二十世紀文學發展中的沈默美學 La phrase du récit et la phrase de la vie quotidienne ont toutes deux pour rôle un paradoxe. Parler sans mots, se faire entendre sans rien dire, réduire la lourdeur des choses à l’agilité des signes, la matérialité des signes au mouvement de leur signification, c’est cet idéal d’une communication pure qu’il y a au fond du bavardage universel, de cette manière de parler si prodigieuse où, les gens parlent sans savoir ce qu’ils disent et comprenant ce qu’ils n’écoutent pas, les mots, dans leur emploi anonyme, ne sont plus que des fantômes, des absences de mots et font régner, par cela même, au milieu du bruit le plus étourdissant, un silence qui est vraisemblablement le seul dans lequel l’homme puisse reposer, tant qu’il vit. Maurice Blanchot, La part du feu Introduction La civilisation occidentale doit son caractère essentiellement verbal à l’héritage de la conception hellénistique du logos. D’après Aristote, le sujet humain est avant tout un être de langage dont les actes peuvent être rationnellement prévus. Le langage est ainsi le fondement de notre expérience, et il nous est impossible de nous exprimer autrement. Notre vie n’existe que dans le fait du discours. Dans le cadre d’une philosophie centrée sur l’homme en tant qu’être de langage, les choses existent à la condition qu’il soit possible de les reconnaître par le langage. C’est ce concept sur lequel se fonde une théorie nominaliste de la connaissance. Le langage, qui était au cœur de la définition de l’homme dans la culture hellénistique, reprend à notre époque son ancienne position dominante. Dans le courant de la philosophie du langage depuis le XIXème siècle, représenté par Frege, Russell et Wittgenstein, le langage joue un rôle de révélateur(1). La linguistique qui apparaissait simplement comme la science du langage, tend à devenir la discipline centrale des « sciences de l’homme » au XXème siècle. Cette réévaluation du langage oblige d’ailleurs la critique littéraire à renouveler son instrument d’analyse, ou mieux encore, à redéfinir la littérature. L’œuvre littéraire est par excellence une construction du langage. Pour la critique formaliste comme plus tard pour la critique structuraliste, cette caractéristique suffit à justifier le recours aux méthodes qu’offre la linguistique, afin de reconstituer une « science de la littérature ». Tout cela évoque la question que George Steiner nous a proposée: « Allons-nous passer de l’ère historique de la primauté 43 淡江人文社會學刊【第三十期】 du verbe – la période classique de la création littéraire – à une phase de dépérissement du langage, de forme ‘post-linguistique’, et peut-être à un silence, au moins partiel ? » (Steiner 1967/1969: 7) Face à une confiance abusive dans le langage, le silence peut-il devenir une réponse? Le langage (parler) et le silence (se taire) s’opposent, se correspondent, et se fabriquent mutuellement. Le silence ne cesse jamais d’impliquer son contraire, et seul le langage autour de nous – ou pour le moins le fond sonore –, nous permettent de sentir sa présence, de le reconnaître. Au sens philosophique et esthétique, pourrions-nous trouver une autre façon de nous exprimer et de communiquer grâce au silence? Le silence est-il une connaissance ou une ignorance? À l’époque où Bernard Lamy, dans son ouvrage intitulé L’Art de Parler (1675), montre « une analyse précise du fonctionnement normé de la parole » représentant le degré zéro de toute subtilité rhétorique ou narrative, l’Abbé Dinouart, de son côté, propose L’Art de se taire (1771)(2). (Lamy, 1998: 15) Du point de vue de Dinouart, le langage est, de loin, en deçà de ce que nous voulons exprimer. Nos mots nous échappent. Ce que nous voulons dire se déforme. Le danger d’une dépossession de soi se trouve toujours dans le langage: « Jamais l’homme ne se possède plus que dans le silence: hors de là, il semble se répandre, pour ainsi dire, hors de lui-même et se dissiper par le discours; de sorte qu’il est moins à soi qu’aux autres. » (Dinouart 1996: 40) Dinouart nous propose ensuite un projet dans lequel le silence devant Dieu – le moment où l’on pense, médite et réfléchit devant Dieu –, est remplacé par le silence comme une stratégie sociale contre l’« épidémie » des paroles et des écrits sur la religion et sur le gouvernement. Suivant en cela les rhétoriciens classiques qui cataloguent les différentes espèces de paroles, Dinouart distingue différentes espèces de silence: prudent, artificieux, complaisant, moqueur, spirituel, stupide, approbatif ainsi que méprisant. (Dinouart 1996: 45-46) Cette catégorisation du silence correspond à une typologie d’ordre psychologique, et opère des distinctions sémiologiques dans une théorie des tempéraments et des passions. Le concept du silence est considéré ici comme étant dorénavant expressif et performatif, le silence est vu comme étant le fond même de la sagesse. Par ailleurs, certaines métaphysiques orientales mettent l’accent sur la valeur de cette négation du langage qu’est le silence. Dans le bouddhisme, l’âme est représentée comme s’élevant à travers des domaines subtils qui pourraient être exprimés par un langage subtil en direction d’un silence de plus en plus total. Ce n’est qu’en dépassant la frontière du langage 44 二十世紀文學發展中的沈默美學 que la contemplation peut pénétrer le monde de la connaissance. Pour sa part, le taoïsme représenté par Laozi et Zhuangzi prend le langage comme un outil négatif pour signifier la Voie qui est la réalité ultime dans son tout, de son principe à son origine, réalité qui est « innommable »(3). Il est à remarquer que dans la pensée chinoise antique, les oppositions et les distinctions ne sont jamais de nature exclusive, mais au contraire sont complémentaires. Le rien pourrait avoir plus de valeur que le quelque chose, le vide plus de valeur que le plein. (Cheng 2002: 189-190, 194-195) La littérature comme la philosophie, s’est toujours accompagnée d’une réflexion sur la fonction référentielle du langage et ses limites. Lorsque les réflexions appliquées au discours totalisant ont atteint leur apogée, on est retourné vers une rhétorique de l’indicible, ou bien vers une écriture du silence. Dans cette étude, nous monterons d’abord la place essentielle du langage dans la culture occidentale. Nous tenterons ensuite d’analyser les réflexions philosophiques et littéraires sur les limites du langage. Enfin, nous explorons l’esthétique du silence en particulier dans la littérature du XXème siècle. Le pouvoir du langage Le maniement du langage Bien avant Aristote, Hésiode a déjà affirmé l’idée que le langage est une faculté particulière aux hommes. Il a mis en poème pour les Grecs une Théogonie, qui raconte la naissance des dieux en même temps que la naissance du monde. Sous la plume de Hésiode, l’homme en tant que création de Prométhée, se caractérise par son pouvoir de parler: On voyait là beaucoup de détails ciselés, merveilleux à regarder, beaucoup d’animaux, de ceux que font vivre la terre ou la mer; il en avait mis des foules, – lumineuse beauté –, merveilles de merveilles, on aurait dit qu’ils avaient une voix. (Hésiode, Théogonie, 581-584) La « voix » qui signifie littéralement le langage articulé, est donc considérée comme une possession unique de l’homme. C’est par le langage que l’être humain se différencie des 45 淡江人文社會學刊【第三十期】 autres êtres vivants sur la terre ou dans la mer, et que l’homme détient sa suprématie sur les autres. Bien que de nos jours, notre perspective et notre connaissance sur le langage aient beaucoup évolués, la conception du langage en tant que faculté particulière de l’homme persiste. Opposé à certaines études récentes qui comparent le langage humain à la communication animale, le linguiste moderne Chomsky décline toute comparaison abstraite et simplifiée en affirmant que « le langage humain apparaît comme un phénomène unique, sans analogue important dans le monde animal »(4). Le langage est le propre de l’homme et aucun système de signes ne lui est comparable. La faculté de la maîtrise du langage établit chez les Anciens la frontière entre les concepts de civilisation et de barbarie: « celui qui domine la parole et les forces chaotiques qui s’agitent sous le langage des hommes est civilisé, dans la guerre comme dans la paix; celui qui parle de façon confuse et inarticulée, en se laissant déborder par sa violence intérieure, est barbare, dans la paix comme dans la guerre. » (Mattéi 1999: 39) Le terme de « barbare », emprunté du grec barbaros, est à l’origine une onomatopée pour signifier ceux qui sont étranger à la langue grecque, ceux qui bafouillent, balbutient de façon indistincte et articulent mal(5). Ainsi la première apparition du terme de « barbare » dans le chant d’Homère est pour désigner le parler des Cariens, hommes rudes et grossiers, qui prononcent mal leur propre langue (Iliade, II, 867)(6). Selon Jean-François Mattéi, l’utilisation de ce terme chez Homère est lourde et significative: « le seul peuple des Troyens et des Danaens qui n’est nommé ni par ses chefs ni par son pays, mais par une langue que l’on malmène au point de ne pas se faire entendre, est le peuple des Cariens dont l’unique trait de culture est ainsi un trait négatif ». (Mattéi 1999: 39) Le chant d’Homère, texte fondateur de la civilisation occidentale, nous laisse entendre que l’homme, par la maîtrise de sa parole, atteint la maîtrise de son âme. Dans l’histoire humaine, on reconnaît non simplement la faculté unique d’exprimer et de communiquer chez les hommes, mais aussi on tente de développer une technique de la manipulation intellectuelle du langage(7). La rhétorique classique, celle qui commence avec Aristote et se prolonge jusqu’au XIXème siècle, manifeste, entre autres, cette sorte d’intention(8). La rhétorique est au sens propre « la science de bien dire » (Quintilien, Institution oratoire, Livre II, 15, 34)(9). En suivant une méthode théorique, elle cherche à maîtriser le discours pour faire comprendre, pour faire croire, pour faire agir et en un mot, pour persuader. (Reboul 1984: 6) Selon Aristote, « la rhétorique est l’analogue de la 46 二十世紀文學發展中的沈默美學 dialectique: l’une et l’autre, en effet, portent sur des questions qui sont à certain égard de la compétence commune à tous les hommes et ne requièrent aucune science spéciale » (Rhétorique, 1354a). Il la définit ensuite comme « la faculté de découvrir spéculativement ce qui, dans chaque cas, peut être propre à persuader […...], la faculté de découvrir spéculativement sur toute donnée le persuasif » (Rhétorique, 1355b). (Aristote 1998: 16, 22) La fonction propre de la rhétorique n’est pas simplement l’art de persuader, mais aussi de discerner dans chaque situation les outils d’une possible persuasion. Aristote nous présente donc une approche très technique de la rhétorique. Les axes principaux de cette discipline peuvent être divisés en cinq grandes parties: (i) l’invention concernant la recherche des idées et des arguments qui vont servir, (ii) la disposition désignant l’ordre dans lequel les éléments du discours sont disposés, (iii) l’élocution qui concerne la mise en style du discours, (iv) la mémoire où ce qui permet de retenir ou d’improviser un texte, et (v) l’action qui consiste à mettre en œuvre le discours, la prononciation et les gestes. Cet art de la persuasion, systématique ou même technique, est aussi un art de la manipulation. Comme Georges Molinié le souligne, la rhétorique maniée « avec prestige, c’est-à-dire avec autorité et brio, appuyé[e] sur des connaissances techniques illuminées par le don propre et exercées par une solide pratique, confère à qui le possède un pouvoir considérable ». (Aquien et Molinié 1996: 9) L’objet de la rhétorique a varié dans d’importantes proportions au cours de son histoire. On voit successivement dans la rhétorique « l’art d’argument » (proposé par Perelman et Olbrechts-Tyteca), « l’étude du style » (proposé par Morier, Genette, Cohen et Groupe MU) ou « l’art de persuader » (proposé par Reboul)(10). Néanmoins, le but principal de la rhétorique reste toujours le maniement du discours afin d’exprimer une idée correctement avec l’éloquence. Le langage et la pensée Le langage, en plus de la suprématie qu’il procure à l’homme sur les autres êtres vivants, lui donne un outil pour définir son identité et devient même un outil qui permet à chacun d’étudier sa propre nature et d’approfondir sa connaissance de lui-même. Les philosophes – comme les linguistes d’ailleurs – ne cessent de mettre en évidence la relation réciproque qui existe entre langage et pensée. Chomsky affirme dans son travail portant sur Le langage et la pensée (Language and Mind), que « la possession du langage humain s’accompagne d’un type spécifique d’organisation mentale ». (Chomsky 1968/1969b: 66) Selon lui, c’est l’étude du langage qui nous permet de montrer le caractère des processus mentaux et les structures 47 淡江人文社會學刊【第三十期】 qu’elles forment et manipulent: « il me semble qu’il n’y a pas aujourd’hui de meilleure façon ni de plus prometteuse pour explorer les propriétés essentielles et caractéristiques de l’intelligence humaine que celle qui passe par l’étude détaillée de la structure de cette propriété propre à l’homme ». (Chomsky 1968/1969b: 106) La tâche principale de sa théorie linguistique est donc de décrire la « grammaire universelle » en supposant que les principes de celle-ci pourraient être mis en rapport avec les caractéristiques physiques du cerveau. (Chomsky 1967/1969a: 131-140) Le module de l’esprit humain peut être atteint par la connaissance linguistique. En ce qui concerne la relation qui existe entre langage et processus mentaux, nous pouvons remonter à l’idée originale de Johann Gottfried Herder. Ce dernier, philosophe allemand qui a eu une influence considérable sur certains courants de la philosophie du langage, a consacré son travail sur le problème du rôle du langage dans le processus de la connaissance humaine. L’homme, pour Herder, se définit par excellence comme « une créature de langage »(11) (ein Geschöpf der Sprache): « le langage [est] aussi essentiel à l’homme – qu’il est homme ». (Herder 1771/1992: 51) En réunissant le système de la langue et le système de la pensée, Herder révèle le rôle formateur du langage dans la formation de la vision du monde (Weltanschaunng). Son idée à propos du langage s’appuie sur deux points. En premier lieu, la langue n’est pas seulement un instrument de communication, mais aussi une accumulation d’informations. L’expérience et le savoir de l’homme se construisent précisément dans la langue et sont transmis de génération en génération. En second lieu, la langue est en soi une forme de la pensée. Comme nous pensons par l’intermédiaire des mots, nous pensons dans une langue. Le peuple de chaque nation conserve dans sa langue maternelle ses expériences, y compris ses vérités ainsi que ses erreurs et la langue transmet tout ceci aux générations suivantes. Ainsi, la langue nationale forme la vision du monde des membres de la nation concernée. « Les trois déesses du savoir humain – la vérité, la beauté et la vertu, sont devenues nationales dans la même mesure que la langue. » (Schaff 1964/1973: 6) Chaque langue a sa structure distincte qui conditionne la manière de penser des personnes qui l’utilisent. En ce sens, la langue est une forme de pensée qui impose une limite de la connaissance. Comme nous l’apprend Herder, « s’il est vrai que nous ne pouvons penser sans concepts et que nous apprenons à penser grâce aux mots, c’est que la langue donne à toute la connaissance humaine ses limites et ses contours ». (Schaff 1964/1973: 6) 48 二十世紀文學發展中的沈默美學 Les limites du langage La frontière du langage Tandis que Herder nous montre comment le langage délimite notre vision sur le monde, le jeune Wittgenstein, pour aller plus loin, tente de déterminer la frontière du langage et même la frontière de la pensée. Le monde, pour lui, n’est pas tout à fait exprimable, ni « pensable ». Wittgenstein est un des précurseurs de notre siècle en ce qu’il essaie de mettre en lumière le domaine au-delà du langage. Ses premières réflexions sur le langage se trouvent dans son traité lumineux, le Tractatus, dont la tâche centrale est d’éclaircir la pensée par une élucidation de la grammaire logique du langage. Pourtant, Wittgenstein résume lui-même la thèse de son travail en ces termes: « tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence ». (Wittgenstein 1922/1993: 31) Le Tractatus a pour but de délimiter ce qui est pensable, autrement dit, de tracer la frontière de l’expression de la pensée. Selon Wittgenstein, les problèmes de la philosophie reposent fondamentalement sur une mauvaise compréhension de la logique du langage: 4.111 – La philosophie n’est pas une science de la nature. (Le mot « philosophie » doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous des sciences de la nature, mais pas à leur côté.) 4.112 – Le but de la philosophie est la clarification logique des pensées. La philosophie n’est pas une théorie mais une activité. Une œuvre philosophique se compose essentiellement d’éclaircissements. Le résultat de la philosophie n’est pas de produire des « propositions philosophiques », mais de rendre claires les propositions. La philosophie doit rendre claires, et nettement délimitées, les propositions qui autrement sont, pour ainsi dire, troubles et confuses. (Wittgenstein 1922/1993: 57) Le langage est composé de propositions dont la structure correspond à celle des faits, dans la mesure où elles participent toutes deux de la même forme logique – la forme la plus abstraite qui rend compte des relations en général. C’est la proposition qui « montre » quel est l’état des choses, et « dit » qu’elles sont ainsi (4.022). Confrontée à la réalité, une proposition peut être vraie ou fausse. Pour qu’une proposition soit sensée, il faut qu’elle montre dans quel 49 淡江人文社會學刊【第三十期】 état les choses subsistent (ou ne subsistent pas) si la proposition est vraie (ou fausse). Wittgenstein s’intéresse ainsi aux conditions d’un langage logiquement parfait qui a des règles de syntaxe excluant le non-sens, et qui a des symboles individuels ayant toujours une signification unique et définie. (Wittgenstein 1922/1993: 14) Mais il est à remarquer que certains énoncés n’ont rien à voir avec la réalité. Par conséquent, ils ne peuvent avoir un sens susceptible d’être discuté et échappent au système de la valeur de vérité. L’éthique, par exemple, dépasse la limite de l’expression de la pensée et reste en dehors du langage: « Il est clair que l’éthique ne se laisse pas énoncer. L’éthique est transcendantale(12). » (6.421) La première démarche, dans la recherche philosophique, est de savoir quelles propositions il faut laisser dans le silence. 6.53 – La méthode correcte en philosophie consisterait proprement en ceci: ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature – quelque chose qui, par conséquent, n’a rien à faire avec la philosophie –, puis quand quelqu’un d’autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu’il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. Cette méthode serait insatisfaisante pour l’autre – qui n’aurait pas le sentiment que nous lui avons enseigné de la philosophie – mais ce serait la seule strictement correcte. [...…] 7 – Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. (Wittgenstein 1922/1993: 112) Comme Bertrand Russell le souligne dans son Introduction du Tractatus, « il est impossible de dire quoi que ce soit concernant le monde comme totalité, et que tout ce qui peut être dit doit se rapporter à des portions bornées du monde ». (Wittgenstein 1922/1993: 23) Opposé à la philosophie classique qui est entièrement soumise à la dignité du langage, Wittgenstein nous laisse entendre que les propositions inexprimables que l’on doit passer sous silence peuvent néanmoins être importantes. La relativité du langage La réflexion sur le langage occupe une place considérable dans la philosophie occidentale comme dans la philosophie orientale. La pensée antique chinoise pourrait apporter un éclairage supplémentaire à la question des limites du langage(13). Dans la période des Royaumes Combattants en Chine (403-256 av. J.-C.), les différents courants de pensée s’épanouissent et se définissent largement en fonction de leur position par rapport au discours. 50 二十世紀文學發展中的沈默美學 Les logiciens (Mingjia 名家) considèrent le perfectionnement du langage comme une fin en soi, tandis que pour les légistes (Fajia 法家) qui placent la loi comme étant l’unique manière de contrôler la vie sociale qui est par essence dominée par des pulsions négatives, le discours est l’instrument d’un pouvoir absolu. C’est le taoïsme qui ouvre une nouvelle ère de la réflexion philosophique sur la fonction du langage et sur son rapport avec la réalité prise dans sa totalité. Les textes principaux du taoïsme, le Laozi et le Zhuangzi partagent une intuition initiale: la réalité (le Dao) est au-delà du régime du langage. Elle est donc inexprimable. Or, l’homme qui vise à s’approcher de cette réalité indicible, doit renoncer à toute action et à tout discours. Nous nous concentrons ci-dessous sur certaines discussions dans le texte de Zhuangzi qui ont pour objet de délimiter la frontière du langage et même de la pensée. Dans le chapitre intitulé « La réduction ontologique » (Qiwulun 齊 物論 ), Zhuangzi nous donne son idée centrale: « Celui qui parle a quelque chose à exprimer. Mais ce quelque chose n’est jamais tout à fait déterminé par la parole. » (Tchouang-tseu 2001: 37) Lorsque nous parlons de la réalité indicible, nous nous efforçons en effet à la déterminer dans sa forme par la forme même de notre langage. Dans un autre passage, Zhuangzi développe l’idée de l’inadéquation du langage face à l’indicible: La distinction entre le fin et le gros se limite au domaine des formes. Ce qui n’a pas de forme ne saurait être divisé par le calcul; ce qui ne peut être circonscrit ne saurait être mesuré par le calcul. Ce qu’on peut exprimer en paroles, c’est le gros des choses; ce qu’on peut atteindre en idées, c’est le fin des choses. Tout ce qu’on ne peut exprimer en paroles et qu’on peut atteindre en idées dépasse à la fois le fin et le gros. (Tchouang-tseu 2001: 136) Nous ne pouvons mesurer que ce qui se présente sous forme mesurable. Par ailleurs, nous ne pouvons que parler de ce qui est aussi pensable ou exprimable. Le langage humain tend à saisir la part grossière des choses et leurs essences génératrices. Pourtant, l’indicible de la réalité ne peut être conçu puisqu’elle dépasse l’existence matérielle et qu’elle n’appartient pas à l’ordre des choses. A cet égard, « nous pouvons par la parole, puis par la pensée, atteindre à la limite des choses, de façon ‘locale’. Mais l’immensité de la réalité nous échappe ». (Jullien 1995: 358)(14) Nous analyserons ci-dessous deux aspects spécifiques de la réflexion de Zhuangzi à propos de langage. 51 淡江人文社會學刊【第三十期】 Dans le texte de Zhuangzi, toutes les fonctions du langage, les raisons analytiques et les logiques discursives sont mises en cause. Zhuangzi défie tout d’abord la forme langagière qui représente le monde en se fondant sur un système de concepts relatifs. Je dis ceci et non cela, je vois les choses comme-ci et non comme ça. Lorsque nous utilisons le langage, nous nous situons inévitablement dans une position qui nous oblige à saisir le monde selon une logique dualiste, et qui risque de nous empêcher d’atteindre la totalité de la réalité. Le vrai et le faux, le bien et le mal, le beau et le laid, le gros et le fin, tous ces couples de concepts sont interdépendants et donc relatifs. Il faut surmonter le langage et le système de concepts qu’il désigne pour voir le monde: Soi-même est aussi l’autre; l’autre est aussi soi-même. L’autre a ses propres conceptions de l’affirmation et de la négation. Soi-même a également ses propres conceptions de l’affirmation et de la négation. Y a-t-il vraiment une distinction entre l’autre et soi-même, ou n’y en a-t-il point ? Que l’autre et soimême cessent de s’opposer, c’est là qu’est le pivot du Dao. Ce pivot se trouve au centre du cercle, et s’applique à l’infinité des cas. Mes cas de l’affirmation sont une infinité; le cas de la négation le sont également. Ainsi, il est dit: le mieux est d’avoir recours à illumination. (Tchouang-tseu 2001: 38) En cherchant à approfondir son idée, Zhuangzi fait une métaphore: le pivot de la réalité profonde se trouve au centre d’une circonférence. Les hommes avec leurs points de vue différents les uns des autres n’occupent chacun qu’un point de circonférence. Afin de représenter la circonférence dans sa totalité, il faut se mettre au centre de cette circonférence, c’est-à-dire renoncer à la relativité des choses, à la distinction réversible des notions et aux préjugés humains qui relèvent tous d’un même genre, celui du langage. Zhuangzi discrédite fondamentalement le langage et, à travers lui, le raisonnement discursif. En dévoilant tous les procédés du discours, il vise à « tourner en dérision la raison discursive et en dénoncer la vanité ». (Cheng 2002: 117) Dans un dialogue avec Huizi, le représentant du courant des « logiciens » de son époque, Zhuangzi attaque explicitement le procédé d’une discussion de type pseudo-logique: Zhuangzi et Huizi se promenaient sur un pont de la rivière Hao. Zhuangzi dit: « Voyez comme les vairons se promènent tout à leur aise ! C’est là la joie des poissons. – Vous n’êtes pas un poisson, dit Huizi. Comment savez-vous ce qui est la 52 二十世紀文學發展中的沈默美學 joie des poissons ? – Vous n’êtes pas moi, repartit Zhuangzi. Comment savez-vous que je ne sais pas ce qui est la joie des poissons ? – Je ne suis pas vous, dit Huizi, et assurément je ne sais pas ce que vous savez ou non. Mais comme assurément vous n’êtes pas un poisson, il est bien évident que vous ne savez pas ce qui est la joie des poissons. – Revenons, dit Zhuangzi, à notre première question. Vous m’avez demandé: comment savez-vous ce qui est la joie des poissons ? Vous avez donc admis que je le savais, puisque vous m’avez demandé comment. Comment le sais-je ? Par voie d’observation directe sur le pont de la rivière Hao. » (Tchouang-tseu 2001: 143) (15) Cette discussion entre Zhuangzi et Huizi, comme on le voit, n’occupe pas de la question du vrai ou du faux d’une proposition. En effet, Zhuangzi tente de montrer qu’avec le langage, on traite non de faits, mais d’énoncés. Une proposition admissible ou recevable au sens où elle est logiquement possible, où elle manifeste toutes les apparences de la rationalité, ne révèle rien sur la réalité et n’accroît en rien la connaissance que nous pouvons avoir de cette réalité. Zhuangzi se méfie de la fausse recherche de vérité à laquelle se livrent les savants, avec leur confiance abusive dans le discours. Ne rien dire Puisque les limitations du langage nous enferment dans une certaine partialité, nous devons chercher à déborder la parole. Zhuangzi rêve d’une forme de langage qui pourrait déjouer sa condition langagière et qui se libèrerait des oppositions factices. En employant intensivement dans le texte les métaphores, les images, les questions doubles et contradictoires, les juxtapositions d’affirmations et de négations, Zhuangzi tente d’inventer au sein du langage un passage vers une autre manière de voir. Le langage doit être délaissé dès qu’il sert d’instrument négatif qui permettrait d’indiquer la réalité, sans la définir: Les hommes qui sont en quête du Dao croient le trouver dans les écrits. Mais les écrits ne valent pas plus que la parole. Certes, la parole a une valeur, mais celle-ci réside dans le sens. Or, le sens se réfère à quelque chose, mais ce quelque chose ne peut se communiquer par les mots. Pourtant, c’est pour ce quelque chose que les hommes accordent de la valeur aux mots et transmettent les livres. Tout cela, le monde a beau lui donner du prix, moi je 53 淡江人文社會學刊【第三十期】 trouve que cela ne le mérite pas car ce à quoi on donne du prix n’est pas ce qu’il y a de plus précieux(16). Pour exprimer cette nécessité d’un dépassement du sens littéral, Zhuangzi nous propose dans un autre passage, l’image de la nasse et du poisson: La nasse sert à prendre le poisson; quand le poisson est pris, oubliez la nasse. Le piège sert à capturer le lièvre; quand le lièvre est pris, oubliez le piège. La parole sert à exprimer l’idée; quand l’idée est saisie, oubliez la parole. Comment pourrais-je rencontrer quelqu’un qui oublie la parole, et dialoguer avec lui? (Tchouang-tseu 2001: 221) Si l’on considère que la nasse est la parole, le poisson le sens, il y aurait d’une part l’instrument du langage et de l’autre, l’idée qu’on veut exprimer. La parole en tant qu’outil qui transmet dans l’immédiat, disparaît dans la quotidienneté de l’usage. Pour Zhuangzi, le langage au-delà de son inadéquation à exprimer la réalité, est à l’origine même de notre égarement. Comme François Jullien le souligne, « tout le Zhuangzi lui-même ne serait qu’une telle ‘nasse’ ou qu’un tel ‘lacet’, et qui reste ‘attaché’ à eux, nous prévient-on, est condamné à s’égarer ». (Jullien 1995: 356) La parole peut être « oubliée » en vue d’accéder à l’indicible. Afin de revenir à notre état de nature, les taoïstes nous suggèrent de dépasser le langage et de s’abstenir de faire appel à l’intelligence humaine qui tend à scinder la totalité concrète et indivise en une dualité partiale. « La condition première pour la recherche du Dao est de se mettre en disponibilité, en congé, de manière à capter la petite musique qui nous vient de l’origine et qui n’a jamais cessé, malgré les bruits parasites de toute nature: activisme, conscience de jouer un rôle bien défini dans l’univers ou, plus généralement, confiance placée dans le discours, obstacle majeur dans la marche du Dao pour la simple raison qu’il n’est pas naturel », nous apprend Anne Cheng. (2002: 116) La réalité profonde cesse d’être perçue lorsque s’imposent les catégories du langage. C’est la raison pour laquelle Zhuangzi nous le dit : « celui qui sait ne parle pas; celui qui parle ne sait pas. […...] [L]e saint pratique un enseignement sans parole. » (Tchouang-tseu 2001: 175) Afin de désigner la manière d’accéder à cette réalité, il introduit un discours qui se compose d’une série de négations: « pour connaître le Dao, on ne doit ni penser ni réfléchir ; pour s’installer dans le Dao, on ne doit adopter aucune position ni s’appliquer à rien ; pour posséder le Dao, on ne doit partir de rien, ni suivre aucun chemin »(17). (Tchouang-tseu 2001: 175) Ces négations visent à 54 二十世紀文學發展中的沈默美學 transcender toute position partiale et nous mettent dans une position de « globalité » dans laquelle demeurerait ouverte la totalité des possibilités. L’appel au silence dans la littérature au XXème siècle La littérature comme la philosophie, s’est toujours accompagnée d’une réflexion sur les limites du langage. Mais c’est au XXème siècle que les réflexions appliquées au discours totalisant ont atteint leur apogée, qu’on s’est tourné vers une rhétorique de l’indicible et qu’on a conféré au silence un pouvoir inexploré. Des écrivains ainsi que des critiques comme Rainer Maria Rilke, Stéphane Mallarmé, Maurice Blanchot, Samuel Beckett et Italo Calvino, ne cessent d’explorer une expérience profonde à travers le silence - le monde au-delà du langage. Ils montrent dans leurs écritures non seulement certaines réflexions philosophiques sur le langage, mais la dialectique qui existe entre langage et silence. Pour Ihab Hassan, la recherche du silence dans la littérature apparaît comme une marque de la modernité, et caractérise également la littérature dite postmoderne(18). George Steiner, quant à lui, considère ce regain d’intérêt envers le silence plutôt comme « un mouvement de l’esprit », qui ne se limite pas aux études littéraires, mais se répand aux recherches esthétiques et philosophiques de notre siècle(19). Le silence implique en fait un principe constitutif de l’activité humaine. Nous tenterons d’aborder comment ce concept est demeuré dans l’ontologie de l’esthétique contemporaine (IV.1). Ensuite, nous nous concentrerons en particulier sur une interprétation de la littérature selon laquelle le silence est considéré comme étant une caractéristique essentielle de l’énoncé littéraire de nos temps (IV.2). L’esthétique du silence L’esthétique du silence contemporaine se caractérise par la négativité, l’auto-réflexivité, la forme d’oxymore et le caractère dialectique. L’art n’appartient à aucun système référentiel, mais va vers l’intérieur du sujet. John Cage en tant que compositeur met en lumière certains concepts considérables sur le silence qui nous permettent de saisir sa valeur dans notre monde empirique et le caractère central de l’esthétique de notre temps. A l’égard de la structure musicale, Cage conçoit tout d’abord le silence comme une absence de son. Pourtant, cette « présence de l’absence » est considérée comme un signe musical négatif qui a la même valeur signifiante que tout autre signe musical. Se fondant sur ce concept, Cage propose dans la musique une inversion de la hiérarchie traditionnelle en 55 淡江人文社會學刊【第三十期】 subordonnant le son au silence: le silence devient la condition préalable de son. La musique s’ouvre ainsi à toutes sortes de sons: « Grâce au silence, les bruits entrent définitivement dans ma musique et non pas une sélection de certains bruits, mais la multiplicité de tous les bruits existants ou qui adviennent. » (Cage 2002: 136)(20) De plus, Cage redéfinit une relation complémentaire entre le silence et la parole. Dans son écriture musicale le « Discours sur rien » (Lecture on Nothing) en 1949, il souligne l’interdépendance de ces deux éléments: « Ce dont nous avons besoin, c’est du silence; mais ce dont a besoin le silence, c’est que je continue à parler. […...] Mais maintenant il y a des silences et les mots aident à les faire exister. […...] Nous n’avons pas à craindre ces silences, - nous pouvons les aimer(21). » (Cage 1961/2004: 109-110) De ce point de vue, le silence n’est plus une simple absence de la parole. Si nous considérons que le silence est une condition préalable au son, le son, en retour, est la condition nécessaire pour faire apparaître le silence. En effet, le silence se compose grâce à la parole, il lui est intérieur. Cage manifeste ce paradoxe dans sa pièce silencieuse intitulée « 4’33” » en 1952. Le compositeur veut montrer que dans un espace complètement insonorisé, l’homme perçoit encore la circulation du sang comme un son grave et le système nerveux comme un son aigu. Le silence se révèle lorsqu’on entend des sons: les gens qui toussent, qui éternuent et qui se lèvent(22). Il est évident que le silence absolu n’existe pas. D’ailleurs, le silence ne peut être décrit que par la parole. « Le son, dit Cage, ne fait plus obstacle au silence, le silence n’est plus un écran à l’égard du son »; ils se fabriquent et s’éclairent l’un l’autre. (Cage 2002: 36) Selon la notion du silence de Cage, nous pouvons proposer deux principes qui concernent l’œuvre musicale mais aussi toute œuvre artistique en général. Premièrement, puisque toutes les différenciations entre la consonance et la dissonance, le bruit et le son, s’annulent à l’intérieur de l’œuvre, la définition même de la musique a évolué. Il y a donc un refus de la référence dans cette nouvelle conception musicale. L’art va vers l’intérieur. La présence de sons ou de paroles ne se réfère pas obligatoirement à du signifiant: Cette causerie traite de quelque chose et naturellement aussi de rien. De la manière dont quelque chose et rien ne sont pas contraires, mais ont besoin l’un de l’autre pour continuer. Il est difficile de parler quand on a quelque chose à dire précisément à cause des mots qui nous forcent constamment à suivre la voie que les mots ont besoin de suivre et non pas la voie dont nous avons besoin pour vivre. […...] Mais puisque tout change, l’art va maintenant vers 56 二十世紀文學發展中的沈默美學 l’intérieur et il est d’une importance capitale non pas de faire une chose mais plutôt de ne faire rien. Comment s’y prend-on? En faisant quelque chose qui ensuite entre et ne nous rappelle rien. Il est important que ce quelque chose ne soit que quelque chose, quelque chose de fini; puis très simplement ce quelque chose entre et devient un rien infini. (Cage 1961/2004: 86) En poursuivant la recherche du silence qui rejette toute subjectivité, toute préconception et tout préjugé, Cage vise à une musique qui laisse les sons tels qu’ils sont, un art qui ne se réfère à rien à l’extérieur de lui-même. Se taire n’est pas se retirer du monde. Faire le silence à l’intérieur du soi, c’est se libérer de son pouvoir dynamique dans le but de se transformer soi-même. L’écoute du silence renvoie à l’essence de l’être, à l’origine de la nature(23). Le compositeur approche ici de la philosophie orientale, principalement celle de Yijing et du bouddhisme Zen(24). La revalorisation du silence dans la pensée contemporaine institue un autre rapport entre l’art et le monde, l’être et le cosmos. Le projet de Cage nous propose une alternative de la connaissance humaine dans laquelle le silence joue un rôle prépondérant. Deuxièmement, comme le silence est défini sous la forme d’oxymore (il n’y a pas de silence qui ne soit chargé de son), le compositeur introduit dans sa musique des mots et des bruits qui sont là – en pratique – pour faire ressortir la totalité du silence. Cette démarche rejoint en fait d’autres tendances artistiques et littéraires des années soixante. Les peintures abstraites de Robert Rauschenberg n’appartiennent à aucun système référentiel. Dans sa série des « Peintures noires » (Black Paintings, 1951-1953) dont le collage de journaux constitue la base, Rauschenberg utilise un pur monochrome afin de montrer sous la couche noire des événements quotidiens, un espace total de la vie actuelle. Par ailleurs, le Théâtre Laboratoire de Jerzy Grotowski prend la via negativa en favorisant une « pauvreté » du théâtre qui possède la profonde « richesse » de la nature. La technique théâtrale de Grotowski est fondée sur l’élimination des éléments superflus, des éléments plastiques et des éléments de la conduite « quotidienne » qui obscurcissent l’impulsion pure(25). Dans la recherche du silence au plan esthétique, le caractère minimaliste, mais aussi dialectique, apparaît largement dans les arts contemporains. Comme Susan Sontag l’écrit dans son article excellent portant sur « Les esthétiques du silence » (The Aesthetic of Silence): [T]he artwork exists in a world furnished with many other things, the artist who creates silence or emptiness must produce something dialectical: a full 57 淡江人文社會學刊【第三十期】 void, an enriching emptiness, a resonating or eloquent silence. Silence remains, inescapably, a form of speech (in many instances, of complaint or indictment) and an element in a dialogue. (Sontag 2002: 11) [L]’œuvre d’art existe dans un monde empli de bien d’autres choses. L’artiste qui crée le silence ou le vide doit produire quelque chose de dialectique: un vide plein, un vide enrichissant, un silence résonnant ou éloquent. Le silence reste inévitablement une forme de discours (dans bien des cas, une forme de plainte ou d’accusation) et un élément dans un dialogue. (Notre traduction) La négativité impliquée par le concept du silence pourrait évoquer un pouvoir qui renouvelle la musique, l’art et la littérature de nos jours. Ihab Hassan, dans son étude intitulée Le démembrement d’Orphée (The Dismemberment of Orpheus), reprend le silence comme une métaphore pour désigner le caractère de la littérature ou même de la culture de l’époque postmoderne. (Hassan 1971: 13-14) Sous le nom de silence, la post-modernité est fondée sur une prise de conscience du renversement du sens et des valeurs traditionnels. Celle-ci favorise une déconstruction du soi au plan esthétique. Hassan met l’accent sur cette nature négative désignée « silence » dans les tendances artistiques et littéraires: le contre-art, la contre-forme, le contre-langage ainsi que la contre-littérature. Les arts s’adressent à eux-mêmes et deviennent donc auto-réflexifs. Une écriture du silence Au tournant du XXème siècle, l’esthétique du silence se trouve sa place centrale dans la création littéraire ainsi que la critique littéraire. Rainer Maria Rilke, le poète allemand, a montré la valeur unique du silence dans ses oeuvres. Bien avant lui, Friedrich Hölderlin avait déjà travaillé intensivement sur ce thème. Pour Hölderlin, le silence désigne une sphère qui embrasse le Tout – la tranquillité intérieure, le calme divin, la plénitude ainsi que la profondeur. Comme il l’écrit dans Hypérion: « C’est dans le silence qui règne sur le pays des Bienheureux, et, au-dessus des étoiles, le cœur oublie à la fois son indigence et son langage. Je l’ai gardé avec révérence, je l’ai porté en moi comme un palladium ». (Hölderlin 17971799/1982: 175) Le silence est pour Hölderlin une voie de communication avec le sacré, une manière de s’approcher de l’inapprochable. (Blanchot 1949: 115-132) Quant à Rilke, le silence profond, celui de la mort, est ce qui nous permettrait de renouer avec les valeurs essentielles de la vie. En entendant monter la voix silencieuse de la nuit, le poète demande: 58 二十世紀文學發展中的沈默美學 « O Seigneur, donne à chacun sa propre mort, la mort issue de cette vie où il trouva l’amour, un sens et la détresse. » (Rilke 1902/1972: 115) Les tristesses qui s’accumulent au-dedans de nous, qui sont « de la vie, de la vie non vécue, dédaignée, de la vie perdue, dont on peut mourir », sont justement les moments de tension où « quelque chose de nouveau pénètre en nous, quelque chose d’inconnu ; nos sentiments restent muets, saisis de timidité et de trouble, tout en nous recule, un calme se fait et la nouveauté, que personne ne connaît, est au centre de tout, silencieuse ». (Rilke 1920-1926/1993: 947) Ce qu’on attend dans le silence, c’est une expérience de métamorphose à l’intérieur du soi, où naisse enfin le nouveau sens d’une vie, le premier mot d’un vers. Par ailleurs, une tradition critique qui va de Stéphane Mallarmé à Maurice Blanchot a constitué une représentation de la littérature sur fond de silence. Le silence pour Mallarmé est ce qui permet le retour vers une pureté de l’esprit, une réunification du soi et de l’univers: « Je réclame la restitution au silence impartial, pour que l’esprit essaie à se rapatrier de tout. » (Mallarmé 1945: 649) Selon le principe du silence, les poèmes doivent se dématérialiser et reprendre leur état de transparence. D’une part, en tant que « reclus du cabinet des Signes », Mallarmé nous montre dans le langage lui-même l’absence de réalité, la présence du vide et même celle du néant. (Claudel 1965: 511) D’autre part, à travers les images, les analogies, les « correspondances », le poète fait appel aux sens mystérieux, cachés des mots, non pour nommer les objets mais pour les « suggérer »(26). La libération du langage de sa syntaxe traditionnelle vise à retrouver sa vigueur spirituelle que l’usage ordinaire lui avait fait perdre. La langue poétique doit être essentielle, opposée à la langue quotidienne qui est brute ou immédiate. La poétique est donc un procédé qui vise à rendre à la page sa blancheur virginale et le poème idéal pour Mallarmé n’est pas autre chose qu’« un fantôme blanc comme une page pas encore écrite ». Ainsi, « indéfectiblement le blanc revient, tout à l’heure gratuit, certain maintenant, pour conclure au rien de l’au-delà et authentiquer le silence ». Cette authenticité du silence est au centre même de la poésie mallarméenne. (Mallarmé 1945: 368, 310, 387) En reconnaissant le pouvoir de négation dans la littérature, Blanchot confronte sans cesse celle-ci à l’expérience du silence et de l’indicible. Pour Blanchot, le langage quotidien est condamné à une incapacité à rendre compte de soi et de monde dans sa totalité. En reprenant le double état de la parole tel qu’il est défini par Mallarmé, Blanchot explique que d’un côté, la parole courante en tant qu’instrument utile et usuel, transmet dans l’immédiat et, « comme 59 淡江人文社會學刊【第三十期】 tout bon outil, disparaît dans la régularité de l’usage »; et que de l’autre côté, la parole de la littérature est celle qui ne sert pas à désigner ni à signifier, mais celle qui « cherche à s’accomplir dans une expérience propre ». (Blanchot 1986: 276)(27) Le langage poétique ayant sa fin en lui-même se fonde sur une absence de l’objet. Il n’est donc qu’« un vide et un profond silence ». Dans La part du feu, Blanchot précise ce pouvoir du silence, pouvoir de vide et d’absence dans la littérature: De ce langage courant – d’ailleurs chef-œuvre extraordinaire par sa double perfection de nullité et d’efficacité – de ce langage qui est entièrement possible et qui n’est plus réel, la littérature sous toutes ses formes essaie de remonter au langage d’origine, qui est toute impossibilité et toute réalité. [……] [L]e langage de l’art ne peut se réaliser, ne peut avoir de part à la prétention de réalité totale que s’il a part à l’impossibilité. C’est pourquoi, il n’y a pas de langage vrai sans une dénonciation du langage par lui-même, sans un tourment de non-langage, une obsession d’absence de langage de laquelle tout homme qui parle sait qu’il tient le sens de ce qu’il dit. Le langage comme totalité, c’est le langage remplaçant tout, posant l’absence de tout et en même temps l’absence de langage. (Blanchot 1949: 255) Blanchot entend ici fonder la littérature sur un langage qui s’affirme comme une impossibilité englobant toute possibilité, langage qui peut « parler sans mots, se faire entendre sans rien dire ». (Blanchot 1949: 81-82) Une fois encore il part de l’origine du langage et remonte jusqu’au silence, à ce qui se soustrait à toute pensée et à toute parole. Dans son travail plus tardif, Le livre à venir, Blanchot envisage une « ère sans parole » en précisant qu’« un écrivain est celui qui impose silence à cette parole, et une œuvre littéraire est, pour celui qui sait y pénétrer, un riche séjour de silence, une défense ferme et une haute muraille contre cette immensité parlante qui s’adresse à nous en nous détournant de nous »(28). Face à l’immensité bruyante qui nous entoure, certains écrivains du XXème siècle font explicitement de la recherche du silence leur projet littéraire. Comme les artistes contemporains dont nous avons parlé ci-dessus, ces écrivains se mettent inévitablement dans une situation paradoxale parce qu’ils tentent d’atteindre au silence à travers le langage. Samuel Beckett est probablement celui qui s’est situé le plus près du silence. Son idéal littéraire est formulé comme étant une littérature qui tendrait vers la nudité de la parole, 60 二十世紀文學發展中的沈默美學 vers le rien. Il nous propose une alternative pour l’art qui serait « l’expression du fait qu’il n’y a rien à exprimer, rien avec quoi exprimer, rien à partir de quoi exprimer, aucun pouvoir d’exprimer, aucun désir d’exprimer et, tout à la fois, l’obligation d’exprimer ». (Beckett 1998: 14) L’œuvre de Beckett a pour but d’être une voix qui ne rompt pas le silence. Une voix ne dit rien, ne propose rien; elle est. Dans la pièce de théâtre intitulée Innommable, le narrateur sous forme de monologue raconte la condition dans laquelle l’être humain est condamné à la prison du langage: « les mots sont partout, dans moi, hors moi, […...] je suis en mots, je suis fait de mots, des mots des autres ». (Beckett 1953: 166) Mais la recherche du moyen de faire taire la voix est justement ce qui permet au discours de se poursuivre. Comme il l’écrit à la fin de la pièce: « il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, […...] devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer ». (1953: 213) Pour Beckett, ce langage neutre permet à l’homme de libérer son langage et sa pensée, ou même d’aller plus loin, jusqu’à atteindre l’inexprimable, à plonger dans le mutisme, comme les personnages dans En attendant Godot, qui cherchent toujours refuge dans les profondeurs du silence(29). Italo Calvino, quant à lui, réfléchit au sujet de la dialectique qui existe entre langage et silence à travers sa propre créativité poétique – son acte d’écrire. Le monde, pour Calvino, est irréductible et l’écriture portant sur le monde s’oriente donc inévitablement vers deux directions: « d’un côté, la réduction des événements contingents à des schémas abstraits, permettant le calcul et la démonstration de théorèmes; de l’autre, l’emploi de mots qui rendent compte avec la plus grande précision possible de l’aspect sensible des choses. » (Calvino 1988/2003: 66) S’approchant de certaines réflexions philosophiques sur langage dont nous avons parlés ci-dessus, Calvino met en regard l’incompatibilité entre la réalité indicible et la forme mesurable du langage: Mon écriture, en réalité, a toujours vu s’ouvrir devant elle deux routes divergentes, correspondant à deux modes différents de connaissance: la première traverse l’espace mental d’une rationalité désincarnée, où l’on peut tracer des lignes reliant des points, des projections, des formes abstraites, des vecteurs de forces; suivre l’autre, à travers un espace rempli d’objets, c’est 61 淡江人文社會學刊【第三十期】 chercher à créer un équivalent verbal de cet espace en remplissant de mots la page, tout en s’efforçant d’adapter minutieusement l’écrit au non-écrit, à la totalité du dicible et de l’indicible. Aucune de ces deux pulsions vers l’exactitude ne sera jamais absolument satisfaite: dans le premier cas, parce que les langues naturelles disent toujours quelque chose de plus que les langages formalisés, et qu’en elles une certaine quantité de bruit trouble toujours l’essentiel de l’information; dans le second cas, parce qu’en rendant compte de la densité et de la continuité du monde environnant, le langage se révèle lacunaire, fragmentaire, il en dit toujours moins que la totalité du monde sensible. (Calvino 1988/2003: 67) Dans son dernier roman Palomar, Calvino exprime la même idée littéralement: En des temps où tout le monde en dit trop, l’important n’est pas tant de dire des choses justes, ce qui de toute façon se perdrait dans l’inondation des paroles, que de les dire en partant de prémisses, et en en déduisant des conséquences qui donnent à la chose dite une valeur maximale. Mais alors, si la valeur d’une affirmation particulière réside dans la continuité et la cohérence du discours où elle trouve place, le choix possible est seulement entre parler continuellement et ne jamais parler. (Calvino 1983/2003: 134) Un art du silence, affirme Calvino, est encore plus difficile qu’un art du parler. « [M]ême le silence peut être considéré comme un discours, en tant que refus de l’usage que d’autres font de la parole ; mais le sens de ce silence discours réside dans ses interruptions, c’est-à-dire en ce que, de temps en temps, on dit et qui donne un sens à ce que l’on tait. » (Calvino 1983/2003: 134) Dans le chemin vers le silence, l’écriture a un rôle essentiel à jouer. C’est précisément l’acte d’écrire – transmission des sensations et des mots – qui conduit à une expérience du silence et qui s’apparente à « une quête ontologique ». (Mura-Brunel 2002: 365) « L’écriture, affirme Beckett, m’a conduit au silence. (Long silence.) Cependant, je dois continuer…… Je suis face à une falaise et il me faut avancer. C’est impossible, n’est-ce pas. Pourtant, on peut avancer. Gagner quelques misérables millimètres …... ». (Juliet 1986: 17-18) L’écriture apparaît sous la forme d’un combat dans lequel l’écrivain avance dans l’investigation de soi et d’indicible. Tel Italo Calvino, pour qui l’écriture est l’activité centrale qui permet au monde ineffable de s’exprimer à travers nous: 62 二十世紀文學發展中的沈默美學 Dans une certaine mesure, je crois que nous écrivons toujours au sujet de quelque chose que nous ne connaissons pas: nous écrivons pour permettre au monde non-écrit de s’exprimer à travers nous. Dès l’instant où mon attention se détourne de l’ordre régulier des lignes écrites pour suivre la mouvante complexité de ce qu’aucune phrase ne pourra contenir ou épuiser, j’ai l’impression d’être sur le point de comprendre que de l’autre côté des mots, quelque chose essaie de sortir du silence, de signifier à travers le langage, comme des coups frappés contre les murs d’une prison. (Calvino 1983/1997: 119) Il est très important pour l’écrivain de reconnaître cette « mouvante complexité » qu’il n’y a aucune écriture qui puisse l’épuiser, de voir cette logique intrinsèque qui échappe à toute catégorie du langage. Car le monde se présente à nos yeux comme déjà « colonisé » par le langage. Nous avons l’impression d’avoir vécu dans un monde où les événements sont déjà classifiés et jugés avant qu’ils ne se produisent, où tout est déjà lu même avant de commencer à exister. En nous rapprochant du « cœur du silence, le silence véritable, saturé de sens », nous espérons retrouver le « monde non-écrit », monde singulier qui est irréductible aux mots. La tentation de saisir et d’écrire ce monde infini, de le laisser s’exprimer au travers de nous, favorise une mutation intérieure. Ceci est, pour Calvino, « un objectif que devrait s’assigner toute entreprise humaine ». (Calvino 1983/1997: 114, 118) Conclusion Le silence en tant que tel suggère une expérience d’indicible, un pouvoir de la négativité. Ce concept, comme l’ont souligné Ihab Hassan et George Steiner, est au cœur de l’ontologie de l’esthétique contemporaine. Il a fortement régi les tendances artistiques et littéraires telles qu’elles se sont révélées au XXème siècle. Nous proposons, en conclusion, de considérer que le concept de silence peut être vu comme une métaphore de la littérature ou même de l’art futur. La critique de Mallarmé et de Blanchot, l’œuvre de Beckett et de Calvino, la musique de John Cage, le théâtre de Jerzy Grotowski, la peinture de Rauschenberg ou de Pollock, reprennent tout le pouvoir du vide et de l’absence pour effectuer une transformation interne, pour créer, pour renouveler leur art. Les principes constitutifs impliqués par le silence tel qu’ils ont d’ores et déjà été évoqués, nous laissent entrevoir des chemins nouveaux qu’emprunteront les arts de demain. 63 淡江人文社會學刊【第三十期】 Comme les sculpteurs qui ont intégré le vide dans leurs sculptures, comme les danseurs qui cherchent l’immobilité dans le mouvement, comme les peintres chinois qui peignent le vent, les écrivains, eux, cherchent entre les idées le temps mort, entre les corps le creux, entre les mots le silence. 64 二十世紀文學發展中的沈默美學 Notas : (1) Le langage n’est jamais sorti du champ réflexif de la philosophie. Cette dernière s’est occupée du langage depuis Platon: de son origine, de ses fonctions, du fondement de sa capacité à exprimer des significations, du rapport entre langage et pensée, langage et monde externe, langage et société etc. Pourtant, lorsqu’on parle aujourd’hui de « philosophie du langage », on se réfère habituellement à des études parues après la publication de Sens et dénotation de Frege en 1892. Ceci suggère en effet un détachement du courant qu’on appelle la « philosophie du langage » de la tradition philosophique. Selon Diego Marconi, il existe trois raisons pour ce détachement relativement profond et radical. Dans un premier temps, la « philosophie du langage » a instauré depuis ses origines un rapport plutôt étroit avec la logique formelle, discipline scientifique qui n’existait pas avant Frege. Dans un second temps, la recherche récente interagit souvent avec la linguistique, et particulièrement avec la linguistique générative, qui n’a été fondée par Chomsky qu’à la fin des années cinquante. Enfin, Marconi affirme qu’il y a un « retour significatif des thèses mentalistes également en ‘philosophie du langage’, mais il ne fait pas de doute qu’à partir de Frege et pendant plusieurs décennies, la discipline s’est définie précisément en opposition au mentalisme ». (Voir Marconi 1997: 10-11) (2) Au Père Bernard Lamy qui lui remettait son Art de Parler, le Cardinal Le Camus aurait posé, en guise de remerciement, la question suivante: « Voilà sans doute un excellent art, mais qui nous donnera l’art de se taire ? » Dès là naquit l’idée qui conduisit l’Abbé Dinouart à publier en 1771 son Art de se taire, principalement en matière de religion. (Dinouart 1771/1996: 5) (3) Dès les deux premiers versets du Livre de la Voie et de sa Vertu (Daodejing, 道德經), Laozi évoque la question de l’indicible du Dao: « Le Dao qui peut se dire n’est pas le Dao constant. Le nom qui peut le nommer n’est pas le nom constant. » Selon Anne Cheng, la phrase « le Dao qui peut se dire » peut aussi se comprendre comme « le Dao dont on peut parler », ou « le Dao qui peut être désigné comme Dao ». Il est à remarquer que Laozi est toujours à la recherche d’une forme de paradoxe afin de pointer cette réalité indicible qui se trouve dans l’espace au-delà du langage. (Voir Cheng 2002: 203, 211) 65 淡江人文社會學刊【第三十期】 (4) Chomsky a réexaminé les défauts logiques dans l’étude de Karl Popper portant sur des stades d’évolution du langage et l’étude de W. H. Thorpe portant sur la « Vocalisation animale et communication » (Animal Vocalisation and Communication). (Voir Chomsky 1968/1969b: 101-105) (5) En ce qui concerne l’acception propre du mot « barbare », Mattéi ajoute: « si les philologues hésitent sur l’étymologie exacte du terme barbaros, sans doute une onomatopée issue de bambaino, ‘claquer des dents’, ‘trembler de frayeur’ (cf. le latin balbutio), il n’est pas douteux que le mot sonne mal en grec, avec le redoublement de la première syllabe (bar-bar) et la rugosité des deux consonnes b et r qui embourbent à deux reprises la liquidité de la voyelle ». (Mattéi 1999: 36) (6) « Nastès marche à la tête de ses Cariens au parler barbare. Ce sont ceux de Milet, et du mont Phthires au feuillage infini, – ceux du fleuve Méandre et du Mycale aux hautes cimes. » (Chant II, 867-868) (Homère 2000: 77) (7) Etymologiquement, le terme de « langage », dit lentguage au Xème siècle, désignait spécifiquement « la faculté propre à l’homme de s’exprimer et de communiquer au moyen d’un système de signes produits par la parole ou par une écriture ». Ce mot est en effet un des dérivés les plus anciens de « langue ». Le mot « langue », lui-même dérivé du latin lingua, a dès les premiers textes deux acceptions principales, une anatomique: l’organe situé dans la bouche, une linguistique: le système de communication commun à un groupe. C’est au début du XXème siècle, surtout après la publication du Cours général de la linguistique de Saussure en 1916, que la « langue » est devenue l’objet d’étude de la « linguistique » en s’opposant à la « parole ». En tant que telle la « langue » est pour Saussure un système d’expression potentiel avant même de devenir « parole ». (8) Reboul souligne que l’histoire de la rhétorique « s’achève avec son commencement ». Les Grecs ont élaboré la rhétorique entre Vème et VIème siècle avant notre ère, mais elle n’a plus changé depuis deux millénaires et demi. Les diverses époques n’ont enrichit que différentes parties du système, sans changer le système. (Voir Reboul 1998: 13-14) (9) « La définition qui conviendra parfaitement à la substance de la rhétorique, c’est ‘la science de bien dire’ (bene dicendi scientia). Car elle embrasse à la fois toutes les qualités du discours, et, par suite aussi les mœurs de l’orateur, puisqu’on ne peut bien 66 二十世紀文學發展中的沈默美學 parler sans être homme de bien. C’est à quoi revient la célèbre définition de Chrysippe, tirée de celle de Cléanthe: ‘la science de parler comme il faut’. » (Quintilien 1976: 84) (10) Reboul le constate, « au début des années soixante, les universitaires ont pourtant retrouvé la rhétorique […...] ; mais sans pour autant se mettre d’accord sur son sens. Sont mentionnées ici les deux positions. L’une, celle de Ch. Perelman et L. OlbrechtsTyteca, voit dans la rhétorique l’art d’argumenter, et cherche ses exemples surtout chez les orateurs religieux, judiciaires, politiques, voire chez les philosophes. L’autre, celle de Morier, G. Genette, J. Cohen et du ‘Groupe MU’, fait de la rhétorique l’étude du style, et plus particulièrement des figures. Pour les premiers, la rhétorique vise à convaincre; pour les seconds, elle constitue ce qui rend un texte littéraire; et l’on voit mal ce que les deux positions ont de commun. » Pourtant, Reboul souligne que « c’est cet élément commun qui pourrait bien être le plus important, à savoir l’articulation des arguments et du style dans une même fonction ». En définissant la rhétorique comme étant « l’art de persuader par le discours », Reboul tente de concilier ces deux sens de la rhétorique: la rhétorique de l’argumentation ainsi que la rhétorique des figures. (Voir Reboul 1998: 3-7) (11) « Considérons de plus près quelques-unes de ces circonstances et sollicitations qui, aussitôt que l’homme vint au monde, muni de la plus proche disposition à se former un langage, aussitôt le déterminèrent au langage ; et comme ces sollicitations sont nombreuses, je les réduis à certaines lois principales de sa nature et de son espèce: Première loi de nature, L’homme est un être actif, pensant librement, dont les forces agissent en progression: c’est pour cela qu’il est une créature de langage ! » (Herder 1771/1992: 111) (12) « La première pensée qui vient en posant une loi éthique de la forme: ‘Tu dois …...’ est la suivante: et qu’en sera-t-il donc si je ne fais pas ainsi? Il est pourtant clair que l’éthique n’a rien à voir avec le châtiment et la récompense au sens usuel. Cette question touchant les conséquences d’un acte doit donc être sans importance. Du moins faut-il que ces conséquences ne soient pas des événements. Car la question posée doit malgré tout être par quelque côté correcte. Il doit y avoir, en vérité, une espèce de châtiment et une espèce de récompense éthiques, mais ils doivent se trouver dans l’acte lui-même. (Et il est clair aussi que la récompense doit être quelque chose d’agréable, le châtiment quelque chose de désagréable.) » (6.422) (Wittgenstein 1922/1993: 110) 67 淡江人文社會學刊【第三十期】 (13) Rappelons que, dans la tradition chinoise, le langage, surtout sous sa forme d’écriture, joue un rôle significatif dans les domaines religieux et politiques. D’une part, l’écriture a commencé par être un instrument de ceux qui veulent conserver le privilège du savoir et un instrument d’administration. Le texte ancien du Livre de mutation affirme qu’« afin de gouverner, les saints hommes des temps très anciens nouèrent des cordelettes [pour se remettre en mémoire des événements], et les sages des époques suivantes leur substituèrent l’écriture ». D’autre part, l’écriture a également été considérée comme un moyen de communication avec les dieux dans les activités divinatoires. Les plus anciens documents écrits chinois apparaissent dans la seconde moitié du IIème siècle. Ce sont des textes divinatoires gravés sur des os ou des écailles de torture. (Voir « Xici Zhuan », Zhouyi yizhu [Livre de mutation] 1991: 257-258; Etiemble 1973: 15-20; Higounet 1993: 29) (14) Comme les réflexions de Zhuangzi insistent sur les limites du langage et de la pensée, certains chercheurs les rapprochent de celles de Wittgenstein. Par exemple, Jean François Billeter compare le concept du langage proposé par Zhuangzi à celui de Wittgenstein. Billeter le précise dans son ouvrage Etudes sur Tchouang-tseu, « [l’homme comme un être qui signifie, qui] produit des significations de tous ordres et qui, possédant la faculté de les produire, possède aussi celle de les révoquer. A cause de cette façon de prendre le langage à la racine, je le situe à proximité de Wittgenstein […...]. [J]e n’aurais jamais accédé au cœur de la philosophie du langage de Tchouangtseu si Wittgenstein ne m’avait pas appris à observer le phénomène de l’apparition du sens. C’est dans l’attention à ce phénomène élémentaire (et à quelques autres) que se rencontrent ces deux auteurs qui semblent si éloignés l’un de l’autre à tous égards. » (Billeter 2004: 117) Bien que cette sorte de rapprochement risque de trahir les conceptions de ces deux penseurs, elle souligne leur commun intérêt fondamental pour le rôle du langage dans la connaissance humaine. (15) Nous replaçons ici la transcription chinoise de l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO) par celle de pinyin, qui est actuellement la plus usitée. (16) Zhuangzi, XIII: « La voie du ciel », in Zhuangzi jishi (1895), éd. Guo Qinfan, Beijing: Zhonghua, série « Zuzi jichun »; cité et traduit par Anne Cheng dans son ouvrage, Histoire de la pensée chinoise. (Cheng 2002: 125) (17) Nous replaçons ici la transcription d’EFEO par celle de pinyin. 68 二十世紀文學發展中的沈默美學 (18) « The negative, then, informs silence; and silence is my metaphor of a language that expresses, with harsh and subtle cadences, the stress in art, culture, and consciousness. The crisis is modern and postmodern, current and continuous, though discontinuity and apocalypse are also images of it. » (Hassan 1971: 22) Hassan constate que la recherche du silence caractérise à la fois la littérature moderne et la littérature dite « postmoderne ». Par ailleurs, Vincent Jouve considère que dans le projet littéraire « le désir de ne plus signifier, de se libérer du tumulte » apparaît comme « une obsession de la modernité ». (Voir Jouve 2002: 283; Baron 2002: 291) (19) Pour Steiner, « ce regain d’intérêt envers le silence qui s’accuse dans l’épistémologie de Wittgenstein, la théorie esthétique de Webern ou de Cage et la poétique de Beckett est l’une des manifestations les plus originales de l’esprit contemporain ». (Steiner 1967/1969: 72; 1985: 16) (20) Dans le « Discours sur quelque chose » (Lecture on Something), Cage exprime la même idée: « [S]i l’on conserve l’entière possession de rien (ce qu’on a appelé pauvreté d’esprit), alors il n’y a pas de limite à ce dont on peut jouir librement. Dans cette libre jouissance il n’y a pas de possession des choses. Il y a seulement jouissance. Ce qu’on possède n’est rien. C’est ce qu’on entend quand on dit: Non-continuité. Ni sons. Ni harmonie. Ni mélodie. Ni contrepoint. Ni rythme. C’est-à-dire qu’il n’y a pas une des quelques choses qui ne soit pas acceptable. » (Cage 1961/2004: 88) (21) Le « Discours sur rien » (Lecture on Nothing), écrit avec la structure rythmique, a été exposé pour la première fois à l’Artists’ Club à New York en 1949. Il est publié pour la première fois dans la périodique Incontri Musicali en 1959. (22) Dans un entretien avec Daniel Charles, Cage précise son intérêt pour les moments où les auditeurs toussent dans sa pièce « 4’33” ». (Voir Cage 2002: 34-35) (23) « Avec Cage, le compositeur ne peut plus s’en remettre à la clarté du jeu de l’interprète, pour maquiller l’obscurité de ce que, en deçà de toute définition de la musique comme langage, son discours signifie et ne signifie pas. L’indépendance du résultat sonore par rapport à toute volonté de composition traduit simplement ‘imitation de la nature dans les modes de l’opération’; ‘l’ouverture est ici l’accès à ‘une poésie de possibilités infinies’. En d’autres termes, Cage en tant que compositeur vise à déterminer non plus la nature de la musique comme essence, mais l’essence de la musique comme nature. » (Charles 2002: 23) 69 淡江人文社會學刊【第三十期】 (24) C’est avec le maître Daisetzu Suzuki que Cage s’initie au bouddhisme Zen à la fin des années quarante. D’ailleurs, c’est Christian Wolff qui lui présente le livre Yijing (I Ching). Cage a parlé lui-même de l’influence de la pensée orientale sur sa propre conception de la musique. (Voir Cage 1961/2004: 87, 98; 2002: 40-41) (25) Grotowski considère le théâtre dans les années soixante-dix comme un « théâtre riche » – riche en faiblesses. Il prend ainsi une voie négative vers un « théâtre pauvre »: « En éliminant graduellement ce qui s’est démontré être superflu, nous avons trouvé que le théâtre pouvait exister sans maquillage, sans costume autonome ni scénographie, sans un lieu séparé de spectacle (scène), sans effets de lumières ou de sons, etc. Il ne peut pas exister sans la relation acteur/spectateur, sans la communion de perception directe, ‘vivante’. C’est une ancienne vérité théorique, bien sûr, mais quand elle est rigoureusement appliquée, elle mine la plupart de nos idées usuelles sur le théâtre. Elle récuse la notion de théâtre en tant que synthèse de disciplines créatrices disparates – littérature, sculpture, peinture, architecture, jeux de lumière, interprétation (sous la direction d’un metteur en scène). Le théâtre contemporain est un ‘théâtre synthèse’ que nous pouvons appeler un Théâtre Riche – riche en faiblesses. » (Voir Grotowski 1971: 14-20) (26) Mallarmé le constate dans son article intitulé « Réponses à des enquêtes », « Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu; le suggérer, voilà le rêve. C’est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole: évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d’âme par une série de déchiffrements. » (Mallarmé 1945: 869) (27) D’ailleurs, dans son Espace littéraire, Blanchot précise la distinction mallarméenne entre parole quotidienne et parole poétique. Le mot de la langue quotidienne « est d’usage, usuel, utile ; par lui, nous sommes au monde, nous sommes renvoyés à la vie du monde, là où parlent les buts et s’impose le souci d’en finir. […...] La parole essentielle est, en cela, opposée. Elle est, par elle-même, imposante, elle s’impose, mais elle n’impose rien ». (Voir Blanchot 2000: 39-40) (28) Dans Le livre à venir, Blanchot précise qu’« un écrivain est celui qui impose silence à cette parole, et une œuvre littéraire est, pour celui qui sait y pénétrer, un riche séjour de silence, une défense ferme et une haute muraille contre cette immensité parlante qui s’adresse à nous en nous détournant de nous. » (Blanchot 1986: 296, 298) 70 二十世紀文學發展中的沈默美學 (29) Beckett l’écrit dans En attendant Godot, « Estragon : Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Vladimir : En attendant. Estragon : En attendant. Silence. » (Beckett 1952: 99) (Voir aussi Beckett 1952: 49, 54, 78, 80-82, 89, 91, 119-121) Bibliographie 周振甫譯註(1991)。〈繫辭傳〉,《周易譯註》。北京:中華書局,頁257-258。 Aquien, Michèle et Molinié, Georges (1996). Dictionnaire de rhétorique et de poétique. Paris: Librairie générale française, coll. « La Pochothèque. Encyclopédies d’aujourd’hui ». Aristote (1998). Rhétorique. 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