Le " Groupe-Crise " dans un Centre de Thérapies Brèves (C.T.B.

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Vol. 2, núm. 4 - Noviembre 2003
Órgano Oficial de expresión de la Fundación OMIE
Revista Internacional On-line / An International On-line Journal
Le " Groupe-Crise "
dans un Centre de Thérapies Brèves (C.T.B.) pour adultes
Dominique de Verdiere et Arturo Salvador.
RESUMEN
Se decribe la evolución de una experiencia en psicoterapia de grupo en el contexto de un programa
de crisis en un Centro ambulatorio de Terapia Breves de Ginebra. Este tipo de Centros fue bcreado
hace 12 años en los servicios psiquiátricos del cantón de Ginebra para atender durante 24 horas al
día en la ciudad a pacientes que atrtaviesan circunstancias difíciles y bque se hallan
descompensados. La estancia media es de 1 mes. En losm últimos años se han instalado mcamas en
esos centrosm para quelos pacientes bpuedan pasar dosn o tres día en caso necesario.
PALABRAS CLAVE: Terapias breves, grupo, crisis.
SUMMARY
The evolution is described of an experience in group psychotherapy in the context of a crisis
programme in a short Therapy out-patient Centre in Geneva. This type of Centre was created 12
years ago in the psychiatric services of the canton of Geneva to give 24 hour assistance in the city
for patients that are going through difficult situations and that are upset. The average stay is for one
month. Over the last few years more beds have been installed in these centres so that the patients
can spend two or three days if necessary.
KEY WORDS: Short Therapy, group, crisis
RESUME
Description d'une expérience de psychothérapie de groupe (" Groupe-Crise ") faisant partie de
l'ensemble des soins psychiatriques d'un C.T.B.
* texte d'après l'exposé fait à la cinquième rencontre de l'A.R.P.A.G. (Association Romande pour la
psychothérapie psychanalytique de groupe). Genève, 8-9 novembre 1987.
(Centre de Thérapies Brèves : institution de soins ambulatoires, d'une conception proche des
Hôpitaux de Jour).
MOTS CLEFS : Thérapies brèves, groupe, crise.
Les Centres de Thérapies Brèves, à Genève, sont une extension et un développement des anciens
Hôpitaux de Jour. Ils se situent à mi-chemin entre la Consultation et l'Hôpital psychiatrique. Il s'agit
d'unités extra-hospitalières fonctionnant en permanence dans les secteurs.
En ce qui concerne le " C.T.B. Pâquis ", il serait plus juste de l'appeler Centre de Crise ou Centre de
Thérapies intensives. En effet, le modèle de base des soins dans ce CTB implique une conception des
troubles mentaux découlant du modèle bio-psycho-social de Engel (1980), avec un accent mis sur
les interventions de crise. Nous considérons la Crise au sens de Caplan (1964) et Langsley (1968),
comme un déséquilibre émotionnel adaptatif d'un individu et de son entourage face à une situation
nouvelle et inévitable.
D'une façon schématique, nous pouvons situer nos interventions thérapeutiques sur deux axes
d'interactions " soignants-soignés " :
- un premier axe où le travail thérapeutique est centré sur la personne en crise et sa famille. Dans
ce cadre-là, lors des premiers entretiens d'évaluation, nous essayons d'élaborer un projet
thérapeutique avec le patient et son entourage, et de mettre sur pied un programme de soins assez
intensif et individualisé.
- Le deuxième axe est un axe groupal. Quand cela est indiqué, le patient est invité à participer à un
ou plusieurs groupes, de nature très diverse, afin de favoriser son intégration sociale.
Parmi les groupes proposés au C.T.B.-Pâquis, celui qui a une orientation psychothérapeutique
spécifique est celui que nous appelons le Groupe-Crise. Il s'agit d'un groupe de discussion sur le
thème de la crise que vivent les patients qui viennent au C.T.B.
Le groupe s'inscrit dans l'optique thérapeutique de notre Centre qui consiste en une mobilisation
intensive des ressources psychiques du patient. Il s'agit d'utiliser la crise comme un levier pour aller
plus loin que le retour à l'état antérieur et de motiver chacun à se prendre en charge, à comprendre
pourquoi il traverse une crise et comment il peut la dépasser.
Le traitement de crise terminé, le patient sort du C.T.B., reprend sa vie habituelle mais bien souvent
il reste fragile. Il doit donc essayer d'élaborer à plus long terme la problématique dont il a pu
prendre conscience au cours du traitement de crise. La période de la " post-crise " correspond pour
nous à une optique de prévention de la rechute.
Nous allons maintenant décrire le setting du Groupe-Crise.
Il s'agit d'un groupe bi-hebdomadaire qui a lieu dans une salle du C.T.B. réservée en priorité aux
groupes de discussion. Chaque séance dure une heure.
Ce groupe est animé habituellement par deux thérapeutes fixes. Il est arrivé que nous ayons en
plus, pour une période limitée à quelques mois, une troisième personne (psychologue stagiaire).
C'est un groupe semi-ouvert, comprenant six à huit patients au maximum. Lorsqu'un patient termine
sa prise en soins au C.T.B., il quitte ce groupe, libérant ainsi une place pour un nouveau patient
susceptible d'en bénéficier. Le " tournus " des patients est variable, en fonction de la durée de soins
nécessaire à chacun pour surmonter sa crise. Cela peut aller en moyenne de trois semaines à trois
mois, voire davantage.
Du point de vue des indications : une certaine hétérogénéité des patients demeure souhaitable mais
nous avons surtout des patients en crise, présentant des états dépressifs (ou dépressivo-anxieux)
assez graves (Leonidis et Salvador, 1986) avec ou sans tentamen avant l'arrivée au C.T.B., sur une
structure de personnalité la plupart du temps fragile (états-limites ou personnalités narcissiques,
voire psychoses). Les comportements trop perturbés (auto ou hétéro-agressifs ou psychopathiques)
sont des contre-indications pour ce groupe.
Chaque séance est précédée d'un pré-groupe et suivie d'un post-groupe. Le pré-groupe entre
thérapeutes nous permet de nous communiquer les informations nécessaires concernant les patients
et l'évolution de leur prise en soins. Il nous permet aussi d'accueillir brièvement un nouveau patient
pour nous présenter à lui et lui expliquer le but et les règles de ce groupe. Après chaque séance,
nous nous retrouvons entre thérapeutes pour une réunion d'une demi-heure.
Ce post-groupe a un triple but :
- échanger à chaud nos impressions
- retrouver le climat, les associations du groupe, ainsi que nos interventions
- aborder entre nous les problèmes de co-thérapie
Durant une première année expérimentale et grâce à une supervision régulière avec une
psychanalyste consultante (Vergopoulo, 1983), nous avons élaboré les paramètres théoriques et de
fonctionnement de ce groupe. Ce n'était pas une tâche facile que de respecter à la fois les exigences
d'une thérapeute de groupe d'inspiration psychanalytique et les besoins institutionnels. L'année
suivante, la supervision a été élargie à toute l'équipe, ce qui nous a permis de nous interroger sur le
bien-fondé de l'ensemble du programme groupal du C.T.B..
Un autre élément important, c'est la restitution des thérapeutes du groupe au reste de l'équipe, lors
de la réunion quotidienne. Il faut préciser qu'avant l'entrée d'un patient dans le groupe, nous
l'informons que nous travaillons en équipe et que nous nous réservons la possibilité de pouvoir
communiquer avec ses soignants si nécessaire.
Il nous paraît essentiel d'intégrer ce groupe dans le travail thérapeutique de l'équipe pluridisciplinaire
du C.T.B., en informant les soignants de ce que nos patients communs expriment dans le groupe.
C'est là l'occasion d'un échange entre thérapeutes (individuels et de groupe) sur l'évolution des
patients et l'orientation des prises en charge. Nous avons constaté que plus les informations
circulaient dans les deux sens, plus la prise en soins pouvait être cohérente et plus les deux volets
(individuel et groupal) étaient complémentaires.
Notre modèle théorique est celui de la psychothérapie de groupe d'inspiration psychanalytique
instituée en Angleterre par W.R. Bion (1965), S.H. Foulkes (1969) et leurs successeurs, à partir des
années cinquante.
Nous travaillons à partir de " l'ici et maintenant ", cherchant à comprendre les clauses déclenchantes
de la crise pour chaque patient et les relations interpersonnelles observées dans le groupe. C'est
ainsi qu'à la dimension " verticale " de la relation soignants-soignés qui existe aussi dans la prise en
charge individuelle, s'ajoute la dimension " horizontale " d'une confrontation avec un groupe de "
pairs ".
Mais à la différence des groupes psychothérapeutiques à associations libres, nous avons dû adapter
la technique à la clientèle spécifique d'un Centre de crise où la durée de prise en soins est
relativement brève. C'est ainsi que nous pouvons qualifier ce groupe de " groupe de discussion
autocentré " mais avec focalisation sur le thème de la crise (qui est le point commun qui rassemble
dans notre Centre des patients présentant par ailleurs bien des différences socio-culturelles et de
psychopathologie).
Ce thème de la crise (Donovan et al. 1979 ; Walsh et Phelan, 1974) favorise l'activité mentale du
groupe, ce que Bion a appelé le " groupe de travail ", activité permettant la croissance psychique et
la maturation progressive du groupe et de ses participants. Ceci, bien entendu, après avoir dans un
premier temps détecté l'atmosphère affective du groupe ou les " hypothèses de base " de Bion.
Dans ce groupe de discussion visant le pourquoi de la crise, il est nécessaire que les thérapeutes
soient plus actifs et plus directifs que ceux d'un groupe thérapeutique classique afin de faciliter les
liens entre des patients dont les capacités de verbalisation sont souvent très limitées ou inhibées du
fait de leur crise.
Nous essayons de contenir dans le groupe les tendances régressives (sans pour autant les
encourager) et de favoriser leur dépassement, en faisant appel aux ressources personnelles de
chacun. Nous pensons en effet que même chez le patient le plus régressé, il existe une " partie saine
" de sa personnalité avec laquelle nous devons faire alliance pour pouvoir prendre en charge la "
partie malade " et aller vers une évolution progressive.
Le cadre et les règles du groupe nous paraissent importants, comme : des horaires précis, une
fréquence fixe, une présence régulière et la règle de discrétion. Mais certains points sont à aménager
en fonction de notre clientèle spécifique. C'est ainsi que nous appliquons non pas la règle
d'abstinence mais la règle de restitution : en effet, nous ne demandons pas aux patients de ne pas
se rencontrer en dehors du groupe car ce serait absurde pour des patients repliés sur eux-mêmes
que nous encourageons à sortir de leur isolement. Mais dans la mesure où les patients parleraient du
groupe en dehors des séances, nous leur demandons de ramener ce matériel dans le groupe. Il n'est
pas rare que des contacts privilégiés se nouent via les groupes mais lorsque les patients vont mieux,
ils ont tendance à espacer leurs contacts avec nous comme avec les patients du Centre. L'un de nos
buts est atteint lorsqu'ils deviennent capables de renouer des contacts à l'extérieur, transposant
ainsi dans leur vie privée ce qu'ils ont vécu et intériorisé au Centre.
L'un des objectifs est donc la resocialisation. Un autre objectif, et non des moindres, est de
permettre un développement de " l'insight ". Cette participation à une expérience
psychothérapeutique est susceptible de constituer un repère auquel le patient pourra faire appel
ultérieurement en cas de besoin. Mais il est bien évident que le traitement de crise n'est qu'une
première étape nécessaire, utilisant le temps de la crise comme un moment privilégié permettant
une réflexion et une remise en question. Amorcé à cette occasion, le travail psychothérapeutique
devra se poursuivre à plus long terme, ailleurs, pour aider le patient à consolider ses découvertes et
à procéder à un véritable réaménagement intérieur.
Pour illustrer ce qui peut se passer dans le Groupe-Crise, nous avons choisi des moments significatifs
d'une suite de séances.
" L'illusion groupale " (Anzieu, 1984) est un phénomène de groupe auquel nous sommes
fréquemment confrontés. Nos patients la formulent souvent ainsi : " Le C.T.B. est un refuge, ce
groupe est une famille, l'équipe est fantastique… Ici au moins on n'a pas besoin de mettre un
masque, on peut se montrer comme on est, on nous comprend, ce n'est pas comme à l'extérieur… "
Au début de l'été 1986, plusieurs séances de suite avaient été consacrées à l'élaboration d'une
problématique de deuils ou de séparations réels à laquelle plusieurs patients étaient confrontés
(perte d'un mari ou d'un enfant, séparation conjugale, etc.). C'est dans ce contexte d'affects
dépressifs, d'un sentiment de solitude et d'une peur d'affronter les conflits dans un couple que sont
venus s'inscrire plusieurs facteurs désécurisants pour le groupe, à savoir :
- l'absentéisme marqué d'une patiente
- l'attaque du cadre : la porte de la salle de groupe avait été cassée pendant un week-end par un
patient du C.T.B., extérieur à ce groupe
- enfin, l'anticipation des vacances d'été, le groupe continuant à fonctionner sans interruption, mais
avec seulement un thérapeute présent pendant une assez longue période.
Ceci a suscité des fantasmes d'ordre régressif, plusieurs patients exprimant avec nostalgie leur vécu
de la clinique Bel-Air, expérience qualifiée par eux de " bonne, mais trop courte ". Le clivage habituel
(" bon " C.T.B. - " mauvais " Bel-Air ") commençait à s'inverser, la clinique devenant dans l'esprit de
certains un refuge tentant face à tous les changements dans le groupe.
L'apparente harmonie s'est révélée illusoire, le groupe réalisant qu'il n'était pas un ensemble
homogène de gens stables et toujours disponibles, mais qu'il était composé de deux sous-groupes
discontinus : les patients (voir les absences et le " tournus " de sorties) et les thérapeutes (en
vacances à tour de rôle).
Depuis un certain temps, les patients avaient choisi de se présenter dans le groupe par leur prénom
plutôt que par leur nom de famille. Par contre, les thérapeutes (qui, entre eux, se tutoient et
s'appellent par leur prénom) disent " Madame " ou " Monsieur " lorsqu'ils s'adressent directement à
un(e) patient(e). Il s'est trouvé que pour la première fois, une patiente a exprimé le souhait
d'appeler également les thérapeutes par leur prénom, " à l'américaine ", disait-elle, en vantant le
style des " nouvelles thérapies "..
Le débat ayant été élargi à tout le groupe, les autres patients ne l'ont pas suivie dans son désir,
préférant en effet qu'il y ait une certaine distance entre soignants et soignés (distance signifiant pour
eux respect mutuel : " on n'est pas des copains "…). Et les thérapeutes ont ratifié le vœu de
l'ensemble du groupe en ne changeant pas leur manière de faire même si cela frustrait un membre
du groupe (qui échouait ainsi dans sa tentative de restaurer l'illusion groupale).
Ce qui a permis à la colère, liée à tous les changements dans le groupe (et en particulier aux
vacances successives des soignants) de sortir peu à peu :
- d'abord indirectement, par de l'absentéisme (compétition avec les thérapeutes pour " prendre des
vacances du groupe ") et une tendance aux sorties prématurées (" quitter le groupe avant d'être
quitté "). C'était une colère non dite, agie.
- Puis, directement et en paroles, mais via un déplacement du conflit soignants-soignés sur la fratrie
du groupe : tension et rivalité entre patients à propos de qui monopolisait le temps de parole,
impression que si une personne prenait trop de place, une autre devrait s'exclure, que la coexistence
ou les compromis étaient impossibles (loi du tout ou rien), etc.
Tout ceci était un matériel à travailler dans le groupe, et la situation a commencé à se détendre
lorsque chacun a pu décider de prendre sa place sans pour autant prendre celle du voisin…
Nous avons fait le lien entre la problématique individuelle de certains (l'angoisse de séparation dans
un couple par exemple) et la problématique actuelle du groupe (l'angoisse de séparation lors de
l'annonce des vacances des uns et des absences des autres).
Nous avons pu aborder le problème des différences dans le groupe (soignants-soignés, hommesfemmes, anciens-nouveaux, etc.) et voir ensemble que ces différences représentaient aussi une
richesse et pas seulement une difficulté pour le groupe. La projection du " mauvais " sur l'extérieur
(que ce soit la clinique, les familles, les employeurs ou le " système social " dans son ensemble) a pu
être ramenée dans le groupe. Les conflits entre patients ont été abordés pour eux-mêmes dans un
premier temps avant d'être interprétés comme un déplacement de la colère destinée aux
thérapeutes qui, à tour de rôle, " lâchaient " le groupe le temps de leurs vacances.
Nous pouvons voir en effet ce déplacement comme une tentative de trouver un bouc émissaire
parmi les patients pour protéger les thérapeutes de l'agressivité du groupe, en évitant ainsi un
sentiment de culpabilité assorti d'une crainte de représailles, selon la loi du Talion.
Les patients ont pu vivre dans le groupe, " hic et nunc " une colère qui n'a pas été destructrice,
malgré les craintes de certains (qui ont éprouvé le besoin de se rassurer après coup). Enfin, le fait
d'affronter ensemble une crise dans le Groupe a montré à chacun concrètement que surmonter une
crise était une chose possible (et pas seulement souhaitable). Ce qui était une expérience
importante à faire pour des patients vivant par ailleurs chacun une crise personnelle à un moment
donné de leur histoire.
Conclusion
Nous pensons que la dimension groupale peut permettre une " décentration " du patient par rapport
à sa problématique. Chacun peut, en effet, relativiser sa situation, élargir sa vision des choses et
vivre une expérience nouvelle, enrichie des apports des autres membres du groupe. C'est cet aspect
d'expérience vécue (au sens d'expérience correctrice d'Alexander (1959) qui nous paraît porteur
d'un changement, pour autant que nous nous donnions les moyens de travailler cela le temps
nécessaire, à travers des étapes successives.
ASMR Revista Internacional On-line - Dep. Leg. BI-2824-01 - ISSN (en trámite)
CORE Academic, Instituto de Psicoterapia, Manuel Allende 19, 48010 Bilbao (España)
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