à l`origine, les dérives du secteur financier

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LES CRISES FINANCIÈRE ET
ÉCONOMIQUE DE 2008
À L’ORIGINE,
LES DÉRIVES
DU SECTEUR
FINANCIER
Rédaction : Lise Côté
Secrétariat et mise en page : Annie Gagnon
Relecture (français) : Catherine Veillette
Coordination de la publication : Isabelle Gareau
Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec (FTQ)
565, boulevard Crémazie Est, bureau 12100
Montréal (Québec) H2M 2W3
Téléphone : 514 383-8000
Télécopieur : 514 383-8038
Sans frais : 1 877 897-0057
www.ftq.qc.ca
ISBN : 978-2-89639-134-9
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Une crise aux causes profondes
En août 2007, le dégonflement de la bulle immobilière aux États-Unis déclenche la plus grave crise
financière de l’histoire. Elle a pour origine les États-Unis, le cœur même du monde financier et pour
conséquence, une récession économique mondiale.
Pourquoi dit-on que cette crise, plus qu’une autre, remet en question profondément le modèle capitaliste
dans lequel nous vivons? D’autres crises financières et boursières ont eu lieu au cours des années 1990 et
2000, mais elles étaient localisées géographiquement (par exemple, l’Asie en 1997) ou encore ne
touchaient qu’un secteur particulier (l’éclatement de la bulle Internet). Aujourd’hui, la crise touche les
économies de l’ensemble de la planète. C’est la crise d’un modèle, celui de la finance néolibérale. Voici les
nouvelles règles introduites au fil des ans qui ont créé un environnement propice à l’émergence d’une telle
crise.
 L’effondrement des accords de Bretton Woods
À partir de 1971, la convertibilité du dollar en or est suspendue; le système monétaire évolue
graduellement vers un système flexible des taux de change. Le flottement généralisé des monnaies a
stimulé la spéculation et, par le fait même, a généré de l’instabilité.
 La déréglementation
Plusieurs pays ont déréglementé en supprimant de nombreux contrôles nationaux des capitaux
permettant à ceux-ci de transiter d’un pays à l’autre sur les différents marchés financiers. Cette
déréglementation a également facilité la création de produits financiers complexes, très risqués et
souvent peu transparents (c’est-à-dire dont on peut difficilement mesurer le risque).
 Les progrès technologiques
La mobilité des capitaux s’est accentuée de façon spectaculaire grâce aux technologies de l’information
et de la communication qui ont réduit les coûts des communications et qui ont assuré l’interconnexion
des places financières fonctionnant 24 heures sur 24 pour former un marché financier mondial.
 La désintermédiation
La désintermédiation a permis aux investisseurs et aux entreprises de pénétrer les marchés financiers
sans avoir recours aux banques. Autrement dit, les financements obtenus et les placements réalisés par
les entreprises peuvent se faire directement sur les marchés financiers sans passer par un
intermédiaire. Le développement d’Internet a favorisé cette désintermédiation.
 Le décloisonnement des marchés
Le décloisonnement a eu pour effet d’abolir les frontières qui compartimentaient les marchés (banques,
assurances, etc.) ainsi que les différents métiers de la finance. Il a aussi eu pour effet de multiplier de
façon extraordinaire l’offre des instruments financiers disponibles (bons du Trésor, actions, obligations,
produits dérivés, options, etc.), de permettre aux investisseurs de comparer leurs rendements respectifs
et de déplacer du capital dans la seule logique de maximiser les profits à très court terme. Il a aussi
permis aux grandes banques de se lancer dans des activités de courtage et celles habituellement
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réalisées par les banques d’affaires1 ainsi que d’investir leurs capitaux dans les nouveaux produits
financiers, une activité beaucoup plus rentable que l’activité bancaire traditionnelle, mais
potentiellement plus risquée.
 Les nouvelles formes du capital financier
On assiste aussi à la montée en flèche des sociétés privées de capital de risque et des fonds de
couverture2 dont plusieurs sont enregistrés dans des paradis fiscaux. Les nouveaux instruments
financiers prennent diverses formes aux appellations souvent incompréhensibles pour le commun des
mortels : produits dérivés, options, contrats d’échange, fonds de couverture, papier commercial adossé à
des actifs (PCAA). Ces nouveaux instruments financiers ne sont pas forcément risqués, mais c’est ce
qu’en font les investisseurs qui l’est. L’absence ou la faiblesse de la réglementation leur permet de
développer des stratégies spéculatives. Les fonds de couverture ne sont pas à la portée de toutes les
bourses. Ils sont réservés aux investisseurs fortunés ou institutionnels qui investissent alors dans des
instruments moins transparents.
 Des mécanismes pour soutenir la consommation
La consommation est un élément essentiel du cycle économique global (59 % du produit intérieur brut
du Canada et 70 % de celui des États-Unis). Les ressources qui permettent aux ménages de consommer
sont : les revenus courants; l’argent qu’ils peuvent emprunter; et celui qu’ils peuvent retirer de leurs
épargnes. Au cours des années 1980 et 1990, la stagnation des revenus ne permet pas aux ménages de
soutenir la consommation. Les responsables politiques et les tenants du néolibéralisme proposent alors
d’élargir l’accès au crédit en maintenant les taux d’intérêt à des niveaux très faibles, en offrant des prêts
personnels basés sur la valeur d’un bien immobilier (maison) ou encore en attirant la clientèle avec des
cartes de crédit comptant divers avantages. Jusqu’en 1996, les ménages dépensaient moins que leur
revenu disponible. Mais, à partir de cette année-là, ils en ont dépensé la presque totalité, épargnant très
peu. Ce phénomène a entraîné une croissance phénoménale des inégalités sociales, particulièrement aux
États-Unis.
Des statistiques et des similitudes inquiétantes…
Au Canada, l’épargne qui représentait 20,2 % du revenu disponible des ménages en 1982 a chuté à 1,2 % en 2005. La part
de la dette totale des ménages dans leurs revenus est passée de 55 % à 116 % pour la même période. Autrement dit, pour
chaque dollar de revenu disponible, les Canadiens devaient 1,16 $.
Les ménages américains, pour leur part, affichent un niveau d’endettement supérieur aux ménages canadiens. Entre 1985
et 2005, leur taux d’épargne a glissé de 7,5 % à - 0,4 %. En 2005, le ratio de la dette au revenu disponible atteignait 1,24 $.
Source : Statistique Canada, La dette des particuliers [http://www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/commun/4096031-fra.htm]
(consultée le 22 novembre 2010).
Les banques d’affaires exécutent des transactions ainsi que des ordres d’achat ou de vente pour leurs gros clients institutionnels.
Elles s’occupent aussi d’émission d’actions, de financement pour les fusions-acquisitions d’entreprises et aident les entreprises
pour l’obtention de financement, etc.
2 Hedge funds en anglais. Ce sont des fonds d’investissement à vocation spéculative qui recherchent des rendements élevés en
multipliant, par l’emprunt (effet de levier), les capitaux investis. La structure de ces fonds est si complexe qu’il est quasiment
impossible d’en évaluer le risque.
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La chronologie de la crise : des États-Unis… au monde entier
Au début, c’est la crise du marché immobilier à haut risque
En 2007, après des années d'euphorie, le marché immobilier américain se retourne. On observe une baisse
historique du prix des maisons, une diminution rapide des nouveaux permis de bâtir et un accroissement
surprenant du stock de maisons invendues. La hausse soudaine des taux d’intérêt augmentant le coût des
emprunts hypothécaires, plusieurs sont incapables de rembourser leur hypothèque, particulièrement les
ménages les moins solvables, c’est-à-dire ceux qui détenaient des hypothèques à haut risque (subprime,
voir l’encadré). Les banques saisissent les maisons qui s’ajoutent à celles qui sont à vendre sur le marché,
exerçant une pression supplémentaire à la baisse sur le prix des maisons. Cela aurait pu en rester là. Mais
c’était sans compter sur l’innovation financière de Wall Street.
L’accès facilité au crédit, c’est l’esprit des subprimes!
Les subprimes sont des prêts hypothécaires à taux variables qui ont été accordés à des emprunteurs pas toujours solvables.
À priori, il n’y a pas de mal à prêter à des personnes à faibles revenus ou ayant une note de crédit moyenne. Cependant, les
prêteurs (banques et autres institutions financières) doivent, en principe, mieux gérer le risque hypothécaire en
augmentant les garanties requises ou en appliquant un taux d’intérêt à la hauteur du risque.
Or, un ensemble de facteurs ont concouru à la crise immobilière américaine. Un programme gouvernemental d’accessibilité
à la propriété a permis à plusieurs ménages moins nantis ou ayant un mauvais dossier de crédit d’obtenir des hypothèques.
Aussi, la déréglementation qui a eu lieu aux États-Unis a conduit à un relâchement dans les critères d’octroi des
hypothèques. Ainsi, certaines personnes sans revenu stable ou sans emploi ont obtenu des hypothèques. Dans d’autres cas,
les prêts étaient assortis de taux d’intérêt très faibles pour une courte période, mais qui augmentaient fortement par la
suite. Ou encore, les ménages ne devaient rembourser que les intérêts et pas le capital. Des ménages pouvaient même
obtenir un prêt allant jusqu’à 110 % de la valeur de leur maison, le surplus étant utilisé pour consommer.
Ces pratiques reposaient sur la hausse rapide et constante du prix de l’immobilier. Ainsi, tout problème éventuel de
remboursement était considérablement atténué par l’augmentation de la valeur de la garantie (c’est-à-dire la valeur de la
maison), ce qui conduisait à une baisse du ratio prêt/valeur de la maison. En vertu de cette logique, même si l’emprunteur
se retrouvait en défaut de paiement, l’augmentation de la valeur de la maison facilitait le refinancement ou, en cas de saisie
par les banques, le remboursement du capital, des intérêts et des pénalités.
Dans cette logique fortement à risque pour les ménages, on avait oublié d’envisager la possibilité que la valeur des maisons
décroisse…
Source : Wikipédia, Crise des subprimes [http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes] (consultée le
22 novembre 2010).
Tout le système bancaire américain est ébranlé
Rapidement, le phénomène contamine tout le système bancaire américain parce que les banques créent,
par titrisation3, de nouveaux produits financiers complexes adossés à ces prêts hypothécaires à haut risque.
Le dégonflement de la bulle immobilière a dévalorisé les hypothèques ainsi que les titres associés à celles-ci
comme les papiers commerciaux adossés à des actifs (PCAA). Ainsi, ces produits étaient beaucoup plus
risqués qu’anticipés. Plusieurs institutions financières qui en possédaient beaucoup ont vu leurs mauvaises
créances augmenter et leur bilan s’alourdir. Pire, elles ont craint d’être toutes en mauvaise posture
financière et ont cessé de se prêter de l’argent : c’est le gel du crédit. Les banques d’investissement ont du
C’est une pratique qui permet à une institution financière de transformer une créance (un prêt par exemple) en un actif pouvant
être vendu sur les marchés financiers. Voir l’encadré page suivante.
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mal à se financer : Bear and Stearn fait faillite en août 2008. L’agence Fannie Mae et Freddy Mac4 dont la
mission première est de financer le secteur des prêts hypothécaires aux États-Unis doit être nationalisée
faute de financement. En septembre 2008, ce sont les banques d’investissement Merrill Lynch et Lehman
Brothers qui sont au bord de la faillite. Les 13 et 14 septembre 2008, le gouvernement américain
nationalise la première et laisse tomber la seconde, arguant que les acteurs financiers qui avaient prêté à
Lehman Brother avaient les reins assez solides pour absorber les pertes. Toutefois, les acteurs de la finance
interprètent ce geste comme un signal que l’État n’a pas l’intention de sauver tout le monde avec l’argent
des contribuables. C’est la panique.
La crise se propage par contagion au système bancaire européen
Le choc se propage aux quatre coins de la planète par le biais de la complexité des produits financiers
innovateurs (qui rendait difficile toute évaluation du risque) et par le biais des connexions internationales
étroites (qui facilitaient la mobilité des capitaux). En effet, la crise, qui est partie du marché américain des
crédits hypothécaires à risque, va toucher l’ensemble du système bancaire américain et ensuite l’Europe à
cause de la titrisation dont ont été l’objet ces prêts hypothécaires à haut risque. Pire, ces mêmes titres ont
été refilés à d’autres instruments financiers par cette même pratique de titrisation. Certains produits
étaient tellement opaques qu’il était extrêmement difficile, même pour les experts, de connaître la
composition et la qualité de ces titres. Le risque était partout et nulle part! C’est ainsi que de nombreux
établissements financiers dans le monde, qui avaient acheté plusieurs de ces titres, avaient finalement pris
des risques bien supérieurs à ce qu’ils croyaient au départ.
Titrisation : une technique courante, mais risquée
C’est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances (par
exemple, des prêts automobiles, des prêts hypothécaires, des prêts de cartes de crédit, des prêts à la consommation, des
obligations d’entreprise) en les transformant en titres financiers émis sur le marché des capitaux. Les créances sont alors
regroupées selon leur type et par tranche de risque dans un portefeuille. Ce portefeuille est cédé à une structure (société
ou fonds) qui en finance l'achat en les vendant auprès des investisseurs.
À l’origine, cette pratique permettait aux banques de mieux gérer le risque en revendant à ceux qui voulaient bien les
acheter — comme les fonds de couverture (hedge funds) ou les banques d’affaires par exemple — les prêts qu’elles avaient
accordés, mais qu’elles jugeaient trop risqués. C’est ce qu’ont fait notamment Fannie Mae et Freddy Mac et les grandes
sociétés de courtage de Wall Street. Ils ont cependant revendu ce risque à d’autres en les refilant, par titrisation, dans
d’autres véhicules financiers mêlés à d’autres produits structurés très opaques (comme des produits dérivés, des swaps,
etc.). Avec la complaisance des agences de notation, ils les vendaient en prétendant qu’ils étaient à la fois rentables et sûrs.
C’est avec stupéfaction que les personnes et les institutions (régimes de retraite, Caisse de dépôt et placement, etc.) qui
avaient acheté ces produits financiers soi-disant sans risque ont appris qu’ils comptaient des tranches de prêts
hypothécaires à risque dans leur patrimoine.
Source : Wikipédia, Titrisation [http://fr.wikipedia.org/wiki/Titrisation] (consultée le 22 novembre 2010).
De la crise financière à la crise économique mondiale
Confrontés à une situation catastrophique, les gouvernements des pays industrialisés ont mis sur pied des
plans de sauvetage pour acheter ou garantir des créances douteuses avec des fonds publics. Le
renflouement du secteur financier a mis fin à la panique financière, mais n’a pas empêché le mal de se
propager à l’économie réelle.
Certains analystes estiment que le gouvernement américain n’avait pas le choix de sauver cette institution financière, car elle
possédait 42 % des hypothèques résidentielles aux États-Unis. La laisser plonger, c’était laisser tomber des milliers de familles
américaines.
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La crise financière a eu d’importants impacts pour les entreprises et les ménages. Depuis un bon nombre
d’années, les marchés financiers étaient devenus la principale source de financement des entreprises au
détriment du financement bancaire plus traditionnel. Leur débâcle a mis à mal les finances de plusieurs
entreprises, surtout aux États-Unis. En resserrant l’accès au crédit pour améliorer leur bilan, les
institutions financières ont quasi paralysé les activités des entreprises. Certaines se sont retrouvées dans
de graves difficultés voire même en faillite. D’autres ont sabré dans leurs coûts d’exploitation et ont
procédé à des licenciements massifs. C’est par milliers que des emplois ont été perdus. Des salaires et des
conditions de travail ont été grugés, entraînant du coup une diminution du niveau de vie des travailleurs et
des travailleuses.
Avec le resserrement du crédit, c’est toute l’activité économique qui se contracte. La consommation fléchit
en raison de la peur du chômage et du climat d’instabilité économique et financière. La baisse de la
consommation affecte directement les entreprises qui ne peuvent plus écouler leur production ou offrir
leurs services, entraînant des mises à pied. Les déboires du secteur financier mettent à mal bon nombre de
régimes de retraite et minent les maigres épargnes des travailleurs et des travailleuses. Les ménages qui
perdent leur emploi, ce sont autant d’impôts qui ne sont pas versés dans les caisses de l’État et de coûts
sociaux plus élevés, notamment en soutien du revenu. Sans parler des faillites personnelles, des vies
brisées, des familles dévastées. Tout cela a eu des effets dévastateurs sur l’économie locale et régionale…
sur l’économie réelle quoi!
Qu’ont fait les différents acteurs devant la crise
financière?
Ce que les gouvernements ont fait
Les gouvernements sont intervenus rapidement auprès des banques. Ils ont mis de l’avant des plans de
sauvetage dans lesquels des sommes gigantesques ont été englouties. L’objectif était de relancer le crédit
par une baisse des taux d’intérêt, mais surtout l’État fournissait des liquidités qui aidaient les banques à se
débarrasser de titres dits toxiques.
Ce qu’a demandé le monde syndical
Les organisations syndicales ont demandé à la communauté internationale de mettre en place des mesures
pour s’attaquer aux problèmes du manque de transparence et d’efficacité de la réglementation des marchés
des capitaux et d’appliquer des règles strictes à tous les types de fonds (fonds de capital de risque, fonds de
couverture, etc.).
 Un retour au contrôle de la finance
La déréglementation des dernières décennies est une des premières causes des crises financière et
économique actuelles. Ce programme de déréglementation a été principalement appliqué pour des
raisons idéologiques puisqu’aucune étude n’avait prouvé hors de tout doute qu’un marché financier
affranchi de contrôles était réellement plus efficace. Au contraire, les multiples crises financières des
deux dernières décennies (Suède en 1992, Mexique en1995, Asie en 1997, Russie en 1998, Argentine en
2001-2002) tendent à démontrer l’inverse. Il est plus que temps de réglementer à nouveau, d’autant
plus que la preuve de l’efficacité de la réglementation a été démontrée par le passé. Les crises étant
globales, les solutions doivent l’être aussi. Il faut effectuer un retour à une plus grande discipline des
marchés financiers, à un contrôle sur les mouvements de capitaux, à une meilleure surveillance des
risques par les acteurs financiers. La mise en application d’un principe de gros bon sens s’impose : il ne
peut y avoir de rendements sans risque.
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 Des taxes sur les transactions financières
La taxation sur les transactions financières a pour objectif d’éloigner les marchés financiers de la
spéculation et des profits à court terme et de les réorienter vers des investissements productifs,
créateurs d’emplois. Divers mouvements sociaux, dont le mouvement syndical, ont fait la promotion
d’une taxe financière – inspirée de la taxe Tobin qui porte sur les transactions sur les taux de change –
qui serait étendue à toutes les transactions financières. Mais pour qu’une telle taxe fonctionne, elle doit
être accompagnée de nouvelles règles du jeu, comme un contrôle des paradis fiscaux.
 Des règles plus strictes pour tous les acteurs du marché financier
Actuellement, l’encadrement des fonds d’investissement est variable. Les fonds institutionnels (régimes
de retraite, banques, compagnies d’assurances) sont un peu plus encadrés que certains fonds
d’investissement privés qui, dans les faits, peuvent faire à peu près tout ce qu’ils veulent, souvent dans le
secret. Les régimes de retraite ou les banques sont soumis à des règles dites prudentielles, qui incitent à
la prudence en limitant les prises de risques excessifs. On les oblige à conserver un certain pourcentage
de fonds propres pour couvrir les risques de leurs placements ou à investir un certain pourcentage de
leurs actifs dans des investissements sécuritaires comme les obligations. C’est probablement un des
facteurs qui fait en sorte que le secteur bancaire canadien tire mieux son épingle du jeu que celui des
Américains ces temps-ci.
 Un nouveau mandat pour le FMI?
La récurrence des crises financières fait douter des vertus de la finance mondialisée. Une nouvelle
architecture de la gouvernance financière doit être mise sur pied pour assurer la stabilité mondiale.
Actuellement, une possible réforme du Fonds monétaire international (FMI) et de son mandat occupe
une grande place dans le débat politique. Plusieurs proposent que cette institution devienne un
organisme de surveillance de l’économie et de la finance mondiales. On souhaite qu’il ait un mandat de
prévention de manière à éviter les soubresauts qui marquent le secteur bancaire mondial depuis
l’été 2007.
Qu’ont fait les différents acteurs devant la crise
économique?
Ce que les gouvernements ont fait
Tous les gouvernements des pays industrialisés ont tenté d’enrayer les contrecoups de la crise financière
sur l’économie réelle en adoptant un plan de relance économique et en acceptant une hausse des déficits
budgétaires. Cependant, ce qui inquiète aujourd’hui, c’est la résurgence du discours de la lutte au déficit, de
l’équilibre budgétaire à tout prix. Couper dans les dépenses alors que la reprise est mal enclenchée risque
de paver la voie à un possible repli économique qui limitera la croissance de l’emploi. Et qui paiera pour
cette politique? Les milliers de personnes en chômage ou qui le seront prochainement et les quelques-unes
qui ne pourront plus jamais travailler.
Les économistes craignent que la crise économique actuelle plonge les économies des pays industrialisés
dans une croissance lente et anémique qui pourrait avoir des incidences importantes à long terme : une
croissance lente de l’emploi; une hausse du chômage; la perte du pouvoir d’achat des travailleurs et des
travailleuses; une croissante lente des revenus fiscaux; des coupes dans les dépenses gouvernementales;
etc.
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Ce qu’a demandé le monde syndical
Devant une récession d’une telle ampleur, il importe de réagir rapidement et de dégager les ressources à la
hauteur des besoins. D’ailleurs, dans un tel contexte, la croissance des revenus autonomes (les impôts
provenant des entreprises et des particuliers notamment) diminue, limitant grandement la marge de
manœuvre des gouvernements. Ainsi, pour intervenir dans l’économie, les États doivent s’assurer d’avoir
les ressources financières suffisantes.
 Demander un plan de relance costaud
Les organisations syndicales ont joint leur voix à celles du FMI, du G-7 et de l’Organisation de
coopération et de développement économiques (OCDE) pour demander aux gouvernements de mettre
en branle un vaste programme de dépenses publiques d’environ 2 % du PIB.
 Soutenir et créer de l’emploi
Le mouvement syndical a revendiqué la mise en place d’une stratégie de développement économique et
social dont l'objectif prioritaire est la création d'emplois.
 Maintenir la croissance des dépenses de programmes gouvernementales
En période de récession, les gouvernements sont portés à restreindre les dépenses publiques pour
minimiser l’ampleur du déficit et pour démontrer qu’ils sont prudents dans la gestion des deniers
publics. Mais il s’agit là d’une approche contraire à celle souhaitée : il faut dépenser rapidement. Bon
nombre de catégories de dépenses de l'État ont un impact structurant positif sur l'économie.
 Poursuivre et accélérer le programme d’infrastructures
Compte tenu des retombées économiques remarquables d’une dépense en travaux publics, le
mouvement syndical a demandé la mise sur pied de programmes d’infrastructures devant s’échelonner
sur plusieurs années. Ces investissements sont particulièrement intéressants parce qu’ils sont fortement
créateurs d’emplois et permettent de doter les pays d’actifs qui seront disponibles aux générations
futures.
 Prévoir des investissements supplémentaires pour le financement de la formation
professionnelle
En période de récession, les entreprises sont tentées de réduire les budgets alloués à la formation.
Pourtant, il est essentiel d’investir prioritairement dans la formation professionnelle pour aider les
travailleurs et les travailleuses à conserver leur emploi et les personnes en chômage à s’en retrouver un
rapidement. Au moment où l’économie redémarrera, les entreprises disposeront d’une main-d’œuvre
bien formée et qualifiée.
 Aider les personnes en chômage et les plus démunies
Parmi les mesures de relance envisagées, il est important de cibler les personnes en chômage et les
citoyens et les citoyennes qui ont le plus besoin d’aide et qui sont les plus susceptibles de retourner ces
montants à l’économie par leur consommation. Il importe donc de bonifier les prestations d’assuranceemploi et de soutien de revenu.
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Pourtant, on tergiverse!
Aujourd’hui, l’incertitude règne. Personne ne sait exactement jusqu’où iront les impacts négatifs de la
finance sur l’économie réelle. Mais on sait, d’ores et déjà, que les conséquences sont graves. Malgré les
plans de relance, il s’est perdu près de 34 millions d’emplois à l’échelle mondiale. Les analystes évaluent
qu’il faudra entre deux à cinq ans avant de retrouver les niveaux d’emplois qui prévalaient avant le début
de la crise économique en 2008. L’enjeu aujourd’hui est d’éviter que, pour des fins idéologiques de lutte aux
déficits et de retour rapide à l’équilibre budgétaire, les gouvernements mettent fin à leur programme de
relance trop tôt, car cela risque de miner la fragile reprise économique.
Dans le secteur financier, il faut à tout prix éviter le retour à la situation antérieure, comme si de rien
n’était. On sent actuellement un essoufflement de l’élan pour une réforme réglementaire de grande
envergure. Les États du G-20 semblent convenir qu’un resserrement de la réglementation et des
mécanismes de contrôle s’imposent. Mais plus personne ne semble s’entendre sur la nature ni sur le degré
de ce resserrement. De plus, les acteurs du monde financier résistent et font un intense lobby pour que les
nouvelles règles soient très minimales. La bataille de la réforme de la finance s’annonce ardue.
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