3LP0501S0618 S5 mercredi 3LP0501S0618 ZALLCALL 67 21:29:47 06/17/03 B Un raid Gauloises endeuillé CHRONIQUE [email protected] L a Française Dominique Robert, 46 ans, membre de l’équipe Endurance-AGF, a perdu la vie quand le canoë à bord duquel elle se trouvait s’est coincé sous des branches d’arbres à la suite d’une forte montée des eaux. équipe nord-américaine à y participer avec une autre de la Californie, à abandonner ce raid de dix jours après seulement neuf heures de course, elle qui n’avait eu que trois semaines pour rassembler tout le matériel nécessaire à un si éprouvant périple. « Neuf heures de course, un seul poste de contrôle de complété après plus de 42 heures de voyage, c’est un peu difficile à prendre, mais ça fait partie de la game », m’écrit Daniel Poirier dans un long courriel émis depuis Bichkek, la capitale de Kirghizistan. Couchant en altitude avant de prendre le départ en matinée, Poirier a commencé à être très malade. Diarrhée, forte fièvre, Poirier et les siens se mettent quand même en marche à la levée du jour. Première étape: 52 km à pieds avec un sommet à atteindre situé à 3900 mètres d’altitude. Les équipes ne pouvant faire le trajet en moins de 12 heures sont disqualifiées. Poirier est tellement malade qu’il semble à l’agonie. « Moi, tout ce que je voulais, c’était franchir les trois premiers postes de contrôles afin de pouvoir me reposer et refaire le plein d’énergies. Martin et Marie-Ève m’ont tiré. Ils ont porté mon sac et nous avons dû Malgré l’intervention immédiate des secours, elle n’a jamais pu être ranimée. Dix-sept équipes étaient déjà passées à l’endroit du drame quand une rupture d’un barrage naturel situé en amont, ou sur un des affluents, s’est produite. La montée subite des eaux a accéléré le rythme de progression sur cette portion de la rivière. Dominique et son coéquipier ont alors emprunté un mauvais bras, à droite du parcours indiqué, et se sont fait coincer sous les branches d’un arbre. Le tronçonnage de l’arbre a permis de dégager le corps de Dominique, mais il était trop tard. ■ ■ Après 8 h 45 de course et rendus à plus de 3475 mètres d’altitude, cette fois ce fut au tour de Charles-Olivier d’être malade. En défaillance totale aussitôt les 2800 mètres franchis (le mal de l’altitude), Charles avait peine à avancer. Les médecins campés à 3900 mètres sont alors venus nous voir et ils ont décidé d’évacuer toute l’équipe en hélicoptère. « Ce fut un tour incroyable audessus des hauts sommets enneigés, écrit Poirier. Entre-temps, comme par magie, j’ai retrouvé tous mes sens, mais Charles a dû être mis sur intraveineuses. Deux heures plus tard, nous étions là quand les médecins et les dirigeants de la course ont reçu l’ordre de partir sur la rivière avec l’hélico et une scie à chaîne. Un peu plus tard, nous apprenions la mort de celle avec qui nous causions quelques heures plus tôt. » C’est la première fois qu’un participant perd la vie dans un raid Aventure-Extrême. Après avoir été réunies au sommet, les équipes françaises ont décidé d’abandonner la compétition, mais de finir le parcours ensemble, comme dans une longue marche funèbre. Les équipes de tête, elles, ont continué leur périple. « Nous aurions bien aimé les accompagner, mais nous étions encore trop faibles. Moi, je n’avais rien mangé depuis 36 heures et Charles était encore bien loin d’être remis. Dites aux gens de chez nous de ne pas s’inquiéter et que nous sommes présentement tous en bonne santé. » ■ La douzième édition du raid Gauloises, le raid des raids, l’ultime épreuve des épreuves ultimes, tenue cette année au Kirghizistan, restera longtemps gravée dans la mémoire des quatre membres de l’équipe québécoise (Coppertone/ EnduranceAventure.com), formée de Daniel Poirier, Marie-Ève Bergeron, Charles-Olivier Dupuy et Martin Ladouceur. D’abord, cette mort qui est venue ombrager cette grande finale des épreuves d’aventures-extrêmes et puis la malchance, voire la maladie, a obligé l’équipe du Québec, seule prendre plusieurs petits repos. Physiquement, je crois que cette journée a été la plus éprouvante de ma vie. » Ouf ! Si vendredi, vers 18 h, vous n’avez rien à faire, à Dorval, sur Air France, arriveront quatre Québécois qui en auront long à raconter. PHOTO RAID GAULOISES Le raid Gauloises, le raid des raids, l’ultime épreuve des épreuves ultimes... À suivre. LA P RESSE Pierre Bourgault le tribun La magie du verbe. L’art de la persuasion. La faculté de convaincre des gens qu’ils peuvent réussir des choses, toutes les choses, pourvu qu’ils se donnent seulement la peine d’y croire. Pierre Bourgault m’excusera l’entourloupette, lui qui par surcroît n’était pas un grand connaisseur de sport, mais si un jour un entraîneur du Canadien s’amène avec la moitié du talent de tribun qu’il possédait, sûr que les Coupes Stanley vont s’entasser les unes après les autres sur l’autel du Centre Bell. Cet homme-là avait le don de convaincre et ses envolées oratoires étaient telles qu’elles parvenaient à décupler les forces de chacun. Bon repos, Pierre Bourgault. S5 En lisant Boisvert, je me suis immédiatement souvenu que Bourgault était aussi descendu au Et c’est à ce moment que j’ai compris à quel point un orateur de la sorte, par la magie du verbe et la clarté de ses propos, pouvait éveiller et soulever en quelques minutes les plus grandes passions. Bourgault a maintes fois avoué qu’il s’effrayait lui-même tant il était conscient du pouvoir qu’il exerçait sur une foule. MER CRE DI 1 8 JUI N 2003 Et à quel point il avait été sidéré par les talents de tribun de l’ami décédé, lundi, en début d’après-midi. Collège Sainte-Croix alors que nous étions de jeunes étudiants en philo et qu’à l’amphithéâtre du collège, le temps d’un midi, il nous avait tous subjugués, enflammés dois-je dire, au point de nous convaincre de poser surle-champ, s’il nous l’avait demandé, les gestes les plus radicaux afin de faire avancer « la cause ». MO NTRÉA L LE COLLÈGUE Yves Boisvert racontait dans sa chronique d’hier sa grande surprise de voir un bon jour Pierre Bourgault s’amener dans la classe qu’il fréquentait à la faculté de droit de l’Université de Montréal.