entiers fut

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Sommaire
Drame du bassin pragois
– commandes de grande envergure et
réalisations projetées par d’insignes
architectes: transformation de la capitale
pp. 4 – 7
Editorial
Zlín & BaÈa
– une ville et une firme: le rêve réalisé
pp. 8 – 9
Je‰tûd
– l’émetteur distingué par le Prix Perret
est entré dans la légende
pp. 10 – 11
Ostrava – Sorela
– dans la métropole minière sont conservés
des spécimens de l’architecture dans le
style socialiste
pp. 12 – 13
La villa Müller
– habitat selon Adolf Loos: réalisation emblématique de l’âge d’or du fonctionnalisme
pp. 14 – 15
Deux faces du cubisme tchèque
– style représentant la contribution tchèque
unique à l’histoire des styles architecturaux
pp. 16 – 19
La République tchèque est un pays
regorgeant de monuments de différentes époques. On vient chez nous du
monde entier pour admirer les bâtiments médiévaux, tels les châteaux
forts et cathédrales romanes et gothiques, mais aussi des palais, châteaux
et églises Renaissance et baroques.
De plus en plus souvent, cependant,
on vient visiter l’architecture du 20e
siècle. On sait, en effet, que nulle part
en Europe, on n’a pas construit autant
de maisons modern style que dans
notre pays. C’est surtout à Prague que
l’on trouve en grand nombre de vrais
joyaux, ayant souvent conservé leur
aspect primitif. Les spécialistes ne
sont pas les seuls à venir visiter les
bâtiments qui n’ont pas leurs pareils
de par le monde: le cubisme en architecture est un phénomène tchèque.
Les maisons construites dans ce style
curieux et peu pratique sont très
peu nombreuses et, donc, d’autant
plus précieuses.
La seconde moitié du vingtième
siècle commença pour l’architecture
tchèque par la triste période staliniste
des années 50, heureusement bien
courte. Vers la fin de cette période,
l’architecture tchèque reprit haleine:
le succès phénoménal du pavillon
tchécoslovaque à l’exposition universelle de Bruxelles, en 1958, marqua
son retour symbolique en Europe. Non
que les temps soient faciles ensuite.
C’est la construction de panneaux qui
dominait dans le bâtiment, mais il y
eut quelques réalisations remarquables, telle la tour émettrice avec hôtel
de Je‰tûd, oeuvre de l’architecte Karel
Hubáãek, qui acquirent la renommée
internationale.
Après la «Révolution de velours»
de 1989, l’occasion se présenta de renouer avec les traditions interrompues.
Après des décennies, les architectes
purent rétablir leurs studios privés et
le pays s’ouvrit au monde. Des architectes étrangers renommés viennent
travailler en République tchèque:
Frank Gehry, Jean Nouvel, Ricardo
Bofill, Richard Meier... Le milieu concurrentiel fait appraître des réalisations de qualité, dont celles qui
attirent les touristes, telle par exemple
la fameuse Maison dansante...
Galerie
– l’avenir de la place Václavské námûstí
selon le projet du studio Cigler Marani
Architects
pp. 20 – 21
Orgie de chalets
– présentée par l’exceptionnel ensemble de
photos de Veronika Zapletalová et par un
brillant essai de Vladimír ·evela
pp. 22 – 25
Du sang jeune
– arrivée d’une nouvelle génération
d’architectes
pp. 26 – 29
Le minimalisme poétique d’Eva Jifiiãná
– grande dame de l’architecture tchèque est
à la tête de son fameux atelier de Londres
pp. 30 – 33
Mosaïque d’événements et de curiosités
de la République tchèque
pp. 34 – 35
Musées en plein air
– où l’on trouve de vrais joyaux de
l’architecture populaire
pp. 36 – 38
Le Coeur de l’Europe paraît six fois par an. Sur ses pages,
ce périodique donne l’image de la vie en République Tchèque.
Les articles expriment les opinions de leurs auteurs qui
peuvent ne pas être toujours identiques aux points de vue
officiels du gouvernement tchèque. La reproduction des
textes figurant dans le présent périodique sans l’autorisation
de l’auteur est prohibée. Pour l’abonnement, veuillez vous
adresser à la rédaction du périodique.
Éditeur: Éditions THEO, en coopération avec le Ministère
des Affaires Étrangères de la République Tchèque.
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Rédacteur en chef: Pavel ·míd
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Alena Prouzová, Pavla Jedliãková, Eva Ocisková, Milan
KníÏák, TomበPojar, Oldfiich TÛma, Martin Krafl,
Petr Vágner, Vladimír Hulec, Petr Volf, Vít Kurfürst, Jan
·ilpoch, Pavel Fischer
Traduction: Institut de Langues et Littératures Romanes
de l’Université Masaryk de Brno.
Imprimé à VâT Sezemice
ISSN 1211–930X
Zdenûk Luke‰
publiciste, historien de l’architecture
Internet: http://www.theo.cz
E-mail de l’éditeur: [email protected]
3
Le drame du bassin pragois
Urbanisme pour le nouveau millénaire
En observant d’avion le panorama de
Prague, on remarque que cette métropole
est la scène où est joué un jeu urbanistique fascinant. on pourrait même parler
d’un drame du bassin pragois.
T
rès souvent, notre attention est
concentrée seulement sur les centres
historiques qui sont les parties les plus
fréquentées de nos villes. Cependant,
dans une métropole comptant – comme
Prague – plus d’un million d’habitants,
plus d’un tiers de la population vit dans
les cités, quartiers d’habitation dont la
grandeur correspond à celle d’une ville
de moyenne importance. Dans des ensembles urbains aussi vastes devant
servir d’espace d’habitation aux dizaines
de milliers de personnes, l’urbanisme
et la planification ont une importance
primordiale, notamment dans des condi-
4
En 2005 a été terminée la construction de la Maison
Place du Soleil qui a vingt-deux étages et est
l’immeuble d’habitation le plus élevé de Prague.
tions économiques nouvelles. Rappelons
quelques-unes des situations où, une
structure nouvelle étant apparue dans la
ville, il faut définir les nouvelles fonctions et emplois de surfaces. Les urbanistes doivent presque toujours travailler
dans des conditions données: il est rare,
en effet, que l’on puisse lever un plan
«sur le pré vert».
A l’époque de la dictature totalitaire,
Prague – et la plupart des villes tchèques
– a connu d’importantes interventions
ubanistiques: elle est entourée d’une
ceinture de cités d’habitation – comme
presque toutes les grandes villes. Après
1989, des «démolisseurs-assainisseurs»
aurait voulu jeter bas – sans autre forme
de procès – ces gigantesques monuments
du communisme qui, à leur avis, n’étaient
habités que de gens malheureux. Cette
vision «assainissante» s’étant avérée
utopique à de nombreux égards, il a fallu
Nové Butovice: groupes d’habitation nouveaux vus du haut
de la tour voisine de la mairie.
Terminé en juin 2001, le Centre communautaire St.-Procope sert comme église, mais
aussi comme lieu où se déroulent des manifestations culturelles et mondaines.
LuÏiny: le rond-point de la station du métro est l’espace de restaurants,
cafées et petits magasins.
La mairie moderne est un milieu favorable pour la communication
de l’autorité avec les citoyens.
Urbanisme
Elément caractéristique de Prague 13 est le tube du métro au-dessus de l’étang Nepomuck˘ au Parc central.
La Maison Place du Soleil est
l’immeuble d’habitation le plus haut
de Prague. Il a vingt-deux étages et
sa hauteur dépasse 70 mètres. C’est
la dominante de Nové Butovice.
se poser la question: Que faire des cités
d’habitation? Les démolir ou les «revitaliser», humaniser, transformer leur
urbanisme central...?
cons, à leur vitrage ou à de menus aménagements opérés à l’intérieur des maisons construites de panneaux.
Cité sud-ouest
Une Cité sud nouvelle
La Cité sud est la plus grande des cités
d’habitation pragoises: elle compte vers
40 000 habitants. Elle a l’avantage d’être
en contact immédiat avec un beau paysage
suburbain. Un des projets de la réhabilitation du centre de la Cité sud a été
élaboré en 1993 sur la commande de la
municipalité de l’arrondissement, consciente des problèmes et de l’urgence de
leur solution. Le projet «d’humanisation» dû aux auteurs Jan Sedlák, Martin
Sedlák et Ivan Plicka, reposait sur l’idée
de transformer le territoire aux conditions d’habitat peu favorables en une ville
au fonctionnement normal, pourvue d’une
mairie, d’une église, d’un boulevard et
d’un Parc central. Au bout des années
écoulées depuis la présentation de cette
première étude, il apparaît que la solution
proposée – supposant la perturbation de
la structure de «nids» autour des stations
de métro, enracinée depuis des années
(magasins, kiosques, sentiers tracés dans
les gazons par le passage fréquent des
habitants) en tant qu’un espace de communication spontanément constitué –
aboutirait de nouveau à un urbanisme
non organique et non fonctionnel. Dans
d’autres cités d’habitation (Bohnice,
9 200 appartements remontant aux années
70; Prosek, 9 500 appartements construits
entre 1964 et 1971), on n’a pas réussi
non plus à réaliser entièrement le programme de donner à ces lieux un caractère de ville (c’est-à-dire de changer la
hiérarchie des espaces urbanistiques,
l’infrastructure, les proportions, le parterre vivant...). Ainsi la réhabilitation des
cités d’habitation se réduit-elle souvent
à «l’embellissement» individuel des bal-
Dans les années 70, l’édification des
cités construites de panneaux fut soumise
à une typisation poussée et à l’augmentation de la densité de l’habitat. C’est dans
cette situation que l’équipe de l’architecte
Ivo Oberstein élaborait la conception de
la Cité sud-ouest qui compte parmi les
plus vastes du pays. L’arrondissement
Prague 13 se trouve à une distance de
neuf kilomètres du centre de la capitale
et compte aujourd’hui 52 000 habitants
vivant à Nové Butovice, Jinonice, LuÏiny et HÛrka. Les nouveaux ensembles
urbains absorbèrent ici les groupes d’habitations rurales primitifs.
La monotonie de l’espace des cités, le
réseau de rues manquant d’un schéma
d’orientation facile à retenir, manque de
proportions et d’ordre ... voici ce que
l’on reprochait aux cités d’habitation socialistes. Quant à la Cité sud-ouest, ces
critiques ne sont pas toujours applicables. «Les projets controversés des architectes étaient inspirés par leur dialogue
spécialisé avec les sociologues et leur
Place du Soleil, coeur de Nové Butovice. Au lointain, la cité de Velká Ohrada.
5
Corso Karlín. Pour la reconstruction de l’ancienne fabrique, on a eu recours aux services de l’architecte
espagnol Ricardo Bofil. Le projet a remporté la distinction Construction de l’année 2001.
but consistait à éliminer progressivement
les défauts les plus criants des cités et de
la vie que l’on y menait. C’est conformément au programme que, dans la Cité
sud-ouest, on construisit tout d’abord la
voie radiale vers le centre et seulement
après les maisons; que l’on acepta de
renouer avec les groupes d’habitations
rurales existantes; que l’on commanda
à de bons architectes (Brix, Králíãek) les
édifices publics en tant que solitaires,»
dit au sujet de la Cité sud l’écologiste
social Bohuslav BlaÏek, récemment décédé. Dès le début, les urbanistes de cet
arrondissement s’efforçaient de créer
l’espace d’habitation propre à faire naître
une communauté et d’éliminer les groupes
d’habitation à fonction unique. En bref,
il s’agissait de créer «une ville pour
vivre» capable de développer différentes
autres activités, liées entre autres au
métro nouvellement construit et et aux
autres infrastructures.
A l’heure actuelle, la prémisse de tout
raisonnement au sujet des cités consiste
à admettre que, de toute façon, il n’est
pas possible de régénerer d’un seul coup
toute une ville, de même qu’il n’est pas
possible de la projeter et construire d’un
seul coup. «En s’équipant d’éléments
dont elles manquent, en cultivant leur
verdure, en développant les équipements
collectifs, en assurant le service de transport et les espaces de stationnement,
les cités peuvent devenir un habitat très
agréable pour certaines couches de la
population,» affirme l’architecte urbaniste Martin Sedlák. Comme exemple,
il cite l’aire de Nové Butovice remontant
au milieu des années 90 et due à l’architecte TomበBrix. Elle comporte un
ensemble d’immeubles autour de la station de métro de la ligne B. Le projet de
l’architecte Brix est mûrement réfléchi,
il fonctionne logiquement et constitue
un prolongement viable de la solution
urbanistique adoptée dans les années 70.
Il est en harmonie avec l’idée générale
de la cité, réagit à la situation actuelle
et aux solutions découlant de la logique
des choses.
La solution urbanistique de la Place
du Soleil de Nové Butovice illustre la
conception actuelle de cité habitation
pragoise. La place – qui se trouve au
milieu du «boulevard», entre les stations
de métro Nové Butovice et HÛrka – a été
conçue par l’ingénieur-architecte Ivo
Oberstein comme l’espace urbain central
de toute la Cité sud-ouest. Dans la partie
nord de la place, il devait y avoir trois
immeubles de dix-huit étages équipés
de capteurs solaires. Le projet expérimental des immeubles pratiquement
autosuffisants du point de vue energétique – Maisons solaires – a fini par ne pas
être admis. Cependant, la place a gardé
le nom de Place du Soleil.
Le 1er juin 2001 a été posée la première pierre de la nouvelle mairie de l’arrondissement Prague 13. Son projet est
l’oeuvre de l’architecte Milo‰ Haase.
Parmi ses traits caractéristiques citons sa
forme ovale (on l’a surnommée laskonka
selon le petit gâteau de la même forme),
son enveloppe métallique argentée et la
tour à l’horloge. L’atrium intérieur de
l’immeuble sert de salle d’exposition et
de concert. Cependant, la place dispose
d’un autre lieu de rencontres encore: le
Centre communautaire St.-Procope qui
est utilisé comme église et comme salle
de conférences et de théâtre. C’est ici
qu’a eu lieu, par exemple, le Spiritual-
6
Résidence Kollár est l’oeuvre de l’association ·afer Hájek Architekti. Il y a un espace intérieur commun,
terrasses suspendues et appartements offrant une intimité considérable.
Terminé en 2000, le Corso Karlín a eu les 9 150 m2
de ses bureaux très vite occupés.
portant sur la construction de bureaux,
de magasins et de logements.
Les projets urbanistiques concernant
les cités d’habitation et les aménagements des rives de la Vltava ont été
choisis dans le but d’illustrer différents
problèmes de notre urbanisme actuel.
Ils vont de la réhabilitation des cités
d’habitation construites dans les années
70 du siècle passé et servant de demeure
aux dizaines de milliers de personnes, à
la revalorisation magnifique d’anciennes
localités industrielles. Dans tous les cas
mentionnés, il a fallu respecter au maximum les particularités de l’endroit, son
contexte et ses possibilités. Et il apparaît
qu’il n’y a pas de localité, le bassin
pragois y compris, qui ne présente pas
des possibilités de développement.
Radek VáÀa
Photos: www.praha13.cz, Samuel Truschka,
Bohdan Pardubick˘, Dana Céová, archives
Real Estate Karlín Group, Filip ·lapal.
fest, festival de negro-spirituals très
apprécié. La Maison Place du Soleil
est une autre grande réalisation dans la
place: elle a 21 étages au-dessus du
sol, elle est haute de 84 mètres, propose
177 appartements et 5 200 m2 de locaux
commerciaux.
Port fluvial – quartier nouveau
La rivière apporte à la structure de la
ville des possibilités inappréciables, car
elle l’enrichit d’un élément naturel. Les
vastes localités dans le voisinage immédiat de la ville sont très attrayantes, mais
elles représentent en même temps des
problèmes bien compliqués. L’eau est
l’atout architectural le plus précieux d’un
autre grand projet urbanistique – celui
de l’aménagement de l’aire du port
de Hole‰ovice dans l’arrondissement
Prague 8. On prévoit la construction
de 800 à 1000 appartements autour
du centre administratif Lighthouse déjà
construit, vaisseau amiral du projet. Les
auteurs de la revalorisation du quartier
sont les architectes de l’ A.D.N.S., atelier
pragois renommé. Ils envisagent – en
accord avec l’investisseur – d’y construire, entre autres, une marina et tout
l’environnement pour les pratiquants du
yachting. Au projet du port de Hole‰ovice participe aussi l’atelier architectural
britannique Chapman Taylor qui a une
grande expérience avec les constructions
de ce type, réalisées en Grande Bretagne.
Dans les bâtiments historiques de la
localité, on envisage d’aménager des
appartements atypiques et des lofts.
«On veut faire descendre la ville jusqu’à
l’eau,» disent les auteurs de ce projet
urbanistique grandiose. Les premiers
immeubles d’habitation devraient être
finis au printemps 2007. Quant au projet
du port, l’investisseur prévoit de terminer
sa réalisation avant 2915.
Les transformations dans le bassin
pragois ne concernent pas seulement
l’urbanisme des cités d’habitation. Les
spécialistes concentrent leur attention
aussi sur le quartier de Karlín, pour lequel
a été conçu le projet River City Prague
Palais Karlín, de la rue Thámova à Prague, terminé
en 1999. Architecte principal Ricardo Bofil.
7
Zlín & BaÈa
Le temps de TomበBaÈa est la période la plus glorieuse de la ville de
Zlín, en Moravie. C’est ici que les
principes fonctionnalistes et constructivistes de l’avant-garde architecturale et urbanistique de l’entre-deuxguerres trouvèrent une application
phénoménale.
riés qui fabriquaient 25000 paires de
chaussures par jour. Cela dans des
bâtiments nouvellement construits,
L
e 12 juillet 1932 est une date
importante dans l’histoire de Zlín:
c’est le jour où TomበBaÈa, maire de
la ville et chef d’une grande entreprise,
périt dans un accident d’avion. Zlín
comptait à l’époque 22 000 habitants
et il y avait une entreprise géante où
travaillaient presque 30000 salariés.
La maison BaÈa, qui avait une importance fondamentale pour la vie de la
ville, avait réussi grâce à l’élargissement progressif de son programme de
production. Elle fabriquait des produits exigeants du point de vue de la
technique (pneus, revêtements de sol,
chaussettes, bas, équipements mécaniques). La maison BaÈa grandissait et
son expansion aux marchés tchèques
et étrangers n’arrêtait pas. «En 1925,
l’établissement employait 4600 sala-
8
Bâtiment administratif de la maison BaÈa, architecte
Vladimír Karfík, 1938. Monument culturel national
de la période du fonctionnalisme.
dans des ateliers clairs et selon des
technologies de pointe. La nouvelle
organisation intérieure de l’entreprise
qui insistait tout particulièrement sur
l’indépendance relative de la gestion
de différentes unités de production
complètes, appelées ateliers. C’est là
que résidait une partie du secret du
système d’organisation et d’économie
de l’entreprise BaÈa que les managements top de tous les continents
venaient admirer et étudier à Zlín.
Au cours de l’année 1929 sont venus
onze mille spécialistes. (...) L’école du
travail BaÈa recrutait des centaines
de garçons (et de jeunes filles, un peu
plus tard) de tous les coins de la
Tchécoslovaquie aux fins d’apprentissage. L’apprentissage ne se limitait
pas au seul métier de cordonnier.
C’était là une dure école: le matin,
c’était l’atelier, l’après-midi – la
classe et, tout le temps, la discipline,
l’ordre, l’emploi raisonnable des loisirs
et du bénéfice mis en dépôt. C’est ainsi,
cependant, que l’on gagnait «la devise
d’or»: «être ou venir de chez BaÈa»
signifiait beaucoup,» constate le chroniqueur de l’époque.
E
n 1938, la construction de la
nouvelle centrale de la maison BaÈa
fut terminée en un temps record: 17
La Place du Travail (1937 – 1938) a pour dominante le Grand cinéma (1933). Avec sa capacité de 2270 spectateurs,
c’était probablement la plus grande salle de cinéma en Europe centrale.
Ville
Vue des quartiers des jardins Zále‰ná et Podvesná (1938).
«Depuis le début du 20e siècle, il est
devenu habituel chez nous d’apporter des
catégories de la morale à la réflexion sur
l’architecture. La justification éthique de
la forme devait résider dans l’austérité,
sobriété et rigueur. En créant sans rigueur,
en faisant fond sur l’esthétique et sur le
luxe, on donne dans l’amoralité.»
Rostislav ·vácha
(*1952)
historien et théoricien de l’architecture
mois. Mais ce n’était là
qu’une partie de la grande
transformation de Zlín.
Dès 1935, Le Corbusier,
architecte et urbaniste
français, avait élaboré
pour BaÈa le projet d’aménagement urbanistique
de la vallée de Dfievnice
dans la section Zlín-Otrokovice. En rejetant la conception de
l’habitat horizonal du type cité-jardin
favorisée par l’étroite vallée de la
Dfievnice, il avait proposé une conception différente inspirée par l’essor
de la fabrique de chaussures et par
le boom dans le bâtiment local. Il y
avait appliqué ses principes de cité
linéaire. En élargissant la zone de
production centrale et en renonçant
aux maisons d’habitation construites
au fond de la vallée, il projeta la construction, sur les terrasses des pentes
exposées au sud, de six groupes de
buildings d’habitation. Le projet dépassant les possibilités économiques
de l’établissement BaÈa ne fut pas
réalisé, mais il ouvrit de nouvelles
possibilités de l’édification de la ville.
Les maisons familiales constituent
un des aspects importants du «phénomène Zlín» dans le domaine de la
construction de logements. La maison
BaÈa publia un concours international
Maisons gagnantes du Concours
BaÈa de Zlín, 1935.
de la maison familiale, précédé d’une
campagne publicitaire massive. Les
architectes de neuf pays présentèrent
289 projets. Les projets gagnants furent
réalisés dans la colonie pilote U lomu
qui devint ainsi une vitrine du niveau
de l’habitat de Zlín.
L
a construction du centre culturel fut inaugurée en 1933, mais le projet ne fut réalisé qu’en partie: le bâtiment du Mémorial et celui des deux
instituts d’études. Mais c’est le Mémorial de TomበBaÈa qui est l’oeuvre
la plus impressionnante et la plus
intéressante que Franti‰ek L. Gahura
réalisa à Zlín. C’est une paraphrase
moderne des monuments du gothique
rayonnant, car il n’est fait que d’un
système de contreforts et
de vitraux de couleur.
L’alliance de la charpente
en béton armé et du verre
en fait un manifeste de
l’architecture constructiviste. Cependant, c’est
l’immeuble administratif
de la maison BaÈa qui est
le chef-d’oeuvre de l’architecture constructiviste tchécoslovaque de l’entre-deux-guerres. La tour
de seize étages est haute de 77,5 mètres
et, avant la guerre, c’était le bâtiment
le plus haut de la Tchécoslovaquie.
Chaque niveau de dimensions 80 sur
20 mètres représente un bureau à
grande surface. Deux centaines de
personnes pouvaient travailler dans
cet espace ouvert qu’aucune paroi ne
divisait. Comme une perle technique
de cet immeuble est considéré le bureau-ascenseur du directeur de la
maison. Ce cabinet de travail climatisé, d’une superficie de 6 x 6 mètres
et équipé d’un lavabo, pouvait se déplacer d’un étage à l’autre. Oeuvre de
l’architecte Vladimír Karfík, la tour
est aujourd’hui classée monument
culturel national.
Radek VáÀa
Photos: archives de la rédaction, J. VaÀhara,
Archives régionales de Zlín.
9
Icône de Je‰tûd
L’émetteur de Je‰tûd avec hôtel
incorporé est probalement l’icône la
plus connue de l’architecture tchèque
de l’après-guerre. En 1969, l’Union
internationale des architectes honora
les auteurs de cette tour magique –
Karel Hubáãek, Zdenûk Zachafi
et Otakar Binar – de l’une des distinctions les plus prestigieuses: du
Prix Perret.
L
«
’oeuvre présentée mérite la distinction pour son intégration au paysage, pour son netteté et harmonie. Sa
forme et la finesse de son profil sont
en parfaite harmonie avec les exigences du fonctionnement. Des solutions
ingénieuses ont été apportées aussi
aux problèmes architectoniques,»
constata alors le jury spécialisé. Il y a
cinq ans, la tour de Karel Hubáãek –
qui est la seule chez nous à avoir reçu
le prestigieux prix Perret – fut élue par
le public tchèque Construction du
siècle. Les superlatifs pourraient continuer: «La construction de l’émetteur
de télévision est devenue symbole de
son époque (...). C’était le premier pas
fait dans notre chemin vers l’architecture technologique. La décennie ouverte
par la construction de Je‰tûd et terminée par le projet du Chalet tchèque
de SnûÏka, par Vokáã, donc la période
délimitée par ces deux pôles chronologiques et idéologiques, comprend toute
10
l’histoire de ‘notre machinisme’,» a écrit
Miroslav Masák de l’Association d’ingénieurs et d’architectes du pays de
Liberec (SIAL). Cet établissement de
projection indépendante, créé au moment «du dégel modéré» en 1969, était
une des rares niches au sein de l’industrie du bâtiment centralement dirigée.
Sous la direction de l’architecte Karel
Hubáãek, la SIAL est entrée dans la
légende de l’architecture tchèque.
L’association SIAL et la Maternelle
SIAL adjointe ont formé une partie
des créateurs de pointe de la branche:
Jifií Suchomel, Václav Králíãek, Emil
Emetteur de télévision et hôtel Je‰tûd,
photographiés par Jifií Jiroutek.
Pfiikryl, Maerin Rajnu‰, John Eisler, Miroslav Masák... Quant au ‘machinisme’, c’est un terme plutôt métaphorique et, dans l’architecture tchèque,
il ne désignait pas un courant solidement constitué: c’est avec la forme,
l’image de la machine que l’on l’associait. Philosophie du dynamisme, et
l’idée de l’architecture en tant que
conteneur de structures industrielles
reliées, de designs de machines, de
fusées, de rampes... tout cela entrait
dans le machinisme. Dans un entretien
avec Rostislav ·vácha, Karel Hubáãek a caractérisé la création de la
SIAL et de la Maternelle comme il
suit: «Ce n’est pas le machinisme que
je cherchais (...) Tout simplement, j’ai
eu l’idée que la tour de télé pourrait
prolonger la colline.»
Je‰tûd est une réalisation unique,
une tentative d’aller aussi loin que possible dans les conditions de l’architecture socialiste centralement dirigée.
Les complications liées à la réalisation
de ce bâtiment emblématique sont documentées par une lettre adressée, en
automne 1971, à Ludvík Svoboda, alors
président de la République, par l’architecte Karel Hubáãek et le superviseur
du chantier. Ils demandèrent au chef
de l’Etat d’aider à accélérer les travaux
qui traînaient. L’émetteur de Je‰tûd
n’était pas seulement une exception
architecturale de la production de
masse de l’époque; on y accordait aussi
Construction
du siècle
«La charpente est l’ossature de
l’ensemble et lui donne la liberté de
plan et l’ouverture de l’espace.»
Mies van den Rohe
(1886-1969)
architecte allemand
une attention particulière au design des
intérieurs de l’hôtel et de son équipement. C’est Karel Wünsch, designer de
verre, qui conçut les services de table
de l’hôtel, la céramique, les verres et
même les dessins de la lingerie pour
les chambres de l’hôtel.
L
a forme insolite de l’émetteur
de télévision rappelle une fusée sortant de la masse de la colline. De la
base jusqu’au sommet de la rallonge
d’antenne, la tour mesure 94 m. A
l’époque de sa construction, la conception technologique de la tour était bien
novatrice. En dehors de l’équipement
technique destiné à la transmission du
signal de radio et de télévision, elle
comporte des locaux prévus tant pour
les touristes ordinaires que pour les
invités exigeants. La tour comporte
donc un hôtel trois-étoiles avec trois
appartements et onze chambres à deux
lits. Sa capacité d’hébergement est
de 55 lits. Le restaurant a 140 places
assises, le café en a 80. Le thème des
vols cosmiques et la fascination par la
technique, propres aux années 60 du
siècle passé, ont marqué les plastiques
en verre de Stanislav Libensk˘, fixées
dans le cylindre du fuselage en béton
armé. A l’intérieur se sont conservées
les grilles repoussées du couloir, le
recouvrement céramique des murs et,
même, le mobilier et les luminaires
de certaines chambres. De l’équipement primitif du restaurant, dessiné
par Otakar Binar, il ne reste que
quelques chaises et fauteuils. Pendant
la reconstruction envisagée de l’hôtel,
l’exploitant actuel a l’intention de restaurer les intérieurs dans leur aspect
primitif. L’histoire de Je‰tûd a plusieurs couches. Toujours est-il qu’elle
est l’exception confirmant la règle:
celle de la piètre production des années
70 socialistes.
Radek VáÀa
Photos: Jifií Jiroutek, archives de la rédaction,
www.jested.cz, www.fenomenjested.cz
L’intérieur du restaurant représentait à son époque le luxe «socialiste» suprême.
11
Ostrava-Poruba.
Ostrava – SORELA
Les architectes socialistes qui, dans
les années 50, concevaient les maisons
d’habitation pour le pays d’Ostrava en
plein essor, répugnaient à construire les
maisons nouvelles dans le style «bourgeois» d’avant-guerre. Ils cherchaient
donc une autre inspiration et la trouvèrent
dans la Renaissance tchèque, entre autres.
Leur style était fondé sur l’idéologie du
socialisme déformée et, du point de vue
esthétique et idéologique, il représentait
«un pas en arrière». En dépit de cela, il
constitue un phénomène architectural spécifique du pays et il apporta un certain
esprit novateur dans «la mare» de l’architecture tchèque.
cialistes. Elle avait pour président l’architecte Jifií Kroha, auteur – entre autres –
d’immeubles d’habitation à Brno-Královo
pole (1946-1948) et aussi d’une cité d’habitation à Ostrava (1951). L’architecte
Kroha était sans conteste, de même que
beaucoup de ses compagnons, porteur
de tendances progressistes et sa création
exerça une influence décisive sur l’architecture de Brno de l’entre-deux-guerres
et sur son intégration dans le contexte
L
e style spécifique de l’architecture
Sorela nationale se caractérise par les
éléments décoratifs, tels que corniches,
frontons et sgraffites. Cependant, les
architectes de Sorela surent imposer des
solutions urbanistiques intemporelles,
plus humaines à de nombreux points
de vue que les constructions de panneaux
de la période suivante. On peut dire que
l’architecture Sorela des années cinquante
– aujourd’hui classée Monument protégé
– a marqué l’aspect de certaines villes
tchèques. Des ensembles marquants construits dans ce style se trouvent, par exemple,
à PlzeÀ, à Kladno, à Most et, bien entendu,
à Ostrava mentionnée ci-dessus.
Reculons de plusieurs décennies, en 1933,
où fut créée l’Union des architectes so-
européen. Après la signature des Accords
de Munich et la cession obligée de la région des Sudètes, c’est la rivière Oder qui
devint frontière avec l’Allemagne. La ville
d’Ostrava, ainsi que les communes de ses
environs, durent résoudre le problème des
réfugiés affluant des territoires frontaliers
tchécoslovaques occupés par la Pologne et
par l’Allemagne. Pendant la guerre furent
sérieusements endommagés, à Ostrava,
non seulement de nombreux bâtiments
industriels, mais aussi beaucoup d’immeubles d’habitation. Après la guerre –
dans les années 1949-1952 – fut créé à
Ostrava-Kunãice le grand complexe industriel – Usine métallurgique Klement
Gotwald. Suivit une grande affluence de la
main-d’oeuvre, ce qui exigea l’édification
de nouvelles cités d’habitation. Pendant
les décennies suivantes, celles-ci naquirent à Zábfieh, à Poruba et autres communes de la périphérie d’Ostrava. Le centre
de la ville, par contre, fut soumis à des
assainissement brutaux et se dégrada.
L’essor industriel d’Ostrava et l’édification des cités d’habitation dans le style
Sorela eurent pour conséquence l’annexion à la ville de communes environnantes
toujours nouvelles. En 1957, c’étaient
Poruba, Pustkovec, Svinov et Tfiebovice;
plus tard vint le tour d’autres.
12
Ostrava – quai de Poruba.
Socialisme
Il paraît que c’est Josef Havlíãek,
architecte et urbaniste tchèque et
membre du légendaire groupe Devûtsil, qui fut le premier à prononcer
(péjorativement et avec ironie) le
terme SORELA – formé à partir des
mots ‘SOcialiste’ et ‘REalisme’.
L’atmosphère pro-soviétique de l’aprèsguerre se fit sentir aussi dans l’architecture.
Le réalisme socialiste fut proclamé doctrine
artistique de l’Etat socialiste en construction. L’architecture Sorela d’Ostrava était
le style néoclassicisant des années 50 de
caractère monumental et ornamental (d’où
l’appelation ‘baroque de Staline’ dont on
le désigne parfois) ayant comme traits distinctifs la rupture avec le fonctionnalisme
et les tendances traditionnalistes. Parmi
ses principaux théoriciens et propagateurs
figure Jifií Kroha, bien que la plupart de
ses projets architecturaux ne furent pas
réalisés. Dans cette période, la création
devait être «socialiste par le contenu et
nationale par la forme». Ostrava était un
lieu privilégié où furent réalisées «les idées
maîtresses» du réalisme socialiste. Conformément au plan de développement élaboré par Vladimír Meduna, des quartiers
entiers furent construits dans le cadre du
premier plan quinquennal: Poruba, Havífiov,
Bûlsk˘ les. Quarante ans plus tard (en
1992), le centre de Havífiov fut classé zone
protégée. Il s’agit d’un complexe d’immeubles d’habitation délimité d’un côté par le
parc naturel Stromovka, de l’autre, il enjambe sur le quartier Luãina. Les groupes de
bâtiments sont conçus comme des ensembles presque clos avec des façades décorées
de compositions de formes historiques et de
sgraffites exaltant l’effort créateur.
En dehors des aspects idéologiques,
Sorela fit entrer dans l’architecture l’urbanisme de grande envergure. Ainsi le centre
de Poruba se compose de l’avenue principale Hlavní tfiída, de places spacieuses
et de surfaces vertes. Notons que, à toutes
les étapes de l’édification, on veilla à la préservation de surfaces vertes et à la plantation d’arbres pour aménager des parcs.
En essayant de porter un jugement sur
le réalisme socialiste, il faut séparer le
style architectural de son idéologisation.
Il apparaît alors comme un phénomène
d’affirmation d’une vague de traditionnalisme: ce n’était pas la première vague
d’historisme dans l’histoire de l’architecture, ni la dernière.
Par ailleurs, on ne devrait pas oublier
que les oeuvres architecturales du socialisme furent souvent réalisées grâce à la
souffrance et au travail servile des prisonniers politiques.
Radek VáÀa
Photos: Municipalité de la ville d’Ostrava,
archives de la rédaction.
13
La villa Müller
A l’époque de sa réalisation, cette
construction fonctionnaliste de PragueStfie‰ovice, due à Adolf Loos, était une
oeuvre insolite et pionnière. Cette maison
célèbre compte parmi les réalisations
les plus importantes de l’architecte dans
les pays tchèques.
L
a coopération de l’architecte Loos
avec les époux Müller en tant que bâtisseurs reposait sur la compréhension mutuelle et sur l’idée commune de l’oeuvre
architecturale intéressante. C’est grâce
à cela aussi qu’Adolf Loos créa la Villa
Müller comme une demeure multifonctionnelle et universelle en combinant de
façon originale sa fonction représentative
avec le respect du calme et de l’intimité
de la famille. C’est grâce à ces caractéristiques que la maison est entrée dans les
manuels de l’architecture. «Une maison
doit plaire à tout le monde. A l’inverse de
l’oeuvre d’art qui n’a pas besoin de plaire
14
à qui que ce soit. L’oeuvre d’art est l’affaire privée de l’artiste. La maison ne
l’est pas. L’oeuvre d’art est envoyée dans
le monde, sans que l’on en ait besoin. La
maison doit satisfaire un besoin déterminé.
L’oeuvre d’art n’a à rendre compte à personne, la maison à tout le monde. L’oeuvre
d’art veut déranger le confort des gens.
La maison est destinée à apporter le confort. L’oeuvre d’art est révolutionnaire, la
maison est conservatrice. L’homme aime
tout ce qui sert son confort. Il déteste tout
ce qui le dérange, tout ce qui l’arrache à
son état habituel et assuré. Il aime donc
la maison et il déteste l’art.» C’est ainsi
qu’en 1910, l’architecte Adolf Loos définissait le rapport entre l’art et l’architecture.
Franti‰ek Müller, entrepreneur en bâtiment
et copropriétaire de l’établissement Kapsa
& Müller, fit construire la maison pour
lui et pour sa femme Milada. Adolf Loos
avait une conception bien originale de
l’équipement de la maison et de la formation de son milieu intérieur: il dessina les
Habitat
«Le vrai architecte est conscient
tout d’abord de l’effet qu’il veut
obtenir. Ce n’est qu’ensuite que son
oeil spirituel lui fait voir les locaux
qu’il veut créer.»
Adolf Loos
(1870-1933)
dans le feuilleton «Das Prinzip
der Bekleidung»
intérieurs, les appareils d’éclairage y
compris, les meubles encastrés et une
partie du mobilier libre. Sa conception
du «Raumplan», l’austérité des façades et
l’élégance des intérieurs, voilà les principaux éléments qui font aujourd’hui l’admiration des partisans de l’architecture moderne du monde entier. La composition
de l’espace intérieur repose sur une idée
architecturale unique «exprimant, entre
autres, la façon dont Adolf Loos concevait
l’économie et la rationnalité. Il la fit valoir
aussi dans ses projets d’habitat social.
Le «Raumplan» consiste à échelonner la
hauteur des pièces selon leurs fonctions
et selon leur signification symbolique.
L’organisation et la division de l’espace
intérieur, la structure du «Raumplan»
sont perceptibles même de l’extérieur,
sur les murs et façades des maisons. Dans
les niveaux inférieurs, les plans verticaux
de murs extérieurs sans ornement tracent
le plan de la maison et ce n’est qu’aux
niveaux supérieurs qu’ils se décomposent
en plusieurs couches décalées les unes
par rapport aux autres en formant, par
exemple, le socle avancé de locaux au
sous-sol ou le balcon. Les façades de
maisons apparaissent donc comme une
structure de plans avancés et de plans reculés, respectant rigoureusement l’angle
droit et la ligne droite,» disent les auteurs
de la reconstruction de la Villa Müller. En
plus grand nombre possible de ménages
d’objets utilitaires parfaits; mais leur
fonction ne consiste jamais à inventer des
formes nouvelles.» Son éthique sociale et
sa création architecturale exceptionnelle
le classe parmi les plus grands architectes
du 20e siècle.
juin 1995, celle-ci est passée sous l’administration du Musée de la ville de Prague
et a été classée Monument culturel national.
Dans les années 1998-2000, a été réalisée
une vaste reconstruction de la maison et,
le 24 mai 2000, il y a eu l’inauguration
d’une exposition et du Centre Adolf Loos
d’étude et de documentation.
Dans son étude portant le titre Sur
l’ économie, Adolf Loos écrivit en 1934:
«La fonction des architectes consiste
à comprendre la profondeur de la vie, à
réfléchir sur ses besoins jusqu’aux conséquences extrêmes, à aider les personnes
économiquement faibles, à équiper le
Adolf Loos (1870-1933)
– architecte et théoricien, un des représentants les plus insignes de l’architecture
moderne. Morave d’origine, Adolf Loos
naquit à Brno où il vécut jusqu’à l’âge
de vingt ans. Il resta en contact avec sa
ville natale même à l’époque où il vivait
à Vienne. Dans son oeuvre théorique
et pratique, il élabora la conception de
l’architecture fonctionnaliste, dépourvue
de décoration qu’il considérait comme
superficielle et subjective. Parmi les importantes réalisations de Loos comptent
la Maison Steiner et les magasins Goldman et Salatsch à Vienne. Parmi ses constructions les plus insignes réalisées
dans l’esprit de «Raumplan», il faut citer
surtout la Villa Müller de Prague. Adolf
Loos est l’auteur de nombreux cafés
et de magasins de luxe, notamment à
Vienne, mais aussi de maisons d’habitation (à PlzeÀ, par exemple).
Radek VáÀa
Photos: www.mullerovavila.cz,
Musée de la ville de Prague.
15
Crématorium de Pardubice, architecte Pavel Janák, 1922-1923.
Deux faces du
cubisme tchèque
«Pendant les dernières années précédant la Première guerre mondiale,
Prague était une ville étrange: les avions
tournoyaient au-dessus de ses tours; dans
les banlieues, les usines fabriquaient les
locomotives les plus rapides de l’AutricheHongrie; les opérations financières des
banques pragoises s’étendaient jusqu’aux
Balkans, en Perse et en Egypte. Pour
élever les grands palais de commerce
au centre de la ville, les constructeurs
utilisaient les technologies les plus modernes du squelette en béton armé (...)
C’est l’époque où naquit la création la
plus curieuse et la plus originale du cubisme pragois – l’architecture cubiste.»
C’est en ces termes que l’insigne
théoricien Rostislav ·vácha commence
la monographie sur architecture cubiste
tchèque. L’étrange charme des maisons
et des palais de formes anguleuses
attire à Prague les architectes et les
touristes du monde entier.
La naissance de l’architecture cubiste
dans les pays tchèques est liée au caractère stimulant et tolérant de la vie
sociale et artistique de Prague dans les
années précédant la Première guerre
mondiale. La coexistence multiethnique
des Tchèques, des Juifs et des Allemands
constituait un milieu propice à la naissance d’un style artistique unique qui ne
manquait pas de points de contact avec
les courants artistiques européens, mais
qui arrivait à les dépasser de façon créatrice. Par l’attirance qu’ils éprouvaient
pour l’abstraction, les adeptes pragois
Maison de Vojtûch Fára à Pelhfiimov (détail de la
façade), architecte Pavel Janák, 1913-1914.
du cubisme pouvaient se sentir apparentés
tant avec les créateurs parisiens qu’avec
les architectes expressionistes berlinois
avec lesquels ils partageaient le penchant
pour la géométrisation. Parllèlement
avec ces liens mondiaux, ils ravivaient
la tradition architecturale locale du gothique tardif et du baroque du 18e siècle.
Les plans biaisés et obliques, les
lignes en zigzag et les volumes en forme de pyramides pointues apparurent
chez nous grâce aux architectes Pavel
Janák, Josef Goãár, Vlastislav Hofman
et Josef Chochol.
C’est Pavel Janák qui était le plus
méditatif du quatuor. Dans le texte intitulé «Prisme et pyramide», il justifia
le caractère dramatique des éléments
formels du nouveau style par l’image
de l’esprit créateur luttant avec la matière inerte. « L’esprit qui réfléchit et
qui sent aspire généralement à animer
et à éclairer la matière selon ses idées
(...) en taillant les angles et les arêtes,
en pénétrant dans la profondeur là où il
ne reconnaît pas la matière, ne la sent
pas (...)». A Prague, Janák ne trouva pas
16
Palais Adria, siège pragois de l’établissement financier Riunione Adriatica di Sicurità,
architecte Pavel Janák, 1922-1925.
Style
«Les villes et les villages tchèques
poussent, sans que l’on ait une forme
nationale à leur donner. Et pourtant:
il y a au-dessus de la terre tchèque un
grand air prêt à recevoir de nouvelles
formes puissantes. Qu’allons-nous
dresser dans cet air?»
Pavel Janák
architecte, revue Volné smûry
de commandes à son goût,
mais il réalisa plusieurs villas
cubisantes en province (Pelhfiimov, Jiãín) pour une clientèle d’intellectuels éclairés.
C’est dans la reconstruction
de la maison bourgeoise sur
la place prindipale de Pelhfiimov qu’il démontra de la façon la plus radicale les possibilités plastiques du style cubiste. Il couvrit le fronton de
la maison du dentiste Vojtûch
Fára d’une façade «sculpturalement» modelée qui donne
l’impression visuelle d’une
souple membrane en caoutchouc élastique.
Insigne architecte pragois, Josef Goãár trahit ses ambitions dès 1909 en
présentant son projet de l’achèvement
de l’Hôtel de ville de la Vieille ville de
Prague: il choqua les défenseurs du panorama historique de Prague. Une pyra-
mide colossale se dressant dans une
hauteur de 90 mètres témoignait d’une
fantaisie architecturale extraordinaire
tout en annonçant comment les jeunes
créateurs comptaient répondre au défi
des styles anciens. Paradoxalement,
c’était Goãár qui devait brillamment ré-
ussir à intégrer les constructions cubistes dans l’architecture historique des villes
anciennes. Tout-à-fait impressionnante est la façon dont il
sut le faire lors de la réalisation, en 1912, du grand magasin U âerné Matky BoÏí
(= A la Madone noire) de la
place Ovocn˘ trh, à Prague.
L’austère carcasse en béton
armé de ce palais marchand
(dont le nom vient de la statue de la Madone installée à
l’angle de la maison du coin
de la rue) est affinée par de
nombreux détails splendides
et surmontée d’un toit mansardé avec
une telle maîtrise que le bâtiment moderne s’intègre tout naturellement dans
le milieu fait de maisons gothiques et
baroques du voisinage. Un autre projet
important de Goãár fut réalisé à Bohdaneã, petite ville balnéaire en Bohême
Maison à la Vierge noire, Prague – place Ovocn˘ trh, architecte Josef Goãár, 1912.
17
Maison de bains à Bohdaneã, architecte Josef Goãár, 1912-1913.
orientale. Il est l’auteur du nouveau
bâtiment de bains que l’on y construisit
dans les années 1912-1913. La colonnade qui occupe le rez-de-chaussée de
l’immeuble s’ouvre sur le parc environnant par des fenêtres en cintre brisé,
dont les frêles croisées ont la forme de
squelettes de poisson.
Goãár avait la facilité de marier les
acquis architecturaux modernes avec
l’architecture traditionnelle. C’était là
un trait constant de son travail que l’écrivain Karel âapek saisit en disant:
«c’est de l’architecture difficile dont
l’esprit monumental, mais pas la forme,
se rapproche des styles classiques.» Si,
parmi les styles anciens, Pavel Janák
admirait le baroque, Josef Goãár ne cachait jamais sa vive sympathie pour le
classicisme et l’empire. Pour reprendre
les paroles de l’écrivain Franti‰ek Langr,
il était «d’une élégance seigneuriale,
pondéré et discipliné».
Vlastislav Hofman avait le renom du
«plus obstiné» des cubistes et il était
attiré par la spiritualité mystique du
moyen âge et par le caractère abstrait
des styles orientaux. Son inclination
pour le style anguleux apparaît le plus
clairement dans ses plans d’aménagement du cimetière du quartier de ëáblice, à Prague. Le compliqué plan coudé
du bâtiment de dépôt mortuaire, ainsi
que les deux kiosques aux coupoles
en béton armé à l’entrée de l’enceinte,
peuvent être interprêtés comme de remarquables variations de chapelles
centrales gothiques. Dans les années
1914-1915, Hofman a élaboré un projet
hardi de la reconstruction de la forteresse
de Vy‰ehrad, à Prague, où la morphologie cubiste devait être appliquée à une
échelle monumentale et urbanistique.
Bien que le vaste projet de Hofman
n’ait pas été réalisé, on trouve de nettes
traces de l’esthétique cubiste au pied de
la colline de Vy‰ehrad dans quelques
maisons construites selon les projets
de l’architecte Josef Chochol. C’est la
maison de rapport de la rue Neklanova,
réalisée dans les années 1913-1914, qui
représente l’application la plus conséquente de l’idéal cubiste. Sa façade
coudée a l’air d’un plissé accordéon et
la colonne élancée de l’angle fait penser
aux piliers gothiques tardifs.
La maison familiale construite pour
l’architecte Bedfiich Kovafioviã, une
autre réalisation de Chochol, présente
un autre exemple de variation de formes géométriques. Le plan polygonal
du jardin, la clôture aux colonnettes
18
Immeuble de la banque Legiobanka à Prague, rue Na pofiíãí, architecte Josef Goãár, 1922-1923.
Maison familiale de Bedfiich Kovafioviã à Prague, rue Libu‰ina,
architecte Josef Chochol, 1922-1924.
aguleuses incurvées, la section de la
porte – tout trahit la volonté de renouer
avec le génie premier baroque des fortifications de la citadelle de Vy‰ehrad.
Les cubistes étaient assez nombreux
et il y en a qui sont tombés dans l’oubli.
Parmi ces créateurs semi-oubliés compte
Emil Králíãek dont l’élégante écriture
plastique marqua, entre autres, le remarquable lampadaire qui se trouve dans
un recoin de la place Jungmannovo námûstí à Prague.
L’élan nationaliste qui s’empara de
la société tchèque dans les années de
la Première guerre mondiale se traduisit par le désir d’exprimer l’identité nationale par des moyens compréhensibles aux couches les plus larges
de la population. On se mit à chercher
un style architectural typiquement national. Le cubisme dans sa version
d’avant-guerre était en train de perdre
ses adeptes: les arêtes et les biais cédaient le pas au cylindre, au cercle et
ses secteurs. L’historien de l’art V.V.
·tech qualifia le nouveau style de l’art
tchèque moderne comme ornamental,
lyrique et idéalisant la tradition de
l’art populaire.
Parmi les premiers qui mirent à
l’épreuve l’efficacité du style national
nouveau figurait Josef Goãár qui imprima un esprit folklorique au pavillon
en bois représentant la République
tchécoslovaque à la foire de Lyon en
1919. Un peu plus tard, il appliqua
ce cubisme à arceaux (appelé aussi
«rondocubisme») à une échelle monumentale sur la façade robuste de la
banque Legiobanka à Prague, rue Na
pofiíãí (1922-1923). Pavel Janák se convertit lui aussi à ce cubisme décoratif
qui était en vogue et qui utilisait abondamment les couleurs rouge-bleueblanche de la tricolore tchécoslovaque.
Une mention particulière méritent deux
de ses réalisations importantes. La première est le crématorium de Pardubice
(1922-1923). Dans ce bâtiment, Janák
mit à l’épreuve la pertinence du cubisme à arceaux, style de vitalité et d’optimisme, dans un milieu porté à l’expression pathétique de sentiments tragiques.
La décoration, due au peintre Franti‰ek
Kysela, est inspiré par la mythologie
slave. Aujourd’hui encore le bâtiment
a le don de surprendre les visiteurs par
sa bizarrerie. La deuxième grande réalisation de Janák, c’est l’immeuble de
l’établissement financier pragois Riunione Adriatica di Sicurtà (1922-1925).
Cette variation réussie sur le thème de
palais Renaissance italien a une façade
décorée d’un riche relief plastique où
le rondocubisme doux se combine avec
l’Art déco, style international.
Dans les années 20, le rondocubisme
national perd haleine peu à peu et, bientôt,
il est remplacé par des styles plus efficaces et technologiquement plus avancés:
par le purisme et le fonctionnalisme.
L’architecture cubiste tchèque représente une contribution isolée à l’histoire millénaire des styles architecturaux.
Elle a deux visages: l’un est novateur,
l’autre traditionnaliste; elle est vision-
Maison de rapport de la rue Neklanova, à Prague,
architecte Josef Chochol, 1913-1914.
naire et anachronique à la fois. Elle témoigne toujours de l’esprit pénétrant et
de l’imagination géniale de ceux qui
l’avaient créée. L’essayiste Josef Kroutvor a fait remarquer que les réalisations
du cubisme tchèque étaient nées à la
même époque et des mêmes impulsions
que les romans et contes de Franz Kafka. Les deux ont en commun «les arêtes
blessantes dues à l’intersection des
deux univers: elles marquent le conflit
de l’âme humaine et de la vision personnelle avec la géométrie impersonnelle et ses lois.»
Pavel Panoch
Photos: Pavel Panoch, archives
de la rédaction
Lampadaire de la place Jungmannovo námûstí,
à Prague, 1913. Arch. Emil Králíãek.
19
20
Phénomène
Genius loci
Les ateliers Cigler Marani Architects
et DUA sont sortis victorieux du concours architectural pour l’aspect futur de
la place Václavské námûstí. Selon leur
conception, la plus célèbre place du pays
devrait voir revenir peu à peu les tramways, de nombreux arbres qui y seraient
plantés dans l’avenir et de larges trottoirs
qui y seraient aménagés en respectant
la mosaïque primitive du pavé et en
gardant les blocs de granit massif. La
place sera équipée d’un système d’éclairage public unifié et de kiosques à
rafraîchissements ouverts et en toutes
directions. Le nouveau plan obéit au
principe médiéval du réseau de rues
primitif mesuré en multiples du «cordon
de pays» – 30,794 m.
Le projet envisage l’élimination
presque complète du stationnement (il y
aurait des garages souterrains), la place
ne devant garder que les postes de stationnement pour le service de taxis et
pour les invalides.
Selon les auteurs du projet, il s’agit
«de rendre à cet espace son rôle d’un
important boulevard européen débordant de vie».
Photos: Cigler Marani Architects
21
Orgie de chalets
L’artiste Veronika Zapletalová (34) a promené
à travers le monde entier son ensemble photographique présentant des perles du bricolage
tchèque, c’est-à-dire de fermettes et de chalets.
Pour réaliser son projet Passion des chalets,
elle a parcouru tout le pays et a photographié
quelques centaines de fermettes, de chalets et
de cabanes de jardin et elle a présenté l’ensemble de photos choisis dans une tournée d’expositions allant de Sao Paulo du Brésil, à travers
New York jusqu’en Israël. A l’heure actuelle,
elle prépare un livre à ce sujet. En voyageant
ainsi à travers le monde, Veronika a constaté
que le phénomène «chaletier tchèque» n’a son
pareil en aucun pays. «Les Anglais ont été
déconcertés par l’absence de l’espace privé
dans les colonies de chalets; les étudiants newyorkais étaient ravis de l’expression intuitive
de gens simples réagissant sur les contraintes
de leur temps». Devant les immenses archives
de l’artiste, une question s’impose: Qui est, au
fait, le «chaletier» tchèque?
Veronika Zapletalová, sculpteur de son
état, qualifie ces constructions de «rêves matérialisés», «témoignages sur l’époque» ou de
«oeuvres sculpturales dans le paysage». A son
avis, elles présentent des différences sensibles
selon les régions.
22
«Dans la Bohême du Sud, on voit beaucoup de
cabanes faites de poutres qui trahissent l’influence du romantisme de campeurs et des westerns
d’avant-guerre. Aux environs de Hradec Králové, ce sont de petites villas en bois avec des
terasses vitrées qui, en dépit de leurs dimensions
modestes, veulent avoir un air monumental: on
y sent l’influence de l’excellente architecture
réalisée dans la région, dans la période entre
deux guerres, par les créateurs tels que Goãár
ou Kotûra. Le pays d’Ostrava, par contre, est
marqué surtout par l’architecture socialiste.»
Les premières colonies de chalets apparurent dans les années de la Première république
(1918-1938) sous l’influence du woodcraft
– mode de vie des trappeurs et campeurs. Cependant, c’est dans la période du «socialisme
réel» qu’elles connurent un véritable boom.
C’était l’époque où, selon le mot du théoricien
d’architecture Vladimír Czumalo, les colonies
de chalets connurent des «orgies de construction,
d’améliorations et d’agrandissements».
Bricolage et improvisation
C’est que la plupart des «chaletiers» trouvaient dans leurs chalets ou fermettes l’occasion
de se réaliser – dont il manquaient dans la vie de
tous les jours et dans leur profession. Ils s’adonnèrent donc au bricolage et «les Tchèques aux
petites mains d’or» pouvaient s’éclater: leur fameux talent d’improvisation put s’épanouir.
«Le chalet m’a appris que tout pouvait servir, absolument tout. Tenez: c’est avec de vieux
bois de lit que j’ai fabriqué mon escalier,» dit
avec fierté Vladimír Bár qui passe ses weekends dans la colonie Údolí návratÛ (=vallée du
retour), près de Vla‰im.
1
2
3
4
5
Société
«Comme si la profession d’architecte était un métier toléré dont on ne
sait pas, au fond, pourquoi il existe,
notamment dans une société comportant un si grand nombre d’adroits
constructeurs débrouillards de chalets
et fermettes de week-end.»
Pavel Pelãák
(*1963)
architecte et théoricien de l’architecture
6
Selon Daniel Ziss, auteur du texte d’accompagnement dans le catalogue de l’exposition de Veronika Zapletalová, beaucoup de
chaletiers sont – sans s’en douter – représentants de différents courants artistiques, considérés comme progressifs à l’heure actuelle.
Prenons par exemple la baraque de planches
encastrée dans un rocher (l’artiste l’a photographiée dans le pays de Kokofiín); c’est du
pur land art (= art planté dans le paysage).
Le chalet revêtu de lames de parquet représente le style arte povera (=art utilisant des
matériaux dépréciés mis au rebut). Le chalet
aménagé dans un tonneau, c’est du ready
made: un objet destiné à un usage déterminé
prend tout d’un coup une fonction toute différente. Très souvent, les propriétaires de chalets
sont adeptes du postmodernisme et mélangent
les styles divers: par exemple, en entourant
de totems indiens un chalet inspiré par l’architecture paysanne tchèque.
« Les gens avaient un potentiel créateur,
mais ils n’avaient pas la moindre possibilité
de le faire valoir. Comme il n’y avait où acheter
les choses nécessaires, on en chipait,» note
la géographe sociale Dana Fialová, co-auteur
de l’étude intitulée Résidence secondaire
en Tchéquie, parue en 2001.
Le caractère austère, fonctionnel et poétique
dans une certaine mesure est décrit dans le
7
livre pour enfants Bel été dans le Chalet de
l’aigle, par Vladimír Thiele. La description
donne l’impression de présenter la manie
chaletière des années 70: «Ce qu’il pouvait
être beau notre chalet fait de poutres! La rocaille, le totem, la véranda minuscule, le petit
balcon, le mât avec le fanion, le foyer et tout
le reste...Sur la véranda, une petite table où
l’on prenait les repas et de petites chaises en
bois de bouleau... Ce chalet a été construit
avec un grand amour, dit papa, quelqu’un s’en
est donné à coeur joie. C’est aussi mon avis, dit
grand’maman. C’était un inventeur, peut-être.
Ou alors, il était amoureux..., dit maman,
tandis que nous, Pierre et moi, nous savons
que celui qui nous a vendu le chalet devait
certainement être un indien déguisé.»
A l’heure actuelle, on entend des voix qui
condamnent le goût des chalets. Dans l’étude
parue dans le périodique ERA 21, le théoricien
Vladimír Czumalo affirme que «de par sa substance même, le chalet de repos est écoeurant
et, bien que servant au séjour dans la nature
et aux contacts les plus étroits avec elle, il y
apparaît presque toujours comme un élément
dérangeant»; il ajoute que les colonies de
chalets se caractérisent «par la capacité prodigieuse de prolifération cancéreuse et par
celle d’abîmer avec certitude n’importe quel
site». La sociologue Hana Librová considère,
par contre, que le goût des chalets présente
en prépondérance des aspects positifs. «Parler
des chalets comme d’une tumeur du paysage,
c’est employer une expression trop forte.
Quant à moi, je m’attacherais plutôt au charme
de leur caractère pittoresque et varié. Certains
intellectuels adoptent envers les chalets une
attitude méprisante en négligeant leurs aspects
positifs certains, tel le contact avec la nature
moyennant le jardinage.» Veronika Zapletalová rappelle, quant à elle, que «les chalets
abîment le paysage beaucoup moins que les
bâtiments commerciaux qui poussent actuellement autour de nos villes, que les cités satellites et la construction des routes».
23
9
Peu de place?
La sociologue Jana Dufková examine,
elle, les paradoxes caractéristiques des séjours
dans les chalets. «En dépit des déclarations
que, au moins pendant le week-end, nous
voulons nous rapprocher de la nature, à peine
arrivés dans notre résidence secondaire, nous
branchons le frigo, regardons la télé ou bétonnons les petits chemins du jardin,» dit-elle
dans son article du périodique Pfiítomnost.
Pour les week-ends et pendant les vacances,
les citadins fuient le chaos et le vacarme pour
trouver la tranquilité et le repos dans leur
chalet. Cependant, ils y plongent souvent dans
plus de vacarme et de nervosité. Grâce à la
popularité générale dont jouissent les séjours
au chalet, la densité de la population dans
certaines colonies s’est rapprochée de celle des
bidonvilles du tiers monde. L’espace couvert
étant limité et le chalet accueillant pour le
8
week-end plusieurs générations de la famille
à la fois, sans parler de copains, le rêve de
tranquilité s’évanouit bien vite. De chez le
voisin de gauche qui a collé son nouveau
chalet contre le vôtre, on entend depuis le
matin le hurlement de la scie circulaire; chez
le voisin de droite, une radio enrouée joue à
plein régime. Même s’il arrive que, par hasard,
le bruit cesse, il n’est pas question de parler
de choses de famille, car chez vos voisins on
entend chaque mot.
10
La vie y était belle
11
24
12
Malgré tout cela, la plupart des chaletiers
ne permettent pas que l’on touche à cette
façon d’occuper les loisirs. «La vie y était
toujours belle,» se souvient le frais retraité
Vladimír Bár des week-ends et des vacances
passés dans la colonie de la Vallée du retour..
«Cela a été l’évasion – de la profession, de la
réalité de l’époque – et aujourd’hui c’est tout
simplement la meilleure des relaxations,»
affirme M. Bár, musicien de son métier qui
a travaillé ensuite à la Radio comme respon-
13
Les photos font partie du vaste ensemble de V. Zapletalová, appelé Passion de chalets. Les éditions ERA
viennent de publier un livre à son sujet. Pour plus
d’information www.zapletalova.com
1. La photographe Veronika Zapletalová.
2. L’influence de l’architecture de la Première république.
Slapy, Cholín.
3. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – âesk˘ ráj, Prachovské skály, Javornická horka.
4. La période de 1945 à 1989. âelákovice.
5. L’influence de l’architecture de la Première république.
Hradec Králové, ·tûnkov, rives de l’Orlice.
6. La période de 1945 à 1989. Louny, M‰ec.
7. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – Sázava, Pfiívlaky, rives de la Sázava.
8. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – Slapy, Cholín.
9. Colonies de campeurs – Stará Boleslav, Káran˘, rives
de la Jizera, colonie Arado.
10. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – Slapy, Cholín.
11. La période de 1945 à 1989. JindfiichÛv Hradec, ZvÛle.
12. La période de 1945 à 1989. Hradec Králové, ·tûnkov,
rives de l’Orlice.
13. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – Bene‰ov, Pofiíãí nad Sázavou, Mûsíãní údolí.
14. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats,
etc.) – Slapy, Cholín.
15. La période de 1945 à 1979. Slapy, Cholín.
sable de répertoire. «On y était toujours
une bonne compagnie qui n’arrêtait pas de
monter des blagues.»
Cependant, on observe un autre paradoxe
chez les amateurs de la vie de chalet. C’est
que les gens qui, désirant s’évader hors de la
portée des comités de parti de leur rue jadis
et, aujourd’hui, hors de celle de leurs managers, élisaient et élisent toujours des comités
de colonie et leurs chefs. «Depuis toujours on
y a notre shérif,» dit M. Bár. Ajoutons que les
pouvoirs des comités de colonie sont considérables: ce sont eux qui décident qui sera
ou ne sera pas admis dans la colonie.
«Les cabanes en bois, les latrines en bois...
Il ne manque que le sifflet pour que l’on voie
s’opérer le retour au campement de notre
enfance,» note l’écologiste social Bohuslav
BlaÏek (décédé depuis peu) dans l’essai
qu’il a publié au sujet des chalets dans le
périodique Pfiítomnost. Il rappelle en même
temps que l’amour des chalets était aussi une
sorte d’alternative non criticable, une évasion
ou même une sorte de protestation contre
le régime en place.
Une des raisons qui ont motivé Veronika
Zapletalová à photographier les chalets et
fermettes des pays tchèques, c’était sa peur
de voir disparaître ce phénomène unique,
de le voir céder aux pressions de l’époque
contemporaine. «Je croyais que les gens
renonceraient à leurs chalets bricolés et
qu’ils se mettraient à bâtir dans le style du
baroque d’entrepreneurs. Cependant, il est
apparu que tout le monde ne le trouvait pas
à son goût ou n’avait pas assez d’argent
et que, donc, le chaletier tchèque vivra.»
Chez la professeur Librová, la vision optimiste de l’avenir de homo chaletier s’appuie
à d’autres considérations encore: «Etant
donné le caractère du travail moderne, il est
rare que l’on voie les résultats concrets et
le sens de ce que l’on fait. C’est pour cette
raison que le bricolage au chalet où, tout
le temps, on crée de ses mains quelque chose
de concret, jouit toujours d’une popularité
aussi grande.»
14
Vladimír ·evela
journal Lidové noviny
15
25
Du sang jeune
Arrivée de la nouvelle génération d’architectes
Quel est le paysage actuel de l’architecture en République tchèque?
Impossible de ne pas remarquer la génération d’architectes âgés de trentecinq ans qui demandent la parole.
Ils ont du succès, ils ont des idées et
leurs travaux sont tout-à-fait comparables avec ceux de leurs homologues
européens.
La place publique et les cubes
C’est le cas du trio d’architectes
associés, depuis 1998, dans le studio
H·H architekti: Petr Hájek, Tomá‰
Hradeãn˘ et Jan ·épka. Ils ont attiré
l’attention par l’exposition Prostorov˘
dÛm (=maison-espace) explorant les possibilités de
différentes conceptions de
l’espace. L’exposition a
remporté du succès non
seulement à Prague, mais
encore à Liberec, à Cheb, à
Brno, à Budapest et à Oslo.
Le but du projet consistait
à s’adresser au vaste public
et à exposer de façon accessible les problèmes théoriques de l’architecture en
26
présentant six études concrètes de
maison-espace, dues aux architectes
Petr Burian, Petr Hájek, TomበHradeãn˘ et Jan ·épka. Leur projet d’aménagement de la place principale d’Olomouc a eu un grand retentissement,
bien que l’on n’ait pas été toujours
d’accord avec leur conception. Toujours est-il que leur projet de revitalisation de la place a fini par être réalisé. Par la suite, la reconstruction
de la place Horní námûstí à Olomouc
a remporté la mention honorifique du
Prix Piranesi européen. Le trio H·H a
«Cest sur une civilisation de figurines architecturales
que je suis tombé...» dit Svatopluk Sládeãek.
Chalet Doubravka – centre de formation Outward Bound âR.
projeté aussi l’aménagement du dallage au Château de Prague, celui d’une
partie du Musée archiépiscopal d’Olomouc et, il y a un an et demi, la très
discutée maison familiale de Beroun.
Cette réalisation du studio n’est pas
une maison classique surmontée d’un
toit en dos d’âne, à laquelle on s’attendrait dans la localité, mais une
structure spatiale. Une sorte de grille
composée de 24 cubes dont chacun représente un élément indépendant. Les
fonctions de différents cubes sont décidées selon les besoins. La maison n’a
pas de façade principale, pas d’hiérarchie: toutes ses parties sont assemblées
selon le même système. Le minimalisme
de H·H va jusqu’au bout:
s’il a exaspéré les uns, les
autres ont été captivés par
son caractère novateur. «Il
suffit que l’architecte définisse le réseau spatial de
base dans lequel seront ensuite inscrites et modelées
les pièces en coopération
avec le client,» expliquent
les auteurs leur conception
des structures spatiales de
la maison familiale.
Architecture
nouvelle
Villa de KromûfiíÏ, arch. Sládeãek.
«Je suppose qu’une oeuvre architecturale découvre chaque fois une
partie nouvelle, cachée ou perdue de
l’espace infini.»
Svatopluk Sládeãek
(*1969)
architecte
Architecte figuratif
Svatopluk Sládeãek (*1969), architecte et designer travaillant à Zlín et à
Brno, est un autre membre de la génération d’architectes montante. Depuis
1995 il dirige son atelier New Work,
à Zlín tout d’abord et, actuellement,
à Brno. Ses réalisations sont appréciées et elles occupent une place remarquée dans le paysage de l’architecture
tchèque de ces dernières années. Auteur
de nombreuses maisons familiales,
propagateur des constructions en bois
et personnalité marquante qui a son
style propre, Sládeãek a présenté dans
l’exposition organisée en 2004 sa conception originale de «l’architecture figurative». Ayant une vision du monde
poétique, il cherche les racines de la
profession d’architecte dans le métier
et dans l’exécution technique. «L’architecte peut inscrire dans une maison
un poème, il peut faire un nouveau
examen de l’espace. Et sa construction devrait contenir les conclusions
de cet examen. L’architecte peut donc
se faire valoir dans les rouages de l’édification, bien que ces rouages n’ont
souvent aucun besoin de lui; ou ne veu-
Intérieurs de la villa de KromûfiíÏ.
lent pas de lui parce qu’il les gène.
Mais c’est là un mode d’existence possible de l’architecture,» dit-il en parlant du rôle de l’architecte contemporain. Dans le milieu tchèque, la conception de l’architecture figurative
représente une diversion rafraîchissante et agréable. Comment la définit-il,
au fait? «Je me suis un peu joué de la
grandiloquence de nos constructions.
C’est ainsi que sont nés les modèles
de maisons et leurs noms. Je crois que
l’architecture, nous ne la créons guère
plus, on la met plutôt à notre disposition,» ajoute Svatopluk Sládeãek.
Atelier 69: remixages
Ayant terminé l’Ecole des Hautes
Etudes Techniques de Prague, ces
architectes, originaires de Franti‰kovy
Láznû et de Liberec, ont installé leur
Atelier 69 (A69) à Cheb. En Bohême
occidentale, ils recevaient des commandes importantes dont ils n’auraient pas pu rêver à Prague où la
concurrence est bien âpre. L’atelier de
Cheb a fait parler de lui il y a six ans,
où il a reçu deux distinctions honorifiques de la Chambre des architectes
dans le cadre du concours pour le
Grand Prix. Les associés ont été récompensés pour la réalisation du corridor de jonction de la maison balnéaire de Franti‰kovy Láznû et pour la
reconstruction de la rue Anglická dans
la même ville. Il y a deux ans, ils ont
terminé la construction de Villa Park
Strahov, vaste ensemble d’habitation
considéré comme une réalisation réussie. Leur Sanatorium du Dr. Peták, de
Franti‰kovy Láznû, a eu la nomination
pour le prestigieux Prix Mies van der
Rohe. Cependant, «Nul n’est prophète
dans son pays,» disent Boris Redãenkov, Prokop Tomá‰ek et Jarosalav
Wertig de l’A69. A l’avis de nombreux
spécialistes, leur conception de l’architecture et leur façon de penser sont
exceptionnelles. Chacun de leurs pro-
27
Villa Park Strahov, Prague. Ateliér 69.
jets est marqué d’originalité, ils regardent chaque nouveau projet avec
des yeux nouveaux. L’idée de base
est toujours simple. Il s’agit le plus
souvent d’un principe connu «remixé», selon l’expression des trois architectes, en forme actuelle. Aussi,
leur exposition organisée récemment
dans la Galerie Jaroslav Frágner, à
Prague, portait-elle le titre «Remixages». «Nous sentons l’esprit du temps
et celui-ci doit marquer ce que nous
faisons,» affirment-ils.«Quelquefois,
ce ne sont que des allusions, quelquefois une sorte de fondement commun.
Quelquefois il arrive même qu’il y ait
une ressemblance formelle...» La conception de l’exposition de l’A69 était
originale elle aussi. La présentation
s’articulait en sept installations assez
autonomes qui illustraient les principes de base de réalisations concrètes
de l’atelier. Bien que Jaroslav Wertig
dise avoir horreur de l’étiquette «jeunes
et prometteurs», il n’y a pas de doute
que lui et ses associés font partie de la
forte genération qui promet.
Villa Park Strahov, Prague. Intérieur. Ateliér 69
(réalisation du projet qui a gagné le concours
d’architecture, 1999-2001).
Design de Mimolimit
Dans le domaine du design et de
l’architecture d’intérieur, il serait difficile à l’heure actuelle de trouver
dans les pays tchèques une marque
plus renommée et plus respectée que
celle de Mimolimit de Prague. L’atelier de Bára ·korpilová et de Jan
Nedvûd attire l’attention du vaste public, des médias et des collègues architectes, et cela se comprend. Dans
l’espace de quelques années, l’atelier
a su élaborer un style original et
identifiable. Jouant sur l’atmosphère
douillette et accueillante, ses chefs
comptent parmi les meilleurs architectes de cafés et de restaurants. L’atelier
Mimolimit utilise un certain nombre
d’éléments d’intérieur caractéristiques, repris aujourd’hui par d’autres
ateliers. L’expression esthétique claire
et marquée de cet atelier, dont l’activité ne dure pourtant que dix ans à
peine, trouve des imitateurs. En faisant le tour de plusieurs intérieurs
d’hôtel et de restaurant, que Mimolimit a créés à Prague et ailleurs, on
se rend facilement compte pourquoi il
en est ainsi.
28
Villa Park Strahov (arrière-corps), Prague. Ateliér 69.
affirment Pavel Nasadil, Jifií Bíza, Jan
Hork˘ et TomበStraka, associés dans
l’atelier FAM. Parmi les autres études
d’architecte moraves, rappelons l’Atelier Wittassek, fondé il y a huit ans,
ou le tandem Radovan Schaufler et
Jakub Roskovec qui réalise d’intéressants projets surtout pour ce qui est
de la construction de maisons familiales et de l’aménagement des intérieurs. Il n’est pas possible, bien entendu, de mentionner tous les architectes
compétents et talentueux et leur ateliers. Il est évident, de toute façon, qu’après les décennies de l’hégémonie
Maison Plot, Cheb 2005.
Les créations de Bára ·korpilová
et de son atelier sont reconnaissables,
entre autres, aux compositions de
fleurs sèches et à l’utilisation de plantes ligneuses exotiques. ·korpilová et
Nedvûd ont été les premiers chez
nous à s’en servir de cette façon très
originale. A l’heure actuelle, tout le
monde les utilise, et non seulement
pour les intérieurs de cafés. Chez
Mimolimit on apprécie notamment
le sens, du détail, de la couleur et de
la lumière et, surtout, l’atmosphère
agréable et accueillante.
Les nouveaux qui viennent
En dehors des architectes nommés
ci-dessus et, dorénavant, bien en place,
il y a naturellement d’autres ateliers
et créateurs individuels qui apparaissent dans le paysage d’architecture
tchèque. Ceux qui, il y a quelques
années, étaient considérés comme
«jeunes et prometteurs», ont aujourd’hui leurs ateliers et ce sont des diplômés tout frais qui viennent prendre
leur place. Très certainement, on va
entendre parler de l’ atelier ATX de
Brno, créé en 2001 par trois architectes-anciens camarades d’études à la
faculté d’architecture de l’Ecole des
Hautes Etudes Techniques de Brno:
Rostislav Jakubec (1971), Zdenûk Fichler (1972) et TomበBeránek (1972).
Le jeune atelier FAM ARCHITEKTI, fondé tout récemment, a été créé
lui aussi immédiatement après que
deux des membres fondateurs avaient
terminé l’ Ecole d’architecture près
l’Ecole supérieure des beaux-arts.
«Nous n’avons pas de credo établi,
de principes constants. Il n’y a que
l’emplacement, la construction, le
client et la volonté de créer. Et la responsabilité. Chaque concept nouveau
nous fait évoluer, avancer d’un pas. Il
n’y a pas de solutions automatiques,»
socialiste des instituts de projets de
district et régionaux où l’on «faisait
des maisons», les jeunes architectes
réusissent aujourd’hui à faire valoir
leurs opinions souvent peu conformistes. Ainsi par exemple les Ingénieurs volants (Havlíãek, Magnusek, Nov˘, Mihalãík, Havlíãková et
âech) présentent leurs maisons comme
des «constructions d’un matérialisme
mystique, constructions ascétiques ou
pleines d’enjouement, constructions
érotiques, animales ou végétales, comme
osées ou sérieuses.» Et ils prêchent
«l’architecture en attaque».
David Wittassek confirme l’élan
montant de l’architecture tchèque.
Dans l’enquête publiée dans le périodique Archiweb, il a désigné comme
l’événement majeur de l’année l’accroissement du nombre de réalisations remarquables que les auteurs
tchèques présentent chaque année au
concours pour le Grand Prix de l’Ordre
des architectes.
Radek VáÀa
Photos: Filip ·lapal, Pavel ·techa, TOAST,
Rudolf âervenka et archives des ateliers,
www.newwork.cz; www.atelier69.cz
29
Canada Water Bus Station – station de métro et d’autobus,
Londres – Rotherhithe, réalisée en 1999.
Le minimalisme
poétique d’Eva Jifiiãná
Eva Jifiiãná est une architecte
appréciée d’origine tchèque qui vit
à Londres depuis plus de trente ans.
Parmi les travaux de son atelier Eva
Jiricna Associated Limited (EJAL),
il y a des intérieurs de boutiques de
mode, des appartements privés, mais
aussi l’Orangerie du Château de Prague ou le design de l’Hôtel Joseph.
Lignes de lumière
Le théoricien de l’architecture Petr Kratochvíl
qualifie la création d’Eva
Jifiiãná comme un «minimalisme poétique» et il
constate que le trait principal de ses réalisations
est sa façon d’utiliser la
lumière. Dans les locaux
commerciaux, le rôle de
la lumière est primordial:
elle oriente et, en même
temps, elle attire et elle
entraîne à l’achat. Dans
ce domaine, le renom
d’Eva Jifiiãná est bien établi, de même
que dans celui des escaliers à construction bien élaborée.
Les escaliers et le verre combiné
avec l’acier, dont elle se sert pour les
réaliser, sont très caractéristiques de
son architecture; ils sont littéralement
ses traits distinctifs, éléments fondamentaux de son style. Ils constituent
les fines structures techniques et les
motifs gracieux qui distinguent ses
intérieurs de ceux des
autres. «L’architecture
moderne en Grande Bretagne a été considérablement enrichie par la création d’architectes pleins
d’élan venus sur cette île
très conservatrice avec
la tête bourrée d’idées
qu’ils désiraient réaliser.
(...) Jan Kaplick˘ et Eva
Jifiiãná ont exercé une
influence décisive sur
Eva Jifiiãná aujourd’hui.
l’évolution actuelle de
l’architecture de notre
île, caractérisée par des
groupes d’habitations suburbains,»
affirme Peter Murray dans son étude.
Le renom dont Eva Jifiiãná jouit
dans le monde d’architecture, dépasse
les limites du pays. C’est à bon droit
que cette créatrice figure dans le petit
groupe d’architectes tchèques appréciés à l’étranger. Mais l’adjectif
«tchèque», soit dit en passant, est un
peu déplacé dans le contexte actuel. Il
est vrai que, depuis 1989, Eva Jifiiãná
revient souvent en Tchéquie, qu’elle
conduit l’atelier d’architecture à l’Ecole
des Hautes Etudes Techniques de Prague, qu’elle a son studio dans le pays,
mais elle continue à exercer son métier
à Londres. L’histoire de sa vie, ainsi
que ses réalisations, démontrent que,
dans le monde d’architecture globalisé, l’origine et le lieu de naissance ont
cessé de jouer un rôle fondamental.
De Zlín à Londres
Eva Jifiiãná est née le 3 mars 1939
à Zlín, dans la famille de l’architecte
Jifií Jifiiãn˘. Dans les années 19561962, elle a fait ses études à l’Ecole
des Hautes études techniques, faculté
30
Hôtel Josef, Prague, réalisé en 2002.
Personnalité
«L’architecture est le fruit du sens
pour la beauté de l’espace.»
Antonín Barvitius
(1823-1901)
architecte
d’architecture, à Prague. Ensuite elle a
travaillé pendant quelques années au
Bureau de l’architecte-chef de la ville
de Prague.«Dès que j’ai dit que je
voudrais me consacrer à l’architecture, tout le monde s’est mis à m’expliquer que ce n’était pas possible.
Que l’architecture n’était pas pour les
femmes, que je ferais mieux d’étudier
l’intérieur, car sinon, je pourrais aspirer au mieux à devenir l’épouse d’un
architecte. Hérétique de naissance, je
n’ai pas cédé et je ne l’ai jamais regretté,» dit-elle en parlant aujourd’hui
du choix de sa profession. Désillusions et manque de possibilité de réalisation libre ont abouti chez elle,
en 1968, à la décision de quitter la
Tchécoslovaquie. Elle alla à Londres
et commença par travailler dans l’atelier de Louis de Soissons. Elle y prit
part au projet d’une vaste gare maritime de Brighton avec hôtels et surfaces commerciales. Plus tard, elle a
collaboré avec l’architecte Richard
Rogers à l’aménagement des intérieurs
de la maison d’assurance Lloyds. Ces
expériences et une très bonne connaissance de procédés technologiques et
Aménagement d’appartement,
Londres – Knightbridge, réalisé en 1992.
de construction ont certainement contribué à la formation de son style original et individualisé. Il faut rappeler
aussi la vague du style High-tech
britannique qui, dans les années 80,
a marqué la création d’Eva Jifiiãná.
«La beauté fait partie de la logique,»
a-t-elle déclaré dans un entretien. Son
aptitude d’aborder l’espace analytiquement et avec toutes les subtilités
techniques possibles est visibe non
seulement dans ses fameux escaliers
en verre, mais aussi dans les impressionnants intérieurs aérés et sobres
qu’elle a réalisés à travers le monde.
Hublot sur l’espace
En 1976, Eva Jifiiãná obtient la citoyenneté britannique, quatorze ans
avant qu’elle ne puisse venir visiter
sa patrie. En 1986, elle crée à Londres
son atelier d’architecture propre – Eva
Jifiiãná Associated Limited (EJAL) et
ses aménagements d’intérieurs, souvent
reproduits dans la presse, commencent à entrer dans la légende. Elle obtient une série de commandes intéressantes: magasin de chaussures Joan et
Orangerie du Château de Prague, réalisée en 1998.
31
Echangeur de Venise, projet de concours non réalisé.
David à Los Ageles, salon de l’établissement Vidal Sassoon à Francfort sur
le Main ou Joe’s Café à Londres. Tous
ces intérieurs élégants ont en commun
le technicisme de l’expression – que
certains peuvent trouver froide et dépersonnalisée – et le sens de l’union
équilibrée du matériau et de la forme.
«Ses magasins font l’effet d’un oasis
du calme où les achats se déroulent
comme des cérémonies solennelles. La
sobriété se manifeste tant dans la
quantité que dans la conception des
objets qui remplissent le local et elle
souligne le caractère aéré et cohérent
de l’espace. Il ne s’agit pas, cependant,
d’un espace statique: les lignes arrondies des objets, les parois aux surfaces
ondulées, quelques colonnes étonnantes
d’épaisseur donnent l’impression d’un
espace fluide. Cette conception dynamique de l’espace est appliquée aussi
dans les appartements et dans les bureaux: même ici, l’espace semble ne
pas avoir d’arêtes, de couler de façon
continue d’une pièce à l’autre,» dit
Petr Kratochvíl au sujet des réalisations d’Eva Jifiiãná.
La couleur blanche dans les intérieurs, les portes coulissantes en verre,
les tiges inox et les constructions
précises apparentes – voilà autant de
signes distinctifs de cette architecte.
Et puis, bien sûr, le hublot: rond ou
oval, Eva Jifiiãná le place souvent
dans les portes et dans les murs.
On le trouve dans le grand magasin
de la rue Ulice 28. fiíjna à Prague, de
même que dans les «bureaux dansants» mentionnés.
Architecture: res publica
«A mon avis, le rôle de l’architecte
n’a pas changé, mais il faut que change
l’idée que la société se fait à ce sujet.
Quand le rôle de l’architecte était nul,
la société ne se rendait pas compte de
son existence. L’architecte est toujours
l’agent de son client. Il lui garantit
que la qualité de son travail, le contrôle de la construction de l’objet architectural se déroulent dans le cadre
des possibilités professionnelles,» refléchit Eva Jifiiãná sur l’état actuel
de sa profession. Pendant quarante
ans, il y a eu la dégradation de l’architecture, ce dont témoigne l’état
des maisons construites de panneaux
dans lesquelles vit actuellement tout
un tiers de la population de la République tchèque. Cela n’a certainement
32
Résidence privée, Londres – Belgravia.
Les intérieurs des bureaux de l’établissement Andersen Consulting dans
la Maison dansante du quai Ra‰ínovo
nábfieÏí, à Prague, ne peuvent guère
être visités, tandis que les locaux du
British Council, situés dans le Bredovsk˘ dvÛr au centre même de la capitale, sont accessibles à tous. Lumière,
transparence, métal et verre – voilà
les principaux traits distinctifs des
oeuvres d’Eva Jifiiãná. L’Orangerie,
construite dans les années 1997-1998
à la limite du Jardin royal et du Fossé
aux cerfs, rappelle un OVNI cylindrique argenté. Longue de 84 m,
elle est très admirée tant au pays qu’à
l’étranger. Très favorablement accueilli a été aussi le design de l’Hôtel
Josef inauguré il y a quelques années
dans la rue Rybná au centre de Prague.
Parois de verre, locaux de conception
sobre, voire aseptique – l’hôtel n’est
pas contribué à ce que l’on ait une idée
élevée du rôle de l’architecte dans la
société. L’expérience qu’Eva Jifiiãná
a acquise pendant les années où elle
travaillait à l’étranger pour des clients
exigeants est bien différente. «Quand
le socialisme s’est soudainement effondré, il y avait là l’architecte sans
expérience, dépendant financièrement
de celui qui lui donnait du travail.
Rien que pour des raisons économiques, il devait faire ce que l’on lui demandait. Et parmi les clients, il y a
très souvent des personnes qui ont de
l’argent, mais qui sont destructrices
et arrogantes. L’architecte doit avoir
un certain acquis pour convaincre son
client d’en savoir plus long que lui.»
Au moment de son retour en Tchéquie,
en 1990, la longue activité à l’étranger
et ses réalisations nombreuses représetaient donc pour Eva Jifiiãná une
longueur d’avance importante par
rapport aux architectes du pays.
Réalisations en Tchéquie
«A l’heure actuelle chacun lutte
pour ses droits individuels, mais éco-
nomiquement, tous ont besoin les
uns des autres. Il est possible que les
rapports économique vont durer, mais
le besoin de l’expression individuelle
sera de plus en plus pressant,» considère Eva Jifiiãná. On a pu prendre
connaissance de son écriture hightech personnelle et très individualisée
dans plusieurs oeuvres qu’elle a réalisées en République tchèque.
La structure argentée impressionnante de l’Orangerie est l’une des
interventions actuelles dans l’aspect
architectural du Château de Prague.
décidément pas destiné à attirer le tourisme collectif; il s’adresse aux visiteurs capables d’apprécier le haut
standard et le design exclusif.
Les intérieurs et le design portant la
griffe d’Eva Jifiiãná ont le raffinement
exclusif directement et solidement
inscrit dans le code génétique.
Radek VáÀa
Photos: Richard Bryant/Arcaid,
EVA JIRICNA ARCHITECTS LTD.,
Ivan Nûmec, Gautier De Blonde,
Daniela Ka‰tánková, (www.ejal.com)
Orangerie du Château de Prague, réalisée en 1998.
33
Exposition Charles IV,
empereur par la grâce
de Dieu
Pour la première fois dans l’histoire moderne,
on a réussi à rassembler les monuments artistiques médiévaux d’origine tchèque remontant
à l’époque du règne des derniers souverains de
la maison de Luxembourg – Charles IV et ses
fils Václav IV et Sigismond. Cet extraordinaire
ensemble d’oeuvres artistiques a pu être réuni
grâce à l’exceptionnel projet réalisé en commun
par l’Administration du Château de Prague
et du Musée métropolitain de New York. Ont
été rendus accessibles au public 216 objets
empruntés à 96 galeries, musées et collections
privées de 11 pays du monde. Pendant les
trois mois qu’elle a duré à New York, l’exposition a été visité par 170 000 spectateurs.
La personnalité de Charles IV de Luxembourg est indissolublement liée non seulement
au Château de Prague et à l’histoire des pays
tchèques, mais aussi à l’histoire de l’Europe.
En tant qu’empereur, il était le plus puissant
des représentants politiques de l’Europe du
14e siècle. Sous son règne, Prague devint une
métropole animée et superbe résidence du prince
chrétien le plus puissant du continent. Par sa
richesse spirituelle, elle égalait Rome «l’éternelle». Elle était le rendez-vous des meilleurs
artistes et artisans de l’époque, dont les oeuvres
devaient glorifier le souverain et donner du
lustre à l’Empire et au Royaume de Bohême.
L’art de la Prague impériale était un phénomène
extraordinaire et on découvre les échos de son
prestige dans de nombreuses cours souveraines
à travers toute l’Europe. C’est sous le règne
des fils de Charles, Václav IV et Sigismond,
que cette prééminence atteignit son apogée en
aboutissant à la constitution d’un style européen
unifié – le gothique international.
Les meilleures oeuvres de l’exposition
Charles IV, empereur par la grâce de Dieu, ont
présenté la période la plus prestigieuse de l’Etat
34
tchèque – le règne des souverains de la maison
de Luxembourg. Parmi les plus précieuses oeuvres
exposées comptait la table de la Mort de la Vierge
de Ko‰átky, empruntée de Boston, la châsse
de l’épine de la couronne du Christ, venant
de Baltimore, et le Crucifiement aux multiples
figures, dit de Kaufmann, venant de Berlin.
L’exposition a été accompagnée, entre le
9 et la 13 mai 2006, par un symposium scientifique international, organisé au Château de
Prague. Il a réuni une cinquantaine de spécialistes du moyen âge culminant venus de huit
pays. Leurs contributions avaient pour thème
le rôle de la dynastie de Luxembourg en Europe centrale, la représentation impériale et l’art.
Parmi les manifestations d’accompagnement, rappelons l’exposition sur la Vie à la
cour de Charles IV consacrée à la vie de tous
les jours à l’époque des souverains de la maison
de Luxembourg, une exposition tactile qui
présentera le thème aux handicapés visuels, un
programme pour enfants, des spectacles, etc.
Le projet est un événement absolument
inédit dans l’histoire de l’organisation d’expositions chez nous. Il a offert au public l’occasion unique de voir un ensemble d’objets très
précieux et d’une grande valeur artistique.
On trouvera les informations actualisées sur
l’exposition sur: www.karel.iv.cz.
Une Tchèque
championne de Sudoku
Contes de Hermann Hesse
parmi les plus beaux livres
du monde
Les contes bleus de Hermann Hesse, petit
livre broché publié par les éditions Argo, ont été
choisis parmi les plus beaux livres du monde.
Oeuvre du graphiste Lubo‰ Drtina, le livre
a obtenu, à la Foire du livre de Leipzig, une
mention honorifique dans la concurrence des
livres de 34 pays et il figure parmi les 14 livres
ayant remporté une distinction dans le concours du plus beaux livre du monde. Pour les
éditions Argo, c’est déjà la deuxième récompense remportée: les Histoires du bain de
vapeur, livre des légendes des Indiens d’Amérique du Nord dû à l’artiste Juraj Horváth,
a obtenu la médaille d’or en 2002.
Touristes russes en
République tchèque
Jana Tylová a gagné le championnat du
monde de Sudoku et elle est devenue la
première en date championne du monde en
solution des casse-têtes. Au championnat organisé à Lucca, en Italie, elle a battu 84 rivaux
venus de 22 pays.
Le triomphe de cette Tchèque, comptable d’une
entreprise de bâtiment de Most, avait de quoi
surprendre les compétiteurs du championnat,
dont un tiers seulement étaient les femmes.
A Lucca, Sudoku a été présenté pour la première fois comme un sport pour spectateurs.
Ce n’est que depuis deux ans que ce cassetête numérique est devenu vraiment populaire
en Europe et aux Etats-Unis.
Le nombres des turistes russes qui trouvent
plaisir à venir en Tchéquie augmente chaque
année. Les Russes viennent chercher chez
nous non seulement les célèbres monuments
d’architecture, mais aussi les stations balnéaires, les brasseries et la bonne cuisine.
L’année dernière, 164 000 Russes sont
venus en République tchèque. Ils vont surtout
à Prague et à Karlovy Vary, ils sont fascinés de
châteaux forts et châteaux tchèques et attirés
par les villes d’eaux.
Parmi les touristes étrangers, les Russes sont
ceux qui restent en Tchéquie le plus longtemps
et y dépensent le plus d’argent. Dans leur liste
d’attractivité touristique des pays sans littoral, la
République tchèque figure à la première place.
Mosaïque
Prix pour un
savant tchèque
Gustav Mahler
à Jihlava
Dès le début de la saison touristique, la
ville de Jihlava va ouvrir une nouvelle exposition permanente consacrée au compositeur
Gustav Mahler.
L’exposition est installée dans la Maison
Gustave Mahler où le futur compositeur avait
vécu avec ses parents jusqu’à l’âge de 15 ans.
Au bout d’une reconstruction difficile, la maison
est accessible au public depuis 2000. L’exposition sera ouverte pendant toute l’année.
Le président de l’Inde a accordé la distinction Padma Bhú‰an, prix d’Etat indien,
à l’indologue tchèque Du‰an Zbavitel pour
l’oeuvre de toute sa vie dans le domaine de
la littérature et de l’enseignement, notamment
dans le domaine de l’indologie. Padma Bhú‰an est l’une des décorations civiles suprêmes
accordées en Inde et il est très rare qu’elle
soit accordée à des ressortissants étrangers.
Du‰an Zbavitel (1925) a fait des études d’indologie à l’Université Charles de Prague. Il a
travaillé à l’Institut oriental de l’Académie des
Sciences en tant que traducteur et professeur
des langues de l’Inde. Il est l’auteur de nombreux livres et publications consacrés l’Inde.
Ráussite de
l’ETA Hlinsko
RADIO PRAGUE
HORAIRES ET FRÉQUENCES
Cet horaire peut être modifié sans préavis
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EUROPE
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EUROPE
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49
22
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AMÉRIQUE DU NORD
11600
15545
25
19
0600 - 0627
Jihlava pourrait devenir le centre de la
célébration envisagée des anniversaires de
Mahler. En 2010, on va commémorer le 150e
anniversaire de la naissance du compositeur;
un an plus tard, ce sera le 100e anniversaire
de sa mort.
Les miroirs tchèques
revèlent les mystères
du cosmos
La société ETA Hlinsko, S.A., s’est classée,
en 2005, parmi les producteurs tchèques les
plus prospères et les plus fiables. Dans la plupart des palmarès, elle figure en deuxième position après ·koda Auto Mladá Boleslav.
Sur le marché tchèque, les appareils électroménagers fabriqués par l’établissement ETA
sont la marque la mieux cotée parmi les produits électroménagers, et cela tant du point de
vue de la qualité, du design et du prix que du
soin de clientèle.
sont l’objet du projet international H.E.S.S.
(High Energy Stereoscopic System) auquel
participent aussi les scientifiques tchèques.
La surface de chacun des quatre téléscopes
se compose de 380 miroirs spéciaux, de 60 cm
de diamètre chacun. Ils ont été fabriqués
pour la plupart par les tailleurs de Turnov, leur
construction spéciale ayant été conçue par
l’opticien Milan ·onsk˘. A la base de la qualité
renommée du verre de Bohême, les miroirs ont
été commandés à l’établissement de Turnov
sur la recommandation du professeur Ladislav
Rob de l’Institut de la physique de particules
et nucléaire, Faculté de physique et de mathématiques de l’Université Charles, qui participe
au projet avec son doctorant Dalibor Nedbal.
L’observatoire construit en Namibie, dans
le Sud de l’Afrique, permet aux savants
d’étudier les rayons gama et de faire la carte
du centre de notre galaxie. Les rayons gama
ZONE
R
R - Rediffusion
Radio Prague – émissions internationales – fait partie de la Radio tchèque,
une institution publique. Son objectif est
d’informer continuellement sur la politique, l’économie et la culture tchèques
les auditeurs au-delà des frontières de la
République tchèque. Les programmes
d’actualités d’une demi-heure de Radio
Prague peuvent être suivis aussi sur ondes courtes et via satellite – voir la table.
Les émissions de Radio Prague, en son
et en texte, sont accessibles à tous aussi
sur Internet, à l’adresse www.radio.cz.
Par courrier électronique Radio Prague
offre également l’abonnement gratuit à
ses informations. Si vous voulez recevoir,
à votre adresse Internet, les informations
les plus récentes sur la République tchèque
en allemand, en anglais, en espagnol,
en français ou en tchèque, faites la demande à [email protected] ou à notre adresse:
Radio Prague, Vinohradská 12, 12099
Prague 2, République tchèque, tél. +4202-2155 2901.
35
Musées en plein air
joyaux d’architecture populaire
En République tchèque, l’architecture
populaire est particulièrement riche, variée
et intéressante grâce aux conditions naturelles différenciées et à la situation au
centre de l’Europe. Le bassin de Bohême,
entouré de montagnes frontalières, est
marqué par l’influence des régions voisines: par celle de la maison en poutres,
la maison alpine y comprise, typiques des
régions de «forêts noires», par la maison
à colombage d’Europe de Nord-Ouest et
par la maison d’argile caractéristique de
la vallée du Danube.
Les constructions populaires font partie
des caractéristiques historiques de chaque
région, sont déterminées par ses traditions
et modèlent son aspect. Une des façons
de conserver cet héritage consiste à sauver
les constructions en les transposant dans
des musées en plein air où elles sont accessibles aux visiteurs et où elles revivent
pendant de nombreuses activités folkloriques. En République tchèque, de telles
expositions d’architecture populaire sont
au nombre de onze et on envisage d’en créer
d’autres. Visitons quelques-unes d’entre
elles en partant de la frontière orientale
vers l’ouest du pays.
Pfierov nad Labem.
StráÏnice.
RoÏnov pod Radho‰tûm
Le Musée en plein air de la Valaquie
morave et le plus important des ensembles
36
Bourg en bois, RoÏnov pod Radho‰tûm.
d’architecture populaire existant dans le
pays. Fondé en 1925 par les frères Jaronûk,
il est le plus ancien des musées de ce genre
en Europe centrale. Il comporte trois expositions présentant le modèle de l’habitat
de la région montagneuse du Nord-Est
de la Moravie.
Le Bourg en bois est l’aire la plus ancienne du musée. Depuis 1925, on y transporta et reconstitua progressivement des
maisons de la place principale de RoÏnov
pour y ajouter un peu plus tard l’église
construite sur le modèle de celle de Vûtfikovice et la réplique de la maison du maïeur
de Velké Karlovice. L’ensemble des maisons
d’habitation est complété par des dépendances, clochers et puits. La saison principale dure de mai à la fin septembre; de
février à décembre sont organisées des
fêtes populaires rappelant les anciennes
coutumes et cérémonies des habitants de
la région. Elles sont accompagnées de
nombreuses démonstrations de méthodes
de travail et de métiers locaux. Très fameuses sont les fêtes foraines de RoÏnov.
La Vallée des moulins est la partie la
plus jeune du musée. C’est un ouvrage
hydraulique avec un ensemble de monuments techniques moins importants: on
peut y voir, entre autres, un moulin à blé et
une scierie. Tous les mécanismes marchent
à l’eau et, grâce à un système de biefs, on
les présente en fonctionnement.
Tradition
«(...)belles sont les granges
anciennes,
vides des récoltes de jadis (...)»
Jan Skácel
(1922-1989)
poète
Le Village de Valaquie morave est l’aire
la plus vaste du musée. Les fermes, les
constructions liées à l’herbagement, le
moulin et la forge sont situés dans un
paysage dont le caractère accidenté, les
chemins, les groupes d’arbres et les petits
champs rappellent les villages des pentes
des Beskides. Les arbres fruitiers des vergers locaux donnent les fruits d’anciennes
espèces régionales. Tout au long de l’année, on réalise des programmes destinés
à ranimer les anciens modes d’exploitation. «Noël au village» est destiné surtout
aux enfants. Pendant la visite, on voit de
nombreux animaux domestiques et même
un troupeau de moutons.
StráÏnice
Dès le début du 20e siècle, il y avait des
tentatives de créer un musée ethnographique en plein air pour la région du Sud-Est
de la Moravie. Cependant, ce n’est qu’en
1973 que l’édification du Musée de StráÏnice commença pour de bon. Sa conception s’inspirait de l’idée de présenter l’architecture populaire selon différentes parties de la Slovaquie morave. Le musée
fut donc divisé en plusieurs sections dont
chacune en représentait une. A partir de
1981 furent ouvertes au public les sections
représentant Moravské Kopanice, Luhaãovické Zálesí et HorÀácko, comportant les
Hauteurs tchéco-moraves, Vesel˘ kopec.
expositions d’ouvrages hydrauliques, de
viticulture et d’économie prairiale.
Le musée comporte au total 65 bâtiments situés dans un terrain modelé de
façon à correspondre à leur milieu d’origine. A l’intérieur de ces bâtiments, le visiteur apprend à connaître la façon de vivre
et l’habitat des gens vivant dans les parties
montueuses de la Slovaquie morave, ainsi
que dans la fertile vallée de la Morava où
une grande partie des paysans fondent leur
exploitation sur la viticulture. La présentation des bâtiments liés à la viticulture et de
leur équipement est complétée par celle du
vignoble. Celle-ci expose la tradition de la
culture du vin depuis le temps le plus reculé jusqu’à l’heure actuelle et, sur le territoire du pays, elle est la seule en son genre.
La manifestation la plus importante du
Musée de StráÏnice est l’organisation du
37
Koufiim.
Festival folklorique international, le plus
ancien et le plus connu du pays, qui jouit
d’une renommée mondiale en tant que fête
de la danse et de la musique.
Koufiim
Vysoãina – Vesel˘ Kopec
L’ensemble d’architecture populaire Vysoãina représente celle de la partie septentrionale des Hauteurs tchéco-moraves
et il est le plus important en Bohême. Le
noyau de ce musée est le hameau Vesel˘
Kopec. Aux bâtiments d’origine, on a
ajouté – en les transposant d’ailleurs –
les fermes typiques, la maison forestière, la
taverne et des constructions techniques
mues par l’eau (tel l’extraordinaire dispositif de cuisson de la marmelade). Dans les
hameaux voisins, on trouve d’autres monuments d’architecture anciens: martinet
à l’eau, forge, ruelle juive du 18e siècle.
Dans l’aire du musée, on trouve d’autres
bâtiments divers – telle une grange hexagonale datant de 1680, mais aussi la roulotte ayant appartenu au fameux clan des
marionettistes Kopeck˘, maison forestière
ou rucher anciens. L’architecture populaire
du milieu citadin est représentée par l’en-
38
Zubrnice.
semble d’une trentaine de maisons d’artisans et d’ouvriers de la ville de Hlinsko
toute proche.
Pfierov nad Labem
Ce Musée en plein air de la Bohême
centrale présente l’architecture populaire
de la vallée de l’Elbe. Les bâtiments trasposés au centre du village renouent avec
la maison datant du milieu du 18e siècle et
avec les anciens bâtiments seigneuriaux:
tonnellerie et maison forestière. Egalement
remarquable est la partie du musée présentant des bâtiments plus récents: quatre fermes,
grange curiale et dépôt de houblon.
Ce célèbre Musée d’architecture populaire comporte quinze bâtiments très
intéressants provenant de différentes parties de la Bohême. Il y a maison de maïeur,
forge, deux rares granges polygonales
datant du 17e siècle, maison en poutres
surmontée d’un étage à colombage et
plusieurs fermes.
Les musées en plein air de KrÀovice,
près de Hradec Králové, et de Vysok˘
Chlumec, près de Sedlãany, ont été créés
tout récemment et ils accueillent leurs
premiers visiteurs.
Dans ces musées rassemblant des
joyaux d’architecture, on transfère (en les
sauvant ainsi) d’autres bâtiments populaires précieux. La plupart des musées en
plein air ne cessent de réaliser des manifestations culturelles et mondaines. La visite d’un de nos musées en plein air (même
si ce n’est pas à Noël ou à Pâques, périodes privilégiées) permet à chacun de vivre
des impressions inoubliables.
Ludûk ·tûpán
Photos: auteur, Franti‰ek Ledvinka,
archives de la rédaction.
StráÏnice.
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