Fiche de travail : méthodologie Vous résumerez ce texte en une phrase. Vous proposerez ensuite un résumé de 220 mots plus ou moins 10% Il n’est pas de présent historique sans souvenirs et sans pressentiments. L’univers politique, au milieu du XXe siècle, ne peut être saisi dans l’instant : chacun y retrouve la marque des événements que nous avons vécus, de l’avenir qui mûrit. Conscience historique, la conscience du présent varie avec les continents, les pays, les partis. Pour nous, européens, la conscience du présent est dominée par deux faits majeurs : les grandes guerres qui ont ravagées le vieux continent, la désagrégation des empires édifiés au cours des siècles précédents et qui faisaient flotter l’Union Jack ou le drapeau tricolore à New-Delhi et à Saïgon , au centre de l’Afrique et dans les îles lointaines du Pacifique. Cet européo-centrisme risque-t-il de fausser notre compréhension ? Il ne le semble pas. La valeur que l’on donne aux bouleversements d’hier est évidemment autre, selon le centre d’observation choisi. Alors que l’Européen déplore un déclin provoqué par la fureur de guerres hyperboliques, l’homme de la Chine ou de l’Inde se réjouit que les circonstances aient hâté la fin d’une domination contre nature. L’un se souvient de ce qu’il avait apporté aux non-occidentaux, l’autre garde l’amertume des humiliations subies. L’un parle de l’effondrement des empires, l’autre de la libération des peuples. Ces oppositions verbales ne devraient pas dissimuler l’accord sur les données essentielles de l’époque. Dira-t-on que les guerres européennes du XXe siècle prendront demain une autre signification au regard des historiens américain, russe, chinois ou indien qui n’attribueront pas aux derniers soubresauts d’une civilisation moribonde plus d’importance qu’au petit cap de l’Asie lui-même ? Ainsi la guerre du Péloponnèse, sans le génie de Thucydide n’aurait pas eu plus de place dans les récits des historiens romains que les cités grecques, sommeillantes, n’en occupaient dans l’empire de Rome. On ne saurait exclure que la postérité révise les dimensions que nous prêtons aujourd’hui aux épisodes de notre siècle tumultueux. Aussi bien n’est-il pas question de prétendre échapper à son temps et à son milieu. Il importe seulement que notre perspective ne néglige pas ce que les autres observateurs, situés en d’autres terres, jugent important. La mise en place est et doit être datée, localisée. L’enracinement dans l’Europe du milieu du XXe siècle a d’ailleurs plus d’avantages que d’inconvénients. Ce qui s’est passé en Europe a manifestement déterminé, en une large mesure, ce qui s’est passé sur le reste de la planète. On peut affirmer, avec vraisemblance, que l’Inde serait, tôt ou tard, devenue 1 indépendante : la République de l’Inde, membre du Commonwealth, gouvernée par Jawaharlal Nehru, est sortie des deux guerres européennes. On incline à croire qu’en tout état de cause, la Chine, après la période de troubles ouverte par la décadence de la dynastie mandchoue et par l’influence occidentale, aurait retrouvé un Etat fort et se serait lancée dans la carrière industrielle : la Chine de Mao TséToung, des plans quinquennaux et du marxisme-léninisme est inintelligible si l’on ne suit pas le mouvement européen des idées et des événements, si l’on ne se reporte pas à la révolution de 1917, à l’assassinat d’un archiduc autrichien dans une ville obscure de la monarchie dualiste, à Hegel ou à Marx. On déterre quelques phrases d’Alexis de Tocqueville pour confirmer, après coup, que l’ascension de la Russie et des Etats-Unis était inscrite à l’avance au livre du destin. Peut-être, en effet, étaitelle rendue fatale par l’immensité des espaces américains et russe comme par la division en Etats jaloux de l’espace européen. Il n’en fallut pas moins, par deux fois, la menace de l’hégémonie allemande pour que les Etats-Unis prissent conscience de leur gigantisme. Il fallut l’épuisement des nations européennes pour que l’Union soviétique apparût, à elle-même et aux autres, irrésistible. A supposer qu’elles ne les aient pas crées, les guerres ont révélé les forces qui dominent la conjoncture. Ces guerres n’ont pas été mondiales seulement parce que les répercussions en ont été perçues jusqu’aux extrémités de la planète, parce que Sénégalais ou Indiens sont venus mourir dans les boues des Flandres, parce que les Anglais se sont frayé leur chemin dans les jungles de la Malaisie ou que les Iles Salomon ont servi de théâtre aux combats des Américains ou des Japonais. Ces guerres ont été livrées avec les instruments, au nom des valeurs (ou des mots) de la civilisation européenne. Du taxi de la Marne à la bombe atomique, il y a quarante ans d’écart, l’intervalle entre deux âges de la technique militaire et de la civilisation industrielle. Plus qu’à aucune autre époque les armées, par leur structure comme par leur équipement, sont aujourd’hui le reflet des sociétés. La prééminence des nations européennes devait s’écrouler le jour ou les masses humaines d’Asie auraient acquis les outils de production et de combat qui avaient donné fortune et puissance aux européens. Ces derniers exportaient leurs idées en même temps que leurs machines. Il y a un siècle, il ne sentait pas la contradiction entre le principe des nationalités dont ils se réclamaient et les conquêtes lointaines qu’ils menaient avec bonnes conscience. « Peuples supérieurs », ils se croyaient autorisés à gouverner les « peuples inférieurs ». Ce racisme implicite ne pouvait résister indéfiniment à la découverte de la grandeur des autres civilisations, à l’évidence de la précarité de la suprématie européenne. Les guerres firent éclater la contradiction entre le principe sur lequel était fondé l’ordre en Europe et celui sur lequel reposaient les empires européens hors d’Europe. Les métropoles françaises et britannique se battaient ou prétendaient se battre pour le droit des nations à disposer d’elles-mêmes et refusaient le bénéfice de ce droit aux peuples d’Afrique ou d’Asie. Ce n’est pas par hasard que les concepts de nation et d’empire ont fait le tour de la planète et 2 constituent, en apparence, une antithèse fondamentale dont un des termes désigne le bien et l’autre le mal. La diffusion de ces termes ne va pas sans confusion et sans équivoque. Le type idéal d’un Etat national est celui d’une unité politique, dont les citoyens appartiennent tous à une même culture et manifestent la volonté de vivre en une communauté autonome. L’Etat impérial est imposé, le plus souvent par la conquête, à des peuples de langues et de cultures différentes. Probablement conviendrait-il d’ajouter au moins un troisième type idéal, celui de l’Etat fédéral (la Suisse par exemple), qui ne comporte ni homogénéité de culture ni contrainte du pouvoir. Il y a plus : les deux types idéaux ne sont jamais intégralement réalisés et l’on hésite souvent à ranger les cas intermédiaires dans une catégorie ou dans une autre. Même à l’intérieur d’un Etat national comme la France, on discerne des minorités dont la langue (basque, celte) et la culture ne sont pas les mêmes que celles de la majorité. L’homogénéité de culture est le résultat de l’histoire, c’est-à-dire souvent de conquêtes. Enfin, il n’y a pas toujours accord entre l’appartenance de fait à une culture et la volonté d’appartenir à une unité politique. Les Alsaciens parlaient, en 1871, un dialecte germanique. Intégrés au Saint-Empire romain de nationalité germanique au cours du Moyen Age, ils avaient conservé en 1871, en dépit de la victoire prussienne, la volonté d’être français. Le principe des nationalités prêtait à de multiples interprétations, selon que l’on mettait l’accent sur le libre choix des personnes (ce qui répondait à la conception française) ou sur l’essence nationale, dont participaient les hommes, même s’ils la récusaient (tendance de l’idéologie allemande). De même la notion d’empire est mal définie. La Russie tsariste, et l’Union soviétique qui en est l’héritière, est l’œuvre de conquêtes militaires. Multiples sont les populations de langues et de cultures diverses soumises à la loi moscovite. Lénine, avant de s’emparer de l’Etat, dénonçait l’impérialisme des Tsars rassembleurs de terres. Le droit de sécession pour les nationalités allogènes figurait au programme des bolchéviks, il figure encore dans les textes officiels. Ces nationalités auraientelles fait l’usage de ce droit de sécession au moment de la Révolution ? En feraientelles usage aujourd’hui, si on leur en donnait la liberté ? On peut spéculer indéfiniment, et sans profit, sur ce qui aurait pu être ou sur ce qui pourrait être.. Constatons simplement qu’il existe encore des Etats impériaux qui unissent de nombreuses communautés de culture. On ne doit pas exclure la possibilité d’un patriotisme impérial, tsariste ou soviétique, auquel adhérait une fraction, peut être considérable, des populations allogènes. Il est vain de prétendre, dans l’abstrait, accorder ou refuser aux communautés de culture le droit à la souveraineté politique. Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique, Plon ? 1960. 3 CORRECTION 1. Résumé en une phrase. Le déclin de l’Europe, la fin de sa suprématie ont fait éclater le système de valeurs lié aux concepts de nations et d’empires, sans pour autant dissiper toute confusion. 2. Résumé en 220 mots. Qu’on se situe en Europe ou en Extrême-Orient, on ne peut nier l’influence des guerres européennes du XXe siècle sur l’histoire des autres parties du monde. De l’Inde à la Chine, de la Russie aux Etats-Unis, leur effet a été déterminant, non seulement par leur répercussion immédiate, mais par la diffusion des techniques et des valeurs qu’elles véhiculaient. Celles-là ont apporté l’instrument de l’affranchissement ; celles-ci ont justifié l’emploi. Le déclin de l’Europe et l’émergence simultanée des autres civilisations ont fait éclater la contradiction entre la conquête des empires et la référence au droit des nations. Comment la France et l’Angleterre, prétendant en Europe combattre pour le droit, pouvaient-elles le dénier aux peuples d’Afrique et d’Asie qu’elles dominaient ? Mais ces deux concepts de nation et d’empire s’opposent-ils comme le bien et le mal ? Sont-ils antinomiques ? Le Etats nationaux sont politiquement homogènes, à la différence des Etats impériaux, imposés par la conquête. Mais, en fait, on ne trouve jamais de types nettement tranchés. Les nations n’impliquent pas toujours une identité parfaite de culture, comme le prouve l’Alsace de 1871. D’autre part, les empires supposent bien l’existence d’une souveraineté politique, mais ne ménagent-il pas une place pour un patriotisme impérial, en Russie par exemple ? 225 mots. 4