Abstracts in French De la nature locale, régionale et inter-régionale du commerce. Une approche comparative de l’économie tardo-antique Mark Whittow Un enjeu fondamental pour l’étude du monde romain durant l’Antiquité tardive est de comprendre si l’économie était principalement stimulée par les besoins de l’État, ou, au contraire, par les lois du marché. Bien que le volume sans cesse croissant de la documentation archéologique nous permette de dresser un portrait de plus en plus riche et complexe de l’économie des sociétés tardo-antiques, le fait qu’il demeure possible d’envisager celle-ci sous deux angles bien distincts prouve que le débat en lui-même n’a que peu évolué. Il apparaît ainsi nécessaire de développer de nouveaux modèles mais aussi de poser de nouvelles questions, notamment par le biais d’approches comparatives. Nous proposons ici d’aborder le cas de l’Angleterre du Moyen-Âge tardif, afin de mettre en évidence que la riche documentation qui s’y rapporte, et qui a fait l’objet d’une littérature abondante, mène à des conclusions que ne sauraient négliger les spécialistes de l’Antiquité tardive. Intégration et dés-intégration dans l’économie romaine tardive. Le rôle des marchés, des empereurs et des aristocrates Peter Sarris La présente contribution pose la question du rôle joué par l’État, les marchés et les structures sociales dans le devenir de l’économie de l’empire romain durant l’Antiquité tardive. La tendance actuelle parmi les historiens de l’Antiquité est de mettre en évidence l’incidence des marchés et il s’agit là d’une heureuse avancée par rapport aux approches primitivistes qui étaient autrefois proposées. Toutefois, l’attention dont bénéficie aujourd’hui l’impact de ces marchés ne saurait nous faire oublier ni les fortes tendances interventionnistes de l’État romain, ni son rôle dans la promotion et le développement de l’échange de commodités. Du reste, on © Koninklijke Brill NV, Leiden, 2013 DOI: 10.1163/22134522-12340044 L. Lavan (ed.) Local Economies? Production and Exchange of Inland Regions in Late Antiquity (Late Antique Archaeology 10 – 2013) (Leiden 2013), pp. 607–613 608 abstracts in french se rappellera à quel point la mise en place des marchés eux-mêmes était dictée par les intérêts du gouvernement et des classes dirigeantes. Villas, taxes et commerce dans l’Hispanie du ive s Kim Bowes Cet article se propose de passer en revue les sources relatives à l’économie de la province d’Hispanie durant le ive s., en mettant plus particulièrement l’accent sur les données relatives aux villas de la région. On promeut ici une conception de l’économie à mi-chemin entre le “taxes and trade model” développé par Hopkins et l’idée maximaliste de marché libre. Une vision de la consommation comme ancrée dans la société et stimulée par l’État peut ainsi être avancée ; s’il est clair que des économies dynamiques existaient à un niveau local au ive s., cela s’explique en grande partie par l’intervention impériale. Les enseignements de la sigillée gauloise et des autres céramiques fines Tamara Lewit La production de céramique sigillée en Gaule fournit une excellente occasion d’examiner l’évolution d’une forme particulière de production située à l’intérieur des terres et de son commerce du ier au iiie s. ap. J.Chr. Un certain nombre de centres de production notables se situaient en effet dans l’arrière-pays plutôt que dans les régions côtières. En premier lieu, cela suggère que la production et le commerce de la céramique fine étaient assez profitables pour contrebalancer les coûts élevés inhérents aux systèmes de transport intérieurs, autant terrestres que fluviaux. Par ailleurs, on se rappellera que la céramique fine est souvent considérée comme l’indicateur indirect du transport d’autres marchandises, plus volumineuses et de plus grande valeur. Les modes de production et de distribution de la céramique fine dans les régions non-côtières suggèrent que les routes commerciales ne se réduisaient pas au transfert de produits d’une seule et même provenance vers une destination située outre-mer. Enfin, l’évolution depuis une distribution large et multi-directionnelle de la céramique sigillée au ier s. ap. J.-Chr. vers une distribution plus abstracts in french 609 restreinte des céramiques fines gauloises plus tardives vient nous renseigner sur les changements plus globaux qui affectent l’économie de la Gaule à partir du iiie s. et qu’il convient d’envisager en comparaison avec d’autres régions de l’empire. Comprendre les économies tardo-antiques de l’arrière-pays sicilien dans leur contexte méditerranéen Emanuele Vaccaro Au regard de sa diversité environnementale et de sa spécialisation dans la production de grain (et dans une moindre mesure de vin à destination des marchés extra-régionaux), une compréhension plus globale des économies locales de la Sicile tardo-antique et de leur intégration au système des échanges en Méditerranée constitue un enjeu majeur pour la poursuite du débat actuel sur la “longue” Antiquité tardive. Cet article se fonde sur la documentation archéologique disponible pour l’intérieur sicilien et sur les données issues du projet Philosophiana, mené dans l’Hinterland de Piazza Armerina, en particulier pour la période allant de 300 à 700 ap. J.-Chr. (avec plusieurs références toutefois aux viiie et ixe s.). Il a pour objectif d’analyser les raisons à l’œuvre derrière la croissance économique marquée que connaît la Sicile durant l’Antiquité tardive et l’expansion de son habitat à la même époque. Cette contribution s’efforce également de situer l’économie de l’arrière-pays sicilien dans le contexte très débattu du commerce appuyé par l’État et des marchés libres en Méditerranée centrale. On envisage ainsi comment les relations étroites entre le fertile intérieur sicilien et Rome ont affecté la complexité des économies locales ; en particulier, l’étude de la production et de la distribution de la céramique permet de reconstituer le système d’échanges complexe dans lequel s’engage l’île sur le long terme. Diana Veteranorum et les dynamiques d’une économie d’arrière-pays Elizabeth Fentress Une petite prospection menée en 1991 a permis de préciser nos connaissances sur l’habitat tardo-romain de la région de Diana Veteranorum, 610 abstracts in french dans les montagnes de Belezma, en Numidie. Tous les sites examinés ont livré de la céramique du ve s., ce qui suggère que l’occupation a connu un pic important durant cette époque. L’importante densité de l’occupation semble devoir être mise en relation avec l’existence d’une production textile intensive, accompagnée d’élevages, les produits desquels auraient été vendus à l’armée ou dans les capitales provinciales. L’effondrement de l’habitat au vie s. peut être attribué à la disparition du marché suscité par ces lieux d’écoulement, de même qu’à l’insécurité croissante et, peut-être, à l’arrivée de groupes nomades venus du sud. L’expansion économique de la campagne anatolienne durant l’Antiquité tardive : les côtes et l’intérieur des terres Adam Izdebski Cet article examine les sources archéologiques, palynologiques et textuelles relatives à la prospérité économique de la campagne anatolienne durant l’Antiquité tardive. L’analyse distincte des données disponibles pour les régions côtières et l’intérieur des terres montre qu’il n’existait pas de différences substantielles dans le fonctionnement de l’économie rurale des deux ensembles géographiques en question. Par conséquent, ni la demande nouvelle en produits agricoles émanant de Constantinople, ni la proximité entre les économies locales et les réseaux d’échange sur longues distances ne peuvent pleinement expliquer les phénomènes observés. La vitalité et la complexité des économies locales doivent également avoir joué un rôle important dans le développement économique des campagnes anatoliennes durant l’Antiquité tardive. L’économie urbaine dans le sud de la Syrie intérieure, depuis la fin du viie s. jusqu’à la fin de la dynastie des Omeyyades Fanny Bessard Cet article a pour objet l’évolution de l’économie des cités intérieures du sud de la Grande Syrie, depuis la fin du viie s. jusqu’à la fin de la dynastie des Omeyyades. Il a pour objet de démontrer que l’économie de cette région a tendu vers un certain “localisme” durant les vie et viie s., pour connaître une forme de croissance au début de la période islamique. On verra que cette croissance doit être située dans un contexte de change- abstracts in french 611 ments géopolitiques importants : d’une part, l’unification politique du Proche-Orient sous le règne des Omeyyades, du viie s. au début du viiie s. ; d’autre part, l’importance croissante de la région considérée ici en termes stratégiques, celle-ci se situant à la fois sur la route du pèlerinage à la Mecque et sur la route traversant la steppe jordanienne en direction de l’Irak. On défendra ici l’idée selon laquelle au début de la période islamique, le renforcement et la mise en place d’échanges tant locaux que sur la longue distance, ont contribué à l’amélioration des réseaux routiers et encouragé la croissance des ateliers nucléés dans les cités de l’intérieur méridional de la Grande Syrie, de même qu’une forme d’évolution dans la culture matérielle, comme en témoignent les découvertes archéologiques et les sources textuelles. Équilibrer la balance : la céramique romano-britannique au début de l’Antiquité tardive Jeremy Evans Cette contribution envisage l’apport du témoignage de la céramique romaine tardive de Bretagne à l’étude de l’économie de la période en question. Il existe des indications claires de l’existence de routes commerciales le long des côtes orientale et occidentale de la province, mais aussi de la persistance d’une économie de type pré-romaine dans les régions montagneuses situées au delà de la frontière. L’armée constituait une force motrice importante pour l’économie, mais le développement d’économies de marché prospères a également contribué à la croissance. Enfin, la région méridionale de la Bretagne connut une période de prospérité particulièrement marquée durant les iiie et ive s., bien que la région qui correspond aujourd’hui au Pays de Galles ne semble pas avoir embrassé ce modèle. L’approvisionnement et la distribution des matériaux de construction en céramique en Bretagne romaine Phil Mills Cet article résume les principales données relatives à l’introduction et au développement de l’usage des matériaux de construction en céramique dans la province de Bretagne. Ceux-ci sont introduits dans le cadre de 612 abstracts in french l’invasion romaine de 43 ap. J.-Chr. et sont d’abord utilisés par l’armée, les vétérans à la retraite et les élites des groupes indigènes alliés. La demande gagne ensuite les centres urbains, entre le milieu et la fin du iie s., se voyant satisfaite par des groupes de spécialistes itinérants. Plus tard, alors que le développement urbain cesse pratiquement, la demande civile se maintient à travers l’édification d’infrastructures rurales de haut rang. Cette évolution coïncide avec le développement de centres de production de tuiles permanents, alimentant des réseaux régionaux étendus, principalement par voie terrestre. Toutefois, le besoin en constructeurs itinérants se poursuit en parallèle à la sédentarisation des fabricants de tuile. Céramique locale et importée en Pannonie tardo-romaine Piroska Hárshegyi and Katalin Ottományi En Pannonie tardo-romaine, la céramique locale était produite dans de petits centres de proximité, et à une échelle plus limitée que ce qu’avait pu connaître la région avant le ive s. Un réseau dense d’ateliers de potiers était en activité sous le règne de Valentinien dans le coude du Danube, lequel constituait par ailleurs une portion importante du limes. Dans la plupart des cas, les fours, situés dans les villas et les habitats ruraux de l’arrière-pays, ne produisaient qu’un seul type de poterie. Des ateliers plus importants, situés à des endroits géographiquement plus favorables, produisaient non seulement de la céramique commune mais aussi des céramiques vernissées et polies. En ce qui concerne la céramique fine, on note que les artisans locaux s’efforçaient d’imiter les récipients d’importation en sigillée, métal et verre dont le volume se voyait décroître, adoptant de nouvelles techniques et de nouveaux éléments décoratifs. La céramique d’importation se réduisait alors à quelques types : African Red Slip, amphores en petit nombre, lampes, occasionnellement de la céramique d’Argonne et quelques types de coupes en coquille d’œuf. Il peut être démontré qu’en parallèle à la production croissante de céramiques communes, vernissées et polies, les importations dans la province ont cessé aux alentours de la seconde décennie du ve s. abstracts in french 613 L’Afrique : modes de consommation dans les régions côtières et dans l’arrière-pays. Le témoignage de la céramique (300–700 ap. J.-Chr.) Michel Bonifay Sur la base de la documentation céramologique, cet article examine les différences d’approvisionnement entre les régions côtières et intérieures de l’Afrique entre le ive s. et le viie s. ap. J.-Chr. Alors que la côte méditerranéenne semble pleinement intégrée dans un système de consommation commun (par exemple importation d’amphores provenant d’outre-mer et des principales formes de l’African Red Slip), la plupart des régions intérieures semblent demeurer imperméables aux produits non-régionaux (par exemple absence d’amphores de transport et présence d’African Red Slip essentiellement de production locale) ; cette situation est particulièrement claire dans les hautes plaines algériennes. Cependant, une analyse détaillée de la documentation permet de discerner un certain nombre d’indices de contacts inter-provinciaux, le long d’anciens axes est-ouest. Production et échange de la céramique en Syrie tardo-antique (ive-viiie s. ap. J.-Chr.). Quelques cas de vaisselles locales et importées. Agnès Vokaer Cet article se penche sur le commerce régional et extra-régional en Syrie à travers l’étude de la distribution de certaines catégories de céramiques, en associant une synthèse de la littérature relative aux productions locales et importées à des observations personnelles (études de pâtes comprises). Il en ressort, qu’à partir du ive s., l’ensemble des céramiques fines est importé en Syrie. Par ailleurs, deux catégories de céramiques ont été produites localement, il s’agit de la Brittle Ware (la céramique culinaire de Syrie) et de l’amphore de Syrie du Nord. L’étude de la distribution des différentes catégories de vaisselle met en évidence une distinction nette entre l’approvisionnement de la côte et celui de l’intérieur des terres. Elle témoigne aussi d’une activité commerciale régionale intense recourant à des moyens de transport aussi bien fluviaux que terrestres.