Indications de l`endoscopie digestive au cours du reflux

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Archives de pédiatrie 11 (2004) 666–667
www.elsevier.com/locate/arcped
Table ronde : reflux gastro-œsophagien : hiérarchie diagnostique et thérapeutique
Indications de l’endoscopie digestive au cours du reflux
gastro-œsophagien de l’enfant
Indication for endoscopy in gastro-oesophageal reflux in children
J.-P. Olives
Département de pédiatrie médicochirurgical, hôpital des Enfants, TSA 70034, 31059 Toulouse cedex 9, France
Disponible sur internet le 08 mai 2004
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est défini comme le
passage intermittent, involontaire, d’une partie du contenu
gastrique dans l’œsophage. Il peut être extériorisé sous forme
de régurgitations ou rester inapparent s’il n’atteint pas la
cavité buccale. Présent chez tous les nourrissons, il peut être
considéré comme physiologique lorsque les épisodes sont
rares, brefs et surviennent en période postprandiale. Lorsque
ces reflux, en revanche, sont prolongés et acides, le RGO
devient pathologique. Un RGO authentique peut se traduire
par une exacerbation des symptômes digestifs mais il peut
rester complètement muet au plan digestif, ne se manifestant
que par des signes extradigestifs, en particulier respiratoires.
La fréquence et la banalité des symptômes de RGO et
l’importance qui leur a été donnée au cours des 15 dernières
années ont entraîné un recours excessif et parfois non justifié
à des examens complémentaires nombreux et coûteux et à
des thérapeutiques efficaces mais non dénuées d’effets secondaires si elles sont appliquées trop systématiquement à
grande échelle [1,2].
Cependant, cette surenchère dans la prise en charge a
certainement contribué à diminuer significativement les
complications et les séquelles des lésions chroniques peptiques de l’œsophage.
Au début des années 1980, la pratique systématique de
l’endoscopie digestive chez des nourrissons présentant des
signes cliniques de reflux avait montré que 8 % présentaient
une sténose peptique de l’œsophage, alors que cette complication est devenue tout à fait exceptionnelle de nos jours [3].
La place de la fibroscopie digestive haute dans la stratégie
diagnostique du RGO du nourrisson et de l’enfant et les
limites précises de ses indications et contre-indications ont
fait l’objet de nombreuses recommandations et publications
de consensus émanant de sociétés scientifiques et de groupes
d’experts [4–8].
Adresse e-mail : [email protected] (J.-P. Olives).
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.arcped.2004.03.088
L’endoscopie digestive est la technique de choix pour la
recherche et le suivi des complications peptiques. L’endoscopie permet de visualiser une anomalie anatomique (incontinence cardiale, malposition cardiotubérositaire ou hernie
hiatale). Elle permet essentiellement de poser le diagnostic
d’œsophagite et d’en apprécier la gravité [8]. Le bien-fondé
de la pratique de biopsies œsophagiennes n’est pas certain ;
ce geste, en effet, prolonge la durée de l’examen et n’est pas
dénué du risque de perforation. Enfin, et surtout, l’existence
d’une inflammation microscopique n’est pas toujours corrélée à l’aspect macroscopique vu à l’endoscopie et n’a donc
pas systématiquement d’incidence thérapeutique.
La seule indication de la fibroscopie digestive haute dans
le cadre du RGO du nourrisson et de l’enfant est la suspicion
d’œsophagite [6].
La survenue d’une œsophagite chez un nouveau-né ou un
nourrisson se traduit le plus souvent par des cris stridents, des
pleurs et une agitation au cours des repas et en période
nocturne. Les biberons sont souvent refusés, la prise de poids
est médiocre, un état de pâleur doit faire évoquer une anémie
[10]. La présence de régurgitations et de vomissement n’est
pas toujours retrouvée. En revanche, la constatation d’une
hématémèse, de vomissements striés de sang ou de taches
rosées sur l’oreiller est fortement évocatrice chez le
nouveau-né et le prématuré. L’œsophagite à cet âge peut
s’accompagner d’épisodes de cyanose, d’apnée, de bradycardie ou de malaises plus ou moins sévères.
Chez l’enfant plus âgé, les sensations de brûlures rétrosternales (pyrosis) et les épisodes dysphagiques sont les
symptômes les plus évocateurs.
Lorsque l’indication d’une fibroscopie digestive est posée
chez un nourrisson, la probabilité de trouver des lésions autre
qu’une œsophagite est faible.
Réalisée par un opérateur entraîné, l’endoscopie digestive
haute diagnostique est un examen rapide, mais qui peut être
désagréable, parfois douloureux et surtout qui peut impressionner l’enfant ; ce sont les raisons pour lesquelles une
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sédation voire une anesthésie générale sont de plus en plus
recommandées [9]. De plus, elle n’est pas dénuée de risque :
bactériémie, transmission d’un agent infectieux de patient à
patient, hypoxie majorée en cas de sédation, hémorragie et
hématome en cas de biopsie chez les patients à risque hémorragique.
La réalisation d’une endoscopie digestive chez l’enfant
nécessite la disponibilité d’une structure adaptée aux spécificités pédiatriques, tant pour le matériel que pour l’expérience de l’endoscopiste mais aussi avec l’équipement propre
à la prise en charge spécialisée de nourrissons.
Les situations de suspicion d’œsophagite sont vécues
comme une urgence par les familles, supportant difficilement
les pleurs et l’inconfort du nourrisson, et réclament une
réponse thérapeutique rapide. Le délai d’obtention d’une
endoscopie peut alors être jugé trop long et justifie pour
certains la prescription d’un antisécrétoire, dont l’efficacité
doit être rapidement constatée en un ou deux jours.
Cette attitude est très discutable car l’utilisation trop large
et non contrôlée des antisécrétoires, et plus particulièrement
des inhibiteurs de la pompe à protons, peut conduire à masquer des affections s’accompagnant d’une inflammation
œsophagienne mais dont la cause pourrait bénéficier d’un
traitement spécifique (allergie par exemple), mais surtout
pourrait augmenter de façon significative l’incidence des
effets secondaires.
En pratique, face à un RGO, le pédiatre est confronté à
trois situations cliniques :
• l’enfant présente une symptomatologie évocatrice
d’œsophagite. Afin de pouvoir optimiser l’approche thérapeutique, il est important de confirmer l’existence de
cette œsophagite par fibroscopie. Il est déconseillé de
prescrire des antisécrétoires pour une œsophagite, sans
l’avoir confirmée par une fibroscopie [6] ;
• l’enfant ne vomit ou ne régurgite que très occasionnellement ou pas du tout, mais présente des manifestations
qui suggèrent une pathologie de RGO. Afin de pouvoir
valider l’attitude thérapeutique, il est important de pouvoir établir avec précision le diagnostic de RGO ; la
pH-métrie trouve dans cette situation une indication de
choix [4,6] ;
• l’enfant présente des régurgitations ou même des vomissements sans autres symptômes d’appel mais évolue et
grossit normalement. Cependant, les parents sont inquiets et demandent une consultation médicale. Ce
RGO, non compliqué, surtout chez le nourrisson de
moins d’un an ne nécessite aucune investigation préalable à la mise en place d’une prise en charge diététique et
d’une surveillance médicale simple par son pédiatre
[5,6].
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Pour conclure, il est important de rappeler que les pleurs
« inconsolables » isolés du nourrisson ne sont en aucun cas
une indication d’endoscopie digestive [10]. L’écoute des
familles et l’examen attentif du nourrisson permettent toujours de faire la différence entre les pleurs nocturnes, les
douleurs lors de la prise du biberon, les autres signes évocateurs d’œsophagite et les pleurs diurnes et vespéraux, parfaitement isolés et sans retentissement organique des coliques
du nourrisson. L’enfant qui pleure n’est en aucun cas une
indication d’endoscopie digestive, ni de traitement d’essai
par antisécrétoire. Enfin, il est indispensable de rappeler que
l’indication d’une endoscopie digestive doit être portée par
l’endoscopiste lui même après une analyse soigneuse des
symptômes et qu’il ne doit pas être tenté de la réaliser, sans
évaluation, sur la simple demande.
Références
[1]
Faure C. Reflux gastro-œsophagien du nourrisson : un diagnostic trop
souvent évoqué. Réalités Pédiatriques 2001;62:17–20.
[2]
Vandenplas Y. ESPGHAN Cisapride panel. European Society for
Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition. Current pediatric indications for cisapride. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000;31:
480–9.
[3]
Olives JP. Traitement médical du reflux gastro-œsophagien. Med Ther
Pediatr 2000;3:27–32.
[4]
Vandenplas Y, Ashkenazi A, Belli D, Boige N, Bouquet J,
Cezard JP, et al. A proposition for the diagnosis and treatment of
gastro-oesophageal reflux disease. Eur J Pediatr 1993;152:704–11
Working Group of the European Society of Paediatric Gastroenterology and Nutrition (ESPGAN).
[5]
Vandenplas Y, Belli D, Benhamou PH, Cadranel S, Cezard JP, Cucchiara S, et al. A critical appraisal of current management practices for
infant regurgitations — recommendations of a working party. Eur J
Pediatr 1997;156:343–7.
[6]
ANDEM. Indications des explorations dans le diagnostic et le suivi du
reflux gastro-œsophagien du nourrisson et de l’enfant. ANDEM –
Recommandations et références médicales. 1995. p. 111–24.
[7]
Rudolph C, Mazur LJ, Liptak GS, Baker RD, Boyle JT, Colleti RB, et al. Guidelines for evaluation and treatment of gastroesophageal reflux in infants and children: recommendations of the North
American Society for Pediatric Gastroenterology and Nutrition. J
Pediatr Gastroenterol Nutr 2001;32(suppl 2):S1–31.
[8]
Mougenot JF, Faure C, Olives JP, Chouraqui JP, Codoner P, Gottrand F, et al. Fiches de recommandations du Groupe francophone
d’hépatologie gastroenterologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP).
Indications actuelles de l’endoscopie digestive pédiatrique. Arch
Pediatr 2002;9:942–4.
[9]
Mougenot JF, Cezard JP, Faure C, Goulet O, Olives JP. Endoscopie
digestive pédiatrique : quelle sédation ? Arch Pediatr 2001;8:1302–4.
[10] Olives JP. Apport de l’endoscopie chez le nourrisson qui pleure. Acta
Endoscopica 1994;24:137–42.
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