causes récentes, l’avis d’experts, les résultats de l’enquête, véritable instruction judiciaire. C’est alors la Congrégation pour la causes des saints (instituée par Paul VI en 1965 ; avait pris place parmi les jeunes évêques qui déclenchaient des applaudissements, remplissant peu à peu toute l’aula. Beau symbole de l’aggiornamento qu’avait voulu Jean XXIII : un Concile qui renouvelle « la rencontre avec Abbé Jésus ressuscité, rayonnant dans Jean-Marie l’Eglise entière, pour le salut, la Pasquier, joie et les splendeurs de tous les ancien curé du Saintpeuples humains ». Plus tard, Rédempteur Jean-Paul II fera maintes fois référence dans ses messages du 1er Quelle filiation entre ces deux papes ? janvier à l’encyclique Pacem in terElle était visible pendant le concile. ris de Jean XXIII. Karol Wojtyla, nommé évêque en 1958 par Pie XII, a participé à la 1re Comment Jean–Paul II session de fin 1962, qui a eu une a-t-il intégré le souffle influence décisive pour faire entrer du Concile ? Vatican II, programmé par la Curie, Vatican II voulait renforcer la comdans une Eglise peuple de Dieu. Il munion dans la diversité, par la collégialité épiscopale, et en promouvant les Eglises locales. Qu’en est-il advenu sous Jean-Paul II ? Pourquoi canoniser quelqu’un ? La canonisation désigne l’acte par lequel le pape inscrit une personne sur la liste officielle des saints. Elle a pour but de proposer en exemple au peuple chrétien le témoignage d’un des membres défunts de l’Eglise et d’autoriser ou de prescrire un culte public en son honneur. Ce culte public se traduit par l’attribution d’un jour de fête au calendrier et par la possibilité d’exposer des images et des reliques dans les églises. A quand remonte la procédure ? La première déclaration officielle de la part de l’Eglise de la sainteté d’une personne est la bulle pontificale envoyée par Jean XV en 993 aux évêques de France et de Germanie, pour leur signaler qu’Ulrich, évêque d’Augsbourg, devait être consi- Trois questions à : On en attendait davantage ; il s’est efforcé de promouvoir l’œcuménisme, surtout avec les orthodoxes, et aussi le dialogue interreligieux. Qu’on pense à la rencontre d’Assise où pour la première fois des croyants du monde entier prièrent côte à côte ! Sur un autre plan, l’Europe de l’Est lui doit beaucoup pour la chute du mur de Berlin. Par contre, sa lutte contre le communisme l’a marqué négativement pour comprendre la théologie de la libération et soutenir l’engagement des communautés latino-américaines qui s’y référaient. auparavant, ces questions relevaient de la Congrégation des rites) qui va mener à son terme l’examen de la cause. Cette Congrégation présidée par un préfet est constituée de cardinaux, d’évêques, d’historiens, de théologiens, de médecins (s’il y a miracles). Dans le cours de la procédure intervient le promoteur de la foi, sorte d’avocat général dont la mission est de rien laisser dans l’ombre, même les choses négatives (d’où l’appellation d’ « avocat du diable », qui est passée dans le langage courant). Si les délibérations de la Congrégation sont positives, le dossier est alors remis au pape, à qui revient l’ultime décision. Olivier Schöpfer Va-t-on fêter ensemble Jean XXIII et Jean-Paul II ? Dieu merci, le pape François célèbre le même jour cette double canonisation. Mais ces saints demeurent si différents dans leur manière d’incarner l’Evangile – en particulier leur attitude à l’égard des faibles et des exclus de ce monde et au sein de l’Eglise – qu’il vaut mieux, selon moi, respecter cette distance, jusque dans le calendrier. Jean-Paul II a écrit une magnifique encyclique sur Dieu riche en miséricorde, mais comment en a-t-il témoigné à l’égard des divorcés remariés ou des prêtres désireux de se marier religieusement ? Qui ouvrira un jour ces portes si longtemps fermées ? Le pape François ? 9 Plus de 70 ans à l’écoute du Christ M écanicien-électricien de profession, Roland Muggli a senti très tôt l’appel à une vocation de service dans l’Eglise. De mère protestante, élevé dans cette confession, il choisit à 22 ans d’entreprendre une formation pour devenir diacre. Il effectue divers stages, en Suisse, en Allemagne et en France, à Taizé. « Mes premiers contacts avec Taizé remontent à 1964. C’était la période du concile Vatican II, et on ressentait une effervescence réelle. Elle s’est traduite, au fil des années et jusqu’à aujourd’hui, par un œcuménisme plus grand. C’est encore plus vrai avec le pape François. » Il se marie à 35 ans – avec son épouse, ils ont eu trois enfants – et est consacré diacre dans l’Eglise protestante vaudoise. Durant quelques années, il a travaillé comme infirmier chef, puis directeur dans un EMS de la région lausannoise. Au fil du temps, il acquiert la certitude que l’Eglise protestante ne répondait pas pleinement à sa vision d’Eglise, spécialement le fait de ne pas reconnaître la présence réelle du Christ dans l’eucharistie. Ordonné en 2009 « A ma retraite, j’ai demandé mon entrée dans la pleine communion de l’Eglise catholique. Ca n’a pas été facile pour mon épouse, mais elle l’a accepté. Je ne parle pas de conversion, mais plutôt d’une prolongation de mon ministère de diacre. » En 2009, il est ordonné diacre par Mgr Genoud à Morges. « Ce fut une journée magnifique », dit-il, les yeux encore emplis de lumière. Roland Muggli conçoit son rôle actuel comme étant au service du Christ et de l’Eglise. « Je coordonne la préparation des liturgies, pour les rendre plus vivantes. Je préside aussi la célébration de baptêmes et de services funèbres, ainsi que quelques mariages. » Claude-Inga Barbey, comédienne Le Jésus que je fréquente est en plâtre creux. Je le sais bien, je ne suis pas dupe. Il est cloué sur une croix de bois qui tient au mur avec des vis et des boulons. A ses pieds, dans des vases en cristal épais, des chrysanthèmes rose pâle à l’odeur tenace baignent dans l’eau jaunie, des étoiles de Noël rouge napperon, des azalées en pot qui perdent toutes leurs feuilles d’un seul coup, comme si elles avaient Roland Muggli a très tôt entendu l’appel du Christ. service est également axé sur la charité, notamment dans le cadre de la Conférence Saint Vincent de Paul. « J’en suis le président depuis cinq ans. Il y a deux ans, l’Association St Vincent de Paul de la région morgienne est devenue œcuménique. Il est important que nous travaillions ensemble pour tout ce qui est social. Nous avons une bonne collaboration avec l’Armée du Salut et les Eglises évangéliques de Morges Un service de charité et de Lonay. Nous aidons les Outre la liturgie et la parole, son plus pauvres, et notamment les Pour vous, qui est Jésus ? La réponse de Jean-Brice Willemin MÉTIER D’EGLISE Roland Muggli est diacre au sein de l’UP La Venoge-L’Aubonne. Son riche parcours de vie trace en filigrane l’évolution ecclésiale du Canton. Portrait. eu un grand choc émotionnel. Et entre le Christ que je fréquente et moi, il y a encore une table percée, où la flamme des petits lumignons vacille au moindre courant d’air. Ils ont refait le chauffage dans l’église, mais j’y ai toujours froid. Peut-être parce que j’y vais rarement pour remercier, mais plutôt quand je vais mal, quand le froid est à l’intérieur de moi. Il m’est plus facile de remercier à genoux devant un pré de violettes le nez dans l’herbe, qu’à genoux sur un banc. Mes genoux ne sont plus ce qu’ils étaient de toute façon. Comme mon cœur, ils sont désenchantés. Une bougie pour mes enfants, « Seigneur, garde-les en vie... » Je pourrais tout affronter, mais pas ça. Ce matin, sur le prie-Dieu voisin, un homme africain pleure. Il prie et il pleure, devant le Jésus en plâtre. J’essaye de dire le Notre Père, mais je n’arrive pas à me concentrer. Je voudrais toucher l’épaule de cet homme, lui dire que s’il a besoin d’aide, je peux peut-être faire quelque chose. Mais je n’ose pas. J’ai peur. Peur d’aller vers cet homme et qu’il me demande de l’argent, ou une autre chose impossible. Au moment de m’en aller je tourne enfin la tête et je le regarde vraiment. Il a la tête baissée, il murmure pour la centième fois la même prière. Je le regarde, mais il ne me voit pas. J’envie sa foi, mon sac de courses au bout du bras. J’envie sa ferveur. D’habitude, à cette heure-là, personnes qui ont des difficultés financières. Nous ne donnons pas d’argent, mais du soutien et des aides matérielles, en payant certaines factures et en donnant des bons Caritas et Migros. Il y a une grosse augmentation des demandes, et il n’est pas toujours facile de discerner qui est vraiment dans le besoin. » A 76 ans, et tant qu’il en a la force, Roland Muggli continue d’être un beau serviteur de l’Eglise. Olivier Schöpfer l’église est vide, et j’aime transgresser la distance sacrée qui nous sépare et aller coller mon front contre la jambe du Christ qui est juste à la bonne hauteur. Comme un enfant fiévreux, je trouve un apaisement dans ce contact pierreux. J’y puise de la force. Mais ce matin, je n’ose pas, mon Jésus de plâtre est déjà pris, il est en consultation. Et le cas semble grave, plus grave que le mien. Lorsque je sors de l’église, la lumière est vive. S’il m’avait rendu mon regard, je lui aurais parlé. Que Dieu me pardonne de n’avoir pas touché son épaule, mais il y a des moments où je me sens comme le Jésus en plâtre, peinte, creuse et immobilisée contre le mur par des vis et des boulons. 10 Conférence-débat sur cinquante ans de vie catholique La Fédération ecclésiastique catholique romaine du canton de Vaud (FEDEC-VD) fête en 2014 son 50ème anniversaire. A cette occasion, elle organise plusieurs manifestations tout au long de l’année. Le prochain rendez-vous, une conférence-débat sur les catholiques dans le canton de Vaud ces 50 dernières années, aura lieu mardi 20 mai 2014 à 18h30 à l’Université de Lausanne-Dorigny (bâtiment Anthropole, salle 1129). Le professeur René Knüsel fera un exposé historico-sociologique sur l’évolution de la communauté catholique durant ces cinquante dernières ans (« De la discrimination à l’intégration ? »). Ensuite, une table ronde sera animée par M. Justin Favrod, journaliste à 24 Heures, avec la participation de quatre personnalités catholiques (Ariane Dayer, Ada Marra, Bruno de Kalbermatten, Jean-Jacques Schwaab) et d’une personnalité réformée (Jean-Paul Perrin). Impressum Editeur : FEDEC-VD. Adresse : chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne. Directeur de la publication : abbé Marc Donzé, vicaire épiscopal. Comité éditorial : abbés Marc Donzé, et Thierry Schelling, François Rouiller, Olivier Schöpfer et Jean-Brice Willemin. Rédacteur responsable : Jean-Brice Willemin. Mise en page : Eva Mikulski. Ont aussi collaboré à ce numéro : Textes : Sr Isabelle Donegani, JeanClaude Huot, Béatrice Vaucher, Aline Viredaz et Maria Zufferey. Photos : Internet, Caritas et Jean-Brice Willemin. Relecture : Pierre-André Werlen. Tél. : 021 613 23 23 Fax : 021 613 23 24 E-mail : [email protected] Site Internet : www.cath-vd.ch relais, journal de réflexions et d’informations de l’Eglise catholique dans le canton de Vaud, est un trimestriel gratuit, tiré à 4 100 ex. Prochaine parution : 1er juillet 2014. « L’argent trompeur » d’Yvan Mudry LIVRES Le théologien Yvan Mudry, devenu journaliste économique puis chroniqueur religieux, vient de publier L’argent trompeur. Un titre provocateur pour expliquer comment l’argent peut pervertir les relations entre les hommes s’il devient sacré, honoré comme le veau d’or des anciens. lui, si bien que l’homme ne peut pas refermer la main sur ses richesses. » Don et contre-don Sur la photo ci-contre, Yvan Mudry, auteur du livre, dont la couverture est en illustration ci-dessus. La démonstration de l’essayiste lausannois repose sur le constat que nos sociétés occidentales fonctionnent sur les principes de l’économie libérale. Yvan Mudry les a bien compris, lorsqu’il travaillait comme journaliste écono- Pour Yvan Mudry, les hommes de nos sociétés prospères sont invités à changer de conception de vie, à cesser de croire qu’ils se suffisent à eux-mêmes pour se comprendre comme individus insérés dans une histoire collective, dans une communauté. « Le rapport à l’argent devient alors tout autre. L’argent acquis, nous sommes amenés à le considérer comme un cadeau, c’est-à-dire invités à le redonner sous une forme que nous allons imaginer au contact d’autrui. » C’est ainsi qu’Yvan Mudry conçoit l’homme dans une communauté, soignant son rapport au Dieu-amour par la prise de risques dans ses relations matérielles, en valorisant le don. Il l’explicite ainsi : « Pour se libérer de l’emprise de l’argent, il faut être intimement convaincu que celui que nous possédons ne nous appartient pas. » Jean-Brice Willemin mique à L’Agefi et au Journal de Genève. « Appliqués à la lettre, ces principes libéraux amènent à considérer chaque individu comme autonome, sans dette existentielle, sans obligation puisqu’il ne doit rien à personne et qu’il peut donc poursuivre égoïstement son intérêt personnel. Ce credo économique est dépassé, anti-écologique et contraire à notre conception spirituelle dans l’Eglise catholique, selon laquelle « L’argent trompeur », Yvan Mudry tout vient de Dieu et retourne à (Editions Saint-Augustin) Adresses utiles DIRECTION Vicariat épiscopal, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 43 FEDEC-VD, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 13 UNITES PASTORALES UP Chasseron-Lac, rue Maison-Rouge 14, 1400 Yverdon-les-Bains, tél. 024 424 20 50 UP Dent-de-Vaulion, chemin de la Dame 1, 1350 Orbe, tél. 021 441 32 90 UP Grand-Vevey, rue des Chenevières 4, 1800 Vevey, tél. 021 944 14 14 UP Gros-de-Vaud, rue St-Jean 7, 1040 Echallens, tél. 021 882 22 52 UP La Venoge - L’Aubonne, rue du RondPoint 2, 1110 Morges, tél. 021 811 40 10 UP Lausanne Lac, chemin de BeauRiv Rivage 3, 1006 Lausanne, tél tél. 021 616 51 43 UP Lausanne Nord, avenue de Chailly 38, 1012 Lausanne, tél. 021 652 37 32 UP L’Orient, avenue des Collèges 29, 1009 Pully, tél. 021 728 15 57 UP Notre-Dame Lausanne, rue du Valentin 3, 1004 Lausanne, tél. 021 318 82 00 UP Nyon - Terre Sainte, rue de la Colombière 18, 1260 Nyon, tél. 021 635 45 80 UP Prilly - Prélaz, avenue de Morges 66, 1004 Lausanne, tél. 021 624 45 55 UP Renens - Bussigny, avenue de l’Eglise-catholique 2b, 1020 Renens, tél. 021 634 01 44 UP Riviera, avenue des Planches 27, 1820 Montreux, tél. 021 963 37 08 UP Notre-Dame de Tours, Chemin des Rites 2, 1566 St-Aubin (FR), tél. 026 677 11 42 UP St-Barnabé, rue Guillermaux 17, 1530 Payerne, tél. 026 660 21 96 UP St-Pierre les Roches, rue de l’Eglise 17, 1670 Ursy, tél. 021 909 50 37 Décanat d’Aigle, rue du Rhône 4, 1860 Aigle, tél. 024 466 23 88 MISSIONS LINGUISTIQUES Mission de langue espagnole, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 73 Mission de langue italienne, rue OrientVille 16, 1005 Lausanne, tél. 021 323 14 58 Mission de langue anglaise, avenue de Béthusy 54, 1012 Lausanne Mission de langue allemande, avenue Vinet 27, 1004 Lausanne, tél. 021 648 41 50 Mission de langue portugaise, avenue de Morges 60, 1004 Lausanne, tél. 021 323 14 58 DÉPARTEMENTS Département 0-15 ans, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 53 Département 15-25 ans, boulevard de Grancy 29, 1006 Lausanne, tél. 021 612 61 30 Département Adultes, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 33 Département Santé, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 67 Département Solidarités, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne, tél. 021 613 23 88 Support informatique, 021 613 23 20 et 079 126 72 47 Support AVEC, 021 613 23 15 Support www.cath-vd.ch, 021 613 23 26 11 Courrier des lecteurs Un relais vraiment catholique ? Merci pour vos efforts pour offrir une revue « catholique » dans le Canton. Cependant, je vais rompre le consensus de louanges qui figure régulièrement dans le courrier des lecteurs. dire. Nous sommes mariés depuis 1961 et nous savons de ce que nous parlons, notre mariage étant presque contemporain de cette encyclique ! Je ne veux pas en dire plus ici. Il est important surtout que je vous aie dit ma totale opposition à cette déclaration du père Emonet. Jean-Pierre et Mireille Jolliet, Saint-Légier J’ai lu plusieurs numéros de relais, mais de véritablement catholique je ne trouve rien. Un journal « catholique » devrait expliquer, éclairer, commenter, enseigner la doctrine catholique. Il devrait démontrer sa cohérence, sa logique et son équilibre. Il devrait être un relais entre ce qu’enseigne l’Eglise catholique romaine et les personnes. Il devrait faire aimer l’Eglise. Réponse du père Emonet niste, en décalage avec Rome, laissez de la place au catholicisme ! Pour répondre au souhait de réformes en accord avec les idées du monde, il y a des communautés réformées. Là, pas de dogmes, pas de lignes de conduite, une totale liberté de pensée. Mais si le sel de la terre s’affadit, que se passe-til ? Si le phare cesse d’éclairer la mer en ne montrant pas les écueils, que devient le navire ? Quant au questionnaire sur la famille, faut-il s’étonner de tels résultats quand on sait par d’autres sondages que de très nombreux catholiques ne croient plus ni à la Présence réelle, ni à la résurrection du Christ, ni à l’enfer et ne comprennent plus le sens du sacerdoce ministériel tant la confusion entre prêtres Parce que le monde est devenu sécularisés et laïcs cléricalisés relativiste, faut-il répudier l’hériest à son comble. tage que d’autres nous ont laissé ? Nous avons à le transmettre Dans ce diocèse, vivent des intégralement ; aux hommes de catholiques romains ! Parfois, ils choisir ! Là est la vraie liberté. sont traditionalistes. Le manque Franco Amoroso, de sensibilité et de charité de La Tour-de-Peilz certains prêtres font qu’ils sont « confinés » dans des chapelles. Ils ne font aucun bruit et vivent Le père Emonet leur foi de manière décom- interpellé plexée, joyeuse et lumineuse Merci pour le dernier relais. sans vouloir faire la révolution. Je ne l’ai pas encore lu en Ils ne font pas de compromis entier, mais je suis tombé sur avec le magistère, les dogmes, une phrase du père Emonet, le catéchisme officiel. Ils confor- en page 5 : « Cette encyclique ment leurs vies et leurs actes donne la priorité à la procréaaux enseignements et aux tion, plutôt qu’à l’amour, dans vérités que l’Eglise enseigne. la sexualité du couple.... » C’est Ils passent par la porte étroite ! faux et c’est une calomnie. C’est L’Amour est aussi exigence ! un scandale d’écrire une chose pareille et en plus de la publier ! Une suggestion, si humblement Certes, l’encyclique a posé et vous me la permettez, au lieu pose des problèmes, mais ce de nous présenter une Eglise commentaire est déplacé, et catholique résolument moder- c’est le moins que l’on puisse Je suis totalement d’accord avec ces remarques, même si je trouve le ton un peu trop agressif et passionné. La formulation de mon propos n’est pas très heureuse, je le reconnais. Je ne prétendais pas porter un jugement sur l’encyclique Humanae Vitae ni dire mon propre sentiment, mais seulement rappeler comment elle avait été reçue et perçue dans le grand public. Pierre Emonet, sj, Genève L’image d’une Eglise joyeuse Je viens de lire avec grand intérêt les deux derniers numéros de relais. J’ai noté que votre journal se veut simultanément de réflexions et d’informations, deux objectifs forts pertinents et jusqu’ici bien remplis. Les réflexions donnent l’image d’une Eglise joyeuse et proche des préoccupations de chacun, leurs auteurs évitant le langage souvent abscons et confus de certaines homélies, le discours moralisateur et dogmatique, mais aussi les exposés théologiques qui ont leur place, non pas ici, mais dans des revues spécialisées et elles sont nombreuses. Les informations apportent un excellent éclairage sur les évènements religieux, culturels et administratifs, qui peuvent intéresser l’ensemble des catholiques vaudois. Je me réjouis de découvrir les prochains numéros. Joseph Frund, Corseaux Un idéal essentiellement évangélique Merci pour votre journal qui me permet de sentir vibrer un peu l’Eglise catholique en terre vaudoise. Un relais de réflexions et d’informations, c’est ce qu’il se veut. Puis-je exprimer le souhait d’y trouver des réflexions plus approfondies sur le plan théologique ou spirituel (et pas seulement sociologique) et des informations plus largement ouvertes sur les autres chrétiens, les autres religions ou courants spirituels ? On ne peut être catholique juste entre soi, il y a nécessité d’ouverture, de décloisonnement et d’un regard plus vaste. Ne réduisez pas l’Eglise catholique dans le canton de Vaud à n’être qu’une petite épicerie de quartier ! Dans le dernier numéro de relais, vous donnez la parole à deux témoins « en lisière de l’idéal catholique. » S’il y a un idéal pour un chrétien, il n’est ni catholique, ni même romain, il est essentiellement évangélique. Et ce n’est pas celui d’une perfection, encore moins d’une règle disciplinaire suivie à la lettre ! Mais c’est l’ouverture d’un cœur bienveillant et compatissant. Celle que Jésus nous montre lorsqu’il s’assied sur la margelle de nos puits d’attente, d’égarements et de solitudes. Celle du Pape François qui dit : « Qui suis- je, pour me permettre de juger ? » Merci encore pour votre travail et votre engagement ! Antoinette Bochatay Royer, Chamoson Votre avis nous intéresse. Faites-le nous connaître à l’adresse suivante : Jean-Brice Willemin, Service de l’information, chemin des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne ou par mail : [email protected]. 12 Fabrice Hadjadj : « La gloire présuppose la croix » Vous avez des origines juives, des racines arabes et une identité de catholique français. Que veut dire concrètement dans votre vie la résurrection du Christ ? Ce qu’il y a de très bon dans cette question, c’est son adverbe : « concrètement. » La foi en la résurrection ne doit pas être abstraction ni une évasion. Son au-delà ne saurait nous pousser à déserter l’ici-bas. C’est pourquoi on ne dit pas « je crois en la résurrection » – c’est à dire en un concept ou un état général – mais « je crois en Jésus crucifié sous Ponce Pilate et ressuscité le troisième jour », une personne concrète inscrite dans un événement historique. C’est là, peut-être, que le juif que je suis rejoint le chrétien que je suis devenu, et le rend attentif au danger d’une espèce de « résurrectionnisme » éthéré qui nous sortirait de la chair et du temps. Que fait d’ailleurs Jésus ressuscité ? Son corps glorieux pourrait constituer un objet de fascination et d’extase, et les fidèles tomber sous hypnose. Mais Jésus les ramène à la réalité. Avec les disciples d’Emmaüs, avec les apôtres au Cénacle ou sur les bords du lac de Tibériade, il mange, il commente les écritures, il réinscrit le miracle dans l’histoire du Salut, comme n’importe quel rabbin, et puis il les envoie en mission, il les pousse à le reconnaître et à le manifester, non pas dans son corps splendide, mais dans n’importe quel visage ordinaire. Le témoin de la résurrection est avant tout un envoyé au quotidien : le signe qu’il a connu la gloire, c’est qu’il est capable d’aimer l’individu le plus terne. Voilà le concret. Estce que j’y arrive ? Il y a encore autre chose. La résurrection n’est pas la même chose que l’immortalité. Pour faire un bon ressuscité, il faut d’abord un bon mort. Il n’y a pas ici de fuite devant le tragique de notre condition mortelle. Tout au contraire. Le ressuscité est le même que le crucifié, la gloire présuppose la croix. C’est donc le corps en tant que vulnérable et livré dans l’amour qui est en jeu, et non quelque fantasme de superpuissance impassible et dominatrice. Jean-Brice Willemin DOSSIER L’aumônerie de l’EPFL a invité Fabrice Hadjadj sur le campus d’Ecublens pour une conférence aux étudiants. L’écrivain et philosophe français, directeur de l’Institut Européen « Philanthropos » à Bourguillon-Fribourg, a livré à relais quelques réflexions et confidences sur le sens de la résurrection du Christ. Interview. Maria Zufferey, aumônier à l’EPFL, questionne Fabrice Hadjadj. Doit-on mourir pour ressusciter ou le sommesnous déjà un peu… ressus- grâce dans un enfant trisomique faire de lui un cobaye, que ce cités ? ou une vieille dévote voûtée sur soit comme objet de la Charia Nous sommes déjà entièrement ressuscités… mais en espérance, dans le Christ. Notre condition terrestre et notre condition glorieuse partagent une seule et même vie, qui est celle de la charité. À cette heure, la charité est comme la graine enfouie, qui, de sa tige naissante peine à percer l’obscurité du sol ; là-bas, on la verra fleurir de toutes ses fleurs multicolores, et ployer sous l’abondance de ses fruits. La condition de ressuscité apparaît donc déjà dans l’amour du prochain, difficile et obscur sur la terre, heureux et lumineux dans le ciel. Elle se manifeste aussi dans le fait d’assumer notre condition charnelle. C’est très important aujourd’hui, où l’on rêve de devenir un cyborg. Si l’on croit que le Verbe a assumé et sauvé notre chair vulnérable et mortelle, alors on doit aimer cette chair vulnérable et mortelle, et comprendre qu’il y a plus de son chapelet, que dans un Robocop suréquipé ou une blindée Superwoman. Qu’est-ce qu’une Pâque chrétienne peut apporter dans un monde qui sacralise moins Dieu et plus l’individu ? Cette manière de s’exprimer est victime d’une vision concurrentielle des choses : moins on sacralise Dieu, plus on sacralise l’individu, ou inversement. C’est ce que croient les fondamentalistes religieux aussi bien que les fondamentalistes athées. Les premiers disent : Il faut plus de Dieu, et donc écraser l’humain. Les seconds : Il faut plus d’humanité, et donc éliminer Dieu. Mais cela ne marche pas comme ça, parce qu’on ne peut aimer le Créateur sans aimer sa créature, ni la créature sans son Créateur. On ne peut rejeter Dieu sans rejeter l’humain. Et c’est bien ce que l’on voit aujourd’hui, où l’exploitation de l’humain est extrême, jusqu’à ou comme matériel pour la technoscience. La Pâque vient nous rappeler l’unité de l’humain et du divin jusque dans la mort, et que Dieu a voulu qu’on le reconnaisse sous les traits du faible, du malfaiteur, du blasphémateur même… Comment croire encore à la résurrection de la chair ? Si on pouvait répondre au comment, on ferait de la foi le résultat d’une recette. Or elle n’est justement pas le résultat d’une recette, mais le donné d’une rencontre. Elle ne relève pas de la technique, mais de l’événement. De toute façon, nous croyons toujours déjà un peu en la résurrection de la chair, dès lors que nous avons de la tendresse pour les personnes dans leur corps, devinant dans leur visage une singularité qui ne veut pas disparaître. Propos recueillis par Maria Zuffrey, aumônier UNIL-EPFL