Géométrie différentielle Pierre Pansu, relu par Antonin Pottier 2 juillet 2007 Chapitre 1 Calcul des variations On présente les équations d’Euler-Lagrange caractérisant les extrémales des problèmes variationnels lagrangiens, puis un théorème d’E. Noether fournissant pour chaque symétrie infinitésimale du lagrangien une intégrale première des équations. Ensuite, on relie les équations d’Euler-Lagrange aux équations de Hamilton. Ce nouveau point de vue éclaire le théorème de Noether et ouvre la voie à une méthode, dite d’Hamilton-Jacobi, pour trouver des intégrales premières qui ne sont pas nécessairement liées à des symétries. Si le point de vue lagrangien est proche des problèmes de contrôle optimal, le point de vue hamiltonien, qui est celui qui se prête le mieux à la quantification, a la faveur des physiciens. Dans ce chapitre, suivant une tradition pluricentenaire, on notera typiquement q un point de l’espace, q̇ un vecteur. 1.1 Équations d’Euler-Lagrange Avant de donner la définition générale d’un problème variationnel lagrangien, on décrit deux exemples, la recherche des plus courts chemins sur une surface, et le principe de Fermat en optique géométrique. Une fois obtenues les équations qui caractérisent les extrémales, on reconnaı̂tra la nature variationnelle des équations de la dynamique pour une particule dans un champ de potentiel (principe de moindre action de Hamilton). 1.1.1 Métriques riemanniennes Définition 1.1.1 Soit U un ouvert de Rn . Une métrique riemannienne (Riemannian metric) sur U est la donnée d’une application lisse g de U dans l’espace vectoriel des formes quadratiques sur Rn , telle que, pour tout q ∈ UP , gq soit définie positive. Étant donné des coordonnées q = (q1 , . . . , qn ) n sur Rn , on peut écrire gq = i, j=1 gij (q) dqi dqj . Si t 7→ q(t), [a, b] → U , est une courbe lisse dans U , sa longueur (length) est Z bq Long(c) = gq(t) (q̇(t)) dt. a Exercice 1 L’application ]− π π , [×] − π, π[→ R3 , 2 2 cos(θ) cos(φ) (θ, φ) 7→ X(θ, φ) = cos(θ) sin(φ) , sin(θ) est un paramétrage d’un ouvert de la sphère unité de R3 . Étant donné une courbe lisse t 7→ q(t) = (θ(t), φ(t)) ∈ U =] − π2 , π2 [×] − π, π[, vérifier que la longueur de son image X ◦ c dans R3 est égale à la longueur de c relative à la métrique riemannienne dθ2 + (cos θ)2 dφ2 sur U . 1 CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 2 Exercice 2 Soit s 7→ (r(s), 0, z(s)) une courbe tracée dans un plan vertical, paramétrée par son abscisse curviligne. Paramétrer la surface de révolution engendrée par la rotation de cette courbe, baptisée méridienne, autour de l’axe Oz. Calculer la métrique induite dans ce paramétrage. 1.1.2 Optique géométrique La vitesse à laquelle la lumière voyage dans un milieu transparent n’est pas constante en général : elle dépend du point où on se trouve, et parfois aussi de la direction (milieux anisotropes). L’indice du milieu en un point q (et dans une direction q̇) est le quotient de la vitesse de la lumière dans le vide par la vitesse de la lumière dans le milieu, n(q, q̇) = c/v ≥ 1. Le Principe de Fermat énonce que le trajet suivi par un rayon lumineux qui passe par deux points Q1 et Q2 minimise le temps de parcours parmi tous les trajets possibles. Le long d’un chemin t 7→ q(t), la vitesse vaut v =k q̇(t) k. Par conséquent, le temps de parcours vaut Z Z Z 1 1 k q̇(t) k dt = n(q(t), q̇(t)) k q̇(t) k dt. dt = v c Si le matériau est isotrope (n ne dépend pas de la direction), cette intégrale (appelée parfois chemin optique) s’interprète comme la longueur relative à la métrique riemannienne n2 ds2 , conforme à la métrique euclidienne. Si le matériau est anisotrope (c’est le cas de certains cristaux), on se trouve en présence d’un problème plus général, qui motive la définition suivante. Exercice 3 On modélise un bloc de verre par un demi-espace optiquement homogène et isotrope, i.e. d’indice constant n > 1, le complementaire étant vide. On considère un rayon lumineux qui entre dans le verre. On note i l’angle d’incidence (angle du rayon avec la normale à l’interface dans le vide) et r l’angle de réfraction (angle du rayon avec la normale dans le verre). Etablir la loi de Snell sin(i) = n sin(r). 1.1.3 Problèmes variationnels lagrangiens Définition 1.1.2 Soit U un ouvert de Rn . Un lagrangien (Lagrangian) sur U est la donnée d’une fonction lisse L : U × Rn × [a, b] → R. Le problème variationnel associé (variational problem) consiste à chercher, étant donné deux points Q1 et Q2 de U , les courbes c : [a, b] → U tracées dans U , telles que c(a) = Q1 et c(b) = Q2 , qui minimisent la fonctionnelle Z Φ(c) = b L(c(t), ċ(t), t) dt. a Exemple 1.1.3 La recherche despplus courts chemins riemanniens est le problème variationnel associé au lagrangien L(q, q̇, t) = gq (q̇). Ce lagrangien possède les propriétés particulières suivantes. 1. il est indépendant du temps ; 2. il est homogène de degré 1 ; 3. il est convexe. La propriété 1 rend le problème variationnel indépendant de l’intervalle [a, b]. 2 le rend invariant par les reparamétrages de l’intervalle. Exercice 4 On s’intéresse au mouvement d’une bille glissant sans frottement dans une gouttière située dans un plan vertical, en partant d’un point P avec vitesse nulle et passant par un point Q. Suivant Bernoulli (1696), on cherche, parmi tous les profils de gouttière reliant P à Q, celui qui rend minimal le temps que la bille met à rejoindre Q depuis P . Montrer qu’il s’agit d’un problème variationnel lagrangien, équivalent à la recherche des géodésiques d’une métrique riemannienne dans un demi-plan. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 3 Lemme 1.1.4 La fonctionnelle Φ est différentiable, sa différentielle est donnée par la formule d suivante. Soit s 7→ cs une famille lisse de courbes telle que c0 = c et ds cs|s=0 = h. Alors d Φ(cs )|s=0 ds Preuve. b ∂L d ∂L (c(t), ċ(t), t) − ( (c(t), ċ(t), t)) (h(t)) dt ∂q dt ∂ q̇ a ∂L ∂L + (c(b), ċ(b), b)(h(b)) − (c(a), ċ(a), a)(h(a)). ∂ q̇ ∂ q̇ Z = On dérive sous le signe somme, Z b ∂L ∂L d Φ(cs )|s=0 = (c(t), ċ(t), t)(h(t)) + (c(t), ċ(t), t)(ḣ(t)) dt ds ∂q ∂ q̇ a puis on intègre par parties Z b ∂L (c(t), ċ(t), t)(ḣ(t)) dt a ∂ q̇ 1.1.4 = ∂L (c(t), ċ(t), t)(h(t))]ba ∂ q̇ Z b d ∂L − ( (c(t), ċ(t), t))(h(t)) dt. dt ∂ q̇ a [ Équations d’Euler-Lagrange Définition 1.1.5 Une extrémale (extremal curve) d’un problème variationnel lagrangien est une courbe qui annule la différentielle de Φ restreinte aux courbes d’extrémités fixées. Théorème 1 La courbe c est une extrémale du problème variationnel associé au lagrangien L si et seulement si pour tout t ∈ [a, b], la forme linéaire sur Rn ∂L d ∂L (q(t), q̇(t), t) − ( (q(t), q̇(t), t)) = 0. ∂q dt ∂ q̇ Ce système de n équations différentielles du second ordre s’appelle les équations d’Euler-Lagrange (Euler-Lagrange equations) du problème variationnel. Preuve. Pour toute fonction lisse h sur [a, b] à valeurs dans Rn qui s’annule aux extrémités, on construit une famille cs (t) = q(t) + sh(t) de courbes d’extrémités fixées dont h est la dérivée. Alors Z b d Φ(qs )|s=0 = J(t)(h(t)) dt, ds a où J(t) est la forme linéaire sur Rn donnée par ∂L d ∂L (q(t), q̇(t), t) − ( (q(t), q̇(t), t)). ∂q dt ∂ q̇ Rb c est extrémale si et seulement si a J(t)(h(t)) dt pour toute fonction lisse h sur [a, b] qui s’annule aux extrémités. Le lemme suivant entraı̂ne que c est extrémale si et seulement si J ≡ 0. J(t) = Lemme 1.1.6 Soit J une forme linéaire sur Rn dépendant différentiablement de t ∈ [a, b]. On suppose que pour toute fonction lisse h sur [a, b] à valeurs dans Rn , nulle au voisinage des extrémités, Rb J(t)(h(t)) dt = 0. Alors J ≡ 0. a Preuve. Supposons par l’absurde qu’il existe t̂ ∈]a, b[ tel que J(t̂) 6= 0. Soit H(t) = J(t)> le vecteur dual de J(t). Soit χ une fonction lisse, positive ou nulle, à support dans un petit voisinage Rb Rb de t̂. On pose h(t) = χ(t)H(t). Si le support de χ est assez petit, a J(t)(h(t)) dt = a χ(t) k J(t) k2 dt > 0, contradiction. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 4 Exemple 1.1.7 Plus courts chemins riemanniens. p Ici, L(q, q̇) = gq (q̇). Ce problème variationnel étant invariant par reparamétrage, on peut se contenter de chercher les extrémales paramétrées à vitesse constante 1. Fixons des coordonnées. Alors X ∂L2 (q, q̇) = 2 q̇k gki (q). ∂ q̇i k Il vient ∂L (q(t), q̇(t))i = (gq(t) (q̇(t)))−1/2 ∂ q̇ ! X q̇k (t)gki (q(t)) . k Comme on a supposé que la courbe est paramétrée à vitesse constante 1, gq(t) (q̇(t)) ≡ 1, d’où X X X ∂gki d ∂L (q(t), q̇(t))i = q̈k (t)gki (q(t)) + q̇k (t)( (q(t))q̇j (t)). dt ∂ q̇ ∂qj j k k D’autre part, X ∂gjk ∂L2 ∂L2 (q(t), q̇(t))i = (q(t), q̇(t)) = (q(t))q̇j (t)q̇k (t), ∂q ∂qi ∂qi j,k d’où 1 X ∂gjk ∂L (q(t), q̇(t))i = (q(t))q̇j (t)q̇k (t). ∂q 2 ∂qi j,k Par conséquent, les équations d’Euler-Lagrange s’écrivent X 1 ∂gjk X ∂gki ( (q(t)) − (q(t)))q̇j (t)q̇k (t) − q̈k (t)gki (q(t)) = 0, 2 ∂qi ∂qj j,k k pour i = 1, . . . , n et t ∈ [a, b]. Remarque 1.1.8 On appelle géodésiques d’une variété riemannienne les extrémales du lagrangien L2 (q, q̇) = gq (q̇) qui est la carré de la norme. Alors les géodésiques coı̈ncident avec les extrémales de L qui sont parcourues à vitesse constante. Il reste à vérifier que L2 (q, q̇) = gq (q̇) est constant le long d’une géodésique, i.e. d’une extrémale de L2 . Comme L2 est homogène de degré 2 par rapport à q̇, 2L2 (q, q̇) = ∂L2 (q, q̇)q̇. ∂ q̇ En dérivant par rapport à t, et en utilisant les équations d’Euler-Lagrange pour L2 , à savoir ∂L2 d ∂L2 ∂q (q, q̇) = dt ( ∂ q̇ (q, q̇)), il vient d 2 2L (q, q̇) dt = = = donc d 2 dt L (q, q̇) = 0. d ∂L2 ∂L2 ( (q, q̇))q̇ + (q, q̇)q̈ dt ∂ q̇ ∂ q̇ ∂L2 ∂L2 (q, q̇)q̇ + (q, q̇)q̈ ∂q ∂ q̇ d 2 L (q, q̇), dt CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 5 Exercice 5 Écrire l’équation d’Euler-Lagrange du problème de la brachistochrone (exercice 4), et la résoudre : on trouve (Newton 1697) des cycloı̈des ayant une tangente verticale au point de départ. Exercice 6 On cherche quelle forme d’équilibre doit prendre une corde inélastique de densité constante, située dans un plan vertical, fixée à ses extrémités, soumise à la seule gravité. S’agitil d’un problème variationnel lagrangien ? Écrire les deux lagrangiens en jeu et leurs équations d’Euler-Lagrange. En admettant le théorème des extrema liés, résoudre le problème. À translation et dilatation près, on trouve la courbe représentative de la fonction cosinus hyperbolique (Bernoulli, 1691). 1.1.5 Principe de moindre action de Hamilton Cherchant à calquer la mécanique sur l’optique géométrique, Hamilton a observé que le mouvement d’un point matériel dans un champ de potentiel est solution d’un problème variationnel lagrangien. Proposition 1.1.9 Considérons un point matériel de masse m évoluant dans un champ de force dérivant d’un potentiel V. Les équations de la dynamique newtonnienne d (mq̇(t)) = −∇q(t) V dt qui le gouvernent coı̈ncident avec les équations d’Euler-Lagrange du lagrangien L = T − V où T (q, q̇) = 21 mq̇ 2 est l’énergie cinétique et V = V (q) est l’énergie potentielle. ∂T ∂V = = 0. On note q̇ [ la forme linéaire duale d’un vecteur q̇, de ∂q ∂ q̇ ∂T = mq̇ [ . Il vient sorte que dV = (∇V )[ . Alors ∂ q̇ ∂(T − V ) d ∂(T − V ) d − (q(t), q̇(t)) = −dV − (mq̇(t)[ ), ∂q dt ∂ q̇ dt Preuve. Par définition, donc les équations d’Euler-Lagrange sont équivalentes à ∇q(t) V + 1.1.6 d dt (mq̇(t)) = 0. Problèmes variationnels lagrangiens sur les variétés On peut parler de problèmes lagrangiens sur les variétés. Soit M une variété différentiable. Un lagrangien L sur M est une fonction sur Rl’espace tangent T M . Le problème variationnel correspondant consiste à minimiser l’intégrale Φ = L(q(t), q̇(t)) dt parmi les courbes tracées sur M , d’extrémités fixées. Exemple 1.1.10 Soit L(q, q̇) un lagrangien sur R3 et M ⊂ R3 une surface. Les équations d’EulerLagrange du problème variationnel associé à la restriction de L à T M s’écrivent comme suit : pour tout t, la forme linéaire d ∂L ∂L (q(t), q̇(t)) − ( (q(t), q̇(t))) s’annule sur Tq(t) M. ∂q dt ∂ q̇ En effet, si q : [a, b] → M est une courbe tracée sur M , toute application h : [a, b] → R3 tel que h(t) ∈ Tq(t) M (on appelle cela un champ de vecteurs le long de q) est la dérivée première d’une famille de courbes tracées sur M . Une variante du lemme 1.1.6 donne alors que pour une d ∂L extrémale du problème restreint, le champ de formes linéaires J(t) = ∂L ∂q − dt ( ∂ q̇ ) s’annule sur T M . Inversement, si pour tout t, J(q(t)) est nulle sur Tq(t) M , la différentielle de la fonctionnelle Φ restreinte aux courbes tracées sur M , d’extrémités fixées, est nulle. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 6 Exercice 7 Montrer qu’une courbe tracée sur une surface de R3 est une géodésique si et seulement si son accélération est normale à la surface. En déduire que les méridiens d’une surface de révolution (resp. d’un tube) sont des géodésiques. Proposition 1.1.11 (Principe de d’Alembert). Soit V un potentiel sur R3 et M ⊂ R3 une surface. Les équations de la dynamique pour un point matériel astreint à se déplacer sur M dérivent d’un problème variationnel sur M , c’est le problème associé à la restriction de L = 12 mq̇ 2 − V à TM. Preuve. Pour obtenir les équations du mouvement t 7→ q(t), on écrit le principe fondamental de la dynamique en ajoutant une force inconnue, normale à la surface M , la réaction. Autrement dit, l’équation s’écrit mq̈ + ∇q(t) V est normal à Tq(t) M. Or, si L(q, q̇) = 12 mq̇ 2 − V (q), J(t) = ∂L d ∂L − ( ) = −(mq̈(t) + ∇q(t) V )[ . ∂q dt ∂ q̇ Dire que J(t) s’annule sur Tq(t) M , c’est dire que mq̈ + ∇q(t) V est orthogonal à Tq(t) M . 1.1.7 Mouvement du solide Un solide, ce sont des points reliés par une contrainte : leurs distances mutuelles restent constantes. Autrement dit, le mouvement d’un solide dans un champ de forces, c’est le mouvement d’un point dans une sous-variété d’un espace produit. Le principe de d’Alembert indique que, lorsque le champ de forces dérive d’un potentiel, les équations du mouvement du solide résultent encore d’un problème variationnel. Un solide, c’est aussi un ensemble S de l’espace, muni d’une densité de matière ρ, transporté par des déplacements D(t). L’ensemble des déplacements forme une variété de dimension 6, plongée dans l’ensemble des matrices 4 × 4. En effet, un déplacement est une tranformation affine dont R v la partie linéaire est une rotation, i.e. une matrice 4 × 4 de la forme D = où v ∈ R3 , 0 1 R> R = I et det(R) = 1. On va écrire le problème variationnel dans cette seconde description. Supposons d’abord formé d’un nombre fini deP points qi de masses mi . Son énergie P 1le solide 2 m q̇ , son énergie potentielle U = V (qi ). Le mouvement est gouverné cinétique vaut T = i i 2 par le lagrangien T − U . R PassonsR à la limite continue. L’énergie cinétique devient T = S 21 q̇ 2 ρ(q) dq et l’énergie potentielle U = S V (q) dq. Chaque point q du solide au repos a pour position q(t) = D(t)q dans le solide en mouvement. Par conséquent le mouvement est gouverné par le lagrangien Z Z 1 L(D, Ḋ) = k Ḋ(q) k2 ρ(q) dq − V (Dq) dq S 2 S restreint à la sous-variété des déplacements. 1.1.8 La toupie Il s’agit d’étudier le mouvement d’un solide tournant autour d’un point fixe (sa pointe), soumis à la seule gravité. Dans ce cas, on se limite aux déplacements fixant l’origine, i.e. aux rotations. C’est la sousvariété de dimension 3 de l’espace vectoriel des matrices 3 × 3 définie par les équations R> R = I et det(R) = 1. Le potentiel gravitationnel terrestre, en première approximation, est uniforme : V (qi ) = mi gqz où g est la constante de gravitation et q = (qx , qy , qz ). L’énergie potentielle du CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 7 R R solide devient U = g S qz ρ(q) dq = mgGz où m = S ρ(q) dq est la masse totale de S et G son centre de gravité. On obtient le lagrangien Z 1 L(R, Ṙ) = k Ṙ(q) k2 ρ(q) dq − mgR(G)z . 2 S La dérivée logarithmique R−1 Ṙ d’une famille de rotations est un endomorphisme antisymétrique. Il existe donc un unique vecteur Ω tel que R−1 Ṙq = Ω ∧ q, c’est le vecteur vitesse angulaire par rapport au solide du mouvement. Sa direction est l’axe instantané de rotation du solide. En effet, au premier ordre, on peut assimiler le mouvement à une rotation. R Définition 1.1.12 L’application Ω 7→ A(Ω) = S k Ω ∧ q k2 ρ(q) dq est une forme quadratique appelée le tenseur d’inertie de S par rapport à l’origine. Le lagrangien de la toupie s’écrit donc L(R, Ṙ) = 1 A(R−1 Ṙ) − mgR(G)z . 2 Exercice 8 Calculer le tenseur d’inertie d’un parallélépipède homogène par rapport à son centre de gravité. 1.2 1.2.1 Intégrales premières Exemples Définition 1.2.1 Une intégrale première (first integral) d’une équation différentielle ordinaire est une fonction qui est constante le long des solutions. Un système d’équations différentielles du premier ordre indépendantes du temps s’écrit ẋ(x) = V (x(t)) où V est un champ de vecteurs. Un fonction lisse f est une intégrale première si et seulement si la dérivée V f ≡ 0. Exemple 1.2.2 Le problème de la brachistochrone (exercices 4 et 5) possède une intégrale première. 2 En effet, il conduit à l’équation différentielle q̈ = − 21 1+qq̇ , où q est la hauteur dont est descendue la bille depuis son point de départ, et q̇ la dérivée par rapport à l’abscisse x. Dans les coordonnées 2 (p, q) où p = q̇, il s’agit du système d’équations différentielles du premier ordre ṗ = − 12 1+p q , q̇ = p. La fonction f (p, q) = (1 + p2 )q est constante le long des solutions, c’est une intégrale première. C’est cette observation qui permet de calculer explicitement toutes les solutions. Exemple 1.2.3 Pour le mouvement d’un point matériel de masse m dans un champ de forces dérivant d’un potentiel V , l’énergie mécanique E = 21 mq̇ 2 + V (q) est une intégrale première. En effet, Ė = q̇ · mq̈ + q̇ · ∇q V = 0. Exemple 1.2.4 Pour les géodésiques sur une variété riemannienne, i.e. les extrémales de l’énergie R gq (q̇) dt, le carré de la vitesse gq (q̇) est une intégrale première. En effet, les géodésiques sont parcourues à vitesse constante, voir 1.1.7. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.2.2 8 Symétries On va voir que les symétries d’un lagrangien produisent des intégrales premières des équations d’Euler-Lagrange correspondantes. Dans ce paragraphe, les lagrangiens L : U × Rn → R sont indépendants du temps. Définition 1.2.5 Par symétrie, on entend ici un difféomorphisme φ de U tel que L ◦ dφ = L, ∂φ ) : U × Rn → U × Rn est la différentielle de φ. Une symétrie infinitésimale du où dφ = (φ, ∂q lagrangien L est un champ de vecteurs V sur U tel que le groupe à un paramètre s 7→ φs engendré par V soit constitué de symétries de L. Théorème 2 (E. Noether). Soit L : U × Rn → R un lagrangien indépendant du temps. Soit W une symétrie infinitésimale de L. Alors la fonction f définie sur U × Rn par f (q, q̇) = ∂L (q, q̇)(W (q)) ∂ q̇ est une intégrale première des équations d’Euler-Lagrange associée à L. Preuve. En dérivant par rapport à s, en s = 0, l’équation L(φs (q), ∂φs (q, q̇)) = L(q, q̇), ∂q on trouve la condition que satisfont les symétries infinitésimales du lagrangien L, ∂L ∂L ∂W (q, q̇)(W (q)) + (q, q̇)( (q, q̇)) = 0. ∂q ∂ q̇ ∂q Soit t 7→ (q(t), q̇(t)) une solution des équations d’Euler-Lagrange. Alors d d ∂L ∂L d f (q, q̇) = (q, q̇) (W (q(t))) + (q, q̇) W (q(t)) dt dt ∂ q̇ ∂ q̇ dt ∂L ∂L ∂W = (q, q̇)(W (q(t))) + (q, q̇) ◦ (q̇(t)) ∂q ∂ q̇ ∂q = 0. Remarque 1.2.6 Le théorème de Noether s’étend aux problèmes lagrangiens dans les variétés. Exemple 1.2.7 Mouvement à force centrale. Il s’agit du mouvement d’un point matériel de masse m dans un champ de forces dérivant d’un potentiel V = V (r) ne dépendant que la distance r à l’origine. D’après le principe de moindre action 1.1.9, il s’agit d’un problème variationnel, associé au lagrangien L(q, q̇) = 21 mq̇ 2 − V (r). Ce lagrangien est invariant par toutes les rotations dont l’axe passe par l’origine. Un groupe à un paramètre de rotations d’axe D est engendré par un champ de vecteur de la forme W (q) = Ω ∧ q où Ω est un vecteur directeur de D. D’après le théorème de Noether, la fonction fΩ (q, q̇) = mq̇ · (Ω ∧ q) est une intégrale première du mouvement. On peut réécrire fΩ (q, q̇) = −Ω · m(q ∧ q̇). On conclut que le vecteur µ = m(q ∧ q̇) est constant au cours du mouvement. Ce vecteur s’appelle le moment cinétique du point matériel. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 9 Exercice 9 Montrer qu’un mouvement à force centrale se déroule dans un plan. Montrer que l’énergie mécanique s’exprime en fonction de r et ṙ seulement. Montrer que cela ramène la résolution à des quadratures (i.e. au calcul de primitives). Exercice 10 On appelle métrique de révolution sur R2 une métrique de la forme g(u,v) = du2 + r(u)2 dv 2 où r est une fonction positive. En appliquant le théorème de Noether et la conservation de la vitesse, trouver des intégrales premières de l’équation des géodésiques, et montrer que la résolution de l’équation se ramène à deux quadratures. 1.3 Mouvement du solide autour d’un point fixe, sans forces extérieures Suivant Euler et Poinsot, on résout en détail l’exemple le plus simple de dynamique du solide, la toupie dont on néglige le poids. 1.3.1 Conservation du moment cinétique L’espace de configuration est le groupe SO(3) des rotations. D’après le paragraphe 1.1.8, le mouvement est gouverné par le lagrangien L(R, Ṙ) = 1 A(R−1 Ṙ), 2 où A est le tenseur d’inertie du solide. Ce lagrangien est invariant par les translations à gauche de SO(3). En effet, si h ∈ SO(3), la translation à gauche Lh = R 7→ hR agit sur les vecteurs tangents par T Lh (R, Ṙ) = (hR, hṘ). Alors L ◦ T Lh (R, Ṙ) = L(hR, hṘ) = 1 1 A((hR)−1 (hṘ)) = A(R−1 Ṙ) = L(R, Ṙ). 2 2 Par conséquent, le théorème de Noether fournit un vecteur d’intégrales premières, le moment cinétique par rapport à l’origine dans le repère de l’espace du solide. Le moment cinétique (voir 1.2.7) d’un point est µi = mi qi ∧ qi0 . Celui du solide est Z µ(t) = q(t) ∧ q̇(t) ρ(q)dq ZS = R(t)q ∧ Ṙ(t)q ρ(q)dq S = R(t)M (t), où Z M (t) = q ∧ R(t)−1 Ṙ(t)q ρ(q)dq S est le moment cinétique dans le repère du solide. Exercice 11 Retrouver la conservation du moment cinétique par rapport à l’espace µ en appliquant directement le théorème de Noether au lagrangien du solide. R Exercice 12 On note µ(R, Ṙ) = R S q ∧ R−1 Ṙq ρ(q)dq le moment cinétique et E = L(R, Ṙ) = 1 −1 Ṙ) l’énergie cinétique d’un solide en mouvement autour de l’origine. Quelles sont les va2 A(R leurs critiques de l’application (µ, E) : T SO(3) → R4 ? CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.3.2 10 Equation d’Euler Elle consiste à transformer les équations du mouvement, qui sont du second ordre en t 7→ R(t), en des équations du premier ordre en une quantité qui dépend algébriquement de t 7→ R(t)−1 Ṙ(t). Cette quantité, c’est le moment cinétique dans le repère du solide M . Elle s’obtient à partir de R−1 Ṙ en identifiant cette matrice antisymétrique à un vecteur Ω, puis en appliquant l’endomorphisme symétrique (noté abusivement A) associé à la forme quadratique A. Inversement, étant donné t 7→ M (t), on reconstruit le vecteur Ω(t) = A−1 M (t), l’endomorphisme antisymétrique a(t) : q 7→ Ω(t) ∧ q, puis on résout l’équation différentielle linéaire Ṙ = Ra(t) avec condition initiale R(0) = I pour calculer le mouvement. Proposition 1.3.1 (L. Euler). En fonction du moment cinétique dans le repère du solide t 7→ M (t), les équations du mouvement du solide en l’absence de forces extérieures s’écrivent Ṁ = M ∧ A−1 M. Preuve. On sait que le moment cinétique dans le repère de l’espace µ = RM est constant. Par conséquent, 0 = µ̇ = RṀ + ṘM , donc Ṁ = −R−1 ṘM = −Ω ∧ M = −A−1 M ∧ M. On voit sur l’équation que Ṁ · M = Ṁ · A−1 M = 0, donc k M k et M · A−1 M sont constants (remarquer que 12 M · A−1 M = 12 A(Ω) = E est l’énergie cinétique). Le mouvement de M se déroule donc sur des sphères, et à l’intérieur de chaque sphère Σ, sur les lignes de niveau de la restriction à Σ de l’énergie E. Les point critiques de E restreinte à une sphère sont des vecteurs propres de A−1 (les axes principaux d’inertie du solide). Il y a donc 3 types de trajectoires. – Les trajectoires ponctuelles, aux points critiques ; elles correspondent à des mouvements de rotation stationnaire (Ω est constante) autour des axes principaux d’inertie. – Les trajectoires situées sur les niveaux non critiques. Elles sont périodiques. Cela n’entraı̂ne pas nécessairement que le mouvement est périodique. – Les trajectoires non ponctuelles situées sur le niveau critique. Elles ne sont pas périodiques. 1.3.3 Résolution des équations Soit v ∈ R3 un vecteur qui n’est pas vecteur propre de A. Alors E(v) n’est pas une valeur critique de la restriction de E à la sphère de rayon k v k2 , et {M ; k M k2 =k v k2 , E(M ) = E(v)} est une réunion de courbes fermées simples. Autrement dit, une fois paramétrée la ligne de niveau qui porte la trajectoire, la résolution de l’équation d’Euler avec condition initiale v est ramenée à celle d’une équation différentielle autonome en une dimension, autrement dit, à une quadrature. Supposant t 7→ M (t) calculé, soit t 7→ R0 (t) une famille de rotations telles que R0 (t)M (t) = v. Le mouvement cherché est une autre rotation R(t) telle que R(t)M (t) = v et R(t)−1 Ṙ(t) = A−1 M (t) pour tout t. Comme R(t)R0 (t)−1 fixe v, il existe θ(t) ∈ R tel que R(t) = exp(θ(t)av )R0 (t). L’équation différentielle R(t)−1 Ṙ(t) = aA−1 M (t) se traduit par θ̇(t)aM (t) + R0 (t)−1 Ṙ0 (t) = aA−1 M (t) . Une quadrature livre θ(t) et donc l’expression du mouvement R(t). 1.3.4 Quasipériodicité Le mouvement dans le deuxième cas (niveaux non critiques) n’est pas périodique, en général, mais il s’en approche. En effet, les solutions sont confinées dans des variétés compactes de dimension 2, les fibres de l’application (µ, E) : T SO(3) → R4 . CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 11 Proposition 1.3.2 Soit (v, e) ∈ R4 une valeur régulière de (µ, E). Il existe des fonctions φ1 et φ2 sur (µ, E)−1 (v, e) à valeurs dans R/Z telles que – le long des solutions, φ̇1 et φ̇2 sont constants, – la restriction de (φ1 , φ2 ) à une fibre de (µ, E) est un difféomorphisme. Autrement dit, les fibres non singulières de l’application (µ, E) : T SO(3) → R4 sont des tores, sur lesquels le mouvement est constitué de translations. Preuve. Soit t 7→ R(t) une solution de moment cinétique v et d’énergie cinétique e. Alors M (t) = R(t)v est une solution de l’équation d’Euler qui est confinée dans une courbe fermée simple c, composante d’une ligne de niveau de la restriction de E à une sphère. Par conséquent, M est périodique. Soit T sa plus petite période. On définit une fonction φ1 : c → R/Z par φ1 (M (t)) = t/T . La fibre F = (µ, E)−1 (v, e) est l’ensemble des rotations R telles qu’il existe un point m ∈ c tel que Rm = v. On prolonge φ1 en une fonction sur F en posant φ1 (R) = φ1 (m). On se donne à nouveau une famille de rotations t 7→ R0 (t) telle que R0 (t)M (t) = v. Elle n’est pas nécessairement périodique. Soit ψT ∈ R tel que R0 (T ) = exp(ψT av )R0 (0). On note Ω0 (t) le vecteur tel que R0 (t)−1 Ṙ0 (t) = aΩ0 (t) . De même, aΩ(t) = R(t)−1 Ṙ(t). On remarque que, comme R0 M = RM , (Ω − Ω0 ) ∧ M ≡ 0, donc il existe une fonction t 7→ λ(t) telle que Ω − Ω0 = λM. On cherche une fonction t 7→ ψ(t) telle que R1 = exp(−ψav )R0 soit périodique, et telle que si R = exp(ηav )R1 , alors η̇ est constant. Or η̇aM = R−1 Ṙ − R1−1 Ṙ1 = aΩ − aΩ0 + ψ̇aM , d’où η̇ = ψ̇ + λ. On pose t Z ψ(t) = 0 Z T t λ(s) ds + ψT ). −λ(s) ds + ( T 0 Alors ψ(T ) = ψT , donc R1 est périodique, et η̇ est constant. On définit une fonction φ2 : F → R/Z en posant φ2 (exp(θav )R1 (t)) = θ . 2π Alors (φ1 , φ2 ) : F → R2 /Z2 est un difféomorphisme, φ̇1 = 1/T et φ̇2 = η̇/2π est constant. 1.4 1.4.1 Transformation de Legendre Motivation Manifestement, dans les équations d’Euler-Lagrange, la quantité p(t) = ∂L ∂ q̇ (q(t), q̇(t)) joue un ∂L n n ∗ rôle particulier. Cela conduit à étudier l’application ∂ q̇ : R → (R ) . On va voir qu’elle a une interprétation géométrique intéressante. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.4.2 12 Définition Définition 1.4.1 Soit f : Rn → R une fonction convexe. Sa transformée de Legendre (Legendre transform) est la fonction convexe g : (Rn )∗ → R définie par g(p) = sup p(q̇) − f (q̇). q̇∈Rn Exercice 13 Vérifier que la transformation de Legendre est involutive, i.e. que si g est la transformée de Legendre de f , alors f est la transformée de Legendre de g. Définition 1.4.2 Soit f une fonction lisse sur Rn . On dit que f est surlinéaire si lim kq̇k→+∞ f (q̇) = +∞. k q̇ k On dit que f est fortement convexe si la forme quadratique ∂2f ∂ q̇ 2 est définie positive en tout point. Lemme 1.4.3 Soit f une fonction lisse, surlinéaire et fortement convexe. Alors la borne inférieure qui définit g(p) est atteinte en un unique point q̇p caractérisé par p = dq̇p f = ∂f (q̇p ). ∂ q̇ En particulier, g est lisse, et sa différentielle est donnée par dp g = ∂g (g) = q̇p . ∂p Autrement dit, les applications ∂f : Rn → (Rn )∗ ∂ q̇ et ∂g : (Rn )∗ → Rn ∂p sont des difféomorphismes réciproques l’un de l’autre. Preuve. La surlinéarité garantit que les sur-niveaux {q̇ ; p(q̇) − f (q̇) ≥ x} sont compacts, donc la borne supérieure est atteinte. Par convexité, {q̇ ; p(q̇) − f (q̇) = g(p)} est un convexe. En chacun de ∂f ses points, on a ∂f ∂ q̇ = p. Or le théorème des fonctions implicites s’applique à l’équation ∂ q̇ (q̇) − p = 0 : les solutions q̇ sont isolées et dépendent différentiablement du paramètre p. On conclut que la solution q̇p est unique, et que g(p) = f (q̇p ) dépend différentiablement de p. Fixons p0 ∈ (Rn )∗ et soit q̇0 = q̇p0 le point où q̇ 7→ p0 (q̇) − f (q̇) atteint son maximum g(p0 ). Pour tout p ∈ (Rn )∗ , g(p) = sup p(q̇) − f (q̇) ≥ p(q̇0 ) − f (q̇0 ) = p(q̇0 ) − p0 (q̇0 ) + g(p0 ), q̇ i.e. p(q̇0 ) − g(p) ≤ p0 (q̇0 ) − g(p0 ). Ceci prouve que p0 est le point où p 7→ p(q̇0 ) − g(p) atteint son maximum, et que applications ∂f ∂ q̇ et ∂g ∂p ∂g ∂p (p0 ) = q̇0 . Les sont donc réciproques l’une de l’autre. Exemple 1.4.4 La transformée de Legendre d’une forme quadratique définie positive f est une forme quadratique définie positive g, et on a f (q̇p ) = g(p). CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 13 En effet, si f est une forme quadratique définie positive, de matrice 21 G, alors ∂f ∂ q̇ (q̇) est la forme linéaire de matrice q̇ > G. Par conséquent l’équation p = q̇ > G a pour solution q̇p = G−1 p> , et g(p) = p(q̇p ) − f (q̇p ) 1 = pG−1 p> − pG−1 GG−1 p> 2 1 −1 > = pG p 2 = f (q̇p ). Remarque 1.4.5 Le fait que f (q̇p ) = g(p) est vrai plus généralement pour les fonctions positivement homogènes de degré 2. En effet, comme p = ∂f ∂ q̇ (q̇p ), g(p) 1.5 = p(q̇p ) − f (q̇p ) ∂f = (q̇p ) − f (q̇p ) ∂ q̇ = 2f (q̇p ) − f (q̇p ) = f (q̇p ). Équations de Hamilton Il est courant de ramener un système d’équations différentielles du second ordre dans Rn à un système d’équations du premier ordre dans Rn × Rn , en introduisant la variable supplémentaire q̇. Dans le cas des équations d’Euler-Lagrange, il se trouve qu’en appliquant une transformation de Legendre, les équations obtenues, dans Rn × (Rn )∗ , prennent une forme particulièrement élégante. 1.5.1 Une reformulation des équations de la dynamique Soit un point matériel q de masse m évoluant dans un champ de potentiel V . On appelle impulsion de q la quantité p(t) = mq̇(t). Le principe fondamental de la dynamique mq̈ = −∇V (q) peut aussi s’écrire comme un système de deux équations, 1 q̇ = m p, ṗ = −∇V (q). Le second membre s’exprime en fonction de l’énergie mécanique E = 21 m(q̇)2 + V (q) ou, mieux, 1 2 1 de la fonction H(q, p) = 2m p + V (q), car m p = ∇p H et −∇V (q) = −∇q H. On peut éviter d’utiliser le gradient si on accepte de voir l’impulsion p comme un vecteur ligne, i.e. comme une forme linéaire sur Rn . Autrement dit, on définit l’impulsion par p = mq̇ > , on voit H(q, p) = 1 p p> + V (q) 2m comme une fonction sur Rn × (Rn )∗ , et alors les équations s’écrivent ( 1 > ∂H q̇ = = mp ∂p , ṗ = −dV (q) = − ∂H ∂q . 1.5.2 Définition On commence par introduire une classe d’équations différentielles remarquables. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 14 Définition 1.5.1 Soit H : Rn × (Rn )∗ × R → R une fonction lisse. Le système d’équations différentielles q̇ = ∂H , ∂p ṗ = − ∂H . ∂q s’appelle équations de Hamilton (Hamilton equations) associées au hamiltonien (Hamiltonian) H. Exercice 14 On suppose que la fonction H(q, p, t) = H(q) ne dépend ni de p ni de t. Vérifier que, dans ce cas, les équations d’Hamilton s’intègrent explicitement. 1.5.3 Equivalence entre Euler-Lagrange et Hamilton Théorème 3 Soit L un lagrangien lisse qui, comme fonction de q̇, est surlinéaire et fortement convexe. Les équations d’Euler-Lagrange correspondantes sont équivalentes aux équations de Hamilton associées à la fonction H : (Rn )∗ × Rn × R → R, H(q, p, t) = sup p(q̇) − L(q, q̇, t), q̇ transformée de Legendre de L par rapport à la variable q̇. A une solution t 7→ (q(t), p(t)) des équations d’Hamilton correspond la solution t 7→ q(t) des équations d’Euler-Lagrange. Inversement, toute solution t 7→ q(t) des équations d’Euler-Lagrange se relève par p(t) = ∂L ∂ q̇ (q(t), q̇(t), t) en une solution des équations d’Hamilton. Notons (q, p, t) 7→ q̇p le point tel que Preuve. H(q, p, t) = p(q̇p ) − L(q, q̇p , t). On calcule ∂H (q, p, t) ∂q ∂ q̇p ∂L ∂L ∂ q̇p )− (q, q̇p , t) − (q, q̇p , t)( ) ∂q ∂q ∂ q̇ ∂q ∂L = − (q, q̇p , t), ∂q = p( car, d’après le lemme 1.4.3, p = ∂L ∂ q̇ (q, q̇p , t). Soit t 7→ q(t) une courbe dans Rn . Posons p(t) = ∂L ∂ q̇ (q(t), q̇(t), t). D’après le lemme 1.4.3, à q ∂H ∂L et t fixé, l’application ∂ q̇ est un difféomorphisme réciproque de ∂H ∂p , donc q̇(t) = ∂p (q(t), p(t), t). ∂L Si t 7→ q(t) est une solution des équations d’Euler-Lagrange, alors ∂q (q(t), q̇(t), t) − ṗ(t) = 0, donc ṗ(t) = − ∂H ∂q (q(t), p(t), t). Ceci prouve que t 7→ (q(t), p(t)) est solution des équations de Hamilton. Réciproquement, supposons que t 7→ (q(t), p(t)) est une solution des équations de Hamilton. D’après le lemme 1.4.3, l’équation q̇(t) = ∂H ∂p (q(t), p(t), t) montre que q̇(t) = q̇p(t) , d’où p(t) = ∂H ∂L ∂L ∂ q̇ (q(t), q̇(t), t) et ∂q (q(t), p(t), t) = − ∂q (q(t), q̇(t), t). Avec la deuxième équation de Hamilton, ṗ(t) = − ∂H ∂q (q(t), p(t), t), il vient d ∂L d ∂H ∂L (q(t), q̇(t), t) = p(t) = ṗ(t) = − (q(t), p(t), t) = (q(t), q̇(t), t), dt ∂ q̇ dt ∂q ∂q ce sont les équations d’Euler-Lagrange. Exemple 1.5.2 Les équations fondamentales de la dynamique pour un point matériel de masse m évoluant dans un champ de potentiel V sont équivalentes aux équations de Hamilton de hamiltonien H(q, p) = 1 p p> + V (q). 2m En effet, ajouter une constante (ici, −V (q)) au potentiel la retranche à la transformée de Legendre, et le calcul de la transformée de Legendre d’une forme quadratique a été fait en 1.4.4. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.5.4 15 Cas des lagrangiens homogènes de degré 1 Si le lagrangien est homogène de degré un (c’est le cas notamment pour la longueur riemannienne), le théorème 3 ne s’applique pas. Ce n’est pas étonnant. La famille des extrémales est alors invariante par reparamétrisation, elle est de dimension infinie, trop riche pour correspondre aux solutions des équations de Hamilton. En revanche les extrémales paramétrées à vitesse constante sont d’origine hamiltonnienne. Proposition 1.5.3 Soit L un lagrangien qui, comme fonction de q̇, est homogène de degré 1, et dont les hypersurfaces de niveau sont lisses et fortement convexes. Alors les extrémales de L qui sont paramétrées à vitesse constante (i.e. t 7→ L(q, q̇, t) est constante) sont des extrémales du lagrangien L2 , qui est surlinéaire et fortement convexe. Preuve. d ∂L2 − ∂q dt ∂L2 (q, q̇, t) ∂ q̇ = = ∂L d ∂L − 2L (q, q̇, t) ∂q dt ∂ q̇ d ∂L ∂L − ( (q, q̇, t))) 2L( ∂q dt ∂ q̇ 2L si L(q, q̇, t) est constant. Exercice 15 Soit g une métrique riemannienne définie sur un ouvert U de Rn . Ecrire le hamiltonien défini sur U × (Rn )∗ qui décrit les géodésiques paramétrées à vitesse constante. 1.6 Origine symplectique des équations de Hamilton 1.6.1 La 1-forme canonique On notera typiquement p une forme linéaire sur Rn , vue comme un vecteur ligne. Pn Définition 1.6.1 Sur Rn × (Rn )∗ , on note α = pdq = i=1 pi dqi la 1-forme différentielle définie par α(q,p) (q̇, ṗ) = pq̇. Lemme 1.6.2 Soit U un ouvert de Rn , soit φ un difféomorphisme de U , soit Φ = T ∗ φ : U × (Rn )∗ → U × (Rn )∗ , (q, p) 7→ (φ(q), p( ∂φ −1 ) ) ∂q le difféomorphisme induit. Alors Φ∗ α = α. Preuve. (Φ∗ α)(q,p) (q̇, ṗ) = α(φ(q),p( ∂φ )−1 ) (d(q,p) Φ(q̇, ṗ)) ∂q ∂φ ∂φ = p( )−1 q̇ ∂q ∂q = pq̇ = α(q,p) (q̇, ṗ). CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.6.2 16 La 2-forme canonique Définition 1.6.3 Sur Rn × (Rn )∗ , on note ω = dα = dp ∧ dq = n X dpi ∧ dqi . i=1 Autrement dit, ω(q,p) ((q̇, ṗ), (q̇ 0 , ṗ0 )) = ṗq̇ 0 − ṗ0 q̇. Lemme 1.6.4 Soit U un ouvert de Rn , soit φ un difféomorphisme de U , soit Φ = T ∗ φ : U × (Rn )∗ → U × (Rn )∗ , (q, p) 7→ (φ(q), p( ∂φ −1 ) ) ∂q le difféomorphisme induit. Alors Φ∗ ω = ω. Preuve. Φ∗ ω = Φ∗ dα = dΦ∗ α = dα = ω. Lemme 1.6.5 La forme Ω est non dégénérée, i.e. pour tout vecteur (q̇, ṗ) non nul, il existe (q̇ 0 , ṗ0 ) tel que ω((q̇, ṗ), (q̇ 0 , ṗ0 )) 6= 0. Preuve. On pose ṗ0 = −q̇ > et q̇ 0 = ṗ> . Il vient ω(q,p) ((q̇, ṗ), (q̇ 0 , ṗ0 )) = ṗq̇ 0 − ṗ0 q̇ = k ṗ k2 + k q̇ k2 > 0. Définition 1.6.6 Soit U un ouvert de Rn . Soit f une fonction lisse sur U × (Rn )∗ . Il existe un unique champ de vecteurs ξf tel que ιξf ω = −df , i.e. ω(ξf , ·) = −df. On l’appelle le champ de vecteurs hamiltonien attaché à f , ou bien le gradient symplectique de f . Proposition 1.6.7 Les équations de Hamilton définissent les lignes intégrales du gradient symplectique ξH du hamiltonien H. Preuve. 1.6.3 Les composantes de ξH sont précisément q̇ = ∂H ∂p et ṗ = − ∂H ∂q . Transformations canoniques On vient de voir que les équations de Hamilton sont produites à partir de la 2-forme ω et du hamiltonien H. Par conséquent, tout difféomorphisme Φ de U × (Rn )∗ qui préserve ω envoie les solutions des équations de Hamilton relatives à H sur les solutions des équations de Hamilton relatives au hamiltonien H ◦ Φ. Définition 1.6.8 On appelle transformation canonique ou difféomorphisme symplectique tout difféomorphisme de U × (Rn )∗ qui préserve la 2-forme différentielle ω. Exemple 1.6.9 D’après le lemme 1.6.4, tout difféomorphisme φ de U se relève en une transformation canonique. Exercice 16 Soit φ : (q, p) 7→ (Aq + Bp> , q > C + pD) une application linéaire Rn × (Rn )∗ → Rn ×(Rn )∗ . À quelles conditions sur les matrices n×n A, B, C et D φ est-elle une transformation canonique ? CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 17 Lemme 1.6.10 Soit f une fonction sur U × (Rn )∗ . Soit s 7→ Φs le groupe à un paramètre (local) de difféomorphismes de U × (Rn )∗ engendré par le gradient symplectique ξf . Alors, pour tout s, φs est une transformation canonique. Réciproquement, si s 7→ φs est un groupe à un paramètre de transformations canoniques, et si U est simplement connexe, alors le champ de vecteurs qui engendre φs est hamiltonien, i.e. c’est le gradient symplectique d’une fonction. Preuve. D’après la formule de Cartan (proposition 1.9.11), Lξf ω = dιξf ω = d(−df ) = 0. D’après la proposition 1.9.3, cela entraı̂ne que φ∗s ω = ω pour tout s. Réciproquement, si le champ de vecteurs V engendre des transformations canoniques, la 1-forme différentielle −ιV ω est fermée. Si U est simplement connexe, elle est exacte, −ιV ω = df , et V est hamiltonien. 1.6.4 Crochet de Poisson Définition 1.6.11 Soient f et g des fonctions lisses sur U × Rn . Il existe une fonction lisse notée {f, g} telle que ξ{f,g} = [ξf , ξg ]. On l’appelle le crochet de Poisson (Poisson bracket) de f et de g. Il est donné par les formules {f, g} = (ξf )g = −(ξg )f = n X ∂f ∂g ∂f ∂g − . ∂p ∂q ∂q i i i ∂pi i=1 Preuve. Soit s 7→ φs le groupe à un paramètre de difféomorphismes engendré par ξf . Comme φs préserve ω, l’image par φs du gradient symplectique ξg est ξφ∗s g . En dérivant par rapport à s en s = 0, on trouve que [ξf , ξg ] = Lξf ξg d ((φs )∗ ξg )|s=0 = ds d = (ξφ∗ g )|s=0 ds s = ξLξf g = ξ(ξf )g . Proposition 1.6.12 Le crochet de Poisson possède les propriétés suivantes. – Antisymétrie. {g, f } = −{f, g}. – Dérivation. {f h, g} = f {h, g} + h{f, g}. – Identité de Jacobi. {{f, g}, h} + {{g, h}, f } + {{h, f }, g} = 0. Preuve. teurs. Ces propriétés résultent de propriétés analogues du crochet de Lie des champs de vec- Remarque 1.6.13 Un espace vectoriel muni d’une multiplication associative et d’un crochet satisfaisant aux trois propriétés ci-dessus s’appelle une algèbre de Poisson. Exercice 17 Soient f (q, p) = aq + pb, g(q, p) = cq + pd deux fonctions linéaires sur Rn × (Rn )∗ . Calculer leur crochet de Poisson. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.6.5 18 Intégrales premières et hamiltoniens Proposition 1.6.14 Soient f et H des fonctions sur U ×(Rn )∗ . Alors f est une intégrale première des équations de Hamilton relatives à H si seulement si {H, f } = 0. Corollaire 1.6.15 Les équations d’Hamilton possèdent toujours au moins une intégrale première, à savoir le hamiltonien H lui-même. Corollaire 1.6.16 Les équations d’Euler-Lagrange associées à un lagrangien surlinéaire et fortement convexe possèdent au moins une intégrale première. n n ∗ Preuve. La transformation de Legendre fournit un difféomorphisme ∂L ∂ q̇ : U × R → U × (R ) qui transporte les solutions des équations d’Euler-Lagrange sur celles des équations de Hamilton relatives à un certain hamiltonien H. Alors H ◦ ∂L ∂ q̇ est une intégrale première des équations d’EulerLagrange. Remarque 1.6.17 Lorsque le lagrangien est quadratique, il est lui-même intégrale première des équations d’Euler-Lagrange. Cela résulte de la remarque 1.4.5. Exercice 18 Soit H un hamiltonien sur Rn ×(Rn )∗ . Soient f et g deux intégrales premières de H. Montrer que {f, g} est encore une intégrale première. Dans le cas du mouvement d’un solide dans l’espace soumis à aucune force extérieure, montrer qu’il existe 6 intégrales premières (la vitesse du centre de gravité et le moment cinétique), et calculer leurs crochets de Poisson deux à deux. 1.6.6 Symétries hamiltoniennes On rappelle qu’un champ de vecteurs sur U × (Rn )∗ est dit hamiltonien si c’est un gradient symplectique. Exemple 1.6.18 Soit V un champ de vecteurs sur U . Alors V se relève en un champ de vecteurs hamiltonien W sur U × (Rn )∗ , le gradient symplectique de la fonction linéaire dans les fibres fV (q, p) = p(V (q)). Le flot de W est formé des difféomorphismes Φs relevant le flot φs de V . Voici une version hamiltonienne du théorème de Noether. Théorème 4 Soit U un ouvert de Rn . Soit H un hamiltonien défini sur U × (Rn )∗ . Soit f une fonction sur U × (Rn )∗ , soit W le champ de vecteurs hamiltonien sur U × (Rn )∗ correspondant. Si W est une symétrie infinitésimale de H, i.e. LW H = 0, alors f est une intégrale première des équations de Hamilton associées à H. Preuve. Le crochet de Poisson {f, H} = Lξf H = LW H = 0, donc f est une intégrale première de H. Remarque 1.6.19 Cet énoncé a une portée plus générale que le théorème 2, puisqu’on admet comme symétrie infinitésimale tout champ hamiltonien et non seulement ceux qui relèvent des champs de vecteurs sur U . Toutefois, il n’implique le théorème 2 que lorsque le lagrangien est suffisamment régulier. Exercice 19 Déduire le théorème 2 de Noether de sa version hamiltonienne, le théorème 4, dans le cas où le lagrangien est surlinéaire et fortement convexe. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.6.7 19 Equations de Hamilton sur les variétés Si on remplace U ⊂ Rn par une variété M , ce qui remplace U × (Rn )∗ , c’est le fibré cotangent T M . Il possède une 1-forme différentielle tautologique α, cela résulte, par exemple, du lemme 1.6.2, et sa différentielle ω = dα est non dégénérée. Étant donné un hamiltonien H : T ∗ M → R, on peut donc parler de gradient symplectique et formuler les équations de Hamilton, dont les solutions sont les lignes intégrales du gradient symplectique de H. ∗ Exercice 20 On utilise le difféomorphisme SO(3) × (R3 )∗ → T ∗ SO(3) donné par les translations à gauche. Ecrire la 1-forme et la 2-forme canoniques, ainsi que le hamiltonien du solide tournant autour de l’origine, dans un champ de potentiel V . Théorème 5 (Liouville). Les équations de Hamilton définissent sur T ∗ M un groupe à un paramètre s 7→ φs de difféomorphismes qui conserve le volume ω n . Preuve. D’après la formule de Cartan 1.9.11, LξH ω = dιξH ω + ιξH dω = d(−dH) = 0. Par conséquent, le groupe à un paramètre φs préserve la forme ω, et aussi sa puissance extérieure n-ème. En coordonnées, on calcule ωn = (dp1 ∧ dq1 + · · · + dpn ∧ dqn )n = n! dp1 ∧ dq1 ∧ · · · ∧ dpn ∧ dqn , qui ne s’annule jamais, c’est bien un élément de volume. Corollaire 1.6.20 (Principe de récurrence de Poincaré). Soit M une variété compacte. Soit H : T ∗ M → R un hamiltonien propre, i.e. tel que les ensembles de sous-niveau {H ≤ c} soient compacts. Dans tout ouvert U de T ∗ M , il existe (q, p) ∈ U tel que, pour des s arbitrairement grands, φs (q, p) ∈ U . Preuve. On peut supposer U contenu dans un N = {H ≤ c}. Fixons s0 > 0. Les ensembles φks0 (U ), k ∈ N, ne peuvent pas être tous disjoints, car ils ont même volume, ils sont contenus dans N et vol(N ) est fini. Par conséquent, il existe k < ` tels que φks0 (U ) ∩ φ`s0 (U ) 6= ∅. Alors U ∩ φ(`−k)s0 (U ) 6= ∅. En appliquant ce résultat à des ouverts contenus dans U , on conclut que pour tout m ∈ N, Um = {(q, p) ∈ U ; ∃s > m tel que φs (q, p) ∈ U } est dense dans U . Comme les Um sont ouverts, d’après le théorème de Baire, leur intersection est dense dans U . Autrement dit, il existe un point (q, p) de U qui revient une infinité de fois dans U . Exercice 21 Soit H : T ∗ M → R un hamiltonien qui, comme fonction de p seul, est quadratique et défini positif. Soit Nc = {H = c} une hypersurface de niveau de H, avec c 6= 0. Vérifier que la 2n − 1-forme différentielle α ∧ ω n−1 , restreinte à Nc , ne s’annule jamais, et qu’elle est invariante par le flot du gradient symplectique ξH . 1.6.8 Structure symplectique Plus généralement, pour définir les équations de Hamilton, le crochet de Poisson, etc... sur une variété quelconque (et non seulement le fibré cotangent d’une variété), il suffit de se donner une forme symplectique. Définition 1.6.21 Une structure symplectique (symplectic structure) sur une variété M est la donnée d’une 2-forme différentielle ω sur M telle que CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 20 – ω est fermée, i.e. dω = 0 ; – ω est non dégénérée, i.e. pour tout point q ∈ M et tout vecteur non nul q̇ ∈ Tq M , il existe un vecteur q̇ 0 ∈ Tq M tel que ωq (q̇, q̇ 0 ) 6= 0. Noter que l’existence d’une 2-forme non dégénérée entraı̂ne que la dimension de M est paire, dim(M ) = 2n. Alors la 2n-forme ωn = ω ∧ · · · ∧ ω se s’annule pas. Elle détermine une orientation de M . Si M est compacte, Z ω n 6= 0. M Par conséquent, ω n’est pas exacte. En effet, si ω = dβ, alors ω n = d(β ∧ ω n−1 ), R d’où M ω n = 0, contradiction. Par conséquent, certaines variétés n’admettent pas de structure symplectique : les variétés de dimension impaire, les variétés non orientables, comme le ruban de Möbius, les variétés compactes dont le second groupe de cohomologie de de Rham est nul, comme les sphères S 2n , n > 1. Définition 1.6.22 Soit (M, ω) une variété symplectique. Soit H : M → R une fonction lisse. Les équations de Hamilton correspondantes caractérisent les lignes intégrales du gradient symplectique de H, i.e. du champ de vecteurs ξH tel que ιξH ω = −dH. Le théorème de Liouville se généralise immédiatement : les équations de Hamilton définissent un groupe à un paramètre s 7→ φs de difféomorphismes de M qui conserve le volume ω n . Le principe de récurrence de Poincaré garantit alors que si M est compacte, pour tout ouvert U de M , il existe q ∈ U tel que φs (q) ∈ U pour des s arbitrairement grands. 1.7 Méthode d’Hamilton-Jacobi Étant donné un hamiltonien H, il s’agit de construire une transformation canonique φ de l’espace des phases telle que H ◦ φ ait une forme plus simple que H, de sorte que le changement de variables φ permette d’avancer vers la résolution des équations. 1.7.1 Fonction génératrice Pn Convenons de noter α = pdq = i=1 pi dqi la 1-forme différentielle tautologique sur le fibré cotangent d’un ouvert de Rn . Soit φ : U × (Rn )∗ → U 0 × (Rn )∗ , (q, p) 7→ φ(q, p) = (Q(q, p), P (q, p)) une transformation canonique. Alors la forme α − φ∗ α = pdq − P dQ est fermée. Si U est simplement connexe, il existe donc une fonction S sur U × (Rn )∗ telle que α − φ∗ α = dS. Supposons que l’application (q, p) 7→ (q, Q(q, p)) est un difféomorphisme de U × (Rn )∗ sur U × U 0 . On peut alors voir S comme une fonction sur U × U 0 , et l’équation dS = pdq − P dQ s’interprète comme ∂S = pi , ∂qi ∂S = −Pi . ∂Qi CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 21 Inversement, étant donné une fonction S sur U × U 0 , on va reconstruire le difféomorphisme φ. Pour cela, il faut supposer que pour tout q ∈ U , le système d’équations ∂S (q, Q) = p ∂q possède une unique solution Q = Q(q, p). Une condition nécessaire, localement suffisante, est que ∂2S la différentielle seconde soit une forme bilinéaire non dégénérée. Dans ce cas, on peut poser ∂q∂Q ∂S P (q, p) = − ∂Q (q, Q(q, p)) ∈ (Rn )∗ . L’application φ = (Q, P ) : U × (Rn )∗ → U 0 × (Rn )∗ satisfait φ∗ α = P dQ = pdq − dS = α − dS, où on a noté abusivement S la fonction sur U × (Rn )∗ définie par S(q, p) = S(q, Q(q, p)). Il vient φ∗ ω = ω, donc φ est un difféomorphisme local, car ω est non dégénérée. Si de plus φ est bijective, alors φ est une transformation canonique. Définition 1.7.1 On appelle S la fonction génératrice (generating function) de φ. Moralité. Au moins localement, et sous des conditions de non dégénerescence, toute transformation canonique possède une fonction génératrice. Inversement, étant donné une fonction S dépendant de la position q (mais pas du moment p), ainsi que de n paramètres supplémentaires Qi , au moins localement et sous des hypothèses de non dégénérescence, on peut construire une transformation canonique à partir de S. Remarque 1.7.2 La condition de non dégénénérescence n’est pas satisfaite par les transformations canoniques induites par les difféomorphismes de U sur U 0 . La méthode des fonctions génératrices fournit donc des changements de coordonnées d’une nature différente. Exercice 22 Soit φ : (q, p) 7→ (Aq + Bp> , q > C + pD) une application linéaire Rn × (Rn )∗ → Rn × (Rn )∗ . On suppose que φ est une transformation canonique. Montrer que si B est inversible, alors φ possède une fonction génératrice. 1.7.2 Equation d’Hamilton-Jacobi On se donne un hamiltonien H sur U × (Rn )∗ . On cherche une transformation canonique φ : U × (Rn )∗ → U 0 × (Rn )∗ , (q, p) 7→ (Q, P ) telle que la fonction H ◦ φ−1 sur U 0 × (Rn )∗ ne dépende que de la position Q mais pas du moment P . Si φ est engendré par la fonction génératrice −1 S = S(q, Q), alors p = ∂S (Q, P ) = H(q, ∂S ∂q (q, Q). On veut donc que H ◦ φ ∂q ) ne dépende que de Q. Autrement dit, pour chaque valeur des paramètres Qi , S, vue comme fonction de la position q, doit satisfaire une équation aux dérivées partielles de la forme H(q, ∂S ) = const.(Q). ∂q Définition 1.7.3 Soit M une variété, soit H : T ∗ M → R un hamiltonien. Soit S : M → R une fonction sur M . On dit que S est solution de l’équation d’Hamilton-Jacobi si q 7→ H(q, ∂S ∂q ) est constante. Exemple 1.7.4 Soit M une variété riemannienne. On utilise la métrique riemannienne (multipliée par 21 ) comme lagrangien. Soit H : T ∗ M → R le hamiltonien correspondant. Alors la fonction distance à un point q0 , r(q) = inf{long(c) ; c relie q0 à q} est une solution de l’équation d’Hamilton-Jacobi dans un voisinage de q0 . CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 22 En effet, on verra au chapitre 3 que r est lisse au voisinage de q0 (sauf en q0 ), et que dans ce voisinage, r(q) est la longueur de l’unique géodésique reliant q0 à q. Par unicité, le long de la géodésique t 7→ q(t) telle que q(0) = q0 et q(r(q)) = q, on a r(q(t)) = t, donc |∇r| ≥ 1. Inversement, l’inégalité triangulaire |r(q) − r(q 0 )| ≤ d(q, q 0 ) entraı̂ne que |∇r| ≤ 1. Par conséquent |∇r| ≡ 1. Comme le hamiltonien H est (à un facteur 21 près) le carré de la norme des covecteurs (exemple 1.4.4), et |dr| = |∇r| = 1, r satisfait l’équation 1 de Hamilton-Jacobi H(q, ∂r ∂q ) = 2 . 1.7.3 Front d’onde Plus généralement, étant donné une solution S de l’équation d’Hamilton-Jacobi, les ensembles de niveau {S = c} représentent des fronts d’ondes. Le terme vient de l’optique. On considère une source lumineuse N , ponctuelle ou non, émettant une onde. On s’intéresse à la phase de l’onde au temps t, au point q. Pour chaque t, c’est une solution de l’équation d’Hamilton-Jacobi, et, en un sens, la plus générale. 1.7.4 Systèmes complètement intégrables La plupart des équations qu’on sait intégrer analytiquement de bout en bout possèdent une propriété très forte : les intégrales premières que l’on construit ont des crochets de Poisson mutuels qui sont tous nuls (noter que ce n’est pas le cas pour les composantes du moment cinétique dans le cas de la toupie). On dit que ces intégrales premières sont en involution. Il existe dans ce cas un théorème de structure qui décrit entièrement le système. En particulier, les trajectoires bornées sont quasipériodiques : ce sont les orbites d’un champ de vecteur constant sur un tore. Définition 1.7.5 Soit (M, ω) une variété symplectique de dimension 2n. Le hamiltonien H : M → R est dit complètement intégrable s’il existe n fonctions Qi telles que – les crochets de Poisson {Qi , Qj } et {H, Qi } sont nuls ; – les formes dQi sont linéairement indépendantes. Théorème 6 (Liouville). Soit (M, ω) une variété symplectique de dimension 2n. Soit H : M → R un hamiltonien complètement intégrable. Soit Q = (Q1 , . . . , Qn ) : M → Rn le vecteur des intégrales premières en involution. Soit v ∈ Rn tel que Mv = Q−1 (v) soit compacte et connexe. Alors il existe un difféomorphisme φ : Mv → Rn /Zn qui envoie les gradients symplectiques des fonctions Qi et H sur des champs de vecteurs constants. Preuve. Par hypothèse, la différentielle de Q est surjective, donc Mv est une sous-variété de M de dimension n. Soit s 7→ φis le groupe à un paramètre (local) de difféomorphismes de M engendré par le gradient symplectique de Qi . Comme 0 = {Qj , Qi } = dQj (ξQi ), ce groupe préserve chaque fonction Qj et donc aussi la sous-variété Mv . Comme celle-ci est compacte, la restriction à Mv de s 7→ φis est définie globalement. Fixons un point q0 ∈ Mv . Comme les crochets [ξQi , ξQj ] = {Qj , Qi } sont nuls, les flots commutent (corollaire 1.9.7). L’application ψ : R n → Mv , (t1 , . . . , tn ) 7→ φ1t1 ◦ · · · ◦ φntn (q0 ) envoie chaque champ de vecteurs de coordonnées ∂t∂ i sur ξQi . Comme ceux-ci sont linéairement indépendants, ψ est un difféomorphisme local. Comme ψ est une orbite d’une action de groupe, l’image réciproque G = ψ −1 (q0 ) est un sous-groupe de Rn , et ψ induit un difféomorphisme de l’espace quotient Rn /G sur Mv . Comme G et discret et Rn /G est compact, on vérifie que G est le sous-groupe engendré par n vecteurs linéairement indépendants, i.e., c’est l’image de Zn par une bijection linéaire L. On conclut que ψ ◦ L est un difféomorphisme de Rn /Zn sur Mv , qui envoie des champs de vecteurs constants sur les ξQi . CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 23 Les systèmes intégrables ont une autre vertu : on peut les quantifier, i.e. remonter du système classique au système quantique sous-jacent. C’est pourquoi les systèmes intégrables (en dimension finie ou infinie) jouissent d’une grande faveur en physique mathématique. 1.7.5 Méthode d’Hamilton-Jacobi Théorème 7 (Hamilton-Jacobi). Soient U et U 0 des ouverts de Rn . Soit H : U × (Rn )∗ → R. Un hamiltonien. Soit S : U × U 0 → R une fonction telle que – à Q fixé, S est une solution de l’équation d’Hamilton-Jacobi ; – pour chaque (q, p) ∈ U ×(Rn )∗ , l’équation ∂S ∂q (q, Q) = p possède une unique solution Q(q, p) ∈ 0 U ; ∂S (q, Q) = P possède au plus une solution – pour chaque (Q, P ) ∈ U 0 × (Rn )∗ , l’équation − ∂Q q ∈ U. Alors H est complètement intégrable. Preuve. par Comme on l’a vu au paragraphe 1.7.1, l’application φ : U × (Rn )∗ → U 0 × (Rn )∗ définie φ(q, p) = (Q(q, p), P (q, p) = − ∂S (q, Q(q, p))) ∂Q est un difféomorphisme local. C’est une injection. En effet, étant donné (Q, P ) ∈ U 0 ×(Rn )∗ , il existe ∂S 0 0 (q, Q) = P . Alors φ(q, ∂S un unique q ∈ U tel que − ∂Q ∂q (q, Q)) = (Q, P ). Une autre solution (q , p ) ∂S satisfait q = q 0 par unicité de la solution de − ∂Q (q, Q) = P . Par définition de Q(q, p) = Q(q, p0 ), p= ∂S ∂S (q, Q(q, p)) = (q, Q(q, p0 )) = p0 . ∂q ∂q L’équation d’Hamilton-Jacobi garantit que dans les coordonnées (Q, P ), H ne dépend que de Q, donc les crochets de Poisson {H, Qi }, comme les {Qi , Qj }, sont nuls relativement à la structure symplectique dP ∧ dQ. Pour cette structure, les gradients symplectiques des Qi sont les vecteurs de ∂ coordonnées ∂P , ils sont linéairement indépendants. Comme φ est symplectique, c’est vrai aussi i pour la structure symplectique dp ∧ dq. Remarque 1.7.6 Le théorème 7 donne, en plus des intégrales premières Qi , les variables conjuguées Pj telles que (Q, P ) soient des coordonnées symplectiques, et dans lesquelles le mouvement est une translation. En fait, de telles coordonnées existent, au voisinage d’un tore de Liouville, pour tout système intégrable (V. Arnold). Exemple 1.7.7 Mouvement dans un champ coulombien. Soit un point matériel de masse m en mouvement plan dans un potentiel V (r) = a/r. Le mouvement est gouverné par le lagrangien L(q, q̇) = 21 mq̇ 2 − V (r). En coordonnées polaires, celui-ci s’écrit L(r, θ, ṙ, θ̇) = 1 2 1 mṙ + m r2 θ̇ − V (r). 2 2 D’après l’exemple 1.4.4, le hamiltonien correspondant s’écrit H(r, θ, pr , pθ ) = 1 −1 2 1 m pr + (mr2 )−1 p2θ + V (r). 2 2 Soit S = S(r, θ) une fonction. L’équation d’Hamilton-Jacobi s’écrit 1 −1 ∂S 2 1 ∂S m ( ) + (mr2 )−1 ( )2 + V (r) = const.. 2 ∂r 2 ∂θ CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 24 Le jeu consiste à exhiber une famille à 2 paramètres de solutions. Cela demande un peu d’astuce. On les cherche sous la forme S(r, θ) = f (r) + g(θ). Il vient 1 −1 0 2 1 m f (r) + (mr2 )−1 g 0 (θ)2 + V (r) = const., 2 2 qui équivaut au système g 0 (θ) f 0 (r) = Q2 , q 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r) = où Q1 et Q2 sont des constantes d’intégration, qui vont servir de paramètres. La fonction génératrice choisie est la fonction S(r, θ, Q1 , Q2 ) telle que ∂S ∂θ ∂S ∂r = g 0 (θ) = Q2 , q = f 0 (r) = 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r), soit Z q S(r, θ, Q1 , Q2 ) = Q2 θ + 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r) dr. On calcule les variables conjuguées ∂S =− ∂Q1 Z m P1 = − P2 ∂S = − = −θ + ∂Q2 p 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r) Z dr, 2r−2 Q2 p dr. 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r) Par construction, pour tout q = (r, θ) et tout p = (pr , pθ ), l’équation ∂S ∂q (q, Q) = p possède une ∂S ∂S unique solution Q. Inversement, étant donné Q, ∂Q1 et ∂Q2 sont des fonctions monotones de r ∂S et de θ, donc l’équation − ∂Q = P possède au plus une solution. Du théorème 7, il résulte que le système est complètement intégrable. Si la condition 2mQ1 − r−2 Q22 − 2mV (r) > 0 délimite un intervalle bornée, alors la trajectoire reste bornée, et, d’après le théorème 6, le mouvement est quasipériodique. Lorsque V (r) = ar−1 , on peut aller au bout du calcul. La condition 2mQ1 − Q22 r−2 − 2mar−1 entraı̂ne que r est borné si et seulement si le discriminant 2mQ1 Q22 + m2 a2 > 0. Dans ce cas, le changement de variable u = r−1 , donne Z P2 r −1 2Q2 du p 2mQ1 − u2 Q22 − 2mau = −θ − arcsin(α + β/r). = −θ − En coordonnées (Q, P ), le hamiltonien s’écrit H = Q1 , donc {H, P2 } = {Q1 , P2 } = 0, i.e. P2 est une intégrale première, ce qui donne l’équation polaire des trajectoires, sin(θ − θ0 ) = α + β/r. On trouve des ellipses. De {H, P1 } = {Q1 , P1 } = −1, on peut tirer le paramétrage des ellipses. Si 2mQ1 Q22 + m2 a2 < 0 (resp. = 0) on trouve des hyperboles (resp. des paraboles). CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.8 1.8.1 25 La toupie symétrique Angles d’Euler Ce sont des coordonnées sur le groupe des rotations. Fixons un repère orthonormé (ex , ey , ez ) de R3 . Un second repère orthonormé direct (e1 , e2 , e3 ) tel que e3 6= ±ez s’obtient à partir du premier par les opérations suivantes. Notons en un vecteur unitaire directeur de l’intersection des plans V ect(ex , ey ) et V ect(e1 , e2 ). On fait tourner (ex , ey , ez ) autour de ez , d’un angle φ, de sorte que ex arrive en en . Remarquer que ez et e3 sont tous les deux dans le plan orthogonal à en . On fait tourner le repère obtenu autour de en , d’un angle θ, pour amener ez sur e3 . Enfin, on fait tourner le repère obtenu autour de e3 , d’un angle ψ, pour amener en sur e1 . Notons ρz (φ) (resp. ρn (θ), resp. ρ3 (ψ)) les rotations citées. Alors ρn (θ) = ρz (φ)ρx (θ)ρz (φ)−1 , donc ρn (θ)ρz (φ) = ρz (φ)ρx (θ) envoie ez sur e3 . Par conséquent, ρ3 (ψ) = ρz (φ)ρx (θ)ρz (ψ)(ρz (φ)ρx (θ))−1 , donc la rotation qui envoie (ex , ey , ez ) sur (e1 , e2 , e3 ) est R(φ, θ, ψ) = ρ3 (ψ)ρn (θ)ρz (φ) = ρz (φ)ρx (θ)ρz (ψ). Calculons la différentielle de R : R3 → SO(3). Ṙ(φ, θ, ψ) = φ̇ρ̇z (φ)ρx (θ)ρz (ψ) + θ̇ρz (φ)ρ̇x (θ)ρz (ψ) + ψ̇ρz (φ)ρx (θ)ρ̇z (ψ), d’où R−1 Ṙ = φ̇ρz (−ψ)ρx (−θ)ρz (−φ)ρ̇z (φ)ρx (θ)ρz (ψ) + θ̇ρz (−ψ)ρx (−θ)ρ̇x (θ)ρz (ψ) + ψ̇ρz (−ψ)ρ̇z (ψ) = φ̇aΩφ + θ̇aΩθ + ψ̇aΩψ où cos ψ Ωθ = ρz (−ψ)ex = − sin ψ , 0 Ωψ = ez , sin ψ sin θ Ωφ = ρz (−ψ)ρx (−θ)ez = cos ψ sin θ . cos θ On remarque que Ωθ est orthogonal à Ωψ et à Ωφ , et que ces derniers font un angle θ. Par conséquent, R est une immersion sur R/2πZ×]0, π[×R/2πZ. 1.8.2 Calcul du lagrangien Considérons un solide dont le tenseur d’inertie possède une valeur propre double I1 = I2 . On suppose de plus que le centre de gravité G se trouve sur l’axe principal d’inertie double. Choisissons pour repère orthonormé (ex , ey , ez ) les axes principaux d’inertie du solide au repos, et posons G = `ez . Repérons la position du solide en mouvement par ses angles d’Euler (φ(t), θ(t), ψ(t)). La vitesse angulaire Ω(t) telle que aΩ(t) = R(φ(t), θ(t), ψ(t))−1 Ṙ(φ(t), θ(t), ψ(t)) est donnée par Ω = φ̇Ωφ + θ̇Ωθ + ψ̇Ωψ φ̇ sin ψ sin θ + θ̇ cos ψ = φ̇ cos ψ sin θ − θ̇ sin ψ . cos θφ̇ + ψ̇ Par conséquent, 1 1 1 1 > Ω AΩ = I1 θ̇2 + I1 sin2 θφ̇2 + I3 (φ̇ cos θ + ψ̇)2 . 2 2 2 2 CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 26 L’énergie potentielle de gravité du solide s’écrit Z Z V (Rq) dq = g e> z Rq ρ(q)dq S S Z = g e> R q ρ(q)dq z S > mg` ez Rez = = mg` cos θ, donc le mouvement est gouverné par le lagrangien L(φ, θ, ψ, φ̇, θ̇, ψ̇) = q̇ > Gq̇ − mg` cos θ, où I1 sin2 θ + I3 cos2 θ G= 0 I3 cos θ φ̇ q̇ = θ̇ , ψ̇ 1.8.3 0 I1 0 I3 cos θ 0 . I3 Calcul du hamiltonien La transformation de Legendre donne H(φ, θ, ψ, pφ , pθ , pψ ) 1.8.4 = pG−1 p> + mg` cos θ 1 2 1 2 1 2 = 2 (pφ − pψ cos θ) + 2I pψ + 2I pθ + mg` cos θ. 2I1 sin θ 3 1 Résolution de l’équation d’Hamilton-Jacobi Elle s’écrit 1 ∂S ∂S 1 ∂S 2 1 ∂S 2 2 2 ( ∂φ − ∂ψ cos θ) + 2I ( ∂ψ ) + 2I ( ∂θ ) + mg` cos θ = const.. 2I1 sin θ 3 1 De nouveau, on cherche une solution S sous la forme S = f (φ) + g(θ) + h(ψ). Cela donne en plus f 0 (φ) = ∂S = const., ∂φ h0 (θ) = ∂S = const.. ∂ψ Introduisons les trois constantes d’intégration ∂S = Q1 , ∂φ ∂S = Q2 , ∂ψ 1 1 2 1 ∂S 2 2 2 (Q1 − Q2 cos θ) + 2I Q2 + 2I ( ∂θ ) + mg` cos θ = Q3 . 2I1 sin θ 3 1 On obtient la solution Z √ S(φ, θ, ψ, Q1 , Q2 , Q3 ) = Q1 φ + Q2 ψ + k dθ où k = 2I1 Q3 − 2I1 mg` cos(θ) − I1 2 (Q1 − Q2 cos θ)2 Q − , I3 2 sin2 θ CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 27 définie sur l’ouvert U = {(φ, θ, ψ, Q1 , Q2 , Q3 ) ; k > 0}. Notons U 0 la projection de cet ouvert sur les trois dernières coordonnées. Noter que la projection U sur les trois premières est R3 tout entier. Par construction, pour tout q = (φ, θ, ψ) ∈ U et tout p = (pφ , pθ , pψ ), l’équation ∂S ∂q (q, Q) = p possède une unique solution Q ∈ U 0 . Inversement, soit Q ∈ U 0 . Alors Z ∂S Q1 − Q2 cos θ −1/2 = φ+ k dθ, ∂Q1 sin2 θ Z ∂S Q1 − Q2 cos θ −1/2 )k dθ, = ψ + (−Q2 + cos θ ∂Q2 sin2 θ Z ∂S = I1 k −1/2 dθ. ∂Q3 ∂S ∂S ne dépend que de θ et est une fonction strictement croissante de θ, l’équation ∂Q = P3 Comme ∂Q 3 3 détermine uniquement θ et donc les intégrales figurant dans les deux première équations. Par ∂S conséquent, l’application q 7→ ∂Q (q, Q) est injective, son image est de la forme R × R × J(Q) où J est un intervalle dépendant de Q. Les hypothèses du théorème 7 sont satisfaites, le système est complètement intégrable. Il y a donc bien une transformation canonique (Q, P ) associée à S. Dans ces coordonnées, les solutions sont des fonctions affines de t. Le mouvement est quasipériodique. Il peut s’interpréter comme la combinaison de trois mouvement, la rotation du solide autour de l’axe de symétrie de son tenseur d’inertie, à vitesse angulaire constante Q2 , la précession de cet axe, qui dans l’ensemble tourne à vitesse angulaire constante Q1 autour de la verticale, et la nutation, oscillation de l’axe dans un plan vertical entre deux pentes limites (qui dépendent de Q). Dans la limite des grandes vitesses de rotation (ou, ce qui revient au même, quand on fait tendre la constante de gravitation g vers 0), le mouvement converge (après changement de temps) vers le mouvement d’Euler-Poinsot, composition d’une rotation et d’une précession seules. 1.9 Appendice : la dérivée de Lie C’est la façon dont un champ de vecteurs dérive tout autre champ de tenseurs, par exemple un champ de vecteurs, une forme différentielle, un champ de formes bilinéaires, un champ d’endomorphismes du fibré tangent... 1.9.1 Définition Définition 1.9.1 Soit V un champ de vecteurs sur une variété, engendrant un groupe à un paramètre (local) de difféomorphismes s 7→ φs . Soit T un champ de tenseurs. La dérivée de Lie (Lie derivative) de T dans la direction de ξ est LV T = d ∗ φ T|s=0 . ds s Exemple 1.9.2 Soit V un champ de vecteurs et f une fonction. Alors LV f = V f = df (V ). 1.9.2 Tenseurs invariants La dérivée de Lie sert a écrire la condition sur un champ de vecteurs pour que son flot préserve une structure géométrique. Proposition 1.9.3 Pour que le groupe à un paramètre de difféomorphismes φs engendré par un champ de vecteurs V préserve le champ de tenseurs T , il faut et il suffit que LV T = 0. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 28 Preuve. C’est une condition nécessaire, par définition. Réciproquement, supposons que LV T = 0. Posons Ts = φ∗s T . Pour tout t, φ∗s+t T = φ∗s (φ∗t T ), d’où dTs ds d ∗ (φ T )|t=0 dt t+s d = φ∗s ( φ∗t T ) dt = φ∗s (LV T ) = 0, = donc Ts = T0 = T . Exemple 1.9.4 On obtient ainsi une caractérisation infinitésimale des champs de Killing (engendrant les groupes à un paramètre d’isométries) et les champs symplectiques (engendrant les groupes à un paramètre de transformations canoniques). 1.9.3 Le cas des champs de vecteurs Définition 1.9.5 Soient V et W deux champs de vecteurs. Leur crochet de Lie (Lie bracket) est le champ de vecteurs [V, W ] tel que, pour toute fonction lisse f , V (W f ) − W (V f ) = [V, W ]f. Proposition 1.9.6 Soient V et W deux champs de vecteurs. Alors LV W = [V, W ]. Preuve. Soit f une fonction lisse. Alors V (W f ) = LV (W f ) = (LV W )f + W (LV f ) = (LV W )f + W (V f ). Corollaire 1.9.7 Deux champs de vecteurs engendrent des flots qui commutent si et seulement si leur crochet de Lie est nul. Preuve. Soient V , W des champs de vecteurs, s 7→ φs et s 7→ ψs les groupes à un paramètre (locaux) de difféomorphismes qu’ils engendrent. Si φs et ψt commutent pour tous s et t, alors (φ∗s W )(φs (q)) = dq φs (W (q)) = d d φs (ψt (q))|t=0 = ψt (φs (q))|t=0 = W (φs (q)), dt dt donc φ∗s W = W . En dérivant par rapport à s, on trouve que [V, W ] = LV W = 0. Réciproquement, supposons que LV W = [V, W ] = 0. D’après la proposition 1.9.3, φs préserve le champ de vecteurs W , φ∗s W = W . Si t 7→ c(t) = ψt (c(0)) est une ligne intégrale de W , il en est de même de t 7→ c̃(t) = φs (c(t)). Par conséquent φs ◦ ψt (c(0)) = c̃(t) = ψt (c̃(0)) = ψt ◦ φs (c(0)). On conclut que ψt ◦ φs = φs ◦ ψt pour tous s et t. CHAPITRE 1. CALCUL DES VARIATIONS 1.9.4 29 Cas général Comme tout tenseur est une somme de produits tensoriels de champs de vecteurs et de leurs duaux, les 1-formes différentielles, le lemme suivant permet en principe de calculer la dérivée de Lie de n’importe quel type de tenseur. Lemme 1.9.8 Soient T , T 0 , deux champs de tenseurs, et V un champ de vecteurs. Alors LV (T ⊗ T 0 ) = (LV T ) ⊗ T 0 + T ⊗ (LV T 0 ), LV (trace(T )) = trace(LV T ). Preuve. Les difféomorphismes passant au travers de ce genre d’opérations, la dérivée de Lie se comporte comme une dérivation. Remarque 1.9.9 Plus généralement, la dérivée de Lie passe à travers toutes les opérations bilinéaires naturelles du calcul différentiel, même celles qui impliquent une dérivation, comme (V, T ) 7→ LV T . Exemple 1.9.10 Si V et W sont des symétries infinitésimales d’un champ de tenseurs T , alors il en est de même de leur crochet [V, W ]. En effet, si LV T = LW T = 0, alors 0 = LV (LW T ) = LLV W T + LW LV T = L[V,W ] T. 1.9.5 Le cas des formes différentielles Proposition 1.9.11 Formule de Cartan. Soit V un champ de vecteurs. Soit α une forme différentielle. Alors LV α = ιV dα + d(ιV α). Preuve. Lorsque α = f est une fonction, (dιV + ιV d)f = V f = LV f . Comme les difféomorphismes commutent avec la différentielle extérieure, il en est de même de la dérivée de Lie. On constate que l’opérateur dιV + ιV d commute avec d lui aussi. Comme les difféomorphismes passent à travers le produit extérieur, la dérivée de Lie se comporte comme une dérivation, LV (α ∧ β) = (LV α) ∧ β + α ∧ (LV β). Les identités d(α ∧ β) = dα ∧ β + (−1)deg(α) α ∧ dβ et ιV (α ∧ β) = (ιV α) ∧ β + (−1)deg(α) α ∧ (ιV β) entraı̂nent que l’opérateur dιV + ιV d se comporte lui aussi comme une dérivation vis-à-vis du produit extérieur. Comme toute forme différentielle est une somme de produits extérieurs de fonctions et de différentielles de fonctions, la formule est démontrée. Chapitre 2 Surfaces de R3 Il s’agit d’attacher à une surface des invariants qui ne dépendent pas du choix de paramétrage. Pour disposer d’un choix d’exemples, on commence en section 2.1 par paramétrer des surfaces définies en termes géométriques. La section 2.2 donne la formule pour le calcul de l’aire d’une surface. La seconde forme fondamentale est introduite en section 2.3. Elle joue pour une surface le rôle que joue la courbure pour une courbe : elle contient l’information au 2ème ordre, indépendamment de tout choix de paramétrage. C’est un objet plus complexe, une forme quadratique sur le plan tangent. On peut y penser comme à une fonction sur les directions (la courbure des sections par des plans perpendiculaires au plan tangent). Comme elle est quadratique, elle est en fait déterminée par un repère orthonormé du plan tangent (les directions principales) et deux nombres, les courbures principales (ou alternativement par la courbure moyenne et la courbure de Gauss). La courbure de Gauss et la courbure moyenne ont chacune une interprétation géométrique. La courbure de Gauss donne l’aire de l’image de la surface par l’application de Gauss (section 2.4), tandis que la courbure moyenne intervient dans l’aire des surfaces équidistantes (section 2.5). La positivité de la courbure de Gauss traduit la convexité. L’annulation de la courbure moyenne caractérise les surfaces minimales, qui modélisent les films de savon. A la différence de la courbure moyenne, la courbure de Gauss est invariante par déformation isométrique : c’est un invariant intrinsèque de la surface. La courbure de Gauss et ses généralisations en dimension supérieure joueront donc un grand rôle dans les chapitres ultérieurs. 2.1 2.1.1 Exemples de surfaces Surfaces de révolution Définition 2.1.1 Soit c un arc tracé dans le demi-plan vertical {y = 0, x > 0}. La surface de révolution de méridienne c est la surface balayée par c lorsqu’elle tourne autour de l’axe vertical. Autrement dit, c’est la réunion des cercles d’axe Oz passant par un point de c. 2.1.2 Surfaces d’égale pente Définition 2.1.2 Soit c une courbe fermée tracée dans le plan horizontal {z = 0}, soit α ∈ [0, π]. La surface d’égale pente α s’appuyant sur c est l’enveloppe des plans tangents à c et dont la normale fait un angle α avec la verticale. C’est donc la réunion des droites coupant c à angle droit et faisant un angle α avec Oz. Exercice 23 Paramétrer la surface d’égale pente α s’appuyant sur une courbe plane. 30 CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 2.1.3 31 Tubes Définition 2.1.3 Soit c une courbe dans l’espace, et > 0. Le tube de largeur autour de c est la surface balayée par un cercle de rayon tracé dans le plan normal à c. Rappel 2.1.4 Soit c une courbe sans point d’inflexion, paramétrée par son abscisse curviligne. dc est la tangente unitaire orientée. Si Le trièdre de Frenet (τ, ν, b) est défini comme suit. τ = ds dτ dτ l’accélération ds ne s’annule pas (i.e. en dehors des points d’inflexion), ν = dτ ds /| ds | est la normale unitaire qui est colinéaire à l’accélération, de même sens. b = τ ∧ ν complète une base orthonormée directe. Rappel 2.1.5 Courbure et torsion des courbes gauches. Le nombre positif ou nul κ = | dτ ds | s’appelle la courbure de la courbe c. Il s’annule en s si et seulement si c(s) est un point d’inflexion de c. Si κ 6= 0, on définit la torsion θ = − dν ds · b. Alors dτ ds dν ds db ds = κ ν, = −κ τ − θ b, = θν. Exercice 24 Soit c une courbe sans point d’inflexion. En utilisant le trièdre de Frenet, paramétrer le tube de largeur autour de c. 2.2 2.2.1 Première forme fondamentale Définition Soit X une surface dans l’espace euclidien R3 . Le plan tangent hérite de la structure euclidienne de l’espace ambiant. Étant donné un paramétrage local (u, v) 7→ X(u, v), si w=a ∂X ∂X +b ∂u ∂v est un vecteur tangent, sa norme euclidienne est k w k2 = a2 k ∂X 2 ∂X ∂X ∂X 2 k +2ab · + b2 k k . ∂u ∂u ∂v ∂v Si t 7→ c(t) = (u(t), v(t)) est une courbe tracée dans le domaine des paramètres, la longueur de la courbe correspondante 7→ X(u(t), v(t)) tracée sur la surface vaut Z r ∂X 2 ∂X ∂X ∂X 2 Long(X ◦ c) = u0 (t)2 k k +2u0 (t)v 0 (t) · + v 0 (t)2 k k dt. ∂u ∂u ∂v ∂v La forme quadratique (dépendant du point (u, v)) ds2 =k ∂X 2 2 ∂X ∂X ∂X 2 2 k du + 2 · dudv+ k k dv ∂u ∂u ∂v ∂v s’appelle parfois la première forme fondamentale de la surface X. On note traditionnellement E =k ∂X 2 ∂X 2 ∂X ∂X k , G =k k ,F = · . ∂u ∂v ∂u ∂v CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 2.2.2 32 Aire La première forme fondamentale sert non seulement au calcul des longueurs de courbes, mais aussi à celui des aires. Définition 2.2.1 L’aire (area) d’une surface (u, v) 7→ X(u, v) (u, v) ∈ U , est donnée par l’intégrale Z ∂X ∂X ∧ k du dv. Aire(X) = k ∂u ∂v U L’aire ne dépend pas du choix du paramétrage. Cela résulte de la formule de changement de variable dans les intégrales doubles. Remarquer que l’intégrand vaut k p ∂X ∂X ∧ k= EG − F 2 . ∂u ∂v ∂X Noter que le vecteur ∂X ∂u ∧ ∂v est orthogonal au plan tangent, et non nul par hypothèse. Il détermine donc une orientation normale du plan tangent. C’est l’orientation déterminée par le paramétrage (u, v) 7→ X(u, v). Le vecteur unitaire normal orienté à X est Γ(X(u, v)) = k ∂X ∂u ∂X ∂u ∧ ∧ ∂X ∂v ∂X ∂v k . Exercice 25 On paramètre la sphère unité par la latitude θ et la longitude φ. Écrire ce paramétrage. La normale orientée sort-elle ou rentre-t-elle dans la sphère ? Ecrire la première forme fondamentale. Calculer la longueur d’un parallèle. Calculer l’aire de la sphère unité. Exercice 26 Si P et Q sont deux points de la sphère unité de R3 , on définit leur distance d(P, Q) comme la borne inférieure des longueurs des courbes tracées sur la sphère qui relient P à Q. Montrer que d(P, Q) = Arccos(P · Q), i.e. que la borne inférieure est atteinte par un des arcs du grand cercle passant par P et Q. Exercice 27 Calculer l’aire d’une surface de révolution générale, puis dans le cas particulier du tore de révolution dont la méridienne est un cercle de rayon r2 dont le centre est situé à distance r1 > r2 de l’axe. Exercice 28 Soit c une courbe sans point d’inflexion. Calculer la première forme fondamentale et l’aire du tube de largeur autour de c, pour > 0 assez petit. 2.3 Seconde forme fondamentale La courbure d’une courbe plane en un point P est un nombre indépendant d’un choix de paramétrage. On la définit à partir d’un paramétrage canonique, l’abscisse curviligne. Voici une autre définition possible, reposant sur un autre choix de paramétrage canonique. Soit τ (P ) le vecteur tangent unitaire et ν(P ) le vecteur normal unitaire. Dans le repère (P, τ (P ), ν(P )), la courbe est un graphe t 7→ (t, f (t)), où f (0) = f 0 (0) = 0. Alors f admet le développement limité à l’ordre 2 1 f (t) = κ(P )t2 + o(t2 ) 2 en 0 et on pourrait partir de ce développement limité pour définir la courbure en P . La même idée va nous guider pour définir la courbure d’une surface. CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 2.3.1 33 Courbure d’un graphe Soit f une fonction sur R2 qui s’annule avec ses 2 dérivées partielles en (0, 0). Considérons son graphe (x, y) 7→ (x, y, f (x, y)). C’est une surface dont le plan tangent en P = (0, 0, 0) est le plan des coordonnées x et y. f admet un développement limité à l’ordre 2 en (0, 0) de la forme f (x, y) = px2 + 2qxy + ry 2 + o(x2 + y 2 ). La forme quadratique 2(px2 + 2qxy + ry 2 ) sur le plan tangent va tenir lieu de courbure du graphe au point P . La courbure d’une surface n’est pas seulement un nombre, mais une forme quadratique (3 composantes indépendantes). 2.3.2 Paramétrage d’une surface par son plan tangent Soit X une surface normalement orientée. Alors X est le graphe d’une fonction définie sur son plan tangent en P . Plus précisément, il existe une unique fonction f sur TP X telle que l’application TP X → R 3 , v 7→ P + v + f (v)Γ(P ) soit un paramétrage local de X. Définition 2.3.1 La partie principale q du développement limité à l’ordre 2 de f en 0 est une forme quadratique sur TP X, définie indépendamment de tout choix de paramétrage de X. On appelle II = 2q la seconde forme fondamentale de X en P . Remarque 2.3.2 Changer l’orientation normale de la surface change le signe de la seconde forme fondamentale. Exercice 29 Calculer la seconde forme fondamentale de la sphère unité au pôle nord. Exercice 30 Soit t 7→ c(t) une courbe tracée dans le plan horizontal {z = 0} de R3 . Soit C le cylindre droit sur c, i.e. la réunion des droites verticales coupant la courbe c. Calculer la seconde forme fondamentale du cylindre C en l’un de ses points. 2.3.3 Courbures principales, directions principales, sections normales Définition 2.3.3 Il existe un unique endomorphisme symétrique S du plan tangent TP X tel que pour tout v ∈ TP X, II(v) = v · S(v). On l’appelle parfois endomorphisme de Weingarten, (Weingarten map). Les valeurs propres k1 , k2 de S s’appellent les courbures principales de X en P et les droites propres de S s’appellent les directions principales. Une courbe tracée sur X dont la vitesse est en chaque point une direction principale s’appelle une ligne de courbure. La trace de S s’appelle la courbure moyenne (mean curvature) et le déterminant de S la courbure de Gauss (Gauss curvature). Soit (e1 , e2 ) une base orthonormée formée de vecteurs propres de S (i.e. de directions principales). Dans cette base, la forme quadratique II P s’écrit II(a1 e1 + a2 e2 ) = a21 k1 + a22 k2 où k1 et k2 sont les courbures principales. Alors – II est non dégénérée si et seulement si les deux courbures principales sont non nulles ; – II est définie positive si et seulement si k1 > 0 et k2 > 0 ; – II possède 2 droites isotropes si et seulement si k1 k2 < 0. L’intersection du plan (orienté) passant par P et dirigé par τ et ν est une courbe, et sa courbure en P vaut par définition II(τ ). Si τ (θ) fait un angle θ avec e1 , alors II(τ (θ)) = k12 cos(θ)2 + k22 sin(θ)2 . Par conséquent, les courbures principales sont les valeurs extrêmes de la courbure des sections planes, elles sont atteintes par les directions principales. La courbure moyenne s’écrit h = tr(S) = k1 + k2 , la courbure de Gauss K = det(S) = k1 k2 . On en donnera plus loin des interprétations géométriques. CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 2.3.4 34 Intersection avec le plan tangent Soit P un point de la surface X. Soit ν le vecteur unitaire normal orienté en P . Si II P est définie positive (resp. définie négative), il résulte du développement limité que la fonction f garde un signe constant au voisinage de P , et ne s’annule qu’en P . Le lieu des zéros (vecteurs isotropes) de la forme quadratique II P dans le plan tangent donne une idée de l’intersection de la surface X avec son plan tangent. En effet, si II P est non dégénérée, le lemme de Morse (voir [MM]) garantit qu’il existe un difféomorphisme local du plan tangent, fixant l’origine et dont la différentielle à l’origine est l’identité, envoyant l’intersection TP X ∩ X sur le cône isotrope de II P . Proposition 2.3.4 – si II P est définie positive (resp. définie négative), la surface X est entièrement au-dessus (resp. au-dessous) de son plan tangent au voisinage de P ; – si II P change de signe, alors TP X ∩ X coı̈ncide au voisinage de P avec la réunion de deux courbes transverses en P , et chacune est tangente à une direction asymptotique de II P , i.e. une droite isotrope. Par conséquent, si la courbure de Gauss est strictement positive, la surface reste d’un seul côté de son plan tangent. Si au contraire la courbure de Gauss est strictement négative, la surface traverse son plan tangent. En particulier, si X est le bord d’un convexe, alors la courbure de Gauss de X est positive ou nulle. Sa seconde forme fondamentale relative à la normale sortante est en chaque point une forme quadratique négative ou nulle. 2.3.5 Courbes tracées sur une surface Lemme 2.3.5 Soit t 7→ Y (t) une courbe tracée sur la surface X. Soit P = Y (0) ∈ X, τ = Y 0 (0) ∈ TP X. Alors II P (τ ) est la composante normale à X de l’accélération Y 00 (0). Preuve. Notons c(t) la projection orthogonale de Y (t) − P sur le plan vectoriel TP X. Écrivons X comme le graphe d’une fonction f définie sur son plan tangent. Alors pour tout t proche de 0, Y (t) = P + c(t) + f (c(t))ν = P + tτ + t2 00 Y (0) + o(t2 ) 2 mais aussi t2 00 (c (0) + II(τ )ν) + o(t2 ) 2 donc II P (τ ) est la composante normale à X de l’accélération. Y (t) = P + tτ + Exercice 31 Supposons que la surface X contienne la droite D. Montrer que D est une direction asymptotique de X. 2.3.6 Calcul des courbures principales Proposition 2.3.6 Soit (u, v) 7→ X(u, v) une surface paramétrée. La seconde forme fondamentale ∂X ∂X au point X(u, v) est la forme quadratique sur le plan tangent (engendré par (u, v) et (u, v)) ∂u ∂v et peut se calculer comme suit. II X(u,v) (a où ∂X ∂X (u, v) + b (u, v)) = a2 A + 2abB + b2 C ∂u ∂v ∂X ∂2X ∂X ∂X ∂X (u, v) ∧ (u, v) k−1 det( 2 (u, v), (u, v), (u, v)), ∂u ∂v ∂u ∂u ∂v ∂X ∂X ∂2X ∂X ∂X B =k (u, v) ∧ (u, v) k−1 det( (u, v), (u, v), (u, v)), ∂u ∂v ∂u∂v ∂u ∂v A =k CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 C =k Preuve. sont 35 ∂X ∂X ∂X ∂X ∂2X (u, v) ∧ (u, v) k−1 det( 2 (u, v), (u, v), (u, v)). ∂u ∂v ∂v ∂u ∂v On considère la courbe t 7→ Y (t) = X(u + at, v + bt) tracée sur la surface. Ses dérivées Y 0 (t) = a et Y 00 (0) = a2 ∂X ∂X (u + at, v + bt) + v (u + at, v + bt) ∂u ∂v ∂2X ∂2X ∂2X (u, v) + 2ab (u, v) + b2 2 (u, v). 2 ∂u ∂u∂v ∂v Par conséquent II X(u,v) (a ∂X ∂X (u, v) + b (u, v)) ∂u ∂v = II(Y 0 (0)) = Y 00 (0) · ν ∂X ∂X ∂X ∂X = k (u, v) ∧ (u, v) k−1 det(Y 00 (0), (u, v), (u, v)) ∂u ∂v ∂u ∂v = a2 A + 2abB + b2 C. Exercice 32 Soit X le paraboloı̈de hyperbolique d’équation z = xy. Calculer sa seconde forme fondamentale, ses courbures principales. Quelles sont les directions asymptotiques ? On utilisera deux systèmes de coordonnées différents, (u, v) 7→ X(u, v) = (u, v, uv) et (u0 , v 0 ) 7→ X1 (u0 , v 0 ) = (u0 /v 0 , v 0 , u0 ) et on comparera les résultats obtenus. Exercice 33 Soit c une courbe tracée dans le plan {z = 0}. Soit V = (0, 0, 1), soit X le cône de sommet V et de base c. Calculer sa seconde forme fondamentale. Quelle est sa signature ? Exercice 34 Soit c une courbe tracée sur la sphère unité. Soit X le cône de sommet l’origine et de base c. Calculer sa seconde forme fondamentale. Corollaire 2.3.7 Soit (u, v) 7→ X(u, v) une surface paramétrée, munie de l’orientation normale déterminée par le paramétrage. Notons E du2 + 2F du dv + G dv 2 et A du2 + 2B du dv + C dv 2 ∂X ∂X , ) de l’endomorla première et la seconde forme fondamentales. La matrice dans la base ( ∂u ∂v phisme symétrique S qui relie les deux formes quadratiques est le produit E F F G −1 A B B C (elle n’est pas nécessairement symétrique). Les courbures principales sont les valeurs propres de cette matrice et les directions principales ses droites propres. En particulier, la courbure de Gauss est donnée par la formule AC − B 2 K(X(u, v)) = . EG − F 2 ∂X ∂X ∂X ∂X +b et w = a0 + b0 deux vecteurs tangents à X au point ∂u ∂v ∂u ∂v X(u, v). Leur produit scalaire s’écrit au moyen de la première forme fondamentale, E F a w0 · w = a0 b0 . F G b Preuve. Soient w = a CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 36 L’endomorphisme symétrique S est défini par la relation II X(u,v) (w0 , w) = w0 · S(w). Sa matrice M satisfait donc 0 w · S(w) 0 = a = a0 E b F A b0 B 0 F a M G b B a C b d’où l’équation matricielle E F F A M= G B B . C Comme les valeurs propres d’un endomorphisme se calculent à partir de sa matrice dans n’importe quelle base, les courbures principales sont les valeurs propres de M . Enfin E F det(M ) = A B B C F G donc K = det(S) = det(M ) = AC − B 2 . EG − F 2 Exercice 35 Soit X la surface de révolution décrite par une courbe plane située dans un plan vertical (la méridienne) qu’on fait tourner autour de l’axe des z. Paramétrer X, calculer les courbures principales et les directions principales. Traiter le cas particulier du tore de révolution de méridienne circulaire. Exercice 36 Soit c une courbe gauche sans point d’inflexion. Dans le plan affine passant par c(t) et orthogonal à la tangente à c, on trace un cercle de rayon . Soit X la surface décrite par ce cercle. Calculer l’aire, l’intégrale par rapport à l’élément d’aire de la courbure de Gauss ainsi que de sa valeur absolue, les courbures principales et les directions principales. 2.3.7 Contact d’ordre 2 Soit X une surface. Parmi tous les plans affines passant par P , le plan π = P + TP X est le seul qui approche la surface au sens suivant : il existe un difféomorphisme φ tel que φ(P ) = P , dP φ est l’identité et X = φ(π) au voisinage de P . Cela a pour conséquence le fait que le plan π épouse la surface : si M ∈ X est voisin de P , il existe M 0 ∈ π tel que k M − M 0 k≤ (k M − P k) où la fonction satisfait limx→0 x−1 (x) = 0. En effet, comme dP (φ−1 ) = id, pour M ∈ X voisin de P , φ−1 (M ) = P + (M − P ) + o(k M − P k) donc M 0 = φ−1 (M ) ∈ π et k M − M 0 k= o(k M − P k). L’exemple du plan tangent suggère une notion de contact plus générale. Définition 2.3.8 Deux surfaces X1 et X2 ont un contact d’ordre k au point P s’il existe un difféomorphisme local φ envoyant X1 sur X2 et admettant en P un développement limité de la forme φ(M ) = M + o(k M − P kk ). Exemple 2.3.9 Deux surfaces ont un contact d’ordre 1 en P si et seulement si elles contiennent P et ont même plan tangent en P . CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 37 En effet, la condition de contact à l’ordre 0 est que P ∈ X1 ∩ X2 . S’il y a contact à l’ordre 1, le difféomorphisme φ a une différentielle en P égale à l’identité, donc TP X2 = dP φ(TP X1 ) = TP X1 . Inversement, si les surfaces X1 et X2 ont même plan tangent en P , elles ont chacune un contact d’ordre un avec le même plan affine, donc elles ont un contact d’ordre 1 entre elles. Proposition 2.3.10 Deux surfaces X1 et X2 ont un contact d’ordre 2 au point P si et seulement si elles contiennent P , y ont même plan tangent et même seconde forme fondamentale. Preuve. Composer un paramétrage d’une surface avec un difféomorphisme tangent à l’ordre 2 à l’identité en P ne change pas les dérivées secondes en P , donc ne change pas la seconde forme fondamentale, proposition 2.3.6. Inversement, supposons que X1 et X2 ont même plan tangent et même seconde forme fondamentale en P . Choisissons des coordonnées cartésiennes d’origine P et telles que le plan tangent commun en P ait pour équation {z = 0}. Ecrivons X1 et X2 comme des graphes au-dessus de leur plan tangent commun, i.e. utilisons les paramétrages (u, v) 7→ X1 (w) = (u, v, f1 (u, v)) et (u, v) 7→ X2 (w) = (u, v, f2 (u, v)). pour X1 et X2 . Posons φ(x, y, z) = (x, y, z + f2 (x, y) − f1 (x, y)). Alors φ est un difféomorphisme local de R3 qui fixe P et dont la différentielle en P est l’identité. Il envoie X1 sur X2 . L’égalité des secondes formes fondamentales entraı̂ne que le développement limité à l’ordre 2 de f2 − f1 est de la forme (f2 − f1 )(x, y) = o(x2 + y 2 ) donc celui de φ est de la forme φ(x, y, z) = (x, y, z) + o(x2 + y 2 + z 2 ). i.e. φ(M ) = P + (M − P ) + o(k M − P k2 ). donc il y a contact à l’ordre 2. 2.4 2.4.1 L’application de Gauss Définition Définition 2.4.1 Soit X une surface normalement orientée dans R3 . L’application de X dans la sphère unité S 2 qui à un point P associe le vecteur unitaire normal orienté Γ(P ) s’appelle l’application de Gauss (Gauss map). Remarque 2.4.2 Si X est une surface normalement orientée de classe C k , l’application de Gauss est de classe C k−1 . 2.4.2 Dérivée de l’application de Gauss Lemme 2.4.3 Soit t 7→ c(t) une courbe tracée sur une surface X, telle que c(0) = P et c0 (0) = τ . Soit Γ : X → S 2 l’application de Gauss. Alors pour tout vecteur tangent w ∈ TP X, ( d Γ(c(t))) · w = −II(τ, w) dt où on a encore noté II la forme bilinéaire symétrique associée à II. En particulier, d Γ(c(t)) · τ = −II(τ ). dt CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 38 Preuve. Prolongeons le paramétrage t 7→ c(t) en un paramétrage local (t, u) 7→ X(t, u) de X tel que ∂X ∂u = w (c’est toujours possible). Notons Γ(t, u) = Γ(X(t, u)). Comme pour tout t, ∂X · Γ(t, u) = 0, il vient ∂u ∂X ∂Γ ∂2X · +Γ· =0 ∂u ∂t ∂t∂u i.e. d ∂X ( Γ(c(t))) · w = −B = −II(τ, ) = −II(τ, w) dt ∂u d’après la proposition 2.3.6. Corollaire 2.4.4 La seconde forme fondamentale est la dérivée de l’application de Gauss. Plus précisément, notons S l’endomorphisme symétrique de l’espace tangent TP X tel que pour tout vecteur tangent w II P (w) = S(w)·w. Alors l’espace tangent TΓ(P ) S 2 = Γ(P )⊥ = TP X et S = −dΓ. Théorème 8 L’intégrale de la courbure de Gauss par rapport à l’élément d’aire est l’aire de l’image de l’application de Gauss. En particulier, pour une surface compacte et sans bord, l’intégrale de la courbure de Gauss est un multiple entier de l’aire de la sphère unité, Z K dA = 4πδ. X Le nombre δ (au signe près) est la moitié de la caractéristique d’Euler de X, et ne dépend que de la topologie de X. Preuve. Voir chapitres suivants. 2.4.3 Déformations isométriques Définition 2.4.5 Deux surfaces X1 et X2 sont dites isométriques s’il existe un difféomorphisme de l’une sur l’autre qui préserve la longueur des courbes. Autrement dit, qui préserve la première forme fondamentale. Exemple 2.4.6 Un cône, un cylindre et un plan sont localement isométriques. En effet, si C est le cylindre vertical de section une courbe plane horizontale c paramétrée par son abscisse curviligne, l’application R2 → C, (u, v) 7→ X(u, v) = (c(u), v) est isométrique, car la première forme fondamentale dans cette paramétrisation se lit du2 + dv 2 . Pour la même raison, si K est le cône de sommet l’origine s’appuyant sur une courbe c tracée sur la sphère unité et paramétrée par son abscisse curviligne, l’application R2 → K, (s, r) 7→ r c(s) est isométrique. Définition 2.4.7 Soit X une surface, soient P et Q deux points de X. La distance intrinsèque entre P et Q est la borne inférieure des longueurs des courbes tracées sur X reliant P à Q. Exemple 2.4.8 Si X est la sphère unité, la distance intrinsèque est donnée par la formule dist(P, Q) = Arccos(P · Q). Voir exercice 26. CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 39 Théorème 9 Soit X une surface, P un point de X. Pour r > 0, notons Cr le lieu des points de X dont la distance intrinsèque à P est exactement égale à r. Alors, pour r assez petit, Cr est une courbe. On a le développement limité Long(Cr ) = 2πr − π K(P )r3 + o(r3 ) 3 où K(P ) est la courbure de Gauss en P . Preuve. Voir chapitre suivant. Corollaire 2.4.9 Un difféomorphisme isométrique entre deux surfaces préserve la courbure de Gauss. Exemple 2.4.10 La sphère n’est pas localement isométrique à un plan. On peut montrer que deux surfaces de même courbure constante sont toujours localement isométriques. Remarque 2.4.11 On peut en fait donner une formule pour la courbure de Gauss en fonction de la première forme fondamentale seule, c’est le Theorema Egregium de Gauss. Plus généralement, l’étude des propriétés intrinsèques d’une surface munie d’une première forme fondamentale est l’objet de la géométrie riemannienne, voir chapitres suivants. 2.5 Surfaces équidistantes Définition 2.5.1 Soit X une surface normalement orientée. La surface équidistante (offset surface) X est le lieu des points de la forme P + Γ(P ) où Γ(P ) est le vecteur normal unitaire orienté en P . 2.5.1 Aire et courbure des surfaces équidistantes Lemme 2.5.2 Soit (u, v) 7→ X(u, v) un paramétrage local d’une surface. Posons (u, v) 7→ X (u, v) = X(u, v) + Γ(X(u, v)) C’est un paramétrage local de la surface équidistante X tant que le produit de et des courbures principales de X reste inférieur à 1. Soit S l’endomorphisme qui relie la seconde forme fondamentale de X à la première. Soit M ∂X sa matrice dans la base ( ∂X ∂u , ∂v ). Alors la première forme fondamentale de X est donnée par la matrice E F E F T = (1 − M ) (1 − M ). F G F G La seconde forme fondamentale de X est donnée par la matrice A B A B = (1 − M ). B C B C En particulier, pour petit, Z Aire(X ) = Aire(X) − X h dA + 2 Z K dA X où h est la courbure moyenne et K la courbure de Gauss de X. La courbure de Gauss de X vaut K (P + Γ(P )) = K(P ) . 1 − h(P ) + 2 K(P ) CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 40 ∂X ∂X +b un vecteur tangent à X en P . Soit t 7→ c(t) une courbe tracée ∂u ∂v 0 sur X telle que c(0) = P et c (0) = w. La courbe Preuve. Soit w = a t 7→ c (t) = c(t) + Γ(c(t)) est tracée sur X . Sa vitesse en t = 0 vaut w = c0 (0) + dP Γ(c0 (0)) = w − S(w) d’après le corollaire 2.4.4. C’est un vecteur de TP X. On conclut que les plans tangents TP X et TP +Γ(P ) X coı̈ncident, et que les normales sont égales, Γ (P + Γ(P )) = Γ(P ). Soient k1 et k2 les courbures principales de X en P . Alors les valeurs propres de l’endomorphisme id − S de TP X sont 1 − k1 et 1 − k2 . Si k1 < 1 et k2 < 1, alors id − S est inversible donc ∂X ∂X = (id − S) ∂u ∂u et ∂X ∂X = (id − S) ∂v ∂v sont linéairement indépendants, X est une surface au voisinage de P + Γ(P ). Par définition, E F a a b F G b d = k (c(t) + Γ(c(t))) k2 dt = k (1 − S)(w) k2 a T A B a = ((1 − M ) ) (1 − M ) b B C b A B a = a b (1 − M )T (1 − M ) B C b donc E F F G T = (1 − M ) A B B (1 − M ). C De même, d’après le lemme 2.4.3, d Γ (c (t)) · w dt d = − Γ(c(t)) · w dt = II(w, w ). = − II (w ) Matriciellement, cela s’écrit a = a A B a b B C b A B a b (1 − M ) , B C b c’est-à-dire, A B B C = A B B (1 − M ). C CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 41 La densité par rapport à du dv de l’élément d’aire sur X est p p E G − F2 = EG − F 2 det(1 − M ) p = EG − F 2 (1 − k1 )(1 − k2 ) p = EG − F 2 (1 − h + 2 K) où h est la courbure moyenne de X et K la courbure de Gauss de X en P . La formule pour l’aire de X en résulte immédiatement. Celle pour la courbure de Gauss résulte du corollaire 2.3.7, K (X (u, v)) = = = = A C − B2 E G − F2 (AC − B 2 ) det(1 − M ) (EG − F 2 ) det(1 − M ) det((1 − M )T ) K(X(u, v)) det(1 − M ) K(X(u, v)) . 1 − h(X(u, v)) + 2 K(X(u, v)) Remarque 2.5.3 La courbure moyenne donne la variation de l’aire d’une surface poussée le long de sa normale. Voici la formule générale pour la variation première de l’aire d’une surface poussée le long d’un champ de vecteurs quelconque. Proposition 2.5.4 Soit X une surface normalement orientée, Γ sa normale unitaire, h sa courbure moyenne. Soit V un champ de vecteurs à support compact sur R3 . Soit φt le groupe à un paramètre de difféomorphismes de R3 engendré par V . Alors Z d Aire(φt (X))|t=0 = − hΓ · V. (2.1) dt X On suppose X fermée bordant un ouvert borné U . Alors Z d Vol(φt (U ))|t=0 = Γ · V. dt X Preuve. (2.2) Voir chapitres suivants. Corollaire 2.5.5 Soit X une surface. On suppose que X a une aire minimale parmi toutes ses déformations à support compact. Alors X a une courbure moyenne nulle. Supposons X fermée et bordant un ouvert borné. Si X a une aire minimale parmi toutes ses déformations à support compact qui entoure le même volume, alors X a une courbure moyenne constante. Remarque 2.5.6 Une surface à courbure moyenne nulle est dite minimale. De telles surfaces modélisent les films de savon. Une surface à courbure moyenne constante non nulle modélise une bulle de savon, i.e. un film possédant un intérieur et un extérieur dans lesquels règnent des pressions différentes. 2.5.2 Rayon d’injectivité normal Comme pour une courbe dans le plan, à une surface normalement orientée X de R3 est associée l’application exponentielle normale X×] − , [→ R3 , (P, t) 7→ P + tΓ(P ). C’est un difféomorphisme pour > 0 assez petit (même argument que pour les courbes planes). Le plus grand > 0 tel que l’exponentielle normale soit un difféomorphisme s’appelle le rayon d’injectivité normal de X. CHAPITRE 2. SURFACES DE R3 42 Exemple 2.5.7 Soit c une courbe contenue dans un plan affine π et X le tube de rayon > 0 autour de c (voir exercice 36). Soit i le rayon d’injectivité normal de la courbe plane c. Alors le rayon d’injectivité normal de X est min{, i − }. Soit X une surface fermée de classe C k . Si i est le rayon d’injectivité normal de X, alors sur l’ensemble U des points de R3 situés à distance de X inférieure à i, la projection sur X est bien définie et de classe C k−1 . De même, la distance algébrique à X est de classe C k−1 . Si 0 < < i, le lieu des points situés à distance exactement de X est la réunion des deux surfaces équidistantes X et X− . En particulier, on peut faire glisser une sphère de rayon sur la surface X, d’un côté ou de l’autre, sans jamais rencontrer d’obstacle. Chapitre 3 Connexion de Levi-Civita 3.1 Motivation Développer un outil de calcul pour l’étude des propriétés intrinsèques des surfaces et, plus généralement, des variétés riemanniennes. Accessoirement, détecter rapidement le fait que deux surfaces ne sont pas isométriques. 3.1.1 Variétés riemanniennes Une variété riemannienne, c’est la donnée d’une variété différentiable M et d’un produit scalaire sur chaque espace tangent. La métrique riemannienne est de classe C k si, au voisinage de chaque point, dans des coordonnées locales, elle s’écrit g= n X gi,j (x1 , . . . , xn )dxi dxj i, j=1 où les fonctions gi,j sont de classe C k . Remarque 3.1.1 Si f : M → N est une immersion entre variétés, et si gN est une métrique riemannienne sur N , alors f ∗ gN est une métrique riemannienne sur M appelée métrique induite. Exemple 3.1.2 Une surface de classe C k de R3 hérite ainsi d’une métrique de classe C k−1 . En coordonnées locales, c’est la première forme fondamentale. Exemple 3.1.3 Notons R2,1 l’espace R3 muni de la forme quadratique dX 2 + dY 2 − dZ 2 . La surface d’équation {(X, Y, Z) | X 2 + Y 2 − Z 2 = −1} (hyperboloı̈de à deux nappes) possède deux composantes connexes. Celle où Z > 0 est appelée pseudosphère et notée ΨS. Elle hérite d’une métrique induite qui est riemannienne. En effet, le plan tangent en v = (X, Y, Z) à la pseudosphère est le plan orthogonal à v. Comme la droite de vecteur directeur v est définie négative, le plan orthogonal est défini positif. On peut paramétrer entièrement la pseudosphère par un disque. Il suffit d’utiliser la projection stéréographique, définie sur un disque du plan tangent à la pseudosphère au pôle N = (0, 0, 1). Exercice 37 On appelle projection stéréographique l’application qui à un point (x, y) du disque de rayon 2 associe le point d’intersection de la droite passant par les points S = (0, 0, −1) et (x, y, 1) avec la pseudosphère. Calculer la première forme fondamentale dans ces coordonnées. On l’appelle traditionnellement métrique de Poincaré dans le disque de rayon 2. 43 CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 44 Exercice 38 Soit H = {=m(z) > 0} le demi-plan, D = {|z| < 2} le disque de rayon 2. On pose Φ : H → D, Φ(z) = 2 z−i . z+i Vérifier que Φ est un difféomorphisme de H sur D et que c’est une isométrie pour les métriques de Poincaré respectives du demi-plan et du disque. Exercice 39 Soit Ml,L le quotient du plan euclidien par le groupe G engendré par les deux translations (x, y) 7→ (x + l, y) et (x, y) 7→ (x, y + L). Montrer que la distance quotient d(P , Q) = min{|P − Q| | P, Q ∈ R2 , P ∈ P , Q ∈ Q} est riemannienne. Pour chaque point P de M , donner une carte locale de l’espace quotient et écrire la métrique dans cette carte. Remarque 3.1.4 Une variété différentiable possède une métrique riemannienne si et seulement si elle est paracompacte, voir Bourbaki. 3.1.2 Approche intuitive Dans ce paragraphe, on raisonne sur des surfaces. Dans le suivant, on introduira des concepts généraux. Définition 3.1.5 Soit X une surface riemannienne, γ une géodésique, v un vecteur tangent à X en γ(0). Le transport parallèle de v le long de γ est le champ de vecteurs (défini seulement en chaque point de γ) t 7→ V (t) qui a une longueur constante et fait un angle constant avec la vitesse γ 0 (t). Par extension, on parle de transport parallèle le long d’une courbe géodésique par morceaux. Enfin, on appelle holonomie le long d’un lacet γ d’origine P l’isométrie du plan tangent en P réalisée par le transport parallèle des vecteurs tangents en P le long de γ. Exemple 3.1.6 Dans le plan euclidien, un champ de vecteurs constant est parallèle le long de tout segment de droite. Par conséquent, l’holonomie le long de toute ligne brisée est l’identité. Exemple 3.1.7 Soit γ la courbe tracée sur la sphère qui consiste à suivre un quart de méridien du pôle nord à l’équateur, de se déplacer de α radians le long de l’équateur et à remonter au pôle nord. Alors le transport parallèle d’un vecteur le long de γ a pour effet de le faire tourner d’un angle α. Autrement dit, l’holonomie de ce lacet est une rotation d’angle α. Corollaire 3.1.8 Une hémisphère n’est pas isométrique à une partie du plan. Proposition 3.1.9 Sur une surface orientable, l’holonomie d’un lacet géodésique par morceaux γ est une rotation d’angle égal à la somme des angles intérieurs moins π, X Hol = (β − π). (3.1) sommets Preuve. Au passage d’un sommet, le vecteur vitesse tourne de l’angle π − β. Par conséquent, l’angle entre le vecteur vitesse et un champ de vecteurs parallèle augmente de β − π. 3.1.3 Roulement sans glissement ni pivotement Étant donné une courbe paramétrée lisse γ tracée sur la sphère, il y a une unique façon de faire rouler la sphère sur un plan de sorte que le point de contact décrive sur la sphère la courbe γ. C’est clair si la courbe est géodésique par morceaux. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 45 Proposition 3.1.10 Soit γ une géodésique par morceaux sur la sphère. Soit v un vecteur tangent en γ(0), soit t 7→ V (t) son transport parallèle le long de γ. Lors du roulement sans glissement ni pivotement, le point de contact décrit une ligne brisée σ sur le plan. Le vecteur V (t) s’imprime en un vecteur W (t) du plan. Alors le champ de vecteurs W est parallèle (et donc constant) le long de σ. Corollaire 3.1.11 On devrait pouvoir parler de transport parallèle le long d’une courbe lisse quelconque sur une surface lisse. Remarque 3.1.12 On constate que le transport parallèle le long d’une courbe fermée tend vers l’identité lorsque la longueur de la courbe tend vers 0. 3.1.4 Cas des surfaces polyédrales Une surface polyédrale est une surface faite de polygones plans qu’on assemble en collant isométriquement des arêtes deux par deux. Exemple : bord des polyèdres convexes. A l’exception des sommets, tout point possède un voisinage dans la surface isométrique à un ouvert du plan. On peut donc parler de transport parallèle le long d’une courbe ne passant par aucun sommet. Tant que la courbe reste dans une face, le transport parallèle produit un champ constant. Quand on tourne autour d’un sommet P , le transport parallèle a pour effet de tourner les vecteurs d’un angle égal à 2π moins la somme des angles en P des faces traversées. Le transport parallèle peut donc être loin de l’identité pour des courbes arbitrairement courtes. 3.1.5 Dériver des champs de vecteurs Sur une surface riemannienne lisse M , le transport parallèle permet de définir des champs de repères orthonormés canoniques au voisinage de chaque point. En effet, étant donné P et une base orthonormée (e1 , e2 ) de TP M , il existe, pour Q voisin de P , une unique géodésique minimisante de P à Q (cela résulte du fait que l’équation des géodésiques est une équation différentielle du second ordre résolue par rapport aux dérivées secondes, voir chapitre 1). On transporte e1 et e2 parallèlement le long de cette géodésique pour obtenir un repère orthonormé en Q. Si V est un champ de vecteurs sur M , il s’écrit V = v1 e1 + v2 e2 au voisinage de P . On peut le dériver en P , en posant, pour w ∈ TP M , ∇w V = dv1 (w)e1 + dv2 (w)e2 . Changer de base orthonormée en P ne fait que tourner le champ de repères d’un angle constant. Cela ne change pas le vecteur ∇w V . On sait donc dériver un champ de vecteurs sur M , de telle sorte que V est parallèle le long d’une géodésique γ si et seulement si ∇γ̇(t) V = 0 pour tout t. En particulier, le transport parallèle apparaı̂t comme la résolution d’une équation différentielle. 3.2 3.2.1 Existence et unicité de la connexion de Levi-Civita Notion de connexion Comment dériver des champs de vecteurs sur une variété de dimension quelconque ? On vient de voir que si on choisit un champ de repères, on sait faire. Soient e1 , . . . , en des champs de vecteurs sur une variété de dimension n qui constituent une base de l’espace tangent. Ecrivons tout champ de vecteurs V sous la forme X vi ei . (3.2) v= On note, pour w vecteur tangent, ∇0w V = X dvi (w)ei . (3.3) CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 46 Si f est une fonction sur M , on constate que ∇0w f V = f ∇0w V + df (w)V. (3.4) Changeons de repère. Notons ∇00 la dérivation dans le nouveau repère. Par définition, si V = v10 e01 + · · · + vn0 e0n , alors ∇00 wV = X dvi0 (w)e0i . Or la formule (3.4) donne ∇0w V = X dvi0 (w)e0i + vi0 ∇0w e0i . Autrement dit, deux champs de repères distincts ne définissent la même opération de dérivation que si les ∇0w e0i sont nuls, ce qui entraı̂ne que les composantes des e0i dans la base (ej ) sont constantes. On doit donc manipuler des opérateurs de dérivation différents, appelés connexions. Définition 3.2.1 Une connexion (connection) ∇ sur M (plus précisément, sur le fibré tangent à M ) est un opérateur ∇ qui prend un champ de vecteurs V , et lui associe un champ d’endomorphismes du fibré tangent ∇V (si w est un vecteur tangent en x, on note ∇V (x, w) = (∇w V )(x)), et tel que, pour toute fonction f , ∇w f V = f ∇w V + df (w)V. (3.5) Remarque 3.2.2 Deux connexions ∇ et ∇0 diffèrent par un tenseur de type (2, 1) (un champ de formes bilinéaires à valeurs dans l’espace tangent). Par conséquent, étant donné un repère local (e1 , . . . , en ), toute connexion diffère de la connexion ∇0 “naı̈ve” du repère par un tenseur de type (2, 1), ∇w V = ∇0 w V + Γ(w)V. (3.6) Les composantes Γ(ei , ej ) = X Γki,j ek (3.7) k s’appellent les symboles de Christoffel (Christoffel symbols) de la connexion ∇ dans le repère (ei ). En effet, (∇0 − ∇)w (f V ) = f (∇0 − ∇)w V (3.8) car les termes en df s’éliminent. Autrement dit, (∇0 −∇)w (V ) au point x ne dépend pas des dérivées de V , seulement de sa valeur en x, c’est un tenseur. Inversement, toute expression ∇ = ∇0 + Γ dans un repère (ei ) définit une connexion. Remarque 3.2.3 Il faut penser à Γ comme à une matrice dont les coefficients sont des formes différentielles de degré 1. P En effet, écrivons ∇w ej = j αij (w)ei . Alors αij dépend d’un point p de M et linéairement d’un vecteur w ∈ Tp M , donc c’est une 1-forme différentielle. Exercice 40 Soit ∇ une connexion qui, dans un repère (e1 , . . . , en ), s’écrit ∇ = ∇0 + Γ. On change de repère. On note P la matrice de passage (contenant les composantes des vecteurs e0j du nouveau repère dans l’ancien). Montrer que ∇ = ∇00 + Γ0 où Γ0 = P −1 dP + P −1 ΓP. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 47 Définition 3.2.4 Soit ∇ une connexion sur le fibré tangent de M . Soit γ une courbe paramétrée dans M . Étant donné un vecteur tangent v ∈ Tγ(0) M , on appelle transport parallèle de v le long de γ (parallel translation along γ) le champ de vecteurs t 7→ V (t) le long de γ solution de l’équation différentielle ∇γ 0 (t) V (t) = 0, (3.9) tel que V (0) = v. Il s’agit d’une équation différentielle linéaire du premier ordre résolue en V 0 . Il y a donc une unique solution t 7→ V (t). Lorsque la courbe γ est un lacet d’origine x, le transport parallèle définit un endomorphisme de l’espace tangent en x, appelé holonomie (holonomy) de γ. En effet, choisissons un champ de repères local (e1 , . . . , en ), et posons V (t) = n X v i ei . (3.10) i=1 Alors ∇γ 0 (t) V (t) = ∇0γ 0 (t) V (t) + Γ(γ 0 (t))V (t) = n X v 0i (t)ei + i=1 X v j Γ(γ 0 (t))ej , (3.11) (3.12) j donc l’équation ∇γ 0 (t) V (t) = 0 s’écrit matriciellement v 0 = −Γ(γ 0 )v. 3.2.2 (3.13) Peut-on annuler la matrice d’une connexion ? La connexion usuelle sur Rn , pour laquelle les champs constants sont parallèles, est caractérisée par le fait que sa matrice en coordonnées cartésiennes est identiquement nulle. Dans ce paragraphe, on se demande jusqu’à quel ordre une connexion quelconque peut ressembler à la connexion usuelle. Peut on s’arranger, quitte à changer de coordonnées, pour que sa matrice s’annule en un point ? avec ses dérivées ? Remarque 3.2.5 Étant donné une connexion ∇ sur M et un point p ∈ M , il existe un champ de repères dans lequel la matrice Γ de ∇ satisfait Γ(p) = 0. En effet, on peut supposer que M = Rn et que p = 0. Transportons parallèlement, relativement à ∇, la base canonique de Rn le long des demi-droites issues de l’origine. Cela produit un champ de repères (e1 , . . . , en ). Par construction, pour tout vecteur v ∈ T0 Rn , ∇v ei = 0, donc la matrice de la connexion dans le champ de repères (e1 , . . . , en ) est nulle à l’origine. Rappel 3.2.6 On rappelle que tout champ de vecteurs V définit un opérateur différentiel sur les fonctions, à savoir la dérivation directionnelle suivant V , f 7→ df (V ). A un système de coordonnées ∂ , qui (x1 , . . . , xn ) correspondent des opérateurs différentiels (et donc des champs de vecteurs) ∂x i constituent un champ de repères. Exprimer une connexion dans les coordonnées (x1 , . . . , xn ), c’est donner sa matrice dans le champ ∂ ∂ ,..., ). de repères ( ∂x1 ∂xn Peut-on supposer que le champ de repères pour lequel la matrice de ∇ s’annule en p est le champ de repère associé à un système de coordonnées ? On va voir que la réponse est non en général, même pour les connexions naı̈ves. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 48 Rappel 3.2.7 Soient V et W deux de vecteurs Pn champs Pn sur iM∂. Soit (x1 , . . . , xn ) un système de ∂ coordonnées local sur M . Si V = i=1 v i ∂x et W = i=1 w ∂xi , alors i [V, W ] = X (v i i,j ∂wj ∂v j ∂ − wi ) ∂xi ∂xi ∂xj (3.14) ne dépend pas du choix de coordonnées. C’est le crochet de Lie (Lie bracket) de V et W . Exemple 3.2.8 Soit (e1 , . . . , en ) un champ de repères quelconque, et ∇0 la connexion naı̈ve de ce champ de repères. Soit (x1 , . . . , xn ) un système de coordonnées. Si la matrice Γ de ∇0 dans le ∂ ∂ champ de repères ( ,..., ) satisfait Γ(p) = 0, alors les crochets de Lie [ei , ej ] sont tous nuls ∂x1 ∂xn en p. ∂ ∂ ,..., ) à la base (e1 , . . . , en ), alors la ∂x1 ∂xn matrice Γ0 de ∇0 dans le champ de repère (e1 , . . . , en ) satisfait En effet, si P est la matrice de passage de la base ( 0 = Γ0 = P −1 dP + P −1 ΓP, d’où, au point p, dP = 0. Les composantes des ei dans la base ( premières nulles en p, les crochets s’annulent en p. ∂ ∂ ,..., ) ayant des dérivées ∂x1 ∂xn On voit donc que les crochets en p donnent une obstruction à annuler en p la matrice d’une connexion naı̈ve. 3.2.3 Torsion Comme une connexion, ça sert à dériver, logiquement, le crochet de Lie doit s’exprimer au ∂ moyen d’une connexion quelconque. Si ∇0 est la connexion naı̈ve du champ de repères ( ∂x ), on i constate que [V, W ] = ∇0V W − ∇0W V. Si ∇ est une autre connexion, ∇V W = X = X i,j i,j vi ∇ ∂ ∂xi v i dwj ( (wj ∂ ) ∂xj X ∂ ∂ ∂ ) + v i wj ∇ ∂ , ∂xi ∂x ∂xi ∂xj j i,j d’où ∇V W − ∇W V = [V, W ] + X i,j (v i wj − wi v j )∇ ∂ ∂xi ∂ . ∂xj Définition 3.2.9 Le terme résiduel T (v, w) = ∇V W − ∇W V − [V, W ] X ∂ = (v i wj − wi v j )∇ ∂ ∂xi ∂x j i,j (3.15) (3.16) est un tenseur de type (1, 2), antisymétrique, appelé la torsion (torsion) de la connexion ∇. C’est une quantité qui ne dépend pas des dérivées de ∇ (i.e. des dérivées des symboles de Christoffel). La non nullité de la torsion est une obstruction à ce que ∇ coı̈ncide avec la connexion naı̈ve d’un système de coordonnées, c’est la première obstruction qu’on rencontre, à l’ordre 0. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 49 Exercice 41 Torsion d’une connexion naı̈ve. Soit (e1 , . . . , en ) un champ de repères, et ∇0 la connexion naı̈ve associée. Vérifier que la torsion de ∇0 est identiquement nulle si et seulement si il existe des systèmes de coordonnées locales ∂ = ei . (x1 , . . . , xn ) tels que ∂x i 3.2.4 Dériver des tenseurs Une fois qu’on sait, à l’aide d’une connexion, dériver des champs de vecteurs, on s’empresse de dériver toutes sortes d’objets tensoriels. Notation 3.2.10 Soit ∇ une connexion et f une fonction sur M . On convient de noter ∇v f = df (v), bien que ceci ne dépende pas du tout de ∇. Définition 3.2.11 Soit ξ un champ de formes k-linéaires sur M . On définit sa dérivée covariante (covariant derivative) ∇ξ par (∇w ξ)(V1 , . . . , Vk ) = ∇w (ξ(V1 , . . . , Vk )) − ξ(∇w V1 , V2 , . . . , Vk ) −ξ(V1 , ∇w V2 , . . . , Vk ) − · · · − ξ(V1 , V2 , . . . , ∇w Vk ). (3.17) (3.18) On vérifie aisément qu’en vertu de la règle de Leibnitz, cette expression ne dépend pas des dérivées des champs de vecteurs V1 , . . . , Vn , et définit donc un champ de formes k + 1-linéaires sur M . Cela illustre un principe : l’espace des formes k-linéaires E∗ ⊗ · · · ⊗ E∗ sur un espace vectoriel E s’obtient par une construction naturelle à partir de E. Par conséquent une connexion sur le fibré tangent d’une variété s’étend automatiquement en une connexion sur le fibré associé T ∗ M ⊗ · · · ⊗ T ∗ M . Cela s’étend donc aux tenseurs de type (k, l). Lorsqu’on peut combiner naturellement des tenseurs T1 et T2 de façon bilinéaire (par exemple, évaluer des formes différentielles sur des vecteurs, composer des endomorphismes, prendre une trace...), la règle de Leibnitz ∇(T2 ◦ T1 ) = (∇T2 ) ◦ T1 + T2 ◦ (∇T1 ) (3.19) s’applique, avec la convention que, pour une fonction à valeurs réelles, ∇V f = df (V ). Définition 3.2.12 Étant donné une connexion sur M , on dit qu’un champ de tenseurs T sur M est parallèle si ∇T = 0. Exemple 3.2.13 Un produit scalaire · est parallèle pour une connexion ∇ si et seulement si, pour tous champs de vecteurs V , W et Z, ∇V (W · Z) := d(W · Z)(V ) = (∇V W ) · Z + W · (∇V Z). (3.20) (3.21) Exercice 42 Soit M une variété munie d’une connexion ∇. Soit T un champ d’endomorphismes du fibré tangent. Soient V , W , Z des champs de vecteurs sur M . Que vaut (∇V T )(W ) ? Est-ce que la valeur de (∇V T )(W ) en un point x dépend des dérivées de V , de W ou seulement de leur valeur en x ? Que vaut trace(∇V T ) ? Cas particulier où T = f Id où f est une fonction sur M ? 3.2.5 Connexion de Levi-Civita Définition 3.2.14 Soit M une variété riemannienne. Il existe une unique connexion ∇ sur le fibré tangent telle que – la torsion de ∇ s’annule ; – la métrique riemannienne est parallèle. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 50 On l’appelle la connexion de Levi-Civita (Levi-Civita connection) de M . Interprétation. L’existence, parmi les connexions métriques (i.e. telles que la métrique soit parallèle) d’une connexion sans torsion (i.e. dont la torsion est identiquement nulle), signifie qu’une métrique riemannienne est euclidienne à l’ordre 1 et pas seulement à l’ordre 0 en chaque point. Preuve. ∇, alors Soient V , W , Z trois champs de vecteurs. Si la métrique est parallèle pour la connexion d(W · Z)(V ) = (∇V W ) · Z + W · (∇V Z). Si la torsion de la connexion ∇ est nulle, (∇V W ) · Z − (∇W Z) · Z = [V, W ] · Z. Si les crochets de Lie [V, W ], [W, Z] et [Z, W ] sont nuls et si les produits scalaires V · W , W · Z et Z · X sont constants, la quantité ∇V W · Z, symétrique en V et W et antisymétrique en W et Z, est forcément nulle. Cela indique qu’en général, ∇V W · Z s’exprime en fonction des crochets et des dérivées des produits scalaires. On trouve en effet que 2∇V W · Z = d(W · Z)(V ) + d(V · Z)(W ) − d(V · W )(Z) + [V, W ] · Z − [V, Z] · W − [W, Z] · V. (3.22) (3.23) Ceci prouve l’unicité de la connexion métrique et sans torsion. Réciproquement, la formule obtenue définit une connexion métrique et sans torsion. Exemple 3.2.15 Connexion de Levi-Civita d’une surface en coordonnées polaires. On munit R2 d’une métrique riemannienne de la forme dr2 + f (r, θ)2 dθ2 . (On verra plus loin que toute métrique riemannienne en dimension 2 s’écrit localement comme cela). On note ∂ 1 ∂ er = , eθ = ∂r f (r, θ) ∂θ le repère orthonormé “tournant”. Alors ∇er er = 0, ∇eθ er = f −1 ∂f eθ , ∂r ∇er eθ = 0, ∇eθ eθ = −f −1 ∂f er . ∂r (3.24) Autrement dit, la matrice de la connexion de Levi-Civita dans le repère (er , eθ ) est 0 − ∂f dθ ∂r Γ = ∂f . 0 ∂r dθ En effet, comme la connexion est métrique et |eθ | = 1, ∇eθ est colinéaire à er . De même, ∇er est colinéaire à eθ . D’autre part, [er , f (r, θ)eθ ] = [ ∂ ∂ , ]=0 ∂r ∂θ donc [er , eθ ] = − où on a noté f 0 = ∂f ∂r . f0 eθ f Comme la connexion est sans torsion, ∇er eθ − ∇eθ er = − f0 eθ , f CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 51 d’où (∇er eθ ) · er − (∇eθ er ) · er = 0, 0 ce qui entraı̂ne que ∇er eθ = 0, puis que ∇eθ er = ff eθ . Notons J la rotation de π/2 dans le plan tangent. C’est un endomorphisme du plan tangent défini uniquement à partir de la métrique (et d’un choix d’orientation). Comme la métrique est parallèle, J est aussi parallèle, ∇J = 0. Il vient ∇er er = ∇er (−Jeθ ) = −J∇er eθ = 0 et ∇eθ eθ = ∇eθ Jer = J∇eθ er = J f0 f0 eθ = − er . f f La matrice de la connexion de Levi-Civita s’écrit donc 0 −f −1 ∂f 0 e∗θ ∂r Γ= = ∂f −1 ∂f ∗ 0 f ∂r eθ ∂r dθ − ∂f ∂r dθ . 0 Exercice 43 Soient g et g 0 deux métriques conformes (conformal), i.e. telles que g 0 = e2f g où f est une fonction lisse. Montrer que la connexion de Levi-Civita ∇0 de g 0 s’exprime au moyen de f et de la connexion de Levi-Civita ∇ de g par la fomule ∇0V W = ∇V W + df (V )W + df (W )V − (V · W )∇f, (3.25) où le produit scalaire V · W et le gradient ∇f sont calculés relativement à la métrique g. 3.3 L’équation des géodésiques Notation 3.3.1 On note E(γ) = Rb 0 (γ (t) · γ 0 (t))1/2 dt sa longueur. a 3.3.1 1 2 Rb a γ 0 (t) · γ 0 (t) dt l’énergie d’une courbe γ, et Long(γ) = Formule de la variation première Proposition 3.3.2 Soit s 7→ γs une famille de courbes dans une variété riemannienne, paramétrées par l’intervalle [a, b]. On note T = γs0 la vitesse et V = ∂γs (t) ∂s la variation par rapport à s de la famille. Alors ∂ E(γs ) = (V · T )(b) − (V · T )(a) − ∂s |s=0 b Z V · ∇T T dt. On suppose de plus que γ0 est parcourue à vitesse constante 1. Alors Z b ∂ Long(γs ) = (V · T )(b) − (V · T )(a) − V · ∇T T dt. ∂s |s=0 a Preuve. En dérivant 1 E(γs ) = 2 Z b Z (T · T ) dt a et (3.26) a Long(γs ) = a b (T · T )1/2 dt, (3.27) CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 52 il vient ∂ E(γs ) ∂s Z = 1 2 Z = 1 2 b a ∂ (T · T ) dt ∂s b d(T · T )(V ) dt a et Z ∂ Long(γs ) ∂s b = a Z ∂ (T · T )1/2 dt ∂s b d(T · T )1/2 (V ) dt = a Or d(T · T )(V ) = ∇V (T · T ) = 2∇V T · T (3.28) (3.29) d’où = (T · T )−1/2 ∇V T · T = ∇V T · T d(T · T )1/2 (V ) lorsque s = 0, car par hypothèse γ00 est de norme 1. Si l’application (s, t) 7→ γs (t) était la restriction à R2 d’un difféomorphisme local γ : Rn → M , les champs de vecteurs V et T seraient définis sur un ouvert de M et satisferaient ∇ V T − ∇T V [V, T ] (3.30) ∂ ∂ = γ∗ [ , ] = 0. (3.31) ∂s ∂t Cette identité est vraie en général. Il suffit d’interpréter ∇ dans ∇V T comme une connexion sur le fibré induit γ ∗ T M sur une partie de R2 , dont les champs de vecteurs le long de γ constituent par définition les sections. Les équations 3.28 (resp. 3.30) expriment des propriétés de la connexion induite, qui résulte du fait que ∇ est métrique (resp. sans torsion). On peut donc écrire, lorsque s = 0, d(T · T )1/2 (V ) = = ∇T V · T = d(V · T )(T ) − V · ∇T T ∂ = (V · T ) − V · ∇T T, ∂t d’où, en intégrant, les formules annoncées. 3.3.2 Géodésiques Définition 3.3.3 Une courbe γ dans M est une géodésique (geodesic) si ∇γ 0 γ 0 = 0. Exercice 44 Soit (x1 , . . . , xn ) un système de coordonnées locales sur M dans lequel la connexion de Levi-Civita s’écrit X ∂ ∂ ∇ ∂ = Γki,j . ∂xi ∂x ∂x j k k Montrer qu’une courbe t 7→ γ(t) = (x1 (t), . . . , xn (t)) est géodésique si et seulement si pour tout k, X x00k + Γki,j x0i x0j = 0. (3.32) i,j CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 53 Exercice 45 En utilisant l’exercice 43, montrer que les droites passant par l’origine sont des géodésiques de la métrique de Poincaré du disque. Proposition 3.3.4 Une géodésique est parcourue à vitesse constante. C’est un point critique de la longueur ou de l’énergie, à extrémités fixées. Réciproquement, tout point critique de l’énergie à extrémités fixées est une géodésique. Toute courbe parcourue à vitesse constante qui est un point critique de la longueur à extrémités fixées est une géodésique. Preuve. L’équation ∇γ 0 (γ 0 · γ 0 ) = 2(∇γ 0 γ 0 ) · γ 0 = 0 entraı̂ne que la norme de la vitesse est constante. La formule de la variation première montre clairement que les géodésiques sont des points critiques de l’énergie et de la longueur à extrémités fixées. Réciproquement, soit γ une courbe parcourue à vitesse 1 qui est point critique de l’énergie ou de la longueur à extrémités fixées. Tout champ de vecteurs V le long de γ s’intègre en une famille de courbes. Pour une portion assez courte, il suffit de savoir le faire dans Rn . Pour le cas général, on utilise l’exponentielle (voir plus loin). Si V s’annule aux extrémités, toutes les courbes de la famille ont les mêmes extrémités. La formule de la variation première donne que Z b −V · ∇T T dt = 0 a pour tout champ s’annulant aux extrémités. Cela entraı̂ne que ∇T T = 0. Exercice 46 Soient N et N 0 deux sous-variétés de M et γ une courbe reliant N à N 0 et de longueur minimale (parmi les courbes reliant N à N 0 ). Montrer que γ est une géodésique orthogonale à N et à N 0 aux extrémités. Exercice 47 Soit r 7→ gr une famille de métriques riemanniennes sur Rn−1 . On munit Rn de la métrique g = dr2 + gr . Montrer au moyen de la connexion de Levi-Civita que les courbes t 7→ (x, t) sont des géodésiques. Vérifier directement qu’elles sont uniquement minimisantes, i.e. elles sont les seules à réaliser la distance entre leurs extrémités. Exercice 48 Soient M et M 0 deux variétés riemanniennes. Leur produit riemannien est la variété produit M × M 0 munie de la métrique g + g 0 . Montrer que les géodésiques de M × M 0 sont les courbes dont les projections sur M et M 0 sont géodésiques. 3.3.3 L’application exponentielle L’équation des géodésiques ∇γ 0 γ 0 = 0 est une équation du second ordre résolue par rapport aux dérivées secondes. Pour tout point P ∈ M et tout vecteur tangent v ∈ TP M , il existe donc une unique géodésique d’origine P et de vitesse initiale v, définie sur un intervalle ouvert de valeurs de t dépendant de P et de v. On remarque que si γ est une géodésique et λ ∈ R, t 7→ γ(λt) est encore une géodésique d’origine P , et sa vitesse initiale est λv. Cela justifie la notation suivante. Notation 3.3.5 Soit M une variété riemannienne, P un point de M , v ∈ TP M un vecteur tangent en P . On note t 7→ expP (tv) la géodésique d’origine P et de vitesse initiale v. L’application exp est lisse, son domaine de définition est un ouvert de l’espace total du fibré tangent T M . On l’appelle l’application exponentielle (exponential map). Exercice 49 Décrire l’application exponentielle de la sphère de dimension 2, au pôle nord. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 3.3.4 54 Coordonnées normales Par construction, pour tout P , la différentielle de expP en 0 est l’identité de TP M . Par conséquent, expP est un difféomorphisme d’un ouvert de TP M sur un ouvert de M . Définition 3.3.6 On appelle rayon d’injectivité (injectivity radius) de M en P , noté injP , la borne supérieure des r > 0 tel que expP soit un difféomorphisme de la boule ouverte de centre 0 et de rayon r dans TP M sur son image. Le rayon d’injectivité de M est la borne inférieure des injP . Définition 3.3.7 Les coordonnées normales (normal coordinates), définies sur la boule ouverte B(P, injP ), s’obtiennent en composant (expP )−1 avec des coordonnées cartésiennes sur l’espace tangent TP M . Elles sont donc définies uniquement à une isométrie linéaire près. Exercice 50 Soit M = S 1 × R le produit riemannien d’un cercle de longueur L et d’une droite. Quel est son rayon d’injectivité ? Décrire des coordonnées normales. Exercice 51 Soit Ml,L le quotient riemannien du plan euclidien par le groupe engendré par les deux translations (x, y) 7→ (x + l, y) et (x, y) 7→ (x, y + L). Quel est son rayon d’injectivité ? Proposition 3.3.8 En coordonnées normales, la connexion de Levi-Civita coı̈ncide à l’origine avec la connexion naı̈ve, i.e. les symboles de Christoffel s’annulent à l’origine. Preuve. Pour tout champ de vecteurs constant V sur TP M , V est tangent à la droite t 7→ tV dans TP M , donc le champ (expP )∗ V est tangent à la géodésique t 7→ expP (tV ). On a donc ∇V V = 0 le long de cette géodésique. En particulier, ∇V V = 0 en P . Comme les champs constants commutent, V 7→ ∇V V est symétrique. Par conséquent, pour tous champs constants V et W , ∇V W = 0 à ∂ des coordonnées normales sont des champs constants, donc l’origine. Les champs de vecteurs ∂x i ∇ ∂ ∂xi ∂ =0 ∂xj à l’origine. Remarque 3.3.9 On donnera plus loin un développement limité de la métrique et de la connexion de Levi-Civita en coordonnées normales. Comme les coordonnées normales sont attachées canoniquement (à rotation près) à la métrique, cela fait apparaı̂tre des invariants intrinsèques de la métrique. 3.3.5 Lemme de Gauss Théorème 10 (Lemme de Gauss). Les images par expP des sphères centrées à l’origine dans l’espace tangent TP M sont orthogonales aux géodésiques issues de P . Par conséquent, la métrique exp∗ gM induite sur l’espace tangent s’écrit exp∗ gM = dr2 + gr où g r est une famille de métriques sur la sphère unité qui, une fois divisée par r2 , converge vers la métrique standard (celle de la sphère unité de Rn ) lorsque r tend vers 0. Preuve. Soit s 7→ c(s) une courbe tracée dans une sphère de rayon r centrée à l’origine dans l’espace tangent TP M . Posons γs (t) = expP (tc(s)). Alors γs est une géodésique de longueur r indépendante de s. La formule de la variation première 3.3.2 donne Z r 0 = (V · T )(r) − (V · T )(0) + 0 0 = (V · T )(r) = d expP (c0 (0)) · T CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 55 donc le vecteur c0 (0) tangent à la sphère est envoyé sur un vecteur orthogonal au vecteur vitesse T de la géodésique γ0 . Utilisons le difféomorphisme ]0, +∞[×S → TP M \{0}, (t, θ) 7→ tθ (ici, S désigne la sphère unité de l’espace tangent TP M ). Toute métrique g sur ]0, +∞[×S s’ecrit g = dr2 + gr + dr αr où αr est une 1-forme sur la sphère de rayon r. De plus, pour v tangent à la sphère de rayon r, ∂ . Pour la métrique exp∗ gM , le produit scalaire est nul, donc il ne reste que dr2 + gr . αr (v) = v · ∂r La métrique euclidienne de l’espace tangent s’écrit gP = dr2 + r2 gcan . Comme la différentielle de expP à l’origine est l’identité, pour tout vecteur v tangent à la sphère de rayon r dans TP M , gr (v) r2 gcan (v) = |d expP (v)|2 |v|2 tend vers 1 lorsque r tend vers 0, donc r−2 gr tend vers gcan . Corollaire 3.3.10 Soit P ∈ M . Les images par expP des sphères de rayon r < injP centrées à l’origine dans TP M sont orthogonales aux images des droites passant par l’origine. Corollaire 3.3.11 Soit P ∈ M et r < injP . Notons Sr l’image par expP de la sphère de rayon r centrée à l’origine dans TP M . Les courbes de longueur r reliant P à Sr sont exactement (à reparamétrage près) les géodésiques issues de P . Par conséquent Sr est le lieu des points à distance r de P . Preuve. Soit γ une courbe de longueur r reliant P à Sr . Soit r0 < r. En coupant (ce qui raccourcit strictement), on obtient une courbe γr0 reliant Sr0 à Sr et contenue dans l’image par expP de la région de TP M définie par les inégalités r0 < | · | < r. L’exercice 47 montre que la longueur de γr0 est au moins égale à r − r0 , et l’égalité entraı̂ne que γr0 est radiale. En faisant tendre r0 vers 0, on trouve que toute courbe reliant P à Sr est de longueur au moins r. On en déduit que γr0 est de longueur au plus r − r0 , donc égale à r − r0 . γr0 est donc contenue dans une géodésique issue de P , il en est de même de γ. Si Sr sépare P de Q ∈ M , alors tout chemin de P à Q coupe Sr donc sa longueur est ≥ r. Par conséquent, d(P, Q) ≥ r. En cas d’égalité, on trouve un chemin de longueur < r reliant P à Sr , contradiction. On conclut que d(P, Q) > r. Ceci prouve que tout point situé à distance r de P est dans Sr . Corollaire 3.3.12 Si P , Q ∈ M et d(P, Q) < inj(M ), alors il existe une et une seule courbe de longueur minimum reliant P à Q, c’est une géodésique. Si γ est une géodésique, et si t < inj(M ), alors γ est l’unique courbe de longueur minimum reliant γ(0) à γ(t). 3.3.6 Champs de Killing et intégrales premières Définition 3.3.13 Soit M une variété riemannienne. Un champ de vecteurs V sur M est appelé champ de Killing si le groupe à un paramètre de difféomorphismes qu’il engendre est formé d’isométries. Proposition 3.3.14 Soient V un champ de Killing et γ une géodésique. Le produit scalaire V · γ 0 est constant le long de γ. Autrement dit, la fonction V · γ 0 est une intégrale première de l’équation des géodésiques. Preuve. Soit φs le flot de V . Comme les courbes γs = φs (γ) ont une longueur constante et γ0 est géodésique, la formule de la variation première donne V (b) · γ 0 (b) = V (a) · γ 0 (a). Remarque 3.3.15 Dans l’espace euclidien de dimension 3, un champ de vecteurs V qui possède la propriété de la proposition 3.3.14, i.e. qui, aux deux extrémités d’un segment a la même projection sur le segment, s’appelle un torseur. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 56 Les torseurs sont les champs de Killing de l’espace euclidien de dimension 3. Ils forment une famille à 6 paramètres. Un torseur possède une résultante (un champ constant). Un torseur de résultante nulle s’appelle un couple, il s’annule le long d’une droite affine. Les champs constants engendrent les groupes à un paramètre de translations. Les couples engendrent les groupes à un paramètre de rotations autour d’un axe. La décomposition torseur=résultante+couple reflète le fait que le groupe des déplacements euclidiens est un produit semi-direct de son sous-groupe des translations par le groupe orthogonal. Il est utile d’écrire l’équation différentielle qui caractérise les champs de Killing. Proposition 3.3.16 Un champ de vecteurs V est un champ de Killing si et seulement si ∇V est antisymétrique, i.e. pour tout point P et tous vecteurs tangents w et z en P , (∇w V ) · z + w · (∇z V ) = 0. Notons φt le flot de V . Il est défini au moins localement en espace et en temps. Par définition, d ∗ φ g|t=0 = LV g dt t est la dérivée de Lie de la métrique g par rapport au champ V . Si V est un champ de Killing, alors φ∗t g = g pour tout t, donc LV g = 0. Réciproquement, supposons que LV g = 0. La dérivée en un temps t quelconque de la courbe de métriques s 7→ φ∗s g est ∂ ∗ φ g|x=0 ∂x t+x ∂ ∗ ∗ φ φ g|x=0 ∂x t x ∂ ∗ = φ∗t φ g|x=0 ∂x x = φ∗t LV g = 0 = donc φ∗t g = g pour tout t, donc V est un champ de Killing. Il reste à relier dérivée de Lie et dérivée covariante. Comme la dérivée covariante, la dérivée de Lie commute avec les opérations naturelles sur les tenseurs. Par conséquent, pour tous champs de vecteurs V , W et Z, d(W · Z)(V ) = (LV g)(W, Z) + (LV W ) · Z + W · (LV Z) = (LV g)(W, Z) + [V, W ] · Z + W · [V, Z]. Par définition de la connexion de Levi-Civita, d(W · Z)(V ) = (∇V W ) · Z + W · (∇V Z). En soustrayant, il vient (LV g)(W, Z) = (∇W V ) · Z + W · (∇Z V ). Exercice 52 Soient V un champ de Killing et γ une géodésique. Vérifier que le produit scalaire V · γ 0 est constant le long de γ. Retrouver ainsi un cas particulier du théorème de Noether : A chaque symétrie infinitésimale correspond une intégrale première du mouvement. 3.4 Sous-variétés, variation du volume À titre d’illustration de la commodité calculatoire de la dérivation covariante, on prouve la formule donnée sans démonstration pour la variation première de l’aire d’une surface. On se place dans le cadre général des sous-variétés de variétés riemanniennes. On commence par généraliser la notion de seconde forme fondamentale. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 3.4.1 57 Connexion de Levi-Civita et seconde forme fondamentale d’une sous-variété Théorème 11 Soit M une variété riemannienne, N ⊂ M une sous-variété munie de la métrique induite. La connexion de Levi-Civita ∇N s’obtient à partir de ∇M en projetant orthogonalement sur l’espace tangent à N . Autrement dit, soient V et W des champs de vecteurs sur M tangents à N . Décomposons ∇M V W en composante tangente à N et en composante normale M // ⊥ ∇M + (∇M V W = (∇V W ) V W) . Alors M // ∇N V W = (∇V W ) . Preuve. Clairement, (∇M )// est métrique et sans torsion. Exemple 3.4.1 Cas des surfaces de R3 . Un champ de vecteurs t 7→ V (t) le long d’une courbe γ tracé sur une surface X est parallèle si et seulement si V 0 (t) est orthogonal au plan tangent Tγ(t) X. Une courbe γ tracée sur X est géodésique si et seulement si son accélération γ 00 (t) est orthogonale au plan tangent Tγ(t) X. Définition 3.4.2 Soient M une variété riemannienne, N ⊂ M une sous-variété munie de la métrique induite. ⊥ II(V, W ) = (∇M V W) est un champ d’applications bilinéaires symétriques sur N à valeurs dans le fibré normal à N , appelé seconde forme fondamentale de N . Exemple 3.4.3 Cas des surfaces de R3 . Pour retrouver la seconde forme fondamentale au sens usuel, il suffit de faire le produit scalaire avec un champ de vecteurs unitaire normal. L’accélération d’une courbe tracée sur une surface se décompose donc en une composante normale, qui est la seconde forme fondamentale évaluée sur la vitesse, et une composante tangentielle, qu’on interprète comme l’accélération intrinsèque de la courbe. Lorsque la courbe est parcourue à vitesse 1, son accélération est la courbure géodésique. Exercice 53 Vérifier que les méridiens d’une surface de révolution (resp. d’un tube) sont des géodésiques. 3.4.2 Volume Définition 3.4.4 Soit M une variété riemannienne orientée de dimension n. En chaque point, il existe une unique n-forme différentielle vol de norme 1 définissant l’orientation donnée, c’est le déterminant dans une base orthonormée directe. On l’appelle élément de volume de M . Le volume R total de M est alors Vol(M ) = M vol. Proposition 3.4.5 En coordonnées, q vol = det(gij ) dx1 ∧ · · · ∧ dxn . Preuve. Soient E un espace vectoriel euclidien orienté, (e1 , . . . , en ) une base orthonormée directe, (f1 , . . . , fn ) une base quelconque, xi les coordonnées dans la base (fi ), gij = fi · fj , G la matrice dont les coefficients sont les gij , P la matrice de passage de (ei ) dans (fi ). Alors G = P T P . La forme différentielle dx1 ∧ · · · ∧ dxn est le déterminant dans la base (fi ). L’élément de volume est le déterminant dans la base (ei ). Par conséquent p vol = det(P ) dx1 ∧ · · · ∧ dxn = det(G) dx1 ∧ · · · ∧ dxn . CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 58 Exercice 54 Soit Ml,L le quotient riemannien du plan euclidien par le groupe engendré par les deux translations (x, y) 7→ (x + l, y) et (x, y) 7→ (x, y + L). Quelle est son aire ? Exercice 55 Quelle est l’aire de la pseudosphère ? Remarque 3.4.6 Le volume |vol| en tant que mesure est bien défini indépendamment d’un choix d’orientation. 3.4.3 Volume d’une sous-variété L’élément de volume induit sur une sous-variété peut se décrire différemment, d’une façon qui ∂X généralise l’expression | ∂X ∂u ∧ ∂v |du ∧ dv. Rappelons qu’un k-vecteur sur un espace vectoriel E est un élément du dual de l’espace des formes k-linéaires alternées. Étant donné deux métriques riemanniennes g et g 0 sur une variété N de dimension k, il suffit de se donner un champ de k-vecteurs non nul ξ pour connaı̂tre le rapport des éléments de volume, car volg0 (ξ) |ξ|g0 volg0 = = . volg volg (ξ) |ξ|g Sur une variété riemannienne orientée de dimension k, il y a un champ de k-vecteurs canonique ξg , c’est celui tel que |ξg |g = volg (ξg ) = 1. Si e1 , . . . , ek est un champ de repères orthonormés local, alors ξg = e1 ∧ · · · ∧ ek . Si g 0 est une autre métrique sur N , on a 0 Z |ξg |g0 volg . Vol(N, g ) = N En particulier, Proposition 3.4.7 Si f : N → M est une immersion, Z Vol(f (N )) = |ξN |f ∗ gM volN N Exemple 3.4.8 Cas d’une surface paramétrée. Ici, N est un ouvert du plan euclidien muni de ∂ ∂ ∧ ∂u . coordonnées cartésiennes, son élément d’aire est volN = du ∧ dv, son 2-vecteur est ξN = ∂u 3 Si X : N → R est un paramétrage d’une surface, alors X∗ ( ∂ ∂ ∂X ∂X ∧ )= ∧ ∂u ∂v ∂u ∂v ∂ ∂X s’interprète comme un vecteur de R3 , c’est le produit vectoriel des vecteurs ∂X ∂u = X∗ ( ∂u ) et ∂v = ∂ X∗ ( ∂v ). En effet, pour un espace vectoriel euclidien orienté E de dimension 3, l’isomorphisme Λ2 E → E envoie le produit extérieur sur le produit vectoriel. Enfin, |X∗ ( 3.4.4 ∂ ∂ ∂ ∂ ∧ )| = | ∧ |X ∗ gR3 . ∂u ∂v ∂u ∂v Produit scalaire induit sur les k-vecteurs On a vu apparaı̂tre dans le paragraphe précédent la norme d’un k-vecteur ou d’une k-forme. De quoi s’agit il ? Définition 3.4.9 Soit E un espace vectoriel euclidien, (e1 , . . . , en ) une base orthonormée de E. Alors les produits extérieurs ei1 ∧ · · · ∧ eik (où (i1 , . . . , ik ) décrit les suites strictement croissantes de k entiers compris entre 1 et n) forment une base de l’espace Λk E des k-vecteurs. Par définition, c’est une base orthonormée de Λk E. CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 59 Lemme 3.4.10 Soit gt une famille de produits scalaires sur un espace vectoriel E. Notons ġ = ∂gt ∂t |t=0 . Soit ξ un k-vecteur sur E. Ecrivons ξ = e1 ∧ · · · ∧ ek où les ei sont orthonormés pour g0 . Alors ∂ 2 |ξ| = |e1 |2ġ + · · · + |ek |2ġ . ∂t t |t=0 Preuve. Comme tout se passe dans le sous-espace vectoriel engendré par les ei , on peut supposer que k = n = dim(E). D’après la proposition 3.4.5, |ξ|2t = det(Gt ). où Gt est la matrice dont les coefficients sont les gij,t = ei ·t ej . Par hypothèse, G0 est la matrice unité, donc d (|ξ|2t )|t=0 = trace(Ġ). dt 3.4.5 Variation de l’aire Théorème 12 Soit N ⊂ M une sous-variété fermée orientée. Soit V un champ de vecteurs à support compact sur M . Soit φt le groupe à un paramètre de difféomorphismes de M engendré par V . Alors Z d Vol(φt (N ))|t=0 = − H · V. (3.33) dt N où H est le vecteur courbure moyenne de N , H = trace(II) = X II(ei , ei ). i On suppose X fermée bordant un ouvert borné U . Soit Γ la normale sortante. Alors Z d Vol(φt (U ))|t=0 = Γ · V. dt X (3.34) Preuve. Soit ξ le champ de k-vecteurs unitaires associé à l’orientation de N . Alors Z Vol(φt (N )) = |ξ|φ∗t gM volN . N Or d 1 d 2 |ξ|φ∗t gM = |ξ| ∗ dt 2 dt φt gM d gt = LV gM est la dérivée de Lie de la métrique de M dans la direction du champ où gt = φ∗t gM et dt de vecteurs V . Comme la dérivée covariante, la dérivée de Lie respecte les opérations naturelles entre tenseurs. Ainsi, étant donné des champs de vecteurs W et Z, d(W · Z)(V ) = (LV gM )(W, Z) + (LV W ) · Z + W · (LV Z). Par définition de la connexion de Levi-Civita, d(W · Z)(V ) = (∇V W ) · Z + W · (∇V Z). En soustrayant, il vient (LV gM )(W, Z) = A(W ) · Z + W · A(Z) CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 60 où A(W ) = ∇V W − LV W = ∇V W − [V, W ] = ∇W V. D’après le lemme 3.4.10, si (e1 , · · · , ek ) est un repère orthonormé direct de l’espace tangent à N , d 2 |ξ| dt gt = 2e1 · A(e1 ) + · · · + 2ek · A(ek ) = 2δV où δ est l’opérateur différentiel qui à un champ de vecteurs le long de N (non nécessairement tangent à N ) associe la fonction sur N définie, dans un champ de repères orthonormés local de N , par δV = k X ei · ∇ei V. i=1 On a donc prouvé la formule d vol(φt (N ))|t=0 = dt Z δV volN . N Le long de N , décomposons V en sa composante tangentielle et sa composante normale à N , V = V // + V ⊥ . Le flot de V // envoie N dans elle-même, donc ne change pas le volume. Par conséquent Z δV // volN = 0. N D’autre part, si W et Z sont des champs de vecteurs sur M qui sont tangents à N le long de N , Z · ∇W V ⊥ + (∇W Z) · V ⊥ = d(Z · V ⊥ )(W ) = 0, donc Z · ∇W V ⊥ = −(∇W Z) · V ⊥ = −II(W, Z) · V ⊥ , d’où δV ⊥ k X = −( II(ei , ei )) · V ⊥ i=1 = −H · V ⊥ = −H · V. Remarque 3.4.11 De nouveau, comme le volume sans signe |vol| est toujours défini, le théorème 12 est vrai même si N n’est pas orientable. 3.5 Complétude Sur une variété riemannienne, la distance d(P, Q) est définie comme la borne inférieure des longueurs des courbes reliant P à Q. Cette borne inférieure est-elle atteinte ? CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 3.5.1 61 Théorème de Hopf-Rinow Définition 3.5.1 On dit qu’une connexion sur le fibré tangent est complète si toute géodésique est définie sur R entier. Si on retire un point P à la variété, elle n’est certainement plus complète car les géodésiques issues de P ne sont plus définies que sur une demi-droite, au mieux. La complétude protège au moins contre ce genre d’aberrations. Théorème 13 (Hopf-Rinow). Soit M une variété riemannienne connexe. Les propriétés suivantes sont équivalentes. 1. M est un espace métrique complet. 2. Les boules fermées de M sont compactes. 3. Il existe un point P ∈ M tel que expP soit définie sur tout l’espace tangent TP M . 4. exp est définie sur tout le fibré tangent. 5. La connexion de Levi-Civita de M est complète. Toutes ces conditions entraı̂nent que 6. la distance entre deux points quelconques est réalisée par un arc de géodésique. Corollaire 3.5.2 Sur une variété riemannienne compacte, exp est définie globalement, et deux points quelconques sont reliés par au moins un segment géodésique minimisant. Preuve. Supposons M complète et montrons que toute géodésique peut être prolongée indéfiniment. Sinon, il existe une géodésique γ dont le temps d’existence est fini. Si ti tend vers le temps d’existence tmax , la suite γ(ti ) est une suite de Cauchy, donc converge vers un point P . Par compacité, au voisinage de P , le temps d’existence des géodésiques est borné inférieurement, donc γ existe au-delà de tmax , contradiction. Ceci montre que 1 ⇒ 5. Supposons que expP est définie sur TP M et montrons que tout point Q est relié à P par une géodésique minimisante. Soit r < injP , de sorte que ∂B(P, r) = expP (S(r)) est compacte. Soit Q0 le point de ∂B(P, r) le plus proche de Q. Alors r + d(Q0 , Q) = d(P, Q). Soit γ la géodésique d’origine P telle que γ(r) = Q0 . Montrons que pour tout t ≤ d(P, Q), d(P, γ(t)) = t et d(P, γ(t)) + d(γ(t), Q) = d(P, Q). C’est vrai pour t ≤ r. Soit t0 le dernier t pour lequel l’égalité a lieu. Supposons que t0 < d(P, Q). Soit r0 < injγ(t0 ) , soit Q00 ∈ ∂B(γ(t0 ), r0 ) le point le plus proche de Q. Alors d(γ(t0 ), Q00 ) + d(Q00 , Q) = d(γ(t0 ), Q). Or d(P, Q00 ) + d(Q00 , Q) ≤ = = ≤ d(P, γ(t0 )) + d(γ(t0 ), Q00 ) + d(Q00 , Q) d(P, γ(t0 )) + d(γ(t0 ), Q) d(P, Q) d(P, Q00 ) + d(Q00 , Q). Il y a donc égalité dans l’inégalité intermédiaire d(P, Q00 ) = d(P, γ(t0 )) + d(γ(t0 ), Q00 ). Cela prouve que la courbe obtenue en mettant bout à bout γ([0, t0 ]) et le segment géodésique minimisant de γ(t0 ) à Q00 est un arc d’une seule géodésique, donc que Q00 = γ(t0 + r0 ). D’autre part, d(P, Q00 ) = d(P, γ(t0 )) + d(γ(t0 ), Q00 ) = t0 + r 0 . CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 62 Ceci contredit la définition de t0 . On conclut que t0 = d(P, Q), ce qui entraı̂ne que Q = γ(d(P, Q)). On a donc montré que 4 ou 5 ⇒ 6. On a aussi montré que 3 ⇒ 2 car toute boule centrée en P est contenue dans l’image par expP d’une boule de l’espace tangent, donc est relativement compacte. Clairement, 2 ⇒ 1. Exercice 56 Soit M une variété riemannienne complète, et N ⊂ M une sous-variété. Montrer que N est complète si et seulement si N est un sous-ensemble fermé de M . Exercice 57 Soit M le disque muni de sa métrique de Poincaré, et P le centre du disque. En utilisant le résultat de l’exercice 45, montrer que expP est définie globalement. En déduire que la pseudosphère est complète. Que vaut l’aire de la boule de centre P et de rayon δ ? 3.5.2 Géodésiques et groupe fondamental Rappel 3.5.3 Soit M une variété et P ∈ M . Le groupe fondamental π1 (M, P ) est l’ensemble des classes d’homotopie de lacets d’origine P , muni de la loi de composition (mise bout à bout) des lacets. Proposition 3.5.4 Soit M une variété riemannienne complète, P ∈ M . Toute classe d’homotopie non triviale de π1 (M, P ) contient au moins un lacet géodésique d’origine P . L’ensemble des longueurs minimales des classes d’homotopie de π1 (M, P ) est discret. Si M est compacte, toute classe d’homotopie libre de courbes périodiques non triviale contient au moins une géodésique périodique. Preuve. Comme les boules de centre P sont compactes, l’ensemble des lacets lipschitziens d’origine P paramétrés à vitesse constante sur [0, 1] et de longueur ≤ L est compact pour la topologie de la convergence uniforme (Ascoli-Arzela). La longueur étant semi-continue inférieurement (prendre la définition comme borne supérieure de longueurs d’approximations polygonales), il existe dans chaque classe d’homotopie un lacet lipschitzien de longueur minimum. D’après le corollaire 3.3.11, comme il réalise la distance entre deux points assez proches, une fois reparamétré par son abscisse curviligne, c’est une géodésique. Si l’ensemble des longueurs minimales possédait un point d’accumulation `, il existerait une suite de courbes 2 à 2 non homotopes dont les longueurs convergeraient vers `. Par compacité, on pourrait extraire une sous-suite uniformément convergente. Mais deux lacets suffisamment proches sont homotopes, contradiction. Si M est compacte, le même raisonnement s’applique aux classes d’homotopie libre. Elles contiennent donc des courbes de longueur minimale. Ce sont des géodésiques périodiques. 3.5.3 Revêtements riemanniens Rappel 3.5.5 Une application f : N → M entre variétés est un revêtement si pour tout P ∈ M , il existe un voisinage U de P tel que f −1 (U ) soit une réunion disjointe d’ouverts Vj tels que f|Vj : Vj → U soit un homéomorphisme. Proposition 3.5.6 Soient M et N deux variétés riemanniennes complètes. Soit f : N → M une application localement isométrique. Alors f est un revêtement. Inversement, si f : N → M est un revêtement, et M est équipée d’une métrique complète gM , la métrique induite f ∗ gM sur N est complète. Preuve. Supposons f localement isométrique. Soit P ∈ M . Deux points distincts de f −1 (P ) sont à distance au moins égale à 2injP . En effet, l’image par f d’un segment géodésique minimisant entre ces points (qui existe par complétude) est un lacet géodésique d’origine P . Par conséquent les boules de rayon r = injP centrées aux points Q de f −1 (P ) sont deux à deux disjointes. Clairement, f diminue les distances donc envoie B(Q, r) dans B(P, r). Inversement, f commute avec les applications exponentielles (qui sont définies sur les boules de rayon r par complétude), donc est un homéomorphisme de B(Q, r) sur B(P, r). CHAPITRE 3. CONNEXION DE LEVI-CIVITA 63 Soit f un revêtement. Alors on peut relever les géodésiques de M . On obtient des géodésiques complètes pour (N, f ∗ gM ). Comme il y en a en tout point et dans toutes les directions, on obtient ainsi toutes les géodésiques de N . Exercice 58 Soit M une variété riemannienne complète. Soit G un groupe d’isométries de M agissant sans points fixes sur M . On munit G de la topologie de la convergence uniforme sur les compacts, et on suppose G discret. Montrer que l’espace des orbites N = G \ M , muni de la distance quotient (voir exercice 39), est une variété riemannienne complète. Exprimer son rayon d’injectivité en un point P en fonction du rayon d’injectivité de M aux points de l’orbite et des distances mutuelles entre points de l’orbite. Chapitre 4 Courbure On s’intéresse au développement limité d’une métrique dans ses coordonnées normales (i.e. de la métrique sur l’espace tangent obtenue en transportant par l’exponentielle la métrique donnée). On devine que les termes de ce développement seront des invariants significatifs. Le Lemme de Gauss constitue une première étape. Il énonce que, dans la direction radiale, il n’y a pas de différence entre une métrique quelconque et une métrique euclidienne. La différence apparaı̂t dans les directions transverses, elle est mesurée par la courbure, concept central de la géométrie riemannienne. On va introduire la courbure de façon plus formelle, comme défaut de commutation des dérivées covariantes secondes. 4.1 Une première définition de la courbure 4.1.1 Dérivées covariantes secondes Pour dériver en P ∈ M une fonction f dans une direction v ∈ TP M , il suffit de dériver f le long de n’importe quelle courbe c telle que c(0) = P et c0 (0) = v. Pour calculer une dérivée seconde, on ne peut pas prendre n’importe quelle courbe, car le résultat dépend de la dérivée seconde c00 (0). Dans l’espace euclidien, on définit (d2v f )(P ) = d2 f (P + tv)|t=0 , dt2 autrement dit, on dérive le long des droites. En géométrie riemannienne, on n’a qu’à dériver le long des géodésiques. Définition 4.1.1 Soit M une variété munie d’une connexion ∇ sur le fibré tangent. Soit P ∈ M , v ∈ Tv M , f une fonction définie au voisinage de P . On définit la dérivée seconde de f en P par (∇2v f )(P ) = d2 f (expP (tv))|t=0 . dt2 Lemme 4.1.2 Soit V un champ de vecteurs, soit f une fonction. Alors ∇2V f = ∇V (∇V f ) − ∇∇V V f. Preuve. (4.1) On remarque que, si g est une fonction, alors ∇gV (∇gV f ) − ∇∇gV gV f = g 2 (∇V (∇V f ) − ∇∇V V f ). Cela montre que la valeur de ∇V (∇V f ) − ∇∇V V f en un point P ne dépend que de la valeur v = V (P ) de V en P et non des dérivées du champ V . Soit T un champ de vecteurs tel que 64 CHAPITRE 4. COURBURE 65 T (P ) = v et tel que la ligne intégrale de T issue de P soit la géodésique t 7→ exptv . Alors (∇T T )(P ) = 0, et (∇V (∇V f ) − ∇∇V V f )(P ) = (∇T (∇T f ) − ∇∇T T f )(P ) = (∇T (∇T f ))(P ) d2 f (expP (tv))|t=0 = dt2 = (∇2V f )(P ). Cela suggère la définition suivante. Définition 4.1.3 Soit Z un champ de tenseurs sur M . Soit P ∈ M , soient v, w ∈ TP M . On prolonge w en un champ de vecteurs W défini au voisinage de P et on pose (∇2v,w Z)(P ) = (∇v (∇W Z) − ∇∇v W Z)(P ). On vérifie que le résultat ne dépend pas du choix du prolongement W . 4.1.2 Torsion, hessien et laplacien On est habitué à ce que les dérivées partielles secondes commutent, i.e. dans l’espace euclidien, d2v,w f = d2w,v f. Qu’en est-il pour les dérivées secondes définies au moyen d’une connexion ? C’est encore vrai si (et seulement si) la connexion est sans torsion, pour les fonctions. Exercice 59 Soit M une variété munie d’une connexion ∇, V et W des champs de vecteurs, f une fonction sur M . Montrer que ∇2V,W f − ∇2W,V f = −∇T (V,W ) f . Définition 4.1.4 Soit M une variété riemannienne, soit P ∈ M et soit f une fonction définie au voisinage de P . La forme bilinéaire symétrique ∇2 f : (v, w) 7→ ∇2v,w f (P ) s’appelle le hessien de f en P . Le laplacien de f est ∆f = −trace(∇2 f ) = − n X ∇2ei ,ei f. i=1 où (e1 , . . . , en ) est une base orthonormée de TP M . 2 Attention au signe : dans l’espace euclidien de dimension n, le laplacien ainsi défini vaut −( ∂∂2 x1 + ··· + ∂2 ∂ 2 xn ). 4.1.3 Courbure En revanche, les dérivées covariantes secondes de champs de vecteurs ne commutent pas en général. Définition 4.1.5 Soit ∇ une connexion sans torsion sur le fibré tangent de M . Soit P ∈ M . Soient v, w, z ∈ TP M . On prolonge z en un champ de vecteurs Z défini au voisinage de P et on pose Rv,w z = (∇2v,w Z − ∇2w,v Z)(P ). On vérifie que le résultat ne dépend pas du choix du prolongement Z. Le tenseur de type (3, 1) obtenu s’appelle la courbure de la connexion ∇. Remarque 4.1.6 Si V , W , Z sont trois champs de vecteurs, on a RV,W Z = ∇V ∇W Z − ∇W ∇V Z − ∇[V,W ] Z. CHAPITRE 4. COURBURE 4.1.4 66 Propriétés Par construction R est antisymétrique en (v, w), Rv,w = −Rw,v . (4.2) On peut y penser comme à une 2-forme différentielle sur M à valeurs dans le fibré End(T M ). Si la connexion ∇ est métrique, alors pour tous (v, w), Rv,w est un endomorphisme antisymétrique de l’espace tangent, i.e. (Rv,w z) · u = −(Rv,w u) · z. (4.3) Si la connexion ∇ est sans torsion, alors R satisfait la première identité de Bianchi Rv,w z + Rw,z v + Rz,v w = 0. (4.4) Exercice 60 Démontrer la première identité de Bianchi Rv,w z + Rw,z v + Rz,v w = 0. En combinant l’identité de Bianchi avec l’antisymétrie, on obtient la symétrie par paires, (Rv,w z) · u = (Rz,u v) · w. (4.5) Proposition 4.1.7 Soit g et g 0 = e2f g deux métriques riemanniennes sur M qui sont conformes. Soient v, w deux vecteurs orthonormés pour la métrique g. Alors les courbures de g et de g 0 sont reliées par 0 e−2f Rv,w w ·0 v = Rv,w w · v − ∇2v,v f − ∇2w,w f 2 2 2 −|∇f | + (∇v f ) + (∇w f ) . (4.6) (4.7) 0 Z. On utilise Preuve. Soient V , W , Z trois champs de vecteurs quelconques. On va calculer RV,W la relation entre les connexions de Levi-Civita ∇0A B = ∇A B + (∇A f )B + (∇B f )A − (A · B)∇f (4.8) où ∇f est le gradient de f et ∇A f = df (A) = A·∇f . On l’applique d’abord à A = V et B = ∇0W Z. ∇0V ∇0W Z = ∇V ∇0W Z + (∇V f )∇0W Z + (∇∇0W Z f )V − (V · ∇0W Z)∇f = (1) + (2) + (3) + (4). Puis on développe ∇0W Z = ∇W Z + (∇W f )Z + (∇Z f )W − (W · Z)∇f dans chacun des quatre termes de l’équation 4.9. (1) (2) (3) = ∇V ∇0W Z = ∇V ∇W Z +(∇V ∇W f )Z + (∇W f )∇V Z +(∇V ∇Z f )W + (∇Z f )∇V W −((∇V W ) · Z)∇f − (W · (∇V Z))∇f − (W · Z)∇V ∇f. = (∇V f )∇0W Z = (∇V f )∇W Z + (∇V f )(∇W f )Z + (∇V f )(∇Z f )W − (∇V f )(W · Z)∇f. = (∇∇0W Z f )V = (∇∇W Z f )V + (∇W f )(∇Z f )V + (∇Z f )(∇W f )V − (W · Z)(∇∇f f )V. (4.9) (4.10) CHAPITRE 4. COURBURE (4) 67 = −(V · ∇0W Z)∇f = −(V · ∇W Z)∇f − (∇W f )(V · Z)∇f − (∇Z f )(V · W )∇f +(W · Z)(V · ∇f )∇f. 0 La courbure RV,W Z est la somme de 44 termes, les 20 termes dont la somme donne ∇0V ∇0W Z, puis 20 termes identiques aux précédents à l’échange de V et W et au signe près, et les quatre termes de −∇0[V,W ] Z = −∇[V,W ] Z − (∇[V,W ] f )Z − (∇Z f )[V, W ] + ([V, W ] · Z)∇f. Dans le résultat, il ne doit pas y avoir de dérivées covariantes des champs V , W ou Z. Elles doivent être absorbées par les crochets de Lie. Par conséquent, il n’y a pas lieu de suivre à la trace les 7 termes de ce type figurant dans ∇0V ∇0W Z (si ce n’est pour s’assurer qu’on ne perd rien en route). De plus, parmi les 13 autres termes de ∇0V ∇0W Z, il y en a trois qui sont symétriques en V et W , ce sont ∇V ∇W f , (∇V f )(∇W f )Z et (∇Z f )(V · W )∇f qui disparaissent donc dans le résultat. On trouve aussi deux paires symétriques de termes, ce sont −(∇V f )(W · Z)∇f − (∇W f )(V · Z)∇f et (∇W f )(∇Z f )V +(∇V f )(∇Z f )W , qui vont disparaı̂tre aussi. Enfin ∇V ∇W Z −∇W ∇V Z = RV,W Z. Il reste donc les 11 termes suivants 0 RV,W Z = RV,W Z + (∇V ∇Z f )W − (∇W ∇Z f )V − (W · Z)(∇V ∇f ) +(V · Z)(∇W ∇f ) + (∇W f )(∇Z f )V − (∇V f )(∇Z f )W +(V · Z)(∇∇f f )W − (W · Z)(∇∇f f )V + (W · Z)(∇V f )∇f −(V · Z)(∇W f )∇f. (4.11) (4.12) (4.13) (4.14) Désormais, on suppose V et W = Z unitaires et orthogonaux pour la métrique g. Il ne reste que 8 termes, 0 RV,W W = RV,W W + (∇2V,W f )W − (∇2W,W f )V − ∇V ∇f +(∇W f )2 V − (∇V f )(∇W f )W − |∇f |2 + (∇V f )∇f. Il vient 0 e−2f RV,W W ·0 V 0 = RV,W W ·V (4.15) = RV,W W · V − (∇2W,W f ) 2 2 + (∇W f ) − |∇f | 2 +(∇V f ) − (∇V ∇f ) · V. (4.16) (4.17) Or ∇2V,V f = ∇V (∇f · V ) − ∇∇V V f = (∇V ∇f ) · V + ∇f · (∇V V ) − ∇∇V V f = (∇V ∇f ) · V. On trouve que 0 e−2f RV,W W ·0 V = RV,W W · V − ∇2V,V f − ∇2W,W f 2 2 2 −|∇f | + (∇V f ) + (∇W f ) . 4.1.5 (4.18) (4.19) La courbure en dimension 2 Proposition 4.1.8 Le tenseur de courbure en un point d’une variété riemannienne de dimension 2 est déterminé par un seul nombre K tel que (Rv,w z) · u = −K vol(v, w)vol(z, u) (4.20) On l’appelle courbure de Gauss. Si (e1 , e2 ) est une base orthonormée du plan tangent, alors K = (Re1 ,e2 e2 ) · e1 . CHAPITRE 4. COURBURE 68 Preuve. Par antisymétrie, (Rv,w z)·u est un multiple, dépendant de v et w seulement, de vol(z, u), soit (Rv,w z) · u = R(v, w)vol(z, u). De nouveau par antisymétrie, le nombre R(v, w) est un multiple de vol(v, w). Exercice 61 Vérifier que la courbure de Gauss d’une métrique écrite en coordonnées polaires 2 dr2 + f (r, θ)2 dθ2 vaut K = −f −1 ∂∂rf2 . Exercice 62 Calculer la courbure de Gauss de la sphère unité de R3 . Exercice 63 Vérifier que si deux métriques riemanniennes g 0 = λ2 g en dimension 2 sont proportionnelles, alors leurs courbures de Gauss sont reliées par K 0 = λ−2 K. Exercice 64 Vérifier que si deux métriques riemanniennes g 0 = e2f g en dimension 2 sont conformes, alors leurs courbures de Gauss sont reliées par K 0 = e−2f (K + ∆f ). Exercice 65 Vérifier que la courbure de Gauss de la métrique de Poincaré de rayon 2 vaut K = −1. 4.1.6 16(dx2 +dy 2 ) (4−x2 −y 2 )2 du disque Courbure des sous-variétés Théorème 14 Équation de Gauss. Soit N ⊂ M une sous-variété munie de la métrique induite. Soit P ∈ N , soient v, w, z, u des vecteurs tangents à N en P . Alors N M (Rv,w z) · u = (Rv,w z) · u + II(w, z) · II(v, u) − II(v, z) · II(w, u). (4.21) Preuve. Soient V , W , Z, U des champs de vecteurs tangents à N et ν un champ de vecteurs sur M , normal à N le long de N . En vue d’un usage ultérieur, on calcule la composante tangentielle de la dérivée covariante (au sens de la connexion de Levi-Civita ∇M de M ) du champ normal ν. De 0 = d(ν · U )(V ) M = (∇M V ν) · U + ν · (∇V U ) = (∇M V ν) · U + ν · II(V, U ), on tire (∇M V ν) · U = −ν · II(V, U ). On applique cette formule à ν = II(W, Z). M ∇M V ∇W Z N M = ∇M V ∇W Z + ∇V II(W, Z) d’où N (∇M V ∇W Z) · U N M = (∇M V ∇W Z) · U + (∇V II(W, Z)) · U M N = (∇V ∇W Z) · U − II(W, Z) · II(V, U ) N = (∇N V ∇W Z) · U − II(W, Z) · II(V, U ). Par définition, M (RV,W Z) · U = M M M M (∇M V ∇W Z) · U − (∇W ∇V Z) · U − (∇[V,W ] Z) · U = N (∇N V ∇W Z) · U − II(W, Z)) · II(V, U ) N N −(∇N W ∇V Z) · U + II(V, Z)) · II(W, U ) − (∇[V,W ] Z) · U = N Z) · U − II(W, Z) · II(V, U ) + II(V, Z) · II(W, U ). (RV,W Exercice 66 Démontrer le Theorema Egregium de Gauss, i.e. le fait que le produit des courbures principales d’une surface de R3 est égal à la courbure de Gauss intrinsèque, i.e. définie uniquement à partir de la première forme fondamentale. CHAPITRE 4. COURBURE 4.2 69 Courbure et métrique en coordonnées normales Soit M une variété riemannienne, soit P ∈ M . Il s’agit de donner un développement limité de la métrique expP ∗ gM sur l’espace tangent TP M au voisinage de 0. On a besoin de la différentielle, ailleurs qu’en 0, de l’application exponentielle. Comme expP est la solution de l’équation des géodésiques, sa différentielle est solution de l’équation aux variations de l’équation des géodésiques. C’est une équation linéaire du second ordre portant sur un champ de vecteurs le long d’une géodésique, appelée équation de Jacobi. 4.2.1 Champs de Jacobi Proposition 4.2.1 Soit s 7→ γs une famille de géodésiques, soit T = γ00 (t) le champ de vecteurs tangent à γ0 , soit V la variation de la famille γs , i.e. le champ de vecteurs le long de γ0 défini par V (t) = ∂γs (t) . ∂s |s=0 Alors V satisfait ∇T ∇T V + RV,T T = 0. (4.22) Inversement, soit V un champ de vecteurs le long de γ0 qui satisfait 4.22. Alors il existe une famille γs de géodésiques dont V est la variation. s (t) s (t) et T = ∂γ∂t , définis le long de l’application γ : R × R → M , Preuve. Les champs V = ∂γ∂s commutent, i.e. [V, T ] = 0. Par hypothèse, T est géodésique le long de chaque γs , donc ∇T T = 0. En dérivant par rapport à s, il vient ∇V ∇T T = 0. La définition de la courbure donne RV,T T = ∇V ∇T T − ∇T ∇V T = 0 − ∇T ∇T V d’où l’équation ∇T ∇T V + RV,T T = 0. Inversement, soit γ0 une géodésique, T sa vitesse, et V un champ de vecteurs le long de γ0 qui satisfait l’équation 4.22. Soit s 7→ c(s) une courbe dans M telle que c(0) = γ0 (0) et c0 (0) = V (0). Soit U (resp. W ) le transport parallèle de T (0) (resp. de ∇T V (0)) le long de c. posons γs (t) = expc(s) (t(U + sW )). Notons Ṽ = ∂γs (t) ∂s la variation de cette famille de géodésiques, et T̃ = Ṽ (0) ∇T Ṽ (0) ∂ expc(s) (0)|s=0 ∂s = c0 (0) = V (0), = = ∇T̃ Ṽ (0, 0) = ∇Ṽ T̃ (0, 0) = = = = ∇c0 (0) T̃ (0, 0) ∇c0 (0) (U + sW )|s=0 W (0) ∇T V (0). ∂γs (t) ∂t . On calcule CHAPITRE 4. COURBURE 70 Ecrits dans un repère formé de champs de vecteurs parallèles le long de γ0 , les champs V et Ṽ sont tous deux solutions de l’équation 4.22, de la forme V 00 = −RV,T T . Ils ont la même valeur et la même dérivée en 0 donc ils coı̈ncident partout. Définition 4.2.2 Soit γ une géodésique dans M . Un champ de vecteurs le long de γ qui satisfait l’équation 4.22 est appelé champ de Jacobi. Les champs de Jacobi le long de γ forment un espace vectoriel de dimension 2 dim(M ). Remarque 4.2.3 Le long d’une géodésique γ, les champs de vecteurs T = γ 0 (t) et tT sont des solutions de l’équation de Jacobi. Ils correspondent aux reparamétrages affines de γ. Si V est un champ de Jacobi et si V (0) · T (0) = ∇T V (0) · T (0) = 0, alors V (t) · T (t) = 0 pour tout t. En effet, d V (t) · T (t) = ∇T V · T, dt d2 V (t) · T (t) dt2 = ∇T ∇T V · T = −(RV,T T ) · T = 0 par antisymétrie. Exercice 67 Soit M une variété riemannienne de dimension 2. On écrit sa métrique en coordonnées polaires, i.e. sous la forme dr2 + f (r, θ)2 dθ2 . En utilisant l’équation de Jacobi, montrer 2 que la courbure vaut K = −f −1 ∂∂rf2 . 4.2.2 Développement limité Théorème 15 Soit M une variété riemannienne, P un point de M . Notons S n−1 la sphère unité de TP M . 1. En coordonnées polaires (r, v) 7→ rv, R+ × S n−1 → TP M , expP ∗ (gM ) = dr2 + gr où, en un point v ∈ S n−1 de la sphère unité, et pour un vecteur w ∈ Tv S n−1 tangent à la sphère en v, 1 gr (w) = |w|2 r2 − ((Rw,v v) · w)r4 + o(r4 ). 3 (4.23) 2. Choisissons des coordonnées cartésiennes (x1 , . . . , xn ) sur TP M . Notons Rijkl = (R ∂ ∂xi ∂ , ∂x j ∂ ∂ )· . ∂xk ∂xl Alors expP ∗ (gM ) = X (δij − i,j 1X Riklj xk xl + o(|x|2 )) dxi dxj . 3 k,l Preuve. Soit s 7→ v(s) une courbe tracée dans la sphère unité de TP M , telle que v(0) = v et v 0 (0) = w. Soit γs (t) = expP (tv(s)), soit W la variation de cette famille de géodésiques. C’est un champ de Jacobi de conditions initiales W (0) = 0 et ∇T W (0) = ∇W T (0, 0) = v 0 (0) = w. CHAPITRE 4. COURBURE 71 Comme drv expP (rw) gr (w) ∂ γs (r)|s=0 ∂s = W (r), = = expP ∗ (gM )(rw) = gM (drv expP (rw)) = |W (r)|2 . Calculons les dérivées successives de la fonction r 7→ S(r) = |W (r)|2 . On note W 0 = ∇T W , W 00 = ∇T ∇T W , etc... les dérivées covariantes successives du champ W , de sorte que l’équation de Jacobi se lise W 00 +RW,T T = 0. Alors S 0 = 2W 0 ·W , S 00 = 2W 00 ·W +2W 0 ·W 0 , S (3) = 2W (3) ·W +6W 00 ·W 0 , S (4) = 2W (4) · W + 8W (3) · W 0 + 6W 00 · W 00 . Il vient S 0 (0) = 0, S 00 (0) = 2|w|2 , S (3) (0) = 6W 00 (0) · W 0 (0) = −6(RW,T T ) · w = 0, = 8W (3) (0) · W 0 (0) + 6W 00 (0) · W 00 (0) = 8W (3) (0) · W 0 (0). S (4) (0) car W 00 (0) = (RW,T T )(0) = 0. Or W 000 (0) = = = = −∇T (RW,T T )(0) −(∇T R)W,T T )(0) − (R∇T W,T T )(0) − (RW,∇T T T )(0) − (RW,T ∇T T )(0) −RW 0 (0),T (0) T (0) −Rw,v v, d’où S (4) (0) = −8(Rw,v v) · w. Avec la formule de Taylor, il vient gr (w) = S(r) = |w|2 r2 − 8 ((Rw,v v) · w)r4 + o(r4 ). 4! En coordonnées normales, la forme quadratique gP à coefficients constants sur l’espace tangent s’écrit X gP = dx21 + · · · + dx2n = δij dxi dxj . i,j Soit x = k xk ∂x∂ k un point de TP M situé à distance r de l’origine, x = rv. Soit y = vecteur de TP M , y = rw où w ∈ Tv S n−1 . Alors P expP ∗ gM (y) 1 = |rw|2 − ((Rw,v v) · w)r4 + o(r4 ) 3 1 X = gP (y) − ( Riklj yi xk xl yj ) + o(r4 ), 3 i,j,k,l ce qui s’écrit expP ∗ gM = X i,j δij dxi dxj − 1 X (Riklj xk xl + o(|x|2 )) dxi dxj . 3 i,j,k,l P i ∂ yi ∂x un i CHAPITRE 4. COURBURE 72 Comme (Ry,x x) · y) = 0 si y est colinéaire à x, et expP ∗ gM (y) = |y|2 dans ce cas, d’après le lemme de Gauss, la formule reste vraie même si y n’est pas orthogonal à x. Interprétation. Si le terme (Rw,v v) · w est positif, la métrique expP ∗ gM est plus petite que la métrique euclidienne, cela signifie que les géodésiques se rapprochent plus les unes des autres qu’en géométrie euclidienne. Imaginons la métrique riemannienne comme un milieu transparent qui, en raison de son indice variable (et non isotrope) dévie les rayons lumineux. La métrique euclidienne sur l’espace tangent représente la prévision que fait un observateur qui ignore l’existence du milieu déformant. La métrique gM joue donc le rôle d’une loupe convergente si (Rw,v v) · w > 0, divergente si (Rw,v v) · w < 0. Exercice 68 Soit M une variété riemannienne de dimension 2, P ∈ M , Cr le lieu des points de M dont la distance à P est égale à r. Montrer que Long(Cr ) = 2πr − π K(P )r3 + o(r3 ) 3 où K(P ) est la courbure de Gauss en P . 4.2.3 Courbure sectionnelle On constate que ce qui intervient dans le développement limité de la métrique en coordonnées normales, c’est uniquement des expressions de la forme (Rw,v v) · w. On les appelle des courbures sectionnelles. Définition 4.2.4 Soit M une variété riemannienne, P un point de M , π un plan vectoriel contenu dans TP M . La courbure sectionnelle de π est l’expression K(π) = (Rw,v v) · w où (v, w) est une base orthonormée de π. Remarque 4.2.5 On peut montrer que la courbure sectionnelle des plans de Tp M détermine entièrement le tenseur de courbure de M au point P . Voir la formule démente (14 termes) dans le livre de Cheeger et Ebin, page 16. Exercice 69 Soit M une variété riemannienne, P un point de M , π un plan vectoriel contenu dans TP M . Notons Nπ = expP (π) la surface balayée par les géodésiques tangentes à π. Vérifier que la courbure sectionnelle K(π) est égale à la courbure de Gauss de Nπ . Exercice 70 Soit M une variété munie de deux métriques riemanniennes conformes g et g 0 = e2f g. Soit P un point de M , π un plan vectoriel contenu dans TP M . Vérifier que les courbures sectionnelles K 0 (π) et K(π) sont reliées par la formule K 0 (π) = e−2f (K(π) + ∆π f − |∇π⊥ f |2 ) où ∆π f est l’opposé de la trace de la hessienne ∇2 f restreinte à π et ∇π⊥ f la projection du gradient de f sur l’orthogonal de π. 4.3 4.3.1 Espaces à courbure sectionnelle constante Liste d’espaces modèles Pour chaque réel κ, et en chaque dimension n ≥ 2, on définit une variété riemannienne M κ . – Si κ > 0, M κ est la sphère de rayon κ−1/2 dans l’espace euclidien Rn+1 . – Si κ = 0, M 0 est l’espace euclidien de dimension n. CHAPITRE 4. COURBURE 73 √ – Si κ < 0, M κ est la pseudosphère de rayon −1(−κ)−1/2 dans l’espace Rn,1 , i.e. M κ = {(x1 , . . . , xn+1 ) | x21 + · · · x2n − x2n+1 = 1/κ, xn+1 > 0}. Proposition 4.3.1 L’espace M κ est complet, il a une courbure sectionnelle constante égale à κ. En coordonnées polaires d’origine quelconque, la métrique de M κ s’écrit dr2 + sκ (r)2 g1 où g1 est la métrique canonique de la sphère de rayon 1 dans Rn , et sκ est la solution de l’équation différentielle y 00 + κy = 0 de conditions initiales y(0) = 0, y 0 (0) = 1, soit √ sin( κr) √ sκ (r) = κ si κ > 0, s0 (r) = r si κ = 0, √ sinh( −κr) √ sκ (r) = −κ si κ < 0. Preuve. Pour κ = 0, il n’y a rien à faire. On suppose donc κ 6= 0. Le groupe orthogonal de Rn+1 (resp. le sous-groupe de Rn,1 ) préserve les sphères. Il agit donc par isométries sur M κ . Le théorème de Witt (un théorème d’algèbre élémentaire sur les formes quadratiques) affirme que toute isométrie linéaire entre deux sous-espaces d’un espace quadratique se prolonge en une isométrie. Il en résulte que le groupe des isométries agit transitivement sur chaque sphère. Soient P , P 0 ∈ M κ . Un 2-plan π tangent à la sphère en P , c’est un 2-plan de Rn+1 (resp. de Rn,1 ) orthogonal à P . Si κ > 0, RP ⊕ π et RP 0 ⊕ π 0 sont de même signature (3, 0), donc sont isométriques. De même, si κ < 0, RP ⊕ π et RP 0 ⊕ π 0 sont de même signature (2, 1), donc sont isométriques. L’unique isométrie RP → RP 0 se prolonge en une isométrie RP ⊕ π → RP 0 ⊕ π 0 , qui se prolonge à son tour en une isométrie de Rn+1 (resp. de Rn,1 ). Cela donne une isométrie de M κ qui envoie P sur P 0 et π sur π 0 . Comme la courbure sectionnelle est invariante par isométries, elle est nécessairement constante. Il reste à calculer la valeur de cette courbure sectionnelle. Pour cela, on remarque que l’intersection d’une sphère avec un 2-plan vectoriel Π, paramétrée par son abscisse curviligne, est une géodésique de la sphère. En effet, son accélération est dans Π et orthogonale à la vitesse, donc orthogonale à la sphère. Étant donné un point P et un 2-plan tangent π ⊂ TP M κ , la surface géodésique Nπ est l’intersection de M κ avec le 3-plan vectoriel RP ⊕ π. On est donc ramené au cas où n = 2. Les cas où κ = 1 et κ = −1 ont été traités en exercices 62 et 65. Le cas général s’en déduit, car M κ est homothétique à M 1 (resp. M −1 ) suivant que κ > 0 (resp. κ < 0). On calcule directement la métrique exp∗N gM κ où N = (0, . . . , 0, 1). Notons S n−1 la sphère unité de Rn vu comme l’espace tangent à la sphère en N . Si κ > 0, on considère l’application ]0, +∞[×S n−1 → Rn+1 , √ √ 1 (r, θ) 7→ expN (rθ) = √ (θ sin κr, cos κr) ∈ Rn × R = Rn+1 . κ √ Comme expN est définie globalement, M κ est complète. Sa restriction à la boule ]0, π/ κ[×S n−1 est un difféomorphisme sur la sphère privée des deux pôles N et S = (0, −1), et la métrique induite CHAPITRE 4. COURBURE 74 est = = = = √ √ √ √ 1 1 1 1 (d( √ θ sin κr) + N d( √ cos κr)) · (d( √ θ sin κr) + N d( √ cos κr)) κ κ κ κ √ √ √ √ 1 (d(θ sin κr) · d(θ sin κr) + N d(cos κr) · d(cos κr)) κ √ √ √ √ √ 1 (sin κr dθ + θ cos κr dr) · (sin κr dθ + θ cos κr dr) + sin2 κr dr2 κ √ √ √ 1 sin2 κr dθ · dθ + cos2 κr dr2 + sin2 κr dr2 κ √ 1 dr2 + sin2 κr dθ2 κ car θ · dθ = 0. Si κ < 0, on considère l’application ]0, +∞[×S n−1 → Rn,1 , (r, θ) 7→ expN (rθ) = √ √ √ 1 (θ sinh −κr, cosh −κr) ∈ Rn × R = Rn,1 . −κ C’est un difféomorphisme sur la pseudosphère privée du pôle N = (0, 1), et le même calcul donne √ √ 1 1 θ sinh −κr) + N d( √ cosh −κr)|2 −κ −κ √ 1 sinh2 −κr dθ2 . = dr2 + −κ |d( √ Dans les deux cas, si n = 2, l’exercice 61 donne que la courbure vaut κ. Proposition 4.3.2 Si κ > 0, le groupe des isométries de M κ est isomorphe au groupe orthogonal O(n + 1). Si κ = 0, Isom(M 0 ) est le produit semi-direct de Rn par O(n). Si κ < 0, Isom(M 0 ) est isomorphe au sous-groupe O0 (n, 1) d’indice 2 dans O(n, 1) qui préserve la pseudosphère. Preuve. Supposons κ 6= 0. Soit τ une isométrie de M κ . Alors dτ et une isométrie de TN M κ sur Tτ (N ) M κ . Le prolongement ι = (τ, dτ ) : RN ⊕ TN M κ → Rτ (N ) ⊕ Tτ (N ) M κ est une isométrie de Rn+1 (resp. Rn,1 ). Alors τ 0 = ι−1 ◦ τ est une isométrie de M κ fixant N et dont la différentielle en N est l’identité. Par conséquent τ 0 (expN (v)) = expN (v) pour tout v ∈ TN M κ . Comme expN est surjective, τ 0 est l’identité, donc τ = ι ∈ O(n + 1) (resp. τ ∈ O0 (n, 1)). 4.3.2 Caractérisation des variétés modelées sur M κ Théorème 16 Soit M une variété riemannienne. On suppose que sa courbure sectionnelle est une constante κ. Alors pour tout point P de M , la boule B(P, injP ) de M est isométrique à une boule de rayon injP de l’espace modèle M κ . Preuve. Supposons la courbure sectionnelle constante égale à κ. Soient v et w des vecteurs orthonormés. Montrons que Rv,w w = κv. Si z est orthogonal à v et à w, alors les vecteurs w et v(s) = v cos s + z sin s sont orthonormés, donc (Rw,v(s) v(s)) · w = κ. En dérivant en s = 0, on trouve que (Rw,v z) · w + (Rw,z v) · w = 0, d’où, par symétrie par rapport aux paires (formule 4.5) et antisymétrie (formules 4.2 et 4.3), (Rw,v z) · w = 0. CHAPITRE 4. COURBURE 75 Par antisymétrie (formule 4.3), on en déduit que Rv,w w est orthogonal à tout vecteur orthogonal à v, donc est colinéaire à v. Il vient Rv,w w = κv. L’équation de Jacobi s’écrit donc ∇T ∇T W + κW = 0, et on peut en donner explicitement les solutions : si W est le champ de Jacobi le long de t 7→ expP (tv) de conditions initiales W (0) = 0 et ∇T W (0) = w, alors W (t) = sκ (t)Z(t) où Z est le transport parallèle de w. En particulier, |W (r)|2 = sκ (r)2 |w|2 , donc, sur la boule de rayon injP de l’espace tangent TP M , expP ∗ gM = dr2 + sκ (r)2 g1 . Ceci prouve que la boule B(P, injP ) est isométrique à toute boule de même rayon de l’espace modèle M κ . Corollaire 4.3.3 Soit M une variété riemannienne complète à courbure sectionnelle constante égale à κ. Alors le revêtement universel de M est isométrique à l’espace modèle M κ . Le groupe des transformations de revêtement est un sous-groupe discret du groupe Isom(M κ ), isomorphe au groupe fondamental de M . Réciproquement, soit G un sous-groupe discret de Isom(M κ ), agissant sans points fixes sur M κ . Alors l’espace des orbites G \ M κ est une variété riemannienne complète à courbure constante égale à κ. Preuve. Soit P ∈ M . Comme M est complète, l’application exponentielle expP est définie globalement sur l’espace tangent TP M . Si κ < 0, notons N l’espace tangent √ muni de la forme quadratique expP ∗ gM . Si κ > 0, on se limite à la boule ouverte de rayon π/ κ. Le raisonnement sur les champs de Jacobi de la preuve précédente est vrai globalement, il montre que tant que expP ∗ gM est définie positive, elle est égale à dr2 +sκ (r)2 g1 . On conclut que N est riemannienne, globalement isométrique à M κ (resp. M κ privée d’un point, si κ > 0). De plus, expP est un difféomorphisme local en chaque point de N . Par construction, expP est une isométrie locale. Si κ ≤ 0, M et N sont complètes, donc expP est un revêtement. Comme N est contractile (et a fortiori simplement connexe), c’est le revêtement universel de M . Si κ > 0, le difféomorphisme local Φ : M κ \ ∗ → M induit par expP diminue les distances, donc il se prolonge par continuı̈té en Φ : M κ → M qui est encore une isométrie, donc un revêtement. Comme les sphères de dimension ≥ 2 sont simplement connexes, c’est le revêtement universel de M. Étant donné un revêtement p : N → M , une transformation de revêtement est un homéomorphisme τ : N → N tel que p◦τ = p. Si N est muni d’une métrique riemannienne induite gN = p∗ gM , alors τ ∗ gN = τ ∗ p∗ gM = p∗ gM = gN donc τ est une isométrie. Fixons P ∈ M . Soit P̃ ∈ p−1 (P ). Alors pour toute transformation de revêtement τ distincte de l’identité, dN (P̃ , τ (P̃ )) ≥ 2injP . En effet, si γ est un segment géodésique minimisant de P̃ à τ (P̃ ), p◦γ est un lacet géodésique d’origine P dans M , donc injP ≤ Long(γ)/2. Spécialisons au cas où M est à courbure constante, N = M κ , P le point de M qui correspond au pôle nord de M κ , noté P̃ . La topologie sur un groupe de matrices de taille n + 1 peut être définie comme la convergence uniforme sur une partie compacte génératrice de Rn+1 quelconque. Une boule de centre P̃ dans la sphère convient. Soit G le groupe des transformations de revêtement. Soit gj une suite d’élements de G qui converge vers un élément de Isom(M κ ). Alors dN (gj P̃ , gk (P̃ )) tend vers 0. Par conséquent gj = gk , i.e. la suite est stationnaire. Cela prouve que G est discret dans Isom(M κ ). CHAPITRE 4. COURBURE 76 Inversement, soit G ⊂ Isom(M κ ) un sous-groupe discret agissant sans points fixes sur M κ . Montrons que, pour tout P ∈ M κ , i(P ) = min{d(P, g(P )) | g ∈ G, g 6= id} n’est pas nul. Sinon, il existe une suite gj ∈ G \ {id} telle que d(P, gj (P )) tend vers 0. Comme les boules de M κ sont compactes, d’après le théorème d’Ascoli, il existe une sous-suite qui converge uniformément sur une boule de centre P , donc converge dans la topologie du groupe Isom(M κ ) vers un élément g ∈ Isom(M κ ) qui fixe P . Comme G est discret, la suite est stationnaire, donc g ∈ G \ {id}. Comme G agit sans points fixes, g = id, contradiction. Les applications p : B(P, i(P )/2) → G \ M κ constituent des cartes pour une structure de variété sur le quotient, avec des changements de cartes qui sont des restrictions d’éléments de G. La métrique riemannienne passe au quotient, qui est donc une variété riemannienne à courbure constante égale à κ. L’application exponentielle du quotient est la composition p ◦ exp, elle est définie globalement donc le quotient est complet. Exercice 71 Montrer que toute isométrie de la 2-sphère préservant l’orientation possède un point fixe. En déduire une classification des surfaces à courbure 1. Remarque 4.3.4 La classification des surfaces à courbure 0 est plus riche. On trouve une famille à 3 paramètres de métriques sur le tore, et une famille à 2 paramètres de métriques sur la bouteille de Klein. La description des surfaces à courbure −1 est extrêmement instructive. Elle fait l’objet du chapitre 5. 4.4 Théorèmes de comparaison Il s’agit d’énoncés où on fait l’hypothèse qu’une variété M est plus ou moins courbée que l’espace modèle M κ , on effectue une même construction dans M et dans M κ et on conclut qu’une quantité (distance, volume, etc...) est plus grande ou plus petite dans M que dans M κ . 4.4.1 Le théorème de comparaison de Rauch Théorème 17 Soit M une variété riemannienne, P un point de M . Soit r < injP . Soit B κ (r) une boule de rayon r dans M κ . On suppose que la courbure sectionnelle de M est partout ≤ κ (resp. ≥ κ). Il existe un unique homéomorphisme f : B κ (r) → B M (P, r) qui augmente (resp. diminue) les distances, il s’obtient en composant les applications exponentielles avec une isométrie entre espaces tangents. Preuve. 4.4.2 Elle va s’étaler jusqu’au paragraphe 4.4.9. Unicité de f Le point P est l’unique point de B M (P, r) dont la distance à tout point du bord est ≤ r (resp. ≥ r). Par conséquent, si f : B κ (r) → B M (P, r) est un homéomorphisme entre boules riemanniennes qui augmente (resp. diminue) les distances, il envoie centre sur centre. Pour la même raison, il envoie isométriquement segments géodésiques issus du centre sur segments géodésiques issus du centre. Par suite, il envoie sphère centrée au centre de rayon r0 < r sur sphère centrée au centre, de même rayon r0 . En faisant tendre r0 vers 0, on trouve un homéomorphisme f 0 de la sphère standard qui augmente (resp. diminue) les distances. f 0 envoie points diamétralement opposés sur points diamétralement opposés. f 0 envoie un équateur (lieu des points équidistants de deux points diamétralement opposés) sur un équateur, donc une boule sur une boule de même rayon π/2. On est ramené au problème initial, mais sur une variété de dimension un de moins. En dimension 0, f est évidemment une isométrie. Par récurrence, on conclut que f 0 est une isométrie, donc f est le difféomorphisme obtenu en composant la réciproque de l’exponentielle de M κ avec une isométrie entre espaces tangents, puis l’exponentielle de M . CHAPITRE 4. COURBURE 4.4.3 77 Réduction à une inéquation différentielle matricielle Ce paragraphe est destiné à motiver la série de lemmes nécessaires à la preuve du théorème 17. Comme on compare les variétés M et M κ au moyen des applications exponentielles, on est amené à comparer les expressions de expP ∗ gM et de exp∗ gκ : K ≤ κ ⇒ expP ∗ gM ≥ exp∗ gκ , K ≥ κ ⇒ expP ∗ gM ≤ exp∗ gκ . Comme on l’a vu lors de la preuve du théorème 15, il s’agit de montrer que si W est un champ de Jacobi le long de la géodésique t 7→ γ(t) = expP (tv), tel que W (0) = 0 et ∇v W (0) = w, alors |W (t)| ≥ (resp. ≤)|w|sκ (t), où sκ est défini dans la proposition 4.3.1. Fixons une base orthonormée de l’orthogonal de v dans TP M , et transportons la parallèlement le long de γ. Notons R(t) la matrice dans la base obtenue de l’endomorphisme z 7→ Rz,T T de l’orthogonal de T = γ 0 (t) dans Tγ(t) M . C’est une matrice symétrique (cela résulte de la symétrie par paires, formule 4.5). Notons t 7→ J(t) la résolvante de l’équation de Jacobi, i.e. la matrice solution de l’équation différentielle matricielle J 00 (t) + R(t)J(t) = 0 telle que J(0) = 0 et J 0 (0) = I, la matrice unité. Alors le champ de Jacobi W s’écrit W (t) = J(t)w. On doit donc estimer les valeurs propres de J(t)> J(t). 4.4.4 Analyse de l’équation de Ricatti matricielle Pour ramener l’équation différentielle du second ordre J 00 + RJ à une équation différentielle du premier ordre, on pose U (t) = J 0 (t)J(t)−1 qui satisfait l’équation de Ricatti U 0 (t) + U (t)2 + R(t) = 0. (4.24) Lemme 4.4.1 La matrice U (t) s’interprète comme la seconde forme fondamentale de la sphère de centre P et de rayon t, pour la normale pointant vers P , au point γ(t). Elle est donc symétrique. Preuve. Étant donné des champs de vecteurs V , W sur la sphère unité de TP M , on note encore V , W leurs prolongements en champs qui, en coordonnées polaires, ne dépendent pas de t. On note ∂ le champ radial. Alors [T, V ] = [T, W ] = 0. Dans le champ de repères parallèle le long de T = ∂r la géodésique γ, le champ V s’écrit V (t) = J(t)V (0). Par conséquent ∇T V = J 0 (t)V (0) et U (t)V (t) = J 0 (t)J(t)−1 V (t) = J 0 (t)V (0) = ∇T V donc UV · W = = = = (∇T V ) · W (∇V T ) · W ) ∇V (T · W ) − (T · ∇V W ) −T · II(V, W ), CHAPITRE 4. COURBURE 78 où II désigne la seconde forme fondamentale de la sphère de rayon t centrée en P . Du développement limité J(t) = tI + o(t2 ), on tire U (t) = 4.4.5 1 I + o(1). t (4.25) Réduction à une inéquation de Ricatti scalaire Lemme 4.4.2 Soit t 7→ U (t) une matrice symétrique qui satisfait l’équation matricielle U 0 + U 2 + R(t) = 0 sur ]0, T [ et la condition initiale U (t) = 1t I + o(1). Notons s(t) la plus grande (resp. i(t) la plus petite) valeur propre de U (t). Alors les fonctions s et i sont localement lipschitziennes donc dérivables presque partout. On suppose que pour t ∈]0, T [, κ− I ≤ R(t) ≤ κ+ I. Alors pour presque tout t ∈]0, T [, s0 (t) + s(t)2 + κ− ≤ 0, i0 (t) + i(t)2 + κ+ ≥ 0. De plus, au voisinage de 0, s(t) = 1 + o(1), t i(t) = 1 + o(1). t Preuve. Régularité des fonctions s et i. Quitte à ajouter un multiple de la matrice unité I (ce qui ne fait qu’ajouter une constante à s et à i), on peut supposer U définie positive. Alors s =k U k et i =k U −1 k−1 sont des fonctions localement lipschitziennes de U . Fixons t ∈]0, T [ où les fonctions s et i sont dérivables. Soit a un vecteur unitaire tel que s(t) = sup{U (t)b · b | |b| = 1} = U (t)a · a. Alors U (t)2 a · a = s(t)2 . Pour ≥ 0 petit, U (t − )a · a ≤ s(t − ), d’où (U (t − ) − U (t))a · a ≤ s(t − ) − s(t). En divisant par − et en passant à la limite, il vient U 0 (t)a · a ≥ s0 (t). De même, si i(t) = inf{U (t)b · b | |b| = 1} = U (t)a0 · a0 , alors U (t)2 a0 · a0 = i(t)2 et U 0 (t)a0 · a0 ≤ i0 (t). Il vient s0 (t) + s(t)2 + κ− ≤ U 0 (t)a · a + U (t)2 a · a + κ− a · a = (κ− I − R(t))a · a ≤ 0 si R(t) ≥ κI, et i0 (t) + i(t)2 + κ+ ≥ U 0 (t)a0 · a0 + U (t)2 a0 · a0 + κ+ a0 · a0 = (κ+ I − R(t))a0 · a0 ≥ 0. CHAPITRE 4. COURBURE 4.4.6 79 Résolution des inéquations scalaires Lemme 4.4.3 Soit κ un réel. Soit s une fonction localement lipschitzienne sur un intervalle ]0, T [ telle que, presque partout, s0 (t) + s(t)2 + κ− ≤ 0 et s(t) tend vers +∞ en 0. Alors pour tout t ∈]0, T [, s(t) ≤ cotκ− (t) où cotκ (t) = s0κ (t)/sκ (t). De même, si en presque tout t ∈]0, T [, i0 (t) + i(t)2 + κ+ ≥ 0 √ et i(t) tend vers +∞ en 0, alors pour tout t ∈]0, T [ (resp. t ∈]0, min{T, π/ κ+ }[ si κ+ > 0), i(t) ≥ cotκ+ (t). Preuve. La fonction cotκ est la solution de y 0 + y 2 + κ = 0 qui satisfait y(t) = 1t + o(1) au voisinage de 0. Les autres solutions s’obtiennent par translation du temps. Soit t0 > 0. Il existe c tel que s(t0 ) = cotκ− (t0 − c). Alors, pour t ∈]0, t0 [, s(t) ≥ cotκ− (t − c), ce qui entraı̂ne que c ≤ 0. Aussi, pour t ≥ t0 , s(t) ≤ cotκ− (t − c) ≤ cotκ− (t) car cotκ− est décroissante. Comme ceci est vrai pour tout t0 , on conclut que pour tout t > 0, s(t) ≤ cotκ− (t). Idem avec i. 4.4.7 Encadrement de la résolvante de Jacobi Lemme 4.4.4 Soit t 7→ J(t), t ∈]0, T [, une matrice solution de J 0 (t) = U (t)J(t), où U (t) est symétrique, et telle que J(t) = tI + o(t) au voisinage de 0. Soient κ− , κ+ des réels. Si √ κ± > 0, on note T ± = min{T, π/ κ± }. On suppose que pour tout t ∈]0, T − [, U (t) ≤ cotκ− (t)I. Alors pour tout t ∈]0, T − [, J(t)> J(t) ≤ s2κ− (t)I. Si, pour tout t ∈]0, T + [, U (t) ≥ cotκ+ (t)I, alors pour tout t ∈]0, T + [, J(t)> J(t) ≥ s2κ+ (t)I. Preuve. On suppose que U (t) ≤ cotκ (t)I. On dérive (J > J)0 = J 0> J + J > J 0 = 2J > U J ≤ 2 cotκ (t)J > J. Si σ(t) désigne la plus grande valeur propre de J(t)> J(t), on en tire, comme dans la preuve du lemme 4.4.2, σ 0 (t) ≤ 2 cotκ (t)σ(t). √ La fonction s2κ est l’unique solution sur ]0, π/ κ[ de l’équation différentielle y 0 = 2 cotκ (t)y telle que y(t) = t2 + o(t2 ) au voisinage de 0. Les autres solutions lui sont proportionnelles. Soit t0 ∈]0, T − [. Il existe c tel que σ(t0 ) = c sκ (t0 )2 . Pour t ≤ t0 , σ(t) ≥ c sκ (t)2 , ce qui entraı̂ne que c ≤ 1. Pour t ∈ [t0 , T − [, σ(t) ≤ c sκ (t)2 ≤ sκ (t)2 . Comme c’est vrai pour t0 arbitrairement petit, on conclut que σ(t) ≤ sκ (t)2 pour tout t ∈]0, T − [. Le raisonnement est semblable pour la plus petite valeur propre. CHAPITRE 4. COURBURE 4.4.8 80 Contrôle de la différentielle de l’exponentielle Proposition 4.4.5 Soit M une variété riemannienne, P ∈ M , v un vecteur tangent unitaire en P . Choisissons une base orthonormée (e1 , . . . , en ) de TP M telle que e1 = v. Transportons la parallèlement le long de la géodésique t 7→ expP (tv) en une base (E1 (t), . . . , En (t)). Notons J(t) la matrice dans les bases (e2 , . . . , en ) et (E2 (t), . . . , En (t)) de la différentielle en tv de expP , restreinte à v ⊥ , de sorte que 1 0 dtv expP = . 0 J(t) √ Soit κ un réel. Notons T κ = π/ κ si κ > 0, T κ = +∞ sinon. Notons T = inf{t < T κ | J(t) n’est pas inversible}. Notons K la courbure sectionnelle de M . Alors inf K ≥ κ ⇒ ∀t ∈ [0, T [, J(t)> J(t) ≤ sκ (t)2 I, sup K ≤ κ ⇒ ∀t ∈ [0, T [, J(t)> J(t) ≥ sκ (t)2 I. Preuve. Supposons la courbure sectionnelle ≥ κ sur M . Alors le long de toute géodésique, la matrice symétrique R(t) satisfait R(t) ≥ κI. On pose U (t) = J 0 (t)J(t)−1 , qui est bien définie sur ]0, T [. D’après les lemmes 4.4.2 et 4.4.3, U (t) ≤ cotκ (t)I. D’après le lemme 4.4.4, J(t)> J(t) ≤ sκ (t)2 I. L’argument est le même lorsqu’une borne supérieure sur la courbure sectionnelle est donnée. 4.4.9 Preuve du théorème 17 Supposons que inf M K ≥ κ. Soit P ∈ M , v ∈ TP M unitaire. D’après la proposition 4.4.5, si w ∈ TP M est orthogonal à v, |dtv expP (w)|2 = (J(t)> J(t))w · w ≤ sκ (t)2 |w|2 tant que J(t) reste inversible et π t < T κ := √ si κ > 0, κ = +∞ sinon. Autrement dit, posons ρ = sup{r < T κ | d expP est inversible sur la boule de rayon r}. Alors, en coordonnées polaires d’origine P , la métrique de M s’écrit dr2 + gr avec gr ≤ sκ (r)2 gcan , où gcan est la métrique canonique sur la sphère unité tangente en P . Fixons un point P κ de M κ et choisissons une isométrie ι : TP κ M κ → TP M . Alors ι : (TP κ M κ , expP κ ∗ gκ ) → (TP M, expP ∗ gM ) diminue les longueurs sur la boule de rayon ρ. Le rayon d’injectivité de M κ est égal à T κ . L’application exponentielle de M κ possède donc une réciproque définie sur la boule ouverte de centre P κ et de rayon ρ. On conclut que l’application f = expP ◦ι ◦ (expP κ )−1 : B κ (P κ , ρ) → M diminue les longueurs, et par conséquent aussi les distances. Remarquer que ρ ≥ injP . Si la courbure sectionnelle est ≤ κ sur M , on trouve que gr ≥ sκ (r)2 gcan , pour r < ρ, et donc que f augmente les longueurs. La restriction de f à la boule de centre P κ et de rayon égal au rayon d’injectivité de M en P , qui est un difféomorphisme, augmente donc les distances intrinsèques sur les boules. CHAPITRE 4. COURBURE 4.4.10 81 Points conjugués Définition 4.4.6 Soit M une variété riemannienne. Soit γ un segment géodésique d’extrémités P et Q dans M . On dit que Q est conjugué à P le long de γ s’il existe un champ de Jacobi non nul le long de γ qui s’annule à la fois en P et en Q. Proposition 4.4.7 Soit M une variété riemannienne, P ∈ M , v ∈ TP M . Notons γ la géodésique s 7→ expP (sv), s ∈ [0, t]. L’application exponentielle expP est un difféomorphisme local en tv si et seulement si Q = expP (tv) n’est pas conjugué à P le long de γ. Preuve. Tout champ de Jacobi orthogonal à γ et s’annulant en P est de la forme W (s) = J(s)w et alors dtv expP (w) = W (t). Par conséquent J(t) n’est pas bijective si et seulement si l’un de ces champs W s’annule aussi en t. Théorème 18 Théorème de Cartan-Hadamard. Soit M une variété riemannienne complète à courbure sectionnelle négative ou nulle. Alors M ne possède aucune paire de points conjugués. Si de plus M est simplement connexe, alors par deux points distincts passe une unique géodésique, qui dépend de façon C ∞ de ses extrémités. Preuve. On utilise les notations de la proposition 4.4.5. Soit T la borne inférieure des t > 0 tels que J(t) ne soit pas inversible. Supposons T < ∞. D’après la proposition 4.4.5, si sup K ≤ 0, alors pour tout t < T , J(t)> J(t) ≥ t2 I. En particulier, J(t)> J(t) ≥ t2 I pour t = T et donc J(t) est inversible pour tout t voisin de T , ce qui contredit la définition de T . On conclut que J(t) est inversible pour tout t > 0, le long de toute géodésique, donc il n’y a pas de points conjugués. D’après la proposition 4.4.7, pour tout P , l’application expP est un difféomorphisme local. Notons N l’espace tangent TP M muni de la métrique expP ∗ gM . C’est une variété riemannienne complète, car son exponentielle à l’origine est l’identité, donc définie partout. Par construction, expP : N → M est une isométrie locale entre variétés complètes, donc un revêtement. Si M est simplement connexe, c’est un difféomorphisme. D’où l’unicité de la géodésique passant par P et un autre point Q. Soit f : T M → M × M l’application définie par f (P, v) = (P, expP (v)). Alors df = (id, d expP ) est bijective en chaque point. Comme f est bijective, f est un difféomorphisme. Son application réciproque, restreinte au complémentaire de la diagonale, associe à deux points distincts la géodésique qui les joint. Elle est de classe C ∞ . Corollaire 4.4.8 Soit M une variété riemannienne compacte à courbure sectionnelle négative ou nulle. Alors le groupe fondamental de M est infini. Preuve. En effet, le revêtement universel de M , difféomorphe à un espace tangent, est non compact. 4.4.11 Formule de la variation seconde Il s’agit de calculer la dérivée seconde de la longueur d’une famille de courbes. CHAPITRE 4. COURBURE 82 Proposition 4.4.9 Soit s 7→ γs une famille de courbes, telle que γ0 soit une géodésique paramétrée s à vitesse 1 sur [0, L]. Notons T = γ00 , V = ∂γ ∂s |s=0 . Alors d2 Long(γs )|s=0 ds2 = +(T · ∇V V )(L) − (T · ∇V V )(0) Z L + (|∇T V |2 − ((∇T V ) · T )2 − (RV,T T ) · V ) dt. (4.26) (4.27) 0 = (V · ∇T V + T · ∇V V )(L) −(V · ∇T V + T · ∇V V )(0) Z L ((∇T ∇T V + RV,T T ) · V + ((∇T V ) · T )2 ) dt. − (4.28) (4.29) (4.30) 0 Preuve. RL Comme Long(γs ) = 0 |T | dt, il faut dériver deux fois |T | par rapport à s, i.e. dans la direction de V . On utilisera l’identité ∇V T = ∇T V . ∇V |T | = |T |−1 (∇V T ) · T = |T |−1 (∇T V ) · T, ∇V ∇V |T | = (∇V (|T |−1 ))(∇V T ) · T + |T |−1 ∇V ((∇T V ) · T ) = (−|T |−3 (∇V T ) · T )(∇V T ) · T +|T |−1 ((∇V ∇T V ) · T + (∇T V ) · ∇V T ). En s = 0, |T | = 1 d’où ∇V ∇V |T | = −((∇T V ) · T )2 + (∇V ∇T V ) · T + |∇T V |2 . Or, par définition de la courbure, (∇V ∇T V ) · T = (RV,T V ) · T + (∇T ∇V V ) · T = −(RV,T T ) · V + ∇T ((∇V V ) · T ) − (∇V V ) · (∇T T ) = −(RV,T T ) · V − ∇T ((∇V V ) · T ), car γ0 est une géodésique. Il vient ∇V ∇V |T | = |∇T V |2 − ((∇T V ) · T )2 − (RV,T T ) · V − ∇T ((∇V V ) · T ). En intégrant, on trouve d2 Long(γs )|s=0 ds2 = ((∇V V ) · T )(L) − ((∇V V ) · T )(0) Z L + (|∇T V |2 − ((∇T V ) · T )2 − (RV,T T ) · V ) dt. 0 En dérivant ∇T (∇T V · V ) = (∇T ∇T V ) · V + |∇T V |2 , on effectue l’intégration par parties qui conduit à la seconde formule. Lemme 4.4.10 Soit M une variété riemannienne, γ un segment géodésique minimisant d’extrémités P et Q. Alors aucun point intérieur de γ n’est conjugué à P le long de γ. CHAPITRE 4. COURBURE 83 Preuve. Par l’absurde. Soit P 0 = γ(`), ` < L = Long(γ) un point conjugué à P le long de γ. Soit W un champ de Jacobi non nul qui s’annule en P et en P 0 . Fixons < injP 0 /2. Pour s petit, on définit une famille de courbes γs paramétrées par [0, ` + ] comme suit. Pour t ∈ [0, ` − ], γs (t) = expγ(t) (sW (t)). Pour t ∈ [` − , ` + ], γs (t) est l’unique géodésique minimisante de γs (` − ) à γ0 (` + ). D’après la formule de la variation première, dLong(γs ) = 0. ds |s=0 Notons W la variation de la famille γs sur [0, ` − ], et V sa variation sur [` − , ` + ]. Ces champs sont nuls aux extrémités t = 0 et t = ` + , géodésiques en t = ` − , donc W = ∇W W = 0 en t = 0, ∇W W = ∇V V = 0 en t = ` − , V = ∇V V = 0 en t = ` + . En s = 0, W et V sont orthogonaux à T et satisfont l’équation de Jacobi. Les fonctions (∇T W ) · T et (∇T V ) · T , dérivées des fonctions W · T = 0 et V · T = 0, sont nulles. D’après la formule de la variation seconde, d2 Long(γs ([0, ` − ]))|s=0 ds2 = (W · ∇T W − (∇W W ) · T )(` − ) −(W · ∇T W − (∇W W ) · T )(0) Z `− − ((∇T ∇T W + RW,T T ) · W + ((∇T W ) · T )2 ) dt 0 = (W · ∇T W )(` − ). De même, d2 Long(γs ([` − , ` + ]))|s=0 = −(V · ∇T V )(` − ) ds2 donc d2 Long(γs )|s=0 ds2 = (W · ∇T W − V · ∇T V )(` − ) = W (` − ) · (∇T W − ∇T V )(` − ). Comme γs |[`−,`+] est une famille de géodésiques issues de Q0 = γ0 (` + ), on peut écrire V (` − ) = J(2)v où v ∈ TQ0 M , d’où ∇−T V (` − ) = J 0 (2)v = U (2)V (` − ) où U est la seconde forme fondamentale des sphères centrées en Q0 , orientées par T . Par conséquent (∇−T V )(` − ) = 1 (V (` − ) + o()). 2 lorsque tend vers 0. Comme W (`) = 0, W (` − ) = −∇T W (` − ) + o(). Enfin, V (` − ) = W (` − ), donc, notant w = (∇T W )(` − ), −(∇T V )(` − ) = 1 (−w + o()). 2 Il vient d2 Long(γs )|s=0 ds2 1 = −w · (w − w) + o() 2 ∼ −|w|2 < 0 CHAPITRE 4. COURBURE 84 car, comme W est solution non nulle d’une équation différentielle du second ordre, et W (`) = 0, nécessairement lim→0 w = (∇T W )(`) 6= 0. En choisissant > 0 assez petit, on trouve donc des chemins de P à Q0 de longueur < ` + . Cela prouve que γ n’est pas minimisante entre P et Q0 , et a fortiori entre P et Q. Théorème 19 O. Bonnet. Soit κ > 0. Soit M une variété riemannienne complète à courbure √ sectionnelle ≥ κ. Alors M est compacte, de diamètre au plus π/ κ, et son groupe fondamental est fini. Preuve. Soient P et Q deux points de M , soit γ une géodésique minimisante de P√ à Q. On reprend les notations de la proposition 4.4.5. Si inf K ≥ κ > 0, alors tant que t < π/ κ et J(t) est inversible, √ sin2 ( κt) T J(t) J(t) ≤ I. κ √ √ √ Comme sin( κt) s’annule en t = π/ κ, nécessairement il existe ` ≤ π/ κ tel que J(`) ne √ soit pas inversible. Autrement dit, il existe un point conjugué à√P sur γ, à distance au plus π/ κ de P . D’après le lemme√4.4.10, cela entraı̂ne que d(P, Q) ≤ π/ κ. On conclut que le diamètre de M est au plus égal à π/ κ, donc que M est compacte. Le résultat s’applique aussi au revêtement universel de M : celui-ci est compact, donc le groupe fondamental de M est fini. Remarque 4.4.11 Le théorème de Bonnet est vrai sous une hypothèse plus faible, faisant intervenir seulement la courbure de Ricci. Sous cette forme, il est dû à S. B. Myers. Pour d’autres théorèmes de comparaison, voir le livre de J. Cheeger et D. Ebin. Chapitre 5 Surfaces à courbure constante Avant de se lancer dans la description des surfaces riemanniennes compactes à courbure −1, on donne une preuve du théorème de Gauss-Bonnet pour les surfaces riemanniennes compactes. Les généralisations de ce théorème feront l’objet d’un chapitre ultérieur, sur les classes caractéristiques des fibrés vectoriels. 5.1 5.1.1 Théorème de Gauss-Bonnet La 1-forme de connexion d’un champ de repères local Soit M une variété riemannienne de dimension 2. Étant donné un champ de repères orthonormés local (e1 , e2 ), une connexion métrique ∇ (par exemple, la connexion de Levi-Civita) s’exprime au moyen de deux fonctions qu’on peut interpréter comme les composantes d’une 1-forme différentielle. En effet, pour une connexion quelconque, ∇ = ∇0 +Γ où ∇0 est la connexion naı̈ve du repère (e1 , e2 ), et Γ est un tenseur de type (2, 1), qu’on peut voir comme une matrice de 1-formes différentielles α11 α12 α21 α22 où αij est définie pour tout vecteur tangent v par αij (v) = (∇v ej ) · ei Si la connexion est métrique, cette matrice est antisymétrique, 0 −α Γ= α 0 où on a noté α = α21 , de sorte que ∇e1 = α ⊗ e2 , ∇e2 = −α ⊗ e1 , i.e. Γ=α⊗J où J désigne la rotation de π/2 dans le plan tangent, dont la matrice est Définition 5.1.1 On appelle α la 1-forme de connexion du repère (e1 , e2 ). 85 0 −1 . 1 0 CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 5.1.2 86 Changement de repère La forme différentielle α dépend du choix de champ de repères local. En effet, si e01 = cos(φ)e1 + sin(φ)e2 , e02 = − sin(φ)e1 + cos(φ)e2 est un autre champ de repères local définissant la même orientation, où φ est une fonction sur M , alors la 1-forme correspondante est α0 = α + dφ. En effet, ∇v e01 = (∇v φ)(− sin(φ)e1 + cos(φ)e2 ) + cos(φ)∇v e1 + sin(φ)∇v e2 = (∇v φ)e02 + α(v)(cos(φ)e2 − sin(φ)e1 ) = (∇v φ + α(v))e02 . Si on change l’orientation, par exemple en changeant e2 en −e2 , alors α change de signe. Ceci indique que la quantité dα ne dépend pas du choix de champ de repères local, seulement de l’orientation. 5.1.3 1-forme de connexion et courbure Proposition 5.1.2 Soit M une variété riemannienne orientée de dimension 2. Soit α la 1-forme de connexion d’un champ de repères orthonormés directs local quelconque. Alors dα = −K vol (5.1) où vol est l’élément de volume associé à l’orientation et à la métrique. Preuve. Soit (V, W ) un champ de repères orthonormés directs local, et α = (∇V )·W . On calcule dα(V, W ) = d(α(W ))(V ) − d(α(V ))(W ) − α([V, W ]) = ∇V ((∇W V ) · W ) − ∇W ((∇V V ) · W ) − (∇[V,W ] V ) · W = (∇V ∇W V ) · W ) + (∇W V ) · (∇V W ) − (∇W ∇V V ) · W ) −(∇V V ) · (∇W W ) − (∇[V,W ] V ) · W = (RV,W V ) · W car ∇W V est orthogonal à V , ∇V W est orthogonal à W , donc ces deux vecteurs sont orthogonaux. De même, ∇V V est orthogonal à V , ∇W W est orthogonal à W , donc ces deux vecteurs sont orthogonaux. 5.1.4 Courbure géodésique Soit M une variété riemannienne de dimension 2, soit c une sous-variété de dimension 1 de M . Soit ν un vecteur unitaire normal à c en P . Alors la seconde forme fondamentale de c en P est déterminée par un nombre k appelé courbure géodésique (geodesic curvature) de c, II P (v, v) = k|v|2 ν. Si c est paramétrée par son abscisse curviligne, k = (∇c0 c0 ) · ν. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 87 ∆φ i Fig. 5.1 – Angles d’un polygone convexe Lemme 5.1.3 Soit M une variété riemannienne orientée de dimension 2. Soit c une courbe paramétrée par son abscisse curviligne dans M . On note k sa courbure géodésique pour l’orientation normale Jc0 (s). Soit (e1 , e2 ) un champ de repères orthonormés directs local. Ecrivons c0 (s) = cos(φ(s))e1 + sin(φ(s))e2 . Alors α(c0 (s)) = −φ0 (s) + k(s). Autrement dit, c∗ α = −dφ + k ds. Preuve. Par définition de la 1-forme de connexion, ∇c0 (s) c0 (s) = φ0 (s)(− sin(φ(s))e1 + cos(φ(s))e2 ) + cos(φ(s))∇c0 (s) e1 + sin(φ(s))∇c0 (s) e2 = (φ0 (s) + α(c0 (s)))(− sin(φ(s))e1 + cos(φ(s))e2 ) = (φ0 (s) + α(c0 (s)))Jc0 (s). Proposition 5.1.4 Théorème de Gauss-Bonnet pour les polygones. Soit D un polygone convexe dans R2 . Soit U un voisinage de D dans R2 . On munit U d’une métrique riemannienne de courbure de Gauss K. On oriente ∂D par la normale sortant de D. On note ∆φ1 , . . . , ∆φk ∈] − π, π[ les angles de ∂D aux points où elle n’est pas lisse (voir figure). Alors Z k ds + c k X i=1 Z ∆φi + K dA = 2π. D Preuve. Soit (e0 , e00 ) un champ de repères constant sur R2 . Par orthonormalisation de Schmidt, on en déduit un champ de repères (e1 , e2 ) orthonormé pour la métrique riemannienne sur U . On fixe pour origine un point P sur un côté ∂D, et on note s 7→ c(s), s ∈ [0, L], le paramétrage par l’abscisse curviligne d’origine P de ∂D, telle que Jc0 (s) soit la normale rentrante. On choisit une détermination φ0 de l’angle entre e1 et c0 (0). Elle se relève uniquement en une détermination φ(s) de l’angle entre e1 et c0 (s), pour s ∈ [0, L], telle que, au passage du i-ème sommet, φ saute de ∆φi . CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 88 D’après le lemme 5.1.3, −φ(L) + φ(0) + X Z L Z k(s) ds ∆φi + φ0 (s) ds + 0 0 i L = − Z L k(s) ds 0 Z = α Zc = dα Z = − K dA. D D Il reste à évaluer φ(L)−φ(0) = ∆φ(c). C’est un multiple entier de 2π qui dépend continuement de la métrique riemannienne, donc ne dépend pas de la métrique, puisque deux métriques riemanniennes sont toujours liées par un chemin continu de métriques. On peut donc le calculer au moyen de la métrique euclidienne. Or pour un polygone convexe, ∆φi est la mesure de l’ensemble Ni des vecteurs unitaires ν tels que le demi-plan d’appui orthogonal à ν contenant D touche D en son i-ème sommet. Les ensembles Ni constituent une partition du cercle unité privé d’un nombre fini de vecteurs (les normales sortantes des côtés), donc la somme des angles ∆φi vaut 2π. On conclut que ∆φ(c) = 2π, d’où la formule annoncée. 5.1.5 Théorème de Gauss-Bonnet Définition 5.1.5 Soit M une variété de dimension 2. Une décomposition lisse en cellules (smooth cell decomposition) de M , c’est la donnée d’une famille finie d’arcs ai de classe C 2 plongés dans M appelés arêtes (edges) tels que – deux arêtes ne se coupent qu’en leurs extrémités ; – pour chaque composante connexe D du complémentaire de la réunion des arêtes, il existe un voisinage de l’adhérence de D qui est l’image par un difféomorphisme Φ d’un ouvert U du plan, tel que Φ−1 (D) soit un polygone convexe. Dans ce cas, on appelle sommets (vertices) de la décomposition les extrémités des arêtes et faces (faces) de la décomposition les composantes connexes du complémentaire de la réunion des arêtes. Noter que la définition choisie est un peu trop restrictive, car les faces ont forcément des angles saillants. Le cas général s’y ramène en ajoutant des arêtes. Théorème 20 Gauss-Bonnet. Soit M une variété riemannienne compacte de dimension 2 à bord géodésique (le bord peut être vide). Soit τ une décomposition en cellules de M . On note S le nombre de sommets, A le nombre d’arêtes et F le nombre de faces. Alors Z K d|vol| = 2π(S − A + F ). M R On ne suppose pas la variété M orientable. L’intégrale M K d|vol| est celle d’une fonction, la courbure de Gauss, par rapport à une mesure positive, l’aire absolue. Le théorème affirme simultanément que l’intégrale ne dépend pas de la métrique riemannienne choisie, et que la somme S − A + F ne dépend pas de la décomposition en cellules choisie. Définition 5.1.6 Le nombre S − A + F s’appelle la caractéristique d’Euler-Poincaré (Euler-Poincaré characteristic) de la variété M . Preuve. On additionne les contributions des faces. Chaque arête qui ne fait pas partie du bord appartient à exactement deux faces qui induisent des orientations normales opposées, les intégrales de courbure géodésique se compensent exactement. Pour les arêtes du bord, la courbure géodésique est nulle, par hypothèse. Il n’y a donc pas d’intégrale de courbure géodésique dans la formule finale. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 89 Il ne reste plus qu’à additionner les angles ∆φ. Pour cela, on fixe momentanément une orientation au voisinage de chaque sommet (aucune compatibilité entre différents sommets n’est nécessaire). Il y a un tel angle par triplet (s, a, f ) formé d’un sommet s, d’une arête orientée a émanant de s et d’une face f dont le bord contient a et qui est sur la gauche lorsqu’on avance le long de a. On remarque que π − ∆φ(s, a, f ) est l’angle entre deux arêtes consécutives dans l’ordre circulaire des arêtes émanant de s. Supposons d’abord M sans bord. Dans ce cas, pour chaque sommet s, X (π − ∆(s, a, f )) = 2π, (a,f ) d’où X (π − ∆(s, a, f )) = X 2π = 2πS, s (s,a,f ) autrement dit, X ∆(s, a, f ) = −2πS + X π. (s,a,f ) (s,a,f ) Or chaque arête orientée a appartient à exactement un triplet : s est l’origine de a et f la face de gauche au sens de l’orientation au voisinage de s. Par conséquent le nombre de triplets est 2A. Il vient X ∆(s, a, f ) = −2πS + 2πA. (s,a,f ) Avec la proposition 5.1.4, Z XZ K d|vol| = K d|vol| M f = X f Z (2π − f = 2πF − k ds − ∂f X X ∆φ(s, a, f )) (s,a) ∆φ(s, a, f )) (s,a,f ) = 2πF + 2πS − 2πA. Lorsque M a un bord non vide, il faut orienter le bord (une variété de dimension 1 est toujours orientable), choisir les orientations au voisinage des sommets du bord en combinant l’orientation du bord et la normale sortante. Pour un sommet du bord, la somme des angles vaut π et non 2π. Par conséquent, il faut introduire le nombre de sommets interieurs Sint et de sommets du bord Sbord , X (π − ∆(s, a, f )) = 2πSint + πSbord . (s,a,f ) Alors que chaque arête orientée intérieure appartient à un unique triplet (s, a, f ), sur le bord, une seule des deux orientations donne lieu à triplet (s, a, f ). Par conséquent, X π = 2πAint + πAbord , (s,a,f ) d’où X (s,a,f ) ∆(s, a, f ) = 2π(Aint − Sint ) + π(Abord − Sbord ), CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 90 puis Z K d|vol| = 2π(F − Aint + Sint ) + π(Sbord − Abord ) M = 2πχ(M ) − πχ(∂M ). Enfin, χ(∂M ) = 0 car le bord est une réunion de cercles. 5.1.6 Premières conséquences Remarque 5.1.7 Soit M une variété à bord compacte de dimension 2. Supposons que M possède une métrique riemannienne à courbure constante κ qui rend le bord géodésique. Alors κ > 0 ⇒ χ(M ) > 0, κ = 0 ⇒ χ(M ) = 0, κ < 0 ⇒ χ(M ) < 0. Les variétés compactes connexes sans bord orientables de dimension 2 sont classifiées par leur caractéristique d’Euler-Poincaré. C’est un entier pair ≤ 2. Les variétés compactes connexes sans bord non orientables de dimension 2 sont classifiées par leur caractéristique d’Euler-Poincaré. C’est un entier ≤ 1. Par conséquent, il y a deux variétés compactes connexes sans bord de dimension 2 à χ > 0, ce sont la sphère (χ = 2) et le plan projectif réel (χ = 1), et deux variétés compactes connexes sans bord de dimension 2 à χ = 0, ce sont le tore et la bouteille de Klein. On peut décrire le tore comme le quotient du plan euclidien par un groupe engendré par deux translations linéairement indépendantes, et la bouteille de Klein par le quotient du plan euclidien par le groupe engendré par une translation de vecteur v et une translation de vecteur w 6= 0 orthogonal à v suivie d’une symétrie orthogonale par rapport à une droite parallèle à w. Cela donne des métriques à courbure nulle sur le tore et la bouteille de Klein. Toutes les autres variétés compactes connexes sans bord de dimension 2 ont une caractéristique d’Euler-Poincaré strictement négative. On va s’employer à construire des métriques à courbure −1 sur toutes ces variétés. 5.2 Le plan hyperbolique La géométrie hyperbolique est la plus ancienne des géométries non euclidiennes. Elle a été fondée indépendamment par Bolyai, Lobatchevskii, Gauss vers 1823, lors de leurs recherches sur l’indépendance du 5e postulat d’Euclide. La géométrie elliptique, i.e. celle du plan projectif réel, constitue aussi une preuve de l’indépendance du 5e postulat, mais cela n’a été compris que plus tard. C’est Riemann qui a dégagé l’idée que les trois géométries euclidienne, hyperbolique et elliptique peuvent être décrites par une donnée infinitésimale, ce qui l’a conduit à la notion générale de métrique riemannienne. On va donner quelques détails sur les modèles utiles de la géométrie hyperbolique en 2 dimensions. 5.2.1 La pseudosphère C’est la surface Ψ = {(X, Y, Z) ∈ R2,1 | X 2 + Y 2 − Z 2 = −1, Z > 0} munie de la métrique induite par la forme quadratique dX 2 + dY 2 − dZ 2 . Les géodésiques sont les traces des 2-plans passant par l’origine. Le groupe d’isométries est le sous-groupe O0 (2, 1) de Gl(3, R) formé des matrices M telles 1 0 0 que M > QM = Q où Q = 0 1 0 et dont le coefficient m33 est positif. En effet, préserver 0 0 −1 0 la pseudosphère, c’est envoyer le vecteur 0 sur un vecteur dont la troisième composante est 1 positive, ce qui se traduit par m33 > 0. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 91 Pour chacun des autres modèles, on va détailler les géodésiques et le groupe d’isométries. 5.2.2 Le disque unité On munit le disque unité D = {z ∈ C | |z| < 1} de la métrique dzdz̄ dx2 + dy 2 = . (1 − x2 − y 2 )2 (1 − z z̄)2 Proposition 5.2.1 Le groupe des isométries du disque pour la métrique de Poincaré s’identifie au groupe des bijections holomorphes et antiholomorphes du disque. Les bijections holomorphes sont les restrictions au disque des homographies de la forme z 7→ eiθ z + a ā eiθ z + 1 où a ∈ D et θ ∈ R. Les bijections antiholomorphes sont de la forme z 7→ eiθ z̄ + a . ā eiθ z̄ + 1 En particulier, ces isométries agissent continûment sur le disque fermé. Preuve. Comme la métrique de Poincaré est conforme à la métrique euclidienne, toute isométrie de la métrique de Poincaré est une bijection conforme du disque, donc holomorphe ou antiholomorphe suivant qu’elle préserve ou non l’orientation. Inversement, soit f une bijection holomorphe du disque. Montrons que f diminue la distance de Poincaré. Étant donné z0 ∈ D, soient g1 et g2 des isométries telles que z0 = g1 (0) et g2 (f (z0 )) = 0. De telle isométries existent car le groupe des isométries est transitif sur la pseudosphère. Alors h = g2 ◦ f ◦ g1 est holomorphe. Soit Cr le cercle de rayon r. La formule de Cauchy donne Z 1 h(z) dz 0 |h (0)| = | | 2πi Cr z 2 Z |dz| 1 ≤ 2π Cr r2 1 . = r En faisant tendre r vers 1, on trouve que |h0 (0)| ≤ 1 donc h diminue la métrique de Poincaré en 0, donc f diminue la métrique de Poincaré en z0 . En appliquant cette propriété à f −1 , on conclut que f est une isométrie. z+a Posons a = f (0), g(z) = āz+1 . Alors g −1 ◦ f est une isométrie du disque fixant l’origine et préservant l’orientation. Sa différentielle en 0 est donc une rotation ρ, dont l’angle est noté θ. Comme ρ est une isométrie de la métrique de Poincaré, ρ−1 ◦ g −1 ◦ f est une isométrie qui fixe 0 et dont la différentielle en 0 est l’identité, donc c’est l’identité. On conclut que f (z) = g ◦ ρ(z) = eiθ z + a . ā eiθ z + 1 Si f est une bijection antiholomorphe (resp. une isométrie renversant l’orientation, f (z̄) est une bijection holomorphe, d’où la conclusion. 1 0 Exercice 72 Soit H = . On note U (1, 1) le sous-groupe de Gl(2, C) formé des matrices 0 −1 ∗ M telles que M HM = H. On note P U (1, 1) son image dans P Gl(2, C). Montrer que l’action par homographies sur la droite projective complexe C ∪ {∞}, donnée par uz + s u s P U (1, 1) × C ∪ {∞} → C ∪ {∞}, ( , z) 7→ . v t vz + t CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 92 préserve le disque unité, et induit un isomorphisme de P U (1, 1) sur le groupe des bijections holomorphes du disque. Proposition 5.2.2 Les géodésiques sont les arcs de cercles et les segments de droites orthogonaux au bord. Preuve. Montrons que les homographies envoient les cercles et les droites sur des cercles ou des droites. Comme toute homographie est la composée de translations z 7→ z + a, de similitudes z 7→ uz et de l’application z 7→ 1/z, il suffit de le vérifier pour chaque type d’application. Si on est savant, on remarque que z 7→ 1/z est la composition de la symétrie z 7→ z̄ et de l’inversion z 7→ z/|z|2 , qui possèdent cette propriété. Sinon, on applique le théorème de l’arc capable : tout cercle passant par des points distincts P et Q est défini par une équation de la forme Arg( z−P ) = θ mod π. z−Q Son image par z 7→ 1/z, donnée par l’équation Arg( z− z− 1 P 1 Q ) = θ − Arg( P ) mod π, Q est à nouveau un cercle. On sait déjà que les géodésiques de la métrique de Poincaré passant par l’origine sont les diamètres du disque, ils sont orthogonaux au bord. Les autres géodésiques s’obtiennent en appliquant des homographies préservant le disque, ce sont donc des arcs de cercles, orthogonaux au bord parce que les homographies sont conformes et préservent donc l’orthogonalité. Proposition 5.2.3 Par deux points distincts du cercle unité passe une et une seule géodésique du disque de Poincaré. Deux géodésiques γ1 et γ2 , d’extrémités respectives (P1 , Q1 ) et (P2 , Q2 ), se coupent si et seulement si, sur le cercle unité, les points P1 et Q1 séparent P2 de Q2 . Preuve. Soient P et Q deux points distincts du cercle unité. S’ils sont diamétralement opposés, le segment [P, Q] passe par l’origine, c’est une géodésique. Sinon, les tangentes au cercle en P et Q ne sont pas parallèles, elles se coupent en R qui est distinct de P et Q. Par symétrie de la figure, le triangle P QR est isocèle en R. Le cercle de centre R passant par P passe aussi par Q. Il est orthogonal au cercle unité. Il coupe le disque unité suivant une géodésique. Cette géodésique est contenue dans le plus petit des deux secteurs de sommet l’origine O délimités par les rayons OP et OQ. Soit f une isométrie du disque. Alors f se prolonge en un homéomorphisme du disque fermé de façon compatible avec le prolongement des géodésiques. Il préserve les propriétés de séparation sur le bord. Cela permet de se ramener au cas où deux des points, par exemple (P1 , Q1 ), sont diamétralement opposés. Si P2 et Q2 sont de part et d’autre du diamètre [P1 , Q1 ], alors la géodésique de P2 à Q2 coupe le diamètre. Si P2 et Q2 sont du même côté du diamètre [P1 , Q1 ], alors le petit secteur délimité par OP2 et OQ2 est d’un seul côté, donc la géodésique de P2 à Q2 est d’un seul côté. Voici un autre argument plus synthétique. Supposons que les points P1 et Q1 ne séparent pas P2 de Q2 , mais que les géodésiques correspondantes se coupent. Alors elles doivent se couper en au moins deux points R et R0 . Comme le disque est simplement connexe et la métrique de Poincaré a une courbure négative, le théorème de Cartan-Hadamard affirme que R et R0 ne sont reliés que par une seule géodésique, contradiction. 5.2.3 Le demi-plan supérieur Il est muni de la métrique dx2 +dy 2 . y2 CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 93 Proposition 5.2.4 Les géodésiques du demi-plan supérieur sont des demi-droites ou des arcs de cercles orthogonaux à l’axe réel. Le sous-groupe des isométries s’identifie au groupe P Gl(2, R) des classes de matrices réelles 2 × 2 inversibles, à multiplication près par un réel non nul. Les matrices de déterminant positif agissent sur le demi-plan supérieur par homographies az + b a b . ( , z) 7→ c d cz + d Les matrices de déterminant négatif agissent par az̄ + b a b ( . , z) 7→ c d cz̄ + d Le groupe des isométries du demi-plan supérieur est simplement 3-transitif sur le bord R∪{∞}, i.e. étant donné deux triplets de points distincts (P, Q, R) et (P 0 , Q0 , R0 ) sur R ∪ {∞}, il existe une unique isométrie qui envoie P en P 0 , Q en Q0 et R en R0 . Preuve. On utilise l’homographie Φ : z 7→ z−i z+i de C ∪ {∞} qui envoie le demi-plan sur le disque. Elle envoie droites et cercles sur des droites ou des cercles, et préserve les angles. Par conséquent, les géodésiques du demi-plan sont contenus dans des droites ou des cercles orthogonaux au bord. Φ conjugue les isométries du disque sur les isométries du demi-plan, qui sont donc aussi des homographies ou des antihomographies. Il reste à verifier qu’une homographie z 7→ az+b cz+d (resp. une az̄+b antihomographie z 7→ cz̄+d ) envoie le demi-plan dans lui-même si et seulement si a, b, c et d sont réels et ad − bc > 0 (resp. ad − bc < 0). L’action du groupe d’isométries sur le bord s’identifie donc à celle de P Gl(2, R) sur la droite projective réelle R ∪ {∞}. Le groupe projectif est simplement transitif sur les repères projectifs, par définition. En dimension 1, un repère projectif, c’est trois points distincts. Remarque 5.2.5 Ce n’est pas un hasard si les trois groupes S00 (2, 1), P U (1, 1) et P Sl(2, R) sont isomorphes. En effet, soit G un groupe de Lie (i.e. une variété munie d’une multiplication et d’un inverse différentiables). Soit H ⊂ G un sous-groupe compact. Alors l’espace quotient G/H des classes à droite de H possède une structure de variété, ainsi que des métriques riemanniennes invariantes par l’action de G : il suffit de choisir sur l’espace tangent Te G une forme quadratique définie positive invariante par l’action adjointe de H (différentielle de l’action (h, g) 7→ h−1 gh de H sur G). On obtient une métrique riemannienne G-invariante sur G qui passe au quotient. Lorsque G/H est de dimension 2, on obtient une variété riemannienne homogène (groupe d’isométrie transitif) donc à courbure constante. Elle est connexe si G est connexe, simplement connexe si H est connexe, compacte si et seulement si G l’est. C’est le cas ici pour chacun des trois groupes, et H le sous-groupe qui va donner les rotations qui fixent un point (H = SO(2) ⊂ SO0 (2, 1), P (U (1)×U (1)) ⊂ P U (1, 1), P (SO(2)) ⊂ P Sl(2, R)). On obtient donc un espace modèle M κ où κ ≤ 0, soit seulement deux choix possible pour la composante connexe de l’élément neutre dans le groupe d’isométries. Les trois groupes de matrices correspondent tous les trois au second choix (κ < 0), ils sont donc isomorphes. Les trois groupes de matrices considérés sont simples. La classification des groupes de Lie simples simplement connexes de dimension 3 est presque élémentaire. On en trouve 2, l’un est compact, c’est le groupe d’isométrie de la sphère M κ , κ > 0, l’autre non. Par conséquent, les trois groupes S00 (2, 1), P U (1, 1) et P Sl(2, R) sont isomorphes. Le lien entre ces deux problèmes de classification (groupes de Lie simples/variétés riemanniennes symétriques) a été découvert par E. Cartan vers 1925. C’est l’un des piliers de la géométrie différentielle du XXème siècle. Exercice 73 Soit M une variété de dimension 2 compacte sans bord à courbure −1. Soit f une transformation de revêtement distincte de l’identité. Montrer que f laisse stable une géodésique γ du plan hyperbolique. Montrer que toute isométrie du plan hyperbolique qui commute avec f fixe γ. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 94 Exercice 74 Soit M une variété de dimension 2 compacte sans bord à courbure −1. Soit f¯ une isométrie de M qui est homotope à l’identité. Montrer que son relèvement au plan hyperbolique commute avec les transformations de revêtement. En utilisant l’exercice 73, montrer que f¯ = idM . Conclure que le groupe des isométries de M est fini. 5.3 5.3.1 Surfaces de Riemann et géométrie hyperbolique Surfaces de Riemann et structures conformes en dimension 2 Définition 5.3.1 On appelle communément surface de Riemann (Riemann surface) une variété complexe de dimension 1. Autrement dit, un espace topologique muni d’un atlas de cartes sur des ouverts de C tel que les changements de cartes soient des bijections holomorphes. Un isomorphisme (isomorphism) entre surfaces de Riemann est un homéomorphisme qui, lu dans des cartes, est holomorphe. Exemple 5.3.2 La droite affine C. Ses automorphismes sont les similitudes directes z 7→ az + b, a 6= 0. En effet, un automorphisme est a fortiori une fonction entière qui admet au pire un pôle simple à l’infini. Exemple 5.3.3 Le disque unité D. Son groupe d’automorphismes a été déterminé en 5.2.1. Exemple 5.3.4 La droite projective complexe CP 1 = C ∪ {∞} a une structure de surface de Riemann. Son groupe d’automorphismes est le groupe P Gl(2, C) des homographies z 7→ az + b cz + d où ad − bc 6= 0. En effet, on peut prendre un atlas à deux cartes U1 = {|z| < 2} avec l’homéomorphisme z, et U2 = {|z| > 1/2} ∪ {∞}, avec l’homéomorphisme w qui vaut 1/z sur {|z| > 1/2} et 0 en ∞. Le changement de carte z 7→ 1/z est holomorphe sur U1 ∩ U2 . Un automorphisme de C ∪ {∞} est a fortiori une fonction méromorphe f admettant au plus un pôle simple, et telle que f (1/z) admette au pire un pôle simple en 0, donc c’est une fraction rationnelle dont le numérateur et le dénominateur sont de degré 1. Proposition 5.3.5 Toute métrique riemannienne sur le 2-tore ou sur la bouteille de Klein est conforme à une métrique à courbure nulle, unique à proportionnalité près. Preuve. Soit (M, g) une variété riemannienne compacte de dimension 2. La formule pour le comportement de la courbure sous un changement conforme donne que la métrique e2u gM est à courbure nulle si et seulement si ∆u = −K. Par le principe du maximum, le noyau de ∆ est réduit aux fonctions constantes. Deux solutions u et u0 de l’équation ∆u = −K diffèrent d’une constante, donc donnent des métriques proportionnelles. L’existence repose sur l’alternative de Fredholm pour le laplacien (valable sur toute variété riemannienne compacte) : étant donné une fonction f ∈ L2 sur M , l’équation ∆u = f possède une solution u ∈ L22 si et seulement si f est orthogonale au noyau R de l’adjoint de ∆, lequel n’est autre que ∆ lui-même. Par conséquent la condition sur f est que M f d|vol| = 0. D’après la formule de Gauss-Bonnet, sur le tore ou la bouteille de Klein, la courbure satisfait cette condition. Il existe donc une fonction u telle que ∆u = −K. Un théorème de régularité donne que u est C ∞ . Alors la métrique e2u gM est à courbure nulle. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 95 Corollaire 5.3.6 (Gauss, Korn-Lichtenstein). Toute variété riemannienne de dimension 2 est localement conforme au plan euclidien. Par conséquent, une variété riemannienne orientée de dimension√2 possède une structure naturelle de surface de Riemann, pour laquelle la multiplication par i = −1 dans le plan tangent devient la rotation de π/2. Preuve. Soit g une métrique riemannienne sur le disque unité. Une combinaison f (r)g + (1 − f (r))geucl , où f est lisse, à support dans [0, 1[ et vaut 1 au voisinage de 0, donne une métrique sur le plan qui coı̈ncide avec la métrique euclidienne hors du disque unité. On peut la rendre périodique, et obtenir ainsi une métrique sur le tore. D’après la proposition 5.3.5, elle est conforme à une métrique g0 à courbure nulle. Au voisinage de 0, celle-ci est isométrique à la métrique euclidienne. On conclut qu’il existe un difféomorphisme φ et une fonction lisse u définis au voisinage de 0 tel que φ∗ geucl = e2u g. Si M est orientée, quitte à composer φ avec une symétrie orthogonale, on peut supposer que φ préserve l’orientation. L’ensemble des cartes conformes préservant l’orientation de M constitue un atlas, et les changements de cartes sont des difféomorphismes conformes préservant l’orientation, donc des bijections holomorphes. Cela définit la structure de surface de Riemann. Si P ∈ M , φ est une carte conforme au voisinage de P préservant l’orientation et (v, w) est une base orthonormée directe de TP M , (dP φ(v), dP φ(w)) est une base orthogonale directe du R-espace vectoriel euclidien orienté C, donc dP φ(w) = i dP φ(v). Autrement dit, la multiplication par i pour la structure transportée par φ coı̈ncide avec la rotation de π/2. Théorème 21 Théorème de Rado. Toute surface de Riemann est paracompacte. Définition 5.3.7 Soit M une variété complexe. Une métrique hermitienne (Hermitean metric) sur M est une métrique riemannienne pour laquelle la multiplication par i est une isométrie. Corollaire 5.3.8 Dictionnaire entre surfaces de Riemann et variétés orientées de dimension 2 munies d’une classe conforme de métriques. Soit M une surface de Riemann. Alors M possède des métriques hermitiennes, elles sont deux à deux conformes. Réciproquement, soit M une variété orientée de dimension 2, munie d’une classe conforme de métriques riemanniennes. Alors les métriques de la classe définissent la même structure de surface de Riemann, elles sont hermitiennes relativement à cette structure. 5.3.2 Correspondance entre surfaces de Riemann et variétés riemanniennes de dimension 2 à courbure constante La proposition 5.3.5 attache à chaque surface de Riemann difféomorphe au tore une métrique à courbure nulle, presque unique. Cette méthode est limitée (elle s’étend néanmoins à toute surface de Riemann compacte de caractéristique d’Euler-Poincaré négative, elle devient plus difficile car l’équation à résoudre est non linéaire). Une autre méthode donne un résultat plus général. Théorème 22 Théorème de représentation conforme de Riemann, Poincaré, Koebe. Toute surface de Riemann simplement connexe est isomorphe à la droite projective, à la droite affine ou au disque unité. Preuve. Voir par exemple le livre de L.V. Ahlfors, Conformal invariants. Topics in geometric function theory. McGraw Hill (1973). Corollaire 5.3.9 Soit M une surface de Riemann. Alors M possède une métrique hermitienne complète à courbure constante. Preuve. Le revêtement universel de M est une surface de Riemann simplement connexe M̃ , et le groupe fondamental de M est un groupe discret de bijections holomorphes de M̃ . CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 96 Si M̃ est isomorphe au disque unité, le groupe fondamental de M agit sans points fixes par isométries de la métrique de Poincaré (proposition 5.2.1), donc celle-ci passe au quotient en une métrique hermitienne complète à courbure −1 sur M . Si M̃ est la droite affine, le groupe fondamental de M agit sans points fixes par similitudes z 7→ az + b sur C. Si a 6= 1, l’application z 7→ az + b possède un point fixe. On conclut que le groupe fondamental agit par translations, donc par isométries de la métrique euclidienne, donc celle-ci passe au quotient en une métrique hermitienne complète à courbure 0 sur M . Si M̃ est la droite projective, M est compacte de groupe fondamental fini. Tout homéomorphisme préservant l’orientation de la droite projective possède un point fixe. Par conséquent, le groupe fondamental est trivial, M est la droite projective, qui possède une métrique hermitienne à courbure 1, c’est la métrique canonique de la sphère lue par projection stéréographique, qui s’écrit 4|dz|2 (1 + |z|2 )2 dans les coordonnées de l’exemple 5.3.4. Définition 5.3.10 Une surface de Riemann est dite de type hyperbolique si son revêtement universel est le disque. Définition 5.3.11 Soit M une variété riemannienne complète orientée de dimension 2 à courbure −1. Alors, en tant que surface de Riemann, elle est de type hyperbolique. Réciproquement, si M est une surface de Riemann de type hyperbolique, alors M possède une et une seule métrique hermitienne complète à courbure −1. On l’appelle parfois la métrique de Poincaré de M . Preuve. Supposons M riemannienne complète à courbure −1. Le revêtement universel de M possède une métrique hermitienne complète à courbure −1, nécessairement isométrique au disque muni de la métrique de Poincaré. Il est donc isomorphe au disque, donc M est de type hyperbolique. Soit M une surface de Riemann de type hyperbolique. D’après le corollaire 5.3.9, on peut équiper M d’une métrique à courbure −1. Soit M 0 une autre variété riemannienne complète à courbure −1, isomorphe à M en tant que surface de Riemann. Il existe donc une bijection conforme h : M → M 0 et des isométries f : M̃ → D et f : M̃ 0 → D. Alors f 0 ◦ h ◦ f −1 : D → D est une bijection conforme, donc c’est une isométrie, d’après 5.2.1. Par conséquent, h est une isométrie. On conclut que parmi les métriques hermitiennes complètes sur M , il y en a exactement une à courbure −1. 5.4 Plomberie On va construire des exemples de métriques à courbure −1, en collant ensemble des morceaux modelés sur le plan hyperbolique, le demi-plan hyperbolique ou le quart de plan hyperbolique. 5.4.1 Surfaces à angles droits Définition 5.4.1 Une surface hyperbolique à angles droits est un espace métrique complet M tel que pour chaque point P ∈ M il existe r > 0 tel que la boule B(P, r) soit isométrique 1. à une boule de rayon r du plan hyperbolique ; 2. à une boule de rayon r centrée en un point du bord du demi-plan hyperbolique ; 3. à une boule de rayon r centrée au sommet d’un quart de plan hyperbolique. L’intérieur de M est l’ensemble des points où le premier modèle a lieu. Les points justiciables du second modèle forment le bord de M . Ceux qui correspondent au troisième modèle s’appellent les sommets. Si le troisième cas ne se produit pas, on parle de surface hyperbolique à bord géodésique. Une arête ouverte est une composante connexe du bord. Elle peut être de trois types 1. à deux sommets distincts ; CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 97 2. à deux sommets confondus ; 3. sans sommets (compacte). Exemple 5.4.2 Tout polygone à angles droits du plan hyperbolique est une surface hyperbolique à angles droits. Remarque 5.4.3 Dans une surface hyperbolique à angles droits, les plus courts chemins évitent le bord et les sommets. Par conséquent, le théorème de Hopf-Rinow s’étend à ce type de surface : deux points sont toujours reliés par au moins une géodésique, les boules fermées sont compactes. Proposition 5.4.4 Soient M1 , M2 deux surfaces hyperboliques à angles droits. Soient a1 ⊂ M1 , a2 ⊂ M2 des arêtes de même longueur finie et de même type choisi parmi les suivants : deux sommets distincts, sans sommets. Eventuellement, M1 = M2 et même a1 = a2 . On se donne une isométrie ι : a1 → a2 . Si a1 = a2 , on suppose que ι est d’ordre fini et n’a`pas de points fixes. Alors l’espace M1 ∪ι M2 obtenu en identifiant, dans la réunion disjointe M1 M2 chaque point x ∈ a1 à ι(x) ∈ M2 si a1 6= a2 (resp. en identifiant tous les points d’une orbite de ι si a1 = a2 ) est une surface hyperbolique à angles droits, dans laquelle les points de a1 et a2 sont devenus des points intérieurs et les quatre sommets éventuels de a1 et a2 sont devenus des points du bord. Preuve. On définit la longueur d’une courbe γ dans M comme la somme des longueurs de γ ∩M1 et de γ \ M1 . Les adhérences de a1 et a2 étant compactes, on peut les recouvrir par un nombre fini de boules B(Pj , rj ) isométriques aux modèles locaux. Si a1 = a2 , on demande de plus que les images de a1 ∩ B(Pj , rj ) par les itérés de ι soient deux à deux disjointes. Il existe r > 0 tel que toute boule de rayon r rencontrant l’adhérence de l’ensemble a quotient de a1 et de a2 soit contenue dans l’une des B(pj , rj ). Alors toute courbe de longueur < r dans M rencontrant a se croit dans l’un des modèles locaux suivants 1. la réunion de deux demi-boules hyperboliques identifiées le long de la coupure, i.e. une boule du plan hyperbolique ; 2. la réunion de deux quarts de boules hyperboliques identifiés le long d’exactement une des deux coupures, i.e. une boule du demi-plan hyperbolique. Cela prouve que M est complète, que les points de a1 et a2 sont devenus des points intérieurs et les sommets éventuels de a1 et a2 , s’il y en avait, sont devenus des points du bord. Exemple 5.4.5 Double d’une surface hyperbolique à bord géodésique. On prend pour M1 et M2 deux exemplaires de la même surface hyperbolique à bord. On suppose que chaque composante du bord est de longueur finie. On utilise l’identité comme identification de ∂M1 et ∂M2 . On obtient une surface hyperbolique sans bord, munie d’une involution isométrique qui échange les deux moitiés M1 et M2 . CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 5.4.2 98 Bord à l’infini d’une surface hyperbolique à coins droits En vue d’un usage ultérieur, on va établir une propriété remarquable des surfaces à courbure négative, qui permet de rendre canoniques des contructions topologiques. On a besoin de la notion de bord à l’infini d’une surface hyperbolique à coins droits. Lemme 5.4.6 Soit M une surface hyperbolique à coins droits simplement connexe. M peut être vue comme un polyèdre convexe du plan hyperbolique. L’adhérence de ce polyèdre dans le disque unité fermé est homéomorphe à un disque fermé. Elle contient une partie compacte du cercle unité appelée bord à l’infini (ideal boundary) de M . Toute géodésique semi-infinie de M converge vers un point du bord à l’infini. Si une courbe est à distance bornée d’une géodésique semi-infinie, elle converge vers le même point à l’infini Preuve. On généralise sans difficulté le théorème de Cartan-Hadamard aux surfaces à coins droits simplement connexes : l’exponentielle en un point intérieur P est un homéomorphisme d’un domaine U à bord lisse par morceaux du plan tangent TP M sur M . Sur l’intérieur de ce domaine, l’exponentielle est un difféomorphisme. En coordonnées polaires, la métrique s’écrit dr2 + sinh(r)2 dθ2 . On obtient ainsi le plongement M → U → (TP M, dr2 + sinh(r)2 dθ2 ) qui est isométrique au plan hyperbolique. Comme M est étoilé par rapport à chacun de ses points, il est convexe. L’homéomorphisme d’un disque sur M s’obtient comme suit. Étant donné un point intérieur P et un vecteur unitaire v ∈ TP M , on note τ (v) ∈]0, +∞] la longueur totale de la géodésique issue de P avec vitesse initiale v. Alors la fonction τ est continue. Soit U le disque unité de TP M . Alors l’application D → M, rv 7→ expP ((1 − t + τ (v)−1 )−1 v) est un homéomorphisme. La convergence des géodésiques semi-infinies et des courbes qui restent à distance bornée d’une telle géodésique est une propriété du disque unité muni de la métrique de Poincaré : le lieu des points à distance ≤ R d’une géodésique γ est une lentille bordée par deux arcs de cercle qui passent par les points à l’infini de γ. Une courbe piégée dans cette lentille et partant à l’infini doit converger vers l’un de ces points. Lemme 5.4.7 Soit M une surface hyperbolique à angles droits. Soit α : ([0, 1], 0, 1) → (M, a, b) un arc sans points doubles reliant deux arêtes de longueur finie a et b du bord. Alors α est homotope (relativement à a et b) à un unique arc géodésique simple orthogonal à a et à b. À moins que ce soit une arête, seules les extrémités de cet arc sont sur le bord. Supposons de plus M compacte. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 99 Soit c : R/Z → M une courbe fermée simple. Alors c est homotope à une unique géodésique fermée simple. À moins que ce soit une arête, cette géodésique est entièrement intérieure à M . Soient c1 , c2 : R/Z → M deux courbes fermées sans points doubles disjointes. Les géodésiques fermées qui leur sont homotopes ne se coupent pas, à moins qu’elles soient confondues. Preuve. Comme les boules sont compactes, toute classe d’homotopie d’arcs dont une extrémité (au moins) est piégée dans un compact (l’adhérence d’une arête) contient un arc γ de longueur minimum. En utilisant les modèles locaux, dans lesquels les plus courts chemins sont connus, on voit que γ est une géodésique lisse. Si elle rencontre une arête ailleurs qu’en une extrémité, elle lui est confondue. Si une de ses extrémités est un sommet, elle est confondue avec une des arêtes issues de ce sommet. Dans tous les cas, γ est un arc géodésique orthogonal aux arêtes qui doivent contenir ses extrémités. Montrons que γ n’a pas de points doubles. Relevons α et γ au revêtement universel de M , vu comme un disque fermé privé d’une partie compacte du cercle, le bord à l’infini de M̃ . Comme α n’a pas de points doubles, l’image réciproque de α est une réunion disjointe d’arcs reliant des arêtes. Deux relèvements distincts α̃1 et α̃1 ont leurs extrémités sur des arêtes distinctes a± 1 et − + − + a± 2 , et la paire d’intervalles (a1 , a1 ) ne sépare pas la paire d’intervalles (a2 , a2 ) sur le cercle. A chaque relèvement α̃i correspond un relèvement γ̃i de γ dont les extrémités sont sur les mêmes arêtes a± i de M̃ . Supposons que deux relèvements γ̃1 et γ̃2 se coupent. A cause de la propriété de non séparation, γ̃1 et γ̃2 se coupent en au moins deux points. Cela contredit le théorème de Cartan-Hadamard pour les surfaces hyperboliques à angles droits. On conclut que les relèvements de γ sont deux à deux disjoints, et donc que γ n’a pas de points doubles. Si M est compacte, la classe d’homotopie libre de c contient une courbe fermée f de longueur minimum. De nouveau, les modèles locaux montrent que f est une géodésique, elle ne passe par aucun sommet, elle ne rencontre une arête que si elle lui est confondue. Montrons que f n’a pas de points doubles. Relevons c et f au revêtement universel de M . Chaque relèvement f˜i de f est une géodésique doublement infinie qui ne rencontre pas le bord. Il lui correspond deux points à l’infini f˜i ± du cercle. A f˜i correspond un relèvement c̃i de c qui a les mêmes extrémités sur le cercle. En effet, l’homotopie dans M entre c et f se relève en une homotopie dans M̃ entre c̃i et f˜i qui déplace les points d’une distance bornée. Dans la topologie du disque, les deux courbes convergent vers le même point. Comme c n’a pas de points doubles, les relèvements ci sont deux à deux disjoints, donc la paire (f˜i −, f˜i +) ne sépare pas la paire (f˜j −, f˜j +) des extrémités d’un autre relèvement c̃j . Comme dans le cas des arcs, cela entraı̂ne que f˜i et f˜j ne se coupent pas. On conclut que f est sans points doubles. Le même argument de non séparation sur le bord montre que deux géodésiques fermées homotopes à des courbes fermées simples disjointes sont disjointes ou confondues. 5.4.3 Hexagones à angles droits Proposition 5.4.8 Soient `1 , `2 et `3 des réels strictement positifs. Il existe un unique hexagone convexe à angles droits dans le plan hyperbolique tels que les longueurs de trois côtés deux à deux non consécutifs soient `1 , `2 et `3 . Preuve. Soit D = {γ(t) | t ∈ R} une géodésique, γ1 un segment géodésique de longueur `1 partant du point Q = γ(0) de D orthogonalement à D, soit D0 la géodésique orthogonale à γ1 partant de son extrémité Q0 . Soit P = γ(t) un point de D. Notons γ2 (P ) le segment géodésique de longueur `2 partant de P orthogonalement à D du même côté que γ1 , soit D(P ) la géodésique orthogonale à γ2 partant de son extrémité P 0 . On note Q− = γ(−∞), P+ = γ(+∞), Q1− et Q1+ (resp. P−2 et P+2 ) les points à l’infini de γ1 (resp. de γ2 ), de sorte que Q1− et P+2 soient du même côté de D. Enfin, on note Q0− et Q0+ (resp. P−0 et P+0 ) les points à l’infini de D0 (resp. de D(P )) de sorte que Q0− (resp. P+0 ) soit du même côté de γ1 (resp. de γ2 ) que Q− (resp. que P+ ). CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 100 P’− Q’ D(P) D’ + S R Q 1 Q’ + P’ D Q Q’ − Q Q 1 γ P 2 2 − P γ − P P’ + + P 2 + 1 − Lorsque t 0, dans le modèle du disque, ces points sont dans l’ordre suivant sur le bord. Q0− , Q− , Q1− , Q1+ , Q0+ , P−0 , P−2 , P+0 , P+ , P+2 . Notons τ la valeur de t pour laquelle Q0+ = P−0 . Notons C le polygone infini Q0+ Q0 QP P 0 P−0 . Notons f (t) la borne inférieure des longueurs des courbes contenues dans C et reliant les côtés Q0+ Q0 et P 0 P−0 . Comme C est convexe, cette borne inférieure est atteinte par un segment géodésique orthogonal à ces côtés. Comme s < t ⇒ C(s) ⊂ C(t), la fonction f est continue et strictement croissante, donc il existe une unique valeur de t telle que f (t) = `3 . On obtient ainsi un hexagone convexe RQ0 QP P 0 S à angles droits tel que Q0 Q = `1 , P P 0 = `2 et SR = `3 . Tout hexagone convexe à angles droits ayant deux côtés non adjacents ni opposés de longueurs `1 et `2 est isométrique à l’un des RQ0 QP P 0 S. Spécifier la troisième longueur détermine uniquement la position de P donc l’hexagone, à isométrie près. 5.4.4 Pantalons Définition 5.4.9 On appelle pantalon (pair of pants) une variété de dimension 2 homéomorphe au complémentaire de deux disques ouverts dans un disque fermé. Exemple 5.4.10 Soit H un hexagone convexe à angles droits du plan hyperbolique. Notons a, b, c, d, e, f ses côtés dans l’ordre circulaire. Prenons deux copies H1 et H2 de H et identifions a1 à a2 , c1 à c2 et e1 à e2 par l’identité. Le résultat de l’application de la proposition 5.4.4 est un pantalon hyperbolique à bord géodésique. Remarquer qu’on peut ajuster comme on veut la longueur de chacune des trois composantes du bord. e a d b c Remarque 5.4.11 Reprenons la même construction, mais au lieu d’utiliser l’identité pour identifier les trois paires de côtés, choisissons d’identifier la troisième paire au moyen de l’isométrie de CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 101 e1 sur e2 qui renverse l’orientation. On obtient une surface hyperbolique à bord géodésique dont le bord a deux composantes, homéomorphe à un ruban de Möbius privé d’un disque. Appelons cette surface non orientable et de caractéristique d’Euler-Poincaré égale à −1 un faux pantalon. De nouveau, on peut ajuster comme on veut les longueurs des deux composantes du bord. e a d b c Exercice 75 Soit M un pantalon hyperbolique. Soit h : R/`Z → ∂M un paramétrage isométrique d’une composantes a du bord de M . On identifie les points h(t) et h(t + 2` ) de a. Montrer que l’espace obtenu est un faux pantalon hyperbolique. Proposition 5.4.12 Toute variété compacte de dimension 2 de caractéristique d’Euler-Poincaré strictement négative admet au moins une métrique riemannienne de courbure −1. Preuve. Soient M1 et M2 deux surfaces hyperboliques compactes à bord géodésique. Soit ι une isométrie entre certaines composantes du bord de M1 et certaines composantes du bord de M2 . Alors χ(M1 ∪ι M2 ) = χ(M1 ) + χ(M2 ). En effet, la caractéristique d’Euler-Poincaré est additive, M1 ∩ M2 ⊂ M1 ∪ι M2 est une réunion disjointe de cercles donc sa caractéristique d’Euler-Poincaré est nulle. De même, en identifiant deux à deux certaines composantes du bord d’une surface hyperbolique compacte à bord géodésique, la caractéristique d’Euler-Poincaré ne change pas. Si M1 et M2 sont orientées, le bord hérite d’une orientation. Si ι est une isométrie entre parties du bord qui renverse l’orientation, alors M1 ∪ι M2 est orientable. La caractéristique d’Euler-Poincaré d’un pantalon vaut −1. Un arbre de n pantalons recollés par des isométries renversant l’orientation est une surface orientable de caractéristique d’Euler −n dont le bord a n+2 composantes connexes. Si n est pair, on peut recoller deux à deux les composantes du bord en renversant l’orientation, on obtient une surface hyperbolique compacte sans bord orientable de caractéristique d’Euler-Poincaré −n. Si on recolle en préservant l’orientation, on obtient une surface hyperbolique compacte sans bord non orientable de caractéristique d’Euler-Poincaré −n. CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 102 Supposons n ≥ 1 impair. Recollons à un faux pantalon un arbre de n − 1 pantalons. Le bord de la surface obtenue a n + 1 composantes. En recollant deux à deux les composantes du bord, on obtient une surface hyperbolique compacte sans bord non orientable de caractéristique d’EulerPoincaré −n. D’après la classification, on a construit au moins une métrique à courbure −1 sur chaque variété compacte sans bord de dimension 2. Exercice 76 On rappelle que les variétés à bord compactes connexes orientables (resp. non orientables) de dimension 2 sont classifiées par leur caractéristique d’Euler-Poincaré et le nombre de composantes du bord. Montrer que chacune d’entre elles admet une métrique à courbure constante qui rend le bord géodésique. 5.4.5 Une famille de surfaces hyperboliques de genre g La construction ci-dessus dépend de quantités de paramètres, montrant qu’il y a probablement, même à isométrie près, de grandes familles de métriques à courbure −1 sur chaque variété compacte de dimension 2. On va préciser le décompte des paramètres, en étant d’abord plus formel dans la construction d’une surface à partir d’un arbre de pantalons. Pour ce paragraphe et les suivants, on a utilisé comme source le livre de P. Buser, Geometry and spectra of compact Riemann surfaces, Birkhaüser (1992). Fixons un point P1 du plan hyperbolique et un repère orthonormé direct (e1 , e2 ) en P1 . Notons H(`1 , `2 , `3 ) l’hexagone à angles droits P1 P2 P3 P4 P5 P6 du plan hyperbolique dont le premier côté P1 P2 part de P1 dans la direction de e1 , le sixième côté P6 P1 arrive en P1 dans la direction de −e2 , et les côtés 2, 4 et 6 ont pour longueurs respectives `1 /2, `2 /2, `3 /2. Entre deux hexagones, on peut choisir un homéomorphisme préservant l’orientation, envoyant côté sur côté, qui dépend continûment des longueurs `i . En doublant H(`1 , `2 , `3 ) le long des côtés 1, 3 et 5, on obtient un pantalon orienté P (`1 , `2 , `3 ) et un paramétrage à vitesse constante `i hi : R/Z → ∂i P (`1 , `2 , `3 ) d’origine P2i compatible avec l’orientation induite sur le bord pour chacune des trois composantes du bord de P (`1 , `2 , `3 ). Soit g ≥ 2 un entier. Soit G un graphe trivalent à n = 2g − 2 sommets, sans boucles. Trivalent signifie que chaque sommet appartient à exactement trois arêtes. Un tel graphe s’obtient par exemple à partir d’un arbre trivalent à n sommets, en fusionnant deux par deux les arêtes menant aux feuilles, en évitant de fusionner deux feuilles issues du même nœud. Pour chaque sommet s, on numérote de 1 à 3 les couples (s, a) où a est une arête contenant s. Ces choix sont faits une fois pour toutes. Pour chaque arête a de G, on se donne un réel strictement positif `(a) et un réel α(a). On note (L, A) la donnée de ces 6g − 6 nombres. On construit une surface hyperbolique sans bord Σg,L,A comme suit. Pour chaque sommet s de G, d’où émanent trois arêtes a1 , a2 et a3 , notons P s le pantalon hyperbolique P (`(a1 ), `(a2 ), `(a3 )). 0 Dans la réunion disjointe des P s , on identifie deux points P ∈ ∂i P s et Q ∈ ∂j P s si – s et s0 sont les extrémités d’une arête a ; – le couple (s, a) est numéroté i et le couple (s0 , a) est numéroté j ; – il existe t ∈ R/Z tel que hi (t) = P et hj (α(a) − t) = Q. α Entre deux surfaces Σg,L,A et Σg,L0 ,A , il y a un homéomorphisme canonique, construit au moyen des homéomorphismes de référence entre hexagones. Entre les surfaces Σg,L,A et Σg,L,A0 , CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 103 on construit un homéomorphisme canonique en utilisant les homéomorphismes de twist définis cidessous. On obtient ainsi un homéomorphisme canonique entre deux surfaces Σg,L,A quelconques. Lorsqu’on oublie la métrique pour ne raisonner que sur la topologie, on peut donc noter simplement Σg une surface de cette famille. Définition 5.4.13 Soit χ : [0, 1] → [0, 1] une fonction lisse, nulle au voisinage de 1 et qui vaut 1 au voisinage de 0. Soit M un pantalon hyperbolique orienté. Notons ν la normale unitaire rentrante le long de ∂M . Notons inj(ν) le rayon d’injectivité normal du bord de M , i.e. le rayon d’injectivité de l’exponentielle normale au bord. Soit c une composante du bord de M , de longueur `. Soit α ∈ R. L’ homéomorphisme de twist d’angle α associé à c est l’application M → M qui, en coordonnées de Fermi R/Z × [0, inj(ν)[→ M, (t, r) 7→ expc(t) rν(t), s’écrit (t, r) 7→ (t + αχ( r ), r). inj(ν) Il n’est pas simple de décider si deux surfaces de la famille Σg,L,A sont isométriques ou non. Par exemple, lorsque α(a) est changé en α(a) + 1, la surface Σg,L,A est changée en une surface Σg,L,A0 qui lui est isométrique. Toutefois, l’homéomorphisme qui réalise cette isométrie n’est pas isotope à l’homéomorphisme canonique (en l’occurrence, un homéomorphisme de twist d’angle 1) entre Σg,L,A et Σg,L,A0 . 5.5 Espace de Teichmüller On va décrire l’espace des métriques riemanniennes à courbure −1 sur une surface compacte sans bord, à isotopie (i.e. homéomorphisme isotope à l’identité) près. 5.5.1 Isotopie Définition 5.5.1 Soient X et Y des espaces topologiques. Deux homéomorphismes X → Y sont dits isotopes (isotopic) s’il sont dans la même composante connexe par arcs de l’espace Homeo(X, Y ) muni de la topologie de la convergence uniforme sur les compacts. Deux homéomorphismes d’une variété compacte qui sont suffisamment proches sont isotopes. L’ensemble des classes d’isotopie d’homéomorphismes est donc discret. Distinguer les métriques hyperboliques à isotopie près plutôt qu’à homéomorphisme près ne change pas la dimension de l’espace des classes d’équivalence. Il se trouve que l’espace quotient ainsi modifié est plus facile à décrire. 5.5.2 Surfaces marquées Jusqu’à la fin du chapitre, on fixe, pour chaque entier n ≥ 2, une variété compacte sans bord orientée de dimension 2, de genre g (i.e. de caractéristique d’Euler-Poincaré 2 − 2g), notée Σg . Par exemple, celle construite au paragraphe précédent. Définition 5.5.2 Une surface hyperbolique marquée de genre g (marked genus g hyperbolic surface) est la donnée d’une surface hyperbolique compacte sans bord M et d’un homéomorphisme φ : Σg → M . Deux surfaces hyperboliques marquées M et M 0 sont équivalentes s’il existe un homéomorphisme isométrique f : M → M 0 tel que φ0 ◦ f et φ soient isotopes. La distance entre deux surfaces hyperboliques marquées M et M 0 est la borne inférieure des > 0 tels qu’il existe un homéomorphisme f : M → M 0 tel que φ0 ◦ f et φ soient isotopes et tel que Lip(f ) < 1 + , Lip(f −1 ) < 1 + . CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 104 L’espace des classes d’équivalence de surfaces hyperboliques marquées de genre g s’appelle l’ espace de Teichmüller (Teichmüller space) Tg . Exemple 5.5.3 Chaque surface Σg,L,A vient avec un homéomorphisme Σg → Σg,L,A donc est une surface hyperbolique marquée de genre g. Exercice 77 Vérifier que la “distance” naturelle sur les surfaces marquées induit bien une distance sur l’espace de Teichmüller, i.e. si dist(M, M 0 ) = 0, alors M et M 0 sont équivalentes. 5.5.3 Espace de Teichmüller du pantalon On va montrer que toute surface hyperbolique marquée de genre g est équivalente à une unique surface de la famille Σg,L,A . On commence par traiter le cas du pantalon. Lemme 5.5.4 Tout pantalon hyperbolique marqué s’obtient de manière unique en recollant deux hexagones identiques. En particulier, deux pantalons hyperboliques marqués sont équivalents si et seulement si les longueurs des composantes du bord qui se correspondent à travers le marquage sont égales. Preuve. Soit (M, φ : P → M ) un pantalon hyperbolique marqué à bord géodésique, B1 = φ(∂1 P ), B2 = φ(∂2 P ) et B3 = φ(∂3 P ) les composantes connexes de son bord. Par définition d’un pantalon, il existe un arc simple αP reliant ∂1 P à ∂2 P . D’après le lemme 5.4.7, α = φ ◦ αP est homotope à un arc simple géodésique γ, orthogonal à B1 et B2 , de longueur `. Découpons M le long de γ. On obtient une surface hyperbolique à coins droits M 0 homéomorphe à un anneau. dont le bord comporte 5 arêtes, 3 sont issues des arêtes B1 , B2 et B3 de M 0 (on garde la même notation) et deux issues du dédoublement de γ. Dans le pantalon de référence P découpé le long 0 reliant ∂2 P à ∂3 P . On découpe M 0 le long d’un arc géodésique de αP , il existe un arc simple αP 0 0 0 simple γ homotope à α = φ ◦ αP , orthogonal à B2 et B3 , de longueur `0 . On obtient une surface hyperbolique à coins droits M 00 homéomorphe à un disque dont le bord comporte 8 arêtes. Enfin, on découpe M 00 le long d’un arc géodésique simple γ 00 reliant B3 à B1 , orthogonal à B3 et B1 , de longueur `00 . On obtient deux hexagones à angles droits. Chacun possède des côtés de longueurs `, `0 et `00 . Ils sont donc isométriques. On obtient une isométrie de P (`1 , `2 , `3 ) sur M qui respecte la numérotation des composantes du bord. B 1 α α’ γ" γ γ’ B 2 α" B 3 Le fait que cette isométrie est isotope au marquage donné φ résulte d’un lemme de topologie (voir Buser, Proposition A.17 page 426) : deux homéomorphismes φ et φ0 entre pantalons sont isotopes si et seulement si φ0 ◦ φ−1 laisse globalement stable chaque composante du bord. Remarque 5.5.5 Les classes d’isométrie de pantalons hyperboliques non marqués sont paramétrées par les suites de réels strictement positifs (`1 , `2 , `3 ) tels que `1 ≤ `2 ≤ `3 . En effet, le marquage correspond à numéroter les composantes du bord. En l’absence du marquage, deux pantalons sont isométriques si et seulement si leurs bords sont isométriques, i.e. si et seulement si les longueurs des composantes du bord rangées par ordre croissant sont les mêmes. 5.5.4 Coordonnées de Fenchel-Nielsen Théorème 23 L’application ]0, +∞[3g−3 ×R3g−3 → Tg , est un homéomorphisme. (L, A) 7→ [Σg,L,A ] CHAPITRE 5. SURFACES À COURBURE CONSTANTE 105 Preuve. Soit M une surface hyperbolique marquée de genre g. Numérotons c1 , . . . , c3g−3 les courbes fermées simples dans Σg qui proviennent des coutures entre pantalons. Conservons la même notation pour l’image de ci dans M par le marquage φ. Dans la classe d’homotopie libre de ci , il existe une unique géodésique γi , elle est sans points doubles. Comme les ci sont deux à deux non homotopes, les γi sont deux à deux disjointes. D’après un théorème de Baer (1928) et Zieschang (1970), il existe un homéomorphisme isotope à l’identité envoyant les ci sur les γi . Quitte à troquer le marquage contre un marquage équivalent (isotope), on peut donc supposer que ci = γi . On note `i la longueur de ci . Découpons M suivant ces géodésiques. On obtient des pantalons marqués. D’après le lemme 5.5.4, chacun d’entre eux est équivalent à un unique P (`1 , `2 , `3 ). A chaque courbe ci correspond une surface hyperbolique marquée à bord géodésique notée Xi , la réunion des deux pantalons qui se partagent ci . Dans Σg = Σg,L,0 , pour chaque courbe ci , notons δi la courbe fermée formée des braguettes des pantalons. Choisissons une fois pour toute une orientation de ci ainsi qu’une paire de composantes − c+ i et ci du bord de Xi qui ne sont pas séparées par δi . Notons d la classe d’homotopie d’un arc + simple dans Xi reliant c− i à ci . La classe φ∗ d dans M contient une unique courbe formée – d’un arc minimisant de c− i à ci (c’est une couture de premier pantalon), – d’un arc géodésique contenu dans ci (faisant éventuellement plus d’un tour), – d’un arc minimisant de ci à c+ i (c’est une couture du second pantalon). On note βi la longueur algébrique de l’arc géodésique contenu dans ci , et αi = βi /`i . L’autre choix − de paire (c+ i , ci ) conduirait à la même valeur. c+ δ γ φ d c− Σ g M Notons L le vecteur des longueurs des courbes γi et A celui des angles de twist αi . Alors M est équivalente à Σg,L,A . Inversement, si deux surfaces marquées sont équivalentes, l’isométrie compatible avec les marquages envoie les ci de l’une sur les ci de l’autre, donc préserve les longueurs de ces géodésiques, mais elle préserve aussi la construction qui permet d’extraire les angles de twists. Par conséquent, les deux surfaces marquées ont mêmes vecteurs L et A. Remarque 5.5.6 Le problème de décrire l’ensemble des classes d’isométrie de surfaces hyperboliques non marquées se ramène à décrire un domaine fondamental pour l’action sur l’espace de Teichmüller Tg du groupe discret des classes d’isotopie d’homéomorphismes de Σg . Chapitre 6 Fibrés vectoriels La formule de Gauss-Bonnet relie la courbure d’une métrique riemannienne sur une surface à un invariant topologique de la surface, la caractéristique d’Euler-Poincaré. Pour comprendre comment cette formule se généralise aux dimensions supérieures, il est utile d’interpréter la caractéristique d’Euler-Poincaré comme un invariant du fibré tangent de la variété, et de se poser le problème plus général de la classification des fibrés vectoriels sur un espace topologique B. Dans ce chapitre, on montre que ce problème se ramène à calculer les classes d’homotopie d’applications de B dans un espace universel, ce qui permet de traiter le cas des sphères de petite dimension. Ensuite, on introduit une famille d’invariants, les classes de Stiefel-Whitney, de Chern, de Pontrjagin et la classe d’Euler, et on en indique, à titre culturel, quelques applications frappantes à des questions de topologie différentielle. La formule de Gauss-Bonnet en dimensions supérieures n’arrivera qu’au chapitre suivant. 6.1 6.1.1 Fibrés vectoriels Définition Définition 6.1.1 Soit B un espace topologique. Un fibré vectoriel (vector bundle) réel ξ de rang n sur B est la donnée d’un espace vectoriel réel ξb de dimension n dépendant continûment de b ∈ B. Autrement dit, on se donne un espace topologique E appelé espace total (total space) du fibré, une application continue π : E → B et une structure d’espace vectoriel réel sur chaque fibre ξb = π −1 (b) qui est localement constante au sens suivant ( trivialité locale) : pour chaque b ∈ B, il existe un voisinage U de b et un homéomorphisme h : U × Rn → π −1 (U ) := E(ξ|U ) tel que chaque hb : v 7→ h(b, v) soit un isomorphisme d’espaces vectoriels. Remarque 6.1.2 De la même façon, on définit – les fibrés vectoriels de classe C k sur une variété différentiable de classe C k ; – les fibrés vectoriels complexes ; – les fibrés vectoriels complexes holomorphes sur les variétés complexes. Définition 6.1.3 Une section (cross section) d’un fibré vectoriel ξ est une application s : B → E telle que s(b) ∈ ξb pour tout b. Exemple 6.1.4 Le fibré trivial (trivial bundle) de rang n sur B est B × Rn avec la structure d’espace vectoriel constante sur Rn . Les sections du fibré trivial s’identifient aux applications B → Rn . 106 CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 107 Exemple 6.1.5 Le fibré tangent d’une variété de classe C k est un fibré vectoriel de classe C k−1 . Ses sections sont les champs de vecteurs sur la variété. Exemple 6.1.6 Le fibré normal νN d’une sous-variété N ⊂ M est un fibré vectoriel sur N de rang dimM − dimN . Si M est munie d’une métrique riemannienne, νN = {(b, v) | b ∈ N, v ∈ Tb M, v⊥Tb N }. Ses sections sont les champs de vecteurs normaux à N le long de N . La trivialité locale s’obtient comme suit. Soit b ∈ M , soit (e1 , . . . , en ) un champ de repères orthonormés de T N défini au voisinage de b. Soient en+1 , . . . em des champs de vecteurs sur M qui, en b, complètent (e1 (b), . . . , en (b)) en une base de Tb M . En orthonormalisant (e1 , . . . , em ), on trouve un repère (e01 , . . . , e0m ) défini sur un voisinage U de b, tel que (e0n+1 , . . . , e0m ) soit formé de vecteurs orthogonaux à N . Alors U × Rm−n → νN|U , (x, tn+1 , . . . , tm ) 7→ (x, tn+1 e0n+1 (x) + · · · + tm e0m (x)) est un difféomorphisme qui est un isomorphisme d’espaces vectoriels sur chaque fibre. Exemple 6.1.7 Le fibré tautologique (tautological bundle) sur l’espace projectif réel RP n a pour fibre en b ∈ RP n la droite vectorielle de Rn+1 représentée par b. C’est un fibré réel de rang 1. On le note γn . Construire une section locale non nulle de γn consiste à choisir continûment un vecteur directeur d’une droite variable. La trivialité locale se montre comme suit. Soit v un vecteur non nul de Rn+1 . Soit b ∈ RP n la droite vectorielle qu’il engendre. Soit F ⊂ Rn+1 un hyperplan supplémentaire de b. Notons U ⊂ RP n l’ensemble des droites non contenues dans F . C’est un voisinage de b dans RP n . Alors chaque droite b0 ∈ U contient exactement un vecteur de la forme v + w(b0 ) avec w(b0 ) ∈ F . Posons U × R → E(γn |U ), (b0 , t) 7→ (b0 , tw(b0 )). C’est un homéomorphisme qui est linéaire le long des fibres. Exemple 6.1.8 De même, il y a un fibré tautologique sur l’espace projectif complexe CP n . C’est un fibré complexe de rang 1. On le note γnC . Exemple 6.1.9 Fibrés sur la sphère. Soit f : S d−1 → GL(n, R) une application continue. On construit un fibré ξf de rang n sur la sphère S d comme suit. Notons S+ et S− les deux hémisphères délimités par l’équateur S d−1 ⊂ S d . On identifie les fibrés triviaux S+ ×Rn et S− ×Rn en décidant que (b, v) ∈ S d−1 × Rn ⊂ S+ × Rn est identifié à (b, f (b)(v)) ∈ S d−1 × Rn ⊂ S− × Rn . Une section s de ξf consiste à se donner deux applications s+ : S+ → Rn et s− : S− → Rn telles que, pour b ∈ S d−1 , s+ (b) = f (b)s− (b). On verra plus loin que tout fibré vectoriel sur la sphère peut être obtenu par cette construction. 6.1.2 Isomorphisme Définition 6.1.10 Deux fibrés ξ et η sont isomorphes (isomorphic) s’il existe un homéomorphisme h : E(ξ) → E(η) qui induit un isomorphisme de ξb sur ηb pour tout b ∈ B. Remarque 6.1.11 On dit qu’un fibré vectoriel est trivial s’il est isomorphe au fibré trivial. Un fibré vectoriel ξ de rang n est trivial si et seulement si il existe des sections continues globalement définies ei : B → E de ξ telles que, pour tout b ∈ B, (e1 (b), . . . , en (b)) soit une base de ξb . Exemple 6.1.12 Le fibré tangent au cercle S 1 = {|z| = 1} ⊂ C est trivial. En effet, z 7→ iz est une section partout non nulle de T S 1 , donc une base définie globalement. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 108 Exemple 6.1.13 Le fibré tautologique γn sur RP n (resp. γnC sur CP n ) n’est pas trivial. Soit s une section du fibré γn . Pour chaque droite vectorielle b ⊂ Rn+1 , s(b) s’interprète comme un vecteur non nul de Rn+1 , appartenant à la droite b. En particulier, si x ∈ Rn+1 \ {0} est un vecteur non nul, engendrant une droite Rx, s(Rx) s’écrit t(x)x où t(x) ∈ R dépend continûment de x. Nécessairement, t(−x) = −t(x). Comme Rn+1 \ {0} est connexe, la fonction t doit s’annuler, donc s s’annule quelque part. Exercice 78 Montrer que le fibré normal de la sphère S n ⊂ Rn+1 est trivial. Exercice 79 Montrer que l’espace total du fibré γ1 est un ruban de Möbius. Exercice 80 Soit ξf le fibré de rang 1 sur S 1 obtenu par la construction de l’exemple 6.1.9 au moyen de l’application f : S 0 → Gl(1, R) = R∗ définie par f (1) = 1 et f (−1) = −1. Montrer que ξf est isomorphe au fibré tautologique γ1 . Exercice 81 Soit ξf le fibré vectoriel complexe de rang 1 sur S 2 obtenu par la construction de l’exemple 6.1.9 au moyen de l’application f : S 1 → Gl(1, C) = C∗ définie par f (z) = z. Montrer que ξf est isomorphe au fibré tautologique γ1C . 6.1.3 Structures géométriques sur les fibres Définition 6.1.14 Soit ξ un fibré vectoriel sur B. Une structure euclidienne (resp. complexe, resp. hermitienne, resp. symplectique) sur ξ est la donnée sur chaque fibre ξb d’un produit scalaire (resp. d’un endomorphisme de carré −1, resp. d’un produit scalaire hermitien, resp. d’une forme symplectique) gb de sorte que, dans une base locale de sections continues, la matrice de gb soit continue. Remarque 6.1.15 Un fibré vectoriel réel sur B, muni d’une structure complexe, c’est la même chose qu’un fibré vectoriel complexe. Proposition 6.1.16 Soit ξ un fibré vectoriel réel (resp. complexe) sur B. Si B est paracompact, alors ξ admet des structures euclidiennes (resp. hermitiennes). Preuve. Choisir des produits scalaires dans des trivialisations locales, puis en faire la moyenne au moyen de partitions de l’unité. 6.2 6.2.1 Constructions Fibré induit Définition 6.2.1 Soit ξ un fibré vectoriel sur un espace B. Soit f : X → B une application continue. Le fibré induit (induced bundle) f ∗ ξ sur X est tel que, pour tout x ∈ X, (f ∗ ξ)x = ξf (x) . Son espace total est E(f ∗ ξ) = {(x, v) ∈ X × E(ξ) | f (x) = π(v)}. Ses sections sont les applications s : X → E(ξ) telles que π ◦ s = f . Parmi les sections, il y a celles de la forme s0 ◦ f , où s0 est une section de ξ. Cela ne constitue pas toutes les sections, en général. Exemple 6.2.2 Si f est l’inclusion d’un sous-ensemble X dans B, le fibré induit est la restriction du fibré ξ à X. Exemple 6.2.3 Soit c : R → M une courbe dans une variété. Un champ de vecteurs le long de c est, par définition, une section du fibré induit c∗ T M . CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 6.2.2 109 Sous-fibré Définition 6.2.4 Soient ξ et η des fibrés sur B. η est un sous-fibré (subbundle) de ξ si, pour chaque b ∈ B, ηb est un sous-espace vectoriel de ξb . Exemple 6.2.5 Si N ⊂ M est un sous-variété, T N est un sous-fibré de T M|N . Exemple 6.2.6 Le fibré tautologique γn sur RP n est un sous-fibré du fibré trivial RP n × Rn+1 . Et idem en remplaçant R par C. Exercice 82 Soit ξ un fibré euclidien sur B et η ⊂ ξ un sous-fibré. Vérifier que l’orthogonal η ⊥ ⊂ ξ est un sous-fibré. 6.2.3 Produit cartésien Définition 6.2.7 Soient ξ et ξ 0 deux fibrés vectoriels sur B et B 0 respectivement. Leur produit cartésien ξ × ξ 0 est le fibré sur B × B 0 qui a pour fibre ξb ⊕ ξb0 0 en (b, b0 ). Son espace total est E(ξ) × E(ξ 0 ). Exemple 6.2.8 Le fibré tangent d’un produit de variétés est T (M × M 0 ) = T M × T M 0 . 6.2.4 Somme Définition 6.2.9 Soient ξ et ξ 0 deux fibrés vectoriels sur B. Leur somme directe (direct sum ou Whitney sum) ξ ⊕ ξ 0 est le fibré sur B dont la fibre en b est ξb ⊕ ξb0 . On peut le voir comme le fibré induit ξ ⊕ ξ 0 = δ ∗ (ξ × ξ 0 ) où δ : B → B × B est la diagonale. Toute section σ de ξ ⊕ ξ 0 s’écrit uniquement σ = s + s0 où s et s0 sont des sections de ξ et ξ 0 . Exercice 83 Soit N ⊂ M une sous-variété. Vérifier que T N ⊕ νN = T M|N . 6.2.5 Autres opérations Plus généralement, toutes les opérations naturelles sur les espaces vectoriels – produit tensoriel ; – dual ; – puissances tensorielles, symétriques, extérieures ; – complexification (pour les fibrés réels) ; – conjugué (pour les fibrés complexes) ; donnent des opérations sur les fibrés vectoriels. Remarque 6.2.10 De la proposition 6.1.16, il résulte que sur une base B paracompacte, tout fibré vectoriel réel est isomorphe à son dual. Tout fibré vectoriel complexe est isomorphe au conjugué de son dual. En effet, une structure euclidienne (resp. hermitienne) donne un isomorphisme de ξ ∗ avec ξ (resp. ¯ avec ξ. Exercice 84 Soient ξ et η deux fibrés vectoriels sur B. Soit f une section continue de Hom(ξ, η). On suppose que le rang des applications linéaires fb est constant sur B. Vérifier que le noyau kerf est un sous-fibré de ξ et que l’image imf est un sous-fibré de η. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 6.3 6.3.1 110 Cocycles Homotopie et isomorphisme Le problème de classification des fibrés à isomorphisme près est de nature homotopique. En effet, le lemme suivant exprime que deux fibrés “homotopes” sont automatiquement isomorphes. Lemme 6.3.1 Soit B un espace compact. Soit ξ un fibré vectoriel sur [0, 1] × B. Les restrictions de ξ à {0} × B et {1} × B sont des fibrés isomorphes. Preuve. Notons ξt la restriction de ξ à {t}×B. Étant donné t ∈ [0, 1], pour t0 assez voisin de t, ξt0 est isomorphe à ξt . En effet, notons η le fibré sur [0, 1] × B induit par la projection [0, 1] × B → B. L’identité idξt se prolonge en une section de Hom(η, ξ) définie sur un voisinage de {t}×B (partition de l’unité), qui est un isomorphisme sur un voisinage. Par conséquent, la relation d’isomorphisme des fibrés ξt partitionne l’intervalle [0, 1] en classes ouvertes. Par connexité, il n’y a qu’une seule classe. Corollaire 6.3.2 Tout fibré vectoriel sur un espace contractile est trivial. Preuve. Soit F : [0, 1] × B → B une homotopie de l’identité à une application constante. Soit ξ un fibré sur B. Sur [0, 1] × B, on construit le fibré induit E(F ∗ ξ) = {(t, b, v) ∈ [0, 1] × B × E(ξ) | π(v) = F (t, b)}. Les restrictions du fibré F ∗ ξ à {0} × B et {1} × B sont ξ et un fibré trivial respectivement, donc ξ est trivial. 6.3.2 Fibrés et recouvrements Soit B un espace topologique, soit U = (Uα )α un recouvrement de B par des ensembles Uα contractiles. On note Uα0 ...αk := Uα0 ∩ · · · Uαk les intersections. Soit ξ un fibré vectoriel réel de rang n sur B. Alors la restriction de ξ à chaque Uα est triviale, donc il existe un isomorphisme hα : E(ξ|Uα ) → Uα × Rn . Le long d’une intersection Uαβ , on dispose de deux trivialisations. Sur Uαβ × Rn , on peut écrire hα ◦ h−1 β (b, v) = (b, fαβ (b)(v)) où fαβ : Uαβ → Gl(n, R) est continue. Clairement, −1 fβα = fαβ . De plus, sur une intersection triple Uαβγ , (b, fαβ fβγ fγα (b)(v)) −1 −1 = hα ◦ h−1 β ◦ hβ ◦ hγ ◦ hγ ◦ hα (b, v) = (b, v) donc fαβ fβγ fγα = 1. Inversement, supposons donnée, sur chaque intersection Uαβ , une application continue fαβ : Uαβ → Gl(n, R). Supposons que la relation fαβ fβγ fγα = 1 est satisfaite sur chaque intersection triple Uαβγ . On définit un fibré ξ = ξf sur B comme suit. On part de la réunion disjointe des fibrés −1 triviaux Uα × Rn , et on identifie les fibres {b} × Rn ⊂ Uα × Rn et {b} × Rn ⊂ Uβ × Rn par fαβ (b) CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 111 si b ∈ Uαβ . Grâce à la relation fαβ fβγ fγα = 1, tous couples (α, β) tels que b ∈ Uαβ conduisent à la même identification. On peut donc se donner un fibré par un cocycle (cocycle) f . Si deux fibrés ξ et ξ 0 sont isomorphes, un isomorphisme G : E(ξ) → E(ξ 0 ) donne sur chaque Uα un isomorphisme n 0 n h0α ◦ G ◦ h−1 α : Uα × R → E(ξ|Uα ) → E(ξ|Uα ) → Uα × R , (b, v) 7→ (b, gα (b)(v)) où gα : Uα → Gl(n, R) est continue. Sur une intersection Uαβ , 0 (b, gα−1 fαβ gβ (b)(v)) −1 −1 = hα ◦ G−1 ◦ h0 α ◦ h0α ◦ h0 β ◦ h0β ◦ G ◦ h−1 β = hα ◦ h−1 β = (b, fαβ (b)(v)) 0 donc fαβ = gα−1 fαβ gβ . Inversement, supposons donnés deux fibrés ξf et ξf 0 par des cocycles f et f 0 . Supposons qu’il existe une collection d’applications continues gα : Uα → Gl(n, R) telle que pour tout (α, β) tel que 0 Uαβ soit non vide, fαβ = gα−1 fαβ gβ sur Uαβ . Alors on définit un isomorphisme G : E(ξf ) → E(ξf 0 ) n en envoyant la fibre {b} × R ⊂ Uα × Rn de ξf sur la fibre {b} × Rn ⊂ Uα × Rn de ξf 0 par (b, v) 7→ (b, gα (b)(v)). Si b ∈ Uαβ , (b, v) est identifié au vecteur (b, v 0 ) ∈ Uβ × Rn tel que v 0 = fαβ (b)−1 (v). De même, son image (b, gα (b)(v)) ∈ Uα × Rn est identifiée au vecteur (b, v 00 ) ∈ Uβ × Rn tel que −1 −1 0 v 00 = fαβ (b)−1 (gα (b)(v)) Comme f 0 αβ gα = gβ fαβ sur Uαβ , v 00 = gβ (v 0 ) donc G est compatible avec les identifications. Remarque 6.3.3 Le terme cocycle est suggéré par l’analogie avec le complexe de cochaı̂nes obtenu lorsque le faisceau des applications continues à valeurs dans Gl(n, R) est remplacé par un faisceau de groupes abéliens A. D’une certaine façon, on peut penser à l’ensemble des classes d’équivalence de fibrés vectoriels réels de rang n sur B comme à Ȟ 1 (U, G) où G serait le faisceau des applications continues à valeurs dans Gl(n, R). On n’exploitera ce point de vue, développé dans F. Hirzebruch, Topological methods of algebraic geometry, Springer, Berlin (1966). que pour décrire les classes d’isomorphisme de fibrés sur les sphères. 6.3.3 Fibrés vectoriels sur les sphères Proposition 6.3.4 Soient f , f 0 deux applications continues de la sphère S d−1 dans Gl(n, R) (resp. Gl(n, C)). Les fibrés ξf et ξf 0 correspondants sur S d sont isomorphes si et seulement si il existe deux constantes c± ∈ Gl(n, R) (resp. ∈ Gl(n, C)) telles que c− f et f 0 c+ sont homotopes. Preuve. Se donner un isomorphisme h : E(ξf ) → E(ξf 0 ), c’est se donner deux isomorphismes h± : S± × Rn → S± × Rn compatibles le long de S d−1 . Si on note h± (b, v) = (b, h± (b)(v)) où h± (b) ∈ Gl(n, R), la condition de compatibilité s’écrit f 0 (b)h+ (b) = h− (b)f (b). Comme h± est définie sur un disque, elle est homotope à une application constante c± , en tant qu’application S d−1 → GL(n, R). Par conséquent f 0 c+ est homotope à c− f . Réciproquement, supposons qu’il existe deux matrices constantes c± telles que f 0 soit homotope d−1 à c− f c−1 → GL(n, R) telle que + , i.e. qu’il existe une famille continue d’applications ft : S −1 0 f0 (b) = c− f (b)c+ et f1 (b) = f (b). Posons gt (b) = ft (b)c+ f (b)−1 . CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 112 C’est une homotopie de l’application constante c− à g1 = f 0 c+ f −1 . On peut l’interpréter comme une application h− : S− → Gl(n, R) dont la restriction à S d−1 est g1 . Posons h+ ≡ c+ . Alors f 0 h+ = h− f , donc le couple (h+ , h− ) définit un isomorphisme de ξf sur ξf 0 . Idem pour les fibrés complexes. Exemple 6.3.5 Fibrés sur le cercle. Pour chaque entier n ≥ 1, il existe exactement deux classes d’isomorphisme de fibrés vectoriels de rang n sur S 1 . En particulier, tout fibré vectoriel réel de rang 1 sur S 1 est isomorphe ou bien au fibré trivial, ou bien au fibré γ1 . En rang n > 1, le fibré non trivial est Rn−1 ⊕ γ1 . Tout fibré vectoriel complexe sur S 1 est trivial. En effet, quitte à multiplier f par une constante, on peut supposer que f (1) = 1. Le fibré réel ξf est alors uniquement déterminé par la composante connexe de Gl(n, R) qui contient f (−1). Comme Gl(n, C) est connexe, deux applications quelconques de S 0 dans Gl(n, C) sont homotopes, donc les fibrés ξf correspondants sont tous isomorphes. Théorème 24 Soit d ≥ 2. Fixons un élément c ∈ Gl(n, R) de déterminant négatif. Pour g ∈ Gl(n, R), notons ḡ = cgc−1 . Cette conjugaison induit une involution f → f¯ de πd−1 (Gl(n, R)) indépendante du choix de c. Les classes d’isomorphisme de fibrés vectoriels réels orientés (resp. complexes) de rang n sur la sphère S d sont en bijection le groupe d’homotopie πd−1 (Gl+ (n, R)) (resp. avec le groupe πd−1 (Gl(n, C))). Changer d’orientation se traduit par la conjugaison f → f¯ dans πd−1 (Gl+ (n, R)). Si n est impair, cette conjugaison est l’identité (tout fibré orienté est isomorphe au fibré muni de l’orientation opposée), donc il n’y a pas de différence entre les classifications des fibrés orientés ou non. Si n est pair, ça dépend de d et de n. Preuve. Soit ξ un fibré sur S d . On note G = Gl(n, R), Gl+ (n, R) ou Gl(n, C) suivant qu’on s’intéresse aux fibrés réels non orientés, orientés, ou aux fibrés complexes. D’après le lemme 6.3.2, les restrictions de ξ à S+ et S− sont des fibrés triviaux. Il existe donc des isomorphismes h± : d−1 × Rn , E(ξ|S± ) → S± × Rn . Le long de S d−1 , h− ◦ h−1 + est un automorphisme du fibré trivial S d−1 il s’écrit (b, v) 7→ (b, f (b)(v)) où f : S → G est continue. Autrement dit, ξ est isomorphe au fibré ξf . Fixons un point base b0 ∈ S d−1 . Quitte à multiplier f par une constante, on peut supposer que f (b0 ) = 1. Un fibré isomorphe donne lieu à une application f 0 : S d−1 → G telle que f 0 (b0 ) = 1 et f 0 est homotope à c− f c−1 + où c± ∈ G sont des constantes. Comme d ≥ 2, c+ et c− sont dans la même composante connexe du groupe G. Si le groupe est connexe (cas des fibrés orientés ou complexes), f 0 est homotope à f . Toute homotopie ft peut être améliorée en une homotopie envoyant le point base sur 1 (poser gt = ft (b0 )−1 ft ). On a donc associé à ξ un élément de πd−1 (G). Inversement, le fibré ξf associé à une application f : S d−1 → G ne dépend que de la classe d’homotopie de f , donc les classes d’isomorphisme de fibrés correspondent aux classes d’homotopie d’applications pointées, c’est-àdire aux éléments de πd−1 (G). Cas des fibrés non orientés. Comme d ≥ 2, f est à valeurs dans Gl+ (n, R). Lorsqu’on a multiplié f par une constante pour avoir f (b0 ) = 1, on a choisi une orientation. Si c+ ∈ Gl+ (n, R), alors 0 ¯ c− f c−1 + est homotope à f . Sinon, f est homotope à f , qui correspond au choix de l’orientation ¯ opposée. On a donc associé à ξ une paire {f, f } d’éléments conjugués de πd−1 (Gl+ (n, R)). Inversement, le fibré ξf associé à une application f : S d−1 → Gl+ (n, R) ne dépend que de la classe d’homotopie de f , et les fibrés ξf et ξf¯ sont isomorphes, donc les classes d’isomorphisme de fibrés non orientés sont en bijection avec les paires {f, f¯}. Si n est impair, on peut prendre c = −1 et la conjugaison est alors l’identité. Cela reflète le fait que tout fibré possède l’automorphisme −1 qui renverse l’orientation. Si n est pair, choisir le représentant ξf¯ plutôt que ξf revient à choisir une orientation. Corollaire 6.3.6 Fibrés sur la sphère S 2 . Tout fibré réel de rang 1 sur S 2 est trivial. Les classes d’isomorphisme de fibrés vectoriels réels orientés de rang 2 ou de fibrés vectoriels complexes de rang 1 sur S 2 coı̈ncident. Elles forment une famille O(k) indexée par les entiers CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 113 naturels (voir exercice 85), de sorte que le changement d’orientation correspond à changer le signe de l’indice. Pour tout entier n ≥ 3, il existe exactement deux classes d’isomorphisme de fibrés vectoriels réels de rang n sur S 2 . Tout fibré vectoriel complexe de rang n > 1 sur S 2 est isomorphe à exactement un des Cn−1 ⊕ O(k). Pour tout n ≥ 1, Gl+ (n, R) est homotope à SO(n) et Gl(n, C) à U (n) (décomposition polaire). Par conséquent, Gl+ (1, R) est simplement connexe (donc tout fibré de rang 1 est trivial), Gl+ (2, R) et Gl(1, C) ont pour groupe fondamental Z. D’après l’exercice 81, le fibré tautologique γ1C correspond à un générateur. La conjugaison agit en changeant l’orientation sur SO(2), donc par −1 sur Z = π1 (SO(2)) = π1 (Gl+ (2, R)). Le revêtement double SU (2) → SO(3) montre que π1 (SO(3)) = Z/2Z. La fibration SO(n − 1) → SO(n) → S n−1 fournit la suite exacte longue · · · → π2 (S n−1 ) → π1 (SO(n − 1)) → π1 (SO(n)) → π1 (S n−1 ) → · · · qui montre que pour n ≥ 4, π1 (SO(n)) = π1 (SO(n − 1)) = Z/2Z. Le lacet non trivial est donné par l’injection SO(2) → SO(n) comme un bloc diagonal. Si n ≥ 3 est pair, on peut choisir c qui est l’identité sur ce bloc. Par conséquent, les deux fibrés orientés de rang n sur S 2 donnent des fibrés non orientés distincts. La fibration U (n − 1) → U (n) → S 2n−1 fournit la suite exacte longue · · · → π2 (S 2n−1 ) → π1 (U (n − 1)) → π1 (U (n)) → π1 (S 2n−1 ) → · · · qui montre que pour n ≥ 2, π1 (U (n)) = π1 (U (n − 1)) = Z. Exercice 85 On note O(−1) le fibré tautologique γ1C , et O(1) son dual. On note O(0) le fibré trivial. Pour k entier positif, on note O(k) = O(1)⊗k la puissance tensorielle k-ème de O(1). Enfin, pour k entier négatif, on note O(k) = O(−1)⊗−k . Montrer que la famille O(k) contient exactement un représentant de chaque classe d’isomorphisme de fibrés vectoriels complexes de rang un sur CP 1 . Exemple 6.3.7 Tout fibré vectoriel réel ou complexe sur S 3 est trivial. En effet, le π2 d’un groupe de Lie est toujours trivial. 6.4 Fibré universel 6.4.1 Grassmanniennes Définition 6.4.1 On appelle grassmannienne (Grassmann manifold) Gn (Rn+k ) l’espace des sousespaces vectoriels de dimension n de Rn+k . Chaque sous-espace correspondant à un unique projecteur orthogonal, on peut voir la grassmannienne comme un sous-ensemble compact dans l’espace vectoriel End(Rn+k ). Gn (Rn+k ) possède par définition un fibré tautologique γ n (Rn+k ) de rang n, E(γ n (Rn+k )) = {(X, v) ∈ Gn (Rn+k ) × Rn+k | v ∈ X}. Vérifions la trivialité locale. Soit X un n-plan de Rn+k , (e1 , . . . , en ) une base de X. Soit Y un supplémentaire de X. Tout n-plan X 0 supplémentaire de Y (c’est un voisinage de X dans la grassmannienne) s’écrit uniquement comme le graphe gr(f ) = {v + f (v) | v ∈ X} d’une application linéaire fX 0 : X → Y . En effet, la projection p sur X parallèlement à Y , restreinte à X 0 , est bijective. Si q désigne la projection sur Y parallèlement à X, alors fX 0 = q ◦ (p|X 0 )−1 . Alors les applications X 0 7→ fX 0 (ei ) forment une base de sections continues du fibré tautologique γ n (Rn+k ) au voisinage de X. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 114 Remarque 6.4.2 On définit de la même façon le fibré tautologique γ n (Cn+k ) sur la grassmannienne Gn (Cn+k ) Définition 6.4.3 On note Gn (R∞ ) la réunion des Gn (Rn+k ), munie de la topologie limite de la suite Gn (Rn ) ⊂ Gn (Rn+1 ) ⊂ · · · On note γ n (R∞ ) la réunion des γ n (Rn+k ) lorsque k tend vers l’infini. Idem en remplaçant R par C. On admettra que γ n (R∞ ) est un fibré vectoriel sur Gn (R∞ ). On se servira seulement de cet objet limite comme d’une commodité de langage. 6.4.2 Propriété universelle des grassmanniennes Le fibré γ n (R∞ ) est universel au sens où il induit n’importe quel fibré. Le problème de classification des fibrés se ramène à un problème homotopique : décrire les classes d’homotopie d’applications d’un espace dans les grassmanniennes. Théorème 25 Soit B un espace compact. Pour tout fibré vectoriel réel ξ sur B, il existe une application continue f : B → Gn (R∞ ) telle que ξ = f ∗ γ n (R∞ ). On dit qu’une telle application classifie ξ. Deux fibrés ξ et ξ 0 , classifiés par f et f 0 sont isomorphes si et seulement si f et f 0 sont homotopes dans Gn (R∞ ). Preuve. Montrons que ξ est isomorphe à un sous-fibré d’un fibré trivial. En tronquant des sections locales, on construit un grand nombre de sections continues e1 , . . . , en+k telles P que, pour tout b ∈ B, les vecteurs ei (b) engendrent ξb . L’application Gb : Rn+k → ξb , (ti ) 7→ i ti ei (b) est surjective. Son noyau est donc de dimension k. Notons f (b) l’orthogonal du noyau de Gb . C’est un sous-espace vectoriel de Rn+k de dimension n, donc f : B → Gn (Rn+k ) est bien définie. L’application Gb induit un isomorphisme de la fibre f (b) de γ n (Rn+k ) en f (b) sur ξb . Par conséquent, ξ est isomorphe au fibré induit f ∗ γ n (Rn+k ). Soient f et f 0 deux applications B → Gn (Rn+k ) qui classifient des fibrés ξ et ξ 0 . Supposons f et f 0 homotopes. Soit F : [0, 1] × B → Gn (Rn+k ) une homotopie, soit η = F ∗ γ n (Rn+k ). Alors la restriction de η à {0} × B (resp. {1} × B) est ξ (resp. ξ 0 ). Le lemme 6.3.1 entraı̂ne que ξ et ξ 0 sont isomorphes. Inversement, soient f et f 0 deux applications B → Gn (Rn+k ) qui classifient le même fibré ξ. Elles se relèvent en des applications F et F 0 : E(ξ) → E(γ n (Rn+k )) → Rn+k qui sont linéaires sur les fibres. Posons Ft = (1 − t)F + tF 0 . Supposons que pour tout t et tout b, Ft est injective sur la fibre ξb . Alors Ft (ξb ) est un sous-espace vectoriel de dimension n de Rn+k , qu’on note ft (b). On obtient ainsi l’homotopie souhaitée entre f et f 0 . La condition d’injectivité est certainement satisfaite s’il existe deux sous-espaces supplémentaires G et G0 de Rn+k tels que F soit à valeurs dans G et F 0 à valeurs dans G0 . Pour se mettre dans cette situation, on utilise une famille à un paramètre d’endomorphismes Lt de R2n+2k = Rn+k ⊕ Rn+k = G ⊕ G0 telle que L0 = id et L1 échange G et G0 . Lt agit sur la grassmannienne Gn (R2n+2k ). L’application f 0 est homotope par Lt ◦ f 0 à f 00 = L1 ◦ f 0 . Le relèvement F 00 est à valeurs dans G0 alors que F est à valeurs dans G. Par conséquent, f est homotope à f 00 et donc à f 0 dans Gn (R2n+2k ). Exemple 6.4.4 Pour d ≥ 2, l’ensemble des classes d’homotopie d’applications S d → X s’identifie au quotient du groupe πd (X, x0 ) par l’action de π1 (X, x0 ). Cette action est définie comme suit : toute application (S d , b0 ) → (X, x0 ) se relève au revêtement universel (X̃, x̃0 ) d’autant de manières différentes qu’il y a d’images réciproques de x0 dans X̃, i.e. d’éléments de π1 (X, x0 ). Par conséquent, l’ensemble des classes d’isomorphisme de fibrés vectoriels réels de rang n sur S d est en bijection avec πd (Gn (R∞ ), ∗)/π1 (Gn (R∞ ), ∗). CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 115 Remarque 6.4.5 L’ensemble des classes d’isomorphismes de fibrés orientés de rang n sur la ∞ sphère S d est en bijection à la fois avec πd−1 (Gl+ (n, R)) (théorème 24) et avec πd (G+ n (R )) (variante du theorème 25 pour les fibrés orientés, utilisant la grassmannienne des n-plans orientés comme espace universel). Le fait que ces deux groupes sont isomorphes résulte de la suite exacte en homotopie induite par la fibration ∞ Gl+ (n, R) → Vn → G+ n (R ) où Vn , espace des n-uplets de vecteurs linéairement indépendants de R∞ , s’appelle la variété de Stiefel, et du fait que les groupes d’homotopie de Vn sont nuls. De même, l’ensemble des classes d’isomorphismes de fibrés non orientés de rang n sur la sphère S d est en bijection avec πd−1 (Gl(n, R))/π0 (Gl(n, R)) = πd (Gn (R∞ ))/π1 (Gn (R∞ )). Corollaire 6.4.6 La classification à isomorphisme près des fibrés vectoriels de classe C k , C ∞ , est la même que celle des fibrés topologiques sous-jacents. Preuve. En effet, toute application continue entre deux variétés lisses est homotope à une application lisse, et deux applications lisses sont homotopes si et seulement si elles vivent dans une même famille lisse à un paramètre. 6.5 6.5.1 Classes caractéristiques Motivation La classe d’Euler mesure l’obstruction à trouver une section d’un fibré qui ne s’annule pas. Elle trouve son origine en homologie. Soit ξ un fibré vectoriel réel orienté de rang n sur une variété compacte orientée B de dimension d. Une section générique s de ξ est transverse à la section nulle. Par conséquent, le lieu de ses zéros est une sous-variété s−1 (0) compacte sans bord orientée de dimension d − n, elle possède une classe d’homologie [s−1 (0)] ∈ Hd−n (B, Z) qui ne dépend pas du choix de la section s. C’est la classe d’Euler de ξ en homologie. Si ξ = T B est le fibré tangent de B, s un champ de vecteurs générique, alors [s−1 (0)] ∈ H0 (B, Z) compte le nombre de zéros avec signe de s. D’après un théorème de H. Hopf, ce nombre coı̈ncide avec la caractéristique d’Euler-Poincaré de B, d’où le nom de classe d’Euler. Soit f : B 0 → B une submersion, soit ξ 0 = f ∗ ξ. Alors s0 = s ◦ f est une section générique de ξ 0 , donc la classe d’Euler de ξ 0 est [f −1 s−1 (0)], ce qui ne correspond pas à la façon dont les applications agissent sur l’homologie. La dualité de Poincaré réalise un isomorphisme modulo torsion entre Hd−n (B, Z) et H n (B, Z), d’où une classe d’Euler en cohomologie, notée e(ξ). Concrètement, si V et W sont deux sous-variétés compactes sans bord orientées transverses, de dimensions complémentaires, hP.D.[V ], [W ]i = V · W est le nombre de points d’intersection (avec signe) de V et W . Soit W ⊂ B 0 une sous-variété transverse à s0−1 (0), de dimension complémentaire. Il vient he(ξ 0 ), [W ]i = = = = = = hP.D.[f −1 s−1 (0)], [W ]i [f −1 s−1 (0)] · [W ] [s−1 (0)] · [f (W )] hP.D.[s−1 (0)], [f (W )]i hf ∗ P.D.[s−1 (0)], [W ]i hf ∗ e(ξ), [W ]i CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 116 donc e(ξ 0 ) = f ∗ e(ξ). Autrement dit, c’est la version cohomologique qui est naturelle sous les submersions (en fait, sous les applications continues quelconques). Cette version cohomologique est d’une portée plus générale, elle a un sens sur une base quelconque. La classe d’Euler est le prototype des classes caractéristiques. La naturalité ne suffit pas à caractériser une classe caractéristique. Remarquons que la classe d’Euler se comporte simplement sous les sommes directes. Si s et s0 sont des sections génériques de ξ et ξ 0 , s + s0 est une section générique de ξ ⊕ ξ 0 , et les sous-variétés s−1 (0) et s0−1 (0) sont transverses. Alors e(ξ ⊕ ξ 0 ) = P.D.([s−1 (0)] · [s0−1 (0)]) = e(ξ) ∪ e(ξ 0 ). Cette règle, plus une normalisation pour un fibré modèle de rang 2 détermine uniquement la classe d’Euler. 6.5.2 Définition Définition 6.5.1 On appelle classe caractéristique (characteristic class) une application c qui à chaque fibré vectoriel ξ sur un espace B associe une classe de cohomologie c(ξ) ∈ H ∗ (B), et qui possède les propriétés suivantes. – Invariance. Si ξ est isomorphe à ξ 0 , c(ξ) = c(ξ 0 ) ; – Naturalité. Si f : B 0 → B est une application continue, alors c(f ∗ ξ) = f ∗ c(ξ). Exemple 6.5.2 Soit σ une classe de cohomologie de la grassmannienne Gn (R∞ ). Etant donné un fibré vectoriel réel de rang n sur B, posons cσ (ξ) = fξ∗ σ où fξ : B → Gn (R∞ ) est une application classifiante de ξ. D’après le théorème 25, fξ est unique à homotopie près, donc cσ (ξ) est bien définie. L’application cσ est donc une classe caractéristique pour les fibrés vectoriels réels de rang n. Clairement, toute classe caractéristique c est de cette forme, avec σ = c(γ n (R∞ )). Il en va de même pour les fibrés complexes. 6.5.3 Classe d’Euler Définition 6.5.3 Il existe une unique classe caractéristique pour les fibrés vectoriels réels orientés, appelée classe d’Euler (Euler class), qui satisfait les axiomes suivants. 1. Degré. Si ξ est de rang n, e(ξ) est de degré n. Si n est impair, e(ξ) = 0. 2. Produit. e(ξ ⊕ ξ 0 ) = e(ξ) ∪ e(ξ 0 ). 3. Normalisation. Soit γ11,C le fibré tautologique sur CP 1 , vu comme fibré réel orienté. Alors e(γ1C ) = −h où h est la classe fondamentale en cohomologie de H 2 (CP 1 , Z), duale de Poincaré de la classe d’homologie d’un point (représentée par n’importe quelle 2-forme d’intégrale 1). La classe d’Euler est à valeurs dans la cohomologie entière. L’existence et l’unicité sont des propriétés des grassmanniennes et de leurs fibrés tautologiques. On admettra l’unicité. L’existence résulte de la théorie de Chern-Weil développée au chapitre suivant. Exercice 86 Montrer que le fibré tangent à CP 1 est induit du fibré tautologique par l’application z 7→ z −2 . En déduire que sa classe d’Euler vaut 2h. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 117 Exemple 6.5.4 Plus généralement, la classe d’Euler du fibré tangent de la sphère S d vaut 0 si d est impair, et 2f , où f ∈ H d (S d , Z) est la classe fondamentale en cohomologie, si d est pair. La preuve sera donnée au chapitre suivant. Proposition 6.5.5 Si ξ admet une section qui ne s’annule pas, alors e(ξ) = 0. Preuve. En effet, cette section engendre un sous-fibré trivial ` ⊂ ξ. Un fibré trivial est induit par une application à valeurs dans un point, dont le H 1 est nul, donc sa classe d’Euler est nulle. Il vient e(ξ) = e(`) ∪ e(`⊥ ) = 0 ∪ e(`⊥ ) = 0. Corollaire 6.5.6 Sur une sphère de dimension paire, il n’existe pas de champs de vecteurs sans zéros. Une sphère de dimension impaire S 2n−1 peut être vue comme la sphère unité de Cn . Le champ de vecteurs qui en b ∈ S 2n−1 vaut ib est tangent à la sphère et ne s’annule pas. Exercice 87 Montrer que le fibré tangent d’une sphère de dimension paire n’admet aucun sousfibré orientable. 6.5.4 Classes de Stiefel-Whitney Pourquoi décide-t-on que la classe d’Euler d’un fibré orientable de rang impair est nulle ? Soit ξ un fibré vectoriel réel lisse orienté de rang n sur une variété compacte sans bord orientée B de dimension d. Soient s, s0 deux sections génériques de ξ. Soit Z le lieu des points b ∈ B où s0 (b) est un multiple positif de s(b). Supposons pour simplifier que s et s0 n’ont pas de zéro commun. Alors Z est une variété à bord de dimension d − n + 1, dont le bord est la réunion de s−1 (0) et de s0−1 (0). En tenant compte des orientations, si ξ est de rang impair, ∂Z = s−1 (0) + s0−1 (0) donc 2[s−1 (0)] = 0 en homologie. Si on raisonne modulo 2, ∂Z = 0 donc la classe d’homologie [Z] est un nouvel invariant, c’est une classe de Stiefel-Whitney en homologie. On s’attend donc à l’existence d’une classe caractéristique duale en cohomologie de degré n − 1 qui mesure l’obstruction à l’existence d’un couple de sections linéairement indépendantes. Définition 6.5.7 Il existe une unique classe caractéristique pour les fibrés vectoriels réels, à valeurs dans la cohomologie à coefficients dans Z/2Z, appelée classe de Stiefel-Whitney totale (total Stiefel-Whitney class), qui satisfait les axiomes suivants. 1. Degré. Si ξ est de rang n, w(ξ) a des composantes seulement en degrés ≤ n. 2. Produit. w(ξ ⊕ ξ 0 ) = w(ξ) ∪ w(ξ 0 ). 3. Normalisation. Soit γ1 le fibré tautologique sur RP 1 . Alors w(γ1 ) = 1 + a où a est le générateur de H 1 (RP 1 , Z/2Z). Sa composante de degré i s’appelle la i-ème classe de Stiefel-Whitney wi . On admettra l’existence de cette classe. L’unicité sera prouvée au paragraphe 6.5.6. On verra en 6.5.18 que w1 est l’obstruction à l’orientabilité du fibré. Exercice 88 Montrer que le fibré tangent d’une sphère a une classe de Stiefel-Whitney triviale. Notons a l’élément non nul de H 1 (RP d , Z/2Z). Pour la suite, on aura besoin de savoir que l’espace de cohomologie H i (RP d , Z/2Z) est de dimension 1, engendré par ai , pour i = 1, . . . , d, et que H i (RP d , Z/2Z) = 0 pour i > d. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 118 Exercice 89 Montrer que le fibré tautologique γd1 de l’espace projectif réel RP d a pour classe de Stiefel-Whitney 1 + a où a est le générateur de H 1 (RP d , Z/2Z). Exercice 90 Montrer que le fibré tangent de l’espace projectif réel RP d a pour classe de StiefelWhitney (1 + a)d+1 . 6.5.5 Classes de Chern Pour les fibrés possédant une structure complexe, on n’a pas besoin de réduire modulo 2, on dispose de classes entières. Définition 6.5.8 Il existe une unique classe caractéristique pour les fibrés vectoriels complexes, appelée classe de Chern totale (total Chern class), qui satisfait les axiomes suivants. 1. Degré. Si ξ est de rang n, c(ξ) a des composantes seulement en degrés ≤ 2n. 2. Produit. c(ξ ⊕ ξ 0 ) = c(ξ) ∪ c(ξ 0 ). 3. Normalisation. Soit γ1C le fibré tautologique sur CP 1 . Alors c(γ1C ) = 1 − h où h est le générateur de H 2 (CP 1 , Z), représenté par n’importe quelle 2-forme d’intégrale 1. La classe de Chern totale est à valeurs dans la cohomologie entière. Elle n’a de composantes qu’en degrés pairs. Sa composante de degré 2i s’appelle la i-ème classe de Chern ci . Comme pour la classe d’Euler, l’existence et l’unicité sont des propriétés des grassmanniennes et de leurs fibrés tautologiques. La preuve de l’unicité, donnée au paragraphe 6.5.6, requiert des propriétés de cohomologie qu’on admettra. L’existence résulte de la théorie de Chern-Weil développée au chapitre suivant. Exercice 91 Montrer que pour tout k ∈ Z, le fibré O(k) de l’exercice 85 a pour classe de Chern 1 + kh. Exercice 92 Montrer que le fibré tautologique γd1,C sur l’espace projectif complexe CP d a pour classe de Chern 1 − h où h est le dual de Poincaré d’une droite projective. De même, montrer que la classe de Chern de son dual (γd1,C )∗ vaut 1 + h. Exemple 6.5.9 La classe de Chern du fibré tangent complexe de l’espace projectif complexe CP d vaut (1 + h)d+1 , où h est le dual de Poincaré d’une droite projective. En un point b ∈ CP d représentant une droite ` de Cd+1 , l’espace tangent complexe à CP d est HomC (`, `⊥ ). Notons γ = γd1,C le fibré tautologique. Alors le fibré tangent complexe τ = T 1,0 CP d satisfait τ = HomC (γ, γ ⊥ ). D’autre part, γ ⊕ γ ⊥ = Cd+1 est un fibré trivial. On peut donc écrire τ ⊕ C = HomC (γ, γ ⊥ ) ⊕ HomC (γ, γ) = HomC (γ, γ ⊥ ⊕ γ) = HomC (γ, Cd+1 ) = (γ ∗ )d+1 . D’après l’exercice 92, c((γ)∗ ) = 1 + h. Il vient c(τ ) = c(τ ⊕ C) = c(γ ∗ )d+1 = (1 + h)d+1 . CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 6.5.6 119 Unicité des classes de Chern et de Stiefel-Whitney Lemme 6.5.10 (Splitting principle). Soit ξ un fibré vectoriel réel ou complexe sur B. Il existe un espace B 0 et une application f : B → B 0 tels que f ∗ ξ se decompose en somme de fibrés de rang 1, et que f ∗ : H ∗ (B, Z) → H ∗ (B 0 , Z) (resp. f ∗ : H ∗ (B, Z/2Z) → H ∗ (B 0 , Z/2Z)) soit injective. Preuve. Soit P (ξ) le quotient de E(ξ) par l’action de R∗ (resp. C∗ ) par multiplication dans les fibres. L’application π : E(ξ) → B passe au quotient en π : P (ξ) → B. Le fibré π ∗ ξ possède un sous-fibré de rang 1 canonique ` ⊂ π ∗ ξ. En effet, pour chaque b ∈ B, au dessus de l’espace projectif π −1 (b), π ∗ ξ est trivial et contient le fibré tautologique. On montre (J. Leray) que π ∗ : H ∗ (B, Z) → H ∗ (P (ξ), Z) (resp. π ∗ : H ∗ (B, Z/2Z) → H ∗ (P (ξ), Z/2Z)) est injective (admis). Il ne reste plus qu’à itérer la construction à partir du fibré `⊥ ⊂ π ∗ ξ. Preuve de l’unicité. Soient c et c0 deux classes caractéristiques qui satisfont les axiomes de la définition 6.5.7 ou 6.5.8. K désigne R ou C, A désigne Z/2Z ou Z. L’injection ι : KP 1 → KP ∞ = G1 (K∞ ) induit une application injective H 1,2 (G1 (K∞ ), A) → H 1,2 (KP 1 , A) (admis), le générateur de H 1,2 (KP ∞ , A) est noté h, comme son image dans H 1,2 (KP 1 , A). Par naturalité et normalisation, ι∗ c(γ 1 (K∞ )) = c(γ11 ) = 1 + h = c0 (γ11 ) = ι∗ c0 (γ 1 (K∞ )) donc c(γ 1 (K∞ )) = c0 (γ 1 (K∞ )). Comme tout fibré de rang 1 est induit de γ 1 (K∞ ), c et c0 coı̈ncident sur tous les fibrés de rang 1. Par la règle de produit, ils coı̈ncident sur tout fibré qui est somme de fibrés de rang 1. Soit ξ un fibré sur B, soit f : B 0 → KP ∞ une application qui décompose ξ en somme de fibrés en droites, comme dans le lemme 6.5.10. Alors f ∗ c(ξ) = c(f ∗ ξ) = c0 (f ∗ ξ) = f ∗ c0 (ξ), ce qui entraı̂ne que c(ξ) = c0 (ξ). Cet argument ne suffit pas pour la classe d’Euler, car les fibrés en droites de la décomposition donnée par le lemme 6.5.10 ne sont pas orientables. 6.5.7 Classes de Pontrjagin En complexifiant un fibré réel, on obtient un fibré complexe, dont les classes de Chern fournissent de nouvelles classes caractéristiques. Définition 6.5.11 Soit ξ un fibré vectoriel réel sur B. Sa i-ème classe de Pontrjagin (Pontrjagin class) pi (ξ) ∈ H 4i (B, Z) est définie par pi (ξ) = (−1)i c2i (ξ ⊗ C). P La classe de Pontrjagin totale est p(ξ) = i pi (ξ). La raison pour laquelle on néglige les classes de Chern de degré impair de ξ ⊗ C est que celles-ci sont d’ordre 2, et donc souvent nulles. Lemme 6.5.12 Soit ξ un fibré complexe, et ξ¯ son conjugué. Alors ¯ = (−1)i ci (ξ). ci (ξ) En particulier, si η est un fibré réel, 2c2i+1 (η ⊗ C) = 0. Preuve. Définissons des classes caractéristiques ct et c̄ sur les fibrés complexes par X X ¯ et c̄(ξ) = ¯ ct (ξ) = ti ci (ξ) (−1)i ci (ξ). i i CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 120 Alors ct satisfait l’axiome de produit. En effet, cela consiste à observer que la règle de produit pour c est satisfaite en chaque degré. Par conséquent, c̄ satisfait aussi l’axiome de produit. Comme le dual (ou conjugué, c’est pareil, voir remarque 6.2.10) O(1) de γ11 satisfait c1 (γ11 ) = c1 (O(−1)) = h = −c1 (γ11 ), la classe c̄ satisfait aussi l’axiome de normalisation. Par unicité, c̄ = c. Comme η est isomorphe à son dual, le fibré ξ = η ⊗ C est lui aussi isomorphe à son dual. Par ¯ = −c2i+1 (ξ). conséquent c2i+1 (ξ) = c2i+1 (ξ) Les classes de Pontrjagin satisfont une forme faible de l’axiome de produit. Proposition 6.5.13 Soient ξ, ξ 0 des fibrés vectoriels réels sur B. Alors 2p(ξ ⊕ ξ 0 ) = 2p(ξ) ∪ p(ξ 0 ). Preuve. Comme les classes de Chern impaires c2i+1 (ξ ⊗ C) sont d’ordre 2 dans le groupe H 4i+2 (B, Z), lorsqu’on multiplie par 2 la règle de produit pour la classe ct du lemme 6.5.12, il √ ne reste que les classes de Chern d’ordre pair. Il reste à poser t = −1 pour obtenir les bons signes. Exemple 6.5.14 La classe de Pontrjagin du fibré tangent de l’espace projectif complexe CP d vaut (1 + h2 )d+1 , où h est le dual de Poincaré d’une droite projective. Comme le fibré vectoriel réel θ = T CP d possède une structure complexe, son complexifié se décompose en somme de deux sous-fibrés conjugués, θ ⊗ C = τ ⊕ τ̄ où τ = T 1,0 CP d est le fibré tangent complexe. Par conséquent X (−1)i pi (θ) = c(θ ⊗ C) i = c(τ ⊕ τ̄ ) X = c(τ )( (−1)i ci (τ )) i = (1 + h)d+1 (1 − h)d+1 = (1 − h2 )d+1 . En changeant un signe sur deux, on trouve que p(θ) = (1 + h2 )d+1 . 6.5.8 Caractère de Chern et produit tensoriel Comment les classes de Chern se comportent-elles vis-à-vis des produits tensoriels ? Lemme 6.5.15 Soient ξ et ξ 0 des fibrés vectoriels réels (resp. complexes) de rang 1. Alors w1 (ξ ⊗ ξ 0 ) = w1 (ξ) + w1 (ξ 0 ), (resp. c1 (ξ ⊗ ξ 0 ) = c1 (ξ) + c1 (ξ 0 )). 2 Preuve. On se place dans le cas des fibrés complexes. Notons md : CP d × CP d → CP d +2d 2 l’application qui à deux droites ` et `0 de Cd+1 associe la droite ` ⊗ `0 de Cd+1 ⊗ Cd+1 = C(d+1) . Elle passe à la limite en m : CP ∞ × CP ∞ → CP ∞ . Alors m∗ : H 2 (CP ∞ , Z) → H 2 (CP ∞ × CP ∞ , Z) = H 2 (CP ∞ , Z) ⊕ H 2 (CP ∞ , Z) est donnée par m∗ h = (αh, βh) où α et β sont des entiers à déterminer. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 121 Si ξ et ξ 0 sont des fibrés en droites sur B classifiés par des applications f et f 0 : B → G1 (C∞ ) = CP ∞ , alors ξ ⊗ ξ 0 est classifié par m(f, f 0 ), donc c1 (ξ ⊗ ξ 0 ) (f, f 0 )∗ (αh, βh) α(f, f 0 )∗ (h, 0) + β(f, f 0 )∗ (0, h) α(f, f 0 )∗ pr1∗ h + β(f, f 0 )∗ pr2∗ h α(pr1 ◦ (f, f 0 ))∗ pr1∗ h + β(pr2 ◦ (f, f 0 )∗ h αf ∗ h + βf 0∗ h αc1 (ξ) + βc1 (ξ 0 ). = = = = = = Or si ξ et ξ 0 sont des fibrés en droites sur CP1 , on sait déjà (exercices 85 et 91) que c1 (ξ ⊗ ξ 0 ) = c1 (ξ) + c1 (ξ 0 ). Cela entraı̂ne que α = β = 1. Idem pour les fibrés réels et w1 . Définition 6.5.16 Pour k entier positif, notons sk le polynôme en k variables défini par l’identité k X tki = sk (σ1 , . . . , σk ) i=1 Pk Qk où σ1 = i=1 ti , ..., σk = i=1 ti sont les fonctions symétriques élémentaires. Le caractère de Chern (Chern character) d’un fibré vectoriel complexe ξ de rang n est n+ ∞ X 1 sk (c1 (ξ), . . . , ck (ξ)). k! k=1 0 Proposition 6.5.17 Soient ξ, ξ deux fibrés vectoriels complexes sur B. Alors ch(ξ ⊕ ξ 0 ) = ch(ξ) + ch(ξ 0 ), Preuve. ch(ξ ⊗ ξ 0 ) = ch(ξ) ∪ ch(ξ 0 ). Si ξ est de rang 1, ∞ X 1 ch(ξ) = 1 + c1 (ξ)k = exp(c1 (ξ)). k! k=1 Soit ξ 0 un autre fibré de rang 1. Alors c1 (ξ ⊗ ξ 0 ) = c1 (ξ) + c1 (ξ 0 ). Par conséquent ch(ξ ⊗ ξ 0 ) = exp(c1 (ξ) + c1 (ξ 0 )) = exp(c1 (ξ)) ∪ exp(c1 (ξ 0 )) = ch(ξ) ∪ ch(ξ 0 ). Supposons que ξ = ξ1 ⊕ · · · ⊕ ξn est une somme de fibrés en droites (on peut toujours se ramener à ce cas par le principe de décomposition 6.5.10). Posons ti = c1 (ξi ). Alors c(ξ) = c(ξ1 ) ∪ · · · ∪ c(ξn ) = (1 + t1 ) · · · (1 + tn ) = 1 + σ 1 + σ2 + · · · + σn donc ci (ξ) = σi . Par conséquent ch(ξ) X 1 sk (σ1 + · · · + σk ) k! k X 1 = n+ (tk + · · · + tkn ) k! 1 = n+ k = exp(c1 (ξ1 )) + · · · + exp(c1 (ξn )) = ch(ξ1 ) + · · · + ch(ξn ). CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 122 Étant donné deux fibrés ξ et ξ 0 sur B, il existe g : B 0 → B tels que g ∗ ξ et g ∗ ξ 0 soient sommes de fibrés en droites (appliquer le lemme 6.5.10 à ξ 0 , d’où f ∗ ξ 0 = ξ10 ⊕ · · · ⊕ ξn0 0 , puis à f ∗ ξ, d’où f 0∗ f ∗ ξ = ξn0 +1 ⊕ · · · ⊕ ξn+n0 ; poser g = f ◦ f 0 , de sorte que g ∗ ξ 0 = ξ1 ⊕ · · · ⊕ ξn avec ξi = f 0∗ ξi0 ). Alors ∗ 0 g ch(ξ ⊕ ξ ) 0 n+n M = ch( ξi ) i=1 0 n+n X = ch(ξi ) i=1 ∗ = g (ch(ξ) + ch(ξ 0 )). Enfin g ∗ ch(ξ ⊗ ξ 0 ) = ch( M ξi ⊗ ξj ) i>n0 , j≤n0 X = ch(ξi ⊗ ξj ) i>n0 , j≤n0 X = ch(ξi ) ∪ ch(ξj ) i>n0 , j≤n0 = ( X ch(ξi )) ∪ ( i>n0 ∗ X ch(ξj )) j≤n0 0 = g (ch(ξ) ∪ ch(ξ )) ce qui entraı̂ne que ch(ξ ⊕ ξ 0 ) = ch(ξ) + ch(ξ 0 ), et ch(ξ ⊗ ξ 0 ) = ch(ξ) ∪ ch(ξ 0 ). Il y a une formule analogue pour les classes de Stiefel-Whitney d’un produit tensoriel, mais elle ne prend pas une forme aussi élégante. Corollaire 6.5.18 Un fibré vectoriel réel ξ est orientable si et seulement si w1 (ξ) = 0. Preuve. Soit ξ un fibré de rang 1 sur B, classifié par f : B → RP ∞ . Si w1 (ξ) = f ∗ (a) est nul, alors, d’après le théorème d’Hurewicz, f# : π1 (B) → π1 (RP ∞ ) est nulle. Par conséquent f se ˜ ∞ = S ∞ . Mais la sphère de R∞ est contractile (tous ses groupes relève au revêtement universel RP d’homotopie sont nuls), donc f est homotope à une constante, donc ξ est trivial. Soit ξ un fibré de rang n. Montrons que w1 (Λn ξ) = w1 (ξ). Grâce au principe de décomposition 6.5.10, on peut supposer que ξ = ξ1 ⊕ · · · ⊕ ξn est une somme de fibrés en droites. Alors Λn ξ = ξ1 ⊗ · · · ⊗ ξn , d’où, avec le lemme 6.5.15, w1 (Λn ξ) = w1 (ξ1 ) + · · · + w1 (ξn ) = w1 (ξ). Par conséquent, w1 (ξ) = 0 si et seulement si Λn ξ est trivial, i.e. si et seulement si ξ est orientable. 6.5.9 Liens entre classes caractéristiques Proposition 6.5.19 Soit ξ un fibré vectoriel réel orienté de rang n pair. Alors wn (ξ) est la réduction modulo 2 de e(ξ). Soit ξ un fibré vectoriel complexe de rang n. Si on le voit comme fibré réel de rang 2n, il possède des classes de Stiefel-Whitney et une classe d’Euler : w2i est la réduction modulo 2 de la classe de Chern ci , w2i+1 est nul et e(ξ) = cn (ξ). En particulier, si η est un fibré vectoriel réel, la réduction modulo 2 de pi (η) est w2i (η)2 . Si, de plus, η est orienté et de rang n = 2m pair, alors pm (η) = e(η)2 . CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 123 Preuve. On admet la première relation. Cas des fibrés complexes. Le principe de décomposition 6.5.10 permet de se ramener aux fibrés en droites complexes, la naturalité au fibré tautologique sur CP 1 . Or, par normalisation, e(γ11,C ) = c1 (γ11,C ) et sa réduction modulo 2 est w2 (γ11,C ). On conclut que pour un fibré complexe ξ de rang n, w(ξ) = c(ξ) mod 2, e(ξ) = cn (ξ). On applique cette relation à η ⊗ C où η est un fibré vectoriel réel. Réduite modulo 2, pi (η) = (−1)i c2i (η ⊗ C) coı̈ncide avec w4i (η ⊗ C). Or, comme fibré réel, η ⊗ C = η ⊕ η, d’où w(η ⊕ η) = w(η)2 = (w0 (η) + · · · + wn (η))2 = w0 (η)2 + · · · + wn (η)2 donc w4i (η ⊗ C) = w2i (η)2 . Enfin, si η est orienté et de rang 2m, η ⊗ C = η ⊕ iη est isomorphe à η ⊕ η, mais son orientation (comme fibré complexe) ne coı̈ncide avec la somme des orientations que si m est pair. En effet, si (e1 , . . . , e2m ) est une base directe de η, (e1 , ie1 , . . . , e2m , ie2m ) est une base directe de η ⊗ C, elle diffère de (e1 , . . . , e2m , ie1 , . . . , ie2m ) par une permutation de signature (−1)m . Il vient pm (η) 6.5.10 = (−1)m c2m (η ⊗ C) = (−1)m e(η ⊗ C) = e(η ⊕ η) = e(η)2 . Nombres caractéristiques Soit M une variété compacte de dimension n. Soient r1 , . . . , rn des entiers positifs tels que r1 + 2r2 + · · · + nrn = n. Alors la classe caractéristique w1r1 ∪ · · · ∪ wnrn vit en degré n. Elle peut donc être évaluée sur la classe fondamentale (fundamental class) en homologie à coefficients Z/2Z µM de M . Les nombres hw1 (T M )r1 ∪ · · · ∪ wn (T M )rn , µM i ∈ Z/2Z s’appellent les nombres de Stiefel-Whitney de M . Si de plus M est orientable, la classe d’Euler du fibré tangent T M est bien définie, elle vit en degré n. Elle peut donc être évaluée sur la classe fondamentale en homologie à coefficients entiers, encore notée µM . Le nombre d’Euler (Euler number) de M est he(T M ), µM i ∈ Z. Si de plus n est divisible par 4, et si 4r1 +8r2 +· · ·+nrn/4 = n, en utilisant la classe fondamentale en homologie à coefficients entiers, on obtient des nombres de Pontrjagin (Pontrjagin numbers) hp1 (T M )r1 ∪ · · · ∪ pn/4 (T M )rn/4 , µM i ∈ Z. Enfin, si M est une variété complexe de dimension complexe m, et si 2r1 +4r2 +· · ·+2mrm = 2m, en utilisant la classe fondamentale en homologie à coefficients entiers, on obtient des nombres de Chern (Chern numbers) hc1 (T M )r1 ∪ · · · ∪ cm (T M )rm , µM i ∈ Z. Remarque 6.5.20 Si on représente les classes de cohomologie par des formes différentielles (comme on le fera au chapitre suivant), évaluer une n-forme sur la classe fondamentale d’une variété compacte orientable consiste simplement à intégrer cette n-forme. CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 6.6 6.6.1 124 Quelques applications des classes caractéristiques Parallélisabilité Théorème 26 (E. Stiefel, 1936). Si l’espace projectif réel RP d est parallélisable, nécessairement d + 1 est une puissance de 2. Preuve. En effet, si d + 1 n’est pas une puissance de 2, l’un au moins des coefficients binômiaux d+1 pour i = 1, . . . , d est impair, donc w(T RP d ) 6= 1 et T RP d n’est pas trivial. i 6.6.2 Algèbres à division En fait, on sait montrer depuis les années 60 que seuls RP 1 , RP 3 et RP 7 sont parallélisables. La trivialité du fibré tangent à ces trois espace projectifs résulte de l’existence de structures d’algèbres à division sur R2 , R4 et R8 : il s’agit des nombres complexes, des quaternions et des octaves de Cayley. Corollaire 6.6.1 S’il existe une multiplication Rd × Rd → Rd sans diviseurs de 0, alors d est une puissance de 2. Preuve. Une telle multiplication fournit une parallélisation de RP d−1 comme suit. On fixe une base (e1 , . . . , ed ) de Rd . Notons Mi la multiplication par ei . Étant donné une droite ` de Rd , notons p` la projection orthogonale sur l’hyperplan orthogonal à `. Pour i = 2, . . . , d, les applications vi (`) : ` → `⊥ , x 7→ p` ◦ Mi ◦ (M1 )−1 (x), constituent une base de Hom(`, `⊥ ). On obtient ainsi d − 1 champs de vecteurs linéairement indépendants sur RP d−1 . 6.6.3 Immersions Toute variété de dimension d > 1 admet une immersion dans R2d−1 . Lorsque d est une puissance de 2, cette borne est la meilleure possible. Corollaire 6.6.2 Soit d = 2r . Si RP d admet une immersion dans Rn , alors n ≥ 2d − 1. Preuve. Soit τ le fibré tangent, ν le fibré normal d’une immersion de RP d dans Rd+k . Alors τ ⊕ ν est trivial, donc w(τ ) ∪ w(ν) = 1. Or w(τ ) = (1 + a)d+1 = 1 + a + ad car les autres coefficients binômiaux sont pairs. Son inverse est w(ν) = 1 + a + a2 + · · · + ad−1 . Par la propriété de degré, le rang de ν est au moins égal à d − 1. 6.6.4 Cobordisme Théorème 27 L. Pontrjagin (1947). Soit M une variété compacte sans bord (resp. orientable). S’il existe une variété compacte W (resp. orientable) telle que ∂W = M , alors tous les nombres de Stiefel-Whitney (resp. de Pontrjagin) de M sont nuls. Preuve. On donne la preuve dans le cas des nombres de Pontrjagin, en utilisant la cohomologie de de Rham. Le fibré normal à M est trivial, donc le long de M , T W|M = T M ⊕ R. Par naturalité, p(T W )|M = p(T M ⊕ R) = p(T M ). Soit α une forme fermée sur W représentant un produit CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 125 p1 (T W )r1 ∪· · ·∪pn/4 (T W )rn/4 . Alors la restriction de α à M représente p1 (T M )r1 ∪· · ·∪pn/4 (T M )rn/4 . Or la formule de Stokes donne Z α hp1 (T M )r1 ∪ · · · ∪ pn/4 (T M )rn/4 , µM i = ZM = dα = 0. W 2 Exemple 6.6.3 Le plan projectif complexe CP ne borde pas. En effet, d’après l’exemple 6.5.14, p1 (CP 2 ) = (1 + h2 )3 = 1 + 3h2 . h2 est la classe fondamentale en cohomologie. En effet, c’est le dual de Poincaré de l’intersection de deux droites projectives, qui comporte exactement un point. Par conséquent le nombre de Pontrjagin correspondant vaut 3. Cela prouve que CP 2 ne borde pas de variété orientable. Pour prouver que CP 2 ne borde pas non plus de variété non orientable, on utilise le nombre de Stiefel-Whitney associé à w4 . D’après la proposition 6.5.19, w4 (CP 2 ) est la réduction modulo 2 de c2 (T 1,0 CP 2 ) = 3h2 (exemple 6.5.9), donc le nombre de Stiefel-Whitney associé vaut 1 ∈ Z/2Z. Exemple 6.6.4 En revanche, les espaces projectifs complexes de dimension impaire bordent. En effet, la fibration de Hopf qui associe à une droite complexe de C2d = Hd la droite quaternionienne qui la contient réalise CP 2d−1 comme un fibré sur HP d−1 de fibre CP 1 . Comme CP 1 = S 2 borde une boule de dimension 3, CP 2d−1 borde un fibré en boules sur HP d−1 . Définition 6.6.5 Soient M , M 0 deux variétés compactes sans bord orientées. On dit que M et M 0 sont dans la même classe de cobordisme orienté s’il existe une variété compacte orientée W telle que ∂W = M ∪ −M 0 . On munit l’ensemble des classes de cobordisme orienté de variétés compactes sans bord orientées de deux opérations : la réunion disjointe et le produit cartésien. On obtient ainsi l’ anneau de cobordisme orienté (oriented cobordism ring) Ω∗ . C’est un anneau gradué 0 commutatif (au sens des anneaux gradués, i.e. M 0 M = (−1)degM degM M M 0 ). Théorème 28 R. Thom (1954). L’anneau Ω∗ ⊗ Q est une algèbre de polynômes engendrée par les espaces projectifs complexes de dimension paire. Exemple 6.6.6 Le théorème affirme que Ω4 ⊗ Q = Q engendré par CP 2 , Ω8 ⊗ Q = Q2 engendré par CP 4 et CP 2 × CP 2 , etc... et que les Ωn pour n non multiple de 4 sont finis. En fait, Ω0 = Z, Ω4 = Z, Ω5 = Z/2Z, Ω8 = Z ⊕ Z, les autres Ωn avec n ≤ 8 sont nuls. La preuve du théorème 28 consiste, d’une part, à réaliser toute variété compacte sans bord orientée M comme l’image réciproque de la section nulle par une application de la sphère S n+k dans l’espace E(γ k (R∞ )) compactifié (utiliser l’application classifiante du fibré normal d’un plongement de M dans S n+k ). La classe de cobordisme de cette image réciproque ne dépend que de la classe d’homotopie de l’application. Or on sait calculer les groupes d’homotopie en jeu. D’autre part, à montrer que les espaces projectifs complexes de dimension paire sont algébriquement indépendants. Pour cela, on utilise les nombres de Pontrjagin : en chaque dimension n multiple de 4, il y en a autant que de monômes de degré n en les CP 2d . Cela donne le corollaire suivant. Corollaire 6.6.7 Soit M une variété compacte orientée sans bord. Alors la réunion d’un nombre fini de copies de M borde une variété compacte orientable si et seulement si tous les nombres de Pontrjagin de M sont nuls. 6.6.5 Lien avec la caractéristique d’Euler-Poincaré Définition 6.6.8 Soit B un espace compact raisonnable (variété, complexe simplicial, CW-complexe fini...). La caractéristique d’Euler-Poincaré (Euler characteristic) de B est la somme alternée des dimensions des espaces d’homologie réelle, X χ(B) = (−1)i dimHi (B, R). i CHAPITRE 6. FIBRÉS VECTORIELS 126 Remarque 6.6.9 Si B est un complexe simplicial, χ(B) est égal à la somme alternée des nombres de simplexes en chaque dimension. Théorème 29 H. Hopf. Soit M une variété compacte sans bord. Soit V un champ de vecteurs sur M . On suppose V transverse à la section nulle, de sorte qu’en chacun des zéros de V , la différentielle ∇V est inversible. Il y a donc un signe, le signe de det∇V , associé à chaque zéro (ce signe ne dépend pas d’un choix d’orientation locale de M ). Le nombre de zéros de V , comptés avec signe, est égal à la caractéristique d’Euler-Poincaré de M . En particulier, si M est orientable, le nombre d’Euler de M est égal à la caractéristique d’Euler-Poincaré de M . Preuve. 6.6.6 Elle sera donnée au chapitre suivant. Lien avec la signature Définition 6.6.10 Soit M une variété compacte sans bord orientée de dimension n multiple de 4. Le cup-produit définit une application bilinéaire symétrique sur H n/2 (M, R) à valeurs dans H n (M, R). En l’évaluant sur la classe fondamentale, on obtient une forme quadratique. La signature σ = nombre de + moins nombre de − de cette forme quadratique s’appelle la signature (signature) de M . Exemple 6.6.11 La signature de l’espace projectif complexe CP 2d vaut 1. En effet, H 2d (CP 2d , R) est de dimension 1, engendré par hd , et hhd ∪ hd , µi = 1. Théorème 30 R. Thom, F. Hirzebruch (1954). Soit M une variété compacte sans bord orientée de dimension n multiple de 4. La signature de M s’exprime en fonction des classes de Pontrjagin 1 (7p2 − p21 ), etc... En général, les polynômes de M : σ(M ) = Ln/4 (p1 , . . . pn/4 ) où L1 = 13 p1 , L2 = 45 Lk sont déterminés par l’équation √ √ t1 tk √ ··· √ = 1 + L1 (σ1 ) + L2 (σ1 , σ2 ) + · · · tanh( t1 ) tanh( tk ) où les σi sont les fonctions symétriques élémentaires en les ti . Preuve. La signature est additive par réunion disjointe, multiplicative par produit cartésien, et nulle pour les variétés qui bordent une variété orientée. Par conséquent, elle induit un homomorphisme d’algèbres Ω∗ ⊗Q → Q. D’après le théorème 28, il suffit de vérifier que pour chaque espace projectif complexe de dimension paire CP 2d , le nombre de Pontrjagin associé à la classe Ld vaut 1, signature de CP 2d . Connaissant les classes de Pontrjagin de CP 2d , cette vérification est combinatoire. Il existe des preuves plus directes et moins magiques. Les théorèmes 29 et 30 sont des cas particuliers du théorème de l’indice de M. Atiyah et I. Singer, dont on peut donner une preuve ne reposant pas sur le théorème 28, voir N. Berline, E. Getzler, M. Vergne, Heat kernels and Dirac operators, Springer-Verlag, Berlin, (1992). Chapitre 7 Connexions, théorie de Chern-Weil 7.1 7.1.1 Connexions sur un fibré vectoriel Définition Définition 7.1.1 Soit ξ un fibré vectoriel lisse, réel ou complexe, sur une variété lisse M . Une connexion (connection) ∇ sur ξ est un opérateur ∇ qui prend une section lisse s de ξ, et lui associe un champ d’homomorphismes ∇s du fibré tangent dans ξ (si w est un vecteur tangent en x, on note ∇s(x, w) = (∇w s)(x)), et tel que, pour toute fonction f , ∇w f s = f ∇w s + df (w)s. Exemple 7.1.2 Sur le fibré trivial M × Rn , on dispose de la connexion triviale ∇0 . Si s est une section lisse vue comme application M → Rn , ∇0 s = ds. Plus généralement, si (s1 , . . . , sn ) est un champ de repères local lisse d’un fibré ξ, la connexion naı̈ve ∇0 du champ de repères est définie par n n X X ∇0 ( ui si ) = dui si . i=1 i=1 Remarque 7.1.3 On appelle parfois connexion affine (affine connection) une connexion sur le fibré tangent d’une variété. 7.1.2 Matrice de la connexion Définition 7.1.4 Soit ∇ une connexion sur ξ. Soit (s1 , . . . , sn ) un champ de repères local lisse de ξ. ∇w s = ∇0w s + Γ(w, s), u1 où Γ ∈ T ∗ M ⊗ End(ξ), ce qui s’écrit matriciellement comme suit. Notons U = ... les compoun santes de la section s dans ce repère. Alors les composantes de ∇s sont données par ∇U = dU + ΓU où Γ est une matrice de 1-formes, c’est la matrice de la connexion dans le champ de repères (s1 , . . . , sn ). 127 CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 128 Remarque 7.1.5 On change de champ de repères. On note g la matrice de passage (contenant les composantes des vecteurs s0j du nouveau repère dans l’ancien). La matrice de la connexion dans le nouveau repère est Γ0 = g −1 dg + g −1 Γg. Voir exercice 40 du chapitre 3. 7.1.3 Connexion induite Définition 7.1.6 Soit ξ un fibré lisse sur M muni d’une connexion ∇ et f : M 0 → M une application lisse. Le fibré induit f ∗ ξ hérite d’une connexion induite (induced connection) f ∗ ∇ définie comme suit. Soit (s1 , . . . , sn ) un champ de repères local de ξ, dans laquelle ∇ a une matrice Γ. Alors s01 = s1 ◦ f, . . . , s0n = sn ◦ f est un champ de repères local de f ∗ ξ dans lequel la matrice de f ∗ ∇ s’écrit f ∗ Γ. La définition est compatible avec un changement de repère de ξ (car d(g ◦f ) = f ∗ dg). Par construction, si s est une section de ξ et s0 = s ◦ f la section de f ∗ induite, alors pour tout vecteur tangent w ∈ T M 0, (f ∗ ∇)w s0 = ∇df (w) s. (7.1) Exemple 7.1.7 Soit ∇ une connexion sur le fibré tangent de M et c : R → M une courbe paramétrée. Pour dériver des champs de vecteurs le long de c, il faut utiliser la connexion induite sur le fibré c∗ T M sur R. La formule 7.1 justifie l’abus de notation fréquent ∇c0 (t) V pour (c∗ ∇) d V . dt 7.1.4 Transport parallèle Définition 7.1.8 Soit ∇ une connexion sur un fibré ξ sur M . Soit c une courbe paramétrée dans M . Étant donné une section e ∈ ξγ(0) , on appelle transport parallèle de e le long de c (parallel translation along c) la section s du fibré induit c∗ ξ solution de l’équation différentielle (c∗ ∇)s = 0, (7.2) telle que s(0) = e. Dans un champ de repères local induit d’un champ de repères local de ξ, il s’agit d’une équation différentielle linéaire du premier ordre U 0 = −f ∗ ΓU . Il y a donc une unique solution t 7→ U (t). Lorsque la courbe c est un lacet d’origine b, le transport parallèle définit un endomorphisme de la fibre ξb , appelé holonomie (holonomy) de c. 7.1.5 Construction de connexions Une connexion sur des fibrés vectoriels ξ et ξ 0 détermine une connexion sur ξ ⊕ ξ 0 (de sorte que 0 ∇ (s+s0 ) = ∇s+∇0 s0 ), une connexion sur ξ⊗ξ 0 (de sorte que ∇ξ⊗ξ (s⊗s0 ) = (∇s)⊗s0 +s⊗∇0 s0 ), ∗ sur le fibré dual ξ ∗ (de sorte que dhs, s∗ i = h∇s, s∗ i + hs, ∇∗ s∗ i, sur Λ∗ ξ (de sorte que ∇Λ (s ∧ s0 ) = ∗ ∗ ∇Λ s ∧ s0 + s ∧ ∇Λ s0 ), etc... Les objets qui annulent ces connexions sont dits parallèles. ξ⊕ξ 0 Exemple 7.1.9 Si g est une structure euclidienne sur les fibres de ξ, (∇g)(s, s0 ) = d g(s, s0 ) − g(∇s, s0 ) − g(s, ∇s0 ). Si ∇g = 0, on dit que la structure euclidienne g est parallèle. Exemple 7.1.10 Un fibré vectoriel complexe de rang n muni d’une connexion, c’est la même chose qu’un fibré vectoriel réel de rang n muni d’une connexion et d’une structure complexe parallèle. Exercice 93 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ. On fixe un champ de repères local de ξ, dans lequel la matrice de ∇ est Γ. Montrer que la matrice de la connexion sur le fibré End(ξ) dans le champ de repères induit est adΓ : End(ξ) → End(ξ), F 7→ ΓF − F Γ. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.1.6 129 Connexions et sous-fibrés Définition 7.1.11 Soit ξ un fibré vectoriel muni d’une connexion. Soit η ⊂ ξ un sous-fibré vectoriel. On dit que η est parallèle si ∇η ⊂ η, i.e. si pour toute section s de η et tout vecteur tangent w, ∇w s ∈ η. Si η n’est pas parallèle, on a besoin, pour définir une connexion induite, de choisir un sous-fibré supplémentaire η 0 , de sorte que ξ = η ⊕ η 0 . Par exemple, supposons ξ muni d’une structure euclidienne parallèle. Si p ∈ Hom(ξ, η) désigne le projecteur orthogonal sur η, on définit la connexion projetée sur η par ∇η s = p(∇s). La structure euclidienne restreinte à η reste parallèle. L’orthogonal η ⊥ hérite aussi d’une connexion projetée. Pour la connexion somme directe des connexions projetées, les sous-fibrés η et η ⊥ sont parallèles. Cette connexion ne coı̈ncide donc pas avec ∇, en général. Exemple 7.1.12 La connexion de Levi-Civita sur une sous-variété N ⊂ M d’une variété riemannienne est obtenue ainsi, par projection orthogonale de la connexion de Levi-Civita de M . Exemple 7.1.13 On fixe une structure euclidienne sur Rn+k . Le fibré tautologique γ n (Rn+k ) sur Gn (Rn+k ) possède une connexion projetée du fibré trivial Rn+k . Soit X le sous-espace Rn ⊂ Rn+k , muni de la base canonique (e1 , . . . , en ). On utilise comme carte locale de la grassmannienne au voisinage de X l’application qui à une application linéaire L : X → X ⊥ de matrice L associe son graphe. Dans le champ de repères local (e1 + L(e1 ), . . . , en + L(en )), la matrice de la connexion projetée s’écrit Γ = (1 + L> L)−1/2 L> dL. Preuve. Notons G : X → Rn+k le graphe de L. Sa matrice (à n + k lignes et n colonnes) est 1 G= L Le champ de repères local du fibré tautologique est G 7→ (G(e1 ), . . . , G(en )). La connexion ∇0 sur le fibré trivial Rn+k est simplement la dérivation, donc ∇0 G(ei ) = dG(ei ). Si pG est la projection orthogonale sur l’image de G, la connexion projetée est ∇ei = pG (∇0 ei ) = pG dG(ei ). La matrice du projecteur orthogonal pG est G(G> G)−1 G> . La k-ème composante dans la base G(ei )i=1,...,n d’un vecteur de imG s’obtient en le projetant sur X et en gardant la k-ème composante. Par conséquent, la i-ème colonne de la matrice de la connexion ∇ est p0 G(G> G)−1 G> dG(ei ). Autrement dit Γ = p0 G(G> G)−1 G> dG = (G> G)−1 G> dG = (1 + L> L)−1 L> dL. Exercice 94 On fixe une structure hermitienne sur Cn+k . Le fibré tautologique γ n (Cn+k ) sur CP n possède une connexion projetée du fibré trivial Cn+1 . Soit X le sous-espace de Cn ⊂ Cn+k , muni de la base canonique (e1 , . . . , en ). Écrire la matrice de cette connexion dans le champ de repères local (e1 (X 0 ), . . . , en (X 0 )) défini au voisinage de X, tel que la projection orthogonale de ei (X 0 ) soit ei . CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.1.7 130 Connexions équivalentes Définition 7.1.14 Soient ξ et ξ 0 deux fibrés vectoriels sur M . Soit i un isomorphisme de ξ 0 sur ξ, i.e. une section de Hom(ξ, ξ 0 ) qui est partout inversible. Soit ∇ une connexion sur ξ. La connexion image réciproque de ∇ par i est définie, pour toute section s0 de ξ 0 , par i−1 (∇)s0 = i−1 ∇(i(s0 )). Dans le cas particulier où i est un automorphisme de ξ, la matrice Γ0 de i−1 (∇) dans un champ de repères local se déduit de celle Γ de ∇ et de celle A de i par Γ0 = A−1 dA + A−1 ΓA. En effet, soit S la colonne des composantes d’une section s. Alors i(∇)s a pour composantes A−1 (d + Γ)(AS) = dS + (A−1 dA + A−1 ΓA)S. Le groupe Aut(ξ) agit donc sur les connexions sur ξ. Définition 7.1.15 On dit que deux connexions sont équivalentes (gauge equivalent) si l’une est l’image réciproque de l’autre par un automorphisme. Deux connexions équivalentes donnent, pour les lacets basés en un point b, des holonomies conjuguées. 7.1.8 Fibré plat associé à une représentation du groupe fondamental Une connexion sur un fibré vectoriel ξ est localement triviale si, au voisinage de chaque point, elle est équivalente à la connexion triviale. On va décrire comment construire toute connexion localement triviale. Définition 7.1.16 Soit M une variété, soit ρ : π1 (M ) → Gl(n, R) une représentation linéaire du groupe fondamental de M . On construit un fibré ξρ de rang n sur M , appelé fibré plat associé à ρ, comme suit. L’espace total E(ξρ ) est le quotient de M̃ × Rn par l’action produit de ρ et de l’action du groupe fondamental sur le revêtement universel M̃ . La projection π̃ : M̃ × Rn → M̃ passe au quotient en π : E(ξρ ) → M , qui fait de E(ξρ ) un fibré vectoriel. La connexion triviale sur M̃ × Rn passe au quotient en une connexion localement triviale sur ξ. Si l’image de ρ est contenue dans le groupe orthogonal, le fibré ξ hérite d’une structure euclidienne parallèle. Exemple 7.1.17 Soit M = RP 1 . Son groupe est Z. Le revêtement universel est fondamental cos(πt) 1 R → RP , t 7→ la droite de vecteur directeur dans R2 . Pour t > 0, soit ρt : Z → R∗ = sin(πt) Gl(1, R) la représentation telle que ρ(1) = −t. Alors le fibré plat ξρt associé est isomorphe au fibré tautologique. Lorsque t varie, on obtient des connexions non équivalentes. En effet, l’holonomie du lacet RP 1 lui-même est ρt (1). Remarque 7.1.18 La connexion localement triviale associée à la représentation ρ1 est équivalente à la connexion sur le fibré tautologique γ11 sur RP 1 introduite en 7.1.13. Remarque 7.1.19 Plus généralement, dans un fibré plat ξρ muni de la connexion localement triviale, l’holonomie le long d’un lacet ne dépend que de la classe d’homotopie du lacet, et permet de reconstruire la représentation ρ. Deux représentations donnent donc des connexions équivalentes si et seulement si elles sont conjuguées dans le groupe linéaire. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 131 Proposition 7.1.20 Soit ∇ une connexion localement triviale sur un fibré ξ sur une variété M . Alors ∇ est équivalente à la connexion naturelle sur le fibré plat associé à une représentation ρ : π1 (M ) → Gl(n, R). Preuve. Tant qu’on reste dans un ouvert sur lequel la connexion est isomorphe à une connexion triviale, le transport parallèle ne dépend pas du chemin choisi. Par conséquent, l’holonomie le long de deux lacets suffisamment proches est la même. L’holonomie en b ∈ M passe donc au quotient en une représentation ρ : π1 (M, b) → Gl(ξb ) = Gl(n, R). Soit ξ˜ = p∗ ξ le fibré induit par le revêtement universel p : M̃ → M , muni de la connexion ˜ Alors ∇ ˜ est localement triviale. Comme M̃ est simplement connexe, l’holonomie de ∇ ˜ induite ∇. est triviale, donc le transport parallèle entre deux points ne dépend pas du chemin suivi. Cela permet de construire un champ de repères de sections parallèles globales (des sections parallèles ˜ est triviale : il existe un isomorphisme indépendantes en un point le sont partout). Autrement dit, ∇ n ˜ ˜ h : E(ξ) → M̃ × R envoyant ∇ sur la connexion triviale. Soit g ∈ π1 (M, b) une transformation de revêtement. Alors g se prolonge en un difféomorphisme ˜ qui envoie linéairement fibre sur fibre. En effet, les fibres de ξ˜ en Q̃ et φ(g) de l’espace total E(ξ) ˜ g(Q̃) ∈ M̃ coı̈ncident par définition avec ξp(Q̃) . L’espace total E(ξ) s’obtient en quotientant E(ξ) ˜ par cette action φ : π1 (M, b) → Dif f (E(ξ)). −1 Le difféomorphisme h ◦ φ(g) ◦ h : M̃ × Rn → M̃ × Rn est de la forme h ◦ φ(g) ◦ h−1 (Q̃, v) = (g(Q̃), fg (Q̃)(v)) où fg (Q̃) ∈ Gl(n, R). Si on fixe une fois pour toutes un point b̃ ∈ p−1 (b)M̃ , alors ρ : π1 (M, b) → Gl(n, R), g 7→ fg (b) est un homéomorphisme de groupes. On a donc montré que E(ξ) s’obtient en quotientant M̃ × Rn par l’action diagonale de π1 (M, b). Par construction, cette opération préserve les sections parallèles, donc ∇ est isomorphe à la connexion naturelle sur le fibré quotient. 7.2 7.2.1 Courbure Différentielle des formes à valeurs vectorielles Une connexion sur une fibré lisse ξ permet d’étendre la différentielle extérieure d des formes différentielles aux formes différentielles à valeurs dans ξ. Définition 7.2.1 Soit ξ un fibré lisse sur une variété M . Une k-forme à valeurs dans ξ est une section de Λk T ∗ M ⊗ ξ. Dans un champ de repères local (si ) de ξ, une k-forme à valeurs dans ξ s’écrit comme une colonne U de k-formes différentielles. Un changement de repère de matrice de passage g change la colonne U en U 0 = g −1 U . Exemple 7.2.2 Soit ∇ une connexion sur ξ et s une section de ξ. Alors ∇s est une 1-forme différentielle à valeurs dans ξ. Exemple 7.2.3 Soient ∇ et ∇0 deux connexions sur un même fibré ξ. Alors la différence ∇0 − ∇ est une 1-forme différentielle à valeurs dans End(ξ). Définition 7.2.4 Soit ω une k-forme à valeurs dans ξ. Sa différentielle d∇ ω est la k + 1-forme à valeurs dans ξ dont les composantes dans un champ de repères local sont données par d∇ U = dU + ΓU où, lorsqu’on multiplie deux matrices dont les coefficients sont des formes différentielles, on utilise le produit extérieur. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 132 Un changement de repère de matrice de passage g change U en U 0 = g −1 U et Γ en Γ0 = g −1 dg + g −1 Γg donc d∇ U en dU 0 + Γ0 U 0 = d(g −1 U ) + (g −1 dg + g −1 Γg)g −1 U = −g −1 dg g −1 U + g −1 dU + g −1 dg g −1 U + g −1 ΓU = g −1 (dU + ΓU ) comme il sied à une k + 1-forme à valeurs dans ξ. Lemme 7.2.5 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ sur M . Soit α une 1-forme à valeurs dans ξ. Soient V et W des champs de vecteurs sur M . Alors (d∇ α)(V, W ) = ∇V (α(W )) − ∇W (α(V )) − α([V, W ]). Preuve. Soit U la colonne des composantes de α dans un champ de repères local. Alors (d∇ α)(V, W ) = (dU + ΓU )(V, W ) = d(U (W ))(V ) − d(U (V ))(W ) − U ([V, W ]) +Γ(V )U (W ) − Γ(W )U (V ). D’autre part ∇V (α(W )) = d(U (W ))(V ) + Γ(V )U (W ) donc (d∇ α)(V, W ) = ∇V (α(W )) − ∇W (α(V )) − α([V, W ]). Exercice 95 Soit ∇ une connexion sur le fibré tangent T M . Interprétons l’identité Id ∈ Hom(T M, T M ) = T ∗ M ⊗ T M comme une 1-forme à valeurs dans T M . Montrer que la 2-forme à valeurs dans T M d∇ Id coı̈ncide avec la torsion de ∇. Exemple 7.2.6 Plus généralement, soit f : M → N une application lisse. On suppose le fibré tangent T N muni d’une connexion ∇N , et on équipe le fibré induit f ∗ T N de la connexion induite ∇. La différentielle df de f s’interprète comme une 1-forme à valeurs dans f ∗ T N . Elle satisfait N d∇ df = f ∗ T ∇ . En effet, df = f ∗ Id. Comme la connexion est induite par f , N d∇ f ∗ Id = f ∗ d∇ Id = f ∗ T ∇ . Exercice 96 Soit ξ un fibré vectoriel muni d’une connexion ∇ et d’un champ de repères local dans lequel la matrice de ∇est Γ. Soit φ une k-forme à valeurs dans End(ξ), représentée par une matrice F de k-formes. Vérifier que d∇ φ est représentée par dF + ΓF − (−1)k F Γ. Exercice 97 Soit ξ un fibré vectoriel muni d’une connexion ∇. Soit σ une `-forme à valeurs dans ξ et φ une k-forme à valeurs dans End(ξ). On peut multiplier φ avec σ pour obtenir une k+`-forme à valeurs dans ξ. Vérifier que d∇ (φσ) = (d∇ φ)σ + (−1)k φ(d∇ σ). CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.2.2 133 Courbure Contrairement à la différentielle extérieure des formes ordinaires, on n’a pas d∇ ◦ d∇ = 0 en général. Le terme d’erreur est la courbure. Définition 7.2.7 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ. L’opérateur différentiel R∇ = d∇ ◦ d∇ est d’ordre 0. C’est donc une 2-forme à valeurs dans End(ξ). On l’appelle la courbure de la connexion ∇. Dans un champ de repères, soit s une section dont les composantes constituent une colonne S. Alors d∇ ◦ d∇ s = (d + Γ)(dS + ΓS) = ΓdS + d(ΓS) + ΓΓS = ΓdS + (dΓ)S − ΓdS + ΓΓS = (dΓ + ΓΓ)S où le signe moins provient de la règle d(α ∧ β) = (dα) ∧ β − α ∧ (dβ) si α est une 1-forme. Il vient R∇ = dΓ + ΓΓ. Si on change de repère, la courbure, comme matrice de 2-formes, change comme suit dΓ0 + Γ0 Γ0 = g −1 (dΓ + ΓΓ)g où g est la matrice de passage. Exercice 98 Vérifier que le tenseur de courbure riemannien, vu comme 2-forme à valeurs dans End(T M ), est bien la courbure de la connexion de Levi-Civita au sens de la définition 7.2.7. Exemple 7.2.8 La courbure de la connexion triviale est nulle. Par conséquent, la courbure d’une connexion localement triviale (voir en 7.1.16) est identiquement nulle. Exemple 7.2.9 La courbure de la connexion projetée sur le fibré tautologique sur la grassmannienne Gn (Rn+k ) vaut R∇ = −(1 + L> L)−1 dL> L(1 + L> L)−1 L> dL + (1 + L> L)−1 dL> dL. Autrement dit, en un point X de la grassmannienne représentant un sous-espace de dimension n de Rn+k , étant donné deux vecteurs V, W ∈ TX Gn (Rn+k ) = Hom(X, X ⊥ ), R∇ (V, W ) = V > W − W > V ∈ End(X). En effet, avec les notations de l’exemple 7.1.13, la matrice de la connexion s’écrit Γ = (1 + L> L)−1 L> dL, d’où R∇ = dΓ + ΓΓ = −(1 + L> L)−1 (dL> L + L> dL)(1 + L> L)−1 L> dL + (1 + L> L)−1 dL> dL +(1 + L> L)−1 L> dL(1 + L> L)−1 L> dL = −(1 + L> L)−1 dL> L(1 + L> L)−1 L> dL + (1 + L> L)−1 dL> dL. Par conséquent, au point X, R∇ = dL> dL, ce qui se traduit par R∇ (V, W ) = V > W − W > V ∈ End(X). CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 134 Exercice 99 Vérifier que, dans une carte affine z 7→ [1 : z], la courbure de la connexion projetée sur le fibré tautologique sur l’espace projectif complexe CP 1 vaut (1 + z z̄)−2 dz̄ ∧ dz. Remarque 7.2.10 Dès que n > 1, la courbure de la connexion projetée sur le fibré tautologique sur la grassmannienne Gn (Rn+k ) est non nulle. Par conséquent, cette connexion n’est pas localement triviale. Exemple 7.2.11 Soit f : M 0 → M une application lisse. Soit ξ un fibré vectoriel lisse sur M , muni d’une connexion ∇. Alors la courbure de la connexion induite f ∗ ∇ sur f ∗ ξ est f ∗ R∇ . ∇ R 0 0 0 0 Exemple 7.2.12 La courbure de la connection somme directe ∇ ⊕ ∇ sur ξ ⊕ ξ est . 0 R∇ Remarque 7.2.13 Soit a un automorphisme du fibré ξ. La courbure de la connexion image a(∇) est ada (R∇ ). Cela s’écrit, dans un champ de repères local, Ra(∇) = A−1 R∇ A Exercice 100 Soient ξ et ξ 0 deux fibrés vectoriels sur M , munis de connexions ∇ et ∇0 . Vérifier que la courbure de la connexion produit tensoriel est 0 0 R∇⊗∇ = R∇ ⊗ 1 + 1 ⊗ R∇ . 7.2.3 Identités de Bianchi Proposition 7.2.14 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ. Alors d∇ R∇ = 0. (7.3) Soit ∇ une connexion sur le fibré tangent T M . Notons T ∇ sa torsion. Soit A3 R : (v, w, z) 7→ Rv,w z + Rw,z v + Rz,v w le tenseur de courbure antisymétrisé. Alors A3 R = R∇ Id = d∇ T ∇ . Preuve. (7.4) Soit s une section de ξ. D’après l’exercice 97, d∇ (R∇ s) = (d∇ R∇ )s + R∇ (d∇ s). Or d∇ (R∇ s) = d∇ ◦ d∇ ◦ d∇ (s) = (d∇ ◦ d∇ )(d∇ s) = R∇ (d∇ s) donc (d∇ R∇ )s = 0. L’identité A3 R = R∇ Id résulte de la définition du produit extérieur des 2-formes avec les 1-formes, et R∇ Id = d∇ T ∇ de l’exercice 95. Exercice 101 Vérifier que l’ identité de Bianchi différentielle d∇ R∇ = 0, pour la courbure d’une variété riemannienne, se traduit par (∇v R)w,z + (∇w R)z,v + (∇z R)v,w = 0 pour tous vecteurs tangents v, w et z. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.2.4 135 Cas des fibrés de rang 1 Si ξ est un fibré (réel ou complexe) de rang 1, alors End(ξ) est trivial, ainsi que sa connexion. Par conséquent – les automorphismes du fibré ξ s’identifient aux applications M → R∗ (resp C∗ ) et agissent trivialement sur la courbure ; – la différence de deux connexions est une 1-forme différentielle ordinaire (à valeurs réelles ou complexes) ; – la courbure R∇ est une 2-forme différentielle ordinaire ; – d’après l’identité de Bianchi (formule 7.3), R∇ est fermée. Proposition 7.2.15 Soit ∇ une connexion sur un fibré ξ de rang 1 sur une variété M . Soit u : D̄ → M une application du disque unité fermé vers M . Alors l’holonomie Rde ∇ sur le lacet u(∂D) ne dépend pas du point b choisi dessus, c’est la multiplication par exp(− u(D) R∇ ) dans la fibre ξb . Preuve. On peut remplacer M par D̄, ξ et ∇ par le fibré u∗ ξ et la connexion induite u∗ ∇. Comme D̄ est contractile, u∗ ξ est trivial. Dans un champ de repères, la matrice Γ de la connexion satisfait R∇ = dΓ + ΓΓ = dΓ + Γ ∧ Γ = dΓ, car le produit extérieur d’une 1-forme avec elle-même est nul. L’équation du transport parallèle le long du bord est d ds + Γ( )s = 0, dt dt elle admet pour solution t Z s(t) = s(0) exp(− Γ( Z0 = s(0) exp(− d ) dt) dt Γ) [0,t] donc l’holonomie le long du bord est la multiplication par Z Z exp(− Γ) = exp(− R∇ ). ∂D D Proposition 7.2.16 Soit ∇ une connexion sur un fibré ξ de rang 1. La courbure R∇ est identiquement nulle si et seulement si ∇ est localement triviale. Preuve. satisfait Supposons que R∇ = 0. Dans un champ de repères local, la matrice Γ de la connexion 0 = R∇ = dΓ. Localement, il existe une fonction b telle que db = Γ. Alors a = exp(−b) définit un automorphisme (local) du fibré ξ, et la connexion a(∇) a pour matrice (voir en 7.1.14) Γ0 = a−1 da + a−1 Γa = −db + Γ = 0. Autrement dit, a(∇) est triviale, donc ∇ est localement triviale. Proposition 7.2.17 Soit ∇ une connexion sur un fibré ξ de rang 1. La classe de cohomologie c(ξ, ∇) de la 2-forme fermée R∇ ne dépend pas du choix de connexion. C’est donc un invariant d’isomorphisme lisse c(ξ) du fibré ξ. Si f : M 0 → M est une application lisse, alors c(f ∗ ξ, f ∗ ∇) = f ∗ c(ξ, ∇) donc c est une classe caractéristique. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 136 Preuve. Soient ∇, ∇0 deux connexions sur le même fibré vectoriel ξ. Alors ∇0 − ∇ est une 1forme différentielle globalement définie. Dans un champ de repères local, elle s’écrit Γ0 − Γ. Par conséquent 0 d(∇0 − ∇) = d(Γ0 − Γ) = R∇ − R∇ . 0 Cela prouve que les 2-formes R∇ et R∇ définissent la même classe de cohomologie dans H 2 (M, R). La naturalité sous les applications lisses résulte de 7.2.11. Sachant que la classification des fibrés lisses est identique à celle des fibrés topologiques, la naturalité sous les applications lisses entraı̂ne la naturalité en général, donc c est une classe caractéristique. Dans le cas des fibrés vectoriels réels, la classe c est nulle. En effet, elle est nulle dans le cas du fibré tautologique γ11 sur RP 1 donc aussi pour le fibré universel γ 1 (R∞ ), donc pour tous les fibrés réels de rang 1. Dans le cas des fibrés vectoriels complexes, on verra plus loin que c = −2iπc1 . L’objet de la suite du chapitre est de généraliser les trois observations 7.2.15, 7.2.16 et 7.2.17 aux fibrés de dimension supérieure. 7.3 7.3.1 Théorie de Chern-Weil Polynômes invariants Définition 7.3.1 Un polynôme P sur l’espace vectoriel M (n, C) des matrices n × n à coefficients complexes est dit invariant si, pour tous g ∈ Gl(n, C) et h ∈ M (n, C), P (g −1 hg) = P (h). Lemme 7.3.2 Soient P1 , . . . , Pn les polynômes sur M (n, C) définis par l’identité det(λI − 1 h) = λn + P1 (h)λn−1 + · · · + Pn (h). 2iπ 1 1 n Par exemple, P1 (h) = − 2iπ trace(h) et Pn (h) = (− 2iπ ) det(h). Alors P1 , . . . , Pn sont algébriquement indépendants et engendrent l’algèbre des polynômes invariants sur M (n, C). Preuve. On remarque que les fonctions Pk sont des polynômes invariants sur M (n, C). Lorsqu’on les évalue sur une matrice diagonale, on trouve que 1 k ) σk 2iπ où σk est la k-ème fonction symétrique élémentaire évaluée sur λ1 , . . . , λn . Inversement, soit P un polynôme invariant sur M (n, C). Sa restriction au sous-espace vectoriel des matrices diagonales diag(λ1 , . . . , λn ) est un polynôme Q = Q(λ1 , . . . , λn ). A chaque permutation σ de 1, . . . , n correspond une matrice de permutation gσ = (δiσ(j) )i, j=1,...,n qui satisfait Pk (diag(λ1 , . . . , λn )) = (− gσ−1 diag(λ1 , . . . , λn )gσ = diag(λσ(1) , . . . , λσ(n) ). Par invariance, Q(λσ(1) , . . . , λσ(n) ) = Q(λ1 , . . . , λn ), donc le polynôme Q est symétrique. Il s’écrit donc de manière unique comme polynôme en les fonctions symétriques élémentaires Q = R(σ1 , . . . , σn ). Par conséquent, P coı̈ncide avec le polynôme invariant P̃ = R(−2iπP1 , . . . , (−2iπ)n Pn ) sur les matrices diagonales. Soit h ∈ M (n, C) une matrice diagonalisable. Alors il existe g ∈ Gl(n, C) tel que g −1 hg = δ soit diagonale. Par invariance, P (h) = P̃ (h). Comme les matrices diagonalisables sont denses, P = P̃ . On a montré que P s’écrit uniquement comme un polynôme en les Pi . CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 137 Remarque 7.3.3 Soit E un espace vectoriel complexe de dimension n. Tout polynôme invariant P sur M (n, C) détermine un polynôme sur End(E), indépendant d’un choix de base. En particulier, si ξ est un fibré vectoriel complexe de rang n, P définit une fonction à valeurs complexes sur l’espace total du fibré End(ξ). 7.3.2 Homomorphisme de Weil Proposition 7.3.4 Soit ξ un fibré vectoriel complexe de rang n sur M , muni d’une connexion ∇. Soit P un polynôme invariant sur M (n, C). Alors la forme différentielle à valeurs complexes P (R∇ ) est fermée. Sa classe de cohomologie de de Rham ne dépend pas du choix de connexion. L’application P 7→ [P (R∇ )] ∈ H ∗ (M, C) s’appelle l’ homomorphisme de Weil. Preuve. On peut supposer P homogène de degré k (en effet, les composantes homogènes d’un polynôme invariant sont invariantes). D’après le lemme 97, la différentielle extérieure d∇ est une dérivation de l’algèbre des formes différentielles de degrés pairs à valeurs dans End(ξ). Soit F la forme k-linéaire symétrique sur M (n, C) telle que P (h) = F (h, . . . , h). Alors d P (R∇ ) = = = = d∇ P (R∇ ) d∇ F (R∇ , . . . , R∇ ) F (d∇ R∇ , R∇ , . . . , R∇ ) + · · · + F (R∇ , . . . , d∇ R∇ ) 0. car, d’après l’identité de Bianchi 7.2.14, d∇ R∇ = 0. Soit ∇0 une autre connexion sur ξ. Alors Γ = ∇0 − ∇ est une 1-forme à valeurs dans End(ξ), et ∇t = ∇ + tΓ est, pour tout t, une connexion sur ξ. On vérifie que d ∇t R = d∇t Γ. dt En effet, pour toute section s de ξ d ∇t d s = Γs, dt d’où d ∇t ∇t d d s = Γd∇t s + d∇t (Γs) dt = Γd∇t s + (d∇t Γ)s − Γd∇t s = (d∇t Γ)s. On calcule d P (R∇t ) dt d F (R∇t , . . . , R∇t ) dt = F (d∇t Γ, R∇t , . . . , R∇t ) + · · · + F (R∇t , . . . , d∇t Γ) = k F (d∇t Γ, R∇t , . . . , R∇t ). = D’autre part, comme d∇t R∇t = 0, d F (Γ, R∇t , . . . , R∇t ) = F (d∇t Γ, R∇t , . . . , R∇t ) 1 d = P (R∇t ). k dt Il vient ∇0 ∇ Z P (R ) − P (R ) = d(k 0 1 F (Γ, R∇t , . . . , R∇t ) dt). CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 138 Corollaire 7.3.5 L’homomorphisme de Weil associe à chaque polynôme invariant P sur M (n, C) une classe caractéristique cP pour les fibrés vectoriels complexes de rang n. Preuve. C’est clair pour les fibrés lisses. Le fibré tautologique γ n (Cn+k ) est un fibré lisse sur la grassmannienne Gn (Cn+k ), donc la classe cP (γ n (Cn+k )) est bien définie. Le plongement 0 Gn (Cn+k ) → Gn (Cn+k+1 ) induit γ n (Cn+k ) de γ n (Cn+k+1 ), donc, pour k 0 ≥ k, la classe cP (γ n (Cn+k )), restreinte à Gn (Cn+k ), est indépendante de k 0 . On peut donc définir sans ambiguı̈té la classe cP (ξ) pour un fibré topologique. Théorème 31 Soit P le polynôme invariant sur M (n, C) défini par P (h) = det(I − 1 h). 2iπ Alors cP est la classe de Chern totale. Preuve. L’axiome de degré est clairement vérifié. La multiplicativité sous les sommes directes résulte de 7.2.12 et de la formule pour le déterminant des matrices diagonales par blocs. Reste à vérifier la normalisation. Notons γ = (γ11,C ) le fibré tautologique sur CP 1 . D’après 99, la courbure de γ, dans une carte affine z 7→ [1 : z], vaut (1 + z z̄)−2 dz̄ ∧ dz. 1 trace(h). Par conséquent, si µ désigne la classe La composante de degré 1 de P est h 7→ − 2iπ 1 fondamentale en homologie de CP , Z 1 (1 + z z̄)−2 dz̄ ∧ dz hcP (γ), µi = − 2iπ C Z +∞ Z 2π 1 = − (1 + r2 )−2 2ir dr dθ 2iπ 0 0 Z +∞ = −2 (1 + r2 )−2 r dr 0 Z +∞ = − (1 + s)−2 ds 0 = −1. Ceci prouve que cP (γ) = 1 − h où h est la classe fondamentale en cohomologie. Remarque 7.3.6 Le théorème 31 prouve entre autres l’existence des classes de Chern. Le fait qu’elles habitent dans la cohomologie entière résulte aisément de la preuve de l’unicité de la classe de Chern : c1 (γ 1 (C∞ )) est entière, donc c1 est à valeurs entières pour tous les fibrés en droites. Le cas général se ramène au cas des fibrés en droites par multiplicativité et grâce au principe de décomposition. Exercice 102 En utilisant la théorie de Chern-Weil, montrer que si ξ et ξ 0 sont des fibrés vectoriels complexes lisses de rang 1, alors c1 (ξ ⊗ ξ 0 ) = c1 (ξ) + c1 (ξ 0 ). dans la cohomologie à coefficients réels. Exercice 103 En utilisant le fait que T CP 1 = γ ∗ ⊗ γ ∗ où γ = (γ11,C ) est le fibré tautologique sur 1 trace satisfait la même CP 1 , donner une autre preuve du fait que le polynôme invariant P1 = − 2iπ normalisation que la première classe de Chern. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.3.3 139 Caractère de Chern Notons S la série formelle sur l’espace vectoriel des matrices n × n à coefficients complexes définie par S(h) = trace(exp(− 1 h)). 2iπ Elle est clairement invariante par l’action adjointe de Gl(n, C). Les identités S(h ⊕ h0 ) = S(h) + S(h0 ), S(h ⊗ 1 + 1 ⊗ h0 ) = S(h)S(h0 ), vraies pour des matrices diagonales, sont donc vraies pour des matrices quelconques. Par conséquent, la classe caractéristique associée à la série S par l’homomorphisme de Weil est le caractère de Chern ch, et on a, pour tous fibrés vectoriels complexes ξ et ξ 0 sur une même base, ch(ξ ⊕ ξ 0 ) = ch(ξ) + ch(ξ 0 ), ch(ξ ⊗ ξ 0 ) = ch(ξ) ∪ ch(ξ 0 ). On le savait déjà. Ce qu’on apprend de plus, c’est que cette identité est vraie au niveau des formes différentielles fournies par l’homomorphisme de Weil, et non seulement au niveau de la cohomologie. 7.3.4 Classes de Pontrjagin Proposition 7.3.7 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel réel ξ. La classe de Pontrjagin totale p(ξ) est représentée par la forme différentielle p(ξ) = [det(I − 1 ∇ R )]. 2π Preuve. La connexion ∇ sur ξ détermine une connexion ∇C sur le fibré vectoriel complexe ξ ⊗C, dont la courbure est C R∇ = R∇ ⊗ C, C donc R∇ et R∇ ont même polynôme caractéristique. Par conséquent, la forme différentielle Pk (R∇ ) est un représentant de ck (ξ ⊗ C) en cohomologie de de Rham, et P2k (iR∇ ) est un représentant de (−1)k c2k (ξ ⊗ C) = pk (ξ). Remarque 7.3.8 On verra en 7.3.10 que la forme différentielle P2k+1 (R∇ ) est nulle si la connexion ∇ préserve une structure euclidienne sur les fibres. En général, on peut seulement affirmer que sa classe de cohomologie est nulle. En effet, R∇ est une matrice à coefficients réels, donc P2k+1 (R∇ ) est imaginaire pure. Or sa classe de cohomologie, une classe de Chern, est entière, donc en particulier réelle. 7.3.5 Fibrés vectoriels réels orientés Il n’y a pas plus de polynômes sur les matrices réelles invariants sous Sl(n, R) que de polynômes invariants sous Gl(n, C) sur les matrices complexes. Où trouver un nouveau polynôme invariant pour calculer un représentant de la classe d’Euler d’un fibré vectoriel réel orienté de rang pair n = 2m ? La formule e(ξ)2 = pm (ξ) suggère de chercher une racine carrée du déterminant. Un tel polynôme existe pour les matrices antisymétriques. Si on choisit une structure euclidienne sur les fibres, la courbure va devenir antisymétrique. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 140 Remarque 7.3.9 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel réel ξ qui préserve une structure euclidienne. Dans un champs de repères orthonormés local, la matrice de ∇ et celle de sa courbure R∇ sont antisymétriques. En effet, dans un champ de repères orthonormés local (e1 , . . . , en ), d(ei · ej ) = (∇ei ) · ej + ei · (∇ej ), donc Γij = (∇ej ) · ei = −ei · (∇ej ) = −Γji . 7.3.6 Polynômes invariants sur les matrices antisymétriques Notons An ⊂ M (n, R) l’espace vectoriel des matrices antisymétriques n × n. Evidemment, les polynômes invariants définis sur toutes les matrices réelles donnent en particulier des polynômes invariants par le groupe orthogonal O(n) sur le sous-espace An . Notons que la moitié d’entre eux sont nuls. Lemme 7.3.10 Si h est une matrice réelle antisymétrique de taille n, Pn−2k+1 (h) = 0 pour tout k. Preuve. Le polynôme det(λI − 1 h) 2iπ = = 1 1 h)> ) = det(λI + h) 2iπ 2iπ 1 (−1)n det(−λI − h) 2iπ det((λI − est pair (resp. impair, suivant la parité de n), donc ses coefficients d’indices impairs (resp. pairs) sont nuls. Définition 7.3.11 Soit E un espace vectoriel euclidien orienté de dimension paire n = 2m. A chaque endomorphisme antisymétrique a de E correspond une 2-forme αa ∈ Λ2 E ∗ par αa (v, w) = a(v) · w. Le produit extérieur (αa )m est proportionnel à la forme volume vol ∈ Λn E ∗ de E. On appelle pfaffien le polynôme Pf défini par 1 (αa )m = Pf(a) vol. m! De la définition, il résulte que si a préserve une décomposition orthogonale E = F ⊕ F 0 où F et F 0 sont de dimensions paires et orientés, alors Pf(a) = Pf(a|F )Pf(a|F 0 ). D’autre part, Pf(a)2 = det(a). Dans le cas où E = Rn , le pfaffien est un polynôme SO(n)-invariant sur An , homogène de degré m. Proposition 7.3.12 Les polynômes P2k , k = 1, . . . , [n/2], sont algébriquement indépendants sur An et engendrent l’algèbre des polynômes O(n)-invariants sur An . Si n est impair, c’est encore vrai sous SO(n). Si n = 2m est pair, les P2k , k = 1, . . . , m, et le pfaffien engendrent l’algèbre des polynômes SO(n)-invariants sur An , avec pour relation Pf 2 = (−1)m (2π)2m P2m . CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 141 Preuve. Si n est pair, n = 2m, toute matrice antisymétrique est équivalente sous SO(n) à une matrice diagonale par blocs 2 × 2 de la forme 0 −λ1 λ1 0 . .. a(λ1 , . . . , λm ) = . 0 −λm λm 0 On commence par calculer les valeurs prises par les polynômes invariants connus sur les matrices diagonales par blocs 2 × 2. On calcule d’abord ! m λj Y 1 λ 2iπ a(λ1 , . . . , λm )) = det det(λI − λj 2iπ − λ 2iπ j=1 = m Y (λ2 − j=1 λ2j ) 4π 2 λ21 λ2m n−2 , . . . , − )λ + ··· 4π 2 4π 2 2 2 λ λ +σm (− 12 , . . . , − m2 ) 4π 4π = λn + σ1 (− où les σk sont les fonctions symétriques élémentaires. Par conséquent P2k (a(λ1 , . . . , λm )) = σk (− λ21 λ2m , . . . , − ). 4π 2 4π 2 La 2-forme associée à a(λ1 , . . . , λm ) est λ1 dx1 ∧ dx2 + · · · + λm dxn−1 ∧ dxn . On calcule (λ1 dx1 ∧ dx2 + · · · + λm dxn−1 ∧ dxn )m = m!λ1 λ2 · · · λm dx1 ∧ dx2 ∧ · · · ∧ dxn = m!λ1 λ2 · · · λm vol donc Pf(a(λ1 , . . . , λm )) = λ1 λ2 · · · λm . En particulier, Pf(a(λ1 , . . . , λm ))2 = det(a(λ1 , . . . , λm )) = (−1)m (2π)2m P2m (a(λ1 , . . . , λm )). Par invariance, cette identité est vraie pour toute matrice antisymétrique. Soit P un polynôme SO(n)-invariant sur An , n pair. Alors Q(λ1 , . . . , λm ) = P (a(λ1 , . . . , λm )) est un polynôme symétrique en λ1 , . . . , λm . En effet, pour toute permutation σ de 1, . . . , m, la matrice M de la permutation qui échange 2j − 1 et 2σ(j) − 1 et 2j et 2σ(j) appartient à SO(n) et M −1 a(λ1 , . . . , λm )M = a(λσ(1) , . . . , λσ(m) ). De plus, Q(−λ1 , −λ2 , λ3 , . . . , λm ) = Q(λ1 , . . . , λm ). En effet, la matrice 0 1 C= 1 0 0 1 1 0 In−4 CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 142 appartient à SO(n) et satisfait C −1 a(λ1 , . . . , λm )C = a(−λ1 , −λ2 , λ3 , . . . , λm ). Par conséquent, on peut écrire uniquement Q(λ1 , . . . , λm ) = Q+ (λ21 , . . . , λ2m ) + λ1 , . . . , λm Q− (λ21 , . . . , λ2m ) où Q+ et Q− sont des polynômes symétriques. Il existe des polynômes P+ et P− en les P2k tels que P+ + PfP− coı̈ncide avec P sur les matrices diagonales par blocs 2 × 2. Par invariance, P+ + PfP− = P . On conclut que P appartient à l’algèbre engendrée par les polynômes P2k et par le pfaffien. Si on demande l’invariance par O(n), on peut utiliser la matrice 0 1 C 0 = 1 0 −In−2 à la place de C et en déduire que pour tout polynôme O(n)-invariant P , P (a(λ1 , . . . , λm )) est un polynôme symétrique en les λ2k . Alors P appartient à l’algèbre engendrée par les P2k . Si n est impair, toute matrice antisymétrique est équivalente sous SO(n) à une matrice diagonale par blocs 2 × 2 de la forme 0 −λ1 λ 1 0 .. . b(λ1 , . . . , λm ) = . 0 −λm λm 0 0 La matrice C 0 appartient à SO(n), donc l’argument, commun aux groupes O(n) et SO(n), se termine comme dans le cas O(n), n pair. 7.3.7 Classe d’Euler L’homomorphisme de Weil possède une variante relative aux polynômes SO(n)-invariants sur l’espace des matrices antisymétriques. Cela produit des classes caractéristiques pour les fibrés vectoriels euclidiens orientés de rang pair. Théorème 32 L’image du pfaffien par l’homomorphisme de Weil est, à une constante près, la classe d’Euler. Si ∇ est une connexion sur un fibré vectoriel réel orienté ξ de rang n pair, qui préserve une structure euclidienne sur les fibres, alors la forme différentielle de degré n Pf(− 1 ∇ R ) 2π est un représentant de la classe d’Euler e(ξ). 1 R∇ ) se calcule localement dans un champ de repères orthonormés Preuve. L’expression Pf(− 2π directs. La matrice de la courbure étant antisymétrique, son pfaffien est bien défini. Par invariance, il ne dépend pas du choix de repère orthonormé direct. 1 Comme en 7.3.4, on montre que la classe de cohomologie de de Rham de la forme Pf(− 2π R∇ ) ne dépend pas de la connexion choisie, tant que la structure euclidienne ne change pas. Deux structures euclidiennes g et g 0 diffèrent par un automorphisme global a du fibré. En effet, soit s le champ d’automorphismes g-symétriques de ξ défini par g 0 (e, e0 ) = g(se, e0 ). Alors a = s1/2 CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 143 convient. Si ∇0 est une connexion qui préserve g 0 , la connexion image réciproque a−1 (∇0 ) = ∇ préserve g. Si r est un champ de repères orthonormé local pour g, r0 = a(r) en est un pour g 0 , donc Pf(− 1 ∇0 1 R ) = Pf(− R∇ ). 2π 2π Cela prouve que la classe de cohomologie considérée ne dépend pas du choix de structure euclidienne. Comme elle est clairement naturelle sous les applications lisses, c’est une classe caractéristique pour les fibrés vectoriels réels orientés. L’axiome de degré est clairement vérifié. La multiplicativité sous les sommes directes de fibrés orientés de rangs pairs résulte de 7.2.12 et du fait que le pfaffien d’une matrice diagonale par blocs est le produit des pfaffiens des blocs, 7.3.11. Reste la normalisation. On utilise le fibré tangent à CP 1 = S 2 muni de la connexion de Levi-Civita. La courbure de Gauss K est définie par (Rv,w z) · u = −K vol(v, w)vol(z, u), d’où, dans un champ de repères orthonormés directs, 0 R∇ = −K vol J = −K vol K vol 0 où J est la rotation de π/2. Par conséquent Pf(− 1 1 ∇ R )= K vol, 2π 2π 1 dont l’intégrale vaut 2. Autrement dit, la classe de cohomologie de Pf(− 2π R∇ ) est la classe d’Euler de la sphère, soit −2h où h est l’opposée de la classe fondamentale. Comme le fibré tangent est induit du fibré tautologique par l’application z 7→ z̄ 2 , de degré −2, on en déduit que la classe caractéristique définie par le pfaffien vaut h pour le fibré tautologique, ce qui est la normalisation voulue. Remarque 7.3.13 La proposition 32 prouve l’existence de la classe d’Euler. Le fait qu’elle est à valeurs entières ne saute pas aux yeux. On retrouve (dans la cohomologie à coefficients réels au moins) l’identité e2 = pm pour les fibrés vectoriels réels orientés de rang 2m. Remarque 7.3.14 Si un fibré vectoriel complexe admet une connexion de courbure nulle, alors ses classes de Chern sont nulles. Par conséquent, si un fibré vectoriel réel admet une connexion de courbure nulle, alors ses classes de Pontrjagin sont nulles. Il n’en est pas de même pour la classe d’Euler. Il existe des fibrés admettant une connexion localement triviale dont la classe d’Euler n’est pas nulle. C’est le cas du fibré tangent d’une variété compacte M sans bord orientable de dimension 2, de caractéristique d’Euler strictement négative. En effet, la donnée d’une métrique riemannienne à courbure −1 sur M détermine un homomorphisme du groupe fondamental de M dans le groupe des isométries préservant l’orientation du plan hyperbolique, isomorphe à P Sl(2, R). Cet homomorphisme se relève à Sl(2, R), lequel agit sur R2 . Le fibré vectoriel réel orienté de rang 2 sur M associé à cette représentation, qui possède une connexion à courbure nulle (voir en 7.1.16), est isomorphe au fibré tangent. 7.3.8 Applications On donne deux applications, l’une au volume des variétés riemanniennes à courbure sectionnelle constante, l’autre aux variétés riemanniennes d’Einstein en dimension 4. Elles illustrent bien l’usage qu’on peut faire de la formule de Gauss-Bonnet en dimensions supérieures à 2 : obtenir des propriétés d’intégralité ou des obstructions topologiques à l’existence de métriques riemanniennes dont la courbure satisfait des conditions particulières. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 144 Proposition 7.3.15 Volumes des sphères de dimension paire. Si n = 2m est pair, le volume de la sphère de dimension n vaut vol(S n ) = 2( 4π m m! ) . κ n! Preuve. Un endomorphisme antisymétrique a d’un espace vectoriel euclidien E peut être vu comme un 2-vecteur η ∈ Λ2 E, par la correspondance a(w) · v = η · (w ∧ v). Comme Λ2 E est une représentation irréductible du groupe orthogonal O(E), tout endomorphisme O(n)-invariant de Λ2 E est proportionnel à l’identité. Par conséquent, la courbure de la connexion de Levi-Civita ∇ d’une variété riemannienne à courbure sectionnelle constante égale à κ, vue comme section de Hom(Λ2 T M, Λ2 T M ), vaut λId. Or si v et w sont des vecteurs tangents orthonormés, κ (Rv,w w) · v (R∇ (v ∧ w)(w)) · v λ(v ∧ w) · (w · v) −λ = = = = donc λ = −κ. Par conséquent, dans un repère orthonormé direct (e1 , . . . , en ) de l’espace tangent, le coefficient ij de la matrice de 2-formes R∇ est −κe∗i ∧ e∗j . Vue comme 2-forme alternée, R∇ X = −κ e∗i ∧ e∗j ⊗ e∗i ∧ e∗j 1≤i<j≤n κ X e∗ ∧ e∗j ⊗ e∗i ∧ e∗j . = − 2 i, j=1,...,n i Sa puissance extérieure m-ème, m = n/2, vaut X κ (R∇ )m = (− )m e∗ ∧ · · · ∧ e∗jn ⊗ e∗j1 ∧ · · · ∧ ejn 2 j ,...,j j1 1 n κ m X ∗ eσ(1) ∧ · · · ∧ e∗σ(n) ⊗ e∗σ(1) ∧ · · · ∧ e∗σ(n) = (− ) 2 σ∈Sn κ m X vol ⊗ vol = (− ) 2 σ∈Sn = κ (− )m n!vol ⊗ vol, 2 donc n! κ Pf(R∇ ) = (− )m vol. 2 m! Si κ > 0, il vient he(T M κ ), µM κ i = = Z κ n! 1 (− )m (− )m vol 2 m! 2π Mκ κ m n! ( ) vol(M κ ). 4π m! Sachant que M κ est une sphère, dont la caractéristique d’Euler vaut 2, il vient vol(M κ ) = 2( 4π m m! ) . κ n! CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 145 Proposition 7.3.16 Volumes des variétés à courbure sectionnelle −1. Si n est pair, le volume de toute variété riemannienne compacte à courbure sectionnelle constante égale à −1 est un multiple entier de vol(S n )/2. Preuve. En courbure ±1, le représentant e de la classe d’Euler donné par l’homomorphisme de Weil est proportionnel à l’élément de volume, e = c± vol, où c− = (−1)m c+ . Pour la sphère S n , 2 = χ(S n ) = c+ vol(S n ). Si M est une variété riemannienne compacte à courbure constante −1, χ(M ) = c− vol(M ). Par conséquent, vol(M ) = 1 vol(S n ) 1 χ(M ) = (−1)m χ(M ) = (−1)m χ(M ) c− c+ 2 est un multiple entier de vol(S n )/2. Remarque 7.3.17 En particulier, les valeurs prises par le volume forment un sous-ensemble discret de R. Ce n’est pas vrai en dimension 3. L’ensemble des volumes des variétés compactes à courbure −1, de dimension 3, possède des points d’accumulation. Si on y ajoute les volumes des variétés de volume fini non compactes, on obtient un sous-ensemble bien ordonné de R qui a la puissance du continu. Voir W. Thurston, Three dimensional manifolds, Kleinian groups and hyperbolic geometry. Bull. Amer. Math. Soc. 6, 357-379 (1982). Proposition 7.3.18 Soit M une variété riemannienne compacte de dimension 4. On suppose que la courbure de Ricci v 7→ trace(Rv,· v) est constante sur le fibré des vecteurs unitaires tangents (équations d’Einstein). Alors χ(M ) ≥ 0, et l’égalité entraı̂ne que le tenseur de courbure de M est identiquement nul (Berger). Si, de plus, M est orientable, χ(M ) ≥ 12 |p1 (M )|, et l’égalité caractérise des familles de variétés kählériennes à courbure de Ricci nulle, les surfaces K3 (ce sont les variétés de Calabi-Yau en dimension complexe 2) et les surfaces d’Enriquès (Thorpe, Hitchin). Preuve. On commence par de l’algèbre linéaire particulier à la dimension 4. Soit E un espace vectoriel euclidien orienté de dimension 4. Le carré extérieur est une forme quadratique sur Λ2 E ∗ , donc il s’écrit sous la forme α ∧ α = ∗α · α vol où ∗ est un endomorphisme symétrique de Λ2 E ∗ , appelé opérateur de Hodge. C’est une involution, elle possède deux valeurs propres 1 et −1, et les espaces propres Λ+ et Λ− correspondants sont tous deux de dimension 3. Tout endomorphisme u de Λ2 E ∗ se décompose en u+ + u− où u+ préserve la décomposition en Λ+ ⊕ Λ− et u− échange les facteurs. Par exemple, si h ∈ End(E), h définit un endomorphisme Λ2 h> de Λ2 E ∗ , d’où une décomposition h = h+ + h− . On vérifie que si h est symétrique, alors h+ se réduit à la projection orthogonale de h sur l’identité, h+ = 1 trace(h) Id. 4 CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 146 Soit M une variété riemannienne orientée de dimension 4, soit b ∈ M et R le tenseur de courbure en b vu comme endomorphisme de Λ2b T ∗ M . Alors R∇ se décompose en R+ + R− , et R∇ ∧ R∇ = R+ ∧ R+ + R− ∧ R− = |R+ |2 vol − |R− |2 vol Pf(R∇ ) = 1 (|R+ |2 − |R− |2 )vol. 2 d’où On vérifie que R− ne dépend que de la courbure de Ricci, R− = Λ2 h− où h est l’endomorphisme symétrique de Tb M tel que Ricci(v) = h(v) · v. Si la courbure de Ricci est constante, h est un multiple de l’identité, donc h− = 0, et R− = 0. Il vient Z Z 1 ∇ χ(M ) = Pf(R ) = |R+ |2 vol ≥ 0 8π 2 M M et l’égalité entraı̂ne que R+ est nul lui aussi. L’orientation n’est pas essentielle dans cet argument. Le tenseur R+ se décompose à nouveau en U + W + + W − où U est proportionnel à l’identité, + W est nul sur Λ− et W − est nul sur Λ+ . Soit P2 le polynôme invariant sur M (4, R) de degré 2. On vérifie que P2 (R+ ) = (|W + |2 − |W − |2 )vol. Par conséquent, 1 χ(M ) − p1 (M ) 2 Z 1 (|R+ |2 − |W + |2 + |W − |2 )vol 8π 2 M Z 1 (|U |2 + |W − |2 )vol = 8π 2 M ≥ 0 = avec égalité si et seulement si U = W − = 0. De même, 1 1 χ(M ) + p1 (M ) = 2 8π 2 Z (|U |2 + |W + |2 )vol ≥ 0 M avec égalité si et seulement si U = W + = 0. Pour plus de détails, voir A.L. Besse, Einstein manifolds. Springer, Berlin (1986), chapitre 6.D. 7.4 7.4.1 Fibré des repères Définition Définition 7.4.1 Soit ξ un fibré vectoriel lisse de rang n sur M . Le fibré des repères (frame bundle) de ξ, noté Gl(ξ), est l’espace fibré au-dessus de M dont la fibre en b est l’ensemble des isomorphismes d’espace vectoriel de Rn sur ξb . On peut le voir comme le sous-ensemble de Hom(Rn , ξ) (ici, Rn désigne le fibré trivial) formé des homomorphismes inversibles. Par conséquent, c’est une variété différentiable. Par définition, chaque champ de repères local du fibré ξ définit une section locale du fibré des repères. ξ est trivial si et seulement si Gl(ξ) admet une section globale. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 147 Le groupe Gl(n, R) agit à droite sur le fibré des repères par précomposition. Etant donné un point du fibré des repères, i.e. en un point b ∈ M , un isomorphisme r : Rn → ξb , et g ∈ Gl(n, R), rg = r◦g Les orbites de cette action sont exactement les fibres de la projection Gl(ξ) → M . Deux sections locales r, r0 de Gl(ξ) définies sur U diffèrent par une application g : U → Gl(n, R), i.e. r0 (u) = r(u)g(u). Exemple 7.4.2 Soit ξ un fibré vectoriel réel ou complexe de rang 1. Le fibré des repères Gl(ξ) s’identifie au complémentaire de la section nulle dans l’espace total de ξ. Par exemple, le fibré des repères du fibré tautologique γ11 sur RP d s’identifie à Rd+1 \ {0}. De même, le fibré des repères du fibré tautologique γ11,C sur CP 1 s’identifie à Cd+1 \ {0}. 7.4.2 Forme de connexion Soit ∇ une connexion sur un fibré. Le fibré des repères permet de rassembler les matrices de connexion dans divers champ de repères en une seule 1-forme différentielle à valeurs matricielles. Définition 7.4.3 Soit ξ un fibré vectoriel sur M , π : Gl(ξ) → M son fibré des repères. Le fibré induit π ∗ ξ vient avec un champ de repères global tautologique : en un point (b, r) de Gl(ξ), r est un repère de ξb = ξπ(b,r) , noté rtaut (b, r). Soit ∇ une connexion sur ξ. La matrice de la connexion induite π ∗ ∇ dans le repère rtaut est une matrice de 1-formes ω sur Gl(ξ) qui ne dépend d’aucun choix. Elle s’appelle la forme de connexion (connection form) associée à ∇. Pour en donner une formule explicite, on choisit un champ de repère local r0 , dans lequel la matrice de la connexion est Γ. Alors r00 = r0 ◦ π est un champ de repères local du fibré induit π ∗ ξ, dans lequel la matrice de la connexion induite est Γ0 = π ∗ Γ. Il diffère du champ de repères tautologique rtaut par rtaut = r00 g0 où g0 : Gl(ξ) → Gl(n, R), et g0 (b, r) est la matrice de passage du repère r0 (b) au repère r. Autrement dit, r = r00 (b)g0 (b, r). D’après la formule de changement de repère 7.1.5, la matrice de la connexion induite dans le champ de repères tautologique est ω = g0−1 dg0 + g0−1 π ∗ Γg0 . 7.4.3 Forme de Maurer-Cartan On commence par le cas d’un fibré sur une base réduite à un point. Son fibré des repères est une copie du groupe linéaire. Il n’y a pas d’autre connexion que la connexion triviale, donc pas d’autre forme de connexion sur le groupe linéaire que la forme g −1 dg. Définition 7.4.4 On appelle forme de Maurer-Cartan sur le groupe linéaire la matrice de 1-formes ωG = M −1 dM. Cette forme est invariante par les translations à gauche. Sous les translations à droite g 7→ Rg , elle se transforme comme Rg∗ ωG = g −1 ωG g. Elle satisfait l’identité, dite équation de Maurer-Cartan dωG + ωG ωG = 0. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL Exemple 7.4.5 En dimension 2, si on utilise M = α γ β δ 148 comme coordonnées sur Gl(2, R) (resp. Gl(2, C)), alors 1 ωG = αδ − βγ 7.4.4 δdα − βdγ −γdα + αdγ δdβ − βdδ . −γdβ + αdδ Propriétés de la forme de connexion Proposition 7.4.6 Soit ξ un fibré vectoriel de rang n sur M , muni d’une connexion ∇. La forme de connexion ω sur Gl(ξ) a les propriétés suivantes. 1. Pour chaque point (b, r) ∈ Gl(ξ), la matrice de 1-formes induites sur le groupe linéaire par l’application g 7→ Rg (b, r) = (b, rg) coı̈ncide avec la forme de Maurer-Cartan ωG . 2. Pour tout g, Rg∗ ω = g −1 ωg. 3. Si r est un champ de repères local de ξ, vu comme une section U → Gl(ξ) de π, alors r0∗ ω = Γ est la matrice de la connexion ∇ dans le champ de repères r0 . Preuve. Soit r0 un champ de repères local. Reprenons l’expression ω = g0−1 dg0 + g0−1 π ∗ Γg0 , où, pour chaque (b, r) ∈ Gl(ξ)|U , r = r0 (b)g0 (b, r). Par définition, g0 (b, r0 (b)) = 1, donc r0∗ ω = r0∗ π ∗ Γ = Γ. Fixons (b, r) ∈ Gl(ξ). Notons a : Gl(n, R) → Gl(ξ) l’application définie par a(g) = Rg (b, r) = (b, rg). Comme r0 (b)g0 (b, r)g = rg = r0 (b)g0 (Rg (b, r)), g0 ◦ a(g) = g0 (Rg (b, r)) = g0 (b, r)g, d’où a∗ ω = g −1 g0 (b, r)−1 g0 (b, r)dg + g −1 g0−1 a∗ π ∗ Γg0 g = g −1 dg = ωG car π ◦ a est constante. Fixons g ∈ Gl(n, R). Alors Rg∗ ω = g −1 g0−1 dg0 g + g −1 g0−1 Rg∗ π ∗ Γg0 g = g −1 ωg, car π ◦ Rg = π. Remarque 7.4.7 Plus généralement, étant donné un fibré vectoriel ξ, on appelle forme de connexion (connection form) sur Gl(ξ) une matrice de 1-formes ω qui satisfait aux propriétés 1 et 2 de la proposition 7.4.6. Alors toute forme de connexion détermine une unique connexion sur ξ. Autrement dit, une forme de connexion sur le fibré des repères est juste une autre façon de parler de connexion. Exemple 7.4.8 L’espace total du fibré des repères du fibré tautologique γ n (Cn+k ) est l’ensemble des n-uplets de vecteurs linéairement indépendants dans Cn+k . On code un tel n-uplet par une matrice V à n colonnes et n + k lignes. Alors la forme de connexion sur ce fibré des repères est ω = (V ∗ V )−1 V ∗ dV. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 149 Un point P du fibré des repères, c’est un sous-espace X de Cn+k et une base (e1 , . . . , en ) de X. Clairement, les vecteurs e1 , . . . , en déterminent X, donc décrivent à eux seuls le point P . La matrice V est celle d’une application injective de Cn dans Cn+k . L’action à droite du groupe Gl(n, C) consiste à précomposer par une bijection linéaire de Cn , i.e. à multiplier V à droite par une matrice inversible g de taille n × n. Quand on transporte la forme ω par l’application Rg : V 7→ V g, on trouve (g ∗ V ∗ V g)−1 g ∗ V ∗ dV g = g −1 (V ∗ V )−1 (g ∗ )−1 g ∗ V ∗ dV g = g −1 (V ∗ V )−1 V ∗ dV g = g −1 ωg, comme il sied à une forme de connexion. Si on la transporte par g 7→ V g, à V fixé, on trouve (g ∗ V ∗ V g)−1 g ∗ V ∗ V dg = g −1 (V ∗ V )−1 (g ∗ )−1 g ∗ V ∗ V dg = g −1 dg, qui est bien la forme de Maurer-Cartan de Gl(n, C). Par conséquent, ω est une forme de connexion. Soit X ∈ Gn (Cn+k ) un n-plan, X ⊥ son orthogonal. Fixons une base hilbertienne (e1 , . . . , en+k ) de Cn+k adaptée à la décomposition X ⊕ X ⊥ . Étant donné une matrice L représentant une application linéaire de X dans X ⊥ , notons r(L) le champ de repères local (e1 + L(e1 ), . . . , en + L(en )) du fibré tautologique correspondant. Le point r(L) du fibré des repères est décrit par la matrice 1 V = . Par conséquent L 1 −1 0 ∗ ∗ ∗ 1 L r ω = ( 1 L ) L dL = (1 + L∗ L)−1 L∗ dL qui est bien la matrice de la connexion projetée dans le champ de repères local r. On conclut que ω est la forme de connexion de la connexion projetée. Exemple 7.4.9 Soit f ∗ ξ un fibré induit, muni de la connexion induite f ∗ ∇. Alors f induit une application F : Gl(f ∗ ξ) → Gl(ξ) qui envoie fibre sur fibre, et ωf ∗ ξ = F ∗ ωξ . 7.4.5 Forme de connexion et transport parallèle Lemme 7.4.10 Soit ξ un fibré vectoriel sur M muni d’une connexion ∇. Soit γ une courbe dans M , et r(t) un repère de ξγ(t) . Alors r est parallèle si et seulement si r∗ ω = 0, i.e. la courbe r tracée dans le fibré des repères est tangente au noyau de la forme de connexion ω. Preuve. Quitte à remplacer ξ par le fibré induit γ ∗ ξ, on peut supposer que M = R. Alors r est parallèle si et seulement si la matrice de la connexion dans le champ de repères r est nulle. Or celle-ci est r∗ ω, par définition. Remarque 7.4.11 Si γ est un lacet d’origine b, et r0 un repère de ξb , alors γ se relève uniquement en un chemin dans le fibré des repères, qui part de r0 qui est tangent au noyau de ω. Son extrémité est un repère r1 = r0 h, et h est l’holonomie de la connexion le long de γ. Le relèvement est donné par le transport parallèle. Son existence résulte aussi du fait que le noyau de ω forme un champ de plans supplémentaire de l’espace tangent aux fibres. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 7.4.6 150 Courbure Lemme 7.4.12 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ, soit ω la forme de connexion correspondante sur Gl(ξ). Posons Ω = dω + ωω. Alors pour tout champ de repères local r, r∗ Ω est la courbure de ∇ lue dans le champ de repères r. De plus, la forme Ω est annulée par tout vecteur tangent aux fibres. Preuve. L’identité r∗ Ω = dΓ + ΓΓ = R∇ est immédiate. Soient v et w deux vecteurs tangents à Gl(ξ) en (b, r). On suppose que v est tangent à la fibre de b. Soit V le champ de vecteurs tangent aux fibres tel que ω(V ) soit constant égal à ω(v). Alors V engendre le sous-groupe à un paramètre Rgt de l’action du groupe linéaire sur Gl(ξ), où gt = exp(tω(v)) ∈ Gl(n, R). On suppose que w est horizontal, i.e. ω(w) = 0. Alors w se prolonge localement en un champ de vecteurs horizontal W . En effet, il suffit de choisir un prolongement arbitraire et de le projeter sur le plan horizontal parallèlement à l’espace tangent aux fibres. Pour tout t, Rgt ∗ W est horizontal, donc la dérivée de Lie LV W = [V, W ] est horizontale. Il vient Ω(V, W ) = dω(V, W ) + ω(V )ω(W ) − ω(W )ω(V ) = V ω(W ) − W ω(V ) − ω([V, W ]) = 0. Comme tout vecteur est la somme d’un vecteur tangent aux fibres et d’un vecteur horizontal, cela prouve que Ω(v, w) = 0 dès que l’un des vecteurs v ou w est tangent aux fibres. Exemple 7.4.13 Soit ξ un fibré vectoriel complexe de rang 1 sur M , muni d’une connexion ∇. On note π : Gl(ξ) → M . Alors Ω = π ∗ R∇ . En effet, pour cette vérification locale, on peut supposer que ξ est trivial, Gl(ξ) = M × C∗ . On note z la coordonnées sur C∗ . Alors Ω n’a pas de composantes divisible par dz, donc on peut la voir comme une famille de 2-formes différentielles sur M paramétrée par C∗ . Comme Ω est de plus invariante par l’action de C∗ , cette famille de formes est constante, ce qui signifie que Ω = π ∗ φ où φ est une 2-forme différentielle sur M . Si r est une section, φ = r∗ π ∗ φ = r∗ Ω = R∇ , donc Ω = π ∗ R∇ . Exercice 104 En utilisant le fibré des repères, montrer que si un fibré vectoriel complexe de rang 1 sur une variété orientable M de dimension paire n = 2k admet une section qui ne s’annule pas, R alors pour toute connexion ∇ sur M , M (R∇ )k = 0. Exercice 105 Vérifier que la forme de courbure du fibré tautologique γ n (Cn+k ) sur Gn (Cn+k ), qui vit sur le fibré des repères paramétré par les matrices V de taille (n + k) × n et de rang n, vaut Ω = −(V ∗ V )−1 dV ∗ V (V ∗ V )−1 V ∗ dV + (V ∗ V )−1 dV ∗ dV. 7.4.7 Connexions à courbure nulle Théorème 33 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ sur une variété M . Alors ∇ est localement triviale si et seulement si sa courbure R∇ est identiquement nulle. CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 151 Preuve. Supposons que la courbure est nulle. Soit H = ker(ω) le champ de plans horizontal sur le fibré des repères. Soient V , W des champs de vecteurs tangents à H. Alors ω([V, W ]) = = = = V ω(W ) − W ω(V ) − dω(V, W ) −dω(V, W ) −Ω(V, W ) + ω(V )ω(W ) − ω(W )ω(V ) 0. D’après le théorème de Frobenius, le champ de plans H est intégrable. Il existe donc pour tout (b, r) ∈ Gl(ξ) une sous-variété N ⊂ Gl(ξ) passant par (b, r), dont le plan tangent en chaque point coı̈ncide avec H. La projection π|N : N → M est un difféomorphisme local, donc sa réciproque r : M → N est bien définie au voisinage de b. C’est une section horizontale de Gl(ξ), i.e. un champ de repères local parallèle, d’après 7.4.10. 7.5 Développement limité de l’holonomie Pour les fibrés de rang plus grand que 1, il n’existe pas de formule simple pour l’holonomie d’une connexion le long d’un lacet, généralisant 7.2.15. On se contente d’un développement limité quand la longueur du lacet tend vers 0. 7.5.1 Le 2-vecteur associé à un petit lacet Soit U un voisinage de 0 dans Rd , ξ un fibré vectoriel sur U , ∇ une connexion sur ξ. Toute 2-forme différentielle ω sur Rd à coefficients constants est fermée. Par conséquent, si γ ⊂ U est un lacet basé à l’origine, et D un disque bordé par γ, l’intégrale Z `γ (ω) = ω D ne dépend pas du choix de D. Cette forme linéaire sur Λ2 (Rd )∗ = Λ2 T0∗ U définit un élément −−→ aire(γ) ∈ Λ2 T0 U, appelé aire vectorielle de γ. Proposition 7.5.1 Soit ∇ une connexion sur un fibré vectoriel ξ sur M , et b un point de M . Soit γ un lacet basé en b. Lorsque l’aire de γ tend vers 0, l’holonomie le long de γ admet le développement limité suivant. −−→ Hol(∇, γ) = Idξb + hR∇ (b), aire(γ)i + O(long(γ)3 ). −−→ On a utilisé des coordonnées locales pour définir l’aire vectorielle aire(γ) ∈ Λ2 Tb M , mais, asymptotiquement, celle-ci ne dépend pas du choix de coordonnées. Preuve. On peut supposer que M = Rn , que le fibré ξ est trivial et que la courbe γ est parcourue à vitesse constante. En choisissant un champ de repères local dont l’image est une sous-variété du fibré des repères tangente à l’origine au noyau de la forme de connexion, on peut supposer que la matrice Γ de la connexion est nulle à l’origine. Notons s la section parallèle le long de γ telle que s(0) = I. Elle satisfait l’équation différentielle ds = a(t)s(t) dt où a(t) = −Γγ(t) (γ 0 (t)). On la compare à la section s̃, de même condition initiale, solution de ds̃ = a(t). dt CHAPITRE 7. CONNEXIONS, THÉORIE DE CHERN-WEIL 152 Soit A un majorant de la norme de la matrice a(t), t ∈ [0, 1]. Alors k s̃(1) − s(1) k≤ A2 eA . En effet, comme k ds dt k≤ A k s(t) k, k s(t) k≤ eAt , d’où k ds k≤ AeAt , dt puis k s(t) − I k=k s(t) − s(0) k≤ eAt − 1. Les équations donnent k d(s̃ − s) k=k a(t)(s(t) − I) k≤ A(eAt − 1), dt d’où, en intégrant, k s̃(1) − s(1) k≤ eA − 1 − A ≤ A2 eA . Ici, A ≤ C long(γ)2 où C est une borne sur les dérivées premières de Γ. Il vient, lorsque la courbe est courte, Z k Hol(∇, γ) − I + Γ k≤ C 2 long(γ)3 , γ d’où, pour tout disque u : D → Rn tel que u|∂D = γ, Z k Hol(∇, γ) − I + dΓ k= O(long(γ)3 ). u(D) On remplit γ par l’application u : D → Rn définie par u(r, θ) = rγ(θ). Comme dΓ diffère de la forme à coefficients constants d0 Γ = R∇ (0) d’au plus C long(γ), Z −−→ | dΓ − hR∇ (0), aire(γ)i| = O(long(γ)3 ). u(D) Enfin, Z R ∇ Z = u(D) dΓ + ΓΓ u(D) Z = u(D) dΓ + O(long(γ)3 ). Bibliographie [A] L.V. AHLFORS, Conformal invariants. Topics in geometric function theory. McGraw Hill (1973). [Ar] V. ARNOLD, Les méthodes mathématiques de la mécanique classique. Editions Mir, Moscou (1974). [BGV] N. BERLINE, E. GETZLER, M. VERGNE, Heat kernels and Dirac operators. SpringerVerlag, Berlin, (1992). [Be] A.L. BESSE, Einstein manifolds. Springer, Berlin (1986). [Bu] P. BUSER, Geometry and spectra of compact Riemann surfaces. Birkhaüser (1992). [CE] J. CHEEGER, D. EBIN, Comparison theorems in Riemannian geometry. North Holland, Amsterdam (1975). [DC] M. P. DO CARMO, Riemannian geometry. Birkhaüser, Basel (1992). [GHL] S. GALLOT, D. HULIN, J. LAFONTAINE, Riemannian geometry. Universitext. SpringerVerlag, Berlin, (1990). [M] J. MILNOR, Topology from the differentiable viewpoint. The University Press of Virginia, (1965). [MM] J. MILNOR, Morse Theory. Annals of Math. Studies, Princeton University Press, (1963). [MS] J. MILNOR, J. STASHEFF, Characteristic classes. Annals of Math. Studies, Princeton University Press, (1967). [S] M. SPIVAK, A comprehensive introduction to differential geometry. 5 volumes. Publish or Perish, Berkeley CA. (1979). 153 Table des matières 1 Calcul des variations 1.1 Équations d’Euler-Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 Métriques riemanniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 Optique géométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.3 Problèmes variationnels lagrangiens . . . . . . . . . . . . . . 1.1.4 Équations d’Euler-Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.5 Principe de moindre action de Hamilton . . . . . . . . . . . . 1.1.6 Problèmes variationnels lagrangiens sur les variétés . . . . . . 1.1.7 Mouvement du solide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.8 La toupie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Intégrales premières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.1 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2.2 Symétries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Mouvement du solide autour d’un point fixe, sans forces extérieures . 1.3.1 Conservation du moment cinétique . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Equation d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.3 Résolution des équations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.4 Quasipériodicité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Transformation de Legendre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.4.2 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Équations de Hamilton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.1 Une reformulation des équations de la dynamique . . . . . . . 1.5.2 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5.3 Equivalence entre Euler-Lagrange et Hamilton . . . . . . . . 1.5.4 Cas des lagrangiens homogènes de degré 1 . . . . . . . . . . . 1.6 Origine symplectique des équations de Hamilton . . . . . . . . . . . 1.6.1 La 1-forme canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6.2 La 2-forme canonique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6.3 Transformations canoniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6.4 Crochet de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6.5 Intégrales premières et hamiltoniens . . . . . . . . . . . . . . 1.6.6 Symétries hamiltoniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.6.7 Equations de Hamilton sur les variétés . . . . . . . . . . . . . 1.6.8 Structure symplectique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7 Méthode d’Hamilton-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.1 Fonction génératrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.2 Equation d’Hamilton-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.3 Front d’onde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.4 Systèmes complètement intégrables . . . . . . . . . . . . . . . 1.7.5 Méthode d’Hamilton-Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 La toupie symétrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 1 2 2 3 5 5 6 6 7 7 8 9 9 10 10 10 11 11 12 13 13 13 14 15 15 15 16 16 17 18 18 19 19 20 20 21 22 22 23 25 TABLE DES MATIÈRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 25 26 26 27 27 27 28 29 29 2 Surfaces de R3 2.1 Exemples de surfaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1 Surfaces de révolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2 Surfaces d’égale pente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.3 Tubes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Première forme fondamentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Aire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Seconde forme fondamentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Courbure d’un graphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Paramétrage d’une surface par son plan tangent . . . . . . . . 2.3.3 Courbures principales, directions principales, sections normales 2.3.4 Intersection avec le plan tangent . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.5 Courbes tracées sur une surface . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.6 Calcul des courbures principales . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.7 Contact d’ordre 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4 L’application de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Dérivée de l’application de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3 Déformations isométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5 Surfaces équidistantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Aire et courbure des surfaces équidistantes . . . . . . . . . . . 2.5.2 Rayon d’injectivité normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 30 30 30 31 31 31 32 32 33 33 33 34 34 34 36 37 37 37 38 39 39 41 3 Connexion de Levi-Civita 3.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.1 Variétés riemanniennes . . . . . . . . . . . . . 3.1.2 Approche intuitive . . . . . . . . . . . . . . . 3.1.3 Roulement sans glissement ni pivotement . . 3.1.4 Cas des surfaces polyédrales . . . . . . . . . . 3.1.5 Dériver des champs de vecteurs . . . . . . . . 3.2 Existence et unicité de la connexion de Levi-Civita . 3.2.1 Notion de connexion . . . . . . . . . . . . . . 3.2.2 Peut-on annuler la matrice d’une connexion ? 3.2.3 Torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.4 Dériver des tenseurs . . . . . . . . . . . . . . 3.2.5 Connexion de Levi-Civita . . . . . . . . . . . 3.3 L’équation des géodésiques . . . . . . . . . . . . . . 3.3.1 Formule de la variation première . . . . . . . 3.3.2 Géodésiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3.3 L’application exponentielle . . . . . . . . . . 3.3.4 Coordonnées normales . . . . . . . . . . . . . 3.3.5 Lemme de Gauss . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 43 43 44 44 45 45 45 45 47 48 49 49 51 51 52 53 54 54 1.9 1.8.1 Angles d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . 1.8.2 Calcul du lagrangien . . . . . . . . . . . . . 1.8.3 Calcul du hamiltonien . . . . . . . . . . . . 1.8.4 Résolution de l’équation d’Hamilton-Jacobi Appendice : la dérivée de Lie . . . . . . . . . . . . 1.9.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9.2 Tenseurs invariants . . . . . . . . . . . . . . 1.9.3 Le cas des champs de vecteurs . . . . . . . 1.9.4 Cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9.5 Le cas des formes différentielles . . . . . . . 155 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TABLE DES MATIÈRES 3.4 3.5 156 3.3.6 Champs de Killing et intégrales premières . . . . . . . . . . . . Sous-variétés, variation du volume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.1 Connexion de Levi-Civita et seconde forme fondamentale d’une 3.4.2 Volume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.3 Volume d’une sous-variété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4.4 Produit scalaire induit sur les k-vecteurs . . . . . . . . . . . . . 3.4.5 Variation de l’aire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Complétude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5.1 Théorème de Hopf-Rinow . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5.2 Géodésiques et groupe fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5.3 Revêtements riemanniens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Courbure 4.1 Une première définition de la courbure . . . . . . . . . . . . 4.1.1 Dérivées covariantes secondes . . . . . . . . . . . . . 4.1.2 Torsion, hessien et laplacien . . . . . . . . . . . . . . 4.1.3 Courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.4 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.1.5 La courbure en dimension 2 . . . . . . . . . . . . . . 4.1.6 Courbure des sous-variétés . . . . . . . . . . . . . . 4.2 Courbure et métrique en coordonnées normales . . . . . . . 4.2.1 Champs de Jacobi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.2 Développement limité . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.2.3 Courbure sectionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Espaces à courbure sectionnelle constante . . . . . . . . . . 4.3.1 Liste d’espaces modèles . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3.2 Caractérisation des variétés modelées sur M κ . . . . 4.4 Théorèmes de comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.1 Le théorème de comparaison de Rauch . . . . . . . . 4.4.2 Unicité de f . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.3 Réduction à une inéquation différentielle matricielle 4.4.4 Analyse de l’équation de Ricatti matricielle . . . . . 4.4.5 Réduction à une inéquation de Ricatti scalaire . . . 4.4.6 Résolution des inéquations scalaires . . . . . . . . . 4.4.7 Encadrement de la résolvante de Jacobi . . . . . . . 4.4.8 Contrôle de la différentielle de l’exponentielle . . . . 4.4.9 Preuve du théorème 17 . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.10 Points conjugués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4.11 Formule de la variation seconde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sous-variété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 56 57 57 58 58 59 60 61 62 62 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 64 64 65 65 66 67 68 69 69 70 72 72 72 74 76 76 76 77 77 78 79 79 80 80 81 81 5 Surfaces à courbure constante 5.1 Théorème de Gauss-Bonnet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.1 La 1-forme de connexion d’un champ de repères local . . . . 5.1.2 Changement de repère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.3 1-forme de connexion et courbure . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.4 Courbure géodésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.5 Théorème de Gauss-Bonnet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.1.6 Premières conséquences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2 Le plan hyperbolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.1 La pseudosphère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.2 Le disque unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.2.3 Le demi-plan supérieur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Surfaces de Riemann et géométrie hyperbolique . . . . . . . . . . . . 5.3.1 Surfaces de Riemann et structures conformes en dimension 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 85 85 86 86 86 88 90 90 90 91 92 94 94 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TABLE DES MATIÈRES 157 5.3.2 5.4 5.5 Correspondance entre surfaces de Riemann et variétés riemanniennes mension 2 à courbure constante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Plomberie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.1 Surfaces à angles droits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.2 Bord à l’infini d’une surface hyperbolique à coins droits . . . . . . . 5.4.3 Hexagones à angles droits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.4 Pantalons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.5 Une famille de surfaces hyperboliques de genre g . . . . . . . . . . . Espace de Teichmüller . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.1 Isotopie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.2 Surfaces marquées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.3 Espace de Teichmüller du pantalon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.4 Coordonnées de Fenchel-Nielsen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Fibrés vectoriels 6.1 Fibrés vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.1.2 Isomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.1.3 Structures géométriques sur les fibres . . . . . . . 6.2 Constructions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2.1 Fibré induit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2.2 Sous-fibré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2.3 Produit cartésien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2.4 Somme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2.5 Autres opérations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Cocycles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3.1 Homotopie et isomorphisme . . . . . . . . . . . . . 6.3.2 Fibrés et recouvrements . . . . . . . . . . . . . . . 6.3.3 Fibrés vectoriels sur les sphères . . . . . . . . . . . 6.4 Fibré universel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4.1 Grassmanniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4.2 Propriété universelle des grassmanniennes . . . . . 6.5 Classes caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.1 Motivation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.2 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.3 Classe d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.4 Classes de Stiefel-Whitney . . . . . . . . . . . . . . 6.5.5 Classes de Chern . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.6 Unicité des classes de Chern et de Stiefel-Whitney 6.5.7 Classes de Pontrjagin . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.8 Caractère de Chern et produit tensoriel . . . . . . 6.5.9 Liens entre classes caractéristiques . . . . . . . . . 6.5.10 Nombres caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . 6.6 Quelques applications des classes caractéristiques . . . . . 6.6.1 Parallélisabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.2 Algèbres à division . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.3 Immersions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.4 Cobordisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.5 Lien avec la caractéristique d’Euler-Poincaré . . . 6.6.6 Lien avec la signature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . di. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 96 96 98 99 100 102 103 103 103 104 104 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 106 106 107 108 108 108 109 109 109 109 110 110 110 111 113 113 114 115 115 116 116 117 118 119 119 120 122 123 124 124 124 124 124 125 126 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . TABLE DES MATIÈRES 7 Connexions, théorie de Chern-Weil 7.1 Connexions sur un fibré vectoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.2 Matrice de la connexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.3 Connexion induite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.4 Transport parallèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.5 Construction de connexions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.6 Connexions et sous-fibrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.7 Connexions équivalentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.1.8 Fibré plat associé à une représentation du groupe fondamental 7.2 Courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2.1 Différentielle des formes à valeurs vectorielles . . . . . . . . . . 7.2.2 Courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2.3 Identités de Bianchi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2.4 Cas des fibrés de rang 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3 Théorie de Chern-Weil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.1 Polynômes invariants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.2 Homomorphisme de Weil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.3 Caractère de Chern . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.4 Classes de Pontrjagin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.5 Fibrés vectoriels réels orientés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.6 Polynômes invariants sur les matrices antisymétriques . . . . . 7.3.7 Classe d’Euler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3.8 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4 Fibré des repères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.2 Forme de connexion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.3 Forme de Maurer-Cartan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.4 Propriétés de la forme de connexion . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.5 Forme de connexion et transport parallèle . . . . . . . . . . . . 7.4.6 Courbure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.7 Connexions à courbure nulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5 Développement limité de l’holonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.1 Le 2-vecteur associé à un petit lacet . . . . . . . . . . . . . . . Laboratoire de Mathématique d’Orsay U.M.R. 8628 du C.N.R.S. Bâtiment 425 Université de Paris-Sud 91405 Orsay France [email protected] http ://www.math.u-psud.fr/∼pansu 158 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 127 127 127 128 128 128 129 130 130 131 131 133 134 135 136 136 137 139 139 139 140 142 143 146 146 147 147 148 149 150 150 151 151