G E L I N O T T E

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G E L I N O T T E
Tetrastes bonasia
Photo St. Meyers, Okapia
Ce qu'ils en disent...
Olivier Paccaud dans le Guide du naturaliste dans les Alpes, p 375
Découverte et détermination
Des oiseaux roux, de la taille d'un pigeon, s'envolent du sous-bois et se cachent
dans les branches d'un groupe d'épicéas, tout cela discrètement sans grand bruit
d'ailes. On a eu le temps de remarquer une assez longue queue gris clair teminée
d'une barre noire. L'oiseau perché est brun roux ; le plumage est bariolé de
nombreuses taches rousses, brunes, noires, blanches avec une petite huppe. Le
mâle a une bavette noire bordée d'une ligne blanche. Les deux sexes ont une
barre blanche aux côtés du cou et de grandes plumes rousses en chevrons sur les
flancs. Cris et chant : sons aigus, grêles et métalliques.
Habitat
Forêts mixtes des montagnes et hautes collines avec sous-bois épais ;
peuplements peu serrés aux branches descendant jusqu'à terre. Observation peu
courante ; très discrète.
A observer
Nid à terre, caché dans le sous-bois ; 8 à 10 oeufs roussâtres avec taches et
points bruns ; poussins minuscules, brun roussâtre. La nourriture est surtout
végétale : jeunes pousses, bourgeons, graines, baies, quelques insectes ; elle est
recherchée à terre et dans le feuillage.
Reconnaître les plumes, les traces et les indices des oiseaux , Ed. Bordas
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Collectif Les Oiseaux de la montagne jurassienne réalisé en partenariat avec la Maison de la réserve
naturelle du lac de Remoray - © F. & D. Pépin, M. Haffner
Tétraonidés
... ce que l'observateur voit le plus souvent, c'est la
queue grise terminée d'une large bande noire, que
l'espèce dévoile quand elle s'envole dans un froufrou
d'ailes. Attention à ne pas la confondre avec une
bécasse des bois qui a des ailes pointues et apparaît
d'une couleur plus uniformément rousse à l'envol.
Elle est régulière, et presque constante dans les
massifs forestiers situés au-dessus de 1100 m, depuis
les crêts du Jura (F-Ain) jusqu'au Fricktal (CHArgovie). Le nid le plus haut a été trouvé à 1380 m à
Arzier (CH-Vaud) en 1969.
... quand les jeunes oiseaux se dispersent, ils peuvent
sortir des zones habituellement féquentées par
l'espèce, et même pénétrer dans les villages : un
individu a été trouvé dans une étable à Bofflens (CHVaud) le 23 mars 1948 et un autre dans la mairie de
Russey (F-Doubs) le 16 septembre 1966 !
Mars 1978. Sur le chemin forestier dominant les
fermes de Vautrans, le jour se lève, la brume matinale
masque ma progression, que j'essaie de rendre la plus
silencieuse possible. Soudain, au détour d'un virage,
deux ombres se dessinent dans la brume : un couple
de gélinottes parade sur le chemin forestier ! Je
m'approche lentement et, arrivé à une cinquantaine de
mètres, je m'accroupis pour les observer. La femelle
se tient immobile au milieu du chemin. Le mâle tourne
autour d'elle, les ailes pendantes et la queue en
éventail, la tête rejetée en arrière, à la façon d'un
grand tétras. En dépit de ma relative proximité, je ne
perçois aucun cri ou chant. Bientôt, le mâle s'avance à
petits pas vers la femelle, sans doute pour
s'accoupler... mais il se ravise et décolle brusquement
dans la forêt, suivi de peu par la femelle. La brume a
commencé à se dissiper, trahissant ma présence que
le mâle a sans doute décelée. Cette observation a
duré une minute, peut-être deux, mais elle est gravée
à jamais dans ma mémoire.
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et pour le plaisir, ce qu'en dit Robert Hainard :
Poule Gelinotte, Les Pralets, 16.6.1955
Cette petite soeur du prestigieux grand coq est peu connue malgré son plumage chamarré. Elle n'est
pourtant pas rare mais elle est si discrète ! A votre passage, elle se tapit et c'est un boulet brun qui part
entre vos jambes et disparaît dans le taillis. Ses noces ne comportent pas le rituel compassé du grand coq,
ne se déroulent pas sur une arène, sa voix est à la limite de l'ultrason. Longtemps, je me suis demandé :
quelle mésange, quel grimpereau a donc ce petit chant si mélancolique ? En allemand, c'est la poule des
coudriers et c'est juste, elle préfère les buissons à la grande forêt.
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La gelinotte est, comme son nom l'indique une délicieuse petite poule (en ce sens que c'est, dit-on, le plus
délicat des gibiers, ce n'est pas ce qui nous occupe ici) richement, délicatement chinée de brun, de blanc, de
gris, de fauve orangé et d'un beau noir, surtout à la gorge du mâle. Plus discrète encore que le grand coq, on
ne voit le plus souvent qu'une boule brune qui part avec fracas pour se remiser contre le tronc d'un sapin ou
file silencieusement le long de la pente, car elle se tapit, ne partant que sous vos pieds. Avec de la chance,
on peut, si l'on est bien tranquille, la voir passer furtivement.
Gelinotte (mâle, dans la neige), Sergy, 20.1.1946
Et puis, elle a une faiblesse : l'imitation de sa voix l'attire irrésistiblement, parfois. Mais le son est si aigu,
si ténu, qu'il y faut un sifflet spécial, taillé dans un os de volaille. C'est bien entendu, un procédé de
braconnier, interdit comme la vente de l'appeau.
Mais je ne l'ai employé que pour la bonne cause, en dérogation à mon principe de ne pas intervenir dans la
vie de l'animal. Je voulais surtout la voir chanter en bonne lumière et non -comme jusque-là- dans le
brouillard.
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Je me promenais au petit jour en lisière de forêt lorsque j'entendis une gelinotte chanter avec assiduité.
Je pènètre dans le bois, m'accote à un sapin et siffle. Silence. Je l'ai dérangée... mais non, elle vient à pied
en gloussant. Elle me voit mais elle est fascinée (je dis elle mais c'est un mâle à gorge noire, qui fait la
roue). Il reste à un mètre et demi de mes pieds puis s'envole sur un alisier, passe de branche en branche et
enfin me répond. Il se rengorge, sa poitrine fait un parfait petit oeuf (un gros oeuf, pardon) sa tête se
rejette en arrière et le son si grêle sort d'un bec grand ouvert...
Gelinotte chantant, Le Mont, Ivoray, 3.4.1972
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... nous guettions, Germaine et moi, près d'un cheval crevé, un ours qui n'est pas venu. Mais une gelinotte
mâle, reconnaissable à sa gorge noire, est venue à côté de notre petit mirador cueillir les chatons du saule
marsault. Il fallait notre immobilité pour ne pas effaroucher cet oiseau si méfiant.
Textes tiré du Monde sauvage de Robert Hainard, Duculot, Tribune Editions
Gelinotte mangeant des chatons de saule, Belica, Plisce 12.4.1964
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Autant que j'ai pu voir jusqu'ici, la pariade est moins rituelle que celle du grand coq, il n'y a pas de place de
danse mais des poursuites à travers le taillis, coupées d'envols et du petit chant grêle, le mâle faisant la
roue ou courant rapidement après la femelle, tout allongé comme elle.
Gelinotte attentive, Le Mont, Ivoray 3.4.1972
Le chant de la gelinotte n'est pas que manifestation amoureuse. Il a aussi une signification territoriale et
c'est en automne qu'on a encore le plus de chance en usant de l'appeau. Tout de même, la plupart de mes
rencontres, par l'ouïe ou par la vue, je ne les ai pas provoquées.
Telle cette nuit où je m'étais placé un peu au-dessous du Sentier des Gardes, pour l'avoir à bon vent et
dans l'espoir d'y voir passer un sanglier, ou le blaireau de la Cassière (un ravin situé juste sous moi, audessus de Sergy et au sud du Creux-de-Bourbonne). Car au pied d'un sapin renversé, au-dessus de mon
poste et au bord du sentier, il a ses cabinets.
Je m'étais déjà fourré dans mon sac, prêt à m'endormir lorsqu'une gelinotte est montée à un petit arbre,
se tournant en alternant les prises, selon sa coutume. Nous avons dormi ensemble, à une dizaine de mètres
de distance, elle à un mètre et demi ou deux de haut. Au matin, elle a chanté puis elle est partie sans
m'avoir vu.
Textes tirés de Images du Jura sauvage de Robert Hainard, Tribune Editions
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ou ce qu'il a vu en cherchant le lièvre blanc...
Il a neigé toute la nuit, il neige encore un peu. Si jamais je trouve une trace, elle sera vraiment toute
fraîche ! Je me dirige du côté de Taveyannaz vers la forêt des Botenittes, une belle forêt restée
assez primitive avec ses clairières humides, aimées des chevreuils et des chamois. Il demeure même
un lambeau oublié de forêt quasi vierge, un gigantesque vuargne (sapin blanc) mort, dont la pointe
brisée gît sur le sol. Ses frères, aussi gros, abritent sous leurs racines des terriers de blaireaux. On
y trouve les bêtes de la vieille forêt, le grand coq majestueux et farouche, le rare pic tridactyle à
calotte jaune. Sur le grand sapin mort, un soir d'août, soufflaient drôlement toute une nichée de
chouettes de Tengmalm, couleur de suie. Elles portent le nom d'un naturaliste suédois, car c'est une
espèce nordique restée chez nous dans les sombres forêts de montagne, tout comme le lièvre blanc,
mais les Valaisans appellent cet oiseau : la chèvre, à cause du chant tremblé qui anime au printemps la
forêt encore enneigée. Les familles de gelinottes y volent furtivement, avec de menus cris.
Gelinotte en vol, Forêt des Bottenites, 1er août 1940
Le programme de ma vie est clair :
manifester la splendeur de la nature,
en rendre le besoin plus conscient,
car rien n'est plus convaincant que l'image,
et rien ne résume mieux les désirs complexes des hommes que la beauté
Robert Hainard
© mmdp/100413
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