Ombres et lumière sur Isaac Newton

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Invitation
à croire
avec nos savants
Ombres et lumière
sur Isaac Newton
«M
ortels, félicitezvous qu’un si
grand homme ait existé
pour l’honneur de la race
humaine », dit une partie de
l’épitaphe d’Isaac Newton
gravée sur son tombeau monumental à Westminster.
Philosophe,
mathématicien, physicien, alchimiste,
astronome et théologien
anglais puis britannique, lisons-nous sur la toile, ce qui
met en évidence le grand
éventail de sujets que cet
esprit curieux a exploré.
Le scientifique
« En l’absence de
toute autre preuve,
le pouce seul
me convaincrait
de l’existence
de Dieu . »
Isaac Newton
I
« La nature et ses lois se cachaient dans la nuit. Dieu
dit : ‹ Que Newton soit ! › et
tout devint lumière. » Cette
citation d’Alexander Pope,
poète anglais contemporain de Newton, illustre la
fascination que ses travaux
a produit chez les intellectuels de son temps. Trois
siècles plus tard, nous pouvons confirmer que c’est
sur les découvertes successives de Newton,
Maxwell puis Einstein
que toute la
terre. En 1696, il prend
la direction de l’Hôtel des
Monnaies. En 1703, il est
élu président de la Royal
Society. Il s’empresse alors
d’effacer toute trace du travail de Hooke et il semble
même qu’il a fait disparaître ses portraits !
Physicien nucléaire retraité, notre ami neuchâtelois
Samuel Jaccard nous parle,
en tant que connaisseur et
croyant, mais aussi sans complaisance, de celui qui fut
une figure emblématique des
sciences.
physique moderne
construite.
s’est de la peine à comprendre
qu’un esprit aussi brillant
que Newton ait pu consaNewton a été un grand ma- crer beaucoup de temps à
thématicien ; il est, entre tenter la transmutation
autres, l’un des inventeurs des métaux ou la recherche
du calcul différentiel et un d’une panacée. Il faut sougrand expérimentateur ; il ligner que l’intérêt à l’égard
a par exemple démontré de l’alchimie était courant
que la lumière blanche est parmi les scientifiques du
le produit d’un mélange XVIIe siècle qui tentaient de
de couleurs. Mais ce qui l’a comprendre la nature de la
rendu particulièrement cé- matière. Paracelse, médecin
lèbre est la loi de la gravita- suisse réputé du XVIe siècle,
tion universelle dont l’idée considérait par exemple
lui est venue, comme il l’a l’alchimie comme l’un des
répété souvent à la fin de sa piliers de la médecine.
vie, en observant une pomme tomber de l’arbre dans
son verger. Aristote consiL’orgueilleux génie !
dérait que les corps célestes quasi déifiés n’avaient En 1672, Newton entre à la
pas la même essence que Royal Society de Londres et
les corps terrestres, et donc présente ses travaux sur la
qu’ils n’obéissaient pas aux lumière. Ils sont mal reçus
mêmes lois. Dans une pers- par Robert Hooke, mempective biblique du cosmos, bre influent de la société
Newton ne voyait pas de et expérimentateur réputé
raison d’attribuer aux astres qui critique durement
créés un statut différent de le mémoire de Newcelui des corps terrestres.
ton, ce qui donne lieu à
une inimitié qui durera
des décennies. Newton
L’alchimiste
rompt alors toute relation
avec la Royal Society, où
De 1668 à 1675, Isaac New- il ne remettra les pieds que
ton pratique l’alchimie. comme président après la
Aujourd’hui, nous avons mort de Hooke en 1703.
Le théologien
Isaac Newton
(1643-1727)
Newton s’est autant, si ce
n’est plus, consacré à l’étude
de la Bible qu’à la découverte des mystères de l’univers matériel. Une étude de
tout ce qu’il a écrit révèle
que, sur les trois millions
six cent mille mots qu’il
a écrits, seul un million
concerne la science et un
million quatre cent mille la
théologie. Il a écrit plusieurs
textes de théologie portant
sur l’histoire des religions,
l’histoire du christianisme
et l’interprétation de la Bible et de ses prophéties. Il
n’a rien publié de son vivant hormis, la dernière
année de sa vie, un abrégé
de chronologie biblique.
Probablement craignait-il
des persécutions de la part
de l’Église anglicane.
Par crainte d’un accueil mitigé, Newton voulait détruire son ouvrage Principes mathématiques de la philosophie
naturelle connu aujourd’hui
sous le titre Principia et qui
contient l’essentiel de ses
travaux, en particulier sur
les lois de la mécanique et
de la gravitation. C’est son
ami Edmond Halley, astronome qui avait prédit le
prochain passage de la comète portant maintenant
son nom, qui insista pour
que Principia soit publié.
Dans les trois premières
pages de l’ouvrage, Newton
remercie son ami. Ci-contre
la première page du livre
publié en 1687 et conservé à la British Library à
« Examinez toutes choLondres.
ses, retenez ce qui est
Après la publication bon ! » Ce conseil de
de Principia, Newton l’apôtre Paul est particuest élu en 1689 député lièrement judicieux pour
au Parlement d’Angle- qui se penche sur les écrits
Le cercle chromatique de
Newton avec lequel, en
faisant tourner ce disque,
il démontrait que le blanc
est un mélange des couleurs
visibles du spectre
théolog iques
de Newton. Son
étude de la Bible ne le
convainc par exemple
pas de la doctrine de
la trinité. Pour lui,
seul Dieu le Père possède une nature divine.
Mais il tente d’établir une
date pour la seconde venue
du Christ qu’il fixe en 2060 !
Newton se considérait
comme l’un des individus
spécialement choisis par
Dieu pour comprendre le
message biblique ( Newton’s
Views on Prophecy ). Peutêtre que s’il avait travaillé
moins seul, Newton aurait
été gardé d’un dangereux
orgueil, spirituel ou non ! I
Télescope de Newton
1668
NEWTON ET LA BIBLE (citations)
« J’ai une croyance totale dans la Bible comme parole de
Dieu, écrite par ceux qu’il a inspirés. Je l’étudie tous les jours.
[...] Interroge les Écritures toi-même en les lisant souvent
et en méditant en permanence ce que tu lis, tout en priant
Dieu avec ardeur pour qu’il éclaire ton entendement. [...]
Je ne puis que proclamer à voix haute l’admirable et plus
qu’humaine sagesse qui resplendit dans la composition
de cette prophétie (l’Apocalypse) et sa coïncidence exacte
avec toutes les autres prophéties de l’Ancien et du Nouveau
Testament. »
Isaac Newton, fragments d’un traité sur l’Apocalypse, Paris, Gallimard, 1995
Pourquoi seulement au XVIIe siècle ?
Il est légitime de se demander pourquoi la science moderne, avec toutes les applications qu’elle entraîne,
n’est pas née plus tôt. Les mathématiques étaient connues au Moyen Âge en Europe et dans les pays arabes.
Le mouvement des astres était l’objet d’observations précises. La réponse à cette question est à chercher dans
l’influence de la philosophie aristotélicienne qui était la pensée dominante dans l’Empire romain. Sous l’influence de l’Église, le géocentrisme, idée que la terre est immobile au centre de l’univers, avait force de dogme
comme l’affaire Galilée nous le rappelle. Cette controverse n’illustre donc pas, comme on pourrait le croire à tort,
l’antagonisme entre la science et la foi chrétienne.
I
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