….diversité des organes ; réadaptation formant à nouveau tout le système nerveux et musculaire précurseurs du surplus organique, et à mesure de leur formation agents de transmission des corrélations, des influences animiques génératrices, vivifiantes, pour la réadaptation formatrice continue des organes, pour leur revivification spéciale et générale. L'âme constitue ainsi d'abord en son corps, en sa simple virtualité individuelle, en son moi instinctif et dans la mesure de sa puissance spéciale de subordination, constitue le centre générateur vivifiant, moteur, convergeant et expansif animé de tout son organisme, le pivot autour duquel gravitent comme circulation du sang et système d'excrétion tous ces éléments temporaires de formateurs et de renouvellement de cet organisme, qui ne fonctionnent et ne vivent comme celui-ci que par elle, par son influence animique nerveuse, musculaire ; le coeur luimême d'où procède la circulation sanguine, aussi bien que les autres organes intérieurs à fonction diverse, n'agissant en leur fonction spéciale que sous l'influence nerveuse musculaire convergeant au noeud vital et à l'Âme qui en est le principe central d'animation, de vivification. Cette influence de subordination, d’adaptation génératrice, vivifiante motrice de l'âme sur son organisme corporel, que consacre explique pour ainsi dire la concentration unitaire du système organique et nerveux, définie par la science anatomique et physiologique constatée par elle ; vient jeter un certain jour comme renseignement complémentaire sur la question de la formation des espèces organiques animées, par évolution les unes des autres, étudiée, développée particulièrement par les matérialistes ; mais non comme ils l'entendent. Ceux-ci imbus de l'idée que la vie animique provient de la matière du corps, que les facultés animiques sont enfantées par les organes préalablement formés , ainsi la pensée par le cerveau, d’autant plus grande qu’ il y a plus de circonvolutions en celui-ci : au lieu de voir ces organes formés par subordination active et adaptation émanant de l'Âme, en besoin d’exercer ces facultés, de faire correspondre les éléments matériels qui l’enveloppent et à sa portée, à l’exercice de celles-ci ; tout l'organisme en un mot, ainsi formé par elle, lui servant d'instrument, et fournissant sa plasticité matérielle. Les matérialistes s'expliquent à contresens la formation de l'organisme, et alors quand il s'agit de comprendre, s'expliquer l'évolution des espèces, ils négligent entièrement, (comprenant mal) l'influence importante et même indispensable de ce facteur se combinant avec les influences … Folio 153 recto 67 68 ….correspondantes d’adaptation du milieu ; ces dernières deviennent insuffisantes pour l'explication cherchée. Il y a plus. Si au lieu de considérer la vie de ces organismes animés dans la limite de leur forme actuellement observable, mortelle, comme des météores qui sortent du néant quand ils naissent et paraissent et qui retournent quand ils meurent et disparaissent comme des hiéroglyphes incohérents, sans signification, ils la considéraient comme une forme vivante transitoire de l'âme animant ces organismes, le sens de ces organismes vivants deviendrait tout autre. L'âme en effet résidant temporairement dans un organisme spécial, y développe ses facultés animiques par leur exercice, par la gymnastique de la vie ; et quand cet organisme spécial se dissout - comme elle lui survit, elle devient un germe, supérieur à l'espèce qu'elle représentait, apte de métamorphose en métamorphose à gravir dans une vie générale, tous les degrés de plus en plus élevés que comporte la vie animique jusqu'à un terme d'épanouissement définitif, comme c'est la loi de tout être vivant en son espèce particulière. Ce qui est une conception naturelle, conforme à la nature impérissable de l'âme en substance, toujours apte à exercer à nouveau ses facultés ; conforme aussi aux conditions vraisemblables de son évolution animique. Le sens explicatif de l'évolution de ces espèces réduites au sens exclusivement matériel, reste dans son ensemble assimilable à cette vie météorique et hiéroglyphique, incohérente de chacun de ces organismes spéciaux, tandis que entendu comme l'expression purement matérielle de l'évolution animique du simple individu animé, de l’Âme qui en est le principe générateur et vivifiant, ce sens explicatif de l'évolution des espèces devient plus complet et ouvre la voie à une compréhension philosophique bien plus ample aussi de tous les individus animés, de toutes les âmes animant ces organismes. L’évaluation des espèces organiques animées s'exprime comme une vie générale concordant avec leur impérissabilité en substance et dont les degrés d'ascendance marquent, en formes spéciales, transitoires, les phases, les âges, les stages de cette vie générale. Les individus animés ou âmes représentant ces organismes s'évoluent ainsi par l'exercice de leurs facultés, du terme le plus simple, le plus infime de la vie animée, animale au plus élevé ; leur organisme humain ou autre ne représente que l’âge viril qui le caractérise en en espèce. Leur pur Esprit dégagé de toute incorporation, vivant en pure spiritualité de la vie divine (ainsi que le professe le Christ, représente l’âge adulte de cette vie générale, le terme définitif de la destinée à…. Folio 153 verso 69 70 …laquelle tous sont appelés, accessible à tous. Ces paroles de l’ecclésiaste : « Qui a connu si l’Esprit des enfants d'adam monte en haut, si l'esprit des bêtes descend en bas? ne semblent-elles pas poser la question sur ce sens philosophique de la vie générale de tous les êtres animés ? et remarquons combien cette question ainsi posée ressemble au caractère des recherches philosophiques en contradiction avec le dogmatisme tranchant de l'Eglise Catholique. La parabole de l'échelle de Jacob allant de la terre au ciel et que montent et descendent par degrés les anges de Dieu, ressemble bien aussi à cette ascendance et descendance du plus infime au plus élevé des degrés de la vie, selon l'exercice plus ou moins actif des facultés, selon les tendances effectives, dégradantes ou supérieures; selon le mérite ou le démérite. L idée de métempsycose admise dans la religion des hindous et que Pythagore, qui l’avait puisée, enseignait en Grèce, montre aussi combien cette conception de la vie générale et des âmes animales et humaines date de loin, car elle avait aussi le sens d'ascension graduée. Par ce qui précède, c'est l'âme qui a formé son organisme; c'est elle qui a produit l'évolution progressivement spécifiée, ramifiée, ascendante des organismes animés constituant les espèces et que nous enregistrons selon leurs caractères analogues et distinctifs par catégories graduées de classes, de genres et d'espèces. Les modifications transformatrices des espèces les plus infimes, les plus primitives aux supérieures jusqu'à l'homme au sommet, se sont produites par la combinaison des influences animiques et du milieu ambiant. On peut citer comme Ex. de ces modifications arrivant à produire des races, des espèces et par suite l’évolution progressivement diversifiée et ascendante de celle-ci : l’hirondelle martinet qui par un exercice plus constant du vol a développé d’avantage ses ailes que l’hirondelle ordinaire et dont par suite les pattes se sont attrophiées faute d’usage, de même le chien de Terre Neuve aux pattes palmées acquises par la nage, la Girafe au long coup à force de rechercher haut les feuilles qui la nourrissent etc.… Si l’on suit la série en progressant, depuis la monade microscopique jusqu'à l'homme on voit progressivement cette action d'appropriation, d'adaptation se développer par spécification graduelle en organismes de plus en plus spécifiés, perfectionnés. L'homme au sommet, le plus parfait, les résume en mode supérieur. La vie générale à laquelle tous participent, des termes infimes de laquelle tous procèdent, à la destinée idéale, supérieure de laquelle tous sont appelés ; cette vie générale ainsi constituée, conçue, explique tout, en sens rationnel, compréhensif, juste. Les progrès scientifiques qui on déjà dérouté quelque peu les matérialistes dans leur conception de la matière, de la substance de l'âme, de la vie animique, de l'évolution même des espèces d'organismes animés, finiront par les transformer et amener aux conceptions plus rationnelles des spiritualistes. Mais ceux-ci, eux mêmes timides dans leur recherches actuelles, inspirés des vues traditionnelles, quoique non théologiques, se confinent dans l'intimité du moi, en vue de simples analyses psychologiques, ont besoin aussi d'être stimulés ou transformés par les aspirations, les compréhensions philosophiques plus amples de l'esprit moderne, pour être… Folio 154 recto 71 72 à la hauteur des problèmes soulevés en ces temps de rénovation scientifique, problèmes qu'ils semblent ne pas oser aborder, ignorer même. Ainsi après avoir défini l'Âme en sa simplicité substantielle et animique du moi et reconnu son immortalité, sa condition future de spiritualité vivante désincorporée, de pure esprit, ils n'osent en quelque sorte aborder la question de sa vie ultérieure, dont le sens a été formulé hardiment dans la doctrine du Christ, avec une portée immense comme nous l’avons vu plus haut, et que les compréhensions philosophiques peuvent chercher à définir davantage. - Et en ce qui concerne la vie antérieure de l'âme, précédant son incorporation humaine, dans les formes organiques d'avant, que manifestent les espèces animales en progression de vie animique aussi bien qu’organique, ils ne l'abordent nullement, et semblent l'ignorer, bien que l'idée ancienne de la métempsycose pourrait la leur suggérer ; mais celle-ci dénaturée par la suppression inexacte de son sens ascensionnel est devenue oiseuse, n'ayant plus que les sens d'une métempsycose à tort à travers. En passant par tous les termes intermédiaires de l'animalité inférieure et supérieure, puis de la spiritualité virile, nous touchons à un problème réservé mais qui se pose de lui-même malgré tout ; c'est celui de l'existence de l'Âme antérieurement à ce terme de vie animée du microbe, de vie animée qui même se manifeste au delà de lui, en forme infime aussi dans les spores des algues. Avant de se manifester sous ces formes primitives et rudimentaires, où l'âme résidait-elle? quelle existence avait-elle? Où était-elle alors en cette condition de simple substance impérissable, de virtualité sans exercice, en germe? Elle était ballottée sans doute au milieu des atomes, ou groupés, ou se mouvant autour d'elle, l'enveloppant, comme agrégée au milieu d'eux, comme un autre atome pourrait-on dire. Et cela depuis que le globe terrestre qu'elle habite est constitué jusqu'à la fin des temps géologiques où ont paru, se sont produits, les premiers organismes animés . Toutes les âmes des organismes animés, du plus simple animal à l'homme y compris en sont là, ont eu nécessairement cette condition d'origine. Mais ici une idée surgit : Est-ce qu'à cette époque primitive, toutes ces âmes n'auraient pas été des atomes, transformées plus tard par l'essor,le développement de leurs facultés animiques et ensuite de spiritualité supérieure? tous les êtres en principe, en substance étant identiquement constitués comme simples monades virtuelles, atomes en âmes, est-ce que la nature dans son évolution progressive d'espèce ne présenterait pas par le fait une simple spécification effective, comme transformation de la matérialité de la force en spiritualité de la force ; une transformation de l'atome insensible, inerte, dénué d'abord de vie animique, en atome devenu sensible, devenu alors une âme douée de vie animique. L’Histoire alors de l’atome et de l’âme serait l’histoire d’un…. Folio 154 verso 73 74 … seul et même être à deux âges différents; la nature s'exprimerait ainsi dans son unité essentielle et vivante dans le développement général et individuel d'une même vie universelle, s'évoluant de l'atome au pur esprit, dans la portée immense, éternelle et infinie, du temps et de l'espace. Cette conception sort tellement de la manière de voir restreinte et traditionnelle générale, qu'on n'ose s'y arrêter et qu'après avoir renversé la barrière séparative des âmes animales et humaines on n'ose aller au delà. On s'arrête à l'atome comme virtualité essentiellement distincte de celle de l'âme, formant lui et elle deux classes d'êtres absolument à part, sauf à la science à modifier plus tard. Néanmoins ce problème se pose à nouveau quand même devant l’Esprit : est-ce qu'en principe il n'y aurait eu dans la nature que des êtres élémentaires, identiques en substance, en constitution, en portée virtuelle, et que l'exercice seul de ces virtualités en conditions déterminantes, différentes, aurait spécifié seulement en fait. Qu'étaient donc tous ces éléments de la nature universelle avant d'être agrégés en astres, d'où toute vie ensuite a procédé? _ de simples substances identiquement constituées, comme virtualités sans exercice : n'ayant réalisé encore aucun fait, sans modalité effective alors, sans réalité apparente, sans un signe manifeste d'existence, comme simples germes primordiaux, repliés, concentrés, dissimulés dans l'essence intime, métaphysique et mystérieuse, de leur virtualité pure, comme absorbés, endormis, anéantis dans le sommeil du premier âge, en germes. - Principes invisibles, indéterminés, inobservables alors, tous par l'inertie première de leur virtualité, sans un acte perceptible ou percevant, sans réalité, active ou passive, sans cohésion par là même, n'offraient évidemment qu'un caractère, celui de la nature entière sans vie, sans expression, dissoute, réduite à rien, engloutie dans l'immensité de l'espace, qui sans forme aucune et comme vide et pénétrée par la nuit et le silence dans toutes ses profondeurs devait être comme un abîme sans nom, c’était le chaos, le néant primordial, non de l'Etre, mais de la vie, qu'après on appelle l'empire de la mort quand la vie qui s'en était produite y revient. C'est alors, selon Moïse, que Dieu, nageait sur l'abîme avant la création ; que selon les Védas, Dieu compacta la matière cosmique éthérée, dissoute et dissimulée dans l'espace. Comment à ce néant a succédé la Vie? Ce qu’on peut assurément présumer et la logique y entraîne, c’est qu’à un moment donné un souffle * divin, fécondateur s’est produit de l’abîme,° émanant évidemment de quelque chose d’essentiel, d'un principe premier, vivant avant tout suprême générateur, et qu'à ce souffle de Dieu pénétrant, remuant, éveillant l'espace immense, tous les germes sans nombre qui…. * pour ainsi dire ° faisant corps avec lui à l’état de sommeil Folio 155 recto 75 76 ….s'y trouvaient contenus, se sont trouvés comme projetés dans une existence nouvelle, procréés à la vie, mis en rapport actif ou passif ; transformés en puissances modifiées ou modifiantes, en individualités vivantes, en un monde social immense, vague d'abord, incohérent, inordonné même, mais animé déjà d'une vie collective, commune. A cette heure première d'actions et réactions infimes, élémentaires, représentées de proche en proche, à l'infini, comme électriques dans un milieu identiquement impressionnable, la forme apparente, la vie de tous ces éléments réunis et confondus simplement au début en un seul, a dû se produire comme un simple effet généralisé; comme l'expression identique uniforme immédiate d'un seul, l’individualité de chacun se trouvant confondue dans la manifestation vivante de tous. La nature alors dès qu'elle sortit du sommeil absolu et primitif, de sa virtualité pure, dès qu’elle se produisit en fait, a donc du apparaître dans le néant de l'abîme sous les formes sensibles d'un seul et même élément, immense, unique, éthéré, aérien, rayonnant la lumière du jour (1) dans l'espace infini, se mouvant dans toutes ses profondeurs, comme un souffle animé, y bégayant partout le simple langage du vent, un bruissement vague et mystérieux comme la première parole incohérente de la vie ; tels ont dû être les premiers signes d'existence, les premières manifestations vivantes de l'universalité des êtres à l'issue du néant. C'est avec ce prélude simple expansif et uniforme de la vie individuelle et Sociale qu'a dû apparaître le germe fécondé de l'univers. (2) ___________________________________________________________________________ (1) Au commencement Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut. (Genèse) (2) Et les maories sauvages semblaient avoir un vague instinct du monde inanimé mis subitement mis subitement en mouvement par un souffle divin de Taaroa _ affirmant, désignant les deux principes uniques et universels de la vie pour ensuite les résoudre en une suprême unité ; l’un âme et intelligence, Taaroa est mâle ; l’autre purement matériel et constituant en quelque sorte le corps du même Dieu, est femelle : c’est Hina. Il y a Hina de la lune, de l’air, de la mer, de l’intérieur. - Il était, Taaroa était son nom. Il se tenait dans le vide, avant la terre, avant le ciel, avant les hommes. Taaroa appelle, rien ne lui répond, et seul existant, il se change en l'Univers. Les Pivots sont Taaroa : c'est ainsi que lui-même s'est nommé. Les rochers sont Taaroa, les sables sont Taaroa - Taaroa est la clarté, le germe et la base : l’univers n'est que la coquille de Taaroa. C'est lui qui ne tout en mouvement et règle l'harmonie universelle. « Vous ! Pivots, vous ! Rochers vous ! sables nous sommes. Venez, vous qui devez former la terre : Et il presse entre ses mains les rochers et les sables et les presse longtemps, mais ces matières ne veulent pas s'unir. Alors, de sa main droite il lance les sept cieux pour en faire … 77 78 …Mais après, ce qu'on peut présumer encore, c'est qu'au premier jour de la vie, après la première communication effective de tous les éléments virtuels de l'univers, qui a dû se produire, nous l'avons dit comme un souffle, comme une explosion de lumière, transformant l'abîme primitif à en un ciel visible, manifestant l'universalité des êtres sous la forme d'une sphère infinie, composée d'une matière homogène, éthérée, d’assimilation universelle ; après dis-je ce premier mouvement d'impulsion vitale, fécondatrice, procréatrice, propagé dans l'immensité de l'espace, il a dû se produire comme un mouvement en retour, un effet universel de pesanteur attractive, effet général transformé en cohésion particulière, agrégation par masses, une sorte de précipitation et cristallisation physique en grand (comme se produisent les bulles d’air dans l’eau, les gouttes d'eau dans l'air, les grenailles métalliques à la fusion) d’où sont nées alors toutes les agrégations astrales, cométaires, solaires, planétaires. Tous ces mondes particuliers qui apparaissent comme les primitives expressions effectives des individualités universelles, se manifestent en corps, issus d’une même forme générique générale; toutes les sphères sans nombre qui peuplent et illuminent l'espace, semblant reproduire en forme immensément agrandie le simple principe virtuel, élément analogue dans son unité substantielle à une sphère purement intelligible ayant servi de point primitif de groupement, d’élément générateur de cristallisation sphérique, et tous les systèmes de gravitation nés du mouvement primitif et du rapport de puissance attractive des masses et qui paraissent se relier et résumer en une gravitation universelle autour d'un point central, pivot de l'espace, semblant à leur tour constituer une cristallisation combinée de mouvement, comme la primitive expression d'un mouvement organique universel. Enfin après cette sorte de commotion…. _____________________________________________________________ (Suite de la note n°2 du folio 155 verso) …le fondement du monde et la lumière est créée. Tout se voit, l’univers brille jusque dans ses profondeurs et le Dieu reste extasié devant l’immensité. L’immobilité du néant a cessé ; la vie existe et tout se meut. La parole a fait son œuvre et les messagers ont accompli leur mission. Les pivots sont fixés, sables et rochers sont à leur place. Les cieux s’élèvent et tournent. La mer emplit les abîmes. L’Univers est. Folio 156 recto 79 80 …électrique, qui s’étendit à l'infini des éléments de la nature tout identique à cette date, et les enlevant à l'inertie du néant, fit soudainement de l'abîme un ciel visible, un souffle animé, on peut présumer en raison, c'est qu'après ce prélude simple et uniforme, cette sorte d'inspiration première dans la vie, tous les éléments de la nature une fois projetés dans l'espace pour l'éternité, pour la vie, et de ce moment constitué en fait pour vivre, mais désormais livrés à leurs propres forces, tous emportés alors dans les régions inconnues de la vie, dans les profondeurs mystérieuses de la destinée, n’ont plus fait par la suite des temps que suivre de conséquences en conséquences, d'évolutions en évolutions, tous les développements de cette vie première et rudimentaire : par suite s'exprimer successivement sous toutes les diverses et innombrables formes de la vie que chacun dans sa sphère, son espèce, tous dans leur ensemble évidemment reliés, offrent actuellement à l'observation, aux investigations de la science. Ce qui est remarquable c'est de comparer les deux termes extrêmes de la vie organique animée, de la monade à l’homme, de la monade simple cellule ovulaire, sans apparence d'organes se mouvant, vivant dans une goutte d'eau, à l'homme qui se montre comme un centre de vie, autour de qui sous son influence de simple individu animé ou âme, sous une forme plus ou moins idéalisée et dans un milieu plus agrandi, en correspondance avec son degré acquis d'évolution vivante, de puissance expansive de vie nouvelle : mais alors en rompant définitivement avec l’incorporation qui n'était sous toutes ses formes antérieures qu'une vie d'adaptation embryogénique, larvaire, transitoire fatalement destiné par la mort à disparaître pour faire place à la forme de spiritualité vivante du pur esprit qui est le terme d'épanouissement vital et définitif de l’Être. Mais si cette transformation de l'individu humain en pur esprit vivant de la vie la plus idéalisée qu’on appelle divine, se conçoit comme une conséquence naturelle, logique, rationnelle de son évolution vivante, animale, puis supérieurement spiritualisée. Sa désincorporation définitive se conçoit aussi. Elle se conçoit comme la conséquence logique d'une évolution parallèle à son ascension générale dans la vie, comme le résultat final du travail de dégagement progressif de son individualité, de l'agrégation et des asservissements de la matière, accompli à travers les âges au sein des organismes animaux précédemment animés par elle. Quand le simple individu atome d'abord, ou plutôt, si l'on veut, quand l’âme assimilable à lui en germe, à transformé Folio 156 verso 81 82 …ainsi graduellement par l’exercice, sa virtualité d'abord passive, brute, en spontanéité de plus en plus active, puissante, et libre, par les degrés de plus en plus supérieurs de l'animalité arrivant à l'homme : après avoir subi toutes les transformations, passé par tous les Etages, définitivement émancipé, véritablement majeur et pourvu de toutes les conditions, facultés, vertus nécessaires pour agir, se guider dans le droit chemin de la vie, en la forme suprême qu'il conçoit, l'individu comprend comme la conséquence naturelle la transfiguration idéale. C'est en quelque sorte la sanction de toute sa vie antérieure qu'elle complète et couronne, et dont celle-ci antérieure, primitive, ne semble être comme forme rudimentaire qu'une expression matérialisée, une démonstration en figures, en symboles corporels, ayant au-delà du sens littéral, symbolique, le sens signifié de l'Esprit de la vie définitive et supérieure, individuelles et sociale des pures esprits. - L'être l'individu arrivé à ce terme viril, plus ou moins développé suffisamment caractérisé dans ce qu’on nomme le commun des mortels, la mort peut venir alors, le corps peut se décomposer, disparaître. Là aussi assurément s'évanouit, disparaît, mais pour après se ranimer, revivifier, reprendre ses sens, ses facultés, toute sa puissance, sa vertu vivante d’avant ; et alors entraînée par le ressort, l'expansion de son énergie vitale acquise antérieurement, de la chrysalide humaine, l'âme en raison s'échappe désormais pur esprit, sans souvenir du passé, sans doute, comme un être nouveau-né mais en besoin d'agir, de vivre, et désentravé du corps par sa force motrice d’avant ; spontanément, cela va de soi, elle s'élance en tous sens, dans les régions éthérées du ciel, prête à se mouvoir à son gré, en tout lieu, partout, dans l'espace immense, la matrice générale, la sphère primitive et définitive de la vie universelle des êtres. Elle s'élance, avide de tout voir, de tout savoir, tout comprendre, tout aimer, s'impressionner en bonheur de tout, prête à parcourir tous les mondes devenus à sa portée, ayant du reste l'éternité devant elle : prête à pénétrer comme les éléments impondérables tous les agrégats corporels les plus denses, à aller au fond intelligible de toutes choses pour s'expliquer le sens, la véritable réalité essentielle et vivante des êtres, le sens explicite de la nature vivante universelle. De l'infini de l'espace et de la nature elle fait désormais sa sphère définitive activité, d’expansion son milieu intégral d’adaptations vivantes, indéfiniment progressives, en conformité de sa nature transformée, spiritualisée. Et alors reprenant la vie comme précédemment à chaque terme mais en mode supérieur, elle puise sans cesser dans ce milieu… Folio 157 recto 83 84 …infini d'alimentation ; mais pour s'agréger, s'assimiler, s'adapter non plus la substance élémentaire des êtres, mais leur nature intelligible, elle s'incorpore intellectuellement leur fait observé, leur loi organique comprise, leur théorie explicite en un mot. Et au cours de cette élaboration graduellement analytique, s'adaptant à mesure, coordonnant en leur sens général synthétique, tous ces ensembles théoriques, comme les groupes organiques d'un organisme corporel ; étendant ce travail de compréhension, d'assimilation intellectuelle à toutes les réalités, tout l'ordre universel de la nature. L’âme ou pour mieux dire le pur Esprit, s’en fait un organisme intellectuel en correspondance organique avec ses sentiments, sa volonté, supérieurement spiritualisée déjà : en identification de la nature universelle qu'il personnifie ainsi en son sens le plus élevé ; et au moyen de cet organisme toujours accru, il développe scientifiquement sa puissance vitale, et vit au sein de la nature universelle comme en son milieu naturel, intégral de vivification, comme en son domaine, comme précédemment l’homme ainsi devenu roi sur la terre. De la base au sommet, l'évolution progressivement spécifiée, collectivement universelle de la nature, ou du simple individu élémentaire, se trouve en correspondance réciproque ; celle-ci comme étant l'expression élémentaire, celle-là la synthèse collective de l'autre ; de même à chaque terme l'évolution spéciale, (même corporellement individualisée) reproduit, réitère en résumé, dans la mesure effectuée de ce terme le sens évolutif correspondant de la vie générale.. Le sens éminemment suggestif qui s'en dégage, plus ou moins vaguement aperçu d'abord comme reproduction d'expression des choses entre elles, c'est que plus on va au fond des choses plus on voit que toutes les diversités se relient en leurs correspondances génériques, analogiques, harmoniques ; que la nature comme la vie est une ; que L’être en son universalité est un. Ces harmonies expressives de l'unité vivante de la nature, les artistes, les poètes, s'en inspirent et les traduisent en leurs oeuvres, en leurs reproductions d'idéalisme. C'est aux philosophes à en définir par le fait et en raison le sens scientifiquement supérieurement démonstratif, compréhensif qui au fond peut mettre de plus en plus en lumière, résoudre ce problème humanitaire toujours posé : expliquer ce que… Folio 157 verso 85 86 … nous sommes, d’où nous venons, où nous allons ? maintenant dans cette conception philosophique, universelle de la nature, résultant d'idées déjà formulées, admises dans la société moderne, combinées avec d'autres qui ne font encore que couver, mais qui s'y adaptent logiquement, qu'y a-t-il en discordance avec la doctrine biblique ou du Christ ? En son sens rationnel bien entendu, dégagé de l'interprétation purement littérale, surnaturelle, irrationnelle, à contresens de l'Eglise catholique ? est-ce la doctrine de l'évolution comparée au texte de la genèse, relatif à la création ? dans le sens agrandi logiquement développé de cette doctrine de l'évolution, embrasant toute la nature, il y a concordance évidente sur cette action génératrice originelle de Dieu (En note marginale : ou Être) comme cause première nécessaire en raison explicative de la vie universelle, sans préoccupation d'une tradition quelconque ; concordance sur le fond, bien que la forme diffère ; mais si l'on se rapporte au langage habituellement en usage dans la bible, exprimant l'idée en forme matérialisée, plus sensible, symbolisant le fond, pour le rendre plus palpable aux esprits primitifs, peu aptes encore au sens spirituel des choses, employant ainsi la parabole presque toujours pour l'exposition de la doctrine ; le texte de la genèse formulant la création comme enfantement, mise au jour des termes vivants principaux de la nature en 7 jours c'est-à-dire successivement et dans un ordre qui bien qu’abrégé correspond précisément à l’ordre successif des apparitions de ces termes, démontré par les couches géologiques ; à l'ordre successif de toutes les phases de formation que la science reconnaît, consacre ; mais en périodes immensément plus longues et même plus nombreuses. Ce texte de la genèse peut parfaitement s'interpréter en concordance avec le sens de la doctrine évolutionniste. Est-ce le sens encore de l'évolution transformatrice des âmes animales, humaines par métamorphose, métempsycose ascensionnelle ? la parabole de l'échelle de Jacob, allant de la terre au ciel, peut parfaitement s'y adapter. Après tous ces aperçus signalés d’avant, et ici, l'étude ultérieure du christianisme ne peut que développer des affinités d'aspirations, d'idées de celui-ci avec la société moderne et les réunir dans une…. Folio 158 recto 87 88 …. même compréhension philosophique, les fondre, identifier en un même tout revivifié, plus riche et plus fécond. Mais ! Mais hors l'Eglise catholique qui est pétrifiée dans son pharisaïsme hypocrite de formes absorbantes du fond véritablement religieux, de pratiques dévotes, lui servant de moyens d'asservissement dans sa tendance théocratique oppressive, son dogmatisme infaillible, injustifié, son surnaturalisme irrationnel, à contre sens de la vraie doctrine biblique et du Christ, à rebours enfin de la société moderne. _________________ Cette étude qui précède, sur Jésus avec son vrai caractère, soit qu'il soit historique, soit qu'il soit un mythe. Sur le dogmatisme de l'Eglise catholique faussant les textes. Et finalement sur la philosophie moderne, (cette dernière étude se reliant à la première) malgré leur peu de développement suffisent toutes trois à : Démontrer que Jésus est impérissable quel que soit son origine vraie ou fabuleuse. La pierre peut périr mais la parole reste. Que l'église périra (les textes l'annoncent) : la philosophie moderne la met à confusion, la démasque. Cette philosophie progressive reliée à la doctrine de Jésus, comme j'ai essayé de le démontrer, est rivée comme un maillon à la chaîne, continuera l'oeuvre commencée. Et nous commençons à apercevoir logiquement, rationnellement cette figure pitoyable d’un Dieu qu’on adore sans raison, ayant créé depuis la nomade jusqu'à l'homme sans progression, sans lois immuables que l'homme peut à force de prières déranger de leur cours. Et Isaïe s’écrie. Dieu dit : qu'ai-je à faire de toutes vos obligations, l’encens m’est en abomination, je ne puis souffrir vos nouvelles lunes, vos sabbats, et vos autres fêtes ; tout cela m’est iniquité et fainéantise : assistez l'opprimé, faites justice à l'orphelin, défendez la veuve et après cela venez et… Folio 158 verso 89 Folio 159 recto 90 entrons en discussion.... Dans ces paroles : Où se trouve le Temple, la prière, et les assistants. Nulle part… Les actions sages sont les seules prières. Le Dieu de vos temples, celui que vous priez, Il faut le tuer. Le seul Dieu désormais réside dans la sagesse, dans la vertu : pour devenir comme Jésus le type parfait, le fils de Dieu. Et tous les hommes deviendront des Boudas. Ici Gauguin a inséré un paragraphe où il revient sur l’ouvrage de Massey. Comme il s’agit de la suite logique du texte introductif, nous l’avons placé au début de notre étude. (voir pages 14 et 15) A l’issu de cet excursus il a placé le mot « - Fin - » et ajouté « voir page 328 » Enfin, l’artiste a clôt son écrit par un tirage d’une gravure sur bois montrant la tête d’un homme couché. Cet ensemble sera présenté en conclusion de notre étude. 91 Au début des années 1960, l'ethnologue suédois Bengt Danielsson a réalisé une enquête très complète sur les séjours de Gauguin à Tahiti et aux îles Marquises. Voici la réflexion qu'il nous livre au sujet de l'essai consacré par le peintre à l'Eglise Catholique et les temps modernes : « Incapable de peindre et ne recevant plus de visites, Gauguin passe son temps à noter les pensées qui agitent son esprit et écrit un long essai de quarante pages grand format sur l'Eglise Catholique et les temps modernes. Il est lui-même convaincu que c’est son magnum opus, aussi bien à cause de son style qu’à cause de l'originalité de ses théories. En cela il se trompe entièrement. Le lecteur courageux qui accomplit l'exploit de lire jusqu'au bout ce manuscrit inédit est, pour dire la triste vérité, surtout frappé par le jargon pseudoscientifique presque inintelligible, les idées banales de l'auteur et l'insuffisance de sa documentation fragmentaire. Si l'on est malgré tout ému, c'est exclusivement parce qu'on sait que l'auteur est sincère et profondément angoissé » Pour notre part, nous espérons que « le lecteur courageux », arrivé au bout des pages qui précèdent, aura découvert, par-delà le goût de Gauguin pour la polémique contre les églises, par-delà le « jargon pseudo scientifique », l’émergence d’une pensée théologique non seulement sincère mais structurée. Certes, la fougue et les envolées lyriques de l'artiste peuvent brouiller les pistes et obscurcir la logique du développement de son discours. Le trouble du lecteur est d'autant plus compréhensible qu'en restituant dans l'Eglise Catholique et les temps modernes les « diverses choses » qui lui passent par la tête, Gauguin n’introduit ni titres, ni sous-titres. Aussi, pour conclure notre travail, proposons-nous de donner, en quelques lignes, le plan que nous avons cru déceler dans le florilège des pages du peintreécrivain. 1. Pour commencer, Gauguin formule la thèse qu'il se propose d'attaquer. Se fondant sur la parole du Christ : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle », l'Eglise catholique se déclare « autorité infaillible ». Contrairement à « la raison de chacun », elle édicte des dogmes tels ceux de « la présence réelle du corps et de l'âme du Christ dans l'eucharistie » ou « l'enfantement surnaturel de la vierge Marie ». Quant au pape, « représentant infaillible de cette autorité dogmatique », il condamnera tous les acquis philosophiques et scientifiques qui ne lui paraissent pas conformes à la lettre des écrits bibliques. Seront ainsi condamnés, Galilée, Jean 92 Huss, Jérôme de Prague, les Albigeois et bien d'autres, l’église ayant recours, si besoin, aux tortures de l’Inquisition pour faire taire ceux qui pensent librement. 2. Après ce constat, Gauguin tente de démontrer la supériorité de la raison sur les affirmations dogmatiques de l'église catholique. Et de souligner que le texte fondateur « tu es Pierre », et partant tous les autres textes bibliques, deviennent compréhensibles si on accepte « la raison comme seule autorité naturelle ». Plus généralement « pour peu qu'on étudie la Bible », on constate que « la doctrine qu'elle renferme », tant au niveau de l'Ancien que du Nouveau Testament, s'énonce sous « une forme symbolique ». 3. Cette compréhension symbolique des textes ne peut s’acquérir que progressivement. A l'image de ce que l'apôtre Paul a écrit, le Christ nourrit ses disciples « par du lait d'abord, puis par une nourriture intellectuelle plus solide ». Et c’est lentement qu’émerge un « sens moral, compréhensif » des Ecritures. 4. Dans leurs approches figées et dogmatiques, l'église catholique, mais aussi l'église protestante, sont un contre témoignage du message du Christ. Et Gauguin de montrer que « la Bible a raison contre l'église ». Qu'on en finisse donc avec cette lecture littérale, avec « la lettre qui tue », pour que triomphe « l'esprit qui vivifie ». Ainsi « dégagée de ce surnaturalisme hors de la réalité vraie … la grande figure du Christ n'en reste pas moins magnifique de beauté, de grandeur, comme le plus beau type historique d'idéal réalisé, d'idéal de réalisation progressive, indéfinie, en identification de la nature divine, indiqué, affirmé, offert en destinée aux aspirations de la nature humaine ». 5. Après un retour très critique sur les thèmes de la naissance virginale de Jésus, l'eucharistie, le culte des reliques, sur les indulgences et le rôle des jésuites, Gauguin aborde la question de la résurrection des morts : « cette résurrection du Fils de l'homme, cette résurrection des morts sortant de leurs sépultures, énoncée comme devant venir à la fin des temps, ne doit pas arriver avec ce sens théâtral, surnaturel, frappant les sens, qu'enseigne toujours de même d'après le sens littéral, l'Eglise catholique, mais doit être entendue dans ce sens moral, naturel, rationnel, expliquant tant d'autres textes ». La résurrection est en fait « une régénération complète » ou, si l'on veut « un amour du progrès ». 6. La foi en un progrès possible est largement développée. Elle va de pair avec une compréhension spirituelle des Ecritures. « Le christianisme se trouve en concordance scientifique avec le spiritualisme ». Au même titre que les églises, il y a donc lieu de critiquer les « matérialistes, attardés de la science moderne, toujours en progression ». 93 7. Les longs développements consacrés aux sciences, allant de l'anatomie, de la physiologie et de la psychologie jusqu'à la physique et l'astronomie, sont d'un abord difficile pour un lecteur du XXIème siècle. Cependant, Gauguin montre qu'en plus de ses efforts d’acquisition de connaissances approfondies de la Bible, il s'est évertué à comprendre les sciences dites exactes de son époque. Selon Philippe Verdier, Gauguin a puisé ses connaissances dans le Dictionnaire des Sciences en 50 brochures qu’il avait emmené en Polynésie.20 Nous n’avons pas réussi à nous procurer ces textes mentionnés dans l’inventaire des Archives établi à Atuona aux Marquises à la mort de Gauguin. Par contre, nous nous sommes efforcés de parcourir trois ouvrages de Jules Soury, le traducteur, et commentateur, on s’en souvient, du livre de Gérald Massey entré dans les mains du peintre en 1896 et qui a déclenché le présent écrit. Il s'agit de « Jésus et les Evangiles » publié en 1878, du « Bréviaire de l’histoire du matérialisme » de 1881 et des « Fonctions du Cerveau, doctrines de l’école de Strasbourg et de l’école italienne » paru en 1892. Cet effort nous conduit à avancer que les propos du savant professeur ne sont pas beaucoup plus compréhensibles à un lecteur d’aujourd’hui que ceux de Gauguin. Néanmoins, pour résumer d'une phrase la pensée de Gauguin par rapport à celle de Jules Soury, nous dirions que le peintre postule que « l’âme est le principe générateur de tout organisme ». 8. Le thème du fond commun à toutes religions et celui de la recherche du « paradis perdu » qui ont tant hanté Gauguin, sont à peine esquissés ici. En note seulement, il mentionne la conception du monde des « maoris sauvages ».21 Aussi pouvons-nous dire que l'écrit de Gauguin n'est pas un traité d'histoire des religions, mais une étude de théologie biblique. 9. Les textes bibliques sont cités en abondance mais sans références précises ; seul le livre biblique est mentionné, jamais le chapitre ou le verset. Si Gauguin possédait bien une Bible, qu’il étudiait avec ardeur, il se fiait souvent à sa mémoire pour rédiger son texte. Cette manière de procéder explique les approximations des citations. Et si sa mémoire faisait défaut, il contournait le problème. Ainsi, en folio 146 verso, au lieu de chercher la référence il note une citation qu’il attribue tout simplement au « prophète X » ! Cette façon de travailler rend difficile la recherche de l’édition de la Bible dont l’artiste s’est servie. En nous appuyant sur la deuxième version de l’écrit de Gauguin, nous avons montré ailleurs, qu’il utilisait fort probablement une bible dite d’Ostervald dans la version parue 1869.22 20 Verdier, opus cité p. 283. Ces données occupent une place bien plus importante dans la reprise de l’étude aux Marquises. 22 Printz, Gauguin et le Protestantisme, opus cité pp 14 et 111 ss. 21 94 10. En conclusion de son écrit, Gauguin établit une sorte de synthèse de sa pensée. Ecoutons-le, une fois encore dans son style et son vocabulaire bien à lui : « … la nature comme la vie est une ; L’être23 en son universalité un. Ces harmonies expressives de l'unité vivante de la nature, les artistes, les poètes, s'en inspirent et les traduisent en leurs oeuvres, en leur reproductions d'idéalisme. C'est aux philosophes à en définir, par le fait et en raison, le sens scientifiquement, supérieurement démonstratif, compréhensif qui au fond peut mettre de plus en plus en lumière, résoudre ce problème humanitaire toujours posé : expliquer ce que nous sommes, d’où nous venons, où nous allons ? maintenant dans cette conception philosophique, universelle de la nature, résultant d'idées déjà formulées, admises dans la société moderne, combinées avec d'autres qui ne font encore que couver, mais qui s'y adaptent logiquement, qu'y a-t-il en discordance avec la doctrine biblique ou du Christ? ». Il convient donc, en définitive, et à l’instar des paroles du prophète Isaïe, de « tuer le Dieu des temples » pour adorer comme seul Dieu celui qui « désormais réside dans la sagesse, dans la vertu : pour devenir comme Jésus le type parfait, le fils de Dieu ». 11. Après avoir glorifié Jésus, Gauguin achève son écrit par un propos étonnant, voire provocateur : « Et tous les hommes deviendront des Boudas ». Sans doute avait-il, tout à coup, pris conscience d’avoir quelque peu négligé l’apport de la philosophie religieuse bouddhique qui lui tenait à cœur.24 12. Cette mention est suivie d’une note complémentaire consacrée à Gérald Massey dont la vraie place se situe - nous l’avons vu plus haut - avant la rédaction de L’Eglise Catholique et les temps modernes. Puis Gauguin a annoncé, assez solennellement, la « - Fin - » de son ouvrage, avant de l’agrémenter d’un tirage d’une gravure sur bois représentant une tête d’homme couché. Enfin, probablement suite à une relecture ultérieure de son essai, et après avoir inséré d’autres « Diverses Choses » dans son album, il a ajouté, avec un souligné pointillé, la mention : Voir page 328 Cette page, très poétique, et la gravure qui illustre le propos de l’artiste constitueront la conclusion de notre travail. 23 24 En folio 158 recto, dans une note marginale, Gauguin note « Dieu » ou « Être » En folio 146 recto, il inscrira verticalement dans la marge : « Et tous les hommes peuvent devenir des Boudas » 95 Cette gravure pourrait bien illustrer Gauguin faisant la sieste sur la véranda 96 Sur la véranda, douce sieste, tout repose. Mes yeux voient sans comprendre l'espace devant moi ; et j'ai la sensation sans fin dont je suis le commencement. Moorea à l'horizon, le soleil s'en approche, je suis sa marche dolente ; sans comprendre j'ai la sensation d'un mouvement désormais perpétuel : une vie générale qui jamais ne s'éteindra. Et voilà la nuit, - tout repose. Mes yeux se ferment pour voir sans comprendre le rêve dans l'espace infini qui fuit devant moi : et j'ai la sensation douce de la marche dolente de mes espérances. 97 98