Sommaire Drame du bassin pragois – commandes de grande envergure et réalisations projetées par d’insignes architectes: transformation de la capitale pp. 4 – 7 Editorial Zlín & BaÈa – une ville et une firme: le rêve réalisé pp. 8 – 9 Je‰tûd – l’émetteur distingué par le Prix Perret est entré dans la légende pp. 10 – 11 Ostrava – Sorela – dans la métropole minière sont conservés des spécimens de l’architecture dans le style socialiste pp. 12 – 13 La villa Müller – habitat selon Adolf Loos: réalisation emblématique de l’âge d’or du fonctionnalisme pp. 14 – 15 Deux faces du cubisme tchèque – style représentant la contribution tchèque unique à l’histoire des styles architecturaux pp. 16 – 19 La République tchèque est un pays regorgeant de monuments de différentes époques. On vient chez nous du monde entier pour admirer les bâtiments médiévaux, tels les châteaux forts et cathédrales romanes et gothiques, mais aussi des palais, châteaux et églises Renaissance et baroques. De plus en plus souvent, cependant, on vient visiter l’architecture du 20e siècle. On sait, en effet, que nulle part en Europe, on n’a pas construit autant de maisons modern style que dans notre pays. C’est surtout à Prague que l’on trouve en grand nombre de vrais joyaux, ayant souvent conservé leur aspect primitif. Les spécialistes ne sont pas les seuls à venir visiter les bâtiments qui n’ont pas leurs pareils de par le monde: le cubisme en architecture est un phénomène tchèque. Les maisons construites dans ce style curieux et peu pratique sont très peu nombreuses et, donc, d’autant plus précieuses. La seconde moitié du vingtième siècle commença pour l’architecture tchèque par la triste période staliniste des années 50, heureusement bien courte. Vers la fin de cette période, l’architecture tchèque reprit haleine: le succès phénoménal du pavillon tchécoslovaque à l’exposition universelle de Bruxelles, en 1958, marqua son retour symbolique en Europe. Non que les temps soient faciles ensuite. C’est la construction de panneaux qui dominait dans le bâtiment, mais il y eut quelques réalisations remarquables, telle la tour émettrice avec hôtel de Je‰tûd, oeuvre de l’architecte Karel Hubáãek, qui acquirent la renommée internationale. Après la «Révolution de velours» de 1989, l’occasion se présenta de renouer avec les traditions interrompues. Après des décennies, les architectes purent rétablir leurs studios privés et le pays s’ouvrit au monde. Des architectes étrangers renommés viennent travailler en République tchèque: Frank Gehry, Jean Nouvel, Ricardo Bofill, Richard Meier... Le milieu concurrentiel fait appraître des réalisations de qualité, dont celles qui attirent les touristes, telle par exemple la fameuse Maison dansante... Galerie – l’avenir de la place Václavské námûstí selon le projet du studio Cigler Marani Architects pp. 20 – 21 Orgie de chalets – présentée par l’exceptionnel ensemble de photos de Veronika Zapletalová et par un brillant essai de Vladimír ·evela pp. 22 – 25 Du sang jeune – arrivée d’une nouvelle génération d’architectes pp. 26 – 29 Le minimalisme poétique d’Eva Jifiiãná – grande dame de l’architecture tchèque est à la tête de son fameux atelier de Londres pp. 30 – 33 Mosaïque d’événements et de curiosités de la République tchèque pp. 34 – 35 Musées en plein air – où l’on trouve de vrais joyaux de l’architecture populaire pp. 36 – 38 Le Coeur de l’Europe paraît six fois par an. Sur ses pages, ce périodique donne l’image de la vie en République Tchèque. Les articles expriment les opinions de leurs auteurs qui peuvent ne pas être toujours identiques aux points de vue officiels du gouvernement tchèque. La reproduction des textes figurant dans le présent périodique sans l’autorisation de l’auteur est prohibée. Pour l’abonnement, veuillez vous adresser à la rédaction du périodique. Éditeur: Éditions THEO, en coopération avec le Ministère des Affaires Étrangères de la République Tchèque. Adresse de la rédaction: J. Poppera 18, 530 06 Pardubice, République Tchèque Rédacteur en chef: Pavel ·míd Rédacteur artistique: Karel Nedvûd Président du Comité de rédaction: Vít Koláfi, directeur du Département de presse du Ministère des Affaires Étrangères de la RT et porte-parole du ministre Membres du Comité de rédaction: Vûra StaÀková, Marie Kopecká, Libu‰e Bautzová, Silvie Marková, Lucie Pilipová, Alena Prouzová, Pavla Jedliãková, Eva Ocisková, Milan KníÏák, TomበPojar, Oldfiich TÛma, Martin Krafl, Petr Vágner, Vladimír Hulec, Petr Volf, Vít Kurfürst, Jan ·ilpoch, Pavel Fischer Traduction: Institut de Langues et Littératures Romanes de l’Université Masaryk de Brno. Imprimé à VâT Sezemice ISSN 1211–930X Zdenûk Luke‰ publiciste, historien de l’architecture Internet: http://www.theo.cz E-mail de l’éditeur: [email protected] 3 Le drame du bassin pragois Urbanisme pour le nouveau millénaire En observant d’avion le panorama de Prague, on remarque que cette métropole est la scène où est joué un jeu urbanistique fascinant. on pourrait même parler d’un drame du bassin pragois. T rès souvent, notre attention est concentrée seulement sur les centres historiques qui sont les parties les plus fréquentées de nos villes. Cependant, dans une métropole comptant – comme Prague – plus d’un million d’habitants, plus d’un tiers de la population vit dans les cités, quartiers d’habitation dont la grandeur correspond à celle d’une ville de moyenne importance. Dans des ensembles urbains aussi vastes devant servir d’espace d’habitation aux dizaines de milliers de personnes, l’urbanisme et la planification ont une importance primordiale, notamment dans des condi- 4 En 2005 a été terminée la construction de la Maison Place du Soleil qui a vingt-deux étages et est l’immeuble d’habitation le plus élevé de Prague. tions économiques nouvelles. Rappelons quelques-unes des situations où, une structure nouvelle étant apparue dans la ville, il faut définir les nouvelles fonctions et emplois de surfaces. Les urbanistes doivent presque toujours travailler dans des conditions données: il est rare, en effet, que l’on puisse lever un plan «sur le pré vert». A l’époque de la dictature totalitaire, Prague – et la plupart des villes tchèques – a connu d’importantes interventions ubanistiques: elle est entourée d’une ceinture de cités d’habitation – comme presque toutes les grandes villes. Après 1989, des «démolisseurs-assainisseurs» aurait voulu jeter bas – sans autre forme de procès – ces gigantesques monuments du communisme qui, à leur avis, n’étaient habités que de gens malheureux. Cette vision «assainissante» s’étant avérée utopique à de nombreux égards, il a fallu Nové Butovice: groupes d’habitation nouveaux vus du haut de la tour voisine de la mairie. Terminé en juin 2001, le Centre communautaire St.-Procope sert comme église, mais aussi comme lieu où se déroulent des manifestations culturelles et mondaines. LuÏiny: le rond-point de la station du métro est l’espace de restaurants, cafées et petits magasins. La mairie moderne est un milieu favorable pour la communication de l’autorité avec les citoyens. Urbanisme Elément caractéristique de Prague 13 est le tube du métro au-dessus de l’étang Nepomuck˘ au Parc central. La Maison Place du Soleil est l’immeuble d’habitation le plus haut de Prague. Il a vingt-deux étages et sa hauteur dépasse 70 mètres. C’est la dominante de Nové Butovice. se poser la question: Que faire des cités d’habitation? Les démolir ou les «revitaliser», humaniser, transformer leur urbanisme central...? cons, à leur vitrage ou à de menus aménagements opérés à l’intérieur des maisons construites de panneaux. Cité sud-ouest Une Cité sud nouvelle La Cité sud est la plus grande des cités d’habitation pragoises: elle compte vers 40 000 habitants. Elle a l’avantage d’être en contact immédiat avec un beau paysage suburbain. Un des projets de la réhabilitation du centre de la Cité sud a été élaboré en 1993 sur la commande de la municipalité de l’arrondissement, consciente des problèmes et de l’urgence de leur solution. Le projet «d’humanisation» dû aux auteurs Jan Sedlák, Martin Sedlák et Ivan Plicka, reposait sur l’idée de transformer le territoire aux conditions d’habitat peu favorables en une ville au fonctionnement normal, pourvue d’une mairie, d’une église, d’un boulevard et d’un Parc central. Au bout des années écoulées depuis la présentation de cette première étude, il apparaît que la solution proposée – supposant la perturbation de la structure de «nids» autour des stations de métro, enracinée depuis des années (magasins, kiosques, sentiers tracés dans les gazons par le passage fréquent des habitants) en tant qu’un espace de communication spontanément constitué – aboutirait de nouveau à un urbanisme non organique et non fonctionnel. Dans d’autres cités d’habitation (Bohnice, 9 200 appartements remontant aux années 70; Prosek, 9 500 appartements construits entre 1964 et 1971), on n’a pas réussi non plus à réaliser entièrement le programme de donner à ces lieux un caractère de ville (c’est-à-dire de changer la hiérarchie des espaces urbanistiques, l’infrastructure, les proportions, le parterre vivant...). Ainsi la réhabilitation des cités d’habitation se réduit-elle souvent à «l’embellissement» individuel des bal- Dans les années 70, l’édification des cités construites de panneaux fut soumise à une typisation poussée et à l’augmentation de la densité de l’habitat. C’est dans cette situation que l’équipe de l’architecte Ivo Oberstein élaborait la conception de la Cité sud-ouest qui compte parmi les plus vastes du pays. L’arrondissement Prague 13 se trouve à une distance de neuf kilomètres du centre de la capitale et compte aujourd’hui 52 000 habitants vivant à Nové Butovice, Jinonice, LuÏiny et HÛrka. Les nouveaux ensembles urbains absorbèrent ici les groupes d’habitations rurales primitifs. La monotonie de l’espace des cités, le réseau de rues manquant d’un schéma d’orientation facile à retenir, manque de proportions et d’ordre ... voici ce que l’on reprochait aux cités d’habitation socialistes. Quant à la Cité sud-ouest, ces critiques ne sont pas toujours applicables. «Les projets controversés des architectes étaient inspirés par leur dialogue spécialisé avec les sociologues et leur Place du Soleil, coeur de Nové Butovice. Au lointain, la cité de Velká Ohrada. 5 Corso Karlín. Pour la reconstruction de l’ancienne fabrique, on a eu recours aux services de l’architecte espagnol Ricardo Bofil. Le projet a remporté la distinction Construction de l’année 2001. but consistait à éliminer progressivement les défauts les plus criants des cités et de la vie que l’on y menait. C’est conformément au programme que, dans la Cité sud-ouest, on construisit tout d’abord la voie radiale vers le centre et seulement après les maisons; que l’on acepta de renouer avec les groupes d’habitations rurales existantes; que l’on commanda à de bons architectes (Brix, Králíãek) les édifices publics en tant que solitaires,» dit au sujet de la Cité sud l’écologiste social Bohuslav BlaÏek, récemment décédé. Dès le début, les urbanistes de cet arrondissement s’efforçaient de créer l’espace d’habitation propre à faire naître une communauté et d’éliminer les groupes d’habitation à fonction unique. En bref, il s’agissait de créer «une ville pour vivre» capable de développer différentes autres activités, liées entre autres au métro nouvellement construit et et aux autres infrastructures. A l’heure actuelle, la prémisse de tout raisonnement au sujet des cités consiste à admettre que, de toute façon, il n’est pas possible de régénerer d’un seul coup toute une ville, de même qu’il n’est pas possible de la projeter et construire d’un seul coup. «En s’équipant d’éléments dont elles manquent, en cultivant leur verdure, en développant les équipements collectifs, en assurant le service de transport et les espaces de stationnement, les cités peuvent devenir un habitat très agréable pour certaines couches de la population,» affirme l’architecte urbaniste Martin Sedlák. Comme exemple, il cite l’aire de Nové Butovice remontant au milieu des années 90 et due à l’architecte TomበBrix. Elle comporte un ensemble d’immeubles autour de la station de métro de la ligne B. Le projet de l’architecte Brix est mûrement réfléchi, il fonctionne logiquement et constitue un prolongement viable de la solution urbanistique adoptée dans les années 70. Il est en harmonie avec l’idée générale de la cité, réagit à la situation actuelle et aux solutions découlant de la logique des choses. La solution urbanistique de la Place du Soleil de Nové Butovice illustre la conception actuelle de cité habitation pragoise. La place – qui se trouve au milieu du «boulevard», entre les stations de métro Nové Butovice et HÛrka – a été conçue par l’ingénieur-architecte Ivo Oberstein comme l’espace urbain central de toute la Cité sud-ouest. Dans la partie nord de la place, il devait y avoir trois immeubles de dix-huit étages équipés de capteurs solaires. Le projet expérimental des immeubles pratiquement autosuffisants du point de vue energétique – Maisons solaires – a fini par ne pas être admis. Cependant, la place a gardé le nom de Place du Soleil. Le 1er juin 2001 a été posée la première pierre de la nouvelle mairie de l’arrondissement Prague 13. Son projet est l’oeuvre de l’architecte Milo‰ Haase. Parmi ses traits caractéristiques citons sa forme ovale (on l’a surnommée laskonka selon le petit gâteau de la même forme), son enveloppe métallique argentée et la tour à l’horloge. L’atrium intérieur de l’immeuble sert de salle d’exposition et de concert. Cependant, la place dispose d’un autre lieu de rencontres encore: le Centre communautaire St.-Procope qui est utilisé comme église et comme salle de conférences et de théâtre. C’est ici qu’a eu lieu, par exemple, le Spiritual- 6 Résidence Kollár est l’oeuvre de l’association ·afer Hájek Architekti. Il y a un espace intérieur commun, terrasses suspendues et appartements offrant une intimité considérable. Terminé en 2000, le Corso Karlín a eu les 9 150 m2 de ses bureaux très vite occupés. portant sur la construction de bureaux, de magasins et de logements. Les projets urbanistiques concernant les cités d’habitation et les aménagements des rives de la Vltava ont été choisis dans le but d’illustrer différents problèmes de notre urbanisme actuel. Ils vont de la réhabilitation des cités d’habitation construites dans les années 70 du siècle passé et servant de demeure aux dizaines de milliers de personnes, à la revalorisation magnifique d’anciennes localités industrielles. Dans tous les cas mentionnés, il a fallu respecter au maximum les particularités de l’endroit, son contexte et ses possibilités. Et il apparaît qu’il n’y a pas de localité, le bassin pragois y compris, qui ne présente pas des possibilités de développement. Radek VáÀa Photos: www.praha13.cz, Samuel Truschka, Bohdan Pardubick˘, Dana Céová, archives Real Estate Karlín Group, Filip ·lapal. fest, festival de negro-spirituals très apprécié. La Maison Place du Soleil est une autre grande réalisation dans la place: elle a 21 étages au-dessus du sol, elle est haute de 84 mètres, propose 177 appartements et 5 200 m2 de locaux commerciaux. Port fluvial – quartier nouveau La rivière apporte à la structure de la ville des possibilités inappréciables, car elle l’enrichit d’un élément naturel. Les vastes localités dans le voisinage immédiat de la ville sont très attrayantes, mais elles représentent en même temps des problèmes bien compliqués. L’eau est l’atout architectural le plus précieux d’un autre grand projet urbanistique – celui de l’aménagement de l’aire du port de Hole‰ovice dans l’arrondissement Prague 8. On prévoit la construction de 800 à 1000 appartements autour du centre administratif Lighthouse déjà construit, vaisseau amiral du projet. Les auteurs de la revalorisation du quartier sont les architectes de l’ A.D.N.S., atelier pragois renommé. Ils envisagent – en accord avec l’investisseur – d’y construire, entre autres, une marina et tout l’environnement pour les pratiquants du yachting. Au projet du port de Hole‰ovice participe aussi l’atelier architectural britannique Chapman Taylor qui a une grande expérience avec les constructions de ce type, réalisées en Grande Bretagne. Dans les bâtiments historiques de la localité, on envisage d’aménager des appartements atypiques et des lofts. «On veut faire descendre la ville jusqu’à l’eau,» disent les auteurs de ce projet urbanistique grandiose. Les premiers immeubles d’habitation devraient être finis au printemps 2007. Quant au projet du port, l’investisseur prévoit de terminer sa réalisation avant 2915. Les transformations dans le bassin pragois ne concernent pas seulement l’urbanisme des cités d’habitation. Les spécialistes concentrent leur attention aussi sur le quartier de Karlín, pour lequel a été conçu le projet River City Prague Palais Karlín, de la rue Thámova à Prague, terminé en 1999. Architecte principal Ricardo Bofil. 7 Zlín & BaÈa Le temps de TomበBaÈa est la période la plus glorieuse de la ville de Zlín, en Moravie. C’est ici que les principes fonctionnalistes et constructivistes de l’avant-garde architecturale et urbanistique de l’entre-deuxguerres trouvèrent une application phénoménale. riés qui fabriquaient 25000 paires de chaussures par jour. Cela dans des bâtiments nouvellement construits, L e 12 juillet 1932 est une date importante dans l’histoire de Zlín: c’est le jour où TomበBaÈa, maire de la ville et chef d’une grande entreprise, périt dans un accident d’avion. Zlín comptait à l’époque 22 000 habitants et il y avait une entreprise géante où travaillaient presque 30000 salariés. La maison BaÈa, qui avait une importance fondamentale pour la vie de la ville, avait réussi grâce à l’élargissement progressif de son programme de production. Elle fabriquait des produits exigeants du point de vue de la technique (pneus, revêtements de sol, chaussettes, bas, équipements mécaniques). La maison BaÈa grandissait et son expansion aux marchés tchèques et étrangers n’arrêtait pas. «En 1925, l’établissement employait 4600 sala- 8 Bâtiment administratif de la maison BaÈa, architecte Vladimír Karfík, 1938. Monument culturel national de la période du fonctionnalisme. dans des ateliers clairs et selon des technologies de pointe. La nouvelle organisation intérieure de l’entreprise qui insistait tout particulièrement sur l’indépendance relative de la gestion de différentes unités de production complètes, appelées ateliers. C’est là que résidait une partie du secret du système d’organisation et d’économie de l’entreprise BaÈa que les managements top de tous les continents venaient admirer et étudier à Zlín. Au cours de l’année 1929 sont venus onze mille spécialistes. (...) L’école du travail BaÈa recrutait des centaines de garçons (et de jeunes filles, un peu plus tard) de tous les coins de la Tchécoslovaquie aux fins d’apprentissage. L’apprentissage ne se limitait pas au seul métier de cordonnier. C’était là une dure école: le matin, c’était l’atelier, l’après-midi – la classe et, tout le temps, la discipline, l’ordre, l’emploi raisonnable des loisirs et du bénéfice mis en dépôt. C’est ainsi, cependant, que l’on gagnait «la devise d’or»: «être ou venir de chez BaÈa» signifiait beaucoup,» constate le chroniqueur de l’époque. E n 1938, la construction de la nouvelle centrale de la maison BaÈa fut terminée en un temps record: 17 La Place du Travail (1937 – 1938) a pour dominante le Grand cinéma (1933). Avec sa capacité de 2270 spectateurs, c’était probablement la plus grande salle de cinéma en Europe centrale. Ville Vue des quartiers des jardins Zále‰ná et Podvesná (1938). «Depuis le début du 20e siècle, il est devenu habituel chez nous d’apporter des catégories de la morale à la réflexion sur l’architecture. La justification éthique de la forme devait résider dans l’austérité, sobriété et rigueur. En créant sans rigueur, en faisant fond sur l’esthétique et sur le luxe, on donne dans l’amoralité.» Rostislav ·vácha (*1952) historien et théoricien de l’architecture mois. Mais ce n’était là qu’une partie de la grande transformation de Zlín. Dès 1935, Le Corbusier, architecte et urbaniste français, avait élaboré pour BaÈa le projet d’aménagement urbanistique de la vallée de Dfievnice dans la section Zlín-Otrokovice. En rejetant la conception de l’habitat horizonal du type cité-jardin favorisée par l’étroite vallée de la Dfievnice, il avait proposé une conception différente inspirée par l’essor de la fabrique de chaussures et par le boom dans le bâtiment local. Il y avait appliqué ses principes de cité linéaire. En élargissant la zone de production centrale et en renonçant aux maisons d’habitation construites au fond de la vallée, il projeta la construction, sur les terrasses des pentes exposées au sud, de six groupes de buildings d’habitation. Le projet dépassant les possibilités économiques de l’établissement BaÈa ne fut pas réalisé, mais il ouvrit de nouvelles possibilités de l’édification de la ville. Les maisons familiales constituent un des aspects importants du «phénomène Zlín» dans le domaine de la construction de logements. La maison BaÈa publia un concours international Maisons gagnantes du Concours BaÈa de Zlín, 1935. de la maison familiale, précédé d’une campagne publicitaire massive. Les architectes de neuf pays présentèrent 289 projets. Les projets gagnants furent réalisés dans la colonie pilote U lomu qui devint ainsi une vitrine du niveau de l’habitat de Zlín. L a construction du centre culturel fut inaugurée en 1933, mais le projet ne fut réalisé qu’en partie: le bâtiment du Mémorial et celui des deux instituts d’études. Mais c’est le Mémorial de TomበBaÈa qui est l’oeuvre la plus impressionnante et la plus intéressante que Franti‰ek L. Gahura réalisa à Zlín. C’est une paraphrase moderne des monuments du gothique rayonnant, car il n’est fait que d’un système de contreforts et de vitraux de couleur. L’alliance de la charpente en béton armé et du verre en fait un manifeste de l’architecture constructiviste. Cependant, c’est l’immeuble administratif de la maison BaÈa qui est le chef-d’oeuvre de l’architecture constructiviste tchécoslovaque de l’entre-deux-guerres. La tour de seize étages est haute de 77,5 mètres et, avant la guerre, c’était le bâtiment le plus haut de la Tchécoslovaquie. Chaque niveau de dimensions 80 sur 20 mètres représente un bureau à grande surface. Deux centaines de personnes pouvaient travailler dans cet espace ouvert qu’aucune paroi ne divisait. Comme une perle technique de cet immeuble est considéré le bureau-ascenseur du directeur de la maison. Ce cabinet de travail climatisé, d’une superficie de 6 x 6 mètres et équipé d’un lavabo, pouvait se déplacer d’un étage à l’autre. Oeuvre de l’architecte Vladimír Karfík, la tour est aujourd’hui classée monument culturel national. Radek VáÀa Photos: archives de la rédaction, J. VaÀhara, Archives régionales de Zlín. 9 Icône de Je‰tûd L’émetteur de Je‰tûd avec hôtel incorporé est probalement l’icône la plus connue de l’architecture tchèque de l’après-guerre. En 1969, l’Union internationale des architectes honora les auteurs de cette tour magique – Karel Hubáãek, Zdenûk Zachafi et Otakar Binar – de l’une des distinctions les plus prestigieuses: du Prix Perret. L « ’oeuvre présentée mérite la distinction pour son intégration au paysage, pour son netteté et harmonie. Sa forme et la finesse de son profil sont en parfaite harmonie avec les exigences du fonctionnement. Des solutions ingénieuses ont été apportées aussi aux problèmes architectoniques,» constata alors le jury spécialisé. Il y a cinq ans, la tour de Karel Hubáãek – qui est la seule chez nous à avoir reçu le prestigieux prix Perret – fut élue par le public tchèque Construction du siècle. Les superlatifs pourraient continuer: «La construction de l’émetteur de télévision est devenue symbole de son époque (...). C’était le premier pas fait dans notre chemin vers l’architecture technologique. La décennie ouverte par la construction de Je‰tûd et terminée par le projet du Chalet tchèque de SnûÏka, par Vokáã, donc la période délimitée par ces deux pôles chronologiques et idéologiques, comprend toute 10 l’histoire de ‘notre machinisme’,» a écrit Miroslav Masák de l’Association d’ingénieurs et d’architectes du pays de Liberec (SIAL). Cet établissement de projection indépendante, créé au moment «du dégel modéré» en 1969, était une des rares niches au sein de l’industrie du bâtiment centralement dirigée. Sous la direction de l’architecte Karel Hubáãek, la SIAL est entrée dans la légende de l’architecture tchèque. L’association SIAL et la Maternelle SIAL adjointe ont formé une partie des créateurs de pointe de la branche: Jifií Suchomel, Václav Králíãek, Emil Emetteur de télévision et hôtel Je‰tûd, photographiés par Jifií Jiroutek. Pfiikryl, Maerin Rajnu‰, John Eisler, Miroslav Masák... Quant au ‘machinisme’, c’est un terme plutôt métaphorique et, dans l’architecture tchèque, il ne désignait pas un courant solidement constitué: c’est avec la forme, l’image de la machine que l’on l’associait. Philosophie du dynamisme, et l’idée de l’architecture en tant que conteneur de structures industrielles reliées, de designs de machines, de fusées, de rampes... tout cela entrait dans le machinisme. Dans un entretien avec Rostislav ·vácha, Karel Hubáãek a caractérisé la création de la SIAL et de la Maternelle comme il suit: «Ce n’est pas le machinisme que je cherchais (...) Tout simplement, j’ai eu l’idée que la tour de télé pourrait prolonger la colline.» Je‰tûd est une réalisation unique, une tentative d’aller aussi loin que possible dans les conditions de l’architecture socialiste centralement dirigée. Les complications liées à la réalisation de ce bâtiment emblématique sont documentées par une lettre adressée, en automne 1971, à Ludvík Svoboda, alors président de la République, par l’architecte Karel Hubáãek et le superviseur du chantier. Ils demandèrent au chef de l’Etat d’aider à accélérer les travaux qui traînaient. L’émetteur de Je‰tûd n’était pas seulement une exception architecturale de la production de masse de l’époque; on y accordait aussi Construction du siècle «La charpente est l’ossature de l’ensemble et lui donne la liberté de plan et l’ouverture de l’espace.» Mies van den Rohe (1886-1969) architecte allemand une attention particulière au design des intérieurs de l’hôtel et de son équipement. C’est Karel Wünsch, designer de verre, qui conçut les services de table de l’hôtel, la céramique, les verres et même les dessins de la lingerie pour les chambres de l’hôtel. L a forme insolite de l’émetteur de télévision rappelle une fusée sortant de la masse de la colline. De la base jusqu’au sommet de la rallonge d’antenne, la tour mesure 94 m. A l’époque de sa construction, la conception technologique de la tour était bien novatrice. En dehors de l’équipement technique destiné à la transmission du signal de radio et de télévision, elle comporte des locaux prévus tant pour les touristes ordinaires que pour les invités exigeants. La tour comporte donc un hôtel trois-étoiles avec trois appartements et onze chambres à deux lits. Sa capacité d’hébergement est de 55 lits. Le restaurant a 140 places assises, le café en a 80. Le thème des vols cosmiques et la fascination par la technique, propres aux années 60 du siècle passé, ont marqué les plastiques en verre de Stanislav Libensk˘, fixées dans le cylindre du fuselage en béton armé. A l’intérieur se sont conservées les grilles repoussées du couloir, le recouvrement céramique des murs et, même, le mobilier et les luminaires de certaines chambres. De l’équipement primitif du restaurant, dessiné par Otakar Binar, il ne reste que quelques chaises et fauteuils. Pendant la reconstruction envisagée de l’hôtel, l’exploitant actuel a l’intention de restaurer les intérieurs dans leur aspect primitif. L’histoire de Je‰tûd a plusieurs couches. Toujours est-il qu’elle est l’exception confirmant la règle: celle de la piètre production des années 70 socialistes. Radek VáÀa Photos: Jifií Jiroutek, archives de la rédaction, www.jested.cz, www.fenomenjested.cz L’intérieur du restaurant représentait à son époque le luxe «socialiste» suprême. 11 Ostrava-Poruba. Ostrava – SORELA Les architectes socialistes qui, dans les années 50, concevaient les maisons d’habitation pour le pays d’Ostrava en plein essor, répugnaient à construire les maisons nouvelles dans le style «bourgeois» d’avant-guerre. Ils cherchaient donc une autre inspiration et la trouvèrent dans la Renaissance tchèque, entre autres. Leur style était fondé sur l’idéologie du socialisme déformée et, du point de vue esthétique et idéologique, il représentait «un pas en arrière». En dépit de cela, il constitue un phénomène architectural spécifique du pays et il apporta un certain esprit novateur dans «la mare» de l’architecture tchèque. cialistes. Elle avait pour président l’architecte Jifií Kroha, auteur – entre autres – d’immeubles d’habitation à Brno-Královo pole (1946-1948) et aussi d’une cité d’habitation à Ostrava (1951). L’architecte Kroha était sans conteste, de même que beaucoup de ses compagnons, porteur de tendances progressistes et sa création exerça une influence décisive sur l’architecture de Brno de l’entre-deux-guerres et sur son intégration dans le contexte L e style spécifique de l’architecture Sorela nationale se caractérise par les éléments décoratifs, tels que corniches, frontons et sgraffites. Cependant, les architectes de Sorela surent imposer des solutions urbanistiques intemporelles, plus humaines à de nombreux points de vue que les constructions de panneaux de la période suivante. On peut dire que l’architecture Sorela des années cinquante – aujourd’hui classée Monument protégé – a marqué l’aspect de certaines villes tchèques. Des ensembles marquants construits dans ce style se trouvent, par exemple, à PlzeÀ, à Kladno, à Most et, bien entendu, à Ostrava mentionnée ci-dessus. Reculons de plusieurs décennies, en 1933, où fut créée l’Union des architectes so- européen. Après la signature des Accords de Munich et la cession obligée de la région des Sudètes, c’est la rivière Oder qui devint frontière avec l’Allemagne. La ville d’Ostrava, ainsi que les communes de ses environs, durent résoudre le problème des réfugiés affluant des territoires frontaliers tchécoslovaques occupés par la Pologne et par l’Allemagne. Pendant la guerre furent sérieusements endommagés, à Ostrava, non seulement de nombreux bâtiments industriels, mais aussi beaucoup d’immeubles d’habitation. Après la guerre – dans les années 1949-1952 – fut créé à Ostrava-Kunãice le grand complexe industriel – Usine métallurgique Klement Gotwald. Suivit une grande affluence de la main-d’oeuvre, ce qui exigea l’édification de nouvelles cités d’habitation. Pendant les décennies suivantes, celles-ci naquirent à Zábfieh, à Poruba et autres communes de la périphérie d’Ostrava. Le centre de la ville, par contre, fut soumis à des assainissement brutaux et se dégrada. L’essor industriel d’Ostrava et l’édification des cités d’habitation dans le style Sorela eurent pour conséquence l’annexion à la ville de communes environnantes toujours nouvelles. En 1957, c’étaient Poruba, Pustkovec, Svinov et Tfiebovice; plus tard vint le tour d’autres. 12 Ostrava – quai de Poruba. Socialisme Il paraît que c’est Josef Havlíãek, architecte et urbaniste tchèque et membre du légendaire groupe Devûtsil, qui fut le premier à prononcer (péjorativement et avec ironie) le terme SORELA – formé à partir des mots ‘SOcialiste’ et ‘REalisme’. L’atmosphère pro-soviétique de l’aprèsguerre se fit sentir aussi dans l’architecture. Le réalisme socialiste fut proclamé doctrine artistique de l’Etat socialiste en construction. L’architecture Sorela d’Ostrava était le style néoclassicisant des années 50 de caractère monumental et ornamental (d’où l’appelation ‘baroque de Staline’ dont on le désigne parfois) ayant comme traits distinctifs la rupture avec le fonctionnalisme et les tendances traditionnalistes. Parmi ses principaux théoriciens et propagateurs figure Jifií Kroha, bien que la plupart de ses projets architecturaux ne furent pas réalisés. Dans cette période, la création devait être «socialiste par le contenu et nationale par la forme». Ostrava était un lieu privilégié où furent réalisées «les idées maîtresses» du réalisme socialiste. Conformément au plan de développement élaboré par Vladimír Meduna, des quartiers entiers furent construits dans le cadre du premier plan quinquennal: Poruba, Havífiov, Bûlsk˘ les. Quarante ans plus tard (en 1992), le centre de Havífiov fut classé zone protégée. Il s’agit d’un complexe d’immeubles d’habitation délimité d’un côté par le parc naturel Stromovka, de l’autre, il enjambe sur le quartier Luãina. Les groupes de bâtiments sont conçus comme des ensembles presque clos avec des façades décorées de compositions de formes historiques et de sgraffites exaltant l’effort créateur. En dehors des aspects idéologiques, Sorela fit entrer dans l’architecture l’urbanisme de grande envergure. Ainsi le centre de Poruba se compose de l’avenue principale Hlavní tfiída, de places spacieuses et de surfaces vertes. Notons que, à toutes les étapes de l’édification, on veilla à la préservation de surfaces vertes et à la plantation d’arbres pour aménager des parcs. En essayant de porter un jugement sur le réalisme socialiste, il faut séparer le style architectural de son idéologisation. Il apparaît alors comme un phénomène d’affirmation d’une vague de traditionnalisme: ce n’était pas la première vague d’historisme dans l’histoire de l’architecture, ni la dernière. Par ailleurs, on ne devrait pas oublier que les oeuvres architecturales du socialisme furent souvent réalisées grâce à la souffrance et au travail servile des prisonniers politiques. Radek VáÀa Photos: Municipalité de la ville d’Ostrava, archives de la rédaction. 13 La villa Müller A l’époque de sa réalisation, cette construction fonctionnaliste de PragueStfie‰ovice, due à Adolf Loos, était une oeuvre insolite et pionnière. Cette maison célèbre compte parmi les réalisations les plus importantes de l’architecte dans les pays tchèques. L a coopération de l’architecte Loos avec les époux Müller en tant que bâtisseurs reposait sur la compréhension mutuelle et sur l’idée commune de l’oeuvre architecturale intéressante. C’est grâce à cela aussi qu’Adolf Loos créa la Villa Müller comme une demeure multifonctionnelle et universelle en combinant de façon originale sa fonction représentative avec le respect du calme et de l’intimité de la famille. C’est grâce à ces caractéristiques que la maison est entrée dans les manuels de l’architecture. «Une maison doit plaire à tout le monde. A l’inverse de l’oeuvre d’art qui n’a pas besoin de plaire 14 à qui que ce soit. L’oeuvre d’art est l’affaire privée de l’artiste. La maison ne l’est pas. L’oeuvre d’art est envoyée dans le monde, sans que l’on en ait besoin. La maison doit satisfaire un besoin déterminé. L’oeuvre d’art n’a à rendre compte à personne, la maison à tout le monde. L’oeuvre d’art veut déranger le confort des gens. La maison est destinée à apporter le confort. L’oeuvre d’art est révolutionnaire, la maison est conservatrice. L’homme aime tout ce qui sert son confort. Il déteste tout ce qui le dérange, tout ce qui l’arrache à son état habituel et assuré. Il aime donc la maison et il déteste l’art.» C’est ainsi qu’en 1910, l’architecte Adolf Loos définissait le rapport entre l’art et l’architecture. Franti‰ek Müller, entrepreneur en bâtiment et copropriétaire de l’établissement Kapsa & Müller, fit construire la maison pour lui et pour sa femme Milada. Adolf Loos avait une conception bien originale de l’équipement de la maison et de la formation de son milieu intérieur: il dessina les Habitat «Le vrai architecte est conscient tout d’abord de l’effet qu’il veut obtenir. Ce n’est qu’ensuite que son oeil spirituel lui fait voir les locaux qu’il veut créer.» Adolf Loos (1870-1933) dans le feuilleton «Das Prinzip der Bekleidung» intérieurs, les appareils d’éclairage y compris, les meubles encastrés et une partie du mobilier libre. Sa conception du «Raumplan», l’austérité des façades et l’élégance des intérieurs, voilà les principaux éléments qui font aujourd’hui l’admiration des partisans de l’architecture moderne du monde entier. La composition de l’espace intérieur repose sur une idée architecturale unique «exprimant, entre autres, la façon dont Adolf Loos concevait l’économie et la rationnalité. Il la fit valoir aussi dans ses projets d’habitat social. Le «Raumplan» consiste à échelonner la hauteur des pièces selon leurs fonctions et selon leur signification symbolique. L’organisation et la division de l’espace intérieur, la structure du «Raumplan» sont perceptibles même de l’extérieur, sur les murs et façades des maisons. Dans les niveaux inférieurs, les plans verticaux de murs extérieurs sans ornement tracent le plan de la maison et ce n’est qu’aux niveaux supérieurs qu’ils se décomposent en plusieurs couches décalées les unes par rapport aux autres en formant, par exemple, le socle avancé de locaux au sous-sol ou le balcon. Les façades de maisons apparaissent donc comme une structure de plans avancés et de plans reculés, respectant rigoureusement l’angle droit et la ligne droite,» disent les auteurs de la reconstruction de la Villa Müller. En plus grand nombre possible de ménages d’objets utilitaires parfaits; mais leur fonction ne consiste jamais à inventer des formes nouvelles.» Son éthique sociale et sa création architecturale exceptionnelle le classe parmi les plus grands architectes du 20e siècle. juin 1995, celle-ci est passée sous l’administration du Musée de la ville de Prague et a été classée Monument culturel national. Dans les années 1998-2000, a été réalisée une vaste reconstruction de la maison et, le 24 mai 2000, il y a eu l’inauguration d’une exposition et du Centre Adolf Loos d’étude et de documentation. Dans son étude portant le titre Sur l’ économie, Adolf Loos écrivit en 1934: «La fonction des architectes consiste à comprendre la profondeur de la vie, à réfléchir sur ses besoins jusqu’aux conséquences extrêmes, à aider les personnes économiquement faibles, à équiper le Adolf Loos (1870-1933) – architecte et théoricien, un des représentants les plus insignes de l’architecture moderne. Morave d’origine, Adolf Loos naquit à Brno où il vécut jusqu’à l’âge de vingt ans. Il resta en contact avec sa ville natale même à l’époque où il vivait à Vienne. Dans son oeuvre théorique et pratique, il élabora la conception de l’architecture fonctionnaliste, dépourvue de décoration qu’il considérait comme superficielle et subjective. Parmi les importantes réalisations de Loos comptent la Maison Steiner et les magasins Goldman et Salatsch à Vienne. Parmi ses constructions les plus insignes réalisées dans l’esprit de «Raumplan», il faut citer surtout la Villa Müller de Prague. Adolf Loos est l’auteur de nombreux cafés et de magasins de luxe, notamment à Vienne, mais aussi de maisons d’habitation (à PlzeÀ, par exemple). Radek VáÀa Photos: www.mullerovavila.cz, Musée de la ville de Prague. 15 Crématorium de Pardubice, architecte Pavel Janák, 1922-1923. Deux faces du cubisme tchèque «Pendant les dernières années précédant la Première guerre mondiale, Prague était une ville étrange: les avions tournoyaient au-dessus de ses tours; dans les banlieues, les usines fabriquaient les locomotives les plus rapides de l’AutricheHongrie; les opérations financières des banques pragoises s’étendaient jusqu’aux Balkans, en Perse et en Egypte. Pour élever les grands palais de commerce au centre de la ville, les constructeurs utilisaient les technologies les plus modernes du squelette en béton armé (...) C’est l’époque où naquit la création la plus curieuse et la plus originale du cubisme pragois – l’architecture cubiste.» C’est en ces termes que l’insigne théoricien Rostislav ·vácha commence la monographie sur architecture cubiste tchèque. L’étrange charme des maisons et des palais de formes anguleuses attire à Prague les architectes et les touristes du monde entier. La naissance de l’architecture cubiste dans les pays tchèques est liée au caractère stimulant et tolérant de la vie sociale et artistique de Prague dans les années précédant la Première guerre mondiale. La coexistence multiethnique des Tchèques, des Juifs et des Allemands constituait un milieu propice à la naissance d’un style artistique unique qui ne manquait pas de points de contact avec les courants artistiques européens, mais qui arrivait à les dépasser de façon créatrice. Par l’attirance qu’ils éprouvaient pour l’abstraction, les adeptes pragois Maison de Vojtûch Fára à Pelhfiimov (détail de la façade), architecte Pavel Janák, 1913-1914. du cubisme pouvaient se sentir apparentés tant avec les créateurs parisiens qu’avec les architectes expressionistes berlinois avec lesquels ils partageaient le penchant pour la géométrisation. Parllèlement avec ces liens mondiaux, ils ravivaient la tradition architecturale locale du gothique tardif et du baroque du 18e siècle. Les plans biaisés et obliques, les lignes en zigzag et les volumes en forme de pyramides pointues apparurent chez nous grâce aux architectes Pavel Janák, Josef Goãár, Vlastislav Hofman et Josef Chochol. C’est Pavel Janák qui était le plus méditatif du quatuor. Dans le texte intitulé «Prisme et pyramide», il justifia le caractère dramatique des éléments formels du nouveau style par l’image de l’esprit créateur luttant avec la matière inerte. « L’esprit qui réfléchit et qui sent aspire généralement à animer et à éclairer la matière selon ses idées (...) en taillant les angles et les arêtes, en pénétrant dans la profondeur là où il ne reconnaît pas la matière, ne la sent pas (...)». A Prague, Janák ne trouva pas 16 Palais Adria, siège pragois de l’établissement financier Riunione Adriatica di Sicurità, architecte Pavel Janák, 1922-1925. Style «Les villes et les villages tchèques poussent, sans que l’on ait une forme nationale à leur donner. Et pourtant: il y a au-dessus de la terre tchèque un grand air prêt à recevoir de nouvelles formes puissantes. Qu’allons-nous dresser dans cet air?» Pavel Janák architecte, revue Volné smûry de commandes à son goût, mais il réalisa plusieurs villas cubisantes en province (Pelhfiimov, Jiãín) pour une clientèle d’intellectuels éclairés. C’est dans la reconstruction de la maison bourgeoise sur la place prindipale de Pelhfiimov qu’il démontra de la façon la plus radicale les possibilités plastiques du style cubiste. Il couvrit le fronton de la maison du dentiste Vojtûch Fára d’une façade «sculpturalement» modelée qui donne l’impression visuelle d’une souple membrane en caoutchouc élastique. Insigne architecte pragois, Josef Goãár trahit ses ambitions dès 1909 en présentant son projet de l’achèvement de l’Hôtel de ville de la Vieille ville de Prague: il choqua les défenseurs du panorama historique de Prague. Une pyra- mide colossale se dressant dans une hauteur de 90 mètres témoignait d’une fantaisie architecturale extraordinaire tout en annonçant comment les jeunes créateurs comptaient répondre au défi des styles anciens. Paradoxalement, c’était Goãár qui devait brillamment ré- ussir à intégrer les constructions cubistes dans l’architecture historique des villes anciennes. Tout-à-fait impressionnante est la façon dont il sut le faire lors de la réalisation, en 1912, du grand magasin U âerné Matky BoÏí (= A la Madone noire) de la place Ovocn˘ trh, à Prague. L’austère carcasse en béton armé de ce palais marchand (dont le nom vient de la statue de la Madone installée à l’angle de la maison du coin de la rue) est affinée par de nombreux détails splendides et surmontée d’un toit mansardé avec une telle maîtrise que le bâtiment moderne s’intègre tout naturellement dans le milieu fait de maisons gothiques et baroques du voisinage. Un autre projet important de Goãár fut réalisé à Bohdaneã, petite ville balnéaire en Bohême Maison à la Vierge noire, Prague – place Ovocn˘ trh, architecte Josef Goãár, 1912. 17 Maison de bains à Bohdaneã, architecte Josef Goãár, 1912-1913. orientale. Il est l’auteur du nouveau bâtiment de bains que l’on y construisit dans les années 1912-1913. La colonnade qui occupe le rez-de-chaussée de l’immeuble s’ouvre sur le parc environnant par des fenêtres en cintre brisé, dont les frêles croisées ont la forme de squelettes de poisson. Goãár avait la facilité de marier les acquis architecturaux modernes avec l’architecture traditionnelle. C’était là un trait constant de son travail que l’écrivain Karel âapek saisit en disant: «c’est de l’architecture difficile dont l’esprit monumental, mais pas la forme, se rapproche des styles classiques.» Si, parmi les styles anciens, Pavel Janák admirait le baroque, Josef Goãár ne cachait jamais sa vive sympathie pour le classicisme et l’empire. Pour reprendre les paroles de l’écrivain Franti‰ek Langr, il était «d’une élégance seigneuriale, pondéré et discipliné». Vlastislav Hofman avait le renom du «plus obstiné» des cubistes et il était attiré par la spiritualité mystique du moyen âge et par le caractère abstrait des styles orientaux. Son inclination pour le style anguleux apparaît le plus clairement dans ses plans d’aménagement du cimetière du quartier de ëáblice, à Prague. Le compliqué plan coudé du bâtiment de dépôt mortuaire, ainsi que les deux kiosques aux coupoles en béton armé à l’entrée de l’enceinte, peuvent être interprêtés comme de remarquables variations de chapelles centrales gothiques. Dans les années 1914-1915, Hofman a élaboré un projet hardi de la reconstruction de la forteresse de Vy‰ehrad, à Prague, où la morphologie cubiste devait être appliquée à une échelle monumentale et urbanistique. Bien que le vaste projet de Hofman n’ait pas été réalisé, on trouve de nettes traces de l’esthétique cubiste au pied de la colline de Vy‰ehrad dans quelques maisons construites selon les projets de l’architecte Josef Chochol. C’est la maison de rapport de la rue Neklanova, réalisée dans les années 1913-1914, qui représente l’application la plus conséquente de l’idéal cubiste. Sa façade coudée a l’air d’un plissé accordéon et la colonne élancée de l’angle fait penser aux piliers gothiques tardifs. La maison familiale construite pour l’architecte Bedfiich Kovafioviã, une autre réalisation de Chochol, présente un autre exemple de variation de formes géométriques. Le plan polygonal du jardin, la clôture aux colonnettes 18 Immeuble de la banque Legiobanka à Prague, rue Na pofiíãí, architecte Josef Goãár, 1922-1923. Maison familiale de Bedfiich Kovafioviã à Prague, rue Libu‰ina, architecte Josef Chochol, 1922-1924. aguleuses incurvées, la section de la porte – tout trahit la volonté de renouer avec le génie premier baroque des fortifications de la citadelle de Vy‰ehrad. Les cubistes étaient assez nombreux et il y en a qui sont tombés dans l’oubli. Parmi ces créateurs semi-oubliés compte Emil Králíãek dont l’élégante écriture plastique marqua, entre autres, le remarquable lampadaire qui se trouve dans un recoin de la place Jungmannovo námûstí à Prague. L’élan nationaliste qui s’empara de la société tchèque dans les années de la Première guerre mondiale se traduisit par le désir d’exprimer l’identité nationale par des moyens compréhensibles aux couches les plus larges de la population. On se mit à chercher un style architectural typiquement national. Le cubisme dans sa version d’avant-guerre était en train de perdre ses adeptes: les arêtes et les biais cédaient le pas au cylindre, au cercle et ses secteurs. L’historien de l’art V.V. ·tech qualifia le nouveau style de l’art tchèque moderne comme ornamental, lyrique et idéalisant la tradition de l’art populaire. Parmi les premiers qui mirent à l’épreuve l’efficacité du style national nouveau figurait Josef Goãár qui imprima un esprit folklorique au pavillon en bois représentant la République tchécoslovaque à la foire de Lyon en 1919. Un peu plus tard, il appliqua ce cubisme à arceaux (appelé aussi «rondocubisme») à une échelle monumentale sur la façade robuste de la banque Legiobanka à Prague, rue Na pofiíãí (1922-1923). Pavel Janák se convertit lui aussi à ce cubisme décoratif qui était en vogue et qui utilisait abondamment les couleurs rouge-bleueblanche de la tricolore tchécoslovaque. Une mention particulière méritent deux de ses réalisations importantes. La première est le crématorium de Pardubice (1922-1923). Dans ce bâtiment, Janák mit à l’épreuve la pertinence du cubisme à arceaux, style de vitalité et d’optimisme, dans un milieu porté à l’expression pathétique de sentiments tragiques. La décoration, due au peintre Franti‰ek Kysela, est inspiré par la mythologie slave. Aujourd’hui encore le bâtiment a le don de surprendre les visiteurs par sa bizarrerie. La deuxième grande réalisation de Janák, c’est l’immeuble de l’établissement financier pragois Riunione Adriatica di Sicurtà (1922-1925). Cette variation réussie sur le thème de palais Renaissance italien a une façade décorée d’un riche relief plastique où le rondocubisme doux se combine avec l’Art déco, style international. Dans les années 20, le rondocubisme national perd haleine peu à peu et, bientôt, il est remplacé par des styles plus efficaces et technologiquement plus avancés: par le purisme et le fonctionnalisme. L’architecture cubiste tchèque représente une contribution isolée à l’histoire millénaire des styles architecturaux. Elle a deux visages: l’un est novateur, l’autre traditionnaliste; elle est vision- Maison de rapport de la rue Neklanova, à Prague, architecte Josef Chochol, 1913-1914. naire et anachronique à la fois. Elle témoigne toujours de l’esprit pénétrant et de l’imagination géniale de ceux qui l’avaient créée. L’essayiste Josef Kroutvor a fait remarquer que les réalisations du cubisme tchèque étaient nées à la même époque et des mêmes impulsions que les romans et contes de Franz Kafka. Les deux ont en commun «les arêtes blessantes dues à l’intersection des deux univers: elles marquent le conflit de l’âme humaine et de la vision personnelle avec la géométrie impersonnelle et ses lois.» Pavel Panoch Photos: Pavel Panoch, archives de la rédaction Lampadaire de la place Jungmannovo námûstí, à Prague, 1913. Arch. Emil Králíãek. 19 20 Phénomène Genius loci Les ateliers Cigler Marani Architects et DUA sont sortis victorieux du concours architectural pour l’aspect futur de la place Václavské námûstí. Selon leur conception, la plus célèbre place du pays devrait voir revenir peu à peu les tramways, de nombreux arbres qui y seraient plantés dans l’avenir et de larges trottoirs qui y seraient aménagés en respectant la mosaïque primitive du pavé et en gardant les blocs de granit massif. La place sera équipée d’un système d’éclairage public unifié et de kiosques à rafraîchissements ouverts et en toutes directions. Le nouveau plan obéit au principe médiéval du réseau de rues primitif mesuré en multiples du «cordon de pays» – 30,794 m. Le projet envisage l’élimination presque complète du stationnement (il y aurait des garages souterrains), la place ne devant garder que les postes de stationnement pour le service de taxis et pour les invalides. Selon les auteurs du projet, il s’agit «de rendre à cet espace son rôle d’un important boulevard européen débordant de vie». Photos: Cigler Marani Architects 21 Orgie de chalets L’artiste Veronika Zapletalová (34) a promené à travers le monde entier son ensemble photographique présentant des perles du bricolage tchèque, c’est-à-dire de fermettes et de chalets. Pour réaliser son projet Passion des chalets, elle a parcouru tout le pays et a photographié quelques centaines de fermettes, de chalets et de cabanes de jardin et elle a présenté l’ensemble de photos choisis dans une tournée d’expositions allant de Sao Paulo du Brésil, à travers New York jusqu’en Israël. A l’heure actuelle, elle prépare un livre à ce sujet. En voyageant ainsi à travers le monde, Veronika a constaté que le phénomène «chaletier tchèque» n’a son pareil en aucun pays. «Les Anglais ont été déconcertés par l’absence de l’espace privé dans les colonies de chalets; les étudiants newyorkais étaient ravis de l’expression intuitive de gens simples réagissant sur les contraintes de leur temps». Devant les immenses archives de l’artiste, une question s’impose: Qui est, au fait, le «chaletier» tchèque? Veronika Zapletalová, sculpteur de son état, qualifie ces constructions de «rêves matérialisés», «témoignages sur l’époque» ou de «oeuvres sculpturales dans le paysage». A son avis, elles présentent des différences sensibles selon les régions. 22 «Dans la Bohême du Sud, on voit beaucoup de cabanes faites de poutres qui trahissent l’influence du romantisme de campeurs et des westerns d’avant-guerre. Aux environs de Hradec Králové, ce sont de petites villas en bois avec des terasses vitrées qui, en dépit de leurs dimensions modestes, veulent avoir un air monumental: on y sent l’influence de l’excellente architecture réalisée dans la région, dans la période entre deux guerres, par les créateurs tels que Goãár ou Kotûra. Le pays d’Ostrava, par contre, est marqué surtout par l’architecture socialiste.» Les premières colonies de chalets apparurent dans les années de la Première république (1918-1938) sous l’influence du woodcraft – mode de vie des trappeurs et campeurs. Cependant, c’est dans la période du «socialisme réel» qu’elles connurent un véritable boom. C’était l’époque où, selon le mot du théoricien d’architecture Vladimír Czumalo, les colonies de chalets connurent des «orgies de construction, d’améliorations et d’agrandissements». Bricolage et improvisation C’est que la plupart des «chaletiers» trouvaient dans leurs chalets ou fermettes l’occasion de se réaliser – dont il manquaient dans la vie de tous les jours et dans leur profession. Ils s’adonnèrent donc au bricolage et «les Tchèques aux petites mains d’or» pouvaient s’éclater: leur fameux talent d’improvisation put s’épanouir. «Le chalet m’a appris que tout pouvait servir, absolument tout. Tenez: c’est avec de vieux bois de lit que j’ai fabriqué mon escalier,» dit avec fierté Vladimír Bár qui passe ses weekends dans la colonie Údolí návratÛ (=vallée du retour), près de Vla‰im. 1 2 3 4 5 Société «Comme si la profession d’architecte était un métier toléré dont on ne sait pas, au fond, pourquoi il existe, notamment dans une société comportant un si grand nombre d’adroits constructeurs débrouillards de chalets et fermettes de week-end.» Pavel Pelãák (*1963) architecte et théoricien de l’architecture 6 Selon Daniel Ziss, auteur du texte d’accompagnement dans le catalogue de l’exposition de Veronika Zapletalová, beaucoup de chaletiers sont – sans s’en douter – représentants de différents courants artistiques, considérés comme progressifs à l’heure actuelle. Prenons par exemple la baraque de planches encastrée dans un rocher (l’artiste l’a photographiée dans le pays de Kokofiín); c’est du pur land art (= art planté dans le paysage). Le chalet revêtu de lames de parquet représente le style arte povera (=art utilisant des matériaux dépréciés mis au rebut). Le chalet aménagé dans un tonneau, c’est du ready made: un objet destiné à un usage déterminé prend tout d’un coup une fonction toute différente. Très souvent, les propriétaires de chalets sont adeptes du postmodernisme et mélangent les styles divers: par exemple, en entourant de totems indiens un chalet inspiré par l’architecture paysanne tchèque. « Les gens avaient un potentiel créateur, mais ils n’avaient pas la moindre possibilité de le faire valoir. Comme il n’y avait où acheter les choses nécessaires, on en chipait,» note la géographe sociale Dana Fialová, co-auteur de l’étude intitulée Résidence secondaire en Tchéquie, parue en 2001. Le caractère austère, fonctionnel et poétique dans une certaine mesure est décrit dans le 7 livre pour enfants Bel été dans le Chalet de l’aigle, par Vladimír Thiele. La description donne l’impression de présenter la manie chaletière des années 70: «Ce qu’il pouvait être beau notre chalet fait de poutres! La rocaille, le totem, la véranda minuscule, le petit balcon, le mât avec le fanion, le foyer et tout le reste...Sur la véranda, une petite table où l’on prenait les repas et de petites chaises en bois de bouleau... Ce chalet a été construit avec un grand amour, dit papa, quelqu’un s’en est donné à coeur joie. C’est aussi mon avis, dit grand’maman. C’était un inventeur, peut-être. Ou alors, il était amoureux..., dit maman, tandis que nous, Pierre et moi, nous savons que celui qui nous a vendu le chalet devait certainement être un indien déguisé.» A l’heure actuelle, on entend des voix qui condamnent le goût des chalets. Dans l’étude parue dans le périodique ERA 21, le théoricien Vladimír Czumalo affirme que «de par sa substance même, le chalet de repos est écoeurant et, bien que servant au séjour dans la nature et aux contacts les plus étroits avec elle, il y apparaît presque toujours comme un élément dérangeant»; il ajoute que les colonies de chalets se caractérisent «par la capacité prodigieuse de prolifération cancéreuse et par celle d’abîmer avec certitude n’importe quel site». La sociologue Hana Librová considère, par contre, que le goût des chalets présente en prépondérance des aspects positifs. «Parler des chalets comme d’une tumeur du paysage, c’est employer une expression trop forte. Quant à moi, je m’attacherais plutôt au charme de leur caractère pittoresque et varié. Certains intellectuels adoptent envers les chalets une attitude méprisante en négligeant leurs aspects positifs certains, tel le contact avec la nature moyennant le jardinage.» Veronika Zapletalová rappelle, quant à elle, que «les chalets abîment le paysage beaucoup moins que les bâtiments commerciaux qui poussent actuellement autour de nos villes, que les cités satellites et la construction des routes». 23 9 Peu de place? La sociologue Jana Dufková examine, elle, les paradoxes caractéristiques des séjours dans les chalets. «En dépit des déclarations que, au moins pendant le week-end, nous voulons nous rapprocher de la nature, à peine arrivés dans notre résidence secondaire, nous branchons le frigo, regardons la télé ou bétonnons les petits chemins du jardin,» dit-elle dans son article du périodique Pfiítomnost. Pour les week-ends et pendant les vacances, les citadins fuient le chaos et le vacarme pour trouver la tranquilité et le repos dans leur chalet. Cependant, ils y plongent souvent dans plus de vacarme et de nervosité. Grâce à la popularité générale dont jouissent les séjours au chalet, la densité de la population dans certaines colonies s’est rapprochée de celle des bidonvilles du tiers monde. L’espace couvert étant limité et le chalet accueillant pour le 8 week-end plusieurs générations de la famille à la fois, sans parler de copains, le rêve de tranquilité s’évanouit bien vite. De chez le voisin de gauche qui a collé son nouveau chalet contre le vôtre, on entend depuis le matin le hurlement de la scie circulaire; chez le voisin de droite, une radio enrouée joue à plein régime. Même s’il arrive que, par hasard, le bruit cesse, il n’est pas question de parler de choses de famille, car chez vos voisins on entend chaque mot. 10 La vie y était belle 11 24 12 Malgré tout cela, la plupart des chaletiers ne permettent pas que l’on touche à cette façon d’occuper les loisirs. «La vie y était toujours belle,» se souvient le frais retraité Vladimír Bár des week-ends et des vacances passés dans la colonie de la Vallée du retour.. «Cela a été l’évasion – de la profession, de la réalité de l’époque – et aujourd’hui c’est tout simplement la meilleure des relaxations,» affirme M. Bár, musicien de son métier qui a travaillé ensuite à la Radio comme respon- 13 Les photos font partie du vaste ensemble de V. Zapletalová, appelé Passion de chalets. Les éditions ERA viennent de publier un livre à son sujet. Pour plus d’information www.zapletalova.com 1. La photographe Veronika Zapletalová. 2. L’influence de l’architecture de la Première république. Slapy, Cholín. 3. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – âesk˘ ráj, Prachovské skály, Javornická horka. 4. La période de 1945 à 1989. âelákovice. 5. L’influence de l’architecture de la Première république. Hradec Králové, ·tûnkov, rives de l’Orlice. 6. La période de 1945 à 1989. Louny, M‰ec. 7. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – Sázava, Pfiívlaky, rives de la Sázava. 8. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – Slapy, Cholín. 9. Colonies de campeurs – Stará Boleslav, Káran˘, rives de la Jizera, colonie Arado. 10. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – Slapy, Cholín. 11. La période de 1945 à 1989. JindfiichÛv Hradec, ZvÛle. 12. La période de 1945 à 1989. Hradec Králové, ·tûnkov, rives de l’Orlice. 13. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – Bene‰ov, Pofiíãí nad Sázavou, Mûsíãní údolí. 14. Objets récupérés et aménagés (tonneaux, house-boats, etc.) – Slapy, Cholín. 15. La période de 1945 à 1979. Slapy, Cholín. sable de répertoire. «On y était toujours une bonne compagnie qui n’arrêtait pas de monter des blagues.» Cependant, on observe un autre paradoxe chez les amateurs de la vie de chalet. C’est que les gens qui, désirant s’évader hors de la portée des comités de parti de leur rue jadis et, aujourd’hui, hors de celle de leurs managers, élisaient et élisent toujours des comités de colonie et leurs chefs. «Depuis toujours on y a notre shérif,» dit M. Bár. Ajoutons que les pouvoirs des comités de colonie sont considérables: ce sont eux qui décident qui sera ou ne sera pas admis dans la colonie. «Les cabanes en bois, les latrines en bois... Il ne manque que le sifflet pour que l’on voie s’opérer le retour au campement de notre enfance,» note l’écologiste social Bohuslav BlaÏek (décédé depuis peu) dans l’essai qu’il a publié au sujet des chalets dans le périodique Pfiítomnost. Il rappelle en même temps que l’amour des chalets était aussi une sorte d’alternative non criticable, une évasion ou même une sorte de protestation contre le régime en place. Une des raisons qui ont motivé Veronika Zapletalová à photographier les chalets et fermettes des pays tchèques, c’était sa peur de voir disparaître ce phénomène unique, de le voir céder aux pressions de l’époque contemporaine. «Je croyais que les gens renonceraient à leurs chalets bricolés et qu’ils se mettraient à bâtir dans le style du baroque d’entrepreneurs. Cependant, il est apparu que tout le monde ne le trouvait pas à son goût ou n’avait pas assez d’argent et que, donc, le chaletier tchèque vivra.» Chez la professeur Librová, la vision optimiste de l’avenir de homo chaletier s’appuie à d’autres considérations encore: «Etant donné le caractère du travail moderne, il est rare que l’on voie les résultats concrets et le sens de ce que l’on fait. C’est pour cette raison que le bricolage au chalet où, tout le temps, on crée de ses mains quelque chose de concret, jouit toujours d’une popularité aussi grande.» 14 Vladimír ·evela journal Lidové noviny 15 25 Du sang jeune Arrivée de la nouvelle génération d’architectes Quel est le paysage actuel de l’architecture en République tchèque? Impossible de ne pas remarquer la génération d’architectes âgés de trentecinq ans qui demandent la parole. Ils ont du succès, ils ont des idées et leurs travaux sont tout-à-fait comparables avec ceux de leurs homologues européens. La place publique et les cubes C’est le cas du trio d’architectes associés, depuis 1998, dans le studio H·H architekti: Petr Hájek, TomበHradeãn˘ et Jan ·épka. Ils ont attiré l’attention par l’exposition Prostorov˘ dÛm (=maison-espace) explorant les possibilités de différentes conceptions de l’espace. L’exposition a remporté du succès non seulement à Prague, mais encore à Liberec, à Cheb, à Brno, à Budapest et à Oslo. Le but du projet consistait à s’adresser au vaste public et à exposer de façon accessible les problèmes théoriques de l’architecture en 26 présentant six études concrètes de maison-espace, dues aux architectes Petr Burian, Petr Hájek, TomበHradeãn˘ et Jan ·épka. Leur projet d’aménagement de la place principale d’Olomouc a eu un grand retentissement, bien que l’on n’ait pas été toujours d’accord avec leur conception. Toujours est-il que leur projet de revitalisation de la place a fini par être réalisé. Par la suite, la reconstruction de la place Horní námûstí à Olomouc a remporté la mention honorifique du Prix Piranesi européen. Le trio H·H a «Cest sur une civilisation de figurines architecturales que je suis tombé...» dit Svatopluk Sládeãek. Chalet Doubravka – centre de formation Outward Bound âR. projeté aussi l’aménagement du dallage au Château de Prague, celui d’une partie du Musée archiépiscopal d’Olomouc et, il y a un an et demi, la très discutée maison familiale de Beroun. Cette réalisation du studio n’est pas une maison classique surmontée d’un toit en dos d’âne, à laquelle on s’attendrait dans la localité, mais une structure spatiale. Une sorte de grille composée de 24 cubes dont chacun représente un élément indépendant. Les fonctions de différents cubes sont décidées selon les besoins. La maison n’a pas de façade principale, pas d’hiérarchie: toutes ses parties sont assemblées selon le même système. Le minimalisme de H·H va jusqu’au bout: s’il a exaspéré les uns, les autres ont été captivés par son caractère novateur. «Il suffit que l’architecte définisse le réseau spatial de base dans lequel seront ensuite inscrites et modelées les pièces en coopération avec le client,» expliquent les auteurs leur conception des structures spatiales de la maison familiale. Architecture nouvelle Villa de KromûfiíÏ, arch. Sládeãek. «Je suppose qu’une oeuvre architecturale découvre chaque fois une partie nouvelle, cachée ou perdue de l’espace infini.» Svatopluk Sládeãek (*1969) architecte Architecte figuratif Svatopluk Sládeãek (*1969), architecte et designer travaillant à Zlín et à Brno, est un autre membre de la génération d’architectes montante. Depuis 1995 il dirige son atelier New Work, à Zlín tout d’abord et, actuellement, à Brno. Ses réalisations sont appréciées et elles occupent une place remarquée dans le paysage de l’architecture tchèque de ces dernières années. Auteur de nombreuses maisons familiales, propagateur des constructions en bois et personnalité marquante qui a son style propre, Sládeãek a présenté dans l’exposition organisée en 2004 sa conception originale de «l’architecture figurative». Ayant une vision du monde poétique, il cherche les racines de la profession d’architecte dans le métier et dans l’exécution technique. «L’architecte peut inscrire dans une maison un poème, il peut faire un nouveau examen de l’espace. Et sa construction devrait contenir les conclusions de cet examen. L’architecte peut donc se faire valoir dans les rouages de l’édification, bien que ces rouages n’ont souvent aucun besoin de lui; ou ne veu- Intérieurs de la villa de KromûfiíÏ. lent pas de lui parce qu’il les gène. Mais c’est là un mode d’existence possible de l’architecture,» dit-il en parlant du rôle de l’architecte contemporain. Dans le milieu tchèque, la conception de l’architecture figurative représente une diversion rafraîchissante et agréable. Comment la définit-il, au fait? «Je me suis un peu joué de la grandiloquence de nos constructions. C’est ainsi que sont nés les modèles de maisons et leurs noms. Je crois que l’architecture, nous ne la créons guère plus, on la met plutôt à notre disposition,» ajoute Svatopluk Sládeãek. Atelier 69: remixages Ayant terminé l’Ecole des Hautes Etudes Techniques de Prague, ces architectes, originaires de Franti‰kovy Láznû et de Liberec, ont installé leur Atelier 69 (A69) à Cheb. En Bohême occidentale, ils recevaient des commandes importantes dont ils n’auraient pas pu rêver à Prague où la concurrence est bien âpre. L’atelier de Cheb a fait parler de lui il y a six ans, où il a reçu deux distinctions honorifiques de la Chambre des architectes dans le cadre du concours pour le Grand Prix. Les associés ont été récompensés pour la réalisation du corridor de jonction de la maison balnéaire de Franti‰kovy Láznû et pour la reconstruction de la rue Anglická dans la même ville. Il y a deux ans, ils ont terminé la construction de Villa Park Strahov, vaste ensemble d’habitation considéré comme une réalisation réussie. Leur Sanatorium du Dr. Peták, de Franti‰kovy Láznû, a eu la nomination pour le prestigieux Prix Mies van der Rohe. Cependant, «Nul n’est prophète dans son pays,» disent Boris Redãenkov, Prokop Tomá‰ek et Jarosalav Wertig de l’A69. A l’avis de nombreux spécialistes, leur conception de l’architecture et leur façon de penser sont exceptionnelles. Chacun de leurs pro- 27 Villa Park Strahov, Prague. Ateliér 69. jets est marqué d’originalité, ils regardent chaque nouveau projet avec des yeux nouveaux. L’idée de base est toujours simple. Il s’agit le plus souvent d’un principe connu «remixé», selon l’expression des trois architectes, en forme actuelle. Aussi, leur exposition organisée récemment dans la Galerie Jaroslav Frágner, à Prague, portait-elle le titre «Remixages». «Nous sentons l’esprit du temps et celui-ci doit marquer ce que nous faisons,» affirment-ils.«Quelquefois, ce ne sont que des allusions, quelquefois une sorte de fondement commun. Quelquefois il arrive même qu’il y ait une ressemblance formelle...» La conception de l’exposition de l’A69 était originale elle aussi. La présentation s’articulait en sept installations assez autonomes qui illustraient les principes de base de réalisations concrètes de l’atelier. Bien que Jaroslav Wertig dise avoir horreur de l’étiquette «jeunes et prometteurs», il n’y a pas de doute que lui et ses associés font partie de la forte genération qui promet. Villa Park Strahov, Prague. Intérieur. Ateliér 69 (réalisation du projet qui a gagné le concours d’architecture, 1999-2001). Design de Mimolimit Dans le domaine du design et de l’architecture d’intérieur, il serait difficile à l’heure actuelle de trouver dans les pays tchèques une marque plus renommée et plus respectée que celle de Mimolimit de Prague. L’atelier de Bára ·korpilová et de Jan Nedvûd attire l’attention du vaste public, des médias et des collègues architectes, et cela se comprend. Dans l’espace de quelques années, l’atelier a su élaborer un style original et identifiable. Jouant sur l’atmosphère douillette et accueillante, ses chefs comptent parmi les meilleurs architectes de cafés et de restaurants. L’atelier Mimolimit utilise un certain nombre d’éléments d’intérieur caractéristiques, repris aujourd’hui par d’autres ateliers. L’expression esthétique claire et marquée de cet atelier, dont l’activité ne dure pourtant que dix ans à peine, trouve des imitateurs. En faisant le tour de plusieurs intérieurs d’hôtel et de restaurant, que Mimolimit a créés à Prague et ailleurs, on se rend facilement compte pourquoi il en est ainsi. 28 Villa Park Strahov (arrière-corps), Prague. Ateliér 69. affirment Pavel Nasadil, Jifií Bíza, Jan Hork˘ et TomበStraka, associés dans l’atelier FAM. Parmi les autres études d’architecte moraves, rappelons l’Atelier Wittassek, fondé il y a huit ans, ou le tandem Radovan Schaufler et Jakub Roskovec qui réalise d’intéressants projets surtout pour ce qui est de la construction de maisons familiales et de l’aménagement des intérieurs. Il n’est pas possible, bien entendu, de mentionner tous les architectes compétents et talentueux et leur ateliers. Il est évident, de toute façon, qu’après les décennies de l’hégémonie Maison Plot, Cheb 2005. Les créations de Bára ·korpilová et de son atelier sont reconnaissables, entre autres, aux compositions de fleurs sèches et à l’utilisation de plantes ligneuses exotiques. ·korpilová et Nedvûd ont été les premiers chez nous à s’en servir de cette façon très originale. A l’heure actuelle, tout le monde les utilise, et non seulement pour les intérieurs de cafés. Chez Mimolimit on apprécie notamment le sens, du détail, de la couleur et de la lumière et, surtout, l’atmosphère agréable et accueillante. Les nouveaux qui viennent En dehors des architectes nommés ci-dessus et, dorénavant, bien en place, il y a naturellement d’autres ateliers et créateurs individuels qui apparaissent dans le paysage d’architecture tchèque. Ceux qui, il y a quelques années, étaient considérés comme «jeunes et prometteurs», ont aujourd’hui leurs ateliers et ce sont des diplômés tout frais qui viennent prendre leur place. Très certainement, on va entendre parler de l’ atelier ATX de Brno, créé en 2001 par trois architectes-anciens camarades d’études à la faculté d’architecture de l’Ecole des Hautes Etudes Techniques de Brno: Rostislav Jakubec (1971), Zdenûk Fichler (1972) et TomበBeránek (1972). Le jeune atelier FAM ARCHITEKTI, fondé tout récemment, a été créé lui aussi immédiatement après que deux des membres fondateurs avaient terminé l’ Ecole d’architecture près l’Ecole supérieure des beaux-arts. «Nous n’avons pas de credo établi, de principes constants. Il n’y a que l’emplacement, la construction, le client et la volonté de créer. Et la responsabilité. Chaque concept nouveau nous fait évoluer, avancer d’un pas. Il n’y a pas de solutions automatiques,» socialiste des instituts de projets de district et régionaux où l’on «faisait des maisons», les jeunes architectes réusissent aujourd’hui à faire valoir leurs opinions souvent peu conformistes. Ainsi par exemple les Ingénieurs volants (Havlíãek, Magnusek, Nov˘, Mihalãík, Havlíãková et âech) présentent leurs maisons comme des «constructions d’un matérialisme mystique, constructions ascétiques ou pleines d’enjouement, constructions érotiques, animales ou végétales, comme osées ou sérieuses.» Et ils prêchent «l’architecture en attaque». David Wittassek confirme l’élan montant de l’architecture tchèque. Dans l’enquête publiée dans le périodique Archiweb, il a désigné comme l’événement majeur de l’année l’accroissement du nombre de réalisations remarquables que les auteurs tchèques présentent chaque année au concours pour le Grand Prix de l’Ordre des architectes. Radek VáÀa Photos: Filip ·lapal, Pavel ·techa, TOAST, Rudolf âervenka et archives des ateliers, www.newwork.cz; www.atelier69.cz 29 Canada Water Bus Station – station de métro et d’autobus, Londres – Rotherhithe, réalisée en 1999. Le minimalisme poétique d’Eva Jifiiãná Eva Jifiiãná est une architecte appréciée d’origine tchèque qui vit à Londres depuis plus de trente ans. Parmi les travaux de son atelier Eva Jiricna Associated Limited (EJAL), il y a des intérieurs de boutiques de mode, des appartements privés, mais aussi l’Orangerie du Château de Prague ou le design de l’Hôtel Joseph. Lignes de lumière Le théoricien de l’architecture Petr Kratochvíl qualifie la création d’Eva Jifiiãná comme un «minimalisme poétique» et il constate que le trait principal de ses réalisations est sa façon d’utiliser la lumière. Dans les locaux commerciaux, le rôle de la lumière est primordial: elle oriente et, en même temps, elle attire et elle entraîne à l’achat. Dans ce domaine, le renom d’Eva Jifiiãná est bien établi, de même que dans celui des escaliers à construction bien élaborée. Les escaliers et le verre combiné avec l’acier, dont elle se sert pour les réaliser, sont très caractéristiques de son architecture; ils sont littéralement ses traits distinctifs, éléments fondamentaux de son style. Ils constituent les fines structures techniques et les motifs gracieux qui distinguent ses intérieurs de ceux des autres. «L’architecture moderne en Grande Bretagne a été considérablement enrichie par la création d’architectes pleins d’élan venus sur cette île très conservatrice avec la tête bourrée d’idées qu’ils désiraient réaliser. (...) Jan Kaplick˘ et Eva Jifiiãná ont exercé une influence décisive sur Eva Jifiiãná aujourd’hui. l’évolution actuelle de l’architecture de notre île, caractérisée par des groupes d’habitations suburbains,» affirme Peter Murray dans son étude. Le renom dont Eva Jifiiãná jouit dans le monde d’architecture, dépasse les limites du pays. C’est à bon droit que cette créatrice figure dans le petit groupe d’architectes tchèques appréciés à l’étranger. Mais l’adjectif «tchèque», soit dit en passant, est un peu déplacé dans le contexte actuel. Il est vrai que, depuis 1989, Eva Jifiiãná revient souvent en Tchéquie, qu’elle conduit l’atelier d’architecture à l’Ecole des Hautes Etudes Techniques de Prague, qu’elle a son studio dans le pays, mais elle continue à exercer son métier à Londres. L’histoire de sa vie, ainsi que ses réalisations, démontrent que, dans le monde d’architecture globalisé, l’origine et le lieu de naissance ont cessé de jouer un rôle fondamental. De Zlín à Londres Eva Jifiiãná est née le 3 mars 1939 à Zlín, dans la famille de l’architecte Jifií Jifiiãn˘. Dans les années 19561962, elle a fait ses études à l’Ecole des Hautes études techniques, faculté 30 Hôtel Josef, Prague, réalisé en 2002. Personnalité «L’architecture est le fruit du sens pour la beauté de l’espace.» Antonín Barvitius (1823-1901) architecte d’architecture, à Prague. Ensuite elle a travaillé pendant quelques années au Bureau de l’architecte-chef de la ville de Prague.«Dès que j’ai dit que je voudrais me consacrer à l’architecture, tout le monde s’est mis à m’expliquer que ce n’était pas possible. Que l’architecture n’était pas pour les femmes, que je ferais mieux d’étudier l’intérieur, car sinon, je pourrais aspirer au mieux à devenir l’épouse d’un architecte. Hérétique de naissance, je n’ai pas cédé et je ne l’ai jamais regretté,» dit-elle en parlant aujourd’hui du choix de sa profession. Désillusions et manque de possibilité de réalisation libre ont abouti chez elle, en 1968, à la décision de quitter la Tchécoslovaquie. Elle alla à Londres et commença par travailler dans l’atelier de Louis de Soissons. Elle y prit part au projet d’une vaste gare maritime de Brighton avec hôtels et surfaces commerciales. Plus tard, elle a collaboré avec l’architecte Richard Rogers à l’aménagement des intérieurs de la maison d’assurance Lloyds. Ces expériences et une très bonne connaissance de procédés technologiques et Aménagement d’appartement, Londres – Knightbridge, réalisé en 1992. de construction ont certainement contribué à la formation de son style original et individualisé. Il faut rappeler aussi la vague du style High-tech britannique qui, dans les années 80, a marqué la création d’Eva Jifiiãná. «La beauté fait partie de la logique,» a-t-elle déclaré dans un entretien. Son aptitude d’aborder l’espace analytiquement et avec toutes les subtilités techniques possibles est visibe non seulement dans ses fameux escaliers en verre, mais aussi dans les impressionnants intérieurs aérés et sobres qu’elle a réalisés à travers le monde. Hublot sur l’espace En 1976, Eva Jifiiãná obtient la citoyenneté britannique, quatorze ans avant qu’elle ne puisse venir visiter sa patrie. En 1986, elle crée à Londres son atelier d’architecture propre – Eva Jifiiãná Associated Limited (EJAL) et ses aménagements d’intérieurs, souvent reproduits dans la presse, commencent à entrer dans la légende. Elle obtient une série de commandes intéressantes: magasin de chaussures Joan et Orangerie du Château de Prague, réalisée en 1998. 31 Echangeur de Venise, projet de concours non réalisé. David à Los Ageles, salon de l’établissement Vidal Sassoon à Francfort sur le Main ou Joe’s Café à Londres. Tous ces intérieurs élégants ont en commun le technicisme de l’expression – que certains peuvent trouver froide et dépersonnalisée – et le sens de l’union équilibrée du matériau et de la forme. «Ses magasins font l’effet d’un oasis du calme où les achats se déroulent comme des cérémonies solennelles. La sobriété se manifeste tant dans la quantité que dans la conception des objets qui remplissent le local et elle souligne le caractère aéré et cohérent de l’espace. Il ne s’agit pas, cependant, d’un espace statique: les lignes arrondies des objets, les parois aux surfaces ondulées, quelques colonnes étonnantes d’épaisseur donnent l’impression d’un espace fluide. Cette conception dynamique de l’espace est appliquée aussi dans les appartements et dans les bureaux: même ici, l’espace semble ne pas avoir d’arêtes, de couler de façon continue d’une pièce à l’autre,» dit Petr Kratochvíl au sujet des réalisations d’Eva Jifiiãná. La couleur blanche dans les intérieurs, les portes coulissantes en verre, les tiges inox et les constructions précises apparentes – voilà autant de signes distinctifs de cette architecte. Et puis, bien sûr, le hublot: rond ou oval, Eva Jifiiãná le place souvent dans les portes et dans les murs. On le trouve dans le grand magasin de la rue Ulice 28. fiíjna à Prague, de même que dans les «bureaux dansants» mentionnés. Architecture: res publica «A mon avis, le rôle de l’architecte n’a pas changé, mais il faut que change l’idée que la société se fait à ce sujet. Quand le rôle de l’architecte était nul, la société ne se rendait pas compte de son existence. L’architecte est toujours l’agent de son client. Il lui garantit que la qualité de son travail, le contrôle de la construction de l’objet architectural se déroulent dans le cadre des possibilités professionnelles,» refléchit Eva Jifiiãná sur l’état actuel de sa profession. Pendant quarante ans, il y a eu la dégradation de l’architecture, ce dont témoigne l’état des maisons construites de panneaux dans lesquelles vit actuellement tout un tiers de la population de la République tchèque. Cela n’a certainement 32 Résidence privée, Londres – Belgravia. Les intérieurs des bureaux de l’établissement Andersen Consulting dans la Maison dansante du quai Ra‰ínovo nábfieÏí, à Prague, ne peuvent guère être visités, tandis que les locaux du British Council, situés dans le Bredovsk˘ dvÛr au centre même de la capitale, sont accessibles à tous. Lumière, transparence, métal et verre – voilà les principaux traits distinctifs des oeuvres d’Eva Jifiiãná. L’Orangerie, construite dans les années 1997-1998 à la limite du Jardin royal et du Fossé aux cerfs, rappelle un OVNI cylindrique argenté. Longue de 84 m, elle est très admirée tant au pays qu’à l’étranger. Très favorablement accueilli a été aussi le design de l’Hôtel Josef inauguré il y a quelques années dans la rue Rybná au centre de Prague. Parois de verre, locaux de conception sobre, voire aseptique – l’hôtel n’est pas contribué à ce que l’on ait une idée élevée du rôle de l’architecte dans la société. L’expérience qu’Eva Jifiiãná a acquise pendant les années où elle travaillait à l’étranger pour des clients exigeants est bien différente. «Quand le socialisme s’est soudainement effondré, il y avait là l’architecte sans expérience, dépendant financièrement de celui qui lui donnait du travail. Rien que pour des raisons économiques, il devait faire ce que l’on lui demandait. Et parmi les clients, il y a très souvent des personnes qui ont de l’argent, mais qui sont destructrices et arrogantes. L’architecte doit avoir un certain acquis pour convaincre son client d’en savoir plus long que lui.» Au moment de son retour en Tchéquie, en 1990, la longue activité à l’étranger et ses réalisations nombreuses représetaient donc pour Eva Jifiiãná une longueur d’avance importante par rapport aux architectes du pays. Réalisations en Tchéquie «A l’heure actuelle chacun lutte pour ses droits individuels, mais éco- nomiquement, tous ont besoin les uns des autres. Il est possible que les rapports économique vont durer, mais le besoin de l’expression individuelle sera de plus en plus pressant,» considère Eva Jifiiãná. On a pu prendre connaissance de son écriture hightech personnelle et très individualisée dans plusieurs oeuvres qu’elle a réalisées en République tchèque. La structure argentée impressionnante de l’Orangerie est l’une des interventions actuelles dans l’aspect architectural du Château de Prague. décidément pas destiné à attirer le tourisme collectif; il s’adresse aux visiteurs capables d’apprécier le haut standard et le design exclusif. Les intérieurs et le design portant la griffe d’Eva Jifiiãná ont le raffinement exclusif directement et solidement inscrit dans le code génétique. Radek VáÀa Photos: Richard Bryant/Arcaid, EVA JIRICNA ARCHITECTS LTD., Ivan Nûmec, Gautier De Blonde, Daniela Ka‰tánková, (www.ejal.com) Orangerie du Château de Prague, réalisée en 1998. 33 Exposition Charles IV, empereur par la grâce de Dieu Pour la première fois dans l’histoire moderne, on a réussi à rassembler les monuments artistiques médiévaux d’origine tchèque remontant à l’époque du règne des derniers souverains de la maison de Luxembourg – Charles IV et ses fils Václav IV et Sigismond. Cet extraordinaire ensemble d’oeuvres artistiques a pu être réuni grâce à l’exceptionnel projet réalisé en commun par l’Administration du Château de Prague et du Musée métropolitain de New York. Ont été rendus accessibles au public 216 objets empruntés à 96 galeries, musées et collections privées de 11 pays du monde. Pendant les trois mois qu’elle a duré à New York, l’exposition a été visité par 170 000 spectateurs. La personnalité de Charles IV de Luxembourg est indissolublement liée non seulement au Château de Prague et à l’histoire des pays tchèques, mais aussi à l’histoire de l’Europe. En tant qu’empereur, il était le plus puissant des représentants politiques de l’Europe du 14e siècle. Sous son règne, Prague devint une métropole animée et superbe résidence du prince chrétien le plus puissant du continent. Par sa richesse spirituelle, elle égalait Rome «l’éternelle». Elle était le rendez-vous des meilleurs artistes et artisans de l’époque, dont les oeuvres devaient glorifier le souverain et donner du lustre à l’Empire et au Royaume de Bohême. L’art de la Prague impériale était un phénomène extraordinaire et on découvre les échos de son prestige dans de nombreuses cours souveraines à travers toute l’Europe. C’est sous le règne des fils de Charles, Václav IV et Sigismond, que cette prééminence atteignit son apogée en aboutissant à la constitution d’un style européen unifié – le gothique international. Les meilleures oeuvres de l’exposition Charles IV, empereur par la grâce de Dieu, ont présenté la période la plus prestigieuse de l’Etat 34 tchèque – le règne des souverains de la maison de Luxembourg. Parmi les plus précieuses oeuvres exposées comptait la table de la Mort de la Vierge de Ko‰átky, empruntée de Boston, la châsse de l’épine de la couronne du Christ, venant de Baltimore, et le Crucifiement aux multiples figures, dit de Kaufmann, venant de Berlin. L’exposition a été accompagnée, entre le 9 et la 13 mai 2006, par un symposium scientifique international, organisé au Château de Prague. Il a réuni une cinquantaine de spécialistes du moyen âge culminant venus de huit pays. Leurs contributions avaient pour thème le rôle de la dynastie de Luxembourg en Europe centrale, la représentation impériale et l’art. Parmi les manifestations d’accompagnement, rappelons l’exposition sur la Vie à la cour de Charles IV consacrée à la vie de tous les jours à l’époque des souverains de la maison de Luxembourg, une exposition tactile qui présentera le thème aux handicapés visuels, un programme pour enfants, des spectacles, etc. Le projet est un événement absolument inédit dans l’histoire de l’organisation d’expositions chez nous. Il a offert au public l’occasion unique de voir un ensemble d’objets très précieux et d’une grande valeur artistique. On trouvera les informations actualisées sur l’exposition sur: www.karel.iv.cz. Une Tchèque championne de Sudoku Contes de Hermann Hesse parmi les plus beaux livres du monde Les contes bleus de Hermann Hesse, petit livre broché publié par les éditions Argo, ont été choisis parmi les plus beaux livres du monde. Oeuvre du graphiste Lubo‰ Drtina, le livre a obtenu, à la Foire du livre de Leipzig, une mention honorifique dans la concurrence des livres de 34 pays et il figure parmi les 14 livres ayant remporté une distinction dans le concours du plus beaux livre du monde. Pour les éditions Argo, c’est déjà la deuxième récompense remportée: les Histoires du bain de vapeur, livre des légendes des Indiens d’Amérique du Nord dû à l’artiste Juraj Horváth, a obtenu la médaille d’or en 2002. Touristes russes en République tchèque Jana Tylová a gagné le championnat du monde de Sudoku et elle est devenue la première en date championne du monde en solution des casse-têtes. Au championnat organisé à Lucca, en Italie, elle a battu 84 rivaux venus de 22 pays. Le triomphe de cette Tchèque, comptable d’une entreprise de bâtiment de Most, avait de quoi surprendre les compétiteurs du championnat, dont un tiers seulement étaient les femmes. A Lucca, Sudoku a été présenté pour la première fois comme un sport pour spectateurs. Ce n’est que depuis deux ans que ce cassetête numérique est devenu vraiment populaire en Europe et aux Etats-Unis. Le nombres des turistes russes qui trouvent plaisir à venir en Tchéquie augmente chaque année. Les Russes viennent chercher chez nous non seulement les célèbres monuments d’architecture, mais aussi les stations balnéaires, les brasseries et la bonne cuisine. L’année dernière, 164 000 Russes sont venus en République tchèque. Ils vont surtout à Prague et à Karlovy Vary, ils sont fascinés de châteaux forts et châteaux tchèques et attirés par les villes d’eaux. Parmi les touristes étrangers, les Russes sont ceux qui restent en Tchéquie le plus longtemps et y dépensent le plus d’argent. Dans leur liste d’attractivité touristique des pays sans littoral, la République tchèque figure à la première place. Mosaïque Prix pour un savant tchèque Gustav Mahler à Jihlava Dès le début de la saison touristique, la ville de Jihlava va ouvrir une nouvelle exposition permanente consacrée au compositeur Gustav Mahler. L’exposition est installée dans la Maison Gustave Mahler où le futur compositeur avait vécu avec ses parents jusqu’à l’âge de 15 ans. Au bout d’une reconstruction difficile, la maison est accessible au public depuis 2000. L’exposition sera ouverte pendant toute l’année. Le président de l’Inde a accordé la distinction Padma Bhú‰an, prix d’Etat indien, à l’indologue tchèque Du‰an Zbavitel pour l’oeuvre de toute sa vie dans le domaine de la littérature et de l’enseignement, notamment dans le domaine de l’indologie. Padma Bhú‰an est l’une des décorations civiles suprêmes accordées en Inde et il est très rare qu’elle soit accordée à des ressortissants étrangers. Du‰an Zbavitel (1925) a fait des études d’indologie à l’Université Charles de Prague. Il a travaillé à l’Institut oriental de l’Académie des Sciences en tant que traducteur et professeur des langues de l’Inde. Il est l’auteur de nombreux livres et publications consacrés l’Inde. Ráussite de l’ETA Hlinsko RADIO PRAGUE HORAIRES ET FRÉQUENCES Cet horaire peut être modifié sans préavis TUC kHz m EUROPE 5930 7345 49 41 0800 - 0827 R EUROPE 9880 11600 31 25 1630 - 1657 EUROPE 5930 AFRIQUE-CENTRE 21745 49 13 1830 - 1857 R EUROPE EUROPE/AFRIQUE-OUEST 5930 13580 49 22 2200 - 2227 R AMÉRIQUE DU NORD 11600 15545 25 19 0600 - 0627 Jihlava pourrait devenir le centre de la célébration envisagée des anniversaires de Mahler. En 2010, on va commémorer le 150e anniversaire de la naissance du compositeur; un an plus tard, ce sera le 100e anniversaire de sa mort. Les miroirs tchèques revèlent les mystères du cosmos La société ETA Hlinsko, S.A., s’est classée, en 2005, parmi les producteurs tchèques les plus prospères et les plus fiables. Dans la plupart des palmarès, elle figure en deuxième position après ·koda Auto Mladá Boleslav. Sur le marché tchèque, les appareils électroménagers fabriqués par l’établissement ETA sont la marque la mieux cotée parmi les produits électroménagers, et cela tant du point de vue de la qualité, du design et du prix que du soin de clientèle. sont l’objet du projet international H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System) auquel participent aussi les scientifiques tchèques. La surface de chacun des quatre téléscopes se compose de 380 miroirs spéciaux, de 60 cm de diamètre chacun. Ils ont été fabriqués pour la plupart par les tailleurs de Turnov, leur construction spéciale ayant été conçue par l’opticien Milan ·onsk˘. A la base de la qualité renommée du verre de Bohême, les miroirs ont été commandés à l’établissement de Turnov sur la recommandation du professeur Ladislav Rob de l’Institut de la physique de particules et nucléaire, Faculté de physique et de mathématiques de l’Université Charles, qui participe au projet avec son doctorant Dalibor Nedbal. L’observatoire construit en Namibie, dans le Sud de l’Afrique, permet aux savants d’étudier les rayons gama et de faire la carte du centre de notre galaxie. Les rayons gama ZONE R R - Rediffusion Radio Prague – émissions internationales – fait partie de la Radio tchèque, une institution publique. Son objectif est d’informer continuellement sur la politique, l’économie et la culture tchèques les auditeurs au-delà des frontières de la République tchèque. Les programmes d’actualités d’une demi-heure de Radio Prague peuvent être suivis aussi sur ondes courtes et via satellite – voir la table. Les émissions de Radio Prague, en son et en texte, sont accessibles à tous aussi sur Internet, à l’adresse www.radio.cz. Par courrier électronique Radio Prague offre également l’abonnement gratuit à ses informations. Si vous voulez recevoir, à votre adresse Internet, les informations les plus récentes sur la République tchèque en allemand, en anglais, en espagnol, en français ou en tchèque, faites la demande à [email protected] ou à notre adresse: Radio Prague, Vinohradská 12, 12099 Prague 2, République tchèque, tél. +4202-2155 2901. 35 Musées en plein air joyaux d’architecture populaire En République tchèque, l’architecture populaire est particulièrement riche, variée et intéressante grâce aux conditions naturelles différenciées et à la situation au centre de l’Europe. Le bassin de Bohême, entouré de montagnes frontalières, est marqué par l’influence des régions voisines: par celle de la maison en poutres, la maison alpine y comprise, typiques des régions de «forêts noires», par la maison à colombage d’Europe de Nord-Ouest et par la maison d’argile caractéristique de la vallée du Danube. Les constructions populaires font partie des caractéristiques historiques de chaque région, sont déterminées par ses traditions et modèlent son aspect. Une des façons de conserver cet héritage consiste à sauver les constructions en les transposant dans des musées en plein air où elles sont accessibles aux visiteurs et où elles revivent pendant de nombreuses activités folkloriques. En République tchèque, de telles expositions d’architecture populaire sont au nombre de onze et on envisage d’en créer d’autres. Visitons quelques-unes d’entre elles en partant de la frontière orientale vers l’ouest du pays. Pfierov nad Labem. StráÏnice. RoÏnov pod Radho‰tûm Le Musée en plein air de la Valaquie morave et le plus important des ensembles 36 Bourg en bois, RoÏnov pod Radho‰tûm. d’architecture populaire existant dans le pays. Fondé en 1925 par les frères Jaronûk, il est le plus ancien des musées de ce genre en Europe centrale. Il comporte trois expositions présentant le modèle de l’habitat de la région montagneuse du Nord-Est de la Moravie. Le Bourg en bois est l’aire la plus ancienne du musée. Depuis 1925, on y transporta et reconstitua progressivement des maisons de la place principale de RoÏnov pour y ajouter un peu plus tard l’église construite sur le modèle de celle de Vûtfikovice et la réplique de la maison du maïeur de Velké Karlovice. L’ensemble des maisons d’habitation est complété par des dépendances, clochers et puits. La saison principale dure de mai à la fin septembre; de février à décembre sont organisées des fêtes populaires rappelant les anciennes coutumes et cérémonies des habitants de la région. Elles sont accompagnées de nombreuses démonstrations de méthodes de travail et de métiers locaux. Très fameuses sont les fêtes foraines de RoÏnov. La Vallée des moulins est la partie la plus jeune du musée. C’est un ouvrage hydraulique avec un ensemble de monuments techniques moins importants: on peut y voir, entre autres, un moulin à blé et une scierie. Tous les mécanismes marchent à l’eau et, grâce à un système de biefs, on les présente en fonctionnement. Tradition «(...)belles sont les granges anciennes, vides des récoltes de jadis (...)» Jan Skácel (1922-1989) poète Le Village de Valaquie morave est l’aire la plus vaste du musée. Les fermes, les constructions liées à l’herbagement, le moulin et la forge sont situés dans un paysage dont le caractère accidenté, les chemins, les groupes d’arbres et les petits champs rappellent les villages des pentes des Beskides. Les arbres fruitiers des vergers locaux donnent les fruits d’anciennes espèces régionales. Tout au long de l’année, on réalise des programmes destinés à ranimer les anciens modes d’exploitation. «Noël au village» est destiné surtout aux enfants. Pendant la visite, on voit de nombreux animaux domestiques et même un troupeau de moutons. StráÏnice Dès le début du 20e siècle, il y avait des tentatives de créer un musée ethnographique en plein air pour la région du Sud-Est de la Moravie. Cependant, ce n’est qu’en 1973 que l’édification du Musée de StráÏnice commença pour de bon. Sa conception s’inspirait de l’idée de présenter l’architecture populaire selon différentes parties de la Slovaquie morave. Le musée fut donc divisé en plusieurs sections dont chacune en représentait une. A partir de 1981 furent ouvertes au public les sections représentant Moravské Kopanice, Luhaãovické Zálesí et HorÀácko, comportant les Hauteurs tchéco-moraves, Vesel˘ kopec. expositions d’ouvrages hydrauliques, de viticulture et d’économie prairiale. Le musée comporte au total 65 bâtiments situés dans un terrain modelé de façon à correspondre à leur milieu d’origine. A l’intérieur de ces bâtiments, le visiteur apprend à connaître la façon de vivre et l’habitat des gens vivant dans les parties montueuses de la Slovaquie morave, ainsi que dans la fertile vallée de la Morava où une grande partie des paysans fondent leur exploitation sur la viticulture. La présentation des bâtiments liés à la viticulture et de leur équipement est complétée par celle du vignoble. Celle-ci expose la tradition de la culture du vin depuis le temps le plus reculé jusqu’à l’heure actuelle et, sur le territoire du pays, elle est la seule en son genre. La manifestation la plus importante du Musée de StráÏnice est l’organisation du 37 Koufiim. Festival folklorique international, le plus ancien et le plus connu du pays, qui jouit d’une renommée mondiale en tant que fête de la danse et de la musique. Koufiim Vysoãina – Vesel˘ Kopec L’ensemble d’architecture populaire Vysoãina représente celle de la partie septentrionale des Hauteurs tchéco-moraves et il est le plus important en Bohême. Le noyau de ce musée est le hameau Vesel˘ Kopec. Aux bâtiments d’origine, on a ajouté – en les transposant d’ailleurs – les fermes typiques, la maison forestière, la taverne et des constructions techniques mues par l’eau (tel l’extraordinaire dispositif de cuisson de la marmelade). Dans les hameaux voisins, on trouve d’autres monuments d’architecture anciens: martinet à l’eau, forge, ruelle juive du 18e siècle. Dans l’aire du musée, on trouve d’autres bâtiments divers – telle une grange hexagonale datant de 1680, mais aussi la roulotte ayant appartenu au fameux clan des marionettistes Kopeck˘, maison forestière ou rucher anciens. L’architecture populaire du milieu citadin est représentée par l’en- 38 Zubrnice. semble d’une trentaine de maisons d’artisans et d’ouvriers de la ville de Hlinsko toute proche. Pfierov nad Labem Ce Musée en plein air de la Bohême centrale présente l’architecture populaire de la vallée de l’Elbe. Les bâtiments trasposés au centre du village renouent avec la maison datant du milieu du 18e siècle et avec les anciens bâtiments seigneuriaux: tonnellerie et maison forestière. Egalement remarquable est la partie du musée présentant des bâtiments plus récents: quatre fermes, grange curiale et dépôt de houblon. Ce célèbre Musée d’architecture populaire comporte quinze bâtiments très intéressants provenant de différentes parties de la Bohême. Il y a maison de maïeur, forge, deux rares granges polygonales datant du 17e siècle, maison en poutres surmontée d’un étage à colombage et plusieurs fermes. Les musées en plein air de KrÀovice, près de Hradec Králové, et de Vysok˘ Chlumec, près de Sedlãany, ont été créés tout récemment et ils accueillent leurs premiers visiteurs. Dans ces musées rassemblant des joyaux d’architecture, on transfère (en les sauvant ainsi) d’autres bâtiments populaires précieux. La plupart des musées en plein air ne cessent de réaliser des manifestations culturelles et mondaines. La visite d’un de nos musées en plein air (même si ce n’est pas à Noël ou à Pâques, périodes privilégiées) permet à chacun de vivre des impressions inoubliables. Ludûk ·tûpán Photos: auteur, Franti‰ek Ledvinka, archives de la rédaction. StráÏnice.