Rapport d`observations définitives (PDF, 140,24

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CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES
DU LIMOUSIN
SYNDICAT MIXTE DU PARC DES EXPOSITIONS
DE LIMOGES
EXAMEN DE LA GESTION
(à compter de l'exercice 1998)
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES
-------------A la suite du précédent contrôle du syndicat mixte pour la construction et
la gestion du Parc des Expositions de Limoges, la Chambre régionale des comptes du
Limousin avait formulé des observations tendant à obtenir une clarification du mode
de gestion du Parc des Expositions. Il en a résulté une modification des statuts du
syndicat mixte et la conclusion d'une nouvelle convention avec l'association Foire
Exposition de Limoges et du Limousin (FELL).
Après avoir examiné les nouvelles dispositions arrêtées en décembre
2003, la Chambre a plus particulièrement analysé les relations entre le syndicat mixte
et l'association FELL.
1 – Rappel des observations antérieures
Dans son précédent rapport du 19 septembre 2000, la chambre précisait
que "le fait de confier la gestion d’un bien public à une association constituée des
mêmes personnes publiques et, majoritairement, des mêmes personnes physiques que
le syndicat mixte créé à cet effet, a pour conséquence de permettre auxdites
personnes de s’exonérer des règles de la comptabilité publique en dehors du cadre
légal de l’économie mixte, lequel supposerait d’ailleurs que les statuts du syndicat
soient modifiés et que les collectivités publiques s’associent réellement avec des
partenaires privés"…
Par ailleurs, elle s’interrogeait sur les motivations du maintien d’un
montage déjà ancien tacitement reconduit pendant 25 ans "dont le principal intérêt
apparent est de permettre aux collectivités publiques de conserver, au travers d’une
association, le contrôle d’un bien public dont elles pourraient, tout aussi bien,
assurer la gestion directe en toute transparence".
Enfin, s'agissant de la convention conclue entre le syndicat mixte et
l'association, elle observait qu'elle tenait "à la fois de la location, du mandat, de la
concession d’occupation du domaine public et de la délégation de service public" et
qui "en pratique, ne règle d’ailleurs pas l’ensemble des relations, notamment
financières entre les deux parties".
En conclusion, la chambre recommandait au syndicat de "revoir les
modalités de la gestion du parc des expositions de Limoges, soit dans le sens d’une
délégation à un organisme réellement indépendant du syndicat, soit dans le sens
d’une gestion directe si les collectivités ayant créé le syndicat et ayant financé la
construction du parc souhaitent continuer à en maîtriser la gestion".
2 – Les modifications apportées aux statuts du syndicat mixte
Par délibération du 19 décembre 2003, le comité du syndicat mixte a
adopté, après accord des cinq organismes membres, de nouveaux statuts qui ont été
approuvés par arrêté préfectoral du 16 avril 2004. Les modifications adoptées
entérinent le fait que le syndicat n’a plus pour objet la création et la construction d’un
parc des expositions d'où sa dénomination officielle de "Syndicat Mixte du Parc des
Expositions de Limoges".
L'article 2 des nouveaux statuts consacre, comme la nouvelle
dénomination, l'abandon de la mission de gestion du Parc des Expositions. Il précise
maintenant que "le syndicat peut faire effectuer des études, poursuivre la
construction de bâtiments, améliorer et moderniser ceux existants, éventuellement
acquérir les terrains nécessaires en vue d’une extension et d’une manière générale
réaliser toutes les opérations utiles à l’équipement du parc et à son adaptation aux
différentes manifestations qui y sont organisées".
Pour la chambre, cette formulation, qui ne mentionne plus la gestion du
Parc comme compétence du Syndicat mixte, écarte l’hypothèse, sous réserve de
l’interprétation du juge administratif, d’une gestion du parc en régie directe par
l'établissement propriétaire. Elle écarte également, pour les mêmes raisons,
l'hypothèse d'une délégation de service public, le syndicat ne pouvant déléguer une
compétence qu'il ne détient pas.
Le parc des expositions apparaît dès lors comme un équipement relevant
du domaine public, mais ayant vocation à être mis à disposition d'un tiers.
Une telle formulation de l'objet statutaire par les cinq membres
fondateurs qui ont conçu, financé et réalisé l'équipement apparaît singulièrement
réductrice.
S'agissant de l'administration et du financement du syndicat mixte,
l’article 4 précise que le comité syndical est composé de 12 délégués dont :
- 5 représentants de la ville de Limoges ;
- 4 représentants du Département de la Haute-Vienne ;
- 1 représentant de la Chambre de Commerce et d'Industrie ;
- 1 représentant de la Chambre de d’Agriculture ;
- 1 représentant de la Chambre des Métiers.
Les contributions financières résultant des dépenses d'investissements,
charges de gestion et dépenses de toute nature supportées par le syndicat demeurent
calculées selon les pourcentages originels à savoir :
- 50 % pour la ville de Limoges ;
- 40 % pour le Département de la Haute-Vienne ;
- 7 % pour la Chambre de Commerce et d’Industrie ;
- 2 % pour la Chambre d’Agriculture ;
- 1 % pour la Chambre des Métiers.
En ce qui concerne les ressources, le même article précise qu'elles
proviennent comme auparavant des contributions financières des collectivités et
établissements membres, des emprunts, des subventions, des dons et legs et du
produit de la location des installations, mais également de la redevance versée par le
locataire du parc.
3 – La nouvelle convention conclue avec l'association Foire
Exposition de Limoges et du Limousin (FELL)
3.1 – les dispositions de la nouvelle convention
En date du 31 décembre 2003, le syndicat mixte du Parc des Expositions
de Limoges a conclu avec l’association FELL, une "convention d’occupation du
domaine public", prenant effet le 1er janvier 2004 pour une durée de cinq ans.
Cette convention stipule qu’elle autorise l’association à gérer la structure
dans son intérêt propre et dans celui de ses membres. Ainsi, en son article I elle a
pour objet, l’utilisation, "dans l’intérêt propre de l’association », des locaux du parc
des expositions, étant précisé que celui-ci est "destiné exclusivement à permettre
l’organisation de la foire exposition annuelle, de salons spécialisés, de journées
professionnelles, de congrès, de réunions, d’expositions, de concours, de rencontres
sportives, de soirées festives et repas divers et, plus généralement, l’organisation de
toutes manifestations à caractère économique, commercial, industriel, agricole,
artisanale, culturel et sportif".
La convention ne comporte par ailleurs aucune référence à d’éventuelles
contraintes de service public, sauf à considérer comme telle l’organisation de la foire
exposition annuelle ou le fait que l’association s’engage (article V) "à inscrire en
permanence son action, dans sa contribution au développement du parc des
expositions" et "à participer à des actions de promotion dudit parc et des activités
afférentes, notamment auprès de l’ensemble des acteurs institutionnels et
économiques".
L’article IX fixe les conditions de recours et de responsabilité, à la charge
de l’association, conformément à l’économie d’une convention d’occupation du
domaine public.
L’article XI prévoit le paiement par FELL d’une redevance composée
d’une part forfaitaire égale au montant de la valeur locative des locaux, et d’une part
variable, correspondant au droit d’exploiter, fixée à 50 % du montant des bénéfices
après impôts de l’année. En 2004, cette redevance s’est élevée à 79 754,64 €. Par
ailleurs, l’article XII prévoit que l’association fera son affaire de tous droits, impôts
et taxes à sa charge.
L’article XIII décrit, conformément aux règles des contrats d’occupation
du domaine public, les conditions de résiliation "pour un motif d’intérêt général
tenant, notamment, à la bonne gestion du domaine public, y compris pour un intérêt
financier."
Les parties en présence ont qualifié la convention conclue le 31 décembre
2003 de convention d'occupation du domaine public, mais cette qualification n'exclut
pas, pour les motifs développés ci-après, un risque de requalification.
3.2 – Les risques de requalification de la convention d'occupation du
domaine public conclue entre le syndicat mixte et l'association FELL
En premier lieu, il convient de rappeler que le juge n’est jamais lié par la
qualification que les parties ont donnée au contrat et qu’il examine, au cas par cas,
chaque situation.
D'abord, il paraît peu contestable que la convention conclue avec
l'association FELL autorise l’occupation de terrains et de bâtiments au sein desquels
s’exerce non seulement une activité commerciale mais également une activité
d'intérêt général eu égard aux manifestations qui s'y déroulent. Ainsi, avec plus de
300.000 visiteurs par an, soit la fréquentation la plus importante du Limousin, le Parc
des Expositions de Limoges contribue de façon manifeste "à la promotion de l’image
de la ville et au développement économique local" comme le précisent les termes de
la convention.
La Chambre constate d’ailleurs que si le juge administratif a retenu dans
un arrêt du Conseil d’Etat Ville de Paris du 12 mars 1999 qu’un restaurant d’une
certaine notoriété, l’Orée du Bois, contribue néanmoins "à l'accueil des touristes dans
la capitale et concours ainsi au rayonnement et au développement de son attrait
touristique", il apparaît difficilement contestable que le Parc des Expositions de
Limoges, première fréquentation du Limousin, soit reconnu en qualité d’équipement
relevant d’un intérêt public local manifeste.
Pour ce premier motif, nécessaire mais pas suffisant, le risque de
requalification en convention de délégation de service public ne peut être écarté.
Ensuite, au cas d’espèce, le fait par les parties de qualifier le contrat qui
les lie de convention d’occupation du domaine public ne pourrait empêcher, le cas
échéant, le juge administratif d’éventuellement requalifier le contrat en délégation de
service public après examen de l’économie générale de la convention et la recherche
de clauses révélant l’existence de la délégation d’un intérêt public local manifeste
(cf CE arrêt Agofroy du 11 décembre 2000).
En second lieu apparaît un risque en raison des caractéristiques de
l'association co-contractante, notamment si son indépendance par rapport au syndicat
mixte du Parc des Expositions de Limoges pouvait être mise en doute.
En effet, il n’est possible de vérifier et d’interpréter les stipulations d’un
contrat et notamment de rechercher l’intérêt de chaque partie au contrat que si ces
parties présentent une réelle indépendance.
L'association FELL est régie par les dispositions de la loi de 1901 et a
pour objet (article 1er) "l’organisation au Parc des Expositions de manifestations à
caractère économique, commercial, industriel, agricole, artisanal, culturel et
sportif". Elle organise notamment "une foire exposition annuelle et des salons
spécialisés" et "possède en pleine propriété les titres et l’organisation de ces
manifestations", en se fondant, semble-t-il, sur son antériorité par rapport au syndicat
mixte.
Elle regroupe la ville de Limoges, le département de la Haute-Vienne, et
les trois organismes consulaires du département, soient les mêmes organismes que le
syndicat mixte, auxquels s’ajoutent deux autres personnes prises parmi les membres
de l’Assemblée Générale autres que les personnes représentant les collectivités
publiques et les organismes économiques (mais qui doivent être agréées par
l’Assemblée Générale de l’association).
Les instances dirigeantes (conseil d'administration et bureau)
apparaissent donc contrôlées par les délégués des collectivités et établissements
précités, représentés dans des proportions comparables à celles du syndicat mixte.
L'article 8 des statuts précise qu'en cas de partage des voix, celle du président, qui est
un représentant de la ville de Limoges, est prépondérante.
Il résulte des statuts et de la composition de l’association FELL une
proximité peu contestable avec le syndicat mixte du Parc des Expositions de
Limoges : l'intérêt propre de l'association n'apparaît ainsi ni nettement ni
distinctement différent de celui du syndicat mixte. Il en résulte que le syndicat mixte
n’a aucun besoin de définir précisément, dans la convention le liant à l’association
FELL, les clauses organisant l’activité du co-contractant en termes d’égalité et de
continuité du service public ou les clauses organisant le contrôle des conditions
techniques et financières de l’exploitation du Parc des Expositions puisqu’il contrôle,
de par sa composition, le conseil d’administration et l’assemblée générale de
l’association FELL qui ne sont que des émanations du syndicat. Contrôlant le
fonctionnement de l’association FELL, le syndicat mixte du Parc des Expositions de
Limoges peut donc y faire appliquer ses préoccupations de service public pour gérer
à sa convenance le Parc des Expositions qui présente un intérêt public local
manifeste.
Dès lors, les précautions rédactionnelles de la convention d’occupation
du domaine public paraissent bien fragiles pour éviter une éventuelle requalification
du contrat en délégation de service public, indépendamment d'autres risques
juridiques.
Comparer, comme l’argumente le syndicat, le lien contractuel qui l’unit à
l’association FELL au lien contractuel qu’une commune peut avoir avec une Société
d’Economie Mixte Locale méconnaît la présence obligatoire au sein d’une SEML de
partenaires privés, indépendants de la collectivité principale actionnaire de la SEML.
Or, aucun partenaire privé, indépendant des collectivités qui composent le syndicat,
ne figure au sein de l’association FELL. La comparaison faite par le syndicat ne
paraît donc pas pertinente.
La chambre précise que ces observations ne visent ni à contester le droit
pour le syndicat de contracter avec une association, ni à contester la légalité de
l'association FELL. La libre administration du syndicat et sa liberté contractuelle ne
sont donc pas mises en cause par les observations précitées.
En revanche, la chambre s'interroge pour savoir en quoi l'association
FELL a un intérêt propre et commercial différent de celui que le syndicat pourrait
avoir en assurant la gestion en régie directe du Parc des Expositions. Seule
l'existence de cet intérêt légitime le recours à une convention d’occupation du
domaine public. Son éventuelle remise en cause fragiliserait tout le dispositif.
En troisième lieu, l'analyse juridique et économique du dispositif mis en
œuvre appelle également des interrogations sur le mode d'attribution à FELL, car
celui-ci demeure critiquable.
En effet, en admettant que le caractère réellement indépendant de
l’association FELL par rapport au syndicat puisse être démontré, il aurait été plus
judicieux, dans ce cas, de soumettre la procédure d’attribution de la convention
d’occupation du domaine public à une publicité et à une mise en concurrence
préalablement à la signature du contrat.
Car, même si le droit positif n’impose pas de procédure particulière pour
les attributions d’occupations du domaine public, les positions les plus récentes des
juridictions (européenne et française), ainsi que des autorités administratives, sont
toutes favorables à une publicité et à une mise en concurrence préalables à toute
convention d’occupation du domaine public.
Ainsi, dans son rapport public 2002 portant sur le thème «Collectivités
publiques et concurrence », le Conseil d’État indique, page 380, que :
"Par-delà ces considérations relatives aux autorités juridictionnelles de
contrôle, l’ensemble des éléments qui précèdent doivent conduire les autorités
administratives à renforcer leur vigilance quant à la façon dont elles gèrent leur
domaine public. Elles doivent savoir s’astreindre à des obligations permettant de
s’assurer qu’elles agissent dans la transparence souhaitée.
D’ores et déjà, elles sont tenues de respecter les obligations de publicité
et de mise en concurrence, lorsqu’elles procèdent en même temps qu’à une
autorisation d’occupation du domaine public, à une délégation de service public.
Il paraît souhaitable que les mêmes obligations soient respectées en
dehors des délégations de service public pour toutes les autorisations ou conventions
d’occupation du domaine public. D’ailleurs de nombreux gestionnaires du domaine
public s’y soumettent spontanément. Cette formalité devrait être mise en œuvre plus
systématiquement, sans pour autant restreindre le pouvoir du gestionnaire du
domaine public de choisir le bénéficiaire de sa décision. Il lui appartient, après avoir
fait jouer la concurrence, de choisir la formule qui lui paraît la meilleure dans
l’intérêt du domaine…".
De même, l’avis n° 04-A-19 du 21 octobre 2004 du conseil de la
concurrence relatif à l’occupation du domaine public pour la distribution de journaux
gratuits indique dans sa conclusion qu’"en l’absence de texte, la collectivité doit
organiser sa propre procédure pour la délivrance d’autorisations domaniales à des
opérateurs économiques. À ce titre, une publicité préalable est recommandée afin
d’informer les opérateurs susceptibles d’être intéressés".
Enfin, si la décision Telaustria du 7 décembre 2000 de la Cour de Justice
des Communautés Européennes a été rendue à propos d’un marché public, elle a
néanmoins posé des principes qui s’appliquent à toutes les entités adjudicatrices
même en l’absence de dispositions légales ou réglementaires en ce sens.
"Les entités adjudicatrices sont, néanmoins, tenues de respecter les
règles fondamentales du traité en général et le principe de non-discrimination en
raison de la nationalité en particulier, ce principe impliquant, notamment, une
obligation de transparence qui permet aux pouvoirs adjudicateurs de s’assurer que
ledit principe est respecté. Cette obligation de transparence qui incombe au pouvoir
adjudicateur consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un
degré de publicité adéquat permettant l’ouverture du marché des services à la
concurrence ainsi que le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication".
La Cour Administrative d’Appel de Bordeaux a d’ailleurs repris cette
interprétation du droit communautaire dans son arrêt SOGEDIS du 4 novembre 2004
qui dans ses considérants rappelle que "les règles fondamentales posées par le traité
de l’Union, (qui) soumettent l’ensemble des contrats conclus par les pouvoirs
adjudicateurs aux obligations minimales de publicité et de transparence propres à
assurer l’égalité d’accès à ces contrats ; que, par suite, ladite convention, qui a été
conclue sans aucune formalité préalable de publicité et de mise en concurrence, est
également entachée de nullité…".
Au cas présent, la chambre estime qu’une autorisation d’occupation du
domaine public, notamment pour un équipement de l’importance du Parc des
Expositions de Limoges, peut difficilement faire abstraction de toute publicité et de
toute mise en concurrence préalablement à la signature de la convention avec un
attributaire exclusif.
En outre, l’application du libre jeu de la concurrence suppose aussi que la
durée de l’autorisation d’occupation du domaine public soit courte afin d’être
régulièrement remise en concurrence. En l’absence de durées d’amortissement fixées
pour les installations du Parc des Expositions de Limoges et de la prise en compte de
ces amortissements dans le calcul de la redevance demandée à l’association FELL, la
conclusion d'une conclusion d'occupation du domaine public pour une durée de 5 ans
est trop longue. A l'inverse, une période de dévolution courte n'apparaît pas
compatible avec une gestion efficiente d'un équipement tel que le Parc des
Expositions qui s'inscrit nécessairement dans une certaine durée pour atteindre le
double objectif, d'une part, de sa valorisation et de son exploitation dans l'intérêt
général et, d'autre part, de sa contribution à la promotion de l'activité économique. En
l'absence d'un tel double objectif, les efforts financiers et les investissements
consentis par les organismes et collectivités constituant le syndicat mixte ne seraient
guère légitimes et justifiés.
Même s’il n’appartient pas à la chambre d'apprécier la régularité du mode
de passation de la convention d’occupation du domaine public (contentieux qui
relève de la compétence du juge administratif qui examine au cas par cas les
situations), il lui appartient d’appeler l’attention du syndicat sur les risques encourus
qu’elle a détecté lors de l’examen de la gestion.
Les conséquences juridiques d’une éventuelle requalification peuvent
être lourdes, pour l’ordonnateur, notamment parce que le syndicat mixte du Parc des
Expositions de Limoges n’a procédé à aucune publicité et mise en concurrence
préalablement à la signature du contrat avec l’association FELL. Ces conséquences
sont, entre autres, la nullité du contrat et celles résultant de l'absence de publicité et
de mise en concurrence préalablement à la dévolution de la gestion du Parc.
4 – La convention conclue avec FELL s'analyse comme un contrat
économiquement défavorable au syndicat
Il résulte de l’examen des comptes que le syndicat mixte ne pratique
aucune dotation aux amortissements. Or, pour un établissement public qui tient sa
comptabilité conformément à l’instruction comptable M14 (l’instruction comptable
applicable stricto sensu est en fait la M1 M5 M7) une telle dotation est une dépense
obligatoire s’agissant d’un "immeuble productif de revenus remis en location ou mis
à disposition d’un tiers privé contre paiement d’un droit d’usage et non affectés
directement ou indirectement à l'usage du public ou à un service public
administratif" (article R. 2321-1 du C.G.C.T).
Compte tenu des termes de la convention, et notamment de son
préambule, la gestion de l’ensemble immobilier du parc des expositions par
l’association s’effectue "dans le cadre d’une utilisation privative du domaine public
pour les seuls besoins de l’activité de cette dernière". Dans ces conditions et comme
il l’a été confirmé lors de l’instruction, la gestion de l’ensemble immobilier ne se fait
"que dans le cadre d’une utilisation privative du domaine public, donc pour les seuls
besoins exclusifs de l’activité de l’exploitant".
Le syndicat mixte se trouve donc dans l’obligation d’amortir les
installations du Parc, puisqu’elles sont mises à disposition d’un tiers privé, contre
paiement d’un droit d’usage, et pour un usage privatif dépourvu de prestations de
service public et qui ne paraissent pas devoir être considérées, sous réserve de
l’appréciation du juge administratif, comme affectées à l’usage, même indirect, du
public.
Cette notion d’affectation à l’usage du public, qui renvoie au droit du
domaine public, porte en effet sur des biens destinés à être utilisés directement et en
eux-mêmes par les particuliers, tels que les voies publiques. En revanche, il n’y a pas
affectation à l’usage du public lorsque le public, tout en utilisant le bien, entend
surtout utiliser le service public qui gère ou se sert de ce bien, service public absent
en l’espèce d’après les termes du contrat. L’usage du public ne peut donc se déduire
de la seule ouverture au public d’une installation exploitée à titre privatif, selon "un
mode de gestion totalement privée" (cf. le préambule de la convention).
Même en admettant que la construction initiale n'a plus à être amortie, les
comptes de gestion 2003 et 2004 font apparaître au bilan un montant
d’immobilisations en cours de 1 039 542,99 €, montant susceptible d’entraîner, sur la
base d’un amortissement linéaire sur 20 ans, une dotation de 50 000 €, à comparer à
une redevance de 80 000 €. Il est donc vraisemblable que cette redevance ne couvre
même pas le montant annuel de la dotation aux amortissements qui devrait être
constatée pour reconstituer l’ensemble de l'équipement et les autres charges à
caractère général (22 136,82 € en 2004), sans compter les charges financières
(41 360 € en 2004).
La chambre prend acte de la volonté du syndicat d'envisager
l'instauration d'une dotation aux amortissements et la fixation des durées
d'amortissement.
Enfin, il y a lieu d’examiner l’équilibre économique du contrat et les
charges supportées par chacune des parties.
L’examen des aspects financiers de la convention montre que la
redevance versée par l'association FELL ne couvre pas les coûts supportés par les
membres du syndicat mixte : en 2004, la redevance s’est élevée à 79 754,64 €, les
collectivités publiques membres du syndicat versant pour leur part 48 859,55 € de
subventions de fonctionnement et 190 115,87 € de subventions d’investissement. La
charge de la dette, amortissement en capital et intérêts, s’est élevée sur le même
exercice à 300 077,48 €. A ces montants, il y aurait lieu d'ajouter la charge
d’amortissement. En toute hypothèse, et même en l’absence de comptabilisation de
l’amortissement, le syndicat mixte supporte déjà dans les faits les charges relatives
au maintien du patrimoine.
Le syndicat mixte du parc des expositions de Limoges confirme bien
cette analyse puisqu'il indique qu’ «il est en effet difficile d'imaginer que le budget de
l'association FELL qui porte l'organisation de manifestations (salons, expositions,
Foire) puisse dégager les moyens financiers de reconstituer un tel équipement en lui
imputant une charge de loyer équivalente aux charges de remboursement des
emprunts contractés par le syndicat mixte. Pour preuve, les résultats actuels des
comptes de l'association qui ne dégage plus de résultat excédentaire. Ainsi, le niveau
de la location demandée par le syndicat mixte qui était constituée de la valeur
locative de l'équipement et du reversement de 50 % des bénéfices de l'association
n’est plus composée en 2006 que par la première partie de cette redevance».
Dans ces conditions, se pose rapidement le problème de la détermination
du juste montant de la redevance à réclamer à l’association.
En effet, si le Parc des Expositions est géré, comme cela ressort de la
convention, dans l’intérêt propre de l’association FELL et sans considération
explicite de service public, c'est-à-dire uniquement dans un but privé et commercial,
il n’y a aucune raison que la collectivité publique ne retrouve pas, au travers du
versement de la redevance, la juste contrepartie des investissements qu’elle a réalisé.
Or, comme il l’a été précisé ci-dessus, la redevance versée par
l'association FELL ne couvre pas l’intégralité des coûts supportés par les membres
du syndicat mixte qui continuent à verser des subventions, notamment pour couvrir
le remboursement des emprunts.
Le syndicat objecte en réponse que le raisonnement de la Chambre
"repose en effet sur un postulat totalement erroné concernant les bases de calcul de
la redevance, selon lequel la redevance supportée par l’occupant du domaine public
doit, au minimum, couvrir les charges de la collectivité propriétaire".
En l'espèce, la chambre ne considère pas que le postulat selon lequel le
revenu tiré d’une location immobilière doit couvrir au minimum les charges du
propriétaire, qui est la base même de toute gestion rigoureuse d’un patrimoine
immobilier, soit erroné. Ce raisonnement économique est d’autant plus fondé que la
collectivité, en l’occurrence le syndicat mixte, ne retire, selon les termes du contrat
qui le lie à FELL, aucun autre bénéfice d’utilité publique que la redevance versée par
l’association.
En outre, la chambre remarque que si les règles juridiques ont été
formellement respectées en ce qui concerne la fixation de la redevance, rien
n’indique pour autant que celle-ci corresponde à la valeur locative d’une propriété
privée comparable.
La chambre s’interroge donc sur la pertinence économique du niveau
auquel a été fixée la redevance versée par l’association FELL en l’absence de
publicité et de mise en concurrence, donc d’instruments de comparaison relatifs à la
valeur locative réelle du Parc des Expositions de Limoges.
Par ailleurs, à supposer avérée l’existence d’un intérêt propre commercial
de l’association FELL comme le soutient le syndicat, le recours à une convention
d’occupation du domaine public le prive de toute possibilité de récupérer la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) acquittée sur les immobilisations, contrairement à ce qui
serait possible dans le cadre d’une délégation de service public de concession ou
d’affermage ou d'une gestion en régie (qui supposerait toutefois une autre
organisation statutaire). Ainsi, le syndicat s’est privé, compte tenu des
investissements réalisés ces dernières années pour plus d’un million d’euros,
d’environ 150.000 € de récupération de TVA.
Le syndicat mixte indique en réponse à la chambre que, dans une telle
hypothèse, "mettant à la disposition de l’association FELL des locaux munis des
équipements nécessaires, la redevance sera de plein droit soumise à la TVA… La
taxation entraînera pour le Syndicat le droit de récupérer la TVA grevant ses
dépenses…Le Syndicat pourrait donc déduire la TVA quel que soit le montant de la
redevance."
La chambre observe que les clauses de l’article XI de la convention
d’occupation du domaine public qui fixe les règles de détermination du montant de la
redevance ne précise en rien que cette redevance est assujettie à la TVA. Or, si elle
n’est pas mentionnée sur les titres de recettes adressés à l’association pour recouvrer
la redevance, ni l’association ni le syndicat ne peuvent bénéficier de la restitution de
la TVA. D'ailleurs, la chambre relève que le Syndicat n’indique pas en réponse qu’il
a bien récupéré les 150.000 € environ de TVA sur les immobilisations réalisées ces
dernières années.
En outre, si l’association FELL poursuit réellement un intérêt propre
commercial, cette structure doit être regardée, au sens du droit communautaire,
comme une entreprise (la CJCE qualifie d’entreprise "toute entité exerçant une
activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son
mode de financement").
Dès lors, le déséquilibre économique relevé supra est susceptible d’être
constitutif d’une aide d’Etat au sens de l’article 87 CE, laquelle ne parait pas avoir
fait l’objet d’une notification, ni rentrer dans le cadre d’un régime d’exemption, et
excédant vraisemblablement le seuil d’exemption dit de minimis (100 000 € sur trois
ans). Si le syndicat avait adopté un support juridique pour la gestion du Parc des
Expositions qui n'exclut pas, comme avec la convention d'occupation du domaine
public, toute considération de service public ou de service d'intérêt général
(considérations qui en l'espèce ne seraient guère contestables), les organismes publics
portant l'équipement verraient leurs indispensables et inévitables contributions, au
minimum relever de l'encadrement des compensations de service public et, comme
telles, être difficilement contestables.
En conclusion, ce contrat apparaît donc singulièrement déséquilibré,
voire peu soucieux d’une utilisation pertinente des deniers publics, sauf à admettre
que la charge financière supportée constitue la contrepartie consentie par les
membres du syndicat à la réalisation d'une mission de service public ou encore que
l'intérêt propre de l'association FELL est confondu avec celui du syndicat mixte.
Mais si, par hypothèse, l'intérêt propre de l'association FELL et les objectifs qu'elle
poursuit sont distincts de ceux du syndicat mixte, la chambre s’interroge sur l’intérêt
que peut trouver le syndicat dans l’économie de ce contrat au regard du coût
supporté.
X
X
X
Compte tenu des risques juridiques ci-dessus analysés que comporte pour
le syndicat mixte du Parc des Expositions de Limoges le maintien de la convention
passée avec l’association FELL, la chambre ne peut que recommander à nouveau au
syndicat mixte la révision des modalités de gestion de cet équipement après avoir
assuré la publicité de la procédure d’attribution et sa mise en concurrence. En raison
de l'objet même d'une convention d'occupation du domaine public et des risques de
requalification, une autre solution offrirait une plus grande sécurité juridique d'autant
plus qu'il n'est guère contestable et contesté que le Parc des Expositions ne peut
équilibrer son exploitation sur la durée de son existence sans l'apport d'aides
publiques. La nouvelle convention devra, le cas échéant, veiller à mieux définir les
obligations des parties et à assurer l'équilibre économique dans un sens plus
favorable qu’actuellement au syndicat mixte du Parc des Expositions de Limoges.
La chambre prend acte des projets de réalisation d'importants travaux de
restructuration du Parc des Expositions qu'envisage le syndicat mixte. Ces derniers
pourraient être susceptibles, comme l'a évoqué le syndicat mixte dans sa réponse,
d'entraîner des modifications dans sa composition et dans celle de l'association FELL
et, par voie de conséquence, sur le dispositif actuellement en vigueur. La chambre
recommande qu'à cette occasion le syndicat mixte arrête des dispositions davantage
protectrices de ses intérêts et retienne, en ce qui concerne le mode de gestion du Parc
des Expositions, une solution juridique à la fois mieux assurée et plus conforme aux
intérêts financiers du syndicat, ainsi que des collectivités territoriales et organismes
publics qui le composent.
Délibéré par la chambre le 29 août 2006
Le Président
Christophe ROSENAU
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