Relais » n° 05 en pdf Télécharger - Cath-VD

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1
ÉVANGILE À LA MAISON
Après Marc et Luc, c’est au
tour des Actes des Apôtres
d’être discutés entre amis.
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Avril 2014
CANONISATION
Jean XXIII et Jean-Paul II
vont être inscrits sur la liste
officielle des saints.
Décodage.
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O
N 02
MÉTIER D’EGLISE
Roland Muggli est diacre au
sein de l’UP La VenogeL’Aubonne. Portrait.
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www.cath-vd.ch
Annette Mayer, responsable du Département Santé, avec la doctoresse Pascale Gabet Henry.
Jean-Brice Willemin
La résurrection aujourd’hui
A la suite du Christ, et comme pour les témoins d’Emmaüs, des traces de
résurrection sont présentes ici et maintenant. Un médecin, deux théologiens
PAGES 2 - 5 ET 12
et un philosophe en témoignent.
JAB
1300 Eclépens CC Dépôt
2
Deux témoins
Edito
Marc Donzé,
vicaire épiscopal
Traces
de Résurrection
Se relever. Se remettre debout dans son être profond.
Après une chute, une maladie, un deuil, il est possible de
se relever. Après le mal subi,
il est possible de se remettre
debout au travers du long
processus de libération de
la rage et de la vengeance.
Même après le mal commis, il
est possible d’être relevé par
la réception de la miséricorde
venue de plus loin.
Un jour ou l’autre, la vie nous
fait traverser des moments de
relèvement. Alors nous percevons que des forces venues
de plus loin que nous sont
à l’œuvre. Elles nous sont
données par ceux qui nous
entourent, mais aussi par la
Source de la vie, de l’amour,
de l’unité.
Se relever d’entre les morts.
C’est l’expression utilisée par
le Nouveau Testament pour
parler de la Résurrection, celle
du Christ. Et avec Lui, la nôtre.
Il est fascinant de voir que
c’est le même mot que pour
les relèvements du quotidien.
La résurrection, bien qu’elle
garde une part fondamentale de mystère, se présente
comme le moment plénier, où
nous sommes relevés de tout
au-delà du voile de la mort. « Il
n’y a plus ni larmes, ni douleur,
ni peine, ni irrespect, ni désaveu de l’amour », dit le livre de
l’Apocalypse. Mais joie, paix,
lumière, concorde, unité.
J’aime cette parenté de vocabulaire entre se relever et ressusciter. Elle nous donne un
appui pour la foi en la résurrection.
Car la résurrection est déjà
commencée en nous lorsque
nous nous relevons, accompagnés de forces plus grandes
que nous. Pour dire vrai, elle
est à l’œuvre en nous depuis
notre baptême et même notre
naissance. Nous vivons déjà
des bribes d’expérience du
relèvement d’entre les morts.
Alléluia !
DOSSIER Quelques jours après la résurrection pascale, voici venu le temps
d’entendre les disciples d’Emmaüs dimanche prochain à la messe. Une médecin
et une théologienne engagée dans les milieux de la santé nous ont raconté les
résurrections quotidiennes dont elles sont les témoins ; autant dans leur propre
vie que dans les rencontres de leur engagement professionnel.
« Ressuscitée malgré la mort »
A
près une
petite hésitation,
la
doctoresse
Pascale Gabet
Henry a volontiers accepté de
se laisser « examiner », de se
confier au journaliste désireux
de
connaître
comment elle vit
la résurrection
pascale au quotidien.
« Née un mardi
d’avant Pâques
à Lyon, j’ai natuLa doctoresse Pascale Gabet Henry dans son cabinet.
rellement hérité
du prénom de
Pascale. Et j’ai été éduquée Ce sont des repères de vie qui
dans la confiance en un Dieu ont aidé Pascale Gabet Henry
d’amour plutôt que punitif. Plus à revivre, à ressusciter après le
tard, j’ai grandi dans la foi par la décès subit de son cher mari.
musique et grâce à mon mari ré- « Se sachant malade, il s’était
formé, Vaudois de l’Eglise libre, préparé à partir. Je ne suis pas
avec qui j’ai approfondi ma foi ; tombée grâce à ma foi, au sounous allions ensemble au culte tien de mes proches et à la force
ou à la messe. »
transmise par mon mari. Il n’avait
pas peur de la mort.
Au diapason du ciel par la
L’amour toujours
musique
Pascale Gabet Henry est restée
dans l’Eglise grâce à la musique.
Cette ancienne organiste de la
paroisse Saint-Maurice de Pully
a été initiée à l’orgue liturgique
par le prêtre lyonnais Marcel
Godard, « l’un des acteurs du renouveau de la musique liturgique
après Vatican II », compositeur
de certaines hymnes du film Des
hommes et des dieux. « Par la
musique, je prie et me mets au
diapason du ciel », confie-t-elle.
« C’est un sentiment de joie,
semblable à celle ressentie à
contempler des fleurs ou recevoir un appel téléphonique amical. »
Deux heures avant, par un merveilleux dimanche d’été, il disait
n’avoir jamais été aussi heureux
et en paix. Dans le faire-part, j’ai
re-pris ces mots de l’écrivain et
philosophe chrétien Louis Evely :
« L’amour permet d’envisager la
mort, car lorsqu’on aime profondément, on sait qu’on a atteint
une valeur que la mort ne peut
détruire. » Et l’amour perdure.
« J’ai l’impression de vivre toujours avec lui, différente. »
« Révéler à mes patients
leurs capacités
d’auto-guérison »
Ce nouveau chemin de vie, Pas-
Jean-Brice Willemin
cale Gabet Henry le parcourt
par la prière et la confiance en
Dieu. C’est ce qu’elle essaye de
transmettre à ses patients. « Je
soigne d’abord leurs symptômes
physiques et cherche à voir ce
qu’il y a en-dessous, les origines
émotionnelles et spirituelles. En
en parlant ensemble, ils voient
plus clair en eux, peuvent reconnaître et utiliser leurs potentialités. Cela les aidera à se soigner
eux-mêmes. » Et avec les patients indifférents ou incroyants ?
« Je les incite à s’adresser à
une force universelle, une force
de vie, un ange-gardien. » A
condition d’accepter la transcendance ?
« C’est
fondamental.
Mes
malades ne se sentent alors
plus tous seuls. Ils accepteront
d’ouvrir leurs volets pour que la
lumière entre à flots en eux. Et
ils sont amenés peu à peu à un
chemin de pardon pour trouver
l’harmonie avec eux-mêmes et
leur entourage ».
Jean-Brice Willemin
3
de résurrections se dévoilent
« Vivre la résurrection se passe dans la relation »
Ici et maintenant
Jean-Brice Willemin
P
our Annette Mayer, responsable du Département
de la Santé de l’Eglise
catholique dans le canton de
Vaud, la question fondamentale
est : « Qu’est-ce qui se passe,
au plus intime de la personne,
qui a besoin de ressusciter,
d’être animée pour retourner à
la vie ? La résurrection ne prend
son sens que si, dans un mouvement d’humilité, je peux descendre dans les profondeurs, me
confronter à ces zones de mort
et les identifier, les nommer. Si
l’on reste dans une posture d’autosatisfaction ou de suffisance, il
est difficile de vivre l’expérience
de la résurrection. » La résurrection n’arrive donc pas n’importe
où, elle se passe là où il y a une
prise de conscience de sa fragilité, de ses limites et de ses blessures.
La personne se retrouve d’abord
avec elle-même. « Croire en la
réalité de la résurrection, croire
en la force du Christ ressuscité
dans ma vie, c’est moins un fait
d’annonce que d’expérience vivante. Ce n’est qu’après que l’on
peut mettre des mots dessus,
la nommer. Vivre des bouts de
résurrection se passe toujours
dans la relation interpersonnelle.
Pour la croyante que je suis, cela
ne peux pas se passer hors de
ce lien au Christ vainqueur de la
mort, de toute mort. »
Annette Mayer, responsable du Département Santé, se confie à Olivier Schöpfer.
dans l’ici et le maintenant. »
« Ce qui donne particulièrement
sens au travail d’aumônerie, à
l’hôpital ou dans les EMS, c’est
de comprendre, dans la rencontre avec les patients et les
personnes âgées, la différence
entre l’idée du corps abimé et
une perspective du corps blessé,
poursuit Annette Mayer. La première s’inscrit dans une logique
de réparation, pour retourner à
l’état antérieur. Pour le second,
c’est la conscience de notre vulnérabilité existentielle qui invite à
intégrer la blessure et à marcher
avec. D’ailleurs, le corps ressuscité du Christ garde les traces
de son martyre, ce n’est pas
un corps idéalisé. Le travail de
l’aumônier que je suis consiste
à accompagner le patient sur le
chemin de l’intégration des effets de la maladie, de l’accident,
pour pouvoir avancer dans son
histoire d’homme ou de femme
debout. »
La résurrection se pose en terme
d’ici et de maintenant. « Si on relit
le récit de la résurrection de Lazare, on voit Marthe dire, un peu
en « bonne élève », à l’annonce
de la mort de son frère : Je sais,
je sais, il va ressusciter au dernier jour. Mais la foi de Marthe
en la résurrection, Jésus la sort
de la temporalité en disant : ‘Je
suis la résurrection et la vie’. Si je
m’attache à Celui qui est la vie,
c’est à n’importe quel moment de
l’existence que je peux faire l’expérience que Dieu relève, qu’il La réalité du Vendredi-Saint
met debout, qu’il adresse sans et du Samedi-Saint
cesse ce ‘Sors de ton tombeau’ De son expérience personnelle,
Annette tire encore un lien entre
ce qu’elle vit et les jours qui
précèdent la Résurrection du
dimanche de Pâques : « Le Vendredi-Saint, c’est la confrontation
dure à la souffrance et à la mort.
C’est ce jour qui nous pousse à
nous demander ce qui doit être
ressuscité en nous. Mais le passage à la vie nous met dans les
conditions du Samedi-Saint. Il
nous met devant l’expérience de
l’absence, du vide qui est à traverser. Une expérience qui peut
nous hanter. C’est spécialement
marquant en gériatrie. Annoncer, parler de la résurrection doit
s’accompagner d’une attention
fine et fidèle à l’expérience du
vide et de l’absence d’espoir que
beaucoup de personnes vivent
face à leur dépendance croissante. Sinon, ce ne sont que des
paroles creuses. Tenir le Samedi-Saint, c’est porteur de vie, et
la traversée de ce vide est déjà
prémisses de résurrection. »
PRIÈRE
Toi qui es
Chemin
Donne-nous de croire
qu’en toute impasse
s’offre un passage
Toi qui es Vérité
Donne-nous de croire
que de toute errance
nous pouvons nous réveiller
Toi qui es Vie
Donne-nous de croire
que de toute mort
tu viens nous relever
Montre-nous le Père,
Qui n’est pas ailleurs,
mais au cœur
de notre humanité,
quand nous marchons,
quand nous veillons,
quand nous vivons.
(Francine Carrillo)
Olivier Schöpfer
4
Pasteure
Anouk
Troyon,
Aumônerie UNIL
C’est ce que les disciples
devaient se dire, calfeutrés
dans la maison après la mort
de Jésus.
« Fichez-nous la paix. On
y croyait, on lui faisait confiance, et il est mort. Alors
maintenant, on préfère s’enfermer, par peur d’être déçu à
nouveau. »
Et quelque chose d’inattendu
se passe. Il surgit de nulle part.
Comment il a fait pour passer
les murs, pour s’arracher aux
griffes de la mort, ce n’est pas
la question. Il est là. « Ficheznous la paix », se disaient les
disciples quelques secondes
avant. « La paix est avec
vous », leur répond le Christ.
Et ce n’est pas une parole
en l’air, non. Cette paix, ils la
ressentent, ils la reçoivent,
comme un souffle qui les
traverse, comme un frisson
qui change tout. C’est une
paix qui est d’un autre ordre
que celle à laquelle les
disciples aspiraient, quand
ils voulaient qu’on leur fiche
la paix.
La paix que le Christ apporte
est une paix qui rend libre…
elle nous ouvre aux possibles, elle nous délivre de la
peur : peur de l’autre et de ses
jugements, peur de l’échec et
de notre culpabilité.
Et si c’était ça, la résurrection ? Et si elle n’était
pas seulement pour après
la mort, mais déjà pour
maintenant ? Comme des
« mini résurrections » que l’on
peut vivre au quotidien : se
relever d’une chute, goûter à
la chaleur du soleil après une
période de ténèbres… Se
sentir en paix, avec soi, avec
les autres. Ô Christ, donnenous ta paix !
Le message fou
des disciples d’Emmaüs
DOSSIER Chrétienne à la foi profonde, la journaliste et essayiste* Aline Viredaz
témoigne combien le récit des disciples d’Emmaüs, que nous entendrons à
l’évangile de ce dimanche 4 mai, reste un message renversant pour les croyants,
et les incroyants, de XXIe siècle. (Réd.)
I
ls cheminent. Sur la route entre
Emmaüs, où ils vont, et Jérusalem d’où ils viennent. Deux
heures de marche. C’est la fin de
la journée. Tous deux viennent
de vivre les événements effroyables d’une condamnation à mort
et d’une crucifixion ; d’un homme
qui promettait aux foules et à ses
proches la venue du Royaume.
Ils n’y comprennent rien et sont
dévastés par la tristesse et la
déception.
L’Evangile parle en effet de
visages sombres : alors, ce
Royaume ? Qu’est-ce que ça
voulait dire ? Les propos d’un
mythomane, d’un prétentieux,
d’un imposteur ?
Jésus vivant ?
Survient un autre marcheur. Qui
les interroge : « De quoi parlez-vous ? » Eux sont d’emblée
passablement agacés : quoi, tu
ne sais pas ce qui s’est passé
à Jérusalem ? De quoi d’autre
pourrions-nous parler ? Et ils
expliquent à Jésus, Fils du Dieu
Vivant relevé d’entre les morts –
car c’est Lui – ce que Lui, précisément, vient de vivre : Son jugement, Sa condamnation, Sa mise
à mort.
Les deux compagnons sont défaits. Il y a bien sûr ces femmes
qui ont vu le tombeau vide et qui
évoquent des Anges, affirmant
que l’Homme est vivant.... C’est
vrai, le corps n’est plus là. Mais
c’est tellement farfelu.
Benêts de Vaudois ?
A ce moment, Jésus se lâche,
comme on dit aujourd’hui. En
Vaudois ça donnerait à peu près
ceci : « Vous êtes des benêts
ou bien ? Et ce qu’ont annoncé
les prophètes : Vous en faites
quoi, bon sang de bon sang ? ! »
Il commence par leur dire qu’ils
sont sans intelligence et lents à
croire.
Jean-Brice Willemin
La parole à :
La journaliste Aline Viredaz avec son compagnon à quatre pattes.
Ah bon ? L’intelligence aurait
donc quelque chose à voir avec
la rapidité à faire confiance ? Et
il se lance dans un long exposé
sur ce qui est dit de Lui dans les
Ecritures. En arrivant chez eux à
Emmaüs, ils invitent Jésus – ne
sachant toujours pas qui Il est – à
souper. Le soir tombe, il faut se
sustenter.
Alors leur invité prend du pain, le
bénit, le rompt et le leur donne.
Et là, leurs yeux s’ouvrent, ils le
reconnaissent... mais Il a déjà
disparu.
On imagine les deux compères
complètement excités sur le trajet du retour. Quand ils arrivent à
Jérusalem auprès des disciples
et de leurs amis tous réunis, ils
n’ont qu’un mot à la bouche :
C’est bien vrai ! Le Seigneur s’est
réellement réveillé.
Mystère de la Foi
Les chrétiens convaincus sont
des fous de Pâques, ce vent
de force 7, 8, 9... Incommensurable. Quelle joie immense
d’avoir reçu la capacité de se
laisser décoiffer l’âme !
Pourquoi moi, pourquoi pas ceIl est vivant !
Du coup, ils se lèvent de table, lui-ci, ou celle-là ?
et repartent dans le sens inverse,
vers Jérusalem. Il fait nuit désor- Mystère de ce don. Et comme
mais, il faudra remarcher deux je voudrais que tous ceux que
heures dans l’obscurité. Mais il j’aime soient pris dans ce maelsn’y a pas une minute à perdre tröm définitif. Allons, Seigneur
pour raconter ce qu’ils viennent Jésus, Fils du Dieu Vivant relevé
de vivre, et annoncer ce qui d’entre les morts, un p’tit coup
depuis 2000 ans aujourd’hui ne d’pouce ! Faites-les trembler,
cesse de bouleverser et de dé- que diable ! Heu... pardon.
Aline Viredaz
ranger la donne du monde : Oui,
Il a vraiment été relevé d’entre * « Là où je vais », Aline Viredaz
les morts.
(Editions Labor et Fides), 2008
5
La résurrection face
aux personnes démunies
Regard neuf
sur l’Eglise
dans
le Canton :
DOSSIER Rendre compte de la joie de la Résurrection à des personnes qui
risquent sans cesse de se retrouver sans revenu ? Pas évident ! Quelle bonne
nouvelle apporter quand l’impasse matérielle domine et qu’aucune solution
n’apparaît ? L’aumônier de la Pastorale du monde du travail, Jean-Claude Huot,
propose d’y réfléchir à l’occasion de la fête du 1er mai.
Jean-Claude
Huot,
D
agent pastoral
au Département
Solidarités
Caritas-markt
ans la pastorale du monde
du travail, je rencontre
des personnes qui vivent
dans l’extrême précarité. Au chômage depuis longtemps, elles
dépendent de l’aide sociale. Migrantes, certaines ne bénéficient
même pas de cette aide. Alors
quand vient une offre de travail,
le soulagement est intense… et la
désillusion parfois brutale.
Pour 28 heures hebdomadaires
on a proposé à une mère de
famille 1 000 francs de salaire
mensuel, moins de 9 francs par
heure pour garder des enfants et
faire le ménage. Ou encore, pour
un homme qui a dix ans d’expérience, un emploi à mi-temps
payé 1 750 francs (le plein temps
serait à 3 500 francs) pour faire
la vaisselle dans la cuisine d’un
hôtel.
Cette réalité est observée partout dans le Canton, tant par les
aumôniers de l’Eglise que par les
assistants sociaux de Caritas.
Certains salaires sont si bas qu’ils
ne permettent pas de vivre de
manière autonome.
Les épiceries Caritas vendent des produits alimentaires à des prix très bas aux
personnes dans le besoin.
que d’ailleurs il ne peut refuser
parce qu’elles lui sont imposées
par le patron ou par celui qui fait
l’offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice
proteste. » (Encyclique Rerum
Novarum 34.4)
Dès lors, les papes rappelleront
sans cesse l’impératif de la dignité humaine dans l’aménagement
des conditions de travail. Pour
l’enseignement social de l’Eglise,
le salaire doit permettre au travailleur et à sa famille de mener une
vie digne, pas seulement se nourrir, se vêtir et se loger, mais aussi
Comme au XIXe siècle
Cette violence n’est pas nouvelle. participer à des activités sociales,
En 1891, le Pape Léon XIII écri- culturelles ou religieuses.
vait déjà : « Si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte Enseignement
d’un mal plus grand, l’ouvrier social en pratique
accepte des conditions dures, Cet enseignement reste d’actua-
Le travail mis en valeur
A l’occasion de la fête du travail, jeudi 1er mai, la Pastorale œcuménique dans le monde du travail organise une soirée à l’église
Saint-Laurent à Lausanne. Une célébration œcuménique aura lieu
à 18h30, suivie d’une collation avant un éclairage éthique sur l’initiative pour un salaire minimum.
La soirée sera l’occasion d’aller au-delà de la votation sur l’initiative
sur les salaires équitables. La célébration rendra grâce pour ce
don qui nous est fait de contribuer à la Création.
Un débat suivra sur les enjeux éthiques du salaire minimal. Avec
Pierre-Alain Praz, directeur de Caritas-Vaud et Pierre Bühler, professeur de théologie systématique à l’Université de Zurich.
Infos : www.cath-vd.ch/mondedutravail
lité avant la votation fédérale
sur le salaire minimal du 18 mai
prochain. Savoir s’il appartient à
l’Etat de le fixer et quel doit être
le niveau de ce minimum est
controversé. Mais la question du
salaire équitable est cruciale. Le
Conseil de la Pastorale œcuménique dans le monde du travail
a repris les réflexions du concile
Vatican II (Gaudium et Spes 67) :
Un salaire équitable doit naturellement se justifier par « les fonctions et la productivité de chacun » ; il doit aussi tenir compte
« de la situation de l’entreprise
et du bien commun. » L’équilibre
économique de l’entreprise est
important. L’équilibre de la société
dans laquelle elle se trouve aussi.
Les rémunérations qu’elle distribue doit y contribuer.
Les hommes et les femmes que
nous rencontrons sont blessés
par le chômage et l’exclusion. Si
nous pouvons les aider à se relever, nous avons témoigné de la
résurrection. Mais nous sommes
aussi appelés à agir sur les structures sociales et économiques
quand elles sont blessantes.
Sans cela, nous admettrions que
la violence a le dernier mot. Or,
après Pâques, nous savons qu’il
n’en est rien !
Jean-Claude Huot
Depuis septembre 2013, je suis
plongé dans le Département
Solidarités.
Pastorale œcuménique dans le
monde du travail : la réalité de la
migration me saute au visage.
Les personnes que je rencontre
viennent de loin parfois, ne
savent pas toujours le français.
Elles cherchent de quoi vivre,
n’ont plus rien ailleurs. Que leur
proposer ? L’écoute ne suffit
pas. Elles veulent travailler et
ne trouvent rien. Les solutions
restent rares. J’admire la force
de ces personnes sans logement et sans revenu ; mais je
suis indigné face à l’injustice qui
les frappe !
Le Département : une quinzaine
de personnes engagées corps
et âme avec les plus précarisés,
en prison, dans la rue. Un dynamisme extraordinaire. A chaque
réunion nous échangeons sur
notre vécu. Ensemble, nous
portons les souffrances partagées dans l’eucharistie. Foi et
vie indissociée ! L’indignation
devient espérance.
Et nous pourrions faire mieux.
Le Pape François demande
de mettre en œuvre l’Evangile
pour transformer la société. A
Renens, les acteurs du Département travaillent avec la paroisse, avec les communautés
linguistiques. Ces liens peuvent
se renforcer, non seulement
dans l’Ouest lausannois, mais
dans tout le Canton. Les Dimanches solidaires ou les permanences Accueil en sont des
exemples. Pour une Eglise
« qui entend la clameur pour
la justice et veut y répondre de
toutes ses forces ». Alors la joie
de l’Evangile rayonnera !
6
Réflexions collectives sur le sens
Le jour du Seigneur est vécu bien différemment aujourd’hui qu’il y a cinquante ans, que ce soit pour la
messe dominicale, en famille ou en termes de loisirs. Pour y réfléchir, Mgr Charles Morerod a notamment
invité trois sociologues pour en débattre avec les agents pastoraux du diocèse. Et le vicaire épiscopal du
canton de Vaud, l’abbé Marc Donzé, a prolongé la discussion lors de la récente assemblée cantonale de
la Pastorale. Etat des lieux.
Les 400 agents pastoraux réunis à l’Université de Fribourg lèvent des cartons coloriés pour donner leurs réponses au questionnaire des sociologues. Ceux-ci en ont
tiré les conclusions quelques minutes après la fin de ce sondage « in vivo ».
Diocèse LGF
L
es deux sociologues vaudois de l’UNIL, René Knüsel et Hakim Ben Salah,
relèvent que le dimanche vécu
aujourd’hui par les chefs de
famille est bien différent d’il y
a cinquante ans. Les priorités
ont changé. Repos et vie spirituelle communautaire ont été
remplacés par tout ce qui n’a
pu être fait pendant la semaine :
prendre du temps avec ses enfants ou ses vieux parents, faire
du sport, terminer ses tâches
domestiques ou même préparer
le travail du lundi. Le choix pour
l’organiser n’est plus collectif,
mais très largement individuel.
La pratique religieuse est dès
lors passée au second plan,
favorisée par des modes de vie
urbains et individualistes.
Les sociologues ont vu leurs hypothèses confirmées par les 420
agents pastoraux du diocèse
réunis en session de l’automne
dernier. Dans le passé, disent
64% d’entre eux, « on profitait de reprendre des forces ».
Aujourd’hui, pour 81% des
interviewés, « on gère d’abord
des occupations sociales et
sportives, à concilier avec des
contraintes professionnelles. »
plus une activité structurante
pour les familles. Si certains
parents et enfants sont encore
attachés à une vie spirituelle,
c’est de plus en plus hors des
cadres institutionnels, notamment chez les jeunes marqués
par une certaine indifférence au
pouvoir d’autorité, de transmission et de transcendance. » Le
repos dominical est en priorité
familial et laïc !
Et la messe du dimanche ? Un jour encore sacré ?
Dès lors, pour les Eglises, il
s’agit d’investir ces nouveaux
espaces de la culture, du sport
et des loisirs, d’être là où les
gens continuent de se rencontrer. En effet, commentent les
sociologues de la session, « les
services religieux ne constituent
La société de consommation
n’a pas encore réussi à faire ouvrir massivement les portes des
magasins le dimanche, relèvent
ces analystes de nos pratiques
de vie. Mais le jour du Seigneur – c’est le sens du terme
dimanche – restera-t-il marqué
par la visite de Dieu parmi les
hommes ? Il reste encore sacré
pour nombre de migrants et de
seniors.
Comment rejoindre
les familles ?
Et pour les familles, pour les
jeunes qui font bande à part ?
Les forces vives des Eglises
sont appelées à les rejoindre,
si elles veulent encore offrir du
sacré le dimanche à l’ensemble
de la société dans les lieux de
culture, de divertissement, de
sport ; là où les gens se rencontrent le dimanche. C’est un
sacré défi que les communautés catholiques sont appelées à
relever ces prochaines années.
Jean-Brice Willemin
7
du dimanche
Evangile à la maison
Assemblée de la Pastorale à fêter à Lausanne
P
lus de 80 agents pastoraux et bénévoles ont
réfléchi à la manière de
donner un nouveau sens au
dimanche dans le cadre de
l’assemblée de la Pastorale du
12 mars dernier. L’assemblée a
discuté d’exemples vécus.
Comment peut ainsi se vivre
de manière plus vivante nos
rassemblements
communautaires ? Trois grands témoins ont
raconté comment ils ont organisé et participé à des moments
festifs en Eglise.
Messes multiculturelles
Accueillir les inconnus
Parmi les participants, on relevait l’importance de se sentir accueilli et reconnu pour établir des
liens en communauté. « Il faut
soigner l’accueil au début des
offices et faciliter les rencontres
avec de nouveaux paroissiens,
par exemple en organisant des
apéritifs sur le parvis et en allant
à la rencontre des personnes
inconnues ; il y a une conversion intérieure à entreprendre
pour se rendre disponible. Cela
permet de mieux se rassembler
pour prier ensemble », ont relevé des participants.
JBW
Le groupe genevois P.U.S.H. invité pour fêter l’Evangile à la maison.
Jean-Brice Willemin
Marie a raconté avec enthousiasme l’animation à la basilique Notre-Dame de Lausanne,
en équipe, des cinq messes du
dimanche de la Mission universelle en octobre dernier.
« Nous étions une trentaine de
personnes de diverses nationalités. Nous avons collaboré,
cheminé ensemble dans un dialogue et un respect de toutes les
cultures. Je relève cette réac-
tion entendue de fidèles : Vous
étiez dans la lumière. »
Deux autres témoins d’origine
étrangère ont raconté avec
enthousiasme leur participation à la crèche vivante de Noël
de la paroisse St-Amédée de
Lausanne. « Des personnes
d’autres religions ont joyeusement participé à la fête de la
naissance de Jésus. »
Facebook / page de P.U.S.H.
à la Longeraie
Plus de 80 personnes ont participé à l’Assemblée de la Pastorale à La Longeraie
à Morges.
tomne 2012, d’une riche collaboration œcuménique entre Eglises
catholique et réformée du canton
de Vaud. De nouveaux groupes
ont alors été créés, mixtes et
diversifiés.
La célébration de vendredi 6 juin
à 18 heures, avant-veille de la
Pentecôte, marque le lancement
officiel de la lecture des Actes
des Apôtres. Elle intègrera un
groupe de jeunes encadrés par
deux professionnels chrétiens du
monde du spectacle. La partie
son et lumière de la célébration
est ainsi confiée à Fabrice Kaspar, leader du groupe rock chrétien P.U.S.H. Fondé à Genève en
2002, le groupe collabore avec
des chrétiens de tous horizons,
des croyants d’autres religions
et aussi des personnes agnostiques. Et c’est Fabien Moulin,
metteur en scène et directeur de
troupe valaisan, qui prêtera sa
voix à la lecture de textes choisis
du livre des Actes.
A la fin de cette rencontre, il sera
possible de se renseigner sur la
manière de constituer un nouveau groupe ou de rejoindre un
groupe existant, mais aussi et
surtout de partager une sympaHistoire œcuménique
Après un premier parcours sur thique agape offerte à tous.
l’Evangile selon Marc en 2011Sr Isabelle Donegani
12, la lecture de l’Evangile selon
et Béatrice Vaucher
Luc a été l’occasion, dès l’auLa lecture en groupe des Evangiles à la maison a débuté en
automne 2011 dans le canton de
Vaud. Après Marc et Luc, c’est au
tour des Actes des Apôtres d’être
discutés entre amis. Pour fêter le
démarrage de ce nouveau chapitre du Nouveau Testament, ils
sont invités à une grande fête
vendredi 6 juin à l’église St-Amédée de Bellevaux à Lausanne.
L’intuition fondatrice de l’Evangile à la maison, c’est de convier
et rassembler chez soi quelques
voisins, amis ou proches, pour
un temps de lecture et de partage de la Bible. Avec le souhait
de s’ouvrir à des interlocuteurs
éloignés de l’Eglise. Depuis
décembre 2011, de nombreux
groupes se sont ainsi réunis
chez des particuliers pour lire
un Evangile et vivre un temps
de partage. Le propos n’est pas
de « convaincre », mais de se
mettre, ensemble, à l’écoute de
textes qui sont toujours à recevoir à neuf, quels que soient
ses croyances, expériences ou
degrés d’engagement dans une
Eglise.
8
La canonisation, c’est quoi ?
DÉCODAGE
Le
dimanche 27 avril 2014,
Jean XXIII et Jean-Paul II
seront canonisés, c’està-dire qu’ils seront inscrits au catalogue des
saints. Décryptage d’une
pratique millénaire.
déré comme saint. Mais dès les
premiers siècles, les évêques
s’étaient réservé le droit de déclarer qui pouvait être reconnu
comme saint, tant les martyrs et
les saints étaient populaires. Au
XIIe siècle, le pape Alexandre III
a restreint ce droit au seul souverain pontife. Un siècle plus
tard, Innocent III en a défini
les règles. Il y eut plusieurs réformes à travers les siècles, la
dernière ayant été apportée par
Jean-Paul II avec la Constitution
apostolique du 25 janvier 1983
(Divinus Perfectionis Magister),
destinée à simplifier la procédure et à y associer davantage
les évêques.
chrétiennes, marque d’une fois
vivante et démonstration que la
sainteté n’est pas inaccessible à
l’homme.
Quels sont les critères ?
Quelle est la procédure ?
Pour être reconnue comme
sainte, une personne doit remplir plusieurs conditions. Elle doit
avoir un rayonnement spirituel
après sa mort, signe de sa participation à la sainteté de Dieu
et assurance que son exemple
est accessible et bienfaisant au
peuple chrétien. Les miracles
qui peuvent lui être attribués revêtent à ce titre une grande importance ; ils sont considérés par
l’Eglise comme un signe de Dieu
pour confirmer la sainteté de la
personne. La seconde condition est le martyre, ou les vertus
La procédure se présente
comme celle d’un procès canonique. Le postulateur de la cause
doit adresser une requête écrite
à l’évêque du diocèse où est
mort le candidat à la sainteté. Le
dossier comprend une biographie, une copie de l’ensemble de
son œuvre, une liste de témoins
pour les causes récentes, l’avis
d’experts, les résultats de l’enquête, véritable instruction judiciaire.
C’est alors la Congrégation
pour la causes des saints (instituée par Paul VI en 1965 ;
avait pris place parmi les jeunes
évêques qui déclenchaient des
applaudissements,
remplissant
peu à peu toute l’aula. Beau symbole de l’aggiornamento qu’avait
voulu Jean XXIII : un Concile qui
renouvelle « la rencontre avec
Abbé
Jésus ressuscité, rayonnant dans
Jean-Marie
l’Eglise entière, pour le salut, la
Pasquier,
joie et les splendeurs de tous les
ancien curé du Saintpeuples humains ». Plus tard,
Rédempteur
Jean-Paul II fera maintes fois référence dans ses messages du 1er
Quelle filiation
entre ces deux papes ?
janvier à l’encyclique Pacem in terElle était visible pendant le concile. ris de Jean XXIII.
Karol Wojtyla, nommé évêque en
1958 par Pie XII, a participé à la 1re Comment Jean–Paul II
session de fin 1962, qui a eu une a-t-il intégré le souffle
influence décisive pour faire entrer du Concile ?
Vatican II, programmé par la Curie, Vatican II voulait renforcer la comdans une Eglise peuple de Dieu. Il munion dans la diversité, par la
collégialité épiscopale, et en promouvant les Eglises locales. Qu’en
est-il advenu sous Jean-Paul II ?
Pourquoi
canoniser quelqu’un ?
La canonisation désigne l’acte
par lequel le pape inscrit une
personne sur la liste officielle
des saints. Elle a pour but de
proposer en exemple au peuple
chrétien le témoignage d’un des
membres défunts de l’Eglise et
d’autoriser ou de prescrire un
culte public en son honneur.
Ce culte public se traduit par
l’attribution d’un jour de fête au
calendrier et par la possibilité
d’exposer des images et des
reliques dans les églises.
A quand
remonte la procédure ?
La première déclaration officielle de la part de l’Eglise de
la sainteté d’une personne est
la bulle pontificale envoyée par
Jean XV en 993 aux évêques
de France et de Germanie, pour
leur signaler qu’Ulrich, évêque
d’Augsbourg, devait être consi-
Trois
questions à :
On en attendait davantage ;
il s’est efforcé de promouvoir
l’œcuménisme, surtout avec les
orthodoxes, et aussi le dialogue
interreligieux. Qu’on pense à la
rencontre d’Assise où pour la première fois des croyants du monde
entier prièrent côte à côte ! Sur un
autre plan, l’Europe de l’Est lui doit
beaucoup pour la chute du mur de
Berlin. Par contre, sa lutte contre
le communisme l’a marqué négativement pour comprendre la théologie de la libération et soutenir
l’engagement des communautés
latino-américaines qui s’y référaient.
auparavant, ces questions relevaient de la Congrégation des
rites) qui va mener à son terme
l’examen de la cause. Cette
Congrégation présidée par un
préfet est constituée de cardinaux, d’évêques, d’historiens,
de théologiens, de médecins
(s’il y a miracles). Dans le cours
de la procédure intervient le promoteur de la foi, sorte d’avocat
général dont la mission est de
rien laisser dans l’ombre, même
les choses négatives (d’où l’appellation d’ « avocat du diable »,
qui est passée dans le langage
courant).
Si les délibérations de la
Congrégation sont positives, le
dossier est alors remis au pape,
à qui revient l’ultime décision.
Olivier Schöpfer
Va-t-on fêter ensemble
Jean XXIII et Jean-Paul II ?
Dieu merci, le pape François célèbre le même jour cette double
canonisation. Mais ces saints
demeurent si différents dans leur
manière d’incarner l’Evangile – en
particulier leur attitude à l’égard
des faibles et des exclus de ce
monde et au sein de l’Eglise – qu’il
vaut mieux, selon moi, respecter cette distance, jusque dans le
calendrier. Jean-Paul II a écrit une
magnifique encyclique sur Dieu
riche en miséricorde, mais comment en a-t-il témoigné à l’égard
des divorcés remariés ou des
prêtres désireux de se marier religieusement ? Qui ouvrira un jour
ces portes si longtemps fermées ?
Le pape François ?
9
Plus de 70 ans à l’écoute du Christ
M
écanicien-électricien de
profession, Roland Muggli a senti très tôt l’appel
à une vocation de service dans
l’Eglise. De mère protestante,
élevé dans cette confession, il
choisit à 22 ans d’entreprendre
une formation pour devenir
diacre. Il effectue divers stages,
en Suisse, en Allemagne et en
France, à Taizé. « Mes premiers
contacts avec Taizé remontent
à 1964. C’était la période du
concile Vatican II, et on ressentait une effervescence réelle.
Elle s’est traduite, au fil des
années et jusqu’à aujourd’hui,
par un œcuménisme plus grand.
C’est encore plus vrai avec le
pape François. »
Il se marie à 35 ans – avec son
épouse, ils ont eu trois enfants
– et est consacré diacre dans
l’Eglise protestante vaudoise.
Durant quelques années, il a
travaillé comme infirmier chef,
puis directeur dans un EMS
de la région lausannoise. Au
fil du temps, il acquiert la certitude que l’Eglise protestante ne
répondait pas pleinement à sa
vision d’Eglise, spécialement
le fait de ne pas reconnaître la
présence réelle du Christ dans
l’eucharistie.
Ordonné en 2009
« A ma retraite, j’ai demandé
mon entrée dans la pleine communion de l’Eglise catholique.
Ca n’a pas été facile pour mon
épouse, mais elle l’a accepté.
Je ne parle pas de conversion,
mais plutôt d’une prolongation
de mon ministère de diacre. »
En 2009, il est ordonné diacre
par Mgr Genoud à Morges. « Ce
fut une journée magnifique »,
dit-il, les yeux encore emplis de
lumière.
Roland Muggli conçoit son rôle
actuel comme étant au service
du Christ et de l’Eglise. « Je
coordonne la préparation des
liturgies, pour les rendre plus
vivantes. Je préside aussi la
célébration de baptêmes et de
services funèbres, ainsi que
quelques mariages. »
Claude-Inga
Barbey,
comédienne
Le Jésus que je fréquente est en
plâtre creux. Je le sais bien, je ne
suis pas dupe. Il est cloué sur une
croix de bois qui tient au mur avec
des vis et des boulons. A ses pieds,
dans des vases en cristal épais,
des chrysanthèmes rose pâle à
l’odeur tenace baignent dans l’eau
jaunie, des étoiles de Noël rouge
napperon, des azalées en pot qui
perdent toutes leurs feuilles d’un
seul coup, comme si elles avaient
Roland Muggli a très tôt entendu l’appel du Christ.
service est également axé sur
la charité, notamment dans le
cadre de la Conférence Saint
Vincent de Paul. « J’en suis le
président depuis cinq ans. Il
y a deux ans, l’Association St
Vincent de Paul de la région
morgienne est devenue œcuménique. Il est important que
nous travaillions ensemble pour
tout ce qui est social. Nous
avons une bonne collaboration
avec l’Armée du Salut et les
Eglises évangéliques de Morges
Un service de charité
et de Lonay. Nous aidons les
Outre la liturgie et la parole, son plus pauvres, et notamment les
Pour vous, qui est Jésus ?
La réponse de
Jean-Brice Willemin
MÉTIER D’EGLISE Roland
Muggli est diacre au sein de
l’UP La Venoge-L’Aubonne.
Son riche parcours de vie
trace en filigrane l’évolution
ecclésiale du Canton.
Portrait.
eu un grand choc émotionnel. Et
entre le Christ que je fréquente et
moi, il y a encore une table percée,
où la flamme des petits lumignons
vacille au moindre courant d’air.
Ils ont refait le chauffage dans
l’église, mais j’y ai toujours froid.
Peut-être parce que j’y vais rarement pour remercier, mais plutôt
quand je vais mal, quand le froid
est à l’intérieur de moi. Il m’est
plus facile de remercier à genoux
devant un pré de violettes le nez
dans l’herbe, qu’à genoux sur un
banc. Mes genoux ne sont plus
ce qu’ils étaient de toute façon.
Comme mon cœur, ils sont désenchantés. Une bougie pour mes
enfants, « Seigneur, garde-les en
vie... » Je pourrais tout affronter,
mais pas ça.
Ce matin, sur le prie-Dieu voisin,
un homme africain pleure. Il prie et
il pleure, devant le Jésus en plâtre.
J’essaye de dire le Notre Père,
mais je n’arrive pas à me concentrer. Je voudrais toucher l’épaule
de cet homme, lui dire que s’il a
besoin d’aide, je peux peut-être
faire quelque chose. Mais je n’ose
pas. J’ai peur. Peur d’aller vers
cet homme et qu’il me demande
de l’argent, ou une autre chose
impossible. Au moment de m’en
aller je tourne enfin la tête et je le
regarde vraiment. Il a la tête baissée, il murmure pour la centième
fois la même prière. Je le regarde,
mais il ne me voit pas. J’envie sa
foi, mon sac de courses au bout du
bras. J’envie sa ferveur.
D’habitude, à cette heure-là,
personnes qui ont des difficultés
financières. Nous ne donnons
pas d’argent, mais du soutien et
des aides matérielles, en payant
certaines factures et en donnant
des bons Caritas et Migros. Il y
a une grosse augmentation des
demandes, et il n’est pas toujours facile de discerner qui est
vraiment dans le besoin. »
A 76 ans, et tant qu’il en a la
force, Roland Muggli continue
d’être un beau serviteur de
l’Eglise.
Olivier Schöpfer
l’église est vide, et j’aime transgresser la distance sacrée qui nous sépare et aller coller mon front contre
la jambe du Christ qui est juste à la
bonne hauteur. Comme un enfant
fiévreux, je trouve un apaisement
dans ce contact pierreux. J’y puise
de la force. Mais ce matin, je n’ose
pas, mon Jésus de plâtre est déjà
pris, il est en consultation. Et le
cas semble grave, plus grave que
le mien.
Lorsque je sors de l’église, la lumière est vive. S’il m’avait rendu
mon regard, je lui aurais parlé. Que
Dieu me pardonne de n’avoir pas
touché son épaule, mais il y a des
moments où je me sens comme le
Jésus en plâtre, peinte, creuse et
immobilisée contre le mur par des
vis et des boulons.
10
Conférence-débat
sur cinquante ans
de vie catholique
La Fédération ecclésiastique
catholique romaine du canton
de Vaud (FEDEC-VD) fête en
2014 son 50ème anniversaire. A cette occasion, elle
organise plusieurs manifestations tout au long de l’année.
Le prochain rendez-vous,
une conférence-débat sur les
catholiques dans le canton
de Vaud ces 50 dernières années, aura lieu mardi 20 mai
2014 à 18h30 à l’Université
de Lausanne-Dorigny (bâtiment Anthropole, salle 1129).
Le professeur René Knüsel
fera un exposé historico-sociologique sur l’évolution de la
communauté catholique durant ces cinquante dernières
ans (« De la discrimination à
l’intégration ? »). Ensuite, une
table ronde sera animée par
M. Justin Favrod, journaliste
à 24 Heures, avec la participation de quatre personnalités catholiques (Ariane
Dayer, Ada Marra, Bruno de
Kalbermatten, Jean-Jacques
Schwaab) et d’une personnalité réformée (Jean-Paul
Perrin).
Impressum
Editeur : FEDEC-VD.
Adresse : chemin des Mouettes 4,
CP 600, 1001 Lausanne.
Directeur de la publication : abbé
Marc Donzé, vicaire épiscopal.
Comité éditorial : abbés Marc Donzé,
et Thierry Schelling, François Rouiller,
Olivier Schöpfer et Jean-Brice Willemin.
Rédacteur responsable : Jean-Brice
Willemin.
Mise en page : Eva Mikulski.
Ont aussi collaboré à ce numéro :
Textes : Sr Isabelle Donegani, JeanClaude Huot, Béatrice Vaucher, Aline
Viredaz et Maria Zufferey.
Photos : Internet, Caritas et Jean-Brice
Willemin.
Relecture : Pierre-André Werlen.
Tél. : 021 613 23 23
Fax : 021 613 23 24
E-mail : [email protected]
Site Internet : www.cath-vd.ch
relais, journal de réflexions et
d’informations de l’Eglise catholique
dans le canton de Vaud, est un
trimestriel gratuit, tiré à 4 100 ex.
Prochaine parution :
1er juillet 2014.
« L’argent trompeur »
d’Yvan Mudry
LIVRES Le théologien
Yvan Mudry, devenu
journaliste économique
puis chroniqueur
religieux, vient de publier
L’argent trompeur. Un
titre provocateur pour
expliquer comment
l’argent peut pervertir
les relations entre les
hommes s’il devient
sacré, honoré comme le
veau d’or des anciens.
lui, si bien que l’homme ne peut
pas refermer la main sur ses richesses. »
Don et contre-don
Sur la photo ci-contre, Yvan Mudry,
auteur du livre, dont la couverture est
en illustration ci-dessus.
La démonstration de l’essayiste
lausannois repose sur le constat
que nos sociétés occidentales
fonctionnent sur les principes de
l’économie libérale. Yvan Mudry
les a bien compris, lorsqu’il travaillait comme journaliste écono-
Pour Yvan Mudry, les hommes
de nos sociétés prospères sont
invités à changer de conception
de vie, à cesser de croire qu’ils
se suffisent à eux-mêmes pour
se comprendre comme individus
insérés dans une histoire collective, dans une communauté. « Le
rapport à l’argent devient alors
tout autre. L’argent acquis, nous
sommes amenés à le considérer
comme un cadeau, c’est-à-dire
invités à le redonner sous une
forme que nous allons imaginer
au contact d’autrui. »
C’est ainsi qu’Yvan Mudry
conçoit l’homme dans une communauté, soignant son rapport
au Dieu-amour par la prise de
risques dans ses relations matérielles, en valorisant le don. Il
l’explicite ainsi : « Pour se libérer
de l’emprise de l’argent, il faut
être intimement convaincu que
celui que nous possédons ne
nous appartient pas. »
Jean-Brice Willemin
mique à L’Agefi et au Journal de
Genève. « Appliqués à la lettre,
ces principes libéraux amènent
à considérer chaque individu
comme autonome, sans dette
existentielle, sans obligation
puisqu’il ne doit rien à personne
et qu’il peut donc poursuivre égoïstement son intérêt personnel.
Ce credo économique est dépassé, anti-écologique et contraire à
notre conception spirituelle dans
l’Eglise catholique, selon laquelle « L’argent trompeur », Yvan Mudry
tout vient de Dieu et retourne à (Editions Saint-Augustin)
Adresses utiles
DIRECTION
Vicariat épiscopal, chemin des Mouettes
4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 43
FEDEC-VD, chemin des Mouettes 4,
CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 13
UNITES PASTORALES
UP Chasseron-Lac, rue Maison-Rouge 14,
1400 Yverdon-les-Bains,
tél. 024 424 20 50
UP Dent-de-Vaulion, chemin de la Dame
1, 1350 Orbe, tél. 021 441 32 90
UP Grand-Vevey, rue des Chenevières 4,
1800 Vevey, tél. 021 944 14 14
UP Gros-de-Vaud, rue St-Jean 7, 1040
Echallens, tél. 021 882 22 52
UP La Venoge - L’Aubonne, rue du RondPoint 2, 1110 Morges, tél. 021 811 40 10
UP Lausanne Lac, chemin de BeauRiv
Rivage 3, 1006 Lausanne,
tél
tél. 021 616 51 43
UP Lausanne Nord, avenue de Chailly 38,
1012 Lausanne, tél. 021 652 37 32
UP L’Orient, avenue des Collèges 29,
1009 Pully, tél. 021 728 15 57
UP Notre-Dame Lausanne, rue du Valentin
3, 1004 Lausanne, tél. 021 318 82 00
UP Nyon - Terre Sainte, rue de la
Colombière 18, 1260 Nyon,
tél. 021 635 45 80
UP Prilly - Prélaz, avenue de Morges 66,
1004 Lausanne, tél. 021 624 45 55
UP Renens - Bussigny, avenue de
l’Eglise-catholique 2b, 1020 Renens,
tél. 021 634 01 44
UP Riviera, avenue des Planches 27, 1820
Montreux, tél. 021 963 37 08
UP Notre-Dame de Tours, Chemin des
Rites 2, 1566 St-Aubin (FR),
tél. 026 677 11 42
UP St-Barnabé, rue Guillermaux 17, 1530
Payerne, tél. 026 660 21 96
UP St-Pierre les Roches, rue de l’Eglise
17, 1670 Ursy, tél. 021 909 50 37
Décanat d’Aigle, rue du Rhône 4, 1860
Aigle, tél. 024 466 23 88
MISSIONS LINGUISTIQUES
Mission de langue espagnole, chemin
des Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 73
Mission de langue italienne, rue OrientVille 16, 1005 Lausanne, tél. 021 323 14 58
Mission de langue anglaise, avenue de
Béthusy 54, 1012 Lausanne
Mission de langue allemande, avenue
Vinet 27, 1004 Lausanne,
tél. 021 648 41 50
Mission de langue portugaise, avenue de
Morges 60, 1004 Lausanne,
tél. 021 323 14 58
DÉPARTEMENTS
Département 0-15 ans, chemin des
Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 53
Département 15-25 ans, boulevard de
Grancy 29, 1006 Lausanne,
tél. 021 612 61 30
Département Adultes, chemin des
Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 33
Département Santé, chemin des Mouettes
4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 67
Département Solidarités, chemin des
Mouettes 4, CP 600, 1001 Lausanne,
tél. 021 613 23 88
Support informatique, 021 613 23 20
et 079 126 72 47
Support AVEC, 021 613 23 15
Support www.cath-vd.ch, 021 613 23 26
11
Courrier des lecteurs
Un relais vraiment catholique ?
Merci pour vos efforts pour
offrir une revue « catholique »
dans le Canton. Cependant, je
vais rompre le consensus de
louanges qui figure régulièrement dans le courrier des lecteurs.
dire.
Nous sommes mariés depuis
1961 et nous savons de ce que
nous parlons, notre mariage
étant presque contemporain de
cette encyclique ! Je ne veux
pas en dire plus ici. Il est important surtout que je vous aie dit
ma totale opposition à cette déclaration du père Emonet.
Jean-Pierre et Mireille Jolliet,
Saint-Légier
J’ai lu plusieurs numéros de
relais, mais de véritablement
catholique je ne trouve rien.
Un journal « catholique » devrait
expliquer, éclairer, commenter,
enseigner la doctrine catholique. Il devrait démontrer sa
cohérence, sa logique et son
équilibre. Il devrait être un relais
entre ce qu’enseigne l’Eglise
catholique romaine et les personnes. Il devrait faire aimer
l’Eglise.
Réponse
du père Emonet
niste, en décalage avec Rome,
laissez de la place au catholicisme ! Pour répondre au souhait de réformes en accord avec
les idées du monde, il y a des
communautés réformées. Là,
pas de dogmes, pas de lignes
de conduite, une totale liberté
de pensée. Mais si le sel de la
terre s’affadit, que se passe-til ? Si le phare cesse d’éclairer
la mer en ne montrant pas les
écueils, que devient le navire ?
Quant au questionnaire sur
la famille, faut-il s’étonner de
tels résultats quand on sait par
d’autres sondages que de très
nombreux catholiques ne croient
plus ni à la Présence réelle, ni
à la résurrection du Christ, ni à
l’enfer et ne comprennent plus
le sens du sacerdoce ministériel
tant la confusion entre prêtres Parce que le monde est devenu
sécularisés et laïcs cléricalisés relativiste, faut-il répudier l’hériest à son comble.
tage que d’autres nous ont laissé ? Nous avons à le transmettre
Dans ce diocèse, vivent des intégralement ; aux hommes de
catholiques romains ! Parfois, ils choisir ! Là est la vraie liberté.
sont traditionalistes. Le manque Franco Amoroso,
de sensibilité et de charité de La Tour-de-Peilz
certains prêtres font qu’ils sont
« confinés » dans des chapelles.
Ils ne font aucun bruit et vivent Le père Emonet
leur foi de manière décom- interpellé
plexée, joyeuse et lumineuse Merci pour le dernier relais.
sans vouloir faire la révolution. Je ne l’ai pas encore lu en
Ils ne font pas de compromis entier, mais je suis tombé sur
avec le magistère, les dogmes, une phrase du père Emonet,
le catéchisme officiel. Ils confor- en page 5 : « Cette encyclique
ment leurs vies et leurs actes donne la priorité à la procréaaux enseignements et aux tion, plutôt qu’à l’amour, dans
vérités que l’Eglise enseigne. la sexualité du couple.... » C’est
Ils passent par la porte étroite ! faux et c’est une calomnie. C’est
L’Amour est aussi exigence !
un scandale d’écrire une chose
pareille et en plus de la publier !
Une suggestion, si humblement Certes, l’encyclique a posé et
vous me la permettez, au lieu pose des problèmes, mais ce
de nous présenter une Eglise commentaire est déplacé, et
catholique résolument moder- c’est le moins que l’on puisse
Je suis totalement d’accord
avec ces remarques, même si je
trouve le ton un peu trop agressif et passionné. La formulation
de mon propos n’est pas très
heureuse, je le reconnais. Je ne
prétendais pas porter un jugement sur l’encyclique Humanae
Vitae ni dire mon propre sentiment, mais seulement rappeler
comment elle avait été reçue et
perçue dans le grand public.
Pierre Emonet, sj, Genève
L’image
d’une Eglise joyeuse
Je viens de lire avec grand intérêt les deux derniers numéros
de relais. J’ai noté que votre
journal se veut simultanément
de réflexions et d’informations,
deux objectifs forts pertinents
et jusqu’ici bien remplis. Les
réflexions
donnent l’image
d’une Eglise joyeuse et proche
des préoccupations de chacun,
leurs auteurs évitant le langage
souvent abscons et confus de
certaines homélies, le discours
moralisateur et dogmatique,
mais aussi les exposés théologiques qui ont leur place, non
pas ici, mais dans des revues
spécialisées et elles sont nombreuses. Les informations apportent un excellent éclairage
sur les évènements religieux,
culturels et administratifs, qui
peuvent intéresser l’ensemble
des catholiques vaudois. Je
me réjouis de découvrir les prochains numéros.
Joseph Frund, Corseaux
Un idéal essentiellement évangélique
Merci pour votre journal qui me
permet de sentir vibrer un peu
l’Eglise catholique en terre vaudoise. Un relais de réflexions et
d’informations, c’est ce qu’il se
veut. Puis-je exprimer le souhait d’y trouver des réflexions
plus approfondies sur le plan
théologique ou spirituel (et pas
seulement sociologique) et des
informations plus largement ouvertes sur les autres chrétiens,
les autres religions ou courants
spirituels ? On ne peut être catholique juste entre soi, il y a nécessité d’ouverture, de décloisonnement et d’un regard plus
vaste. Ne réduisez pas l’Eglise
catholique dans le canton de
Vaud à n’être qu’une petite épicerie de quartier !
Dans le dernier numéro de
relais, vous donnez la parole
à deux témoins « en lisière de
l’idéal catholique. » S’il y a un
idéal pour un chrétien, il n’est
ni catholique, ni même romain,
il est essentiellement évangélique. Et ce n’est pas celui d’une
perfection, encore moins d’une
règle disciplinaire suivie à la
lettre ! Mais c’est l’ouverture
d’un cœur bienveillant et compatissant. Celle que Jésus nous
montre lorsqu’il s’assied sur la
margelle de nos puits d’attente,
d’égarements et de solitudes.
Celle du Pape François qui dit :
« Qui suis- je, pour me permettre
de juger ? »
Merci encore pour votre travail
et votre engagement !
Antoinette Bochatay Royer,
Chamoson
Votre avis nous intéresse.
Faites-le nous connaître à
l’adresse suivante :
Jean-Brice Willemin,
Service de l’information,
chemin des Mouettes 4,
CP 600, 1001 Lausanne
ou par mail : [email protected].
12
Fabrice Hadjadj :
« La gloire présuppose la croix »
Vous avez des origines
juives, des racines arabes
et une identité de catholique français. Que veut
dire concrètement dans
votre vie la résurrection du
Christ ?
Ce qu’il y a de très bon dans
cette question, c’est son adverbe : « concrètement. » La foi
en la résurrection ne doit pas
être abstraction ni une évasion.
Son au-delà ne saurait nous
pousser à déserter l’ici-bas.
C’est pourquoi on ne dit pas
« je crois en la résurrection » –
c’est à dire en un concept ou un
état général – mais « je crois en
Jésus crucifié sous Ponce Pilate
et ressuscité le troisième jour »,
une personne concrète inscrite
dans un événement historique.
C’est là, peut-être, que le juif
que je suis rejoint le chrétien
que je suis devenu, et le rend
attentif au danger d’une espèce
de « résurrectionnisme » éthéré qui nous sortirait de la chair
et du temps.
Que fait d’ailleurs Jésus ressuscité ? Son corps glorieux pourrait constituer un objet de fascination et d’extase, et les fidèles
tomber sous hypnose. Mais Jésus les ramène à la réalité. Avec
les disciples d’Emmaüs, avec
les apôtres au Cénacle ou sur
les bords du lac de Tibériade,
il mange, il commente les écritures, il réinscrit le miracle dans
l’histoire du Salut, comme n’importe quel rabbin, et puis il les
envoie en mission, il les pousse
à le reconnaître et à le manifester, non pas dans son corps
splendide, mais dans n’importe
quel visage ordinaire. Le témoin
de la résurrection est avant tout
un envoyé au quotidien : le signe
qu’il a connu la gloire, c’est qu’il
est capable d’aimer l’individu le
plus terne. Voilà le concret. Estce que j’y arrive ?
Il y a encore autre chose. La
résurrection n’est pas la même
chose que l’immortalité. Pour
faire un bon ressuscité, il faut
d’abord un bon mort. Il n’y a pas
ici de fuite devant le tragique de
notre condition mortelle. Tout au
contraire. Le ressuscité est le
même que le crucifié, la gloire
présuppose la croix. C’est donc
le corps en tant que vulnérable
et livré dans l’amour qui est en
jeu, et non quelque fantasme de
superpuissance impassible et
dominatrice.
Jean-Brice Willemin
DOSSIER L’aumônerie de l’EPFL a invité Fabrice Hadjadj sur le campus d’Ecublens pour une conférence aux étudiants. L’écrivain et philosophe français, directeur de l’Institut Européen « Philanthropos »
à Bourguillon-Fribourg, a livré à relais quelques réflexions et confidences sur le sens de la résurrection
du Christ. Interview.
Maria Zufferey, aumônier à l’EPFL, questionne Fabrice Hadjadj.
Doit-on mourir pour ressusciter ou le sommesnous déjà un peu… ressus- grâce dans un enfant trisomique faire de lui un cobaye, que ce
cités ?
ou une vieille dévote voûtée sur soit comme objet de la Charia
Nous sommes déjà entièrement
ressuscités… mais en espérance, dans le Christ. Notre
condition terrestre et notre
condition glorieuse partagent
une seule et même vie, qui
est celle de la charité. À cette
heure, la charité est comme la
graine enfouie, qui, de sa tige
naissante peine à percer l’obscurité du sol ; là-bas, on la verra
fleurir de toutes ses fleurs multicolores, et ployer sous l’abondance de ses fruits. La condition
de ressuscité apparaît donc
déjà dans l’amour du prochain,
difficile et obscur sur la terre,
heureux et lumineux dans le
ciel.
Elle se manifeste aussi dans le
fait d’assumer notre condition
charnelle. C’est très important
aujourd’hui, où l’on rêve de
devenir un cyborg. Si l’on croit
que le Verbe a assumé et sauvé
notre chair vulnérable et mortelle, alors on doit aimer cette
chair vulnérable et mortelle, et
comprendre qu’il y a plus de
son chapelet, que dans un Robocop suréquipé ou une blindée
Superwoman.
Qu’est-ce qu’une Pâque
chrétienne peut apporter
dans un monde qui sacralise moins Dieu et plus l’individu ?
Cette manière de s’exprimer
est victime d’une vision concurrentielle des choses : moins on
sacralise Dieu, plus on sacralise
l’individu, ou inversement. C’est
ce que croient les fondamentalistes religieux aussi bien que
les fondamentalistes athées.
Les premiers disent : Il faut plus
de Dieu, et donc écraser l’humain. Les seconds : Il faut plus
d’humanité, et donc éliminer
Dieu. Mais cela ne marche pas
comme ça, parce qu’on ne peut
aimer le Créateur sans aimer
sa créature, ni la créature sans
son Créateur. On ne peut rejeter Dieu sans rejeter l’humain.
Et c’est bien ce que l’on voit
aujourd’hui, où l’exploitation de
l’humain est extrême, jusqu’à
ou comme matériel pour la technoscience. La Pâque vient nous
rappeler l’unité de l’humain et
du divin jusque dans la mort, et
que Dieu a voulu qu’on le reconnaisse sous les traits du faible,
du malfaiteur, du blasphémateur
même…
Comment croire encore à
la résurrection de la chair ?
Si on pouvait répondre au comment, on ferait de la foi le résultat d’une recette. Or elle n’est
justement pas le résultat d’une
recette, mais le donné d’une
rencontre. Elle ne relève pas
de la technique, mais de l’événement. De toute façon, nous
croyons toujours déjà un peu en
la résurrection de la chair, dès
lors que nous avons de la tendresse pour les personnes dans
leur corps, devinant dans leur
visage une singularité qui ne
veut pas disparaître.
Propos recueillis par
Maria Zuffrey,
aumônier UNIL-EPFL
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