102 FRANCE PITTORESQUE. — INDRE-ET-LOIRE. autre qui n'existe plus. — Chinon étant presque la seule place forte qui lui restât, il la fit entourer de murs garnis de tours. Jeanne-d'Arc y vint déclarer au roi sa mission.— En 1631, Richelieu acquit la possession de Chinon, qui devint la partie principale du duché que le cardinal voulait fonder en son nom. — Par l'étendue qu'occupent encore les ruines du château de Chinon, on peut juger facilement quelle devait être son importance. L'ensemble de l'édifice se composait de trois châteaux différents, réunis dans la même enceinte, mais construits à la même époque. Telle est encore la masse imposante de ces ruines, que plusieurs siècles encore n'en pourront faire disparaître les traces, s'ils ne sont secondés par la main des hommes. — Ces ruines et celles qui entourent la ville, sont ce qu'elle offre de plus intéressant. La situation de Chinon est fort agréable, à l'extrémité d'une presqu'île renommée par sa fertilité, et formée par la Loire, l'Indre et la Vienne. — C'est à une lieue de Chinon, dans une métairie, qu'est né le fameux Rabelais, satirique auteur de Gargantua, et de Pentagrueli. BOURGUEIL., sur la rive droite du Doigt, ch.-l. de cant., à 4 1. N.-N.O. de Chinon. Pop. 3,556 hab. — Bourgueil se nommait avant la révolution, Saint-Germain-de-Bourgueil, et possédait alors une abbaye de bénédictins qu'avait fondée, en 990, Edme, femme de Guillaume-Tête-de-Loup, duc de Guyenne. Cette ville est située dans une vallée fertile ; elle est entourée de jardins agréables, où l'on cultive avec succès l'anis, la coriandre, la réglisse , et autres plantes dont elle fait un commerce particulier assez étendu. Elle possède un collégeii communal. Au-dessous de la ville, le Doigt prend le nom d'Authion , et arrose de charmantes campagnes. Les collines environnantes sont parsemées de vignobles, dont le vin rouge est fort estimé. LANGEAIS, sur la rive droite de la Loire, ch.-l. de cant., à 5 1. 3/4 de Chinon. Pop. 2,840 hab. — La situation de Langeais est très-agréableiii ; ses environs sont riants et fertiles ; la ville est assez bien bâtie. Ce qu'elle offre de plus remarquable, est un vaste château gothique, très-bieniv conservé malgré son antiquité ; il fut construit à la fin du Xe siècle, par FoulquesNera, comte d'Anjou, et augmenté vers le milieu du XIIIe siècle, par Pierre de Labrosse, tourangeau fameux, qui d'abord barbier de Saint-Louis parvint au faîte des honneurs sous Philippe-le-Hardi, empoisonna le fils aîné de ce roi, accusa la reine de ce crime, mais fut reconnu coupable, et pendu en 1276. LOCHES , sur la rive gauche de l'Indre, ch.-l. d'arrond., à 10 1. S.-E. de Tours. Pop. 4,774 hab.— Loches s'élève en amphithéâtre au confluent de deux vallées ; elle est séparée de la ville de Beaulieu, qui a 2,222 hab., par une suite de ponts jetés sur les différents bras de l'Indre. Loches est agréable comme sa situation : privée de symétrie et d'édifices somptueux, elle est du moins propre, et offre nombre de bonnes constructions. De ses anciens bâtiments, le plus remarquable est une haute et belle tour, seul reste d'une église détruite à la révolution. Un vaste plateau de roc domine la ville, et porte son célèbre château; l'origine de ce château est très ancienne, et remonte probablement aux Romains. Il avait été fortifié de nouveau au XIe siècle, et nos rois le regardaient comme une de leurs principales places fortes. — En 1193 , ce château appartenait à Jean-sans-Terre, qui le céda à Philippe-Auguste, au détriment de Richard-Cœur-de-Lion, le légitime possesseur ; mais celui-ci, échappé à sa prison, et rentré en France , reprit Loches en 1194. —En 1205, Philippe-Auguste reconquit cette ville après un siège d'un an. — Charles VIl ajouta de nouvelles constructions au château, et le conserva en dépit des Anglais, qui tenaient presque toute la France. Louis XI en fit une prison d'état ; il y fit construire des oubliettes, de nouveaux cachots, des cages de fer, où ; entre autres victimes de ce farouche tyran, périt le cardinal de Milan. Le château se composait d'une immense masse de bâtiments ; la plupart ont été renversés : il en reste encore de considérables, et des ruines très curieuses et très pittoresques. — Au sud est une forteresse carrée, fort haute, entourée de tourelles et de fossés, qui sert maintenant de prison. L'ancienne église collégiale de N.-D. de Loches est remarquable par son style singulier, par ses quatre clochers alignés ; l'intérieur de l'église est dépouillé des monuments et des ornements qui la décoraient. Le château dit de Charles VII, maintenant la municipalité, est un beau et grand bâtiment oblong, situé sur le bord du val de l'Indre, et possédant de ce côté une terrasse, d'où les vues sont délicieuses ; la belle Agnès Sorel habita long-tempsv ce château : il fut témoin des amours de Charles VII, alors prince efféminé, autant que plus tard il fut roi ingrat.— Le mausolée d'Agnès était dans l’église; en 1809, il fut transporté dans une tour que cette dame avait fait élever ;à l’angle du château ; on le voit au-rez-de chaussée dans une petite chapelle : le monument a 10 pieds de long sur 4 pieds de large ; il est de marbre noir ; la statue d'Agnès, les deux anges à sa tête, et les deux agneaux à ses pieds, sont en pierre blanche de bon style et bien conservés: c'est ce qu'offre de plus intéressant le château. Le plateau porte aussi un petit village entouré de ruines , de jardins et de terrasses, promenades charmantes. RICHELIEU, ch.-l. de cant,, à 4 1.1;2 S -S -E. de Chinon. Pop. 2,782 hab. — Richelieu, avant d'avoir donné naissance à l'homme extraordinaire qui a rendu ce nom si célèbre, n'était qu'un petit et obscur village, où la famille Duplessis possédait un château. — Le cardinal-ministre, Armand Duplessis de Richelieu, roi de France, au titre près, voulut que son village devînt une ville, chef-lieu d'une duché-pairie, que l'humble château de ses pères pût rivaliser en étendue, en magnificence, avec les plus beaux palais des souverains de l'Europe ; les trésors, les talents furent prodigués, et bientôt Richelieu fut aussi magnifique que le génie qui le créait était puissant. — Au milieu d'un parc immense, traversé et arrosé par l'Amable, petite rivière, s'éleva le nouveau château de Richelieu. Son plan offrait un quadrilatère régulier à quatre bastions, dont l'Amable remplissait les fossés. Il était formé de trois corps de bâtiments de deux étages, enclosant une vaste cour ; à chaque angle et au centre de l'aile opposée à la porte, ouverte dans une galerie à arcades, s'élevaient des pavillons qui dominaient les ailes ; un arc triomphal, surmonté d'une statue de la renommée, couronnait la grande porte, où l'on parvenait par un pont-levis. Deux cours précédaient le château : celle qui n'en était séparée que par le fossé était un carré de même surface que celui du château ; les bâtiments des écuries la bordaient latéralement ; la grande cour, ou cours d'entrée, était carrée aussi, un peu plus large que l'autre, flanquée aussi de bâtiments divers destinés à la nombreuse suite du cardinal. — La première porte s'ouvrait au centre d'un demi-cercle de murs, à la jonction de trois routes. — Derrière le château, et comme lui entouré d'eau, était un jardin carré, ayant au centre un château-d'eau, et formé de quatre parterres symétriques. D'autres parterres s'étendaient au-delà du fossé, autour d'une grande pièce d'eau, et se terminaient par une galerie décorée de niches, de statues, de vases, etc. Ces différentes pièces étaient parfaitement symétriques entre elles : de vastes jardins, des potagers, de superbes et spacieux massifs d'arbres percés de belles allées, les entouraient ; puis des bois, des taillis, complétaient le parc, qui était ceint d'un mur de plusieurs lieues de circuit. — La richesse, la beauté du travail des édifices, répondaient à leur grandeur, à l'admirable régularité qui régnait dans toutes les parties du château et de ses dépendances. Dans cette demeure vraiment royale, et qui fut en effet souvent habitée par le roi et sa cour, l'industrie des plus habiles artistes avait été prodiguée ; de nombreux et précieux chef-d'œuvres antiques la décoraient. Richelieu était comme le vaticanvi de la France ; son musée d'antiques était le seul que possédât alors la France, et ses débris ne sont pas comptés au nombre des moindres ornements du musée qui décore maintenant Paris, et dont la nation s'enorgueillit. — Le style général d'architecture était celui de l'époque, style vraiment national, vraiment en rapport avec notre climat, nos usages, nos besoins, et qui unit les avantages du style grec à ceux du style gothique. — La ville de Richelieu était contiguë au parc du château, dont elle n'était qu'une dépendance (1) ; elle était d'une construction digne de ce voisinage, et dans ses dispositions, le style de ses édifices s'harmonisait avec celui du château. Son plan était un carré de 700 mètres de long sur 500 mètres de large, entouré d'un fossé baigné par l'Amable, symétrique dans toute sa distribution. — Des murs flanqués de tourelles carrées à toits pointus, la rendaient susceptible de quelque résistance. Elle renfermait une grande place carrée et centrale et plusieurs rues qui se coupaient à angle droit, et que bordaient un grand nombre de belles maisons. Elle possédait une belle église, dont les hautes flèches surmontaient deux clochers carrés situés latéralement au rond-point; d'élégants pavillons et plusieurs grands édifices publics complétaient sa décoration. — Tant que dura la vie et la puissance du redoutable cardinal-ministre, son château continua à s'embellir : l’orgueil l'avait élevé, la flatterie l'habitait. Richelieu; en mourant, légua au roi ce qu'il avait pris aux sujets. Ce roi, qui semblait en toute chose n'exister que par son ministre, le suivit bientôt dans la tombe, après avoir rendu aux héritiers du cardinal la possession du château ; mais ceux-ci le négligèrent. Tant de gens que l'intrigue et l'adulation y avait attirés, s'en étaient éloignés. Le silence des tombeaux régna bientôt au milieu de ces superbes édifices ; l'herbe envahit les parcs et les places ; la nature dégrada ses ornements artificiels.— Le château tomba rapidement en ruines : lorsque la révolution vint le menacer, ses possesseurs le vendirent à condition qu'il serait détruit entièrement. — Le marteau des démolisseurs anéantit le somptueux palais du fier ministre qui avait fait jouer à son roi le second rôle dans la monarchie, mais le premier en Europe; qui avait avili le souverain, mais illustré le règne. — La ville elle-même a subi de grandes altérations, surtout dans sa population, qui d'abord fut de plus de 8,000 habitants. Mutilée dans ses plus beaux ornements, privée de toute importance, elle n'est plus guère aujourd'hui que, l'ombre de ce qu'elle fut ; elle conserve (1) Nous avons sous les yeux une ancienne gravure du fameux Israël Sylvestre, qui représente la ville de Richelieu, en Poictou , construitte par le grand cardinal, au bout des parterres de son superbe chasteau. i Sic. ii Sic. iii Sic. iv Sic. v Sic. vi Curieusement sans majuscule initiale. La reconstitution du texte sous forme de caractères a été réalisée par Aranei-Orbis (htpp://aranei-orbis.net).