1 | 2016 DANSLESANG ÉDITORIAL Il est temps ­ Premièrement: Rien ne nous importe plus que la santé des personnes qui donnent leur sang ou reçoivent des produits sanguins. Deuxièmement: Rien ne nous ressem ble moins que de donner l’impression à tout un groupe de population que nous le discriminons. Mais que faire lorsque l’un mène automatiquement à l’autre? Les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes (HSH) sont exclus du don de sang. En premier lieu parce qu’ils affichent un taux de contamination par le VIH 30 fois supérieur à celui de la population globale. Cette haute prévalence du VIH justifie l’exclusion des HSH afin de protéger au mieux les receveurs des transfusions d’une infection au VIH. Car les méthodes de test les plus modernes ne permettent toujours pas de détecter tous les dons de sang infectés. Pour Swissmedic, autorité de surveillance, la sécurité des receveurs revêt également la plus haute priorité. Et cela est juste ainsi. Cependant, une exclusion systématique ne me semble plus de mise. Il est temps de trouver une solution appropriée, qui satisfasse autant que possible les deux objectifs. Nous venons d’entamer 2016. Mon but est que nous trouvions une telle solution d’ici à la fin de l’année. ­ Plus de donneurs de cellules souches du sang grâce à des actions de recrutement attrayantes comme le 30 juillet à Stans. SANG ET CELLULES SOUCHES DU SANG Premiers chiffres de 2015 Bien qu’encore provisoires, les chiffres de 2015 permettent d’ores et déjà d’établir un fait: La consommation de sang a de nouveau baissé tandis que le nombre de donneurs a explosé dans le secteur des cellules souches du sang. ­ De 2,8 à près de 10 Il aura suffi d’à peine sept ans pour que le changement de stratégie déploie ses effets : Avec un total de 78 564 donneurs ou 9,5 donneurs par millier d’habitants, la Suisse est remontée dans la moyenne en comparaison de ses voisins. ­ Dr Rudolf Schwabe Directeur et président de la Direction Transfusion CRS Suisse SA Changement de stratégie en 2008 En 2008, les responsables de la Fon­ dation Cellules souches du sang décidèrent de changer de stratégie en matière de recrutement de donneurs. En comparaison d’autres pays, la Suisse se situait à la 20e place des statistiques nationales avec 2,8 donneurs par millier d’habitants. L’accent fut alors mis sur l’enregistrement par le biais du site Internet complété par des groupages à l’aide de prélèvements de muqueuse buccale sur coton-tiges et par des actions d’enregistrement attrayantes. En 2015, 21 148 nouveaux donneurs de cellules souches du sang se sont inscrits au Registre suisse – un résultat qui dépasse les attentes les plus optimistes. Jusqu’en 2009, la Suisse comptait quelque 20 000 donneurs de cellules souches du sang, les taux de croissance annuels se situant entre 1 et 3% (voir diagramme à la page suivante). En 2015, le taux de croissance a grimpé à 39%. Recul constant de la consommation de sang Comme attendu, l’autre tendance principale de 2015 s’est confirmée. La consommation de sang dans les hôpitaux suisses a marqué un recul de 5–6 % par rapport à l’année précédente, comme déjà en 2013 et 2014. Malgré ce recul, l’approvisionnement en sang a connu des problèmes en 2015. Une pénurie sérieuse est apparue pendant le long été caniculaire et, selon l’évolution de l’épidémie de grippe actuelle, un manque de produits sanguins n’est pas exclu ces prochaines semaines (voir aussi page 4). de deux tiers des transfusions sanguines sont destinés à des patients de plus de 65 ans. Or, cette classe d’âge ne re présente que 20% de la population totale. Conclusion: Il y aura toujours moins de jeunes donneurs à disposition pour des receveurs de sang toujours plus âgés. ­ Donneurs nettement plus jeunes L’âge des donneurs et donneuses enregistrés a considérablement baissé ces sept dernières années. Ainsi, l’âge moyen est passé de 41 à 37 ans, évolution capitale pour deux raisons. D’une part, l’âge limite pour le don est fixé à 60 ans pour des questions de santé. D’autre part, il est prouvé médicalement que les cellules souches du sang de personnes jeunes sont plus efficaces. Changement de tendance prévisible Au vu de la mutation démographique, Transfusion CRS Suisse s’attend à une nouvelle croissance de la demande dans moins de cinq ans. Aujourd’hui déjà, près ­ 1 | 2016 Nombre de donneurs de cellules souches du sang enregistrés en Suisse In der Schweiz registrierte Blutstammzellspender 90000 80000 70000 60000 50000 40000 30000 20000 10000 0 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 PROJET HUMANITAIRE Du sang pour la Grèce Dans le cadre d’un projet humanitaire, la Suisse livre depuis des décennies des produits sanguins à la Grèce. Ces livraisons seront réduites à moyen terme d’entente avec le gouvernement grec. Chaque année, la Suisse livre quelque 30 000 concentrés de globules rouges à la Grèce, dont 10% de la population souffre d’anémie méditerranéenne, une maladie sanguine héréditaire. Les malades ont besoin de transfusions sanguines régulières et ne peuvent pas donner leur sang. Recours à la réserve d’urgence Ce projet humanitaire a été lancé dans les années 70 et ne présente pas d’inconvénient pour la Suisse. Afin d’assurer en tout En Grèce, 10% de la population souffre d’anémie méditerranéenne, une maladie sanguine héréditaire temps la disponibilité de produits sanguins pour des urgences, comme des accidents de grande ampleur, on se procure en Suisse toujours un peu plus de dons de sang que les hôpitaux ne prévoient d’en avoir besoin. Les produits sanguins stockés en Suisse comme réserve pour des urgences qui ne sont pas requis en Suisse sont alors exportés en Grèce. Les besoins des hôpitaux suisses conservent la priorité. Aucun gain financier Les produits sanguins sont livrés au prix de revient, soit un montant annuel total de près de six millions de francs. Ces recettes permettent à Transfusion CRS Suisse de couvrir les coûts élevés d’obtention, de préparation, d’analyse et de stockage. Aucun bénéfice n’est produit. Il ne serait pas possible de livrer les produits sanguins gratuitement ou à un prix réduit. Un tel arrangement financier dépasserait les ressources de Transfusion CRS Suisse. De plus, il soulèverait des questions juridiques. Les services de transfusion sanguine travaillent sur mandat de la Confédération et doivent financier leurs dépenses grâce aux prix de leurs produits sanguins. Il ne serait pas admissible de s’engager financièrement en Grèce aux dépens de la LAMal et d’influer ainsi sur les prix des produits en Suisse. Compte tenu des problèmes politiques et financiers que connaît la Grèce, les paiements ont pris beaucoup de retard ces dernières années mais il n’y a jamais eu d’impayé. Transfusion CRS Suisse n’en estime pas moins que ce risque est élevé. Réduction de moitié d’ici à 2020 Conjointement avec les partenaires grecs, il a été décidé de réduire le programme d’aide progressivement de moitié d’ici à cinq ans. En collaboration avec le ministère grec de la santé publique, Transfusion CRS Suisse tente de sensibiliser la population de sorte que le pays parvienne à couvrir ses besoins par lui-même d’ici à 2020. Les autorités grecques sont bien disposées à l’égard de ce calendrier. Il convient de relever, avec pragmatisme, que l’approvisionnement en sang ne figure pas parmi les priorités des Grecs en ce moment. 1 | 2016 APHÉRÈSE DE PL AQUET TES Un don de sang particulier Le don par aphérèse est une méthode de don de sang méconnue mais extrêmement précieuse. C’est pourquoi ces donneurs sont particulièrement sollicités. ­ Plaquettes obtenues grâce au séparateur de cellules Le don par aphérèse fait appel à un autre procédé: Le composant souhaité (globules rouges, plaquettes ou plasma) est prélevé mécaniquement du sang pendant le don et les composants non requis sont immédiatement réinjectés au donneur. Une solution de citrate est mélangée au sang prélevé pour éviter qu’il ne coagule hors de l’organisme. Plaquettes sanguines très demandées Les concentrés plaquettaires (thrombocytes) sont généralement administrés à des patients gravement malades. Ils interviennent dans la coagulation sanguine sans laquelle un patient se viderait de son sang. Les plaquettes sanguines peuvent s’obtenir de dons de sang complet, comme les globules rouges et le plasma. Il faut réunir les dons de cinq personnes possédant le même groupe sanguin pour produire une unité thérapeutique de plaquettes. Conservation limitée à sept jours Les concentrés plaquettaires se conser vent sept jours au maximum, et ce à une température d’environ 22°. Or, cela accroît le risque de prolifération des agents pathogènes présents dans le sang. En 2011, la Suisse a été le premier pays au monde à introduire le procédé d’inactivation des agents pathogènes à l’échelle nationale. Ce procédé inactive la plupart des virus, bactéries et parasites et est désormais appliqué également au plasma. Il est encore à l’étude pour les globules rouges. ­ Autres particularités de l’aphérèse de plaquettes: • Elle dure entre une et deux heures, donc nettement plus qu’un don de sang complet. • Les deux jours précédant le don, il ne faudrait consommer que des aliments non gras ou contenant peu de graisses. • Les cinq jours précédant le don, il ne faut plus ingérer certains médicaments comme l’aspirine ou des antirhumatismaux car ils influent sur la fonction plaquettaire. • Après le don, les plaquettes sanguines se régénèrent en quelques jours. Il est En 10 minutes, 450 millilitres de sang s’écoulent dans une poche transparente – c’est ainsi que se déroule le don de sang classique, comme on le connaît généralement. Outre ce don de sang complet, il existe le don par aphérèse, lors duquel seuls sont prélevés certains composants du sang du donneur – le plus souvent du plasma ou des plaquettes sanguines. donc possible de se soumettre à nouveau à un don après deux à quatre semaines tandis qu’un nouveau don de sang complet n’est autorisé qu’après trois ou quatre mois. Pour les globules rouges et le plasma, les groupes sanguins du donneur et du receveur doivent être identiques. Pour les plaquettes, c’est le type HLA qui est déterminant, d’où l’importance de cette forme de don. Chez certains patients, seuls des concentrés plaquettaires de types HLA déterminés sont efficaces. Le système HLA (antigènes leucocytaires humains) du patient est alors analysé et on recherche un donneur de plaquettes HLA compatible. En Suisse, on a procédé au groupage des caractéristiques HLA de beaucoup de donneurs de sang, qui ont été enregistrés dans un fichier central en vue d’un éventuel don de plaquettes sanguines par aphérèse. Nombre de donneurs de cellules souches du sang enregistrés, dont on connaît naturelle- ment le groupage HLA, sont disposés à donner des plaquettes. Le don par aphérèse atteint le niveau du don de cellules souches du sang (autrefois don de moelle osseuse), qui peut aussi se faire par aphérèse. On utilise alors les mêmes machines que pour l’aphérèse de plaquettes. La transplantation de cellules souches du sang requiert une concordance HLA élevée au possible entre le donneur et le receveur. ­ Système HLA au lieu du groupe sanguin Le don par aphérèse permet de ne prélever que certains composants du sang du donneur – généralement le plasma ou les plaquettes sanguines. 1 | 2016 HSH Une solution d’ici à la fin de l’année? Transfusion CRS Suisse examine les moyens d’alléger l’exclusion des hommes homosexuels du don de sang. APPROVISIONNEMENT EN SANG PLUS DIFFICILE La grippe est là La grippe a atteint la Suisse. Les services de transfusion sanguine ont alimenté leurs stocks mais certains groupes sanguins pourraient manquer. ­ A la mi-janvier, les annonces de suspicion de grippe de tout le pays ont atteint le seuil épidémique de 68 cas pour 100 000 habitants (source: OFSP Sentinella). Ainsi, l’épidémie de grippe débute pratiquement à la même période que l’année dernière. Mais on ne peut pas encore dire si elle sera aussi virulente que la précédente. Groupes sanguins 0– et A– recherchés En prévision de l’épidémie de grippe saisonnière, les services de transfusion sanguine ont alimenté leurs stocks de produits sanguins avant Noël, comptabilisant plus de 9000 concentrés de globules rouges au début de janvier. Cela n’aurait pas de sens d’en stocker davantage, d’une part à cause de la durée de conservation limitée des produits sanguins, d’autre part parce que l’étendue et la durée de l’épidémie de grippe peuvent fortement varier. Les stocks actuels sont satisfaisants d’un point de vue quantitatif mais pas quant aux groupes sanguins: Les deux groupes sanguins 0 négatif et A négatif très importants et recherchés par les hôpitaux sont nettement sous-représentés. Transfusion CRS Suisse ne peut donc pas exclure d’éventuels problèmes d’approvisionnement en sang ces prochains temps – en particulier pour les deux groupes sanguins précités. Suffisamment de sang en principe mais … La Suisse dispose en principe de suffisamment de dons de sang d’autant plus que la consommation de sang dans les hôpitaux baisse depuis 2013 (voir aussi page 1). Mais il peut quand même se produire une pénurie sérieuse de sang en été et en hiver. Lorsqu’on ressent des symptômes de type grippal, il ne faut pas donner de sang. Après la disparition des derniers symptômes, il faut encore respecter un délai d’attente de deux semaines. Cela signifie que tous les donneurs grippés sont suspendus pendant près d’un mois. IMPRESSUM Editeur: Transfusion CRS Suisse SA Laupenstrasse 37, 3001 Berne Courriel: [email protected] Examen individualisé L’organisation faîtière vise comme objectif à long terme l’introduction de l’examen individuel du comportement à risque de chaque donneur de sang, à l’instar du modèle présenté récemment en France. Une Cette exclusion se fonde sur une décision de l’autorité de surveillance Swissmedic du mai 2013 telle solution serait cependant plus complexe et demanderait plus de temps pour son application. Par ailleurs, il est extrêmement douteux que l’autorité de surveillance approuve un tel projet. Transfusion CRS Suisse intensifie ses efforts pour trouver une solution d’ici à la fin de l’année. «DANSLESANG» paraît trois fois par an en français et allemand à 1500 exemplaires. Pour plus de lisibilité, seule la forme masculine des termes se rapportant aux personnes est utilisée pour désigner à la fois les hommes et les femmes. ­ ­ Prise de la température: le don de sang est interdit en cas de symptômes grippaux. Une épidémie de grippe peut donc provoquer des problèmes d’approvisionnement en sang. Selon les prescriptions en vigueur, les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes (HSH) depuis 1977 sont exclus définitivement du don de sang. Cette exclusion se fonde sur une décision de l’autorité de surveillance Swissmedic, qui a refusé en mai 2013 d’assouplir ces dispositions. Cette décision reste contraignante pour les services de transfusion sanguine. Aux yeux de Transfusion CRS Suisse, différentes solutions sont envisageables. Parmi celles-ci figure l’option adoptée notamment aux Etats-Unis et en Suède. Ces pays admettent au don de sang les HSH qui n’ont pas eu de rapport sexuel pendant un an. Cette solution ne paraît vraiment pas optimale, comme l’ont montré les premières réactions en Suisse.