TROGLODYTE MIGNON Troglodytidae Anglais : Wren, Allemand : Zaunkönig, Hollandais : Winterkoning, Suédois : Gärdsmyg, Italien : Scricciolo, Espagnol : Chochin Caractères distinctifs: 9 cm. Très petit oiseau rondelet à queue courte relevée, brun, à flancs finement barrés. Très actif ; se faufile comme une souris dans les fourrés, près du sol; capture les insectes comme une fauvette. Vol vibré, rasant et direct. Mâle et femelle sont identiques. Chant: étonamment sonore, strophes rapides où se mêlent des notes stridentes et roulées, avec un trille final. Appel : tit-tit-tit ou tserrret-tettett... Cri d'alarme : tirrrrrr. Chante presque toute l'année. Habitat : sous-bois de feuillus ou de conifères, souvent au bord des cours d'eau et fossés, dans les bois, les jardins, les rochers, de la mer à la haute montagne. Nid : dans une haie, un tas de fascines, entre des racines, dans un trou du sol, en forme de boule assez grande avec entrée latérale, fait de mousse et rembourré de plumes. 2 couvées. Infidèle mais bon père. Régime alimentaire : insectes, larves, araignées. Sédentaire et erratique. 1 L'espèce niche dans toute l'Europe à l'exception du nord de la Scandinavie. Les oiseaux nordiques et orientaux migrent vers le Sud en hiver, les autres sont sédentaires. Localement très abondant, il se reproduit partout dans la montagne jurassienne, jusqu'à plus de 1400 m d'altitude, par exemple dans les forêts au-dessus du Chenit (CH-Vaud). Présent toute l'année en dessous de 1000m. Le troglodyte est contraint de quitter les altitudes plus élevées pendant l'hiver. Ces mouvements de transhumance le conduisent vers les vallées, souvent en bordure des rivières ou aux abords des lacs. Dans la vallée de Joux (CH-Vaud), l'espèce est traditionnellement de retour entre le 16 mars et le 1er avril. Les hivers rigoureux peuvent provoquer des pertes considérables chez cette espèce. Lors des grands froids de l'hiver 1984-85, jusqu'à dix troglodytes ont été découverts morts dans des nids où ils s'étaient regroupés pour passer la nuit. Photo B. Dupont Le troglodyte ne s'attarde pas à découvert ; à ces moments-là, il montre bien son inquiétude en dressant sa queue fermée et en l'agitant nerveusement. Dès que la tension diminue, il abaisse la queue presque à l'horizontale. Sans être farouche, il garde ses distances et se dérobe vite devant une trop vive curiosité. Souvent il abaisse sa paupière supérieure qui devient alors une tache blanche d'un effet singulier. Ne se perchant guère que pour chanter, il exerce une chasse incessante au sol, ou à faible hauteur, capturant surtout de petits insectes. Troglodyte, Moulin de Vert, 7.10.1938 Gravure sur bois de Robert Hainard 2 Insociable de nature, il passe la nuit tout seul dans un nid, ou dans une cavité quelconque, dans une pile de bois, dans un lierre ou dans une haie touffue. Les cris de ce petit oiseau résonnent durement, comme un bruit de cliquet, exprimant diverses formes de nervosité, surtout chez le mâle. L'alarme, au passage d'un homme ou d'une bête, déclenche une série très rapide tititititic..., devenant volontiers une sorte de roulement coléreux : trrrrrt... tserrrrt... expression de frayeur chez les deux sexes. Le chant est l'apanage exclusif du mâle, et joue un rôle capital dans sa vie. C'est une strophe durant cinq secondes en moyenne, lancée à intervalles assez longs, et qui fait penser au chant du Canari. En principe, elle se décompose en trois parties : des répétitions de motifs très simples, aigus et stridents, avec des séries de sifflets brefs, puis un trille soutenu, parfois deux, enfin une conclusion. Le tout débité vigoureusement sur une cadence rapide, avec une sonorité claire et métallique. Les variantes sont fréquentes, mais le caractère ne change pas ; on dirait une ritournelle de boîte à musique. Comme l'oiseau ne chante que sur son territoire, on l'entend surtout de mars à juin ; même par temps de neige, il jette de temps en temps une phrase pleine d'entrain dans le silence hivernal. Le Troglodyte -bien nommé puisqu'il recherche les trous- n'a qu'une espèce dans le Vieux-Monde, de nombreuses en Amérique du Nord. Il recherche les crevasses, les fouillis, une végétation basse où il peut se faufiler, d'un sol frais et humide, riche en bestioles et propice à son activité de constructeur. Dans les bois, nous le rencontrons plus volontiers le long des talus, des fossés et des ruisseaux, dans les ravins et sur les pentes raides, dans les coupes où gisent les fagots. Il fréquente les bosquets, les grosses haies, s'installe jusque dans les parcs et les jardins, même dans les villages et les villes, s'il les trouve à son goût. Sur les côtes de la mer, dans les falaises battues par les flots, dans les fougères et les ajoncs au creux des vallons. Dans les montagnes, il a une prédilection pour les gros blocs de pierre moussus, les bords de torrents, les gorges sauvages où son chant perce le fracas des eaux ; bien au-dessus des derniers arbres, il s'aventure pour nicher dans les aulnes, les rhododendrons, et les saules rampants ou dans les rochers presque nus jusqu'à proximité des glaciers, atteignant des altitudes de 2300 et 2400 m en Valais. Si l'on ajoute qu'il pénètre parfois dans les marais, on conviendra que le Troglodyte est présent dans une foule de milieux très divers. Photo Danegger Les allures et le chant suffiraient à le rendre original ; il y ajoute des moeurs inattendues. Le mâle chante sur son territoire et le défend toute l'année, sa ritournelle suffit en général à prévenir les intrusions. La superficie de nidification varie entre 90 et 120 ares (en Hollande). En mars, dès les premiers jours, ce petit Casanova commence à construire des nids ici et là ; la pluie stimulant son activité, 2 à 4 jours suffisent à leur confection car il ne fait que la trame extérieure. Les femelles, qui mènent une vie assez effacée et silencieuse, n'ont pas de territoire personnel et semblent plutôt erratiques. Dès que le mâle en voit une pénétrer chez lui, son chant se modifie, s'arrêtant au trille et baissant d'intensité à mesure que croît l'excitation. Il se poste sur un point élevé, devant un de ses nids, chante et s'étire, laisse pendre les ailes étalées et agite la queue déployée, puis entre dans le nid, chante en regardant dehors, sort et rentre ainsi plusieurs fois. L'invite est nette ; si la femelle est d'accord, elle répond par un petit cri, des courbettes saccadées, et finit par inspecter le nid. Sinon, le mâle la suit et cherche à l'attirer vers un autre tant qu'elle se trouve sur son terrain. La même parade introduit les accouplements. Toutefois, la femelle ne se décide pas toujours, le nid peut lui paraître mal placé ou mal fait ; continuant alors son chemin, elle pénètre chez un autre mâle ; celui-ci, à son tour, s'empresse de lui vouer les mêmes attentions, tandis que le voisin dépité est arrêté par la frontière qu'il respecte. Son choix arrêté sur le nid qui lui convient, et sur son auteur, elle termine l'oeuvre par le rembourrage interne, qui est son affaire exclusive : mousse sèche, poils ou laine, plumes en quantité. Un mâle construit entre trois et douze nids par saison ; ceux qu'aucune femelle n'a élus restent sans garniture et ont été appelés « nids postiches » ou « nids dortoirs » . 3 Les nids se trouvent à un emplacement peu élevé -entre le sol et 2m de hauteur à l'ordinaire- entre des racines, au bord d'un fossé, dans l'escarpement d'une berge, d'un talus, dans une cavité d'un mur, d'une falaise, d'un rocher ou d'un arbre ; dans unlierre, au sein d'un fourré dense ou d'un arbuste touffu ; dans un tas de branchages ou de fagots, dans une souche pourrie ; sur une poutre extérieure d'un bâtiment, dans un vieux nid d'Hirondelle, de Moineau, de Cincle ; parfois même dans une meule de foin ou dans les roseaux, dans un creux de mousse. La ponde a lieu dès la mi-avril ; la femelle seule assure l'incubation de ses 5 à 6 oeufs minuscules, avant même d'avoir tout pondu. Pendant cette période, elle doit aussi chercher sa nourriture, car le mâle ne s'occupe plus d'elle et lui laisse même le souci de se défendre. Dès qu'elle est installée, il retourne à ses nids vides, à ses duels vocaux et à son manège nuptial. Débordant de vitalité, il parvient souvent à séduire une autre femelle (voire deux) et à les loger à proximité de la première -elles s'accordent d'ailleurs fort bien. La couvaison dure en moyenne 14 à 16 jours, mais les sorties de la femelle, les sautes de température la font parfois se prolonger jusqu'à 20 jours. Dès l'éclosion, les petits reçoivent la becquée de leur mère ; l'attitude du mâle est variable : tantôt il les nourrit, mais comme par accident, ou bien il surveille le nid en criant beaucoup ; tantôt il continue son activité personnelle et ne prête aucune attention aux nourrissons. L'instinct paternel ne se réveille qu'à l'envol de la nichée : le père accompagne ses rejetons, leur donne de temps en temps un insecte ; le soir, il les conduit vers un de ses nids -ou dans celui d'une autre espèce, déjà vide ; parfois dans un autre gîte- où les jeunes Troglodytes passent ensemble la nuit. Si deux nichées se promènent sur son territoire, il les mènera l'une après l'autre à des dortoirs différents, mais pas plus que la femelle il ne reste avec eux la nuit. Après une semaine, la bande juvénile est laissée à elle-même, se disperse ou erre en groupe aux alentours. Aquarelle Jean Chevallier La seconde ponte commence 10 à 14 jours après la sortie de la nichée, donc au milieu de juin. La femelle change parfois de partenaire entretemps, par le simple fait de passer chez le voisin. Les jeunes de seconde nichée restent en famille un peu plus longtemps, presque trois semaines. Le mâle, déjà bien calmé à fin juin, voit la mue annihiler son ardeur en été. Les jeunes mâles commencent à chanter et cherchent un territoire en août. Les vieux continuent à visiter leurs nids en automne, au moins pour y dormir, mais seuls. La migration d'automne a lieu du milieu de septembre à celui de novembre, le retour entre le début de mars et la fin d'avril. A basse altitude, en Belgique et en France, ces oiseaux sont probablement tous sédentaires. Il en est autrement en Suisse et plus au nord, où ne restent qu'une partie des estivants. Ces sédentaires, au moins les mâles, sont bien reconnaissables à leur chant territorial, tandis que les hôtes temporaires ne chantent pas et fréquentent souvent des lieux impropres à la reproduction. Ces derniers sont-ils venus du nord, ou bien des montagnes et des forêts voisines ? Une certaine transhumance peut faire descendre des Troglodytes montagnards vers la plaine, vers la rivière ou dans une localité de la vallée ; d'autres émigrent. Les forestiers gagnent les lisières et les fermes voisines. Rares sont ceux qui tiennent bon dans un hameau élevé ; sur de vastes superficies du pays, l'espèce est quasi absente à cette saison. Ils affluent vers les eaux que le gel n'a pas prises. Les vagues de froid, l'enneigement prolongé, sont des catastrophes pour ces êtres minuscules qui, rappelons-le, vivent d'insectes et d'araignées. Certains se réfugient dans les bâtiments ruraux, les écuries, les étables, pénètrent jusqu'au coeur des villes en cherchant la chaleur et la nourriture. Les jeunes dorment en groupe, et, quand il fait très froid, on voit des Troglodytes se rassembler le soir pour se gîter les uns contre les autres, à dix, douze ou davantage. Beaucoup meurent dans leur gîte nocturne, Il y a une diminution plus ou moins forte de ces oiseaux entre novembre et mars 4 Nid de troglodyte, Sergy 1.6.1946 Gravure sur bois de Robert Hainard Guide des oiseaux d'Europe et les Passereaux II, Ed. Delachaux & Niestlé Oiseaux I, Petit Atlas Payot Lausanne Quel est donc cet oiseau ? Nathan, Photos Tielscher :Troglodyte au nid et Danegger : Troglodyte dans les châtons de saule Les Oiseaux de la montagne jurassienne, Neo Ed., photo B. Dupont Le petit guide ornitho, Delachaux & Niestlé, l'expression « infidèle mais bon père » La nature la nuit, guide d'observation et d'identification, Delachaux & Niestlé ; Aquarelle : Jean Chevallier © Marie Madeleine Defago Paroz /120219 5