Le diagnostic de Trouble du Spectre Autistique aujourd`hui

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Vol. 28 Nr. 2 2017
Formation continue: troubles du spectre autistique
Le diagnostic de Trouble du Spectre Autistique aujourd’hui: une évaluation complète
au bénéfice de l’enfant et de sa famille
munication sociale et comportements intérêts activités), il est spécifié si les symptômes
présentés nécessitent une aide très importante, importante ou simplement «de l’aide»,
ces niveaux d’aide étant décrits.
Sabine Manificat, Lausanne
Des évaluations standardisées
Les Troubles du Spectre de l’Autisme (TSA)
recouvrent des tableaux cliniques très variés,
et leur fréquence (prévalence moyenne
1/100)1) justifie pleinement que nous cherchions à améliorer leur repérage, leur confirmation et leur description fine, afin d’apporter
au plus vite une aide «sur mesure» en fonction
des caractéristiques repérées.
Le consensus scientifique international les
considère comme l’expression d’un dysfonctionnement cérébral d’origine multifactorielle,
sous la dépendance d’une hérédité polygénique et de facteurs environnementaux (infections, toxiques, souffrance fœtale…). Cependant, l’ensemble des causes de ce
dysfonctionnement, les structures cérébrales,
les mécanismes neurobiologiques et les perturbations neurobiochimiques impliqués
restent encore à préciser.
Les recommandations internationales pour le
TSA2)–4) s’accordent à dire l’importance d’une
procédure diagnostique réalisée par une
équipe pluridisciplinaire, formée, entrainée,
utilisant des outils d’évaluation standardisés.
Loin d’être une démarche purement nosographique, nous prônons le «diagnostic action»,
dans lequel la rencontre avec l’enfant ou
l’adulte va consister en un bilan interdisciplinaire pour préciser le diagnostic mais aussi le
fonctionnement de cet enfant, veillant à repérer toutes les forces sur lesquelles pourront
s’appuyer les accompagnants de l’enfant au
décours de la démarche diagnostique, et
conduisant naturellement à des propositions
personnalisées d’intervention.
Le trouble du spectre autistique:
définition actuelle
Les TSA sont des troubles graves du développement de l’enfant. Débutant avant l’âge de
30 mois, ils sont caractérisés par une incapacité à établir des relations sociales normales,
un manque d'intérêt et de réactivité pour autrui; une absence ou de graves anomalies de
la communication verbale et non verbale; des
comportements stéréotypés et une diminution des activités spontanées et imaginatives.
Jusqu’en mai 2013, les classifications interna-
tionales (DSM-IV5) , CIM 106)) définissaient
ces troubles de façon catégorielle, les différentes catégories reposant sur le repérage
qualitatif et quantitatif de symptômes (la
triade autistique), prenant en compte l’âge
d’apparition des troubles. Ainsi, pour mémoire, on retrouvait sous l'appellation de
troubles envahissants du développement
(TED): l'autisme, le syndrome d’Asperger, le
trouble envahissant du développement non
spécifié (TED-NS), le trouble désintégratif de
l’enfance, le syndrome de Rett.
Avec la parution de la classification DSM-5
(voir Tableau 1) 5) , la définition du TSA est devenue dimensionnelle. La variation interindividuelle de la symptomatologie de ces
troubles développementaux a conduit à privilégier une description des symptômes observés par dimension, ce qui va permettre notamment un phénotypage plus précis dans le
cadre des recherches. Ainsi, par exemple, la
catégorie «syndrome d’Asperger» n’existe
plus mais se retrouve sous la forme de «TSA
sans déficit intellectuel associé, sans altération du langage associée». De même, le syndrome de Rett devient un diagnostic différentiel. Par ailleurs, dans cette nouvelle
classification, l’altération des interactions
sociales réciproques et l’altération de la communication sont regroupées en «déficits
persistants de la communication et des interactions sociales observés dans des contextes
variés». Enfin, l’âge de début des troubles,
devant être dans la DSM-IV inférieur à 3 ans
(ce qui entre autre distinguait syndrome
d’Asperger et Autisme), est nuancé dans la
DSM-5, spécifiant que «le trouble, bien que
présent précocement dans le développement
peut ne devenir manifeste que plus tardivement» (cf critère C).
Un autre apport de cette nouvelle définition
du TSA est qu’elle intègre la notion de sévérité du trouble. En lien avec la notion de
spectre, qui soutient la notion de gradation
des symptômes, la répercussion de ceux-ci
sur le fonctionnement de la personne et sur
les limitations que cela entraîne est spécifiée;
pour chacun des 2 critères principaux (com-
18
Le choix des instruments va dépendre à la fois
de l’âge et du profil de la personne examinée.
D’une façon générale, le bilan au Centre Cantonal Autisme comporte:
Des échelles diagnostiques
En évaluation directe, l’Autism Diagnostic Evaluation Schedule (ADOS-2)7) se décline en 5
modules choisis en fonction de l'âge et du niveau de langage expressif de l'enfant. Il consiste
en la présentation d’activités ludiques au cours
desquelles le comportement social et communicationnel de l’enfant est observé, ainsi que
ses intérêts et son pattern d’activité. La cotation de l’évaluation est retenue significative en
faveur d’un TSA lorsque le score seuil est atteint. Un score de comparaison permet également de s’exprimer sur le degré de sévérité du
trouble (minimal/faible/ modéré/élevé).
En évaluation indirecte, c’est l’interview
ADI-R 8) qui va guider l’entretien avec un informant, parent le plus souvent, qui connaît bien
la personne et notamment qui l’a bien connue
à l’âge de 4–5 ans (âge cible de l'algorithme
diagnostique). La limite de cet instrument est
en lien direct avec l'informativité des parents,
celle-ci pouvant être moindre lorsque l'enfant
est déjà grand, a fortiori s'il appartient à une
grande fratrie.
Des outils d’évaluation cognitive/développementale
Là aussi, le tableau clinique et l’âge vont nous
guider pour le choix d’un instrument: Mullen
scales9) chez le tout petit, WPPSI-IV10), WISCV11), WAIS-IV12) chez l’adulte sont les plus fréquents en contexte francophone.
Dans certains cas (lorsque l’enfant ne peut
répondre à un test où le langage verbal tient
une place importante), on aura recours au
WNV13), ou au PEP 314), qui donnera une idée du
développement de l’enfant et surtout sera un
guide pour construire l’intervention qui lui
conviendra.
Le profil obtenu lors de ces tests est également un argument en faveur du TSA: classiquement hétérogène, ce profil montrera des
forces dans le domaine non verbal ou au
contraire dans le domaine verbal.
Formation continue: troubles du spectre autistique
Trouble du spectre de l’autisme
299.00 (F84.0)
A.Déficits persistants de la communication
et des interactions sociales observés
dans des contextes variés. Ceux-ci
peuvent se manifester par les éléments
suivants, soit au cours de la période
actuelle, soit dans les antécédents (les
exemples sont illustratifs et non exhaustifs):
1.Déficits de la réciprocité sociale ou
émotionnelle allant, par exemple,
d’anomalies de l’approche sociale et
d’une incapacité à la conversation bidirectionnelle normale, à des difficultés à partager les intérêts, les émotions et les affects, jusqu’à une
incapacité d’initier des interactions
sociales ou d’y répondre.
2.Déficits des comportements de communication non verbaux utilisés au
cours des interactions sociales, allant,
par exemple, d’une intégration défectueuse entre la communication verbale et non verbale, à des anomalies
du contact visuel et du langage du
corps, à des déficits dans la compréhension et l’utilisation des gestions,
jusqu’à une absence totale d’expression faciales et de communication non
verbale.
3.Déficits du développement, du maintien et de la compréhension des relations, allant, par exemple, de difficultés à ajuster le comportement à des
contextes sociaux variés, à des difficultés à partager des jeux imaginatifs
ou à se faire des amis, jusqu’à l’absence d’intérêt pour les pairs:
Spécifier la sévérité actuelle:
La sévérité repose sur l’importance
des déficits de la communication
sociale et des modes comportementaux restreints et répétitifs.
B.Caractère restreint et répétitif des comportements, des intérêts ou des activités, comme en témoignent au moins
deux des éléments suivants soit au
cours de la période actuelle soit dans les
antécédents (les exemples sont illustratifs et non exhaustifs):
1.Caractère stéréotypé ou répétitif des
mouvements, de l’utilisation des objets ou du langage (p. ex. stéréotypies
motrices simples, activités d’alignement
des jouets ou de rotation des objets,
écholalie, phrases idiosyncrasiques).
2.Intolérance au changement, adhésion
inflexible à des routines ou à des modes
comportementaux verbaux ou non verbaux ritualisés (p. ex. détresse extrême
provoquée par des changements mineurs, difficulté à gérer les transitions,
modes de pensée rigides, ritualisation
des formules de salutation, nécessité de
prendre le même chemin ou de manger
les mêmes aliments tous les jours).
3.Intérêts extrêmement restreints et fixes,
anormaux soit dans leur intensité, soit
dans leur but (p. ex. attachement à des
objets insolites ou préoccupations à propos de ce type d’objets, intérêts excessivement circonscrits ou persévérants).
4.Hyper ou hyporéactivité aux stimulations
sensorielles ou intérêt inhabituel pour
les aspects sensoriels de l’environnement (p. ex. indifférence apparente à la
douleur ou à la température, réactions
négatives à des sons ou a des textures
spécifiques, actions de flairer ou de
toucher excessivement les objets, fascination visuelle pour les lumières ou les
mouvements).
Spécifier la sévérité actuelle:
La sévérité repose sur l’importance des
déficits de la communication sociale et
des modes de comportementaux restreints et répétitifs.
C.Les symptômes doivent être présents dès
les étapes précoces du développement
(mais ils ne sont pas nécessairement pleinement manifestes avant que les demandes sociales n’excèdent les capacités
limitées de la personne, ou ils peuvent
masqués plus tard dans la vie par des stratégies apprises).
D.Les symptômes occasionnent un retentissement cliniquement significatif en termes
de fonctionnement actuel social, scolaire,
professionnel ou dans d’autres domaines
importants.
E.Ces troubles ne sont pas mieux expliqués
par un handicap intellectuel (trouble du
développement intellectuel) ou un retard
global du développement. La déficience
intellectuelle et le trouble du spectre de
Tableau 1: classification DSM-5 des troubles du spectre autistique
19
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l’autisme sont fréquemment associés.
Pour permettre un diagnostic de comorbidité entre un trouble du spectre de
l’autisme et un handicap intellectuel,
l’altération de la communication sociale
doit être supérieure à ce qui serait attendu pour le niveau de développement
général.
N.B.: Les sujets ayant, selon le DSM-IV, un
diagnostic bien établi de trouble autistique,
de syndrome d’Asperger ou de trouble
envahissant du développement non spécifié doivent recevoir un diagnostic marqués
de la communication sociale mais qui ne
répondent pas aux autres critères du
trouble autistique, l’existence d’un trouble
de la communication sociale (pragmatique)
doit être considérée.
Spécifier si:
Avec ou sans déficit intellectuel associé
Avec ou sans altération du langage associée
Associé à une pathologie médicale ou
génétique connu ou à un facteur environnemental
Associé à un autre trouble développemental, mental ou comportemental
Avec catatonie (se référer aux critères de
la catatonie associée à un autre trouble
mental)
Signaux d’alerte absolus chez le très
jeune enfant:
Absence de babillage, pointage, ou
autre geste à 12 mois
Absence de mots à 18 mois
Absence d’association spontanée (non
écholalique) de mots à 24
Perte de langage ou de compétence
sociale quel que soit l’âge
(d’après Baird et al, 2003)
Tableau 2: signes d'alerte d'un
développement atypique
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Des évaluations spécifiques: logopédique,
psychomotrice
Une évaluation du comportement adaptatif, à
l’aide de la VABS II (Vineland Adaptative Behaviour Scales).
La VABS II15) se présente sous la forme d’un
entretien semi-structuré avec les parents. Elle
permet d’apprécier les compétences de la vie
quotidienne (les soins généraux, comme la
toilette, se nourrir, s’habiller), la communication (écouter, parler, écrire), les compétences
motrices, les relations interpersonnelles, le
jeu et les loisirs, ainsi que les compétences
occupationnelles et l’autonomie. Les résultats
sont exprimés en équivalence d’âge, c'est-àdire que pour chaque domaine testé, le résultat exprime le niveau moyen de compétence
atteint par l’enfant dans ce domaine.
D’éventuelles échelles complémentaires, notamment pour évaluer les comorbidités (TDAH,
TOC, troubles dépressifs...)
Une consultation neuropédiatrique avec examen clinique et prescription d'un bilan paraclinique guidé par le tableau que présente
l'enfant complète de façon systématique
notre évaluation.
Des tableaux cliniques variés
La démarche diagnostique va se présenter de
façon très différente selon l'âge de l'enfant et
le contexte dans lequel elle intervient.
Le diagnostic précoce
Alerté dès 12 ou 18 mois par un développement atypique16) (cf tableau 2), avec retard de
la mise en place du langage, contact difficile
à obtenir chez l'enfant, mouvements stéréotypés, jeu répétitif, c'est très souvent le pédiatre
qui est à l'origine de cette demande, et de plus
en plus souvent il a déjà confirmé son impression clinique à l'aide du M-CHAT17) , afin
d'étayer son observation auprès des parents.
Les rencontres avec différents professionnels,
le fait d'assister à toutes les évaluations, regroupées sur une ou deux semaines, vont
permettre à ces parents de cheminer vers
l'idée d'un développement différent. C'est
pour eux aussi l'opportunité de bénéficier tout
de suite de conseils, de stratégies, pour aider
leur enfant à communiquer et pour savoir
comment aborder les difficultés du quotidien.
Ces situations d'enfants petits, à forte charge
émotionnelle, vont également conférer à
l'équipe diagnostique, si ce n’est pas déjà réalisé, un rôle de construction d'un réseau autour
Formation continue: troubles du spectre autistique
de l'enfant: logopédiste, psychomotricienne,
aide à domicile (Service éducatif itinérant), et
recherche du professionnel le plus enclin à
coordonner ce réseau de professionnels.
Ciblé comme une priorité dans toutes les recommandations internationales, le diagnostic
précoce revêt un caractère d'urgence, car le
délai que prendra la mise en place d'une intervention appropriée va faire le lit de toutes les
complications. De plus, chez l’enfant très
jeune la plasticité cérébrale laisse espérer une
modification significative de la trajectoire développementale.
Le Centre cantonal autisme de Lausanne
conduit actuellement, en rapport avec la politique cantonale, le déploiement régional de
structures d’intervention précoce pouvant
accueillir les très petits (de 18 à 36 mois) pour
un accompagnement développemental intensif de type Early Start Denver Model18) .
Le diagnostic de l'enfant non déficient en
scolarité primaire
S'il n'a encore jamais été évoqué, ce diagnostic va bien souvent apporter un apaisement,
donnant une explication à des comportements
parfois déroutants chez un enfant qui pourtant
semble doté de toutes les possibilités pour
comprendre et apprendre. Ici, la situation
scolaire est souvent délicate, cet enfant pouvant être perçu comme un perturbateur, ou
comme un enfant mal élevé, ce qui dans les
cas extrêmes conduit à son exclusion de la
scolarité.
Pour les parents, ce diagnostic arrive au terme
d'un véritable parcours du combattant, au
cours duquel ils ont dû mobiliser toutes leurs
ressources pour trouver comment gérer à la
fois les particularités de l'enfant (notamment
ses comportements problématiques), et les
critiques de leur entourage. Dans ce contexte,
énoncer le diagnostic d'autisme va avoir un
effet salvateur, pour autant que les troubles
secondaires au fonctionnement autistique
puissent être vite solutionnés par des interventions appropriées.
Le diagnostic de l'enfant déficient en
école spécialisée
Cette situation, encore rencontrée, devrait
tendre à disparaître. Le diagnostic d'autisme,
dans ce cadre-là visera à apporter un éclairage sur les freins au développement surajoutés par l'autisme à la déficience intellectuelle.
Il permettra un ajustement de l'accompagnement éducatif, avec notamment la mise en
route d’une communication alternative ou
augmentative. Souvent également, il sera
20
l'occasion de questionner à nouveau une piste
étiologique éventuelle, à la lumière de l'avancée des connaissances.
Le diagnostic de l'adolescent
Il peut être demandé au décours d'une hospitalisation motivée par une situation de crise
(épisode d'allure psychotique, épisode dépressif, passage à l'acte). Dans ce cas, une fois
l'épisode aigu jugulé, le fonctionnement de
l'adolescent évoque un trouble autistique, et ce
jeune nous est référé pour une évaluation.
Ou bien, l'adolescent nous est adressé au
terme d'un parcours qui ressemble à celui décrit ci-dessus pour les enfants d'âge primaire
non déficients. Ici, le TSA non reconnu et par
conséquent non pris en compte sur une longue
durée, s'accompagne de complications secondaires, soit sous la forme de troubles des apprentissages, troubles du comportement, désocialisation, ou situation d'abus de la part des
pairs, avec une très fréquente perte d'estime
de soi voire un authentique tableau dépressif,
avec un entourage parental complètement dépassé. Chacun des domaines de développement de l'enfant ayant progressé de façon indépendante, le tableau est fréquemment très
dysharmonique et l'autonomie limitée malgré
de bonnes compétences.
Dans ces situations complexes, les regards
pluridisciplinaires simultanés puis partagés
permettent de mettre en évidence les éléments qui conduiront au diagnostic. Bien
souvent, à la lecture d'un dossier très documenté, il est possible de retrouver ces mêmes
éléments, mais éparpillés dans le temps, et au
gré des rencontre avec différents professionnels, ce qui jusque là n'a pas permis d'extraire
les informations saillantes, qui au final conduiront au diagnostic.
Ce type de diagnostic donne un éclairage
nouveau à la problématique de cet adolescent
et peut/doit permettre une reprise de ses
apprentissages et de sa vie sociale, tout en
restaurant sa qualité de vie. Mais ce parcours
n’est pas simple, il fait appel à des professionnels (enseignants, thérapeutes, éducateurs…)
qui connaissent bien la pensée autistique et
sauront adapter leur intervention tout en traitant également les comorbidités.
Diagnostic différentiel et
comorbidités
Les troubles neurologiques et pathologies
associées sont décrits plus loin par l’équipe
neuropédiatrique, et nous ne mentionnerons
ici que les autres troubles relevant de l’examen pédopsychiatrique.
Formation continue: troubles du spectre autistique
Chez le petit, le diagnostic différentiel les plus
fréquents seront le retard simple de langage,
le trouble spécifique du langage (TSL), le retard
développemental non autistique. Il est parfois
difficile de différencier ces tableaux, d’autant
qu’ils peuvent être associés: l’enfant avec retard développemental a-t-il des difficultés à
communiquer du fait d’un manque de moyens
dans son répertoire ou bien parce qu’il a un
TSA surajouté? Quant au TSL, autrefois diagnostic d’exclusion, il est aujourd’hui admis
qu’il peut coexister avec un TSA.
Un peu plus tard, les difficultés sociales de
l’enfant d’âge scolaire pourront aussi s’inscrire dans un TDAH, une précocité intellectuelle, un syndrome de Gilles de la Tourette,
des Troubles obsessionnels compulsifs.
Chez l’adolescent, devant un tableau de retrait
social, on sera amené à différencier le TSA
d’une phobie sociale, de troubles dépressifs,
ou d’un épisode psychotique dans le cadre
d’un processus schizophrénique. Dans ce
cadre, l’anamnèse faisant préciser l’installation des troubles, la recherche de signes dans
la petite enfance, la recherche d’une prise de
toxiques, d’éléments hallucinatoires ou délirants, pourra orienter la réflexion.
L’annonce du diagnostic
Elle intervient au terme de ce parcours d'évaluation interdisciplinaire.
Auparavant, les différents professionnels qui
ont été amenés à rencontrer l'enfant ou sa
famille pendant les temps d'évaluation, se
concertent entre eux et avec les partenaires
du réseau de l'enfant, notamment la personne,
le plus souvent pédiatre ou pédopsychiatre,
qui l'a adressé.
Cette annonce est toujours un moment intense, au cours duquel nous partageons avec
les 2 parents, et avec l'enfant également
lorsqu'il est grand, toutes nos observations, le
cheminement qui nous a conduits à retenir ce
diagnostic, et ce que nous avons pu comprendre du fonctionnement de l'enfant.
Selon le contexte, cette annonce peut être
vécue comme un soulagement, lorsque les
parents peuvent enfin mettre un mot sur ce
fonctionnement différent de leur enfant, et
aussi comprendre que ce n'est pas leur modèle éducatif qui a généré ce trouble.
Il peut également être vécu comme un drame,
notamment chez les parents d'un petit enfant,
a fortiori premier-né, pour lequel les parents
n'ont pas d'élément de comparaison d'un développement typique, et espèrent que nous
n'allons pas retenir ce diagnostic.
Le diagnostic, et après?
Le diagnostic précoce doit conduire à une intervention immédiate, faisant appel à des
pratiques recommandées chez les très jeunes
enfants (par exemple Early Start Denver Model18)). Dans l'idéal, elle se veut globale, intensive, individualisée, appliquée par toutes les
personnes qui s'occupent de l'enfant. Elle vise
à stimuler tous les domaines de développement, avec une attention particulière à la
communication. Elle tend à rejoindre une trajectoire normale de développement ou tout au
moins à s'en rapprocher.
Chez les enfants plus grands, ce sont les
conclusions de l'évaluation diagnostique et du
fonctionnement de l'enfant qui vont indiquer
la conduite à tenir. Il peut s'agir de la mise en
place d'aide à la communication (aides visuelles, PECS19) , soutien gestuel, etc.), d'aide
à l'utilisation harmonieuse du corps, sous la
forme de séances de psychomotricité, d'aide
pour les praxies , sous la forme de séance
d'ergothérapie, d'aide à la socialisation, soit
par l'accompagnement par une aide individuelle, ou bien par la participation à un groupe
d'entraînement aux habiletés sociales.
Dans tous les cas, la reconnaissance d’un TSA
et de son expression propre chez un sujet
donné va être précieuse pour savoir comment
guider l’enfant concerné dans son développement, prévenir les complications et aider son
entourage pour faciliter son éducation et sa
participation à la vie familiale et sociale.
A toutes les étapes de cette démarche la place
du pédiatre est déterminante:
- détection, repérage des signaux d’alerte
dès le plus jeune âge, écoute des inquiétudes parentales,
- accompagnement des parents afin qu’ils
acceptent l’orientation vers une équipe
spécialisée dans le but d’évaluer le développement de leur enfant,
- apport de sa connaissance de l’enfant et de
son contexte familial lors de la synthèse
pluridisciplinaire qui va permettre de définir
une conduite à tenir appropriée
- soutien de cette famille en post diagnostic
- vigilance pour une mise en œuvre des interventions recommandées et suivi de l’évolution de l’enfant, en guidant les parents et en
facilitant leurs démarches (obtention d’une
place en garderie, inscription à l’AI, etc).
- accompagnement des parents dans leur
réflexion lorsque des choix doivent intervenir (notamment aux périodes sensibles
d’orientation).
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Correspondance
Dre Sabine Manificat
médecin adjointe
Allières
Av. de Beaumont 23
CH-1011 Lausanne
[email protected]
L'auteur ne déclare pas de soutien financier ni d’autres
conflits d’intérêt en relation à cet article.
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