CHAPITRE H2 LA REPUBLIQUE FRANCAISE FACE AUX ENJEUX DU XXème SIECLE Introduction I – Quelle est l’essence de la République en France ? A) Comment la République s’est-elle enracinée en France à la fin du XIXème siècle ? 1) une République difficile à installer (1870-1880) 2) l’enracinement de la République (1880-1900) B) Comment la période noire de la Seconde Guerre mondiale a-t-elle conduit à une revitalisation de l’idée républicaine en France ? 1) Comment la défaite de 1940 remet-elle en cause la République ? 2) La Résistance, un combat pour la République ? 3) Une République rénovée à la Libération ? C) 1958-1962 : rupture ou aménagement de l’idéal républicain en France ? 1) 1958 : crise algérienne ou crise de la République ? 2) Peut-on parler de dérive monarchique de la République à partir de 1958 ? II – L’idée républicaine pouvait-elle coexister avec un empire colonial puissant ? A) Comment s’organise l’empire colonial français à son apogée ? L’Exposition coloniale internationale de 1931 est organisée à Paris sur le site du bois de Vincennes. Prévue pour répondre à une exposition du même type organisée par les Britanniques en 1924, elle se déroule du 6 mai au 15 novembre 1931 sous le patronage du maréchal Lyautey dont une grande partie de la carrière s’est déroulée dans les armées coloniales. Elle accueillera 8 millions de visiteurs (mais j’ai aussi trouvé le chiffre de 33 millions…), venus accomplir « le tour du monde en un jour » selon le slogan de l'époque. Elle doit présenter la diversité du monde colonial français qui est alors à son apogée (des pavillons présentent cependant les autres empires coloniaux). Pour cela, sur 110 hectares, on édifie des constructions rappelant les types d’habitations ou des monuments caractéristiques de chaque partie de l’empire ; on amène même des autochtones auxquels on demande de « jouer au sauvage » par des danses, des activités de la vie quotidienne (cela constitue ce qu’on appellera des « zoos humains »). [nota : vous pouvez trouver des photos nombreuses de cette exposition sur la page de Wikipedia qui lui est consacrée et à l’adresse : http://www.expositions-universelles.fr/1931-exposition-colonialevincennes-.html ; des liens vers des vidéos : http://www.dailymotion.com/video/xl0h9a_l-expositioncoloniale-de-paris-1931_shortfilms ; http://www.dailymotion.com/video/x8xyhg_choses-vues- exposition-coloniale-de_news# (intéressante aussi pour le regard sur le jugement actuel sur ce moment de la colonisation)] 1) un empire colonial perçu positivement par les Français Dans les années 30, l’empire colonial français atteint sa plus grande extension (12 millions de km² et 70 millions d’habitants). Il est présent sur tous les continents mais plus particulièrement en Afrique. Cette présence recouvre cependant des origines très différentes : - certains territoires sont hérités d’un premier empire colonial français (Antilles, Guyane, Réunion). Ce sont les anciennes « îles à sucre » conquises à l’époque moderne et avec lesquelles se pratiquait notamment la traite négrière. - l’Algérie est un cas particulier car conquise à partir de 1830, elle est devenue une colonie de peuplement c’est-à-dire un territoire vers lequel de nombreux Français vont partir dans la seconde moitié du XIXème siècle afin de démarrer une nouvelle existence. - la majeure partie de l’empire a été acquise dans les années 1880-1890 (Afrique, Indochine) - au lendemain de la Première Guerre mondiale, il y a eu acquisition d’une partie des colonies allemandes mais aussi des mandats accordés par la SDN sur des parties de l’ancien territoire de l’Empire ottoman (Syrie, Liban) L’empire colonial a montré toute son importance au cours de la Première Guerre mondiale. On le voit donc comme un élément essentiel de la puissance de la France mais aussi comme un espace dans lequel la France apporte la civilisation. Ce dernier point est cependant discutable : des progrès ont été faits en matière de santé des populations mais c’est pour s’assurer une main d’œuvre performante ; en matière d’éducation, les écoles créées servent à donner une éducation de base et n’ouvrent que très rarement la porte à de longues études pour les enfants issus de l’indigénat. Le mythe d’une France civilisatrice est entretenu en métropole à la fois par les discours officiels mais aussi à travers une imagerie coloniale raciste et exotique (dans les chansons ou la littérature par exemple) qui triomphe avec l’Exposition coloniale internationale. 2) une domination multiforme qui transforme les territoires colonisés Le statut des territoires colonisés est variable (intégration au territoire national (Algérie) administration directe ou protectorat (Maroc, Tunisie)) mais dans tous les cas l’administration coloniale, essentiellement française, est dirigée par un représentant du pouvoir français. Les populations locales sont toujours placées dans une situation d’infériorité qui se traduit par l’existence d’une justice et de droits différents, d’une tendance à la séparation (notamment dans les villes où s’individualisent ville européenne et ville indigène). Dans tous les cas, même en Algérie, la population française reste minoritaire. Les Français présents dans les colonies sont généralement présents pour administrer les territoires ou pour diriger l’exploitation économique. Les colonies françaises sont essentiellement des colonies d’exploitation : plantations de produits exotiques, prélèvement des matières premières. Cette exploitation se fait au détriment des populations locales (recul des cultures vivrières, achat de produits industriels fabriqués en métropole). Pour permettre cette exploitation, de grands aménagements (présentés comme des éléments de progrès apportés aux indigènes) sont réalisés (ports, voies ferrées)… et les populations contraintes au travail par le fait qu’elles se retrouvent soumises à l’impôt et ont besoin de gagner de l’argent pour acheter ce qu’on ne produit plus sur place. Un équipement colonial : la voie ferrée du CongoOcéan La construction du chemin de fer Congo-Océan (502 km), reliant le port de Pointe-Noire à Brazzaville, a été rendue nécessaire par la nécessité de construire un moyen de transport contournant les rapides se trouvant sur le fleuve Congo. Il s’agit aussi de relier l’intérieur du pays (la « capitale » Brazzaville mais aussi des mines de manganèse). Sa construction qui a duré de 1921 à 1934 aurait fait entre 15 000 et 30 000 morts, décès imputables aux maladies tropicales ou aux conditions de travail précaires imposées par l’administration française colonisatrice (il existe encore le principe du travail forcé). L’exploitation économique se double d’une acculturation des peuples colonisés. Outre la maîtrise de la langue (et de l’Histoire) française(s), ces peuples sont en partie christianisés. Les cadres traditionnels sont cassés et les élites locales n’ont d’autres choix que de se former selon les normes du colonisateur… ce qui n’empêche que, même après avoir réussi dans ce cadre-là, ils demeureront toujours en position d’infériorité. 3) une contestation naissante Après la Première Guerre mondiale, les élites des peuples colonisés attendent une reconnaissance de la métropole, reconnaissance qui ne vient pas. Une contestation commence à s’organiser mais sans forcément prendre la forme de révoltes. Celle-ci, inspirée par le communisme (Hoc Hi Minh fonde le PC indochinois en 1930) ou par un rejet de l’acculturation (concept de négritude forgé par Léopold Sédar Senghor dans les années 30), se traduit par la création d’organisations politiques réclamant une autonomie puis l’indépendance. C’est par ce biais que cette contestation se diffuse dans les masses et provoque l’expansion de ces mouvements contestataires. Le pouvoir français réagit par la traque et l’arrestation des meneurs, par la répression lorsque des soulèvements se produisent. Cette maturation de la contestation dans les territoires colonisés s’accompagne d’un début de contestation de la colonisation en France. Au nom de la liberté et de la lutte contre l’impérialisme, les communistes rejettent l’idée coloniale. Quelques intellectuels (André Gide, Albert Londres, les surréalistes…) entament dans les années de l’entre-deux-guerres une critique des méfaits de la colonisation.