L`HOMME, CE ROBOT

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CHAPITRE 6
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Edmond BERNARD
L'HOMME, CE ROBOT
CHAPITRE 6
LA DIVERSIFICATION DES TECHNIQUES
DE MANIPULATION MENTALE
" Dans des conditions favorables n’importe qui peut être converti à n’importe quoi " 
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Aldous Huxlley ( Le meilleur des mondes -Plon –1950)
L’histoire abonde en assassinats politiques où le conditionnement a joué un rôle capital.
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Jean de Poltrot, jeune calviniste appartenant à la maison de Coligny, fut préparé en 1588 pour l’assassinat du
duc François de Guise, par son entourage et notamment sa mère. On lui fit faire à Genève un stage comportant
des jeûnes et des prières haineuses, et un endoctrinement par mensonges, flatteries et promesses : le duc de
Guise lui était présenté comme un être démoniaque et malfaisant que son devoir de protestant lui commandait
d’abattre.
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Pour sa vengeance la famille de Guise utilisa la même technique. Elle porta son choix sur le moine Jacques
Clément, individu extravagant, d’un mysticisme morbide, vouant une haine implacable aux huguenots. Hanté
par l’idée obsessionnelle que le roi Henri III était un ennemi du pape et que sa disparition serait un bienfait pour
la chrétienté, il apparut à la duchesse de Montpensier, soeur du défunt duc de Guise, comme l’instrument idéal
de sa revanche.Avec la complicité du supérieur du couvent dominicain de Clément, elle entreprit de le
conditionner. Après une période de régime alimentaire propre à augmenter sa suggestibilité, elle le soumit à de
fausses apparitions d’une Vierge enjôleuse et caressante qui promit de se donner à lui s’il tuait " Henri le
sodomite ". Le meurtre eut lieu en 1589.
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Lorsqu’en 1610, à son tour, le roi Henri IV fut abattu par Ravaillac, il n’y eut pas, comme pour Jacques
Clément, un traitement spécial, mais ce que l’on pourrait appeler un conditionnement d’ambiance. Les ennemis
du roi travaillaient habilement l’opinion publique. Les jésuites avaient répandu partout des brochures
promettant l’absolution à un meurtrier éventuel. Ravaillac qui vivait dans un somnambulisme permanent nourri
de fureur homicide, ne pouvait que trouver là, l’alibi justifiant son passage à l’acte.
Dans ces trois cas un recours aux techniques hypnotiques proprement dites n’a pas été
nécessaire ,. Les sujets, en vertu de leur structure psychique individuelle et d’un fanatisme de
nature religieuse, présentaient un terrain favorable. Il suffisait , pour les deux premiers, d’un
endoctrinement fallacieux, accompagné , pour le second, d’une mise en scène habile
(identique à celle utilisée par le " Vieux de la Montagne ") et, pour le troisième, d’une
propagande occulte avec promesse de récompense divine, pour en faire des tueurs
accomplis .
Les incitateurs ne disposent pas toujours de sujets aussi faciles à manipuler. En vue d’actions
de grande envergure, il fallait donc découvrir des moyens de manipulation psychique
applicables à toutes personnes.
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La direction de base des recherches spéciales, entreprises dans les temps modernes dans cette
optique, fut fournie par Pavlov qui n’hésitait pas à affirmer :
" Les hommes, ça ne naît pas, ça se fabrique "
Son disciple Skinner (Par delà la liberté et le dignité- R. Laffont –1972) découvrit, dans les années
1930 trois principes qui inspirèrent toutes les techniques de ce que les médias appelèrent
désormais le " lavage de cerveau ":
Le conditionnement opératoire : à chaque manifestation d’obéissance
répond une récompense.
La répulsion : à chaque acte de résistance correspond une punition.
La désensibilisation : le sujet est amené à une indifférence et une inertie
totales, en le faisant journellement assister à des scènes de plus en plus
violentes et intolérables.
Les méthodes de mise en oeuvre de ces principes, toutes destinées à un endoctrinement
forcé - par lequel un individu quelconque est conduit à accepter des idées
diamétralement opposées aux siennes et à adopter un comportement dirigé et contrôlé varient sur une très large palette, de la non-violence la plus doucereuse jusqu’à la plus
atroce brutalité.
Dans les méthodes douces, le sujet doit être conduit à estimer ses geôliers,à se sentir en
infériorité par rapport à eux, et à désirer se rallier à leurs positions. Pour cela il est bien
traité, logé et nourri. Journellement ont lieu des conversations amicales, avec un
interlocuteur placé sur un siège plus élevé que le sien . Par une dialectique habile
comportant un dosage judicieux de vérités et mensonges, on lui démontre que ses
opinions sont fausses et on lui inculque la " seule vérité ". Pour ne pas risquer de voir le sujet récupérer son sens critique, on l’empêche de se grouper avec d’autres.
L’endoctrinement est complété par des conférences, projections de films, lectures
imposées et auditions de " témoignages " . Il comporte aussi, selon les
recommandations de Skinner , tout un système de récompenses et punitions. Le
couronnement est la " conversion ", accompagnée d’une tapageuse publicité.
L’efficacité de ce genre de traitement est apparue dans un certain nombre de cas connus
cités par les médias .
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En 1949, le cardinal Mindszenty, primat de Hongrie, après 40 jours de détention au secret, fit
une confession publique de ses " crimes " et de son " complot " contre le régime communiste.
Plus tard, il affirma n’avoir subi aucun sévice mais seulement un endoctrinement.
En mai 196O, le pilote américain Francis Powers - dont l’avion avait été abattu en mission
d’espionnage au dessus de l’URSS - a fait au cours de son procès à Moscou une autocritique; et
a demandé aux Russes de lui pardonner le tort qu’il leur avait causé.
En 1974, Patricia Hearst, fille d’un milliardaire enlevée par une organisation révolutionnaire,
refusa de quitter ses ravisseurs même après que la rançon exigée de son père ait été versée.
Ayant subi une modification de sa personnalité, elle avait épousé leur cause.
Pendant la guerre de Corée, 70% des 7.000 prisonniers américains ont fait des confessions
publiques, et signé des pétitions .
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Avec les méthodes " dures ", on entre dans le domaine de la torture. Cet art de faire
souffrir, appartenant à toutes époques et civilisations, a atteint en notre siècle censé
" éclairé " la quasi-perfection technique.
Le mot " torture " évoque les souffrances purement physiques, y compris les agressions
basées sur des privations variées (nourriture, espace...) ; le maintien dans une obscurité
totale ou, au contraire, l’éblouissement permanent. Les promesses fallacieuses comme
les menaces pour soi-même ou les siens, le chantage, sont aussi à ranger dans ce
concept .
Dans l’Antiquité, la torture n’était légalement employée qu’à l’égard des esclaves.
Réapparue dans le cadre de la procédure pénale, au XIII° siècle, elle prit un
développement démesuré dans le domaine religieux où fut inventé le crime de " lèsemajesté divine " caractérisé par le rejet d’un dogme ou l’adhésion à une doctrine
condamnée par la théologie catholique.
Le pape Innocent IV est connu pour avoir " sanctifié la torture ", dans sa fameuse bulle " ad extirpendia " légitimant la lutte contre les hérésies.
La sinistre Inquisition put donc, en toute légalité, " au nom de Dieu ", sous la devise
paradoxale " Justicia et Misericordia ", martyriser des milliers de personnes pendant
plusieurs siècles.
Notre XX° siècle a le privilège peu enviable d’avoir réinventé et perfectionné la torture,
en la plaçant sur un terrain qu’auraient répudié les inquisiteurs eux-mêmes : l’illégalité
occulte, facile à nier. On la retrouve, ainsi hypocritement institutionnalisée dans des
systèmes policiers aussi bien que des organisations militaires ou paramilitaires .
L’objectif généralement poursuivi par les utilisateurs de la torture est l’aveu. Dans un
cadre judiciaire, il n’est plus aujourd’hui douteux que des aveux extorqués par la
violence sont dépourvus de toute crédibilité.
Dans le conflit entre la personnalité du torturé et le martyre subi, l’innocent comme le
coupable sont à égalité : pour faire cesser l’intolérable, que faire sinon donner
satisfaction à l’interrogateur ? C’est ainsi qu’en suscitant des aveux fantaisistes de
pactes et sabbats sataniques, les inquisiteurs ont pu établir une doctrine délirante qui fit
l’objet de très doctes traités.
Cependant ,l’exemple même de l’Inquisition illustre une conséquence parfois imprévue
de la torture : une transe de nature hypnotique qui donne aux aveux des accents de
sincérité. Beaucoup, parmi les prétendus sorciers poursuivis par elle, étaient amenés à
cet état par les chocs émotifs successifs causés par leur arrestation arbitraire (la plupart
du temps sur dénonciation) , par leur séjour dans des locaux sinistres, par la vue
d’instruments de torture complaisamment exposés, puis par les tortures proprement
dites accompagnées d’un interrogatoire pressant. Tout cela favorisait les hallucinations
rétrospectives où ils jouaient le rôle qu’on leur imputait.
Cet effet peut être obtenu même en dehors d’une utilisation de techniques de torture.
Les esprits lucides ne cessent de mettre en garde tous ceux qui , policiers ou
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magistrats , sont en contact avec des suspects, contre la puissance persuasive
inattendue de certains interrogatoires de sujets à forte suggestibilité.
Le traumatisme causé par les contraintes de la procédure judiciaire peut être parfois
suffisant pour qu’un investigateur, sans s’en douter, impose au prévenu une fausse
version des faits qu’il adoptera en état second.
A fortiori, les méthodes de torture " dite scientifique ", destinées ouvertement à faciliter
le conditionnement humain, peuvent-elles être d’une redoutable efficacité. Dans cette
catégorie se situe la technique de " privation sensorielle " appliquée par l’Allemagne ,
en 1970, sur des détenus politiques. Fred Mohr(:Allemagne de l’Ouest :isolement total et
privation sensorielle,une forme de torture pour les prisonniers politiques -Le Monde
diplomatique -N°243- juin 1974 ) a décrit cette expérience hallucinante. Dans une solitude
totale à l’intérieur de cellules acoustiquement isolées, sans fenêtre, aux murs et meubles
peints en blanc, éclairées par une lumière éclatante permanente, les détenus étaient ainsi
privés de tous stimuli sensoriels (bruits, contrastes d’ombres et lumières, couleurs ) et
de tous contacts humains (une nourritrure insipide leur étant distribuée à travers un
guichet). Ils perdaient rapidement la notion du lieu, du temps, de leur identité. Devenus
des corps sans âmes, indifférents à tout, ils pouvaient être libérés sans danger pour la
société.
Une technique semblable a été expérimentée en URSS où des détenus, après avoir subi
une désorientation complète et des interrogatoires fréquents, menaçants, sarcastiques,
interminables, étaient tout naturellement conduits à une confession publique.
C’est cependant la Chine qui a porté à la " perfection " (!) ce système, utilisé non pas
pour dépersonnaliser les détenus comme en Allemagne, ni pour susciter une confession
comme en URSS, mais pour une autre finalité autrement importante pour le régime : la
rééducation des opposants et leur utilisation comme main d’oeuvre gratuite pour
l’exécution de travaux dangereux (assainissement de marais, défrichement d’immenses
étendues). Le conditionnement était si efficace, que les malheureux en arrivaient à
solliciter, comme une faveur, leur admission dans les camps de travail où la mortalité
était effroyable.
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L’hynotisme et la torture ne sont pas les seuls moyens d’attenter au psychisme humain.
Dès le XIX° siècle on a pensé à utiliser des anesthésiques, pour faciliter l’induction
hypnotique chez des sujets réfractaires. Au début on utilisait l’éther et le chloroforme
en légères inhalations.
On songea ensuite au chlorure d’éthyle (l’anesthésiant des dentistes).Dans les années
192O le docteur Pascal Brotteaux mit au point une association médicamenteuse
(scopolamine -chloralose) qui présentait l’avantage de permettre une utilisation de
l’hypnose pratiquement dans tous les cas.
Cette technique avait aussi, à une époque de discrédit persistant de l’hypnose,
l’avantage de la réintroduire hypocritement, sous une forme rassurante pour des
praticiens, peu soucieux de s’attirer les foudres de l’orthodoxie médicale.
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Ces recherches étaient faites dans un but strictement thérapeutique et humanitaire.
Pendant la guerre mondiale, il en fut autrement : à Dachau, un laboratoire dirigé par le
docteur Plotner fit des tests systématiques en vue de découvrir le moyen radical
d’annihiler la volonté d’un sujet.
La mescaline, drogue aux propriétés dites " psycho-dysleptiques " (modifiant l’activité
psychique), très dangereuse pour des êtres déjà destabilisés, était administrée
subrepticement aux prisonniers juifs, tziganes, russes et généralement à tous ceux que,
de toutes façons, les nazis voulaient éliminer. Sous l’effet de la drogue certains
devenaient prostrés, d’autres exubérants, le reste fous furieux. La plupart, ainsi placés
en état second révélaient leurs secrets les plus intimes.
Parallèlement , le médecin suisse Albert Hoffmann découvrait, par hasard, en
expérimentant sur lui-même, les effets du LS.D, synthèse dérivée de l’ergot
(champignon attaquant le seigle). Il constata ainsi que ces effets sont plus puissants des
milliers de fois que ceux de la mescaline, et un million de fois que ceux du haschisch.
Cette drogue, absorbée en quantité infinitésimale, provoque une dissociation de la
personnalité, des hallucinations et un état psychopathique, allant du délire de
persécution et des réactions d’anxiété jusqu’aux crises de mégalomanie et aux conduites
suicidaires. Par un usage répété on produit une psychopathie permanente.
C’est à la même époque qu’aux Etats-Unis,le bureau des services stratégiques connu
sous le nom d’O.S.S. entreprit des recherches destinées à la découverte de drogues
" capables de créer un état d’irresponsabilité rendant un sujet loquace et prêt à livrer
des renseignements sans la moindre contrainte " . Son choix se fixa après de
nombreuses expériences sur la marijuana qui permit, par exemple, de faire révéler par le
gangster Del Gracio tous les dessous d’un trafic de drogue.
Après la guerre, des recherches de même nature permirent aux Américains de
sélectionner le fameux Penthotal - appelé " sérum de Vérité "-, la Meta-amphetamine,
et enfin la super-drogue hallucinogène connue sous le nom de B.Z, aux effets 10 fois
plus puissants et durables que le L.S.D. Toutes ces drogues ont pour " intérêt ", dans la
perpective d’une guerre secrète, de permettre une manipulation psychique de sujets et
leur conditionnement pour l’accomplissement de tous actes suggérés, y compris le
meurtre.
Au siècle du progrès technique, il était fatal que l’électricité et l’acoustique retiennent
l’attention des praticiens du conditionnement humain. On commença par l’utilisation
des basses fréquences électriques, transmises au cortex cérébral par des électrodes
posées sur le front, les tempes ou l’arrière de la tête, ce qui permit de provoquer un
sommeil plus ou moins profond, avec des phases de suggestibilité. Le même effet fut
obtenu à l’aide des ultrasons.
Avec les irradiations par micro-ondes, on put altérer plus ou moins fortement le rythme
normal des ondes du cerveau en provoquant des modifications de perceptions et des
hallucinations.
Les recherches de ce genre étaient destinées à vérifier concrètement les possibilités de
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réalisation du vieux rêve de certains militaires : provoquer à distance un assoupissement
de nombreuses personnes, augmenter ainsi leur suggestibilité afin de leur imposer des
idées , des impulsions et des ordres .
Cette problématique fut également à l’origine d’une autre recherche qui paraît
directement issue de la science-fiction :après implantation chirurgicale de récepteurs
radio dans le cerveau , on espérait - par des impulsions appropriées - se rendre maître
du psychisme de l’individu.
Le professeur Rémy Chauvin ( Les défis de la guerre future -Ed.France-Empire) décrit des
expériences de cette nature réalisées sur des singes et des rats. De même, des taureaux
de combat et des mules très rétives, ont pu être domptés par José Delgado, professeur à
l’académie des sciences de New-york.
Avec les électrochocs qui provoquent un état hypnotique ultra-rapide, et la
psychochirurgie, agression directe sur le cerveau, permettant de transformer de façon
irréversible la personnalité d’un sujet, on atteint des sommets dans l’inhumanité.
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J’ai cherché à donner un aperçu aussi complet que possible des méthodes permettant à
des individus peu scrupuleux de " faire main basse sur les cerveaux " selon l’expression utilisée par John Marks (Main basse sur les cerveaux -Alta-Coll. Thèmes et
témoignages –1979)
Bien que très sommaire, ce tableau montre que, par
une technique
hypnotique, par une méthode complémentaire ou substitutive
de l’hypnose, ou par une combinaison habile de plusieurs
d’entre elles ,les manipulateurs psychiques disposent de
moyens d’action d’une efficacité redoutable.
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