HOMELIE DE L’ABBE C. GOUYAUD POUR LA FETE DE LA SAINTE FAMILLE DE JESUS, MARIE ET JOSEPH L’Evangile de la perte et du recouvrement de Jésus au temple est précieux car, en dehors des événements autour de la naissance de Jésus, c’est le seul épisode qui nous soit connu de ces trente années qu’on appelle à juste titre la « vie cachée », c’est-à-dire la vie enveloppée de silence, de Jésus. Je voudrais attirer votre attention sur ce seul fait qui est remarquable : Jésus a passé l’essentiel de sa vie dans le monde à l’abri du regard des hommes. Admirons cette pudeur et ne la déflorons pas par des spéculations pieuses de paparazzis mystiques qui éventent et évincent le mystère même de cette vie cachée. La Torah, la Loi juive, prescrivait à tout Israélite, à partir de la fin de sa treizième année, de se présenter au Temple aux trois grandes fêtes de Pâque, de Pentecôte et des Cabanes. On s’y rendait en caravane, qu’on appelle en grec « synode » (synodia), ce qui désigne une communauté en marche ; cette configuration exprime l’identité même d’Israël et de l’Eglise, peuple de Dieu pérégrinant dans l'histoire. On s’y rendait donc en caravane, en communauté en marche, en synode, laissant aux enfants une certaine latitude pour pèleriner avec qui ils souhaitaient au sein du groupe en marche. Ceci explique que Marie et Joseph ne se soient pas alarmés plus tôt de ne pas voir Jésus. Saint Luc, qui relate l’épisode, fait mention de trois jours qu’il faut certainement décomposer de la manière suivante : une journée pour retourner de Jérusalem vers Nazareth, une journée pour revenir sur leurs pas jusqu’à Jérusalem et une troisième journée pour, finalement, retrouver l’enfant Jésus au temple. Mais la mention de ces trois jours n’est pas anodine. Les trois jours de la perte et du recouvrement de l’Enfant Jésus au temple, pour sa première pâque, anticipent les trois jours de la dernière, de l’ultime pâque de Jésus dans ce monde. De telle sorte que le pape Benoit XVI disait que l’arc de la croix réunit, à travers ces trois jours, la première et la dernière pâque de Jésus. Marie fait part à son Fils de l’angoisse que nous devinons tous et qu’elle a partagée avec Joseph : « Ton père et moi, tourmentés, nous te cherchions ». Cette quête du Christ, quand nous le perdons, devrait nous animer ; le retrouver, toutes autres affaires cessants, devrait être notre seul impératif. Jésus, cependant, rectifie la formulation de Marie : à « ton père et moi », il répond « mon Père », opposant, d'une certaine manière, Dieu le Père à Joseph son père putatif. Et il justifie sa désobéissance apparente, que l'on pourrait assimiler à une fugue, par un devoir impérieux d'obéissance à son Père : « je me dois, il me faut être aux affaires de mon Père. » Jésus exprime ici sa pleine conscience de sa filiation divine. En outre, tout son agir est d'être fils. Enfin, il enseigne aux parents que les destins et la vocation de leurs enfants les dépassent. Les parents, à l'instar de Marie et Joseph, doivent apprendre à se détacher de leurs enfants car un amour fusionnel ou possessif comprend le risque de ne pas respecter le destin propre de leurs enfants. En même temps, et paradoxalement dans le contexte d'une supposée émancipation, saint Luc, en trois mots qui nous confondent tous, tant nous sommes avides de nous soustraire à toute dépendance, affirme la soumission de Jésus : et erat subditus illis : et il leur était soumis. Au temple, Jésus est chez son Père. Il est aussi chez lui. Assis au milieu des docteurs, il enseigne à l'âge de 12 ans avec l'autorité d'un rabbi, allant plus loin dans ses réponses que les questions ne le requièrent. Mais il laissera ses interlocuteurs en suspens dans leur étonnement, retournant pendant encore dix-huit années dans cette vie cachée de silence et de mystère. Amen 11 janvier 2015 Homélie retranscrite à partir d’un enregistrement. Si vous souhaitez recevoir l’homélie dominicale par courriel, veuillez le signaler à l’adresse suivante : [email protected]