Traitement actualisé de l`œdème pulmonaire cardiogénique

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Actualités thérapeutiques
Traitement actualisé
de l’œdème pulmonaire
cardiogénique
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Nosologie et algorithme thérapeutique
en fonction des principaux tableaux
cliniques
Erwan L’Her, Ollivier Grimault
Réanimation et urgences médicales, CHU de la Cavale Blanche, 29609 Brest Cedex
<[email protected]>
L’œdème aigu pulmonaire cardiogénique est une pathologie très fréquente, d’autant plus
fréquente que la population avance en âge. La mortalité au décours d’un premier épisode est
importante et supérieure à 50 % à un an. Malgré la grande fréquence de cette pathologie, les
traitements médicamenteux disponibles ont jusqu’à présent peu évolué, contrairement à ceux
de l’insuffisance cardiaque chronique. Les nouveautés essentielles dans le traitement médicamenteux de l’œdème pulmonaire sont la mise en évidence récente du rôle prépondérant des
vasodilatateurs nitrés dans la grande majorité des tableaux cliniques, ainsi que la place plus
limitée de l’administration « traditionnelle » de diurétiques de l’anse. La ventilation non
invasive a aujourd’hui toute sa place en situation d’urgence, en cas d’échec des traitements
médicaux de première ligne ou de détresse vitale immédiate. Dans ce cas, elle a fait la preuve
de son efficacité en termes de limitation de la morbidité (réduction du taux d’intubation) et de
la mortalité précoce.
Mots clés : œdème pulmonaire cardiogénique, traitement médical, oxygène, ventilation non
invasive
doi: 10.1684/met.2007.0139
L’
mt
Tirés à part : E. L’Her
œdème aigu pulmonaire cardiogénique (OAP) est une pathologie très fréquente [1, 2], d’autant plus
fréquente que la population avance en
âge [3]. La mortalité au décours d’un
premier épisode est importante, de
l’ordre de 20 à 40 % [4, 5], avec une
mortalité à un an de l’ordre de 50 %
[6]. Une revue générale publiée en
1974 recommandait déjà l’utilisation
d’une association oxygène-morphinedérivés nitrés-diurétiques de l’ansedigitaliques [7]. Malgré la grande fréquence de cette pathologie, les
traitements médicamenteux disponibles ont en fait peu changé en 35 ans,
contrairement à ceux de l’insuffisance
cardiaque chronique [8]. Les seules
mt, vol. 13, n° 6, novembre-décembre 2007
vraies nouveautés viennent de la proposition récente d’utilisation des dérivés nitrés en bolus et de la restriction à
l’usage « traditionnel » des diurétiques. Une des explications possibles
quand à l’absence d’avancée thérapeutique significative dans ce
domaine vient de l’existence d’un réel
problème nosologique [9]. En effet,
l’OAP est une situation clinique générique correspondant en fait à des
tableaux
cliniques
hétérogènes.
L’OAP de l’urgentiste (OAP aigu du
sujet âgé sur dysfonction diastolique,
sans facteur déclenchant évident) est
clairement différent de celui vu habituellement par les cardiologues (OAP
subaigu sur dysfonction systolique
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Actualités thérapeutiques
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chronique ou OAP suraigu sur syndrome coronarien, souvent chez des patients plus jeunes), ou encore de celui pris
en charge par les réanimateurs (OAP dans le cadre d’un
état de choc cardiogénique). La clarification des algorithmes thérapeutiques est d’abord passée par la mise en
évidence de ce problème nosologique, avec en particulier
la définition de l’insuffisance cardiaque diastolique puis
par l’acceptation de sa grande fréquence en situation
aiguë.
La coexistence de pathologies cardiaques et respiratoires chez les patients admis en urgence pour détresse
respiratoire aiguë renforce par ailleurs la difficulté du
diagnostic étiologique. Dans une étude sur 122 patients
admis pour décompensation cardiaque, le diagnostic final
d’OAP isolé n’était retenu que dans 29 % des cas (concordance de trois avis cardiologiques, du cliché thoracique,
de l’échographie cardiaque, du dosage de BNP). Une
BPCO ou une obésité sous-jacente étaient considérées
comme responsables de 42 % des « faux diagnostics »
[10]. Dans une étude sur 11 000 patients hospitalisés pour
OAP, 54 % des patients étaient âgés de plus de 70 ans et
24 % étaient atteints d’une pathologie pulmonaire chronique [11].
L’objet de cet article est de faire le point sur les
différents algorithmes thérapeutiques à domicile, aux
urgences, ou encore dans un service hospitalier, face à un
patient présentant un OAP manifeste, en tenant compte de
la nosologie actuelle.
Traitements médicaux disponibles
Oxygénothérapie
L’oxygénothérapie est indispensable à la phase initiale
de l’OAP, que ce soit au masque à haute concentration ou
sous pression positive [12]. Que le patient soit porteur
d’une BPCO ou non, la menace vitale est alors l’hypoxémie et non l’hypothétique survenue ou aggravation d’une
hypercapnie. Si la baisse de la ventilation est effective
après mise en route de l’oxygénothérapie, il ne faut cependant que quelques minutes pour qu’elle retrouve son
niveau préalable [13, 14]. Dans une série de patients âgés
admis aux urgences pour OAP (âge = 84 ± 6 ans), le
niveau de PaCO2 initialement élevé chez un tiers des
patients (> 50 mmHg) diminuait très rapidement sous traitement médical, malgré une oxygénothérapie initiale à
haut débit (FIO2 > 60 % dans tous les cas) [4].
En médecine générale ambulatoire, l’indication d’un
équipement d’oxygénothérapie doit se discuter en fonction des conditions d’exercice du praticien (rural, semirural, urbain). En dehors des problèmes éventuels liés aux
coûts de l’équipement et à son entretien, le bénéfice
majeur apporté par cette thérapeutique lors de la prise en
charge initiale de tout type de détresse respiratoire doit
être discuté.
Chlorhydrate de morphine
Le chlorhydrate de morphine fait partie du traitement
médicamenteux conventionnel de l’OAP depuis des
décennies, même si son utilisation en France reste en
pratique peu importante. Utilisé pour sa capacité à diminuer la dyspnée, il possède également une action vasodilatatrice veineuse. Son utilisation se fait en bolus à la
phase initiale (2 à 5 mg en intraveineuse lente, à renouveler si nécessaire), en l’absence d’hypercapnie patente
(troubles de la conscience) [15].
L’effet dépresseur respiratoire potentiel de la morphine
ne doit pas limiter son utilisation. En effet, le patient en
insuffisance ventriculaire gauche aiguë est polypnéique,
avec une respiration superficielle et il développe un petit
volume courant. L’espace mort anatomique étant incompressible, le volume alvéolaire correspondant à la ventilation efficace est donc diminué. Si on diminue la fréquence
respiratoire de ce patient, on augmente donc le volume
courant développé et on diminue l’importance relative de
l’espace mort. La diffusion des gaz à travers la membrane
alvéolo-capillaire est donc optimisée, avec comme résultante une amélioration de l’hématose. La diminution de la
sensation de dyspnée permet en outre de diminuer
l’anxiété importante des patients et donc de réduire leur
consommation myocardique en oxygène.
Dérivés nitrés
Ils ont un effet vasodilatateur mixte, essentiellement
veineux, et vont diminuer la précharge, la postcharge
ventriculaire gauche ainsi que la demande myocardique
en oxygène. Par ailleurs, ils sont doublement utiles lors de
cardiopathies ischémiques décompensées de par leur effet
vasodilatateur coronarien.
Leurs caractéristiques pharmacocinétiques (demi-vie
65 ± 30 min ; durée d’action 2 à 5 min.) en font le traitement de choix à la phase aiguë. La voie d’action la plus
rapide (< 2 minutes) est la voie sublinguale, disponible
avant même la pose d’une voie veineuse (2 à 3 sprays à
répéter en fonction de la tension artérielle). La poursuite
du traitement sera assurée par voie intraveineuse, même si
dans les cas les moins graves le traitement sublingual peut
s’avérer suffisant [16] ou le relais par la voie transcutanée
discuté. Dans une étude randomisée, Cotter et al. comparaient l’efficacité et la sécurité du furosémide et des dérivés
nitrés à différentes posologies. En cas de tension artérielle
normale ou élevée, une dose importante de nitrés administrée en bolus (3 mg IV, renouvelés toutes les 5 minutes)
associée à 40 mg de furosémide, s’avérait plus efficace
qu’une dose élevée de furosémide (80 mg IV, éventuellement renouvelé toutes les 15 minutes) associée à une
faible dose de nitrés en continu (1 mg par heure, augmentée de 1 mg par heure toutes les 10 minutes), en termes de
réduction des ischémies aiguës et de recours à la ventila-
mt, vol. 13, n° 6, novembre-décembre 2007
tion mécanique [17]. Une étude de faisabilité a clairement
confirmé la possibilité de mise en route de ce régime
thérapeutique en situation de médecine d’urgence [18].
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Diurétiques
L’utilisation « traditionnelle » de diurétiques au cours
de l’OAP a pour but de diminuer la congestion pulmonaire et d’augmenter la diurèse des patients. Les diurétiques de l’anse sont préférés aux autres classes pour leur
action rapide, leur disponibilité en intraveineux et
l’absence de contre-indication en cas d’insuffisance
rénale. L’injection intraveineuse de diurétiques a un effet
clinique net assez rapide, avec une diminution rapide de
la pression capillaire pulmonaire par vasodilatation, bien
avant la survenue de l’effet diurétique réel (≥ 20 minutes).
La dose initiale recommandée est de 1 mg/kg. Leur demivie étant de 6 heures, il est donc inutile de répéter les
injections dans les premières heures, d’abord parce
qu’elles risquent de ne pas apporter d’amélioration clinique, et surtout parce qu’elles peuvent s’avérer rapidement
délétères, entraînant une hypovolémie voire une insuffisance rénale aiguë.
Compte tenu de l’efficacité supérieure des vasodilatateurs nitrés, ainsi que des effets secondaires potentiels des
diurétiques chez des sujets âgés, en particulier en cas de
dysfonction diastolique (hyponatrémie, hypokaliémie,
aggravation de la fonction rénale), les diurétiques doivent
être maniés avec pondération.
En cas de réponse insuffisante à la dose initiale de
diurétique de l’anse (le plus souvent chez les patients
prenant ce traitement au long cours), en l’absence de
contre-indication (insuffisance rénale notamment), il est
préférable d’associer un diurétique thiazidique ou une
spironolactone à petite dose afin de potentialiser l’action
du diurétique initial, plutôt que de répéter les doses de
diurétique de l’anse [8].
Inotropes positifs
La digoxine a un effet inotrope lent, chez des patients
en rythme sinusal ou en fibrillation auriculaire, ce qui en
limite l’intérêt au cours de l’OAP. Elle ne doit pas être
utilisée en cas de trouble de conduction ou d’ischémie
myocardique.
La dobutamine sera réservée aux patients présentant
une hypotension artérielle à l’admission, secondaire à un
état de choc cardiogénique. Elle s’administre en IVSE
possiblement sur une voie périphérique, à des doses se
situant généralement entre 5 et 10 c/kg/min, sous surveillance hémodynamique continue, en attendant un traitement spécifique de la défaillance cardiaque aiguë. Par
son activité sur les récepteurs bêta 2, elle possède également une activité vasodilatatrice minime.
En l’absence d’état de choc patent, les autres amines
(noradrénaline, dopamine) n’ont pas d’intérêt étant donné
leur action vasoconstrictrice qui augmente la pré- et la
postcharge du VG.
Utilisation de la ventilation non invasive
Dès le début du siècle, Emerson avait clairement
objectivé un bénéfice clinique à l’utilisation de la ventilation non invasive (VNI) au cours de l’OAP [19]. Il y a plus
de 70 ans, Poulton et Oxon décrivaient de façon extrêmement claire les modalités pratiques et l’intérêt clinique de
l’utilisation de la CPAP à haut débit dans cette même
indication [20]. Les auteurs détaillaient parfaitement un
certain nombre de points pratiques essentiels, dont celui
de l’application d’un débit de gaz frais dans le circuit
nécessairement supérieur à la demande inspiratoire du
patient. Pour ce faire, le haut débit de gaz frais administré
à l’intérieur du circuit de ventilation était obtenu à l’aide
d’un moteur d’aspirateur ménager monté à l’envers.
Jusqu’à une période récente cependant, les recommandations internationales concernant la prise en charge de
l’OAP n’incluaient pas la VNI. Cependant, la VNI est
actuellement utilisée en routine dans cette indication, tant
à la phase préhospitalière du traitement qu’aux urgences,
avec comme objectifs d’améliorer rapidement les symptômes de détresse respiratoire aiguë (dyspnée et tachypnée) et de limiter la nécessité de recours à une assistance
ventilatoire invasive [4, 12, 20-24]. Elle permet une diminution du travail musculaire, évite le collapsus alvéolaire,
améliore les conditions hémodynamiques en optimisant
l’index cardiaque et en réduisant la précharge par une
limitation du retour veineux. Des métaanalyses récentes et
la conférence de consensus française d’octobre 2006 ont
très clairement positionné la VNI au cours du traitement
de l’OAP [23-27] et permettent de recommander son
utilisation en routine, dans un cadre prédéfini. En cas de
détresse respiratoire persistante après traitement médicamenteux bien conduit, la ventilation non invasive quelle
qu’en soit la modalité (CPAP – pression positive continue
ou BiPAP – ventilation en pression positive à double
niveau) (figures 1-3), permet de réduire de plus de 50 % le
taux d’intubation et de diminuer la mortalité, tout au
moins à la phase initiale [21-23].
Nosologie et algorithmes
thérapeutiques
Quatre scénarios cliniques essentiels !
(tableau 1)
Sans rentrer dans des détails physiopathologiques correspondants aux différents autres tableaux d’OAP que peut
être amené à prendre en charge en milieu spécialisé un
cardiologue ou un réanimateur, quatre scénarios cliniques
essentiels peuvent être individualisés, afin de schématiser
tant la physiopathologie de la décompensation cardiaque
que la thérapeutique à mettre en œuvre à la phase aiguë
de la prise en charge [25, 26].
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Actualités thérapeutiques
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Figure 1. CPAP “Boussignac” – VygonTM. Ce dispositif de
CPAP est actuellement très utilisé, tant aux urgences qu’en
pré-hospitalier, en raison de sa grande simplicité d’utilisation, de
son faible encombrement, ainsi que du caractère « ouvert » du
dispositif permettant au patient de parler et de prendre un débit
d’air additionnel à l’extérieur du circuit en cas de débit inspiratoire
insuffisant. A ) Dispositif de CPAP inséré dans un masque facial
standard ; B) manomètre à oxygène permettant l’application de la
pression expiratoire positive (PEP ; dépendante du débit administré) ; C) manomètre de pression permettant de vérifier la valeur de
PEP administrée au patient, en fonction du débit d’oxygène
(variable en fonction du débit inspiratoire du patient).
Le scénario clinique n° 1 (SC1) est de loin le plus
fréquent en urgence pour le médecin généraliste, comme
pour le médecin urgentiste (> 65 % des cas (25)). Il peut
être résumé par un OAP brutal avec hypertension artérielle (tension artérielle systolique – TAS > 150 mmHg).
Les œdèmes systémiques sont le plus souvent absents. Le
point essentiel concernant ce scénario clinique est que le
patient est dans ce cas le plus souvent normovolémique,
voire même hypovolémique, en particulier s’il est traité
comme cela est très fréquemment le cas par diurétiques au
long cours. De façon caricaturale, la démonstration suivante de ce point de vue peut-être faite :
– avant la décompensation (T0), la volémie efficace du
(V0) patient est normale (~ 5 L/min) ;
– à l’occasion d’un facteur déclenchant quelconque, de
caractère aigu, le patient se met en OAP (T1) ; en raison du
caractère brutal du tableau, sa volémie efficace (V1) est
forcément inférieure à V0 (V1 = V0 – V volume œdème
pulmonaire).
Toute tentative de déplétion excessive aura donc
comme effet secondaire potentiel de faire avant tout baisser V1 au détriment d’une perfusion d’organe adéquate, en
particulier rénale. La déplétion hydrosodée par diurétiques de l’anse ne peut donc être l’objectif thérapeutique
essentiel ! Le traitement médical aura donc comme but de
réduire l’œdème pulmonaire en normalisant la volémie
efficace, par le biais de l’administration de vasodilatateurs
(dérivés nitrés). L’échographie cardiaque réalisée chez un
Figure 2. Dispositif de CPAP à haut débit WhisperFlow 2 –
CaradyneTM. Plusieurs dispositifs de CPAP à haut débit sont
actuellement commercialisés. Leurs caractéristiques techniques
sont à peu de choses près équivalentes. Le circuit de CPAP est
disponible prémonté (masque, valve, tuyau, araignée de fixation).
Les valves de contrainte à ressort permettant l’administration de la
pression expiratoire positive (PEP) sont prétarées à une valeur fixe
(en routine, utilisation de valeurs de 7,5 ou 10 cmH2O). Seul ce
type de dispositifs permet l’application de haut débits d’oxygène
pur au patient (fraction inspirée d’oxygène FIO2 = 100% – débit
instantané maximal ~130 L/min). Cependant, sa grande consommation en termes de gaz frais, ainsi qu’une ergonomie moins
importante que la CPAP Boussignac en limite l’utilisation en
pré-hospitalier. A) réglage de la FIO2 (réglé au maximum lors de la
prise en charge initiale) ; B) réglage du débit instantané de gaz
frais (réglé au maximum lors de la prise en charge initiale, afin de
toujours se situer au dessus du débit inspiratoire du patient, car le
circuit est fermé) ; C) bouton ON/OFF ; D : circuit d’administration
des gaz ; D) masque facial standard, à bord libre en silicone ; E)
valve de contrainte à ressort tarée à une valeur fixe (ici
7,5 cmH2O).
patient présentant le SC1 objective le plus souvent une
fraction d’éjection ventriculaire gauche normale [27].
Le scénario clinique n°2 (SC2) correspond à une
décompensation cardiaque subaiguë. L’hypertension artérielle n’est pas au premier plan (TAS ~ 100-150 mmHg). La
dyspnée s’est développée de façon plus progressive. On
constate la présence d’œdèmes systémiques diffus et une
prise de poids. L’OAP est le plus souvent bien moins
marqué que dans le SC1. Le traitement médical dans ce
cas consistera en la mise en route des vasodilatateurs
nitrés en fonction de la tolérance tensionnelle, associés ou
non à un renforcement du traitement diurétique, sans
oublier de tenir compte de la volémie efficace du patient et
de sa fonction rénale.
Le scénario clinique n°3 (SC3) correspond à un tableau
d’OAP associé à une hypotension artérielle (TAS
< 100 mmHg), plus ou moins accompagné de signes
d’hypoperfusion périphérique. Le traitement médical
essentiel consiste en l’introduction d’agents inotropes en
milieu hospitalier. Une fois encore le traitement diurétique
devra être prudent et adapté à la volémie efficace.
mt, vol. 13, n° 6, novembre-décembre 2007
Tableau 1. Algorithme de prise en charge d’un OAP
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1- Évaluation de l’état clinique et conditionnement initial
– Monitoring fréquence respiratoire (FR), ECG, SpO2, Tension artérielle,
Température, Cliché thoracique.
– Oxygénothérapie haut débit, au masque à haute concentration
(objectifs : SpO2 ≥ 92 % et diminution de la FR).
– Mise en route d’une ventilation non invasive en cas de signes de détresse
respiratoire majeure.
– Dosage du BNP, NT-pro BNP en cas de doute diagnostique uniquement.
– En médecine générale, seule la clinique (fréquence respiratoire, pouls,
tension artérielle) est disponible ; l’indication d’un équipement
d’oxygénothérapie doit se discuter en fonction des conditions d’exercice du
praticien (rural, semi-rural, urbain).
2- Traitement médicamenteux en fonction de la présentation
clinique
SC1 : Oxygénothérapie ; Morphine en l’absence de contre-indication ;
Dérivés nitrés en bolus (débuter en spray, 2-3 bouffées toutes
les 3-5 minutes, puis poursuivre en bolus IVD 2-3 mg toutes
les 3-5 minutes selon la TAS) ; si diurétiques de l’anse, uniquement avec
prudence (posologie ≤ 1 mg/kg ; ne pas les renouveler).
SC2 : Oxygénothérapie ; Morphine en l’absence de contre-indication ;
Dérivés nitrés selon les mêmes modalités ; diurétiques de l’anse
(posologie ≤ 1 mg/kg).
SC3 : Oxygénothérapie ; Morphine en l’absence de contre-indication ;
Inotropes à la seringue électrique, en milieu hospitalier (dobutamine
5-10 c/kg/min) ; si diurétiques, uniquement avec prudence
(posologie ≤ 1 mg/kg ; ne pas les renouveler).
SC4 : Oxygénothérapie ; Morphine en l’absence de contre-indication ;
Dérivés nitrés selon les mêmes modalités, avec relais en continu à la
seringue électrique ; revascularisation coronarienne en urgence.
Figure 3. Ventilation non invasive à double niveau de pression
(CPAP + Aide Inspiratoire). Des arguments physiologiques plaident pour une supériorité de ce type d’assistance ventilatoire non
invasive, en termes de réduction optimale de l’effort inspiratoire
des patients. Il s’agit actuellement du mode ventilatoire de référence lors de la prise en charge d’une décompensation aiguë de
bronchopneumopathie chronique obstructive. Ce type de ventilateur permet à la fois l’administration d’une VNI de qualité chez un
patient BPCO ou en OAP, mais également de ventiler de façon
invasive (intubation endotrachéale) tout type de patients. En
l’absence de preuve clinique de supériorité au cours de la prise en
charge de l’OAP, de gros problèmes d’ergonomie liés à son
utilisation tant en préhospitalier qu’aux urgences (encombrement,
plus grande complexité des réglages) et du coût des dispositifs, ce
type d’assistance ventilatoire doit être pour l’instant être réservé
aux services de réanimation ou aux centres expérimentés.
Le scénario clinique n°4 (SC4) correspond à un tableau
d’OAP dans un contexte de syndrome coronarien aigu.
L’urgence est avant tout à la revascularisation coronarienne. Les dérivés nitrés ont une fois de plus leur place à
la phase aiguë.
Les points essentiels de cette prise en charge physiopathologique en tenant compte des différents scénarios
cliniques sont donc : 1) la grande prudence nécessaire
dans l’utilisation des diurétiques, compte tenu de leur
efficacité réelle modérée dans la grande majorité des cas,
associée à une innocuité non démontrée ; 2) le rôle prépondérant dans le traitement médical des vasodilatateurs
nitrés.
3- Objectifs thérapeutiques
– Diminution de la dyspnée et de la fréquence respiratoire.
– Diminution de la fréquence cardiaque.
– Maintien ou restauration d’une diurèse > 0,5 mL/kg/min.
– Si TA initialement élevée, maintien d’une TAS >100 mmHg afin de
préserver une perfusion d’organe adéquate.
– Restauration d’une perfusion d’organes, en cas d’hypotension artérielle
initiale.
Conclusion
Les dérivés nitrés constituent actuellement le socle
essentiel du traitement médical de l’OAP, tant en médecine ambulatoire (utilisation des sprays) qu’en intrahospitalier (bolus intraveineux, avec ou sans relais en continu).
La prudence et la modération sont nécessaires quand à
l’utilisation des diurétiques, qui ne sont en aucun cas la
priorité absolue du traitement dans la majorité des scénarios cliniques. En cas de détresse respiratoire persistante
après un traitement médical bien conduit, ou en cas de
détresse vitale immédiate, la mise en route d’une VNI
permet de limiter de façon significative la morbidité et la
mortalité précoce des patients. Malgré tout cela, la mortalité au décours d’un premier épisode reste importante et le
clinicien doit garder en mémoire le fait que l’insuffisance
cardiaque est avant tout une pathologie chronique, qui
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Actualités thérapeutiques
après stabilisation de l’épisode aigu, nécessitera une prise
en charge spécialisée au long cours.
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