CYTOGENETIQUE GENERALE Chapitre II La Méiose Introduction La première division cellulaire chez les eucaryotes que nous venons de voir est la mitose qui concerne les cellules somatiques et assure la naissance de cellules identiques à la cellule mère lors de la multiplication asexuée (elle conserve donc l'information génétique). La deuxième division cellulaire chez les eucaryotes que nous allons voir est la méiose qui aboutit à la production de cellules sexuelles ou gamètes pour la reproduction sexuée. Chez les animaux, la méiose est un processus se déroulant durant la gamétogénèse (spermatogenèse ou ovogenèse), c'est-à-dire durant l'élaboration des gamètes (les spermatozoïdes chez le mâle et les ovules chez la femelle) chez les espèces dites diploïdes. Chez les végétaux, la méiose produit des grains de spores dans les étamines. Elle donne des cellules haploïdes (cellules contenant n chromosomes) à partir de cellules diploïdes (cellule contenant 2n chromosomes) Chez l'homme, une cellule normale contient 2n = 46 chromosomes (donc 23 paires) alors qu'un gamète contient n = 23 chromosomes au cours de deux divisions). Chez les espèces haploïdes (comme la Sordaria macrospora), la méiose intervient après la fécondation pour diviser la cellule-œuf (à 2n chromosomes). Mais en plus de ce rôle de division, la méiose a un rôle important dans le brassage génétique (mélange des gènes) et ce, grâce à deux mécanismes de brassage : le brassage inter-chromosomique et le brassage intrachromosomique). Ainsi, durant la méiose, la quantité d'ADN au sein de la cellule évolue au cours du temps. Chaque cellule va donc séparer son patrimoine génétique (contenu dans des chromosomes) en deux afin de ne transmettre que la moitié de ses gènes aux cellules filles. Les différentes étapes de la méiose La méiose est un cycle cellulaire qui se déroule en plusieurs étapes regroupées en deux divisions cellulaires, successives et inséparables. Les deux divisions méiotiques sont : - la division réductionnelle ou méiose I ou méiose réductionnelle. - la division équationnelle ou méiose II ou méiose équationnelle. A] La méiose I ou méiose réductionnelle Pendant que dans la mitose nous partons d’une cellule 2n = 2C pour aboutir à deux cellules filles 2n = 2C chacune, la méiose réductionnelle part d’une cellule 2n = 2C pour donner deux cellules filles 1n = 2C chacune. Les phases de la méiose I sont : - La prophase I - La métaphase I - L’anaphase I - La télophase I NB. La méiose est précédée d’une interphase, comme à la mitose, avec la phase S où on a le dédoublement des chromosomes. Après cette interphase, les différentes phases de la méiose I peuvent commencer. 1) La prophase I C’est la phase la plus longue de la méiose I et aussi la plus longue de toute la méiose. Elle se subdivise en 5 sous-phases : le leptotène, le zygotène, le pachytène, le diplotène et la diacinèse. Le Leptotène (du grec leptos = mince et taenia = le ruban) Le leptotène marque le début de la condensation de la chromatine et l’attachement des télomères (extrémités des chromosomes) à l'enveloppe nucléaire par la plaque d'attache. Ici les chromosomes, dupliqués, sous forme de filaments fins irréguliers deviennent visibles et individualisés par la condensation. Cette condensation va continuer jusque à la fin de de la prophase. Ce début de condensation fait apparaître, le long de ces filaments fins, des zones bien limitées en forme de spirale qui vont croissantes : les chromomères. Ce sont des zones d’épaississement très colorables. Au leptotène, le rapprochement de chromosomes homologues a commencé mais aucune paire de chromosomes homologues n’est observable. Les centrioles, dédoublés, commencent leur migration vers les pôles. Le zygoène (Zygos = joug et ten = filament) C’est la seconde phase de la prophase I. Au cours du zygotène, La migration des centrioles aux pôles se poursuit. La condensation se poursuit. C’est le début de l’appariement des chromosomes homologues. C’est la formation des synapsis. NB dans une cellule diploïde, il y a un lot de chromosomes venant de la mère et un lot venant de père. Un chromosome dans un lot a son semblable dans l’autre lot. Les deux chromosomes ainsi identifiés sont appelés des homologues. L’appariement des chromosomes homologues se fait par la formation du complexe synaptonémal ou synapton. Il y a aussi une convergence des télomères vers le centromère (un peu comme une fermeture éclair). Les phénomènes de crossing-over (enjambement) s’observent dans cette phase. A la fin, il y a organisation « en bouquet » des chromosomes. L'ensemble des deux chromosomes homologues ainsi en bouquet prend le nom de tétrade (car 4 chromatides réunies deux à deux par leur centromères) ou un bivalent (car 2 chromosomes). NB. Cette zygotène est caractéristique de la méiose. Elle n’existe pas dans la mitose. Le pachytène (Packhus = épais) C’est la phase la plus longue de la prophase I (environ 2semaines pour des spermatozoïdes humains). Appariement strict des chromosomes homologues et apparition des nodules de recombinaison et de nodules tardifs qui permettent les enjambements ou crossing-over (échanges entre chromatides homologues). Cette phase a une importance considérable dans le brassage chromosomique. Le stade pachytène est donc marqué par l'achèvement du synapsis c’est-àdire la formation des bivalents. Pour exemple : chez l’homme, les chromosomes appariés constituent 22 bivalents autosomiques et 01bivalent sexuel condensé sous forme d'une vésicule sexuelle (VS) chez le mâle. Les chromosomes se condensent progressivement jusqu'à atteindre leur maximum ce qui permet d’observer les tétrades ou bivalents qui sont plus courts et épais et nets. Les échanges de matériel génétique entre chromosomes homologues est bien visible. Les crossing-over sont bien visibles. Le Diplotène(diploos = double) Dans cette phase, les chromosomes, homologues, commencent à se séparer avec la désintégration du complexe synaptonémal (désynapsis): les centromères s'éloignent l'un de l'autre. Les bivalents restent réunis (attachés) en certains points appelés chiasmas. Au niveau de ces points deux des quatre chromatides semblent s'entrecroiser (chiasma). Ces points sont généralement la manifestation morphologique d'échange de matériel génétique entre deux chromatides (de deux chromosomes homologues) c'est à dire le crossing-over. Pour le bon déroulement de la méiose il en faut au minimum un crossingover par chromosome (en moyenne 2-3). Il y a décondensation de la chromatine et formation des grandes boucles permettant un fort taux de transcription. Ce stade peut durer des jours ou même des années, selon le genre de d'organisme et son type (ovocytes de 1er ordre dans l'ovaire bloqués dans le stade diplotène jusqu'à leur transformation en ovocytes de 2e ordre, c'est-à-dire de la vie fœtale à chaque cycle adule chez la femme). La transcription des chromosomes est très active au cours du stade diplotène, notamment chez les femelles car l'œuf se consacre activement au stockage du matériel qui sera utilisé dans les toutes premières divisions du développement embryonnaire (dans la segmentation). La diacinèse (dia = à travers et kinesis = mouvement) : C'est une étape de transition entre le stade diplotène et la métaphase. Elle marque la fin de la prophase I. Au cours de ce stade, les chromosomes se condensent à nouveau. Ici les chromosomes homologues raccourcissent et se condensent une fois de plus au maximum. On observe la recondensation de la chromatine avec détachement des télomères de l'enveloppe nucléaire et le glissement des chiasmas vers les télomères (terminalisation des chiasmas). À la fin, il y a disparition de l'enveloppe nucléaire. Remarques R1 Le diplotène de la prophase I peut durer plusieurs années chez l'ovocyte. En effet au cours de ce stade, l'ovocyte I augmente de volume, la décondensation des chromosomes permet la synthèse d'ARN messager et d'ARN ribosomiques qui seront stockés dans le cytoplasme et serviront de réserve pour le futurzygote lors des premières division de segmentation. R2 Une des particularités de la méiose est la formation de bivalents. Après cette longue phase qu’est la prophase I, on passe à la métaphase I 2) La métaphase I La métaphase I, la membrane nucléaire et les nucléoles disparaissent. Les paires de chromosomes homologues (bivalents) se placent de part et d'autre du plan équatorial (PE). Pour chaque bivalent, les centromères se placent de part et d'autre ainsi qu'à égale distance du plan équatorial. Leur orientation se fait de façon aléatoire : on appelle ce phénomène la « ségrégation indépendante ». Cette ségrégation permet un second degré de diversification des cellules-filles : le brassage interchromosomique Comme pour la mitose, un fuseau de microtubules se forme à partir des pôles du noyau. Des microtubules kinétochores s'attachent aux kinétochores de chaque chromatide. Notons que pour chaque bivalent, un chromosome est attaché par des microtubules kinékoriens d’un pôle tandis que son homologue est attaché par des microtubules kinékoriens du pôle opposé. Les microtubules polaires sont toujours présents. Pendant que les centromères se placent de part et d’autre de la PE, les chiasmas se placent sur la PE. 3) L’anaphase I Rupture des chiasmas, migration des chromosomes homologues aux pôles opposés. Chaque chromosome s'éloigne de son homologue, tiré par des microtubules kinétochoriens (microtubules accrochés à un kinétochore au niveau d'un centromère) dû à la dépolymérisation de tubuline. Il n'y a pas clivage des centromères, ceci est dû au fait que la cohésine persiste au niveau du centromère et se s’attachent pas aux deux faces du centromère. Conséquence, seules les paires de chromatides sont séparées mais non pas les chromatides sœurs elles-mêmes. Les chromosomes homologues se disjoignent (en conservant leurs deux chromatides) suite au raccourcissement des fuseaux de division qui entraînent le centromère vers un des pôles de la cellule. Remarque. Cette phase peut se subdiviser en préanaphase et en anaphase. 4) La télophase I et cytodiérèse Les enveloppes nucléaires réapparaissent dans chaque cellule autour des deux lots de chromosomes homologues, il y a donc formation de deux cellules haploïdes à n chromosomes à deux chromatides (chromosomes bichromatidiens)(1n chromosomes = 2C). La cellule se divise en deux, grâce à un anneau contractile fait d'actine et de myosine. NB. Une nouvelle enveloppe nucléaire se forme autour des paires de chromatides respectives, formant deux noyaux haploïdes, contenant chacun une seule paire de chromatides. Le terme de division réductionnelle ou méiose réductionnelle vient du fait qu'elle implique un passage de diploïde (cellule mère) à haploïde (cellules filles). La cellule se divise à son tour par cytokinèse ou cytodiérèse. Elle correspond à la séparation de la cellule initiale (cellule mère) diploïde en deux cellules filles renfermant chacune n chromosomes (haploïdes) à deux chromatides (1n = 2C). La cytodiérèse est suivie d’une courte interphase sans phase S. cette courte interphase qui en fait est une interphase II marque le début de la méiose II ou méiose équationnelle. B] La Méiose II ou méiose équationnelle L’interphase II ou (intercinèse) qui marque la fin de la méiose I et le début de la méiose II est très courte parce que les chromosomes sont déjà contractés. Notons que à la fin de la méiose I, nous avons deux cellules filles haploïdes, avec des chromosomes à deux chromatides (1n = 2C), ce qui veut dire que l'ADN est déjà répliqué. Il n'y a donc pas de doublement de matériel génétique durant l'intercinèse ; c’est pourquoi on dit qu’il n’y a pas de phase S. Les différentes phases de la méiose II : - La prophase II - La métaphase II - L’anaphase II - La télophase II Pour beaucoup de scientifique, cette méiose II est identique à la mitose à la seule différence qu’elle évolue avec 1n chromosomes. Ce qui les intéresse plus est le produit de cette méiose II. 1) La prophase II Les chromosomes se contractent plus. Le nombre n de chromosomes est bien visible. Chaque cellule haploïde, formée lors de la télophase 1, contient une paire de chromatides d'origine maternelle ou paternelle, mais dont les gènes sont constitués d'éléments mixtes suite au phénomène d'enjambement Formation du fuseau. Disparition des enveloppes nucléaires et recondensation de la chromatine. La prophase II est identique à la prophase I, avec une quantité de chromosomes à deux chromatides divisée par deux. 2) La Métaphase II A la métaphase II, il y a alignement des chromosomes sur la plaque équatoriale : les chromosomes viennent se placer, avec leur centromère, sur la plaque équatoriale. Comme lors de la métaphase mitotique, les fuseaux de microtubules se forment et maintiennent les centromères des chromatides au niveau du plan équatorial. Chaque chromosome est attaché par deux ses deux faces par des microtubules kinétochoriens venant des deux pôles opposés. Remarques R1. A la métaphase II, le fuseau de microtubules est perpendiculaire au fuseau de la métaphase I ; du coup, le plan d’alignement, des chromosomes, est aussi perpendiculaire au plan d’alignement des chromosomes à la métaphase I. R2 Pour les deux cellules, les deux plaques équatoriales sont alignées. R3. Les chromatides sont encore maintenues ensemble par la cohésine. 3) L’anaphase II Nous assistons au clivage des centromères, des chromosomes, grâce à la protéolyse de la cohésine par la séparase. Il y a une ségrégation (aléatoire) des chromatides sœurs. Ces chromatides sœurs, de chaque chromosome, se séparent et migrent vers des pôles opposés de la cellule sous l’action des microtubules kinétochoriens et polaires. Contrairement à la division « réductionnelle » de l'anaphase 1 qui sépare deux paires de chromatides, la division « équatoriale » de l'anaphase II sépare les chromatides sœurs, comme dans l'anaphase de la mitose. 4) La télophase II Cette phase est appelée aussi anaphase et cytodiérèse II. A cette phase, nous avons la reconstitution de la membrane nucléaire autour de chaque lot de chromatides aux quatre pôles. Chaque cellule (« mère » 1n = 2C) se divise donnant naissance à deux cellules, toujours haploïdes, mais ne contenant chacune qu'une chromatide (« filles « 1n = 1C). Nous avons alors la formation de quatre cellules filles à n chromosomes à un chromatide. Remarques R1. Les 4 cellules haploïdes issues de la méiose possèdent n chromosomes simples. R2 La deuxième division de la méiose est une division équationelle, c'est-àdire que les cellules filles auront le même nombre de chromosomes que les cellules mères. Les 4 cellules produites lors de la méiose seront donc haploïdes. R3 Après la télophase II il s’en suit une « interphase III » qui donne le vrai produit de la méiose (la tétrade = future grains de pollen). Cette interphase trois de finaliser les produits de la méiose : - Formation de grains de pollen - Formation de spermatozoïde - D’ovule C] Résumés de la méiose 1) Une vue d’ensemble de la méiose La méiose consiste en une succession de deux divisions cellulaires. 1 2 3 4 5 Méiose I Réductionnelle Divise par deux le nombre de chromosomes Précédée d’une phase S Permet de distribuer les chromosomes homologues (répliqués et recombinés) entre les deux cellules filles Résultat = deux cellules Méiose II Equationnelle Divise par deux la quantité d’ADN Non précédée d’une phase S Permet de séparer les chromatides au niveau du centromère (comme dans une mitose) Résultat = quatre cellules qui ne sont pas nécessairement génétiquement identiques (sauf en nombre de chromosomes) 2) Les étapes de la méiose 1 2 3 4 Méiose I Méiose II Prophase I - Précédée d’une phase S - Longue de 5étapes (leptotène-zygotènepachytène-diplotènediacinèse) - Synapsis et crossing over (enjambement) Métaphase I Anaphase I Télophase I Prophase II - Non précédée d’une phase S - courte Métaphase II Anaphase II Télophase II 3) comparaison mitose-méiose Mitose Affecte les cellules somatiques Méiose Affecte les cellules germinales 1 division nucléaire après une 2 divisions nucléaires après une phase S seule et unique phase S 1 cellule mère Diploïde 2N (2n = 2C) 1 cellule mère Diploïde 2N (2n = 2C) Donne 2 cellules Diploïdes 2N (2n = 2C) Donne 2 cellules Haploïdes N (n = 2C) Donnent 4 cellules Haploïdes N (n = 1C) Structure génétiquement identique à la cellule mère Production somatiques de Réarrangement de la structure génétique cellules Production de gamètes (cellules reproductrices) 4) schéma complet de la méiose Dr TIECOURA Kouakou Laboratoire de Génétique Spécialité : amélioration des espèces végétales Université FHB de Cocody-Abidjan