Kératite nécrotique d`origine herpétique : une urgence médicale

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Cas clinique
Kératite nécrotique d’origine
herpétique : une urgence médicale
Necrotizing herpetic keratitis: a medical emergency
Herpès • Antiviraux • Kératite
nécrosante.
Herpès virus • Antiviral drugs •
Necrotizing keratitis.
M. Labetoulle1, T. Bourcier2
(1 Service d’ophtalmologie, CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre ; laboratoire de virologie moléculaire
et structurale, CNRS, Gif-sur-Yvette ;
2
Service d’ophtalmologie, nouvel hôpital civil, CHU de Strasbourg)
U
n homme de 36 ans est adressé aux urgences ophtalmologiques pour
une opacité cornéenne paracentrale droite, douloureuse, évoluant depuis
près d’une semaine.
Histoire de la maladie
Sept jours avant la prise en charge de ce patient, une douleur de l’œil droit avec photo­
phobie, un larmoiement réflexe et une rougeur oculaire sont apparus. Il n’a jamais
porté de lentilles, mais a présenté, 1 an plus tôt, un épisode similaire régressant
en quelques jours sous sérum physiologique. Malgré la reprise de ce type d’auto­
médication pendant 2 jours, les signes n’ont pas régressé. Le médecin généraliste
a alors proposé une association d’antibiotiques et de corticoïdes topiques, tout en
conseillant de consulter un spécialiste.
Examen clinique
L’acuité visuelle de l’œil droit était à 1/10 P14, contre 10/10 P2 à gauche. L’examen
biomicroscopique de l’œil droit retrouvait une rougeur diffuse avec un renforcement
du cercle périkératique ainsi qu’une lésion polylobée intracornéenne très opaque et
associée à une réduction importante de la sensibilité (testée avec l’embout d’une
micro­éponge chirurgicale) [figure 1]. Le patient a alors été hospitalisé et un traite­
ment antiviral à fortes doses par voie intraveineuse (aciclovir 10 mg/kg/8 h) a été mis
en place (figures 2 à 4).
Légendes
Figure 1. Aspect à l’arrivée du patient (notez
l’opacité totale polylobée) ; l’acuité visuelle
est à 1/10.
Figure 2. Aspect après 3 jours de traitement
antiviral.
Figure 3. Aspect après 1 mois de traitement,
dont 20 jours de relais per os.
Figure 4. Aspect après 7 mois (patient sous
traitement antiviral préventif ). L’acuité
visuelle est à 7/10.
Discussion
Références bibliographiques
Le diagnostic de kératite nécrotique a été porté sur l’aspect biomicroscopique (1).
L’origine herpétique était suspectée du fait de l’unilatéralité, et l’antécédent herpé­
tique était probable chez ce patient n’ayant aucun facteur de risque d’autre cause
d’atteinte cornéenne nécrosante (bactérienne, fongique, amibienne, ou même inflam­
matoire). Le diagnostic était confirmé par l’évolution favorable sous traitement adapté
et par le résultat du prélèvement de larmes (PCR [Polymerase Chain Reaction] pour
recherche de HSV1 [Herpes Simplex Virus type 1]).
1. Liesegang TJ. Classification of herpes simplex
virus keratitis and anterior uveitis. Cornea 1999;
18(2):127­43.
2. Labetoulle M, Offret H, Colin J. Traitement des
kératites herpétiques (formes métaherpétiques
exclues). In: Labetoulle M. L’herpès et le zona
oculaire en pratique : clinique, thérapeutique et
prévention. Paris : Med’Com Editions, 2009.
La forme nécrotique de kératite stromale due à HSV1 peut survenir spontanément
ou être facilitée par l’application inappropriée de corticostéroïdes topiques. Elle est
nettement plus rare que les formes non nécrotiques. C’est une urgence médicale,
qui nécessite le plus souvent une hospitalisation et un traitement antiviral par voie
intraveineuse (2). Le pronostic dépend de la profondeur et du caractère plus ou
moins central de l’atteinte au moment de la prise en charge.
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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 2013
M. Labetoulle déclare ne pas avoir de liens
d’intérêts.
T. Bourcier déclare avoir des liens d’intérêts
(consultant) avec les laboratoires Alcon,
Allergan, Théa.
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