Les musulmans, les minarets et la Suisse

publicité
JOURNEE D’ETUDE SUR L’ISLAM ET LES
MUSULMANS EN SUISSE
TABLE RONDE
Les musulmans, les minarets et la Suisse ?
Dossier d’information à l’attention des participants
Discutants :
Dr Stéphane Lathion
Dr Jean-François Mayer
Dr Patrick Haenni
LESMINARETS
DELADISCORDE
mCLAIRAGESSURUNDmBATSUISSE
ETEUROPmEN
SOUSLADIRECTIONDE0ATRICK(AENNI
ET3TmPHANE,ATHION
TABLEDESMATInRES
INTRODUCTION – Institut Religioscope
L´OMBREDUMINARETGENnSEETENJEUX
D´UNEINITIATIVE
Jean-François Mayer
Encadré
L´INITIATIVEPOPULAIREENSUISSE
Stéphane Lathion
LEMINARETDANSL´HISTOIREDEL´ISLAM
Rachid Benzine
Encadré
L´ISLAMENSUISSEQUELQUESCHIFFRES
GRIS et Institut Religioscope
LEDmFIDEL´INCULTURATIONLEPASSAGEg
L´OUESTDEL´ARCHITECTUREISLAMIQUE
Stéphane Lathion
Encadré / portrait
OSKARFREYSINGER¦NEPASoTRE
LESBIEDERMANDUMULTICULTURALISME§
Patrick Haenni et Stéphane Lathion
LEURCONQUoTEDEL´OUESTN´AURAPASLIEU
ISLAMETISLAMISTESENEUROPEOU
L´IMPROBABLEEXPANSION
Patrick Haenni et Samir Amghar
Encadré / portrait
ANTONIOHODGERSLEDANGERESTAUSSIDANS
LEFONDAMENTALISMEDESCRITIQUESDEL´ISLAM
Stéphane Lathion
INTERDIRELESMINARETSDANSLA
CONSTITUTIONFmDmRALE
Erwin Tanner
Encadré / portrait
DANIELZINGGDmFENDRELESRACINESCHRmTIENNES
DELASUISSE
Jean-François Mayer
CONSTRUIREDESmGLISESAUJOURD´HUI
ENTERRED´ISLAM
Laure Guirguis
Encadré / portrait
ENDERDEMIRTASL´INITIATIVEUNPREMIERPASET
LEPIREESTgVENIR
Patrick Haenni et Stéphane Lathion
DUMINARETgLA¦QUESTIONMUSULMANE§
LANOUVELLECRITIQUEDEL´ISLAM
Olivier Moos
Encadré
LESMINARETSENSUISSEVUSDUMONDE
ARABOMUSULMANLESRAISONSD´UNSILENCE
Husam Tamam
CONCLUSION
DUHAUTDUMINARETLENOUVEAUCHANT
DUSIGNEETL´OUBLIDESSOCImTmS
Olivier Moos et Patrick Haenni
PRmSENTATIONDESAUTEURS
INTRODUCTION
)NSTITUT2ELIGIOSCOPE
L’initiative populaire « contre la construction des minarets » en Suisse n’est pas simple a!aire d’architecture. Les
auteurs de cette initative souhaitaient provoquer un débat
plus large : sur la nature de l’immigration musulmane en
Suisse, sur l’islamisme en Europe, et sur l’islam lui-même.
C’est aussi le but de cet ouvrage. Il ne répond à aucun
camp, ni ne soutient tel ou tel argument ou position. Il
s’agit plus modestement d’une mise à plat, dirions-nous s’il
n’était question de minarets, e!ectuée par des spécialistes
des di!érentes questions a!érant au minaret et au débat
qu’il soulève.
Si l’initiative est bien suisse, gageons que les échos
qu’elle suscitera, indépendamment de son succès, résonneront bien au-delà de nos frontières. Cet ouvrage ne
se destine donc pas exclusivement à des votants ou des
citoyens suisses, mais aussi à des lecteurs en Europe
comme dans le monde musulman. Les portes qu’il entend
ouvrir débouchent non seulement sur l’univers islamique,
mais aussi sur le monde suisse, son système politique et les
acteurs impliqués dans le déroulement de l’initiative.
De mauvaises réponses sont parfois données à de
bonnes questions. C’est l’inverse que nous allons tenter :
o!rir un regard dépassionné, qui privilégie les faits, mais
aussi un peu d’analyse juridique, politique, théologique et
sociologique.
Notre ouvrage propose une démarche par étapes. Il
part de l’initiative sur le minaret. Il en rappelle la genèse et
les acteurs, la resitue dans le cadre politique et juridique
de la Suisse. Il retrace ensuite le statut du minaret dans la
tradition musulmane et montre comment, tout en n’étant
pas un impératif de foi présent au moment des années
fondatrices, il s’impose très vite comme un élément
incontournable de la mosquée. À ce titre, il est à la fois au
fondement d’une tradition et contesté par les puristes, qui
ne retiennent que les fondements et rejettent tout ajout
postérieur, dont le minaret.
Le minaret, élément d’architecture, est donc d’emblée posé comme un fait de culture et non en tant qu’une
obligation canonique. Il est peu « normé » religieusement
et ouvert à l’innovation, ce qui facilite son exportation
dans de nouveaux univers culturels. Le passage à l’Ouest
de l’islam a ainsi dynamisé l’innovation architecturale et
permis, d’un point de vue esthétique, son insertion dans
de nouveaux environnements aussi divers que des banlieues ouvrières, des quartiers de villas ou des faubourgs
modernes.
Que penser alors du passage de l’islam à l’Ouest, c’està-dire son installation définitive en Occident ? Est-ce un
déplacement de population ou une nouvelle conquête de
l’Ouest, c’est-à-dire l’expansion d’une religion combattante et nataliste ? La réponse est pragmatique : l’islam est
une religion missionnaire, elle se pose comme le salut de
l’humanité et la religiosité populaire est prosélyte. Mais
sur le plan pratique, l’expansion a le sou"e court : l’islamisme peine à se positionner dans un contexte de minorité, la religiosité progresse mais s’individualise, influencée
par une modernisation sociologique des sociétés qui, dans
l’ensemble du monde arabe, inverse les courbes de natalité et fait chuter le mythe de la démographie musulmane
dopée idéologiquement par un esprit de domination et de
conquête.
Si les auteurs de l’initiative la perçoivent entre autres
comme possible réponse à ces développements, elle soulève des questions sur le plan juridique. Un expert du statut
juridique de l’islam en Suisse livre son analyse, tout en rappelant que la liberté religieuse n’est pas illimitée et que les
opinions religieuses peuvent également faire l’objet de
débat. C’est aussi l’occasion d’évoquer, toujours du point
INTRODUCTION
de vue du droit, la question de la réciprocité : dans le débat
revient souvent la question du statut des lieux de culte
chrétiens dans le monde musulman, à l’heure où est autorisée la construction de mosquées (et de minarets) en
Europe.
Mais qu’en est-il vraiment de ce statut ? La réponse n’est
pas univoque : les contextes di!èrent considérablement
d’un pays à l’autre, en fonction de la nature plus ou moins
autoritaire des régimes, de l’adoption d’un discours o#ciel
islamique ou de la stratégie adoptée face aux oppositions
islamistes, des caractéristiques des minorités chrétiennes
en présence ainsi que de la stabilité sociale ou économique.
Si la situation des chrétiens d’Orient est mise en avant
sur la base de l’argument de réciprocité, il y a bien un nouveau discours sur l’islam qui concerne l’Occident et ses
peurs, anciennes et nouvelles. Autour de ce nouveau discours de critique de l’islam se mobilisent politiques, intellectuels de renom et militants autodidactes, s’a#rmant et
se mettant aisément en réseau grâce à Internet.
Ceux qui soutiennent l’initiative ne le font pas tous
pour les mêmes raisons. Elle mobilise des activistes chrétiens et une critique séculière de l’islam autant que des
peurs di!uses. En face, les adversaires de l’initiative ne
représentent pas plus un front uni. Des musulmans y voient
le début d’une stigmatisation de l’islam en Suisse, d’autres
– musulmans ou non – la combattent au nom d’une
approche humaniste et du multiculturalisme. C’est pour
illustrer ces di!érentes attitudes que quatre portraits jalonnent cet ouvrage.
Mais ce sont aussi les réactions dans le monde
musulman qui retiennent l’attention. Dans un contexte
« d’a!aires » déclenchées autour de la référence à l’islam
(le hijab [foulard islamique] puis la burqa [version afghane
du voile intégral] en France, les caricatures de Mohamed
au Danemark, pour ne citer qu’elles), une réaction virulente de la « rue arabe » prompte à se laisser enflammer sur
ces questions était attendue et crainte. Mais elle ne s’est pas
matérialisée à l’heure où sont écrites ces lignes, notamment
parce que le minaret n’est pas considéré comme un pilier
de la foi par les musulmans en général et les fondamentalistes en particulier.
En définitive, il faut comprendre cette initiative sur les
minarets non comme une bizarrerie du système politique
helvétique, mais comme un indicateur d’une tendance plus
générale, où il n’est plus question de tensions liées aux interactions dans les contextes locaux, mais de débats idéologiques. Entre réactions épidermiques de certains segments
des populations musulmanes contre les caricatures et radicalisation occidentale sur des symboles de l’islam, nous
baignons dans l’ignorance des sociétés réelles.
L’Institut Religioscope est une structure de recherche indépendante et
non confessionnelle. Il propose des éléments d’information et d’analyse
sur les facteurs religieux dans le monde contemporain et o!re au public
des clefs de connaissance et de réflexion. À ce titre, l’Institut Religioscope a rassemblé les contributions de spécialistes pour éclairer en toute
liberté les enjeux de l’initiative sur les minarets.
Téléchargement