Eco-Fiche Août 2016 FRANCE – ALLEMAGNE QUEL MOTEUR ECONOMIQUE POUR LA ZONE EURO ? En 2014 et 2015, la croissance de l’activité dans la zone euro s’est établie respectivement à 0,9 % et 1,5 %. Si l’amélioration de la situation économique est visible, la progression reste faible. En effet, que ce soient aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, la croissance du PIB, ces deux dernières années, s’affichait nettement au-dessus des 2 %. Cet écart s’explique en partie par l’absence de pays jouant le rôle de moteur économique au sein de la zone euro. Le couple franco-allemand, moteur économique de la zone euro ? La France et l’Allemagne représentent ensemble 43,6 % de la population de la zone euro et 50,1 % de son PIB en 2015. Ces deux pays sont les deux principales économies de la zone et ont jusqu’à présent été considérés comme les moteurs économiques. Le couple franco-allemand porterait ainsi l’ensemble des pays utilisant la monnaie européenne vers davantage de croissance. Cependant, l’existence de ce couple est mise à mal depuis de nombreuses années, du fait de positions divergentes entre les deux pays. L’été 2015, la France s’était opposée ouvertement à la sortie de la Grèce de l’Union monétaire, souhaitant davantage de compromis de la part des créanciers. A l’inverse, l’Allemagne avait fait part d’une forte intransigeance, et demandait des efforts supplémentaires de la part du pays avant l’organisation d’un nouveau plan d’aide. En raison de ces points de vue opposés, il demeure improbable que le couple puisse mener à bien, d’une seule voix, la relance économique de la zone euro. De plus, ni la France, ni l’Allemagne n’ont connu une croissance de leur activité, ces dernières années, voisine à celles des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. Dès lors, même pris individuellement, la relance économique des deux pays reste fragile. Le PIB en France n’a ainsi progressé que de 0,6 % en 2014 et de 1,3 % l’année suivante, dans un contexte de prix bas des matières premières, d’une monnaie européenne sous-évaluée et de taux d’intérêt quasi-nuls. Concernant l’Allemagne, la croissance a par ailleurs ralenti en 2015 (1,4 %, après 1,6 % en 2014). Direction des Affaires Economiques [email protected] - 01 47 62 73 30 1 Sur des critères autres que la croissance économique, les deux pays affichent par contre des visages diamétralement opposés. Avec un taux de chômage de 10,4 % en 2015, la France se situe en 13e position sur 19 parmi les pays de la zone euro1. Aussi, si ce taux reste-t-il inférieur à la moyenne de la zone économique (10,9 % en 2015), la tendance est défavorable à la France : quasiment stable dans notre pays, tandis que le taux de chômage diminue dans la majorité des Etats membres. Parallèlement, seuls cinq pays de la zone euro, dont la France, n’ont pas respecté, en 2015, le critère de déficit public, défini par le Traité de Maastricht. Le déficit public français s’est établi à 3,3 % du PIB, alors que le Traité impose un niveau inférieur à 3%. La France ne constitue donc pas un moteur économique dans la zone euro, mais semble au contraire à la traîne en termes d’activité, d’emploi et de finances publiques. A l’inverse, le taux de chômage en Allemagne a reculé depuis le début de la crise. Il atteint ainsi 4,6 % en 2015, soit un marché du travail proche du plein emploi. La modération salariale opérée au début des années 2000 et la mise en œuvre de réformes sur le suivi et l’indemnisation des chômeurs ont en effet permis de réduire le taux de chômage2. Les salaires réels ont par exemple diminué de 0,7 % entre 1996 et 2007 outre-Rhin, quand ils augmentaient de 17,3 % en France sur la même période. De même, la baisse de la population en âge de travailler, du fait d’un nombre de naissances trop faible depuis plusieurs décennies, a eu un impact sur la réduction du taux de chômage, bien qu’il ne s’agisse pas de la principale raison. Au niveau des finances publiques, l’Allemagne se démarque également de la France3. Le pays a ainsi affiché un excédent public en 2015, à hauteur de 0,7 % de son PIB. Aussi, sa dette publique est-elle passée de 81 % du PIB en 2010 à 71,2 % en 2015. Dès lors, l’Allemagne se désendette progressivement quand la dette de la France équivaut approximativement à une année entière de PIB. Si l’Allemagne présente un bilan économique plus favorable que la France à première vue, le pays reste néanmoins confronté à de nombreux défis qui risquent de mettre à mal sa croissance pour les années futures. Les défis de l’Allemagne La compétitivité des entreprises Le modèle de croissance allemand repose essentiellement sur les exportations. Celles-ci représentent 46 % du PIB outre-Rhin en 2014, contre 29 % en France4. Aussi, le pays a-t-il affiché un nouvel excédent commercial record en 2015, à hauteur de 248 milliards d’euros. Cette réussite s’explique par une meilleure compétitivité hors-prix des entreprises et par une modération salariale liée aux réformes de travail, mises en œuvre il y a une décennie. Comparées à leurs homologues européennes, les entreprises allemandes détiennent dès lors un avantage indéniable à l’export. 1 Données Eurostat. Pourquoi le chômage a-t-il continué de baisser en Allemagne après 2007 ? Insee, mars 2013. 3 Les comparaisons de déficit public entre la France et l’Allemagne sont légèrement biaisées. En effet, outre-Rhin, les dépenses réalisées par les hôpitaux ne sont comptabilisées comme des dépenses publiques, puisque ceux-ci sont considérés comme des entreprises non financières. Cependant, ce biais n’explique que légèrement l’écart d’excédent-déficit entre les deux pays. 4 Données INSEE. 2 2 Direction des Affaires Économiques [email protected] - 01 47 62 73 30 Les risques portant sur les exportations allemandes ont cependant augmenté de manière significative depuis 2014. Une part élevée de la croissance des ventes, depuis une décennie, dépendaient en effet de la demande des pays émergents. Or, depuis deux ans, les économies émergentes sont confrontées à un ralentissement de leur croissance, impactant de ce fait leur demande internationale. L’automobile et l’ingénierie mécanique, secteurs phares de l’industrie allemande, sont notamment visées par cette baisse de la demande des pays émergents5. Au-delà de la demande internationale en berne, l’Allemagne est mise en difficulté sur les deux piliers qui ont fait la force de son économie. La compétitivité-prix du pays recule nettement par rapport à ses voisins européens, en raison d’un renchérissement de la main d’œuvre. Ainsi, le coût du travail, dans l’industrie manufacturière, en Allemagne, a progressé de 8,3 % entre 2012 et le quatrième trimestre 2015, contre des hausses de 6,1 % dans la zone euro et de 4,6 % en France6. De plus, la productivité des travailleurs allemands est désormais stagnante, voire en légère baisse dans le secteur des services. D’autre part, des inquiétudes se portent sur la compétitivité hors-prix des entreprises. Celles-ci n’ont pas profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour relancer, de manière significative, leurs dépenses d’investissements7. Or, celles-ci sont un élément essentiel pour assurer une croissance de long terme. L’avance de l’Allemagne en termes de qualité des produits et de capacité d’innovation pourraient donc être remises en cause à l’avenir. L’évolution démographique du pays A moyen terme, les perspectives de croissance de l’Allemagne sont pénalisées par une démographie déclinante et une population vieillissante. En raison d’un taux de natalité très faible, les individus de moins de 25 ans ne représentent que 23,9 % de la population totale en 2015, contre 30,4 % en France. De même, les individus de 65 ans ou plus représentent 21 % de la population en Allemagne, mais seulement 18,4 % dans notre pays. Du fait de trajectoires démographiques divergentes entre les deux pays, la population française pourrait ainsi dépasser celle de l’Allemagne dès 20458. Ce vieillissement programmé de la population représente un défi pour le pays, car le poids des dépenses publiques, en termes de santé et de retraite, va mécaniquement progresser. Le recours aux populations étrangères est une solution pour combler le manque de main-d’œuvre à venir. De ce fait, l’attitude de l’Allemagne à l’égard des flux massifs de réfugiés a été différente de celle des autres pays de l’Union européenne. Le pays a ainsi diminué les barrières à l’entrée sur le marché du travail pour les demandeurs d’asile. L’accueil et l’intégration de ces populations peuvent cependant représenter un coût significatif pour le pays, dans le cas de faibles compétences professionnelles ou linguistiques des immigrés. Aussi, cette situation risque-t-elle de créer des tensions entre pays européens. Si actuellement, les flux d’immigration en provenance des pays du Sud de l’Europe (Grèce, Espagne, etc.) permettent de réduire 5 The German economy: safe inside, riskier outside; Coface Economic Publications. Données Coe-Rexecode. 7 Etudes économique de l’OCDE, Allemagne ; OCDE, avril 2016. 8 Observatoire français des conjonctures économiques 6 Direction des Affaires Économiques [email protected] - 01 47 62 73 30 3 leur taux de chômage, cette fuite de travailleurs représente, pour ces pays, une perte financière (coûts de formation, etc.) et une hypothèque sur la croissance future. Dès lors, en raison du vieillissement de sa population, le rôle de l’Allemagne en tant que moteur économique de la zone euro semble très fragile à moyen terme. Il pourrait par ailleurs être la cible de critiques des autres Etats membres, dans le cas où les travailleurs les mieux formés rejoindraient celuici. Quelles perspectives pour la France ? Au cours des prochaines années, en raison des hausses salariales, la croissance de l’activité allemande reposera davantage sur la consommation des ménages. Cette mutation permettrait de rééquilibrer les échanges du pays avec les autres partenaires de la zone euro. L’Allemagne est en effet accusée régulièrement d’accumuler les excédents commerciaux, au détriment des autres Etats membres9. En s’appuyant sur la consommation intérieure, à travers une hausse du pouvoir d’achat des ménages et une moindre rigueur des finances publiques, l’Allemagne importerait ainsi davantage de produits. Cependant, pour que la hausse des importations allemandes bénéficie à la zone euro, la production se doit de rester au sein des pays membres, et non provenir de l’extérieur (Etats-Unis, Japon, etc.). Or, depuis plusieurs décennies, de nombreux Etats, dont la France, accusent une désindustrialisation de leur économie. Dans des secteurs tels que les équipements industriels et les machines-outils, l’offre française s’est raréfiée. La relance de la consommation outre-Rhin risque donc de ne pas profiter aux partenaires européens, si ceux-ci n’arrivent pas à se mettre au niveau de la concurrence mondiale. Pour redevenir un moteur économique de la zone euro, la France doit donc relever les défis qui lui font face. L’inconvénient majeur du pays reste son incapacité à équilibrer sa balance commerciale. Depuis 2004, la France accumule en effet les déficits, et en 2015, le commerce extérieur a coûté 0,3 point de PIB à la croissance. Pour relancer les exportations, les entreprises françaises doivent par conséquent améliorer leur compétitivité. La mise en place du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi et l’actuelle accélération des dépenses d’investissement sont les premiers pas vers une meilleure représentation de nos entreprises à l’international. Il reste néanmoins que des réformes structurelles, afin d’améliorer le taux de marge des entreprises, relancer l’emploi des jeunes, réduire le déficit public, sont nécessaires pour relancer l’économie française. Le poids de sa population dans la zone euro, la qualité de sa recherche, sa spécialisation dans des secteurs de haute technologie sont des atouts indéniables du pays. Le soutien aux petites et moyennes entreprises, de manière à garantir un tissu industriel et économique au niveau territorial et multiplier le nombre d’entre elles sur les marchés exports, doit également être une priorité nationale. Créatrices d’emplois, ces entreprises constituent assurément un moteur essentiel de l’économie française, et pourraient permettre, à la France, de retrouver son rôle de moteur au sein de la zone euro. 9 En 2015, l’excédent courant (échanges de biens et services, revenus et transferts) de l’Allemagne avec les autres pays de la zone euro ont représenté 2,1 % du PIB. 4 Direction des Affaires Économiques [email protected] - 01 47 62 73 30