Effet des hormones digestives sur le remodelage osseux

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GRIO
Coordonné par :
T. Thomas (Saint-Étienne)
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Effet des hormones digestives
sur le remodelage osseux
K. Briot*
D
es apports alimentaires suffisants
et une fonction gastro-intestinale
efficace sont nécessaires à une
bonne santé osseuse et beaucoup de
maladies digestives (maladie cœliaque,
entérocolopathies inflammatoires, gastrite, gastrectomie, etc.) s’asso­cient à une
augmentation du risque d’ostéoporose et
de fractures. Les interactions entre les hormones digestives et le remodelage osseux
dans cet axe “entéro-osseux” sont donc très
étudiées.
Variations circadiennes
du remodelage osseux
Les taux de marqueurs de résorption osseuse
suivent des variations circadiennes avec une
diminution matinale et une élévation nocturne. Ces variations circadiennes ne sont
pas retrouvées chez le sujet à jeun, suggérant
un rôle clé de la prise alimentaire. La diminution est rapide après la prise alimentaire
(quelques minutes), importante (diminution
de 50 % de la valeur du CTX sérique) et réversible (4 à 5 heures). À l’inverse, la formation
osseuse n’est pas soumise à des variations
circadiennes. De nombreuses hormones
digestives libérées en période postprandiale
peuvent avoir des effets sur le remodelage
osseux.
Principales hormones digestives
impliquées
Hormones intestinales
Différentes études ont souligné le rôle de
3 hormones intestinales, les incrétines, qui
stimulent et amplifient la réponse insulinique à la prise alimentaire : le glucagon-like
polypeptide 1 (GLP1), le glucose-dependant
insulinotropic peptide (GIP) et le glucagon-like
polypeptide 2 (GLP2).
Le GLP2 est une hormone intestinale libérée
en réponse à la prise alimentaire ; sa fonction première est de stimuler la croissance
de la muqueuse intestinale et l’absorption
des nutriments. Des études précliniques et
cliniques ont montré l’impact du GLP2 dans
l’inhibition de la résorption, notamment du
pic nocturne de résorption. Le GLP2 pourrait être un traitement potentiel de l’ostéoporose, si l’on en croit le gain significatif et
dose-dépendant de la densitométrie osseuse
(DMO) à la hanche après 120 jours de traitement en injection quotidienne de GLP2
comparativement à un placebo.
Hormones pancréatiques
Les hormones pancréatiques (insuline,
amyline) ont des effets sur le remodelage
osseux. L’amyline, cosécrétée avec l’insuline
par les cellules bêta du pancréas, participe à
la régulation du glucose avec l’insuline. Des
études chez les animaux ont montré que
l’amyline augmentait la formation osseuse
et diminuait la résorption osseuse, ce qui
conduit à une augmentation du volume
trabéculaire osseux et de l’épaisseur corticale. Par ailleurs, le taux d’amyline est
diminué chez les sujets ostéoporotiques.
Cependant, l’administration d’un dérivé
synthétique d’amyline (pramlintide) chez
des sujets non ostéoporotiques ayant un
diabète de type 1 n’entraîne pas de modifications significatives de la DMO par rapport
à ce qui est observé chez les patients sous
placebo.
Hormones gastriques
Les sujets ayant eu une gastrectomie ou une
gastrite chronique sont à risque d’ostéo­porose
et de fracture. La ghréline est un peptide de
28 acides aminés sécrété principalement par
l’estomac au niveau périphérique, mais également par l’hypophyse et l’hypothalamus.
Découverte en tant que ligand endogène du
récepteur hypophysaire des sécrétagogues de
l’hormone de croissance (GHS), avec un puissant effet libérateur de GH, la ghréline joue
également un rôle important dans la régulation de la prise alimentaire et du poids à long
terme. Des taux bas de ghréline ont été mis
en évidence chez les sujets ayant une gastrite
chronique à Helicobacter pylori. Des études
expérimentales ont suggéré que la ghréline
avait un effet anabolique osseux. Des études
transversales ont montré que les valeurs de
DMO étaient corrélées aux taux de ghréline.
Par ailleurs, l’observation que la prise chronique d’inhibiteurs de la pompe à protons
était associée à un risque accru de fracture
est un argument supplémentaire en faveur
du rôle des troubles du remodelage osseux
induits par les pathologies gastriques.
Conclusion
La connaissance de ces interactions entre
les hormones digestives et le remodelage
osseux permet tout d’abord de comprendre
pourquoi le dosage des marqueurs du remodelage osseux doit être effectué à jeun. Elle
explique les mécanismes de l’atteinte osseuse
au cours de maladies de l’appareil digestif
et pourrait aboutir au développement de
nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement de l’ostéoporose. ■
* Service de rhumatologie, hôpital Cochin, Paris.
Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 6 - novembre-décembre 2009
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