Introduction générale

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Introduction générale
Introduction générale
En dehors des périodes éruptives, les manifestations volcaniques se limitent à
des fumerolles et des sources chaudes qui reflètent la circulation des fluides au sein de
l'édifice volcanique dans un système hydrothermal. L'évolution du degré de dégazage
des fumerolles ou de la composition des sources thermales peut servir à déceler des
changements intervenant dans le système volcanique-hydrothermal. L'étude des
caractéristiques physico-chimiques des fluides émis à la surface est donc utile pour
obtenir une meilleure compréhension du fonctionnement de ce système volcaniquehydrothermal. Il est d'autre part essentiel de développer de nouvelles méthodes de
surveillance géochimique afin d'améliorer la détection précoce ("early warning") de
changements pouvant intervenir en profondeur dans l'édifice volcanique (remontée de
magma frais).
Les deux volcans étudiés dans le cadre de ce travail, le Papandayan et le Kelud,
possèdent un large système hydrothermal. Le Papandayan a connu de nombreuses
éruptions phréatiques dont la dernière date de novembre 2002. Le lac volcanique du
Kelud a eu deux montées en température en 1996 et en 2001 et sa dernière éruption
magmatique date de 1990. Ces changements dans l'activité volcanique et
hydrothermal n'ont cependant pas été suivis par des éruptions magmatiques
contrairement à ce qui s'est produit notamment au Pinatubo (Stimac et al, 2004), à la
Soufrière de Montserrat (Chiodini et al., 1996) ou au Mt St Helens (Cashman and
Hoblitt, 2004). Dans d'autres sites, comme au Galeras (Fisher et al., 1997) et au
Nevado del Ruiz (Giggenbach et al., 1990), l'éruption magmatique n'a pas été
précédée par une activité phréatique, bien que sous ces édifices volcaniques un
système hydrothermal soit présent. Le Papandayan et le Kelud sont des volcans situés
dans des zones à très forte densité de population, ce qui démontre l'importance
d'améliorer les techniques de surveillance afin de prévoir les éruptions futures,
qu'elles soient phréatiques ou magmatiques. Cet objectif ne peut être atteint qu'avec
une connaissance approfondie du fonctionnement de ces systèmes hydrothermaux.
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Introduction générale
Les systèmes hydrothermaux
Les systèmes hydrothermaux se forment dans des environnements variés (Goff
and Janik, 2000) mais sont plus actifs dans des environnements où la source de
chaleur provient d'intrusions magmatiques (Henley, 1985). Nos connaissances de ces
systèmes hydrothermaux ont bénéficié des travaux liés à l'exploitation minière
(Stoffregen, 1987; Hedenquist and Henley, 1985; Hedenquist et al., 1998) et à
l'exploitation géothermique (Henley et al., 1984; Hochstein and Sudarman, 1993;
Utami, 2000).
Un système hydrothermal est un système complexe alimenté par une source de
chaleur, la recharge par des eaux météoriques et la roche hôte ou réservoir (figure 1).
- la source de chaleur magmatique engendre généralement des systèmes ayant un fort
gradient thermique (de 350 à 100 °C à une profondeur inférieure à 8 km).
- l'eau météorique qui s'infiltre en profondeur dans le système à travers des zones
perméables est réchauffée et peut se mélanger aux gaz magmatiques. Les fluides
remontent ensuite par convection. Le temps de résidence des fluides dans le système
hydrothermal peut être très variable, de 100 à 1000 ans en moyenne (Rybach, 1981).
- les roches contenues dans le système hydrothermal réagissent et se rééquilibrent
progressivement avec les fluides. Suivant la composition de la roche et les
caractéristiques physico-chimiques des fluides, différents types de minéraux
d'altérations peuvent se former. Cette circulation de fluides peut également engendrer
des minéralisations avec la précipitation d'Au, Ag, Zn, Pb à certains niveaux du
système (Giggenbach, 1997).
Ces systèmes hydrothermaux présentent souvent une nette évolution dans le
temps depuis le moment où une intrusion magmatique se met en place où les fluides
présentent un degré d'acidité élevé jusqu'à un stade avancé où toute acidité à été
neutralisée. La durée de vie de ces systèmes hydrothermaux dépend du volume de
l'intrusion magmatique mais est en moyenne de 10000 à 30000 ans.
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Figure 1: Schéma montrant la structure d'un système hydrothermal et la circulation des fluides
hydrothermaux (d'après Nicholson, 1993).
La contribution des gaz magmatiques dans les édifices volcaniques jeunes est
majoritaire par rapport à la recharge par les eaux météoriques. L'absorption de ces gaz
dans le système hydrothermal profond entraîne la formation de solutions très acides et
oxydantes contenant du Cl et du SO4 en proportions variables, proches du gaz
magmatique de départ (Giggenbach et al., 1990; figure 1). Cette extrême acidité
empêche le CO2 de réagir pour donner HCO3-. Les gaz SO2 s'hydrolysent suivant la
réaction:
4 SO2 + 4 H2O → H2S + 3 H2SO4
(1)
pour donner des fluides acides sulfates chlorures (ASC) (figure 2, tableau 1). Ces
fluides ont des proportions en SO4/Cl assez différentes dépendant du degré
d'absorption des gaz magmatiques dans le système hydrothermal. Le rapport SO4/Cl
correspondant à la conversion du soufre total du gaz magmatique issu d'un magma
andésitique est représenté par un point (a) sur la figure 2 et se situe entre 5 et 20. Les
eaux ayant ces caractéristiques sont les eaux acides qui se déchargent par exemple sur
les flancs du volcan Nevado del Ruiz (Giggenbach et al., 1990) et du Miravalles
(Giggenbach and Corrales Soto, 1992).
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Introduction générale
Les fluides présentant des rapports SO4/Cl plus faibles sont formés par l'absorption
plus ou moins importante des gaz magmatiques dans le système hydrothermal à des
températures plus basses et donc à plus faible profondeur (figure 2).
Tableau 1: Compositions chimiques des eaux sur différents sites en mg.l-1 (d'après Giggenbach, 1997).
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Introduction générale
Figure 2: Concentrations relatives en SO4-Cl-HCO3 des eaux de différents sites (pour la signification
des symboles voir tableau 1; d'après Giggenbach, 1997).
Ces eaux très acides vont réagir avec la roche encaissante pour former des minéraux
d'altération (figure 3). Le fluide va alors être neutralisé par la roche suivant une des
réactions de neutralisation:
KAlSi3O8 + H+ → 0.5 Al2Si4O10(OH)2 + SiO2 + K+
Felsdspath-K
(2)
Pyrophyllite
Les minéraux qui se forment à partir de ces réactions sont la silice, la pyrite, la
pyrophyllite, la kaolinite, l'alunite et l'anhydrite. Leur formation dépend de la
température et du degré d'acidité du fluide. Ces altérations sont de type argilique à
argilique avancée et si la roche encaissante est totalement lessivée, il ne reste plus que
la silice (figure 3). De telles conditions de formation ont été identifiées dans les
dépôts miniers de type high-sulfidation (Hedenquist, 1987; Stoffregen, 1987).
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Figure 3: Schéma montrant la distribution des minéraux d'altérations et des températures à travers le
système hydrothermal (d'après Giggenbach, 1997).
Lorsque la contribution des gaz magmatiques devient moins importante, les
fluides évoluent vers des eaux de type neutre chlorure (NC). Ces fluides sont
accessibles par forages géothermiques et se déchargent naturellement au niveau des
sources émises latéralement et à distance de l'édifice volcanique ((b) sur la figure 2 et
figure 1). A grande profondeur, le CO2 reste en solution. Si la température diminue en
dessous de 330 °C, les fluides contenant 10 % de CO2 deviennent suffisamment
réactifs avec la roche (Giggenbach, 1997) pour augmenter la conversion de CO2 en
bicarbonate ou en calcite par les réactions:
CO2 + H2O → H2CO3 → H+ + HCO3-
(3)
CaAl2-silicate + KAlSi3O8 + CO2 + H2O
→ CaCO3 + KAl3Si3O10(OH)2 + n SiO2
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(4)
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Ces fluides deviennent matures car un équilibre chimique s'établit entre la roche et le
fluide qui circule. La caractéristique chimique de ces eaux est la prépondérance du Cl
qui devient l'anion majoritaire par rapport au SO4 et est balancé par les cations Na + K
(tableau 1 et figure 2). Les concentrations en Na/K sont dépendantes de la température
à laquelle l'équilibre fluide-roche s'est établit. Le rapport Na/K est souvent utilisé pour
estimer la température des fluides NC situés en profondeur (Arnorsson, 1983; Ellis,
1979). Mais ces géothermomètres peuvent refléter également des environnements de
plus basse température (~150 °C) c'est à dire où l'absorption de vapeurs riches en CO2
se produisent (Giggenbach, 1997).
Les minéraux d'altération qui se forment à partir de l'interaction des fluides NC avec
la roche sont entre autres la pyrophyllite, la kaolinite, la séricite, l'épidote, la chlorite,
l'albite et les carbonates. Ces altérations sont de type propylitique et se retrouvent
dans les sites miniers de types "high-sulfidation" (Reyes, 1990) et "low-sulfidation"
ou "porphyry" (Sillitoe, 1991; Giggenbach, 1997; Rye, 2005). Ce dernier type se met
en place dans le cas où l'intrusion magmatique se trouve à plus grande profondeur (~6
km; figure 1).
Lors de la remontée vers la surface, le fluide entre en ébullition et un
fractionnement se produit entre la phase liquide riche en Cl (NC) et la phase vapeur
alors constituée majoritairement de H2O, CO2. Cette phase vapeur peut se mélanger
avec le système aquifère superficiel et donner des fluides neutre bicarbonate (NB) par
la réaction 3 (figure 2). Les températures de formation de ces fluides sont
généralement basses, de l'ordre de 150-160 °C (Giggenbach, 1978; Hedenquist, 1990).
Si ces vapeurs contiennent en plus de l'H2S, elles peuvent se condenser dans le
système superficiel et l'H2S s'oxyder en sulfate par la réaction suivante:
H2S + 2 O2 → 2 H+ + SO42-
(4)
et donner des fluides acide sulfate (AS). Ces fluides sont également appelés des
steam-heated (Henley et al., 1984) ou "acide condensate" (Moore et al., 2002). La
caractéristique chimique principale de ces fluides AS est qu'ils sont très appauvris en
Cl (tableau 1).
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Objectifs et plan de l'étude
Cette thèse est consacrée à l'étude de deux systèmes hydrothermaux des
volcans Kelud et Papandayan dont les caractéristiques géochimiques sont
complètement différentes.
Les principaux objectifs de cette étude sont:
- étudier la géochimie des fluides provenant des systèmes hydrothermaux du
Papandayan et du Kelud, le dégazage du CO2 et estimer l'énergie thermique libérée
par les fluides hydrothermaux pour mieux comprendre le fonctionnement de ces deux
systèmes,
- suivre l'évolution de ces paramètres géochimiques dans le temps pour connaître le
niveau d'activité actuel de ces deux volcans et identifier les paramètres sensibles aux
changements d'activité. Cette étude géochimique est une base pour permettre ensuite
l'élaboration d'un système de surveillance en continu.
•Le premier chapitre présente les techniques de mesure du dégazage du CO2
aussi bien au niveau des sols volcaniques qu'à la surface des lacs de cratère. Ce
chapitre expose également les différents méthodes utilisées pour le traitement des
données de flux de CO2: la méthode statistique graphique et la simulation
stochastique.
•Le deuxième chapitre présente les résultats des mesures de flux de CO2
obtenus de 2001 à 2005 en utilisant les méthodes statistiques décrites au chapitre 1.
Ce chapitre se poursuit par l'interprétation de ces données et en particulier les
différents processus de dégazage du CO2 qui se produisent dans le lac. Dans ce
chapitre est également développé le bilan thermique du lac du Kelud dont le modèle a
été contraint par les flux de CO2. Ce chapitre se termine par la comparaison du bilan
thermique, de la géochimie et du flux de CO2 avec d'autres volcans dans le monde.
•Le chapitre 3 expose l'étude des produits éjectés lors de l'éruption de 2002.
Ce chapitre se poursuit par l'étude des fluides hydrothermaux échantillonnés depuis
1994, pour finir par l'élaboration d'un modèle sur le système hydrothermal du volcan
Papandayan.
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Introduction générale
•Enfin, les annexes décrivent les notions de géostatistiques nécessaire à la
compréhension de la méthode de simulation stochastique utilisée pour traiter les
données de flux de CO2 (annexe A) et les résultats du flux de CO2 au Kelud et au
Papandayan sont reportés en annexe B.
Cadre tectonique des volcans Kelud et Papandayan
L'Indonésie possède 129 volcans actifs lesquels sont situés le long d'arcs
volcaniques s'étendant sur presque 7000 km depuis l'île de Sumatra en passant par
Java, Sulawesi et Halmahera au nord de la Mer des Moluques (figure 1; Katili, 1975).
L'île de Java fait partie de l'arc insulaire de la Sonde qui résulte de la subduction vers
le Nord de la plaque Indo-Australienne sous la plaque Eurasienne.
Figure 1: Carte tectonique de l'Indonésie (d'après Katili, 1975).
Cet arc est constitué d'une fosse (fosse de Java), d'un arc sédimentaire externe sous
marin au sud de Java et d'un arc volcanique interne (figure 2). Le long de l'arc
volcanique de Java (1000 km) 43 volcans ont été répertoriés comme ayant présenté
une activité éruptive au cours des derniers 400 ans. Ces volcans sont principalement
constitués par des magmas de type calco-alcalin.
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Figure 2: Coupe Nord-Sud à travers l'arc de la Sonde au niveau de Java (Katili, 1975).
L'île de Java est composée de trois grandes provinces: la province de Java
Ouest, la province centrale de Java et la province de Java Est.
Le Papandayan est située dans la province de Java Ouest qui peut être
subdivisée en quatre zones (Delarue, 1980; figure 3):
- Les montagnes du Sud: elles représentent le flanc sud du géoanticlinal de
Java, bloc soulevé de la croûte plongeant de quelques degrés vers le Sud. Les plus
vielles roches de Java affleurent au Sud-Ouest de l'île. Ce sont des schistes à chlorite,
des phyllites, des quartzites, des gabbros, des péridotites et des serpentines. Au
dessus de cette formation se trouve des brèches volcaniques, des tufs andésitiques, des
ponces dacitiques avec des intercalations de calcaires.
- La zone de Bandung: occupe la partie centrale de Java Ouest. C'est la partie
axiale du géoanticlinal pléistocène de Java qui s'est affaissée et a glissé vers le Nord.
Cette dépression a été partiellement remplie par des produits volcaniques quaternaires
et des dépôts alluviaux. De nombreux volcans actifs se situent dans cette zone comme
le volcan Papandayan.
- La zone de Bogor: est formée de dépôts sédimentaires déposés en mer
profonde.
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-La plaine côtière: au Nord, est une zone plate, basse, largement couverte par
des dépôts alluvionnaires épais (plus de 400 m).
Figure 3: Carte structurale de la province de Java Ouest (d'après Delarue, 1980). La zone de Banten est
caractérisée par une remontée du socle au Nord et de profonds bassins sédimentaires au Sud.
Le volcan Kelud se situe sur la province de Java Est qui peut également être
subdivisée en plusieurs zones (figure 4):
- Les montagnes du Sud de Java Est: ce sont de vieux dépôts volcaniques
d'andésites et de dacites accompagnés d'intrusions dacitiques avec des intercalations
de calcaire du Miocène inférieur à moyen.
- Ces dépôts ont été plissés, formant le géoanticlinal de Java dont le sommet
s'est affaissé par rapport au flanc Sud, formant la zone de Solo.
- La zone de Solo: comme la zone de Bandung, est une dépression axiale
caractérisée par la présence d'appareils volcaniques quaternaires bien développés.
Cette zone est elle-même divisée en trois zones: la sous-zone de Blitar où se trouve le
volcan Kelud; la sous-zone de Solo où se trouvent les grands volcans d'Ijen, Raung,
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Tengger, Bromo, Semeru; la sous-zone de Ngawi caractérisée par une petite
dépression couverte par des alluvions quaternaires.
-La zone de Kendeng: c'est un vaste anticlinorium qui disparaît à l'Est sous le
détroit de Madura, zone en subsidence.
- La zone de Rembang (ou zone charnière): cet anticlinal se prolonge vers l'Est
par l'île Madura.
Figure 4: Carte structurale de la province de Java Est (d'après Delarue, 1980).
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