e-santé, m-health, big data médicaux

publicité
numérique en s@nté
E-santé, m-health,
big data médicaux
Vers une hiérarchisation
des données médicales
Jérôme Béranger Chercheur et consultant senior en éthique
des systèmes d’information en santé, Keosys
De la philosophie aux sciences technologiques,
de l’anthropologie à la médecine thérapeutique,
de la bioéthique au droit, les parcours de notre
approche épistémologique de la communication
des savoirs médicaux via les NTIC sont tout sauf
linéaires. Ils créent des matrices, des passerelles,
des réseaux dont les logiques se déploient dans un
environnement interdisciplinaire complexe destiné
à provoquer des réflexions nouvelles, des remises
en question, des interactions oubliées. En d’autres
termes, à soulever le doute et à maîtriser
les incertitudes qui entourent la dimension
communicationnelle de l’information médicale.
L
a médecine moderne sans utilisation des
nouvelles technologies de l’information et
la communication (NTIC) est inconcevable.
L’information et la communication assistées
par système d’information (SI) modifient la
prestation de santé, la relation médecin/patient, la
compréhension scientifique du corps humain et des
maladies. Face à cette déferlante des données médicales numériques (infobésité) via les objets connectés
(e-santé), les applications santé mobile (m-health), la
télémédecine et les big data médicaux, il importe de
rester vigilant. Où sont stockées les données médicales personnelles ? Sont-elles sécurisées ? Est-ce
qu’un individu possède encore le contrôle de ses
données ? Peut-il s’opposer à leur traitement ? Quelles
données médicales sont accessibles au patient ?
Comment une personne peut-elle récupérer ses
données médicales ?
70
# 562 Janvier - Février 2015
Communication médicale
et valeur intrinsèque
de la donnée
À l’heure de l’explosion des volumes, du big data,
de l’e-santé et des m-health, la hiérarchisation et
la sélection des données médicales apparaissent
fondamentales. Elles exigent d’adapter une stratégie de gestion des bases de données de production
qui ventile les données entre diverses catégories de
stockage, afin d’optimiser les performances de l’utilisateur. Ce processus le soulage des contraintes
de gestion associées à l’emplacement des données. C’est pourquoi la communication médicale
numérisée – au-delà de la valeur informative – a
désormais pour enjeu de restaurer la confiance
des acteurs impliqués dans le circuit du patient,
tout en optimisant la prise en charge des soins.
Une valeur ajoutée de la communication médicale
via un SI consiste à transformer ces données en
informations en leur donnant une autre dimension
afin d’atténuer, modifier, amplifier la perception
que leur réception peut susciter.
Une information se caractérise davantage par
son sens, sa compréhension et son acquis aboutissant naturellement à la connaissance. Cette
connaissance permet de situer l’information, de la
contextualiser et de la globaliser, c’est-à-dire de
la placer dans un ensemble. Cette compréhension
de la donnée initiale passe généralement par la
connaissance d’autres données connexes constituant un contexte cohérent pour « un mécanisme
de déductions successives appelées inférences »
(Tourreilles, 2004). De nombreux outils et méthodes
ont été élaborés à partir de cette modélisation
hiérarchique. À chaque stade de ce dispositif communicationnel du savoir (Todorova et Durisin, 2007)
correspond une série de moyens qui permet de
capturer, gérer, diffuser et exploiter les éléments
(données, informations ou connaissances).
Revue hospitalière de France
w w w. r e v u e - h o s p i ta l i e r e . f r
Revue hospitalière de France
w w w. r e v u e - h o s p i ta l i e r e . f r
# 562 Janvier - Février 201571
CNES
Si l’information médicale regroupe des données
objectives, avec le passage à une communication médicale intégrant leur hiérarchisation et
sélection, comme cela peut être le cas pour les
constantes cliniques initiales 1, alors nous entrons
dans le secteur des connaissances subjectives
où le professionnel de santé décide de prioriser
et diffuser une partie des informations de ces
constantes auprès de son patient afin d’améliorer la compréhension de ce dernier. En d’autres
termes, il s’opère une métamorphose des données
et informations de nature épistémologique vers
des connaissances associées à l’anthropologie
et au vécu expérientiel de la personne. Ainsi, la
communication des savoirs médicaux dépasse les
seules données objectives en privilégiant certaines
données et informations plutôt que d’autres. C’est
pourquoi il semble plus exact d’employer le terme
Dès lors, la hiérarchisation des données appelle
« connaissance médicale » plutôt qu’« information
également une réflexion sur la valeur intrinsèque
médicale » lorsque nous parlons de communication médicale.
des informations recueillies. Comment évaluer la
Nous pouvons argumenter et illustrer ces réflexions
valeur d’une donnée et d’une information, selon
en prenant l’exemple du contenu d’une consultation
quels critères ? Pour quoi faire, dans quel but et avec
médicale relative au patient qui se compose de donquels objectifs ? Que doit-on évaluer ? (Simonnot,
nées administratives relatives, motif de la consul2007). La valeur d’une donnée se définit dans le
2
3
tation , anamnèse ; constantes cliniques initiales,
contexte de l’action. Si cette valeur peut se juger
examen clinique initial, antécédents/
allergies 4 , traitement en cours 5 ,
Pour faire face à la « perte
dernières constantes après la prise
de confidentialité potentielle »,
en charge du soin 6 , diagnostic et
certains évoquent la création d’un tronc
traitement final. Potentiellement, le
responsable du SI a la possibilité de
commun de données.
visualiser l’intégralité de ces données (administratives et médicales). Seul l’examen
bien évidemment sous l’angle du contenu, elle peut
clinique initial, les dernières constantes après
l’être également sous l’angle de la redondance, de
prise en charge, le diagnostic et le traitement final
la diversité et de la quantité.
La valeur de la donnée est définie par son utilisasont du domaine du médecin. Tout le reste peut
tion et non par sa nature, ainsi que par le service
être effectué par un paramédical (délégation des
tâches). Pour sa part, le patient a accès uniquerendu pour son utilisateur. Elle est proportionnelle
ment au motif de la consultation, l’anamnèse, les
à la connaissance intégrée et se détermine par
antécédents/allergies, le traitement en cours, le
le niveau de partage, la qualité et la quantité des
échanges donnés. Après avoir estimé et détermidiagnostic et le traitement final. De son côté, le
service de facturation ne doit avoir accès qu’aux
ner la valeur d’une donnée, son évaluation devient
données administratives relatives au patient.
possible. Évaluer une information, c’est également
Toutefois, comme le souligne le Dr Loïc Etienne 7,
le fait que le patient considère l’accessibilité de
1. Premiers éléments constatables par un professionnel de
santé (médecin ou non).
ses données médicales auprès des professionnels
2. Symptômes initiaux et signes d’accompagnement.
de santé (médecins ou paramédicaux) comme
3. Historique des signes de la maladie.
4. Cela fait partie de l’anamnèse.
secondaire conforte l’idée que le compte-rendu
5. Idem.
hospitalier ne rend compte que d’une partie de
6. Correspond aux données des examens complémentaires
(biologie, imagerie, etc.) qui feront au final le diagnostic.
la problématique, en passant sous silence cer7. Interview au sujet de la hiérarchisation des données
taines choses que le patient voudrait voir notées
médicales. Paris, 16 décembre.
ou investiguées.
numérique en s@nté
déterminer la stratégie de sa diffusion : donner
accès à celle-ci au bon moment, opérer une transmission sélective en fonction des centres d’intérêt
et des besoins des utilisateurs, déterminer quelle
donnée et information le concepteur de SI doit
mettre à leur disposition. Autrement dit, quelles
sont les données nécessaires pour décider ou agir ?
Obtenir un équilibre pratique au sein du SI entre
amélioration et surcharge des données transmises
suppose par ailleurs d’optimiser la fonction de
hiérarchisation et de sélection à partir de deux
variables :
• la fréquence de réévaluation de l’attribution
des données sur les différents niveaux d’activité
Analyse éthique
de la hiérarchisation
sélective des données
Notre approche éthique se fonde sur les quatre
principes éthiques déterminés par Beauchamp et
Childress (2001), les principes de bienfaisance 8 ,
d’autonomie 9, de non-malfaisance 10 et de justice 11. La solution de hiérarchisation sélective
des données de santé vue à travers ce prisme
éthique permet de mieux appréhender l’équilibre instable entre la disponibilité et la protection des données. Ce contre-balancement peut
pencher d’un côté ou d’un autre en fonction du
contexte. L’approche induit une série
de questions préalables : quels sont
Une bonne transmission des savoirs
les objectifs, enjeux et sens de cette
médicaux consiste à éliminer, hiérarchiser étape ? Que vais-je utiliser comme
et trier les données médicales accessibles. données ? Des données partielles
ou totales ? Comment vais-je les
Non à les accumuler.
utiliser ? À quel endroit ? Auprès
fonctionnelle globaux et spécifiques du SI : si
de quels utilisateurs ? Plus globalement, comcette réévaluation est réalisée de manière trop
ment exploiter l’ensemble hétérogène des donrécurrente, la surcharge associée au déplacement
nées médicales accumulées et stockées dans un
des données dans un sens et dans l’autre risque
système d’information ? Quelle pertinence par
d’annuler les performances obtenues grâce au
rapport aux usages, aux besoins et aux attentes
du professionnel de santé et de son patient ? La
déplacement des données sur les disques de
hiérarchisation sélective ne va-t-elle pas dénastockage (SSD) ;
• le volume de données à inclure dans l’unité miniturer la valeur informative initiale ? L’intégrité
male de stockage puis à gérer et déplacer au sein
du message final sera-t-elle conservée ? Entredu SI : une quantité de données trop importante
t-elle dans le cadre d’un meilleur usage du SI,
compliquera et ralentira la fonction de hiérarchid’une communication médicale optimisée et d’une
sation sélective du SI.
amélioration apportée au patient ?
Cette approche éthique démontre que la sélection
des données médicales exerce une action positive
au regard d’au moins trois des quatre principes de
Beauchamp et Childress. encadré 1
Actions positives
Ce dispositif sélectif des données médicales a toude la sélection des
tefois une répercussion négative sur le principe de
données médicales encadré 1
justice, l’information médicale transmise n’étant
pas la même suivant l’utilisateur de SI. Le système
• Diffusion appropriée de la connaissance médicale
impose des règles d’attribution et d’accès à l’inauprès des utilisateurs (professionnels de santé
et patients) garantit le bien-fondé et la légitimité
formation différentes (et donc non égales) selon la
d’action. La communication médicale et donc les soins
nature de la personne. Cela traduit d’une certaine
deviennent plus efficients : principe de bienfaisance.
manière une discrimination des individus entraînant
• Information préalable claire, précise, adaptée et
une dissymétrie de connaissances médicales qui
compréhensible qui garantit le consentement éclairé
du patient. Ce dernier dispose d’une capacité de
remet en cause la transparence de l’information
délibérer, de décider et d’agir. Il réalise un acte
médicale. Les professionnels de santé sont dans
autonome : intentionnel, volontaire et indépendant avec
l’ensemble favorables à l’accès des données, mais
compréhension et sans influence extérieure de contrôle :
limités au service où est hospitalisé le patient dans
principe d’autonomie.
• Accès limité aux données médicales selon le profil
le cas des personnels soignants, ou dépendant du
et la nature de l’utilisateur améliore la sécurité,
profil utilisateur de la donnée pour le personnel
la confidentialité et la protection des données :
exerçant au sein de la direction des systèmes
principe de non-malfaisance.
d’information et de l’organisation (DSIO) 12.
72
# 562 Janvier - Février 2015
Revue hospitalière de France
w w w. r e v u e - h o s p i ta l i e r e . f r
L’information médicale n’a pas vocation à être diffusée à l’ensemble des soignants exerçant au sein
de l’établissement de santé. Mais un patient peut
être amené à fréquenter plusieurs services dans
son parcours de soins. L’information médicale est
dès lors partagée par un nombre plus important de
soignants. Pour faire face à cette « perte de confidentialité potentielle », certains évoquent la création
d’un tronc commun de données. Ce tronc commun
hébergerait des informations partagées, chaque
service étant par ailleurs susceptible de disposer
de ses propres données qu’il ne partagerait pas
avec les autres services. Cette notion qui implique
une hiérarchisation des données médicales se
heurte aux limites qu’entraînerait une vision trop
partielle de l’état de santé du patient, et susceptible
de nuire à sa prise en charge.
Pour le vice-président du Conseil national de
l’ordre des médecins, Jacques Lucas, les informations médicales inscrites dans les conclusions
de l’acte médical doivent être présentes dans le
dossier informatisé de coordination des soins et
être connues totalement par le patient qui en est
le véritable propriétaire 13.
Dans ces conditions, l’équilibre entre la disponibilité des données de santé, leur confidentialité et
protection s’avère difficile à établir. À notre sens, la
technologie ne permet pas de répondre totalement
à cette problématique. La déontologie et l’adoption
de comportements (ne pas héberger des informations médicales nominatives de patients sur un site
ou plateforme Internet isolé du SIH, hors poste de
travail et équipements sécurisés, ne pas transférer
des données professionnelles à son domicile via une
messagerie Internet non sécurisée ou un disque
dur externe amovible, changer régulièrement le
mot de passe de sa session de travail, etc.) par
les professionnels de santé sont nécessaires pour
garantir la confidentialité des données.
Dans ces conditions, l’utilisation du SI a des répercussions sur tous les acteurs impliqués dans la vie
de l’hôpital : le personnel, le patient, les familles
et les éditeurs de SI. Elle impose aux concepteurs
SI de réfléchir sur des questions d’ordre multisectoriel tels que les standards, normes, règles
et procédures 14 , guides de bonnes pratiques 15 ,
protocoles, implications et textes juridiques importants (conservation des données, hébergement,
authentification, identification, etc.) et interrelations
entre l’usage quotidien du SI, dans les contextes
variés de travail, et de son management. encadré 2
Enfin, le classement et le tri des données s’effectuent en fonction de l’importance qu’on leur accorde
et des questions posées par leur utilisation et
Revue hospitalière de France
w w w. r e v u e - h o s p i ta l i e r e . f r
© CHU Montpellier - DR
E-santé, m-health, big data médicaux
Textes de référence
encadré 2
• Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique,
aux fichiers et aux libertés.
• Directive 95/46/CE en matière de protection
des données à caractère personnel.
• Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
• Art. L. 1111-7 CSP relatif à l’accessibilité
de l’information médicale.
• Art. L. 1142-4 CSP relatif au droit à la transparence de
l’information médicale.
• Décret n°2002-637 du 29 avril 2002 relatif
à l’accessibilité aux informations personnelles.
• Code de déontologie médicale : art. 4 al. 1, art. 72 al. 1,
art. 73 al. 1 relatif au secret médical
8. Elle contribue au bien-être d’autrui. Elle doit répondre
à deux règles précises : l’action entreprise doit être
bénéfique et utile, c’est-à-dire avoir un rapport coût/
bénéfice positif.
9. Elle désigne le fait qu’une personne se donne à ellemême sa règle de conduite, puisque les termes grecs
autos et nomos signifient respectivement « soi-même »
et « loi », « règle ». Ce principe vise à la participation du
patient au processus décisionnel.
10. Éviter le mal à celui dont on a la responsabilité
(le patient) et lui épargner préjudices ou souffrances
qui n’auraient pas de sens pour lui. Sa finalité implique
que l’on fasse du bien et que l’on s’abstienne de nuire.
Ce principe apparaît dans la maxime hippocratique
Primum non nocere (« D’abord ne pas nuire »).
11. Elle a pour vocation de partager entre tous les
patients les ressources disponibles (en temps, argent,
énergie). Ce principe est étroitement lié aux notions
d’égalité et d’équité qui interviennent dans le processus
d’une décision de justice. Idéalement, toute action
devrait tendre vers une égalité parfaite, mais selon
les circonstances et la nature des personnes, l’équité
s’impose souvent afin d’établir des priorités et une
certaine hiérarchie dans les actes à réaliser.
12. V. Ravix, 2013. Voir bibliographie associée à l’article.
13. J.  Lucas, 2013. Voir bibliographie associée à l’article.
14. Table ronde Télémédecine, Journée internationale
de l’lnstitut international de recherche en éthique
biomédicale (IIREB), 19-20 mars 2013.
Conférence « Les enjeux et bonnes pratiques éthiques de
la télé-expertise radiologique en recherche clinique »,
congrès Atlanpôle biothérapie : TIC & Santé, Nantes
10 décembre 2013.
15. DGOS, Hôpital numérique : Guide des indicateurs des
pré-requis et domaines prioritaires du socle commun.
avril 2012.
Conférence et table ronde « Vers une éthique de l’usage
des systèmes d’information en santé », colloque
« Éthique & NTIC », Espace éthique méditerranéen,
5 décembre 2012.
# 562 Janvier - Février 201573
numérique en s@nté
diffusion. La simplification des données transmises
entraîne un usage et un accès plus efficaces, avec
une meilleure saisie et une plus grande sécurité.
Elle aboutit par contre à une moins bonne intégrité
des données. De ce fait, la hiérarchisation des
données simplifie le travail du personnel soignant,
mais induit une plus grande complexité technique
pour le concepteur SI en termes de process. Étant
donné que cette hiérarchisation sélective des données médicales joue un rôle majeur dans le niveau
Bibliographie
• Beauchamp T.L., Childress J. (2001), Principles of
Biomedical Ethics, New York/Oxford, 5e edition, Oxford
University Press.
• Etienne L. (14 novembre 2012), « Éthique dans les
usages du numérique en santé », Journée organisée
par le Conseil national de l’ordre des médecins.
• Kraemer F., Van Overveld K., Peterson M. (2011),
“Is there an ethics of algorithms?” Ethics Inf Technol ;
13 : 251-260.
• Lucas J. (2013), « Freins à lever pour structurer la
médecine de premier recours avec la télémédecine »,
table ronde, 6e congrès européen de l’Association
nationale de télémédecine (ANTEL) : « Le parcours de
soins : rôle et place de la télémédecine », 16 novembre
2013.
• Ravix V. (2013), « Réflexions éthiques attachées à la
dématérialisation des données de santé », mémoire
pour l’obtention du master 2 d’éthique, sciences, santé,
société, Espace éthique méditerranéen,
université d’Aix-Marseille, p. 27.
• “Theory”, Clin Orthop Relat Res ; 468 : 2672-2677.
• Simonnot B. (2007), Documentaliste - Sciences de
l’information, vol. 44, n° 3, p. 215.
• Todorova G, Durisin B. (2007), Absorptive capacity :
valuing a reconceptualization, Academy of Management
Review, vol.32, n° 3, p. 776.
• Tourreilles J. M. (2004), SIH : 1, 2, 3… partez ! Éditions
ENSP, Rennes, pp. 15-184.
74
# 562 Janvier - Février 2015
de complexité des données ainsi que dans leur
accessibilité auprès des utilisateurs, nous pouvons
l’assimiler à une « intelligence organisationnelle
médicale ».
À notre sens, la modernisation « technologique » de
l’utilisation de la donnée médicale doit s’accompagner d’une modernisation « éthique » dessinant un
SI à visage humain. Cela passe nécessairement par
une éthique tournée vers la quête de sens de l’outil
technique et dont l’objectif majeur est de prendre
en considération les enjeux humains afin d’en maîtriser les déviances et risques éventuels. Peut-être
la réflexion éthique apportera là sa contribution
en traitant l’univers des données, de l’information, de la connaissance et de la communication
comme un nouvel environnement médical : celui
d’une infosphère éthique médicale. C’est-à-dire
une médecine 3.0 du futur qui comporte une forte
dominance éthique. Elle consiste à respecter une
déontologie et des valeurs humaines afin que le
virtuel s’intègre harmonieusement au réel. Cette
médecine doit être indépendante et respectueuse
de la relation soignant/soigné afin de devenir le
guide de nos préoccupations (Etienne, 2012).
Si on applique cette approche à l’univers de la
finance, le stade 3.0 est atteint depuis longtemps puisque l’individu, la société et la machine
échangent des données intelligentes parce qu’intelligibles. De ce fait, les marchés, et certains
rouages économiques et financiers fonctionnent
déjà en 4.0 16, dont l’homme est devenu le jouet.
Cela nous plonge dans l’univers d’Isaac Asimov 17,
auteur de science-fiction, qui cherche à offrir une
vision rationnelle du robot (l’un des principes est
que la machine ne se retourne pas contre l’homme
et en fait une possession à part entière). Tous
les problèmes qui en découlent émanent de son
créateur.
Si la médecine 3.0 n’est pas centrée sur une éthique
des relations interhumaines qui entourent les NTIC
en santé, alors l’homme sera dépendant d’une
médecine 4.0. Nos existences et notre devenir
seront alors sous l’emprise de la décision médicale
rationnelle des machines.
n
16. La trajectoire des pétroliers dépend du cours
du pétrole qui est fixé en partie par la spéculation que
font les programmes informatiques sur le prix du baril.
On rejoint ici la notion d’Internet des objets que Joël
de Rosnay a appelé le 4.0 qui est lié à la capacité que
les machines intelligentes auront de parler entre elles,
indépendamment de la volonté humaine.
17. Les Robots (titre original : I, Robot), recueil de neuf
nouvelles de science-fiction écrites par Isaac Asimov,
publié la première fois par Gnome Press en 1950 et
traduit en France en 1967.
Revue hospitalière de France
w w w. r e v u e - h o s p i ta l i e r e . f r
Téléchargement